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627. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Propriétaire viager ou, si l’on veut, locataire à vie de la maison qu’il occupe, ayant ainsi le sentiment du chez-soi, l’ouvrier du Hartz, en sa qualité de membre de la corporation des mines, « possède sur les richesses minérales et forestières de ce district une sorte d’hypothèque légale qui le garantit, ainsi que sa famille, contre toutes les éventualités fâcheuses qui peuvent se présenter. » Il a non seulement l’habitation et le jardin qui y tient, il a le droit de récolter à titre gratuit dans les forêts domaniales le bois de chauffage ; le blé lui est assuré à un prix invariable et toujours au-dessous de celui du marché. […] La famille de l’ouvrier vassal, telle qu’elle existe encore dans des contrées du nord et de l’est de l’Europe, se développe dans son humble sphère avec sécurité, et même avec une sorte de majesté. […] Jamais la statistique n’avait encore été traitée de la sorte ni serrée d’aussi près, de manière à rendre tous les enseignements qu’elle contient, et rien que ce qu’elle contient.

628. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Le préfet de la Seine est une espèce de ministre, tandis que celui de Digne est une sorte de sous-préfet… Il faut aujourd’hui qu’un préfet de Paris, ayant un Conseil de maires et un Conseil municipal, administre sans exception tout ce qui est recette et dépense, et, en général, tout ce qui est matière d’administration. […] Comme le dit son ami Regnaud de Saint-Jean-d’Angély, d’un mot expressif à la fois et indulgent, « ce jour-là et à cette heure-là, Frochot fut frappé d’une sorte d’apoplexie morale. » Il n’en revint, une demi-heure après, que par un autre mouvement excessif, et qui peint bien le désordre de sa pensée ; lorsqu’il apprit que tout ce qu’il avait cru d’abord n’était qu’une déception et qu’un rêve, quand les écailles tout à coup lui tombèrent de dessus les yeux : « Ah ! […] Combien de vieux soldats, de généraux même, après Waterloo, recoururent à la bêche, à la charrue, et y cherchèrent la distraction de la défaite, l’oubli de l’affront national, avec acharnement et une sorte de rage !

629. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Une âme délicate éprouve une sorte de dégoût pour la langue dont les expressions se trouvent dans les écrits de pareils hommes. […] Il faut soutenir chaque absurdité dont est formée la longue chaîne qui conduit à la résolution coupable ; et le caractère resterait, s’il est possible, plus intact encore après des actions blâmables que la colère aurait inspirées, qu’après ces discours dans lesquels la bassesse ou la cruauté se distillent goutte à goutte avec une sorte d’art que l’on s’efforce de rendre ingénieux. […] de mettre enfin au service du pouvoir injuste cette sorte de talent sans conscience, qui prête aux hommes puissants les idées et les expressions comme des satellites de la force, chargés de faire faire place en avant de l’autorité !

630. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Pascal, dans ses Provinciales, voulant adoucir pour les gens du monde l’amertume de la théologie et en rendre agréable l’austérité, s’y est pris de telle sorte que, faisant une démonstration de l’injustice, des erreurs et des scandales de ses adversaires, il n’a rien dit qui ne serve à cette démonstration : il n’a point mis l’agrément dans son sujet, il l’en a tiré ; ce qui est ornement est aussi argument, et ce qui plaît, prouve. […] Il me semble qu’un livre, un discours, une dissertation, ne doivent être qu’une sorte d’affleurement continu de la pensée, qui permet de suivre la direction et de sonder la richesse de la veine intérieure de l’esprit. […] Par une sorte de mirage, le désert s’était peuplé de clochers, de palais et de forêts.

631. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Mais l’opinion ici lui fit une sorte de violence. […] Une sorte de besoin amenait cette théologie, pour corriger l’extrême rigueur du vieux monothéisme, à placer auprès de Dieu un assesseur, auquel le Père éternel est censé déléguer le gouvernement de l’univers. […] [Greek : Metathronos], c’est-à-dire partageant le trône de Dieu ; sorte de secrétaire divin, tenant le registre des mérites et des démérites : Bereschith Rabba, V, 6 c ; Talm. de Bab., Sanhédr., 38 b ; Chagiga, 15 a ; Targum de Jonathan, Gen., V, 24.

632. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

lui créait une sorte d’infériorité. […] Des deux sœurs, l’une, nommée Marthe, était une personne obligeante, bonne, empressée 958 ; l’autre, au contraire, nommée Marie, plaisait à Jésus par une sorte de langueur 959, et par ses instincts spéculatifs très développés. […] Car vous ressemblez à des sépulcres blanchis 986, qui du dehors semblent beaux, mais qui au dedans sont pleins d’os de morts et de toute sorte de pourriture.

633. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Tous les récits sont d’accord pour lui prêter avant son arrestation un moment d’hésitation et de trouble, une sorte d’agonie anticipée. […] Il résulte de ces passages que Bethphagé était une sorte de pomoerium, qui s’étendait au pied du soubassement oriental du temple, et qui avait lui-même son mur de clôture. […] Cela se comprendrait d’autant moins que Jean met une sorte d’affectation à relever les circonstances qui lui sont personnelles ou dont il a été le seul témoin (XIII, 23 et suiv. ; XVIII, 15 et suiv. ; XIX, 26 et suiv., 35 ; XX, 2 et suiv. ; XXI, 20 et suiv.).

634. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Les mouvements rapides sont une sorte d’ivresse mécanique. […] On peut dire que c’est un pouvoir non appris d’accomplir des actions de toute sorte, et plus particulièrement celles qui sont nécessaires ou utiles à l’animal. […] C’était dans cette obscure région des phénomènes primitifs de la vie affective, qu’il fallait chercher les germes des plaisirs, douleurs, passions de toute sorte, que le jeu de la vie féconde, transforme, affine incessamment.

635. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Dans la première partie du récit, qui va jusqu’à la bataille de la Moskova, et qui n’est qu’une sorte d’introduction, M. de Fezensac, alors chef d’escadron et aide de camp du maréchal Berthier, se borne à bien saisir les faits d’un coup d’œil rapide et précis, selon que le lui permet sa position au centre. […] Les voitures de toutes sortes, et quelques-unes de la plus grande élégance, chargées d’objets précieux, vont pêle-mêle avec les fourgons et les charrettes qui portent les vivres. […] Un parlementaire envoyé par le général russe vint sommer le maréchal de mettre bas les armes ; on y joignait toutes sortes de compliments pour sa personne.

636. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

C’est une sorte de fête comparable à celle des vendanges, la fiesta de las juvias. […] Dans tous les genres de mort que l’on connaît, il y a toujours vers l’agonie des convulsions, des cris ou des râles indiquant une souffrance et une sorte de lutte entre la vie et la mort. […] Quand on appelait le chien, il répondait à l’appel ; il se levait et venait, après des sommations réitérées et avec une sorte de lassitude. […] Plus tard, le poumon fut considéré comme une sorte de calorifère dans lequel la masse du sang venait tour à tour puiser la chaleur que la circulation était chargée de distribuer à tout le corps. […] La pathologie nous fournit donc encore ici une sorte d’analyse et de synthèse fonctionnelle, comme cela se voit dans les expériences de rédintégration.

637. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Bien qu’il ne pût user de cet appareil britannique sans une sorte de répugnance, il ne croyait pas pouvoir s’en passer. […] Mais il ne riait jamais, ou il lui arrivait d’être saisi d’une sorte de rire convulsif qui le rendait malade. […] Mais il s’arrêta quand il vit Étienne tomber sur le divan dans une sorte d’anéantissement. […] Il entonna un chant qui commençait par des sons plaintifs, puis éclatait en une sorte de mélodie sauvage. […] Son mutisme donnait à son infatigable travail une sorte de gravité solennelle.

638. (1923) Paul Valéry

Et les ayant obtenues par une sorte d’interruption de ma vie (adorable suspens de l’ordinaire durée) je veux encore que je divise l’indivisible et que je tempère et que j’interrompe la naissance même des idées. » Voilà la nature intérieure immobilisée, vérifiée, disciplinée par l’artiste ingénieur, le « génie » adapté à son sens militaire. […] Teste représente une sorte d’hyperbole qui est au Léonard de l’Introduction ce que la géométrie de l’espace à n dimensions est à celle d’Euclide, Mais, au contraire de la géométrie méta-euclidienne, c’est une hyperbole peut-être trop commode. […] « C’est par une sorte d’induction, dit Valéry, par le produit d’images mentales, que toute œuvre d’art s’apprécie. » En d’autres termes le style de l’œuvre a pour effet, sinon pour objet, de déclencher dans le public, dans l’amateur, dans le critique, un style de l’appréciation, du goût, de la sympathie, de la joie. […] Et l’on peut concevoir la critique comme une sorte de philologie comparée, qui établit les racines et les mouvements communs de deux langues ou de deux techniques, dont chacune comporte son développement autonome et a des chances d’être mal parlée par qui en mélangerait l’emploi. […] La critique qui cherche à ramener à un signe algébrique, à un « caractère » unique, des réalités en apparence si distinctes aurait besoin ici d’une sorte d’idée platonicienne (ou de schème dynamique) du feu.

639. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Ce n’est plus une sorte de fièvre de douleur, un vertige de désespoir ; c’est la vision illimitée d’un horizon noir où notre moi n’est qu’un point, d’un abîme où nous sommes engloutis. […] Cette bonté de cœur ne s’est point fait jour tout de suite ; le tempérament premier de Victor Hugo était violent et passionné ; ses toutes premières œuvres ne peignent que lutte, coups d’épée, chocs de toutes sortes, y compris les chocs des rimes et des couleurs. […] … » Victor Hugo ne veut point consentir à cette mort, à cette sorte de damnation sociale. […] Hugo et son œuvre sont simplement « monstrueux » l’un et l’autre : « Il est une force indomptable, un élément irréductible, une sorte d’Attila du monde intellectuel, … s’emparant de tout ce qui peut lui servir, brisant ou rejetant tout ce qui ne lui sert plus. […] » Plus tard, le Sunt lacrymae rerum, cette sorte de panégyrique attendri que la mort de Charles X exilé inspire au poète du sacre, venait juste à l’encontre du sentiment populaire.

640. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Il est deux sortes de musique : elles vont toutes deux à la connaissance du cœur, mais par des voies différentes. […] Parfois ils acquièrent comme Tolstoï, cette sorte de gloire magnétique qui « civilise » les âmes malgré elles. […] Tout moyen âge nous montre cette sorte d’obstination passive qui sait vaincre les plus désespérantes besognes et qui, seule, sait réaliser le grand œuvre. […] Les plus soignés d’entre ceux-ci provenaient de certains monastères de Chartreux ou de Bénédictins qui s’étaient spécialisés dans ces sortes de travaux. […] L’expressionisme est une sorte de généralisation de toute notre vie d’une influence purement spirituelle.

641. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Vaucluse est une sorte de Tibur des Gaules ; à l’extrémité d’une vallée ombreuse et boisée, tout humide et toute retentissante du murmure des eaux courantes, un rempart de rochers amoncelés et inaccessibles ferme tout à coup l’horizon. […] Je me contente pour ma nourriture du pain noir de mon jardinier, et je le mange même avec une sorte de plaisir ; quand on m’en apporte du blanc de la ville, je le donne presque toujours à celui qui l’a apporté. […] J’éprouvais une sorte de plaisir en y entrant ; mais, je l’avoue, ce plaisir n’était pas sans une certaine voluptueuse terreur. […] On y entend gazouiller toutes sortes d’oiseaux, et on y voit courir des bêtes fauves de toutes espèces. […] « Afin que, semblable à toutes mes pensées qui volent sur ses traces derrière elle, ainsi mon âme affranchie de son poids, libre et joyeuse, la suive, et que je sorte enfin de l’angoisse où je vis.

642. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

L’honnêteté de l’utopiste est dans sa tête ; elle y est comme une sorte d’ivresse dans laquelle il oublie ce que commande aux gens de bien l’honnêteté qui vient du cœur. […] L’amour, tel qu’il le peint, n’est qu’une sorte de métaphysique amoureuse, où l’on reconnaît ses deux préoccupations habituelles, prendre le contrepied de son temps et en dire plus qu’il ne sent. […] Il est vrai que Rousseau consentira quelque jour à lui mettre un livre dans les mains ; mais ce ne sera pas le jour où l’âme de l’enfant, s’échappant des liens de cette éducation matérielle, se sentira éprise d’une autre sorte de curiosité que celle qui le porte à briser un joujou ou à casser un meuble. […] C’est une sorte de conscience d’apparat que se donnent tous ceux qui n’ont pas sujet d’être contents de leur véritable conscience. Quand les travers d’un homme d’esprit, ses fautes de conduite, beaucoup d’ambition jointe à beaucoup de paresse, des choses commencées et abandonnées faute de persévérance, du découragement sans repentir, l’ont réduit à la plus pernicieuse sorte d’impuissance, celle d’un homme qui ne peut plus rien pour lui-même, attendez-vous à ce qu’il sorte de là le plus absolu et le plus impatient des réformateurs.

643. (1888) Études sur le XIXe siècle

Lui qui souffre sans cesse de toutes sortes de maux chroniques fort douloureux, il est pris de terreurs indescriptibles, dès qu’il est menacé d’une douleur aiguë. […] La première, datée de 1821, débute par une invocation à la « lyre longtemps oisive » et se termine par une sorte de paraphrase de la Chute des feuilles. […] … » Cet amour, né subitement dans une rencontre de hasard, devait être une sorte de roman héroïque dont Garibaldi ne parle qu’avec une extrême discrétion. […] De cette curiosité nous avons fait une sorte de critère, et, dans toute une partie du public intelligent, on ne trouve pas de plus bel éloge à faire d’un tableau, d’un livre ou d’un poème, que de le proclamer curieux. […] Tronconi crée une sorte de présomption contre lui.

644. (1923) Au service de la déesse

Veuillent nos illuminés de toute sorte en redouter la ressemblance ! […] Le roman de Bouvard et Pécuchet serait donc d’une autre sorte ? […] Alors, qu’est-ce que ce roman d’une troisième sorte et quelle en est la signification ? […] Il y a donc une sorte de vérité qui leur paraît excessive ? […] Il y a une sorte de bien-être qui est nécessaire à la moralité comme à la santé.

645. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

quelle sorte d’addition et d’innovation a-t-il apportée au premier travail ? […] S’il eut de grands défauts, il eut aussi de très grandes vertus, et la France a eu peu de rois qui eussent eu plus de talents et de qualités nécessaires pour bien gouverner. » Et après une comparaison suivie de Louis XI avec Louis XIII, puis avec Louis XII, il termine de la sorte : Si présentement quelqu’un, dépouillé de toute prévention et pesant tout au poids du sanctuaire, voulait faire le parallèle de ces deux rois, il trouverait qu’après avoir épargné Louis XII sur tout ce qu’il a fait jusqu’à ce qu’il soit monté sur le trône, on n’en pourrait faire que ce qui s’appelle un bonhomme, et que Louis XI, malgré tous les défauts qu’on peut lui reprocher, a été un grand roi. […] Cette demoiselle de Chausseraye, qui était de l’intimité de la duchesse de Ventadour, y entendit parler, sans en avoir l’air, d’un grave projet, d’une sorte de conjuration ecclésiastique qu’on était parvenu à faire accepter au roi : c’était d’enlever l’archevêque de Paris Noailles pendant qu’il irait à sa maison de Conflans, et de l’expédier tout de suite à Rome pour l’y faire déposer de son siège. […] L’adroite Chausseraye saisit le moment et répondit au roi « qu’il était bien bon de se laisser tourmenter de la sorte à faire chose contre son gré, son sens, sa volonté ; que ces bons messieurs ne se souciaient que de leur affaire et point du tout de sa santé, aux dépens de laquelle ils voulaient l’amener à tout ce qu’ils désiraient ; qu’en sa place, content de ce qu’il avait fait, elle ne songerait qu’à vivre et à vivre en repos, les laisserait battre tant que bon leur semblerait, sans s’en mêler davantage ni en prendre un moment de souci, bien loin de s’agiter comme il faisait, d’en perdre son repos et d’altérer sa santé, comme il n’y paraissait que trop à son visage ; que, pour elle, elle n’entendait rien ni ne voulait entendre à toutes ces questions d’école ; qu’elle ne se souciait pas plus d’un des deux partis que de l’autre ; qu’elle n’était touchée que de sa vie, de sa tranquillité, de sa santé… ».

646. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Sa profession de foi sur la Révolution française est simple, elle est celle d’un croyant : il pense que la Providence s’en mêle soit directement, soit indirectement, et par conséquent il ne doute pas que cette Révolution n’atteigne à son terme, « puisqu’il ne convient pas que la Providence soit déçue et qu’elle recule » : En considérant la Révolution française dès son origine et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer, où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées… Quand on la contemple, cette Révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, et surtout quand on la rapproche de notre caractère national, qui est si éloigné de concevoir et peut-être de pouvoir suivre de pareils plans, on est tenté de la comparer à une sorte de féerie et à une opération magique ; ce qui a fait dire à quelqu’un qu’il n’y aurait que la même main cachée qui a dirigé la Révolution, qui pût en écrire l’histoire. […] Il voit dans la Révolution française une sorte de Jugement dernier qui doit hâter cette sorte de restauration religieuse et de théocratie libérale, qu’il appelle, qu’il ne définit pas, mais qui sera le triomphe plus ou moins complet de sa doctrine secrète. […] Les grands objets s’annonçaient à lui d’une manière de plus en plus imposante et douce, et proportionnée à son état présent : « J’ai mille preuves réitérées que la Providence ne s’occupe, pour ainsi dire, qu’à me ménager. » Il était d’ailleurs tellement inapplicable et impropre aux choses positives, que dans le second trimestre de l’an IV, ayant été porté sur la liste du jury pour le tribunal criminel de son département, il crut devoir se récuser par toutes sortes de raisons qui, si elles étaient admises, paralyseraient la société : Je ne cachai point mon opinion ; je dis tout haut que, ne me croyant pas le droit de condamner un homme, je ne me croyais pas plus en droit de le trouver coupable, et que sûrement, tout en obéissant à la loi qui me convoquait, je me proposais de ne trouver jamais les informations et les preuves assez claires pour oser disposer ainsi des jours de mon semblable.

647. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Saint-Simon, présent à de telles paroles, et qui avec son œil de lynx lisait dans tous les plis de cet amour-propre avantageux et content de soi, content de se déployer au soleil, ne se sentait pas de colère : « Je laisse à penser, écrit-il, en une circonstance pareille, comment ce mot fut reçu venant d’un compagnon de sa sorte, élevé et comblé au point où il se trouvait. » Je doute cependant que l’éloquent duc et pair ait éclaté devant Villars, mais il rentrait chez lui outré, grinçant des dents, la tête fumante, et il couchait sur le papier toutes ses indignations contre cet homme « le plus complètement et le plus constamment heureux de tous les millions d’hommes nés sous le long règne de Louis XIV », et qui prétendait se donner comme heureux en effet sans doute, mais comme n’ayant pas atteint à toute sa fortune. […] « On envoie un empirique, disait-il gaiement, là où les médecins ordinaires ont échoué. » Il prit d’ailleurs sa mission très au sérieux, et eut dès l’abord des idées saines et justes sur l’esprit qu’il convenait d’y apporter : Je me mis dans la tête de tout tenter, d’employer toutes sortes de voies, hors celle de ruiner une des meilleures provinces du royaume ; et même que si je pouvais ramener les coupables sans les punir, je conserverais les meilleurs hommes de guerre qu’il y ait dans le royaume. […] Villars est d’avis d’étouffer le plus qu’on peut ces sortes d’aventures, qui, en éclatant, ne peuvent que mettre en branle les autres fous ou capables de le devenir. […] Villars, très prudent quand il le faut, répond au roi par toutes sortes de raisons bien déduites.

648. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Poirson, du sein de sa retraite où il ne peut s’empêcher d’être laborieux comme toujours, vient de publier un ouvrage qu’il préparait depuis longtemps, une Histoire du règne de Henri IV, dans laquelle il a rassemblé tout ce qu’une application persévérante et vigoureuse lui a permis d’apporter de documents, de réflexions et de faits de toute sorte. […] Poirson a dressé (page 134 de son premier volume) une sorte de tableau synoptique de toutes ces prétentions et demandes de gouvernements et de provinces, dont quelques-unes en toute souveraineté. […] Sous Henri IV, l’élément prédominant ou qui tendait à le devenir était le gentilhomme de campagne, bon économe bon ménager de son bien ; Henri IV l’aimait et le favorisait de cette sorte, se piquant de n’être lui-même que le premier gentilhomme de son royaume ; bien différent en cela de Louis XIV, qui attirait tout à sa Cour et n’aimait les grands et les nobles qu’à l’état de courtisans. Le coup de poignard de Ravaillac ne laissa pas le temps à cette monarchie ainsi faite, s’appuyant d’un nombreux corps de noblesse sédentaire (sauf les cas de guerre), brave et intéressée, adonnée à sa maison des champs et assez protectrice d’ailleurs du tiers état, à cette monarchie tempérée par des parlements, des notables, et surtout par la bonne humeur et une sorte de familiarité du prince, de se dessiner et de former institution.

649. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Il y a une loi, je le répète, pour ces sortes de réhabilitations ; les multiplier à tout propos et hors de mesure, ce n’est pas enrichir l’histoire littéraire, c’est l’encombrer. […] Si tous les hommes étaient de cette sorte, y aurait-il pas peu de plaisir de vivre avec eux ?  […] La Boétie, dans sa première et sa plus verte jeunesse, tout échauffé d’une belle et noble ardeur, et voulant avertir celui qui le lira qu’il n’emprunte à personne, ni à Pétrarque, ni à Properce ni à d’autres, l’expression de ses soupirs, s’écriait de la sorte, avec plus de vigueur et d’âme que d’harmonie : Toi qui oys mes soupirs, ne me sois rigoureux Si mes larmes à part toutes miennes je verse, Si mon amour ne suit en sa douleur diverse Du Florentin transi les regrets langoureux, Ni de Catulle aussi, le folâtre amoureux, Qui le cœur de sa dame en chatouillant lui perce, Ni le savant amour du migrégeois64 Properce : Ils n’aiment pas pour moi, je n’aime pas pour eux. […] Il y a, si je puis dire, deux sortes d’âmes et qui se reconnaîtraient à un caractère distinct, infaillible.

650. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

En attendant, pour consoler ses regards, elle s’est fait apporter ce qu’elle appelle this dear picture, un médaillon contenant le portrait de Buzot en miniature que, par une sorte de superstition, dit-elle, elle n’avait point voulu mettre d’abord dans sa prison : « Mais pourquoi se refuser cette douce image, faible et précieux dédommagement de la privation de l’objet ? […] Je ne puis croire que le Ciel ne réserve que des épreuves à des sentiments si purs et si dignes de sa faveur Cette sorte de confiance me fait soutenir la vie et envisager la mort avec calme. […] Dans la sphère morale où elle habite en esprit, elle se dit et se répète avec une sorte de satisfaction délicieuse que si elle est privée de la vue de son ami, c’est par la force des choses et sans que ce soit elle qui le sacrifie : elle est à son égard dans une situation où elle n’a à se faire ni reproche, ni violence. […] Elle était vêtue avec une sorte de recherche : elle avait une anglaise de mousseline blanche, garnie de blonde et rattachée avec une ceinture de velours noir.

651. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

En France, nous commençons aussi à estimer et à réclamer ces sortes d’études. […] Or, cependant, le point essentiel dans une vie de grand écrivain, de grand poëte, est celui-ci : saisir, embrasser et analyser tout l’homme au moment où, par un concours plus ou moins lent ou facile, son génie, son éducation et les circonstances se sont accordés de telle sorte, qu’il ait enfanté son premier chef-d’œuvre. […] La querelle du Cid, en l’arrêtant dès son premier pas, en le forçant de revenir sur lui-même et de confronter son œuvre avec les règles, lui dérangea pour l’avenir cette croissance prolongée et pleine de hasards, cette sorte de végétation sourde et puissante à laquelle la nature semblait l’avoir destiné. […] il faut juger de la sorte sa dédicace à Montauron, la plus attaquée de toutes, et ridicule même lorsqu’elle parut.

652. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Bien avant De Maistre et ses exagérations sublimes, il disait de Voltaire : « Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. » « Voltaire avait l’âme d’un singe et l’esprit d’un ange. » « Voltaire est l’esprit le plus débauché, et ce qu’il y a de pire, c’est qu’on se débauche avec lui. » « Il y a toujours dans Voltaire, au bout d’une habile main, un laid visage. » « Voltaire connut la clarté, et se joua dans la lumière, mais pour l’éparpiller et en briser tous les rayons comme un méchant. » Je ne me lasserais pas de citer ; et pour le style, pour la poésie de Voltaire, il n’est pas plus dupe que pour le caractère de sa philosophie : « Voltaire entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt ; cet esprit impatient et remuant ne peut pas s’y fixer, ni même s’y arrêter un peu de temps. » « Il y a une sorte de netteté et de franchise de style qui tient à l’humeur et au tempérament ; comme la franchise au caractère. […] Joubert continue de s’analyser lui-même avec une sorte de délices qui sent son voisin bordelais du xvie  siècle, le discoureur des Essais  : « Je m’occupais ces jours derniers à imaginer nettement comment était fait mon cerveau. […] Il n’est point du tout propre à toutes sortes d’idées ; il ne l’est point aux longs travaux. […] La plupart mettent leurs soins à écrire de telle sorte, qu’on les lise sans obstacle et sans difficulté, et qu’on ne puisse en aucune manière se souvenir de ce qu’ils ont dit ; leurs phrases amusent la voix, l’oreille, l’attention même, et ne laissent rien après elles ; elles flattent, elles passent comme un son qui sort d’un papier qu’on a feuilleté. » Ceci s’adresse en arrière à l’école de La Harpe, au Voltaire délayé, et, en général, le péril n’est pas aujourd’hui de tomber dans ce coulant.

653. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

On sent encore ce que cette terre a d’attachant, mais on est plus près d’une félicité plus durable. » Cette sorte de station intermédiaire est précisément l’état dans lequel elle se plaisait à se dessiner alors, et dans lequel nous nous plaisions nous-même à la considérer, en nous prêtant à sa coquetterie à demi angélique. […] Remarquez que dès lors elle entrait dans sa seconde veine ; elle commençait à voir partout le doigt de Dieu ; et, même après avoir monté de la sorte ce-succès de Valérie, elle est toute disposée après coup à s’en émerveiller et à y dénoncer un miracle : « Le succès de Valérie, écrivait-elle à Mme Armand, est complet et inouï, et l’on me disait encore l’autre jour : Il y a quelque chose de surnaturel dans ce succès. […] J’aurais, de la sorte, bien des petites réponses à faire à M.  […] Eynard, un moraliste qui saurait les tours et les retours, les façons bizarres de la nature humaine ; mais je ne puis qu’indiquer le sens et l’intention de l’analyse, aimant peu pour mon compte à pousser à bout ces sortes de procès.

654. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Dans la Préface d’Atala qui parut peu après cette Lettre d’attaque, l’auteur consignait à la fin une sorte de rétractation, mais dont les termes mêmes laissent à désirer. […] C’est une sorte de poëme, moitié descriptif, moitié dramatique : tout consiste dans la peinture de deux amants qui marchent et causent dans la solitude ; tout gît dans le tableau des troubles de l’amour au milieu du calme des déserts et du calme de la religion. […] est comme ces sortes d’arbres qui ne donnent leur baume pour les blessures des hommes, que lorsque le fer les a blessés eux-mêmes. » Et encore, pour exprimer qu’il n’est point de cœur mortel qui n’ait au fond sa plaie cachée : « Le cœur le plus serein en apparence ressemble au puits naturel de la savane Alachua : la surface en paraît calme et pure ; mais, quand vous regardez au fond du bassin, vous apercevez un large crocodile, que le puits nourrit dans ses eaux. » Les funérailles d’Atala sont d’une rare beauté et d’une expression idéale. […] Il se trouve toujours sur son chemin, à son entrée, quelques hommes de bon esprit d’ailleurs et de sens, mais d’un esprit difficile, négatif, qui le prennent par ses défauts, qui essayent de se mesurer avec lui avec toutes sortes de raisons dont quelques unes peuvent être fort bonnes et même solides.

655. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Car nombre de ces apologues, émanant des écoles, finirent par former une sorte de tradition savante, où puisaient librement les conteurs sans faire à proprement parler œuvre de traducteurs. […] On y trouve tous les dialectes, depuis le pur picard jusqu’à je ne sais quel jargon italianisé, toutes les sortes de tons et d’esprits comme tous les degrés du talent. […] Paris a donné l’appui de son autorité — on a soutenu que nombre de récits dont s’égayaient nos pères avaient une origine plus lointaine et plus singulière : ils seraient venus de l’Inde, et par toute sorte d’intermédiaires, portés de leur patrie bouddhique dans le monde musulman, de là dans l’Occident chrétien, ils se seraient infiltrés jusque dans nos communes picardes et françaises, déversant dans le large courant de la tradition populaire un torrent d’obscénités et de gravelures. […] Plus fréquentes sont les farces de provinciaux goguenards, toute espèce de bons tours et d’aventures comiques, toute sorte de bons mots, de calembours et de reparties qui ont paru drôles.

656. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Une sorte d’impatience l’a saisi : d’autres se contentent encore de publier leur pensée, il veut réaliser la sienne, et voilà pourquoi il fait une propagande effrénée. […] Toute sorte de prédicateurs hétéroclites viennent prêcher la bonne doctrine : ce sont les Cinquante d’une grande ville du nord, et le rabbin Akib, et le révérendissime père en Dieu Alexis, archevêque de Novgorod la Grande. […] Il est tout pétri d’amour-propre ; il en a de toutes les sortes : entêtement de ses idées, vanité d’auteur, vanité de bourgeois enrichi et anobli. […] Aussi est-il le philosophe qui peut-être a le plus fait pour préparer la forme actuelle de la civilisation ; il eût applaudi aux merveilleux progrès de notre siècle utilitaire et pratique, aux inventions de toute sorte qui ont rendu la vie plus facile, plus douce, et plus active, plus intense en même temps.

657. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

J’ai lu, pour ma part, avec une sorte d’admiration mêlée de pitié ce récit de l’éducation d’un prince. […] Puis c’est le droit et l’histoire où il s’applique avec beaucoup d’ardeur, considérant expressément les grands personnages historiques comme des maîtres et des sortes de prédécesseurs dans un rôle qu’il jouera à son tour. « C’est un esprit auquel il faut de l’emploi », disait fort justement son précepteur le P. […] Il revient à Paris, entre à l’Académie royale, qui était une sorte d’École militaire, et commence à aller dans le monde, à l’hôtel de Condé et à l’hôtel de Rambouillet, où il rencontre une foule de jolies personnes et notamment cette touchante Marthe du Vigean dont il devient quelque peu amoureux. […] Plusieurs, du reste, n’ont même pas eu cette sorte d’intelligence que je viens de dire : le hasard a presque tout fait pour eux, et il y a eu plus d’une bataille gagnée à l’insu de celui qui commandait.

658. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

La Renaissance a donc paru à nos pères une sorte de résurrection de l’esprit français. […] Mais qu’y a-t-il là qui lui fasse tort, ou qui sorte des formules de la galanterie du temps ? […] Marot parlant fièrement à ses juges, raillant la lenteur calculée de leurs procédures, les pièges de leurs interrogatoires, leur soif de coupables, montre, avec la même verve, une originalité de plus noble sorte. […] Il dit plus loin qu’« en suivant et en contrefaisant la veine du noble poète Ovide, il a voulu faire sçavoir à ceux qui n’ont la langue latine, de quelle sorte Ovide escrivoit, et quelle différence peut estre entre les anciens et les modernes. » Où il ne croyait faire voir que des différences, sa traduction trahit l’infériorité des modernes à cette époque.

659. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Peut-être devrons-nous conclure au « primat » de l’action ; toujours est-il que c’est notre intelligence qui conclura ainsi ; en cédant le pas à l’action, elle gardera de la sorte la supériorité du roseau pensant. […] Ces erreurs sont de deux sortes, les unes sont accidentelles et je les corrigerai en prenant la moyenne ; les autres sont systématiques et je ne pourrai les corriger que par une étude approfondie de leurs causes. […] En un sens c’est la première qui est le seul vrai fait brut, et la seconde est déjà une sorte de fait scientifique. […] On a trouvé souvent de grands avantages à procéder de la sorte, mais il est clair que si toutes les lois avaient été transformées en principes, il ne serait rien resté de la science.

660. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

À l’ombre des fusains poussiéreux, parmi les détritus et les loques, à l’angle d’une rue déserte, on nous servit, en guise de bière, une sorte de piquette âcre, empestant le buis. […] Non seulement ces pauvres diables mouraient littéralement de faim, mais leurs excursions dans le domaine de la pensée leur valaient toutes sortes de tracasseries de la part de l’administration. […] Il en venait de toutes sortes, des poètes chevelus et crottés, des gentlemen fleuris d’orchidées, des esthètes chargés d’orfèvreries, des demi-vierges à bandeaux plats, des bas-bleus évaporés. […] Notre Rimbaud, que nous imaginions une sorte de Salomon, pasteur de peuples, entouré d’une pompe nègre, s’avérait simple voyageur de commerce.

661. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

En vertu de cette conception réaliste, empruntée mi-partie à l’Allemagne et à l’Angleterre, il n’a pas eu assez de reproches et de sarcasmes à l’adresse de Jean-Jacques osant poser pour base de son système l’égalité des citoyens entre eux, quand si visiblement les hommes sont inégaux de nature ; il a foudroyé « l’esprit classique » formulant des principes universels et aboutissant à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; il a écrasé de son mépris les « métaphysiciens » de la Révolution s’épuisant à forger de toutes pièces des Constitutions qui, suivant lui, ne pouvaient être viables, par cela seul qu’elles n’étaient pas le produit d’une sorte de végétation inconsciente. […] Si l’on essayait de déterminer dans quel ordre s’est opéré l’affranchissement des diverses matières qui peuvent faire l’objet des livres, on verrait que la littérature pure, celle qui borne ses visées à plaire et à divertir, qui par conséquent ne heurte aucun intérêt grave et ne peut guère commettre d’autre méfait que d’ennuyer, a la première, comme il est naturel, obtenu sa place au soleil ; que la science, grande redresseuse de préjugés et par là suspecte, mais protégée contre les défiances du pouvoir par sa sereine impassibilité comme par les formules mystérieuses dont elle est d’abord enveloppée, a eu déjà plus de peine à se dérober au contrôle des gouvernants excités contre elle par l’Eglise ; que les écrits philosophiques et religieux ou antireligieux, malgré de nombreux retours offensifs de la même Eglise, ont su ensuite se libérer de la surveillance officielle ; enfin que l’histoire, les mémoires, et surtout les ouvrages traitant de questions politiques et sociales, exprimant de la sorte des idées pouvant du jour au lendemain se transformer en actes et troubler l’ordre établi, ont été les derniers à conquérir la faculté de paraître sans encombre. […] Les nombreuses lois sur la presse qui se sont succédé dans nos codes sont de la sorte assez différentes ; mais quiconque voudra faire l’histoire de la littérature en France au xixe  siècle devra les examiner de près, car elles ont exercé une action considérable sur le journalisme et, par le journalisme, sur la production littéraire. […] Comme en pareil cas, les sujets politiques et religieux sont d’ordinaire ceux qu’on lui interdit (on l’a vu sous le premier Empire et sous le second), le livre reprend faveur, parce qu’il est seul admis à traiter certaines questions graves, et le journal pour remplir ses colonnes recourt à cette causerie sur les faits du jour qu’on nomme la chronique, au récit des crimes et des accidents, aux commérages de salon ou de coulisses, aux descriptions de cérémonies, aux feuilletons ; il se fait de la sorte plus littéraire, à condition de se maintenir dans ce que des mécontents ont baptisé dédaigneusement « la littérature facile » ; ou encore il invente, pour toucher aux matières brûlantes, une série d’allusions, de périphrases, de réticences, de malices sournoises qui passent, comme des pointes d’aiguille, à travers les mailles du réseau où la loi s’efforce de l’emprisonner.

662. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

L’abbé de Choisy, fort surpris de ce qu’il appelle la bizarrerie de M. de Montausier, mais à qui rien n’était sensible comme une désapprobation royale ou ce qui en approchait, crut là-dessus qu’il était bon de s’éclipser, et, durant deux ou trois ans, il alla vivre incognito dans un château du Berry qu’il acheta tout exprès, se faisant appeler la comtesse des Barres, jouant la comédie, s’habillant, se déshabillant, se coiffant et se mirant tout le jour, entouré de la noblesse et de la gentilhommerie du pays, curés, intendants, évêques, Mme la lieutenante générale, tous honnêtes gens qui raffolaient de lui comme d’une élégante Parisienne, et en usant sous main de telle sorte, qu’en d’autres temps il aurait pu avoir affaire au procureur du roi pour séduction de mineures. […] Ce coadjuteur de nouvelle sorte s’embarqua donc à Brest, le 3 mars 1685, le plus joyeux, le plus allègre des hommes, obéissant à ses curiosités, à ses inconstances, fuyant peut-être ses créanciers, et croyant suivre un rayon de la grâce. […] Choisy n’a garde de l’oublier, car, après Dieu et à côté de Dieu, le roi a tous les honneurs : « On respecte beaucoup Sa Majesté sur la terre, mais on l’aime bien sur mer », ajoute-t-il avec une sorte de tendresse qui n’est pas jouée. […] Quelques mois après, l’abbé de Choisy, pour faire sa paix, offrait et dédiait à Louis XIV une Vie de David, puis une Vie de Salomon, avec toutes sortes d’allusions flatteuses et magnifiques ; et, en général, toutes les histoires qu’il composa depuis lors, soit celle de l’Église, soit celle de divers rois de France, paraissaient invariablement avec des dédicaces à Louis XIV, conçues en des termes où toutes les formes de l’idolâtrie sont épuisées.

663. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

M. de Maistre, profondément chrétien de doctrine, et qui sait qu’il est bien des sortes de coupables, même parmi ceux qui s’appellent honnêtes gens, n’est pas si prompt à désespérer, et il croit découvrir des avertissements ou des châtiments salutaires, des signes de retour au bien jusque dans les spectacles les plus désastreux et les moins consolants. […] Il ne la connut en effet qu’en 1814, et cette idée de séparation et de privation paternelle revient souvent sous sa plume, paroles et expressions les plus vives et qui vont au cœur : « L’idée de partir de ce monde sans te connaître, lui écrit-il, est une des plus épouvantables qui puissent se présenter à mon imagination. » Il avait une autre fille aînée qui était également loin de lui, et qui était alors à marier, avec toutes sortes de qualités, mais sans fortune ; c’est en pensant à elle qu’il s’écriait d’une manière charmante : « Ah ! […] Cet esprit puissant, si élevé de pensée et, par moments, si altier de doctrine, ce patricien entier et opiniâtre, pauvre alors et réduit en secret aux gênes les plus dures, bien qu’ambassadeur et dans une sorte de pompe officielle, me touche doublement avec son sentiment profond de famille et ses vertus patriarcales. […] Nous croyons savoir qu’avant la révolution de février 1848 un homme savant et excellent, M. l’abbé de Cazalès, s’était occupé, de concert avec la famille, de l’arrangement de ces papiers : mais, depuis, il y avait eu interruption dans ce travail, et une sorte de découragement bien explicable dans le premier moment.

664. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

On ajoute que dans ces sortes d’arbitrage, qui d’ordinaire embarrassent et ennuient, il ne s’ennuyait pas ; il aimait à prolonger la discussion, à tout balancer, à tenir compte des moindres circonstances en artiste, presque en casuiste : c’était amour de la forme. […] Il demande de la patience et du temps pour ceux qui gouvernent : Un ministère, quel qu’il soit, ne peut guère être aujourd’hui (6 septembre 1830) que l’inactif spectateur de cette sorte de refonte de l’esprit public. […] Et c’est ainsi que, malgré son hésitation et même sa circonspection à l’origine, il s’est trouvé engagé peu à peu sur un terrain qui, à partir d’un certain moment, allait se rétrécissant toujours sous ses pas, jusqu’à ce qu’il fût acculé sans retour dans cette sorte de presqu’île républicaine de Quiberon où il était quand il mourut. […] Il est question tout à côté, avec une sorte d’affection, de notre jeune royauté consentie.

665. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Les sensations de chaque moment ont beau se mêler aussitôt au continuum sensoriel, elles n’en ont pas moins, à leur apparition, des qualités tranchées qui leur confèrent une sorte d’individualité. Au contraire, mes volitions m’apparaissent comme des parties intégrantes et des développements de ma vie interne, combinée d’ailleurs avec les influences du dehors, réfractée et réfléchie en perceptions de toutes sortes. J’ai le sentiment d’une tension interne continue, d’une sorte d’appétit incessant, d’un vouloir-vivre indéfectible, traduit par une motion continue. […] Toutes les scènes intérieures qui nous paraissent et sont, en effet, si diversifiées, empruntent leur diversité aux sensations de mille sortes qui viennent se combiner avec le déploiement de notre volonté ; mais, encore un coup, ce déploiement en lui-même est toujours continu et toujours général ; nous voulons et agissons tout entiers, et les réactions tranchées contre les obstacles ne sont encore que les continuations de notre vouloir antérieur combiné avec des sensations nouvelles.

666. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Toute sa vie, dans tous les domaines de son activité, il s’est tenu au carrefour de deux routes, à l’angle de deux directions cardinales, il a oscillé entre le judaïsme, le christianisme et une sorte de paganisme poétique ; entre la France et l’Allemagne ; entre tous les genres, en prose et en vers. […] Ces sortes de scènes familières d’un réalisme concis, sont nombreuses dans l’œuvre de Heine. […] Ce partage de la sensibilité entre les deux affections contraires les plus puissantes, cet acharnement d’une lutte où chaque coup porté ensanglante deux poitrines, fait des ironies du poète allemand quelque chose de tragique et d’insensé ; ces éclats de rire stridents qui partent au bout des pièces les plus calmement rêveuses, avec une dissonance accrue par la traîtrise des débuts pacifiques, ce passage d’un état d’âme paisible à une subite crispation de douleur, la révulsion nerveuse qui s’est opérée tout à coup dans l’esprit de l’amant accusent devant le lecteur comme un commencement de démence, une sorte de spasme hystérique, un excès de douleur morale que l’âme ne peut souffrir sans être arrachée de ses gonds. […] III Nous sommes au terme de notre analyse ; que l’on prenne les influences successives, nationales et esthétiques auxquelles Heine s’est soumis, que l’on considère la diversité de ses inspirations, des genres qu’il a cultivés, des facultés qu’il a exercées, le trait marquant de son organisation mentale s’accuse en une sorte d’instabilité naturelle qui fit passer le poète par toute la succession des humeurs ; de la gaieté à l’ironie, de l’ironie au désespoir, et cela sans cesse, avec une singulière rapidité.

667. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Ce maniement de l’âme humaine semble une sorte d’égalité avec Dieu. […] Une sorte de parti pris gigantesque, la mesure habituelle dépassée, le grand partout, ce qui est l’effarement des intelligences médiocres, le vrai démontré au besoin par l’invraisemblable, le procès fait à la destinée, à la société, à la loi, à la religion, au nom de l’Inconnu, abîme du mystérieux équilibre ; l’événement traité comme un rôle joué et, dans l’occasion, reproché à la Fatalité ou à la Providence ; la passion, personnage terrible, allant et venant chez l’homme ; l’audace et quelquefois l’insolence de la raison, les formes fières d’un style à l’aise dans tous les extrêmes, et en même temps une sagesse profonde, une douceur de géant, une bonté de monstre attendri, une aube ineffable dont on ne peut se rendre compte et qui éclaire tout ; tels sont les signes de ces œuvres suprêmes. […] Les titans sont une sorte de branche aînée qui a ses légitimistes dont était Eschyle, vengeur de Prométhée. […] Une sorte de nuage obstacle environne Hamlet de toutes parts.

668. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Il est peut-être moins difficile aux rares génies de rencontrer le grand et le sublime, que d’éviter toute sorte de fautes. […] Deux écrivains dans leurs ouvrages ont blâmé Montaigne, que je ne crois pas, aussi bien qu’eux, exempt de toute sorte de blâme : il paraît que tous deux ne l’ont estimé en nulle manière. […] Je conseille à un auteur né copiste, et qui a l’extrême modestie de travailler d’après quelqu’un, de ne se choisir pour exemplaires que ces sortes d’ouvrages où il entre de l’esprit, de l’imagination, ou même de l’érudition : s’il n’atteint pas ses originaux, du moins il en approche, et il se fait lire. […] Il faut éviter le style vain et puéril, de peur de ressembler à Dorilas et Handburg  : l’on peut au contraire en une sorte d’écrits hasarder de certaines expressions, user de termes transposés et qui peignent vivement ; et plaindre ceux qui ne sentent pas le plaisir qu’il y a à s’en servir ou à les entendre.

669. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Mais ce n’est point dans les livres quelle inspire, que le lettré cherchera le tableau de la nouvelle littérature dont le caractère le plus apparent est une sorte d’inquiétude, un état de crainte permanente, de regrets, une tendance à revenir en arrière. […] Intégralisme s’explique ainsi : exprimer la vie en fonction de la vie universelle. » En réalité ce n’était pas, comme on l’a cru, une poésie scientifique, mais une sorte d’intégration, et non de synthèse, l’aboutissement de l’harmonie universelle. […] Par un violent effort ils ont voulu se placer au centre même du réel, et par une sorte de sympathie intellectuelle, communier avec la nature. Leur désir a été d’exprimer immédiatement l’inexprimable, si j’ose dire, de fondre leur âme avec la conscience universelle afin de noter, par une sorte d’auscultation intellectuelle, jusqu’aux pulsations de la matière, jusqu’à la respiration du monde. » Tancrède de Visan, Paysages Introspectifs, in-8º, 1904.

670. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Qu’il soit néanmoins sobre et circonspect dans l’usage de cette finesse même ; surtout qu’il se l’interdise sévèrement dans les sujets susceptibles d’élévation ou de véhémence, qui n’exigent qu’un coloris mâle et des traits forts et marqués ; la finesse d’expression dans ces sortes de sujets en bannirait la noblesse, et ne servirait qu’à les énerver sans les embellir. […] Outre la clarté et la correction purement grammaticales, qui n’ont de rapport qu’à la diction, il est une autre sorte de clarté et de correction non moins essentielles, qui appartiennent au style ; elles consistent dans la propriété des termes. […] Quoique notre poésie et notre prose soient moins susceptibles d’harmonie que ne l’étaient la prose ou la poésie des anciens, elles ont cependant chacune une sorte de mélodie qui leur est propre. […] Comme dans la musique l’agrément de la mélodie vient non seulement du rapport des sons, mais de celui que les phrases de chant doivent avoir entre elles, de même l’harmonie oratoire (plus analogue qu’on ne pense à l’harmonie musicale) consiste à ne pas mettre trop d’inégalité entre les membres d’une même phrase, et surtout à ne pas faire ses derniers membres trop courts par rapport aux premiers ; à éviter également les périodes trop longues, et les phrases trop étranglées et pour ainsi dire à demi closes ; le style qui fait perdre haleine, et celui qui oblige à chaque instant de la reprendre, et qui ressemble à une sorte de marqueterie ; à savoir enfin entremêler les périodes arrondies et soutenues, avec d’autres qui le soient moins, et qui servent comme de repos à l’oreille.

671. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Il y a deux sortes de compositions originales : l’une, puisée en soi, produit l’imitation de la nature ; l’autre, puisée hors de soi, produit l’imitation des modèles anciens. […] Nous autres Français, par cette sorte d’impatience qui fut toujours dans le fond de notre caractère, nous avons voulu faire notre langue, comme nous voulons à présent faire nos institutions. […] Le génie de l’épopée, qui tend toujours à individualiser et à faire des créations allégoriques, établit une sorte de chronologie qui seule est la vraie lorsqu’elle existe ; c’est là, sans doute, ce que les anciens appelèrent le cycle épique. […] La Prise de Milet, par Phrynicus, fut, dit-on, le premier exemple de cette sorte de profanation qui excita alors assez de scandale parmi les classiques de cette époque.

672. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Elle est, comme en du verre, enclose en du silence, Toute vouée à son spectacle intérieur, ‌ A sa sorte de vie intime et sous marine, Où des rêves ont lui dans l’eau toute argentine. ‌ […] Il est trop évident que dans l’instant qui suit l’acte sexuel, l’être humain, secoué dans ses fondements, subit un affaissement momentané, une sorte de semi-conscience passagère, une « annihilation de l’âme », si l’on veut, comme après toute fatigue musculaire d’ailleurs. […] Tout en étant persuadé, comme je le suis, qu’une sorte de conciliation des deux thèses dans une synthèse supérieure pourrait être opérée, malgré leur apparence d’opposition nette, en poursuivant la discussion d’une façon plus serrée, — malgré ce sentiment, je crois toutefois, en m’expliquant plus complètement et avec quelques réserves de détail, pouvoir maintenir les grandes lignes de la mienne. […] N’êtes-vous pas frappé, en leur présence, d’une sorte de sécheresse et d’inhumanité, ne sentez-vous pas un souffle glacial vous traverser, et l’atmosphère se raréfier autour d’eux ?

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