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513. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Je vais apprendre ta langue, désapprendre le reste. […] Il sent bien que c’est là le reste d’un autre monde, d’un monde peu orthodoxe. […] Les marins, vois-tu, ne ressemblent pas au reste du monde. […] Demeurés seuls debout comme les restes d’un monde de géants, chargés de la haine du genre humain, ils n’avaient plus de commerce possible avec les vivants. […] Le flot d’abstractions qui me montait à la tête m’étourdissait et me rendait, pour tout le reste, absent et distrait.

514. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Au reste, la vibration sonore et la vibration lumineuse redeviennent elles-mêmes des phénomènes psychiques dès qu’on les considère en tant que faisant partie d’une conscience ou expérience quelconque, en tant qu’appréhendées sous forme de sensations. […] D’autre part, oubliez tout cela, supprimez toute perception objective, vous n’en continuez pas moins de jouir ou de souffrir, quoiqu’il ne reste rien dans votre conscience qui puisse être conçu comme objet par la pensée, ni exprimé comme objet par la parole. […] Le reste tombe nécessairement dans le domaine de la représentation, par cela même de l’objectif ; et c’est ce qui explique l’illusion de ceux qui nient le subjectif. […] Au reste, la qualité et l’intensité s’impliquent. […] Si la corde spinale d’une grenouille est séparée du cerveau, les pattes continuent de faire des mouvements qui révèlent sensation et appétit ; peut-être même reste-t-il une certaine intelligence, puisque, si l’une des pattes est enlevée, l’autre fait sa besogne à sa place, comme nous en avons donné plus haut un exemple.

515. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Spencer, nous l’avons vu, l’explique par un reste des habitudes de combat ; Mosso, lui, dit que ce mouvement fut, à l’origine, un mouvement d’attention, qu’il s’est associé ensuite avec le sentiment d’effort et avec les émotions où la peine entre comme élément : ces deux explications, selon nous, n’ont rien de contradictoire : toute peine est un combat, sinon avec d’autres hommes, du moins avec des ennemis intérieurs : on comprend donc que toutes les manifestations de la lutte, et aussi du travail, accompagnent la peine. […] Cette flamme ne fait aucune réponse aux voyelles, o et u, ni aux labiales, mais elle répond énergiquement aux consonnes sifflantes ; si vous prononcez ce vers : Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur, elle reste impassible ; mais si vous lui dites : Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? […] Il reste « immobile, accroupi sur le sol, sans manifester sa souffrance intérieure autrement que par des larmes qui baignent ses yeux et roulent incessamment. » Dans les premières semaines, les enfants ne répandent pas de larmes ; les glandes lacrymales ont besoin d’une certaine habitude acquise pour entrer en action. […] « Le culte et l’amour ardent du beau sont des vertus qui nous appartiennent ; notre honte est d’avoir été contraints d’obéir pendant des siècles ; c’est pour cela que notre mimique, tout en étant belle et passionnée, reste défiante et n’est pas toujours franche… Le Toscan est le plus Italien de tous les Italiens, et, par conséquent, le plus défiant et le plus réservé de tous ; le Napolitain fait avec les bras des gestes de télégraphe ; le Romagnol est rude et franc ; le Romain, dans ses mouvements dignes de la statuaire, garde toujours gravées en caractères invisibles les lettres fatidiques S. […] L’Espagnol et le Portugais gesticulent peu : leur visage reste impassible, un peu par suite de l’influence asiatique, mais surtout pour ne pas compromettre leur dignité d’hidalgo.

516. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Le seul synonyme à peu près plausible est le mot de hasard, qui désigne l’apparition d’un phénomène sans cause, du « premier commencement » d’une série soumise pour le reste à la causalité. […] Au reste, pourvu qu’on ne cesse jamais de revenir ainsi à la réalité et à l’actualité, la considération du possible et de l’impossible peut avoir sa valeur comme considération auxiliaire. […] Si donc l’idée chimérique d’indépendance absolue n’est pas sans entraîner certains effets, par le reste d’éléments admissibles qu’elle renferme encore à côté des éléments inadmissibles, à plus forte raison l’idée d’indépendance relative est-elle parfaitement réalisable. […] Mais l’idée de l’indétermination de la volonté n’en contient pas moins des éléments réalisables par l’effet même que cette idée exerce, et c’est ce qui nous reste à montrer. […] Le reste est déterminé par des circonstances physiques décorées du nom de hasard (direction du bras en haut, en bas, à droite, à gauche, etc.).

517. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Quant à la France, on sait de reste qu’entre un habitant de Marseille et un habitant de Lille, il y a toutes les différences qui séparent deux nations, sans que pour cela les gens du Midi ou les gens du Nord soient pareils entre eux. […] Reste enfin la troisième relation de dépendance que M.  […] Il est enfin certain que, chez lui, ces facultés, quel que soit leur développement relatif par rapport au reste de ses aptitudes, ne peuvent posséder la force qu’elles ont dans l’esprit de l’auteur, puisque, chez celui-ci seul, elles ont abouti à des manifestations actives. […] Les femmes qui n’ont guère de tâche pénible à accomplir, montrent des goûts qui ne jurent pas avec le reste de leur caractère. […] Tout le développement qui suit reste tributaire de cette thèse sociobiologique.

518. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Quelle ne fut pas ma surprise, par exemple, lorsqu’à la Plata je trouvai une dent de Cheval enfouie avec des restes de Mastodontes, de Mégathériums, de Toxodons et d’autres géants des faunes fossiles, qui tous ont coexisté, à une époque géologique toute récente, avec des coquillages encore aujourd’hui vivants ! […] En ces divers pays, si éloignés, les restes organiques de certaines couches présentent une ressemblance frappante avec ceux de nos formations crayeuses. […] Pictet en donne un exemple bien connu, dans la ressemblance générale des restes organiques des divers étages de la Craie, bien que les espèces de chaque étage soient distinctes. […] D’après la théorie de descendance modifiée, rien n’est plus aisé que de comprendre pourquoi les restes fossiles de formations rigoureusement consécutives, bien que rangés comme espèces distinctes, ont cependant des affinités étroites. […] On peut aussi demander où sont les restes de ce nombre infini d’organismes qui doivent avoir existé longtemps avant que les couches inférieures du système silurien ne se soient déposées.

519. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

. — Cas où l’emplacement de la sensation reste vague […] Après la guérison, le sujet conserve les sensations qu’un membre sain procure aux autres hommes, et fréquemment il reste pendant toute la vie un sentiment de formication et même de douleur, ayant en apparence son siège dans les parties extérieures, qui cependant n’existent plus. […] Reste à montrer, d’après la même loi, pourquoi le jugement localisateur situe certaines espèces de sensations au-delà de notre superficie nerveuse. […] Il fait cortège à la sensation ; mais le plus souvent, comme les opérations sont rapides, il reste sur l’arrière-plan ; elle seule est en scène. […] Mais ces équivalents eux-mêmes sont des corps considérés au point de vue d’un mouvement qu’ils subissent ou d’une qualité qu’ils ont. — Il nous reste donc à démêler le sens et la valeur d’une illusion plus profonde, celle qui constitue la perception extérieure, et par laquelle nous affirmons qu’il y a des corps.

520. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Il y a dans les libertins, dans ceux qui s’enivrent, dans les joueurs, dans les avares, les deux espèces de mouvement qui font les ambitieux en tout genre, le besoin d’émotion et la personnalité : mais dans les passions morales, on ne peut être ému que par les sentiments de l’âme, et ce qu’on a d’égoïsme n’est satisfait que par le rapport des autres avec soi, tandis que le seul avantage de ces passions physiques c’est l’agitation qui suspend le sentiment et la pensée ; elles donnent une sorte de personnalité matérielle, qui part de soi pour revenir à soi, et fait triompher ce qu’il y a d’animal dans l’homme sur le reste de sa nature. […] Les passions qui dégradent l’homme, en resserrant son égoïsme dans ses sensations, ne produisent pas, sans doute, ces bouleversements de l’âme où l’homme éprouve toutes les douleurs que ses facultés lui permettent de ressentir ; mais il ne reste aux peines, causées par des penchants méprisables, aucun genre de consolation ; le dégoût qu’elles inspirent aux autres, passe jusqu’à celui qui les éprouve ; il n’y a rien de plus amer dans l’adversité que de ne pas pouvoir s’intéresser à soi : l’on est malheureux sans trouver même de l’attendrissement dans son âme ; il y a quelque chose de desséché dans tout votre être, un sentiment d’isolement si profond, qu’aucune idée ne peut se joindre à l’impression de la douleur ; il n’y a rien dans le passé, il n’y a rien dans l’avenir, il n’y a rien autour de soi, on souffre à sa place, mais sans pouvoir s’aider de sa pensée, sans oser méditer sur les différentes causes de son infortune, sans se relever par de grands souvenirs où la douleur puisse s’attacher.

521. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

Au reste la critique de notre siècle a fait une rude guerre il toutes ces belles paroles ; elle nous a appris qu’il fallait les imputer plus souvent à l’homme d’esprit qui racontait, qu’à homme de cœur qui avait senti. […] Le cœur plein d’une ardente amitié, on écrit ; quand on a mis : je vous aime bien, que reste-t-il, qu’à le répéter ?

522. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Le mérite d’un écrivain ne consiste pas à tout dire, mais à dire l’essentiel, le décisif, et à suggérer le reste. […] Au reste, un style doux, facile, élégant peut être bref : Racine est concis, malgré l’ampleur de ses périodes.

523. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Et cette exhortation à l’homme : Que les pouvoirs obscurs d’un monde élémentaire Connaissent grâce à toi le rythme harmonieux ; Et si, tous les dieux morts, tu restes solitaire, Garde au moins les vertus que tu prêtas aux dieux ! Et toute la dernière pièce, Vers dorés : Sois pur, le reste est vain, et la beauté suprême, Tu le sais maintenant, n’est pas celle des corps : La statue idéale, elle dort en toi-même ; L’œuvre d’art la plus haute est la vertu des forts.

524. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

., formant le reste de la série. […] Reste à parler des mouvements.

525. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

Au reste, il n’attache pas à ces classifications plus d’importance qu’elles n’en méritent. […] Au reste, il faut bien se garder de confondre l’ordre avec la régularité.

526. (1929) La société des grands esprits

Platon ne reste-t-il pas sans doute le plus grand prosateur de tous les temps ? […] Mais sa prose reste merveilleuse et indestructible. […] Goethe écoute avec intérêt, mais reste inébranlable. […] Ils brisent la tradition française et s’imaginent qu’il reste un patriotisme français. […] Ceux-ci, d’ailleurs, ne furent point en reste.

527. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

» Il reste immobile et fasciné sur le bord de son crime. […] Dans le reste, je lui résiste quelquefois. […] Et ce pauvre Valette reste seul avec son déshonneur. […] Donc, Paul reste seul. […] Au reste, la société humaine ne subsisterait pas longtemps sans l’hypocrisie.

528. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Lorsqu’il s’est repris à croire en Dieu, il s’est repris à croire à tout le reste. […] Tenez, commençons par eux, car j’en suis plus désabusé, s’il se peut, que de tout le reste. […] Je m’imagine de reste tout ce que vous diriez des autres choses. […] Je n’ose pas vous parler de l’amitié ; il est bien clair que, comme tout le reste, ce n’est qu’un mot. […] Au reste, notre auteur s’est exposé à de telles imputations.

529. (1914) Une année de critique

Ne vous étonnez point s’il reste quelque chose de divin dans l’œuvre de Monsieur Bois : il reste les pellicules. […] Poil de Carotte, comédie, reste donc l’œuvre la plus achevée de Jules Renard. […] Que reste-t-il à dire sur Pierre Loti ? […] La question reste encore à résoudre. […] Que reste-t-il d’un homme tombé vivant dans leurs mains ?

530. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il ne reste que les vilains à la campagne. […] » L’habitude est si forte, qu’une fois délivré, son langage reste dévot comme auparavant. […] Qu’elle y reste, car elle n’est guère plus habile en diplomatie. […] L’homme disparaît, la machine reste ; chacun prend les défauts de son état, et de ces travers combines naît la société humaine. […] Dans le seigneur, le rang et la vanité sont d’accord ; c’est pourquoi l’orgueil, quoique offensant, reste noble.

531. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Le reste du volume, à Moïse près, parut empreint des mêmes qualités et des mêmes défauts. […] « Celui que prit Chatterton : se tuer tout entier ; il reste peu à faire. […] Reste comme tu es, Romain, et regarde en face. […] Reste, reste, mon enfant, ne me suis pas. […] John Bell les prend à part et reste stupéfait.

532. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Le reste ne sait ni d’où il vient, ni où il va ; il cède aux agitations fébriles qui l’entraînent, peu soucieux d’attendre et de délibérer. […] Que reste-t-il donc des siècles écoulés depuis la Grèce ? […] En attendant l’heure de la renaissance, il ne lui reste qu’à se recueillir et à s’étudier dans son passé glorieux. […] Le reste se meut dans le tourbillon illusoire des apparences. […] La haine, l’envie et l’outrecuidance perturbent ce qui lui reste d’entendement.

533. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Reste un quatrième caractère, le timbre : il appartient également à la parole, et il se retrouve aussi dans la parole intérieure. […] Il reste mien pourtant, s’il est un état faible ; mais il n’est mien que d’une manière implicite, sans être proclamé tel, et seulement parce qu’il n’est pas proclamé non-mien. […] Conséquence : pourquoi la parole intérieure reste d’ordinaire inaperçue. […] La parole intérieure n’est pas l’objet du jugement de perception externe ; par suite, elle reste mienne. […] La localisation de la pensée dans la tête ne peut s’expliquer que par l’association de la pensée avec une sensation localisée, ou périodique ou constante ; reste à déterminer quelle est cette sensation.

534. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Le Décaméron, plusieurs fois traduit, devient le bréviaire des gens de cœur : et Boccace, le Pogge fournissent une partie de leur matière aux conteurs des Cent Nouvelles nouvelles, inspirent le reste. […] Il s’établit — vers la cinquantaine, alors que délivré de sa longue prison, sans grand souci des affaires publiques ni même de ses prétentions princières, il vivait grassement, oiseusement, aux bords de la Loire, dans son aimable Blois, au milieu de sa petite cour de gentilshommes lettrés et de poètes quémandeurs, — il s’établit pour le reste de ses jours dans son personnage d’homme du monde aimable et désabusé : raillant l’amour et les dames, et les jeunes gens qui s’y donnent sérieusement, chansonnant amis et indifférents, avec une malice qui n’appuie pas, et pique sans blesser, jouissant de la vie sans illusion, et prêt à la mort, ne souhaitant plus qu’en « hiver du feu, du feu, et en été boire, boire », avec cela bonne compagnie et gais propos, de tout le reste du monde ne s’en souciant pas, et ne lui demandant pas plus qu’il ne lui donne : enfin, le plus gracieux des égoïstes et des épicuriens, qui même devança peut-être les hardiesses païennes du siècle suivant, si l’on s’arrête à cette inquiétante forme de serment qui lui échappe : Par mon âme, s’il en fut en moi. […] L’autre, le plus vivant rameau du tronc de la foi chrétienne, où toute la sève se porte quand le reste se dessèche, c’est l’idée de la mort qui, sous le poids écrasant des misères, dans l’anarchie morale et religieuse, s’exaspère en un sentiment aigu île l’anéantissement de la chair. […] Le narrateur s’égaie de ces « beuveries » pantagruéliques, de la grossière ivrognerie de ces grands Anglo-Saxons, de cette précieuse paix gagnée sans coup férir, parquelques centaines de tonneaux de vin de France : un imperceptible sourire illumine son récit, mais il reste discret et grave. […] Commynes, au reste, marque vigoureusement les fautes de son maître, fautes d’impatience et d’emballement : mais ces fautes n’étaient pas communes.

535. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Tout passe, et il ne reste de solide et de consolant que le souvenir du bien que l’on a fait. […] Comme je l’avais faite à mes frais et à crédit, j’ai donc fait trois parts de son bénéfice ; la première a servi à en acquitter les frais, la seconde à payer d’avance ceux d’une seconde édition, et je destine le reste à liquider toutes mes dettes. […] Elle m’a produit dans l’année plus de 10 000 francs de bénéfice, les frais de la première édition montant à 7 000 livres défalquées ; les frais de la deuxième étant à peu près les mêmes, il me reste un millier d’écus dont je ne peux faire un emploi plus juste que de payer mes dettes. […] C’est aussi un effet de mon régime si exact, que, depuis que mon ouvrage a paru, je n’ai accepté aucun repas en ville, ni aucune partie à la campagne, quoique les invitations de ce genre aient été si nombreuses que je crois, sans exagérer, qu’il y aurait eu de quoi me substanter tout le reste de ma vie. […] Au reste, ma théorie des marées se fait beaucoup de partisans dans la patrie même de Newton, à ce qu’a témoigné ici dernièrement un membre de la Société royale, appelé M. 

536. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Dans Shakespeare le drame se rapproche de l’humanité, mais reste colossal. […] Eschyle ému reste sombre. […] Au reste, c’est Chœrilus qui, par sa tétralogie des Curetés, a commencé le mal. […] Elle devient vraie et reste démesurée. […] Reste le droit de la Révolution française, créatrice du troisième monde, à être représentée dans l’art.

537. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Si donc il lui reste encore quelque grande conquête à faire, quelque branche principale du domaine intellectuel à envahir, on peut être certain que la transformation s’y opérera, comme elle s’est effectuée dans toutes les autres. Car il serait évidemment contradictoire de supposer que l’esprit humain, si disposé à l’unité de méthode, conservât indéfiniment, pour une seule classe de phénomènes, sa manière primitive de philosopher, lorsqu’une fois il est arrivé à adopter pour tout le reste une nouvelle marche philosophique d’un caractère absolument opposé. […] Il est évident que cela n’est point, et que, par conséquent, il reste encore une grande opération scientifique à exécuter pour donner à la philosophie positive ce caractère d’universalité indispensable à sa constitution définitive. […] Maintenant que l’esprit humain a fondé la physique céleste, la physique terrestre, soit mécanique, soit chimique ; la physique organique, soit végétale, soit animale, il lui reste à terminer le système des sciences d’observation en fondant la physique sociale. […] Cette révolution générale de l’esprit humain est aujourd’hui presque entièrement accomplie : il ne reste plus, comme je l’ai expliqué, qu’à compléter la philosophie positive en y comprenant l’étude des phénomènes sociaux, et ensuite à la résumer en un seul corps de doctrine homogène.

538. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Et dans le même ouvrage, à un autre endroit, parlant des gens à la mode et montrant l’inconvénient de cette prétention pour les diverses conditions du magistrat, du militaire, il ajoutait : « L’homme de lettres, qui, par des ouvrages travaillés, aurait pu instruire son siècle et faire passer son nom à la postérité, néglige ses talents et les perd, faute de les cultiver : il aurait été compté parmi les hommes illustres, il reste un homme d’esprit de société. » Ces deux passages rapprochés renferment toute la destinée de Duclos comme homme d’esprit et comme écrivain. […] Sa mère s’y oppose ; elle veut que chacun reste sinon dans son état, du moins dans son ordre. […] Celle-ci a bien des défauts sans doute ; elle a aussi ses grossièretés, ses restes de détails matériels, ses affectations de sentiment ; on y voit l’échafaudage ; mais l’élévation y est, mais on entre décidément dans un ordre supérieur et habituel de pensées attachantes et de nobles désirsi : laissez-en la première partie, ne prenez que la seconde : un souffle d’immortalité y a passé. […] Au reste i.

539. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Un ambassadeur vénitien écrivait peu après, en terminant une dépêche où il résumait tout le règne et le caractère de Charles-Quint : « Mais la fuite d’Inspruck, le mauvais succès de l’entreprise de Metz ont traversé le cours de cette gloire et sont venus remettre en mémoire les autres mauvais succès, comme ceux de Provence, d’Alger et de Castelnuovo ; la trêve désavantageuse conclue avec Sa Majesté très chrétienne, la renonciation aux États, le départ pour l’Espagne et l’entrée dans un monastère, tout cela lui a fait perdre presque toute sa réputation, je dis presque toute, parce qu’il lui en reste autant qu’il reste d’impulsion à une galère qui a été fortement poussée par les rames et le vent, et qui, l’un et l’autre cessant, fait pourtant encore un peu de chemin ; chacun concluant de là que c’est par le souffle favorable de la fortune qu’a été guidé l’immense navire des États, royaumes et pires de Sa Majesté. » Mais, patience ! […] Le reste des mets n’était que des accessoires. » Quel contraste de ce grand empereur intempérant, et d’ailleurs si sage, avec ceux qui, sobres en tout le reste, n’ont de passion et d’intempérance que celle de l’esprit, de l’intellect, et du cerveau !

540. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Le lecteur hésite plus d’une fois dans son impression, et reste étonné. […] J’ai bien envie de me récuser sur le reste de l’historiette ; je ne me sens pas bon juge ; je ne suis pas de ceux qui regrettent que la France ne se soit pas faite protestante à de certains jours : chaque nation a son tempérament à elle : j’aime mieux, je l’avoue, une France catholique ou philosophique. […] Pour moi, je reste froid ; je ne puis entrer dans cette émotion à la lecture : l’habitude n’y est pas. […] L’autre s’avoisine tout à fait ; elle est simple et grave ; il ne reste pas, on le dirait, une parcelle de sang dans les fibres de sa peau mate ; ses grands yeux s’arrêtent sur nous, amortis par le verre de ses lunettes ; ses manches, larges et pendantes, couvrent presque entièrement la main ; elle parle d’une voix égale, et nous montre, l’un après l’autre, par les trous de ta grille, les souris en pelote, les porte-montre brodés de perles, les coques d’œufs remplies de fleurs microscopiques, les coquilles d’escargots avec des saintes dedans, ces mille prodiges d’adresse et de laideur par quoi de pauvres recluses trompent leur ennui.

541. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

De nos jours même, et en nos âges classiques, nous avons des restes, des vestiges de ces mémoires extraordinaires et sans qu’il y ait nécessité. […] Grote que tout s’expliquerait si l’on admettait qu’un Homère ou Homéride, s’emparant des rhapsodies antérieures d’une Iliade en fragments, et d’une Achilléide embryonnaire ou élémentaire, a refondu, remanié, agrandi les deux sujets, les a mis en rapport entre eux et a opéré un travail ardent, poétique, inspiré, d’où est sortie l’œuvre telle à peu près que nous l’avons, sauf toujours trois ou quatre chants qui sont par trop gênants ou sensiblement inutiles, et dont on fait bon marché : tout le reste appartient à une pensée suffisamment une et dominante. […] « Il n’y a rien dans l’Odyssée ni dans l’Iliade qui sente le moderne, en appliquant ce terme à l’âge de Pisistrate », et c’est à bon droit que le nom d’Homère reste attaché en propre à ce premier grand travail de composition épique. […] L’Homère unique, il est vrai, l’Homère simple, individuel, pareil à un Milton antérieur, a cessé d’être possible : après Wolf, après Lachmann, ces docteurs Strauss de l’homérisme, il n’y a plus moyen de tout sauver : du moins il nous reste à la place un Homère en deux ou trois personnes, en deux ou trois génies.

542. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Six mois après enfin, il entre gratis au séminaire ; mais là il ne reste que six mois ; pourtant il commençait à s’y distinguer : il avait eu un prix, et ce prix, c’était une vieille soutane usée qu’on allait lui rajuster et qu’il était prêt d’endosser, bien qu’avec un peu de honte de la voir si vieille. […] Jasmin seul reste pensif et cherche à s’assurer de ce qu’il soupçonne à travers le triste sourire de sa mère. […] Est-ce que saint Joseph voudrait nous faire entendre, le bon saint, qu’à l’amour trop pressé il ne reste rien à prendre ? […] Il reste pourtant à regretter qu’avec de si heureuses qualités et un art véritable d’écrivain, Jasmin n’ait pu cacher, sous ce titre d’homme du peuple, un bon grain d’érudition et de vieille langue, comme Béranger et Paul-Louis de ce côté-ci de la Loire.

543. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

L’Europe, au sortir des troubles religieux et à travers les phases de la guerre de Trente ans, enfantait laborieusement un ordre politique nouveau ; la France à l’intérieur épuisait son reste de discordes civiles. […] A l’époque dont nous parlons, loin d’être un obstacle à suivre le mouvement littéraire, religieux ou politique, ce genre de vie était le plus propre à l’observer ; il suffisait de regarder quelquefois du coin de l’œil et sans bouger de sa chaise, et puis l’on pouvait, le reste du temps, vaquer à ses goûts et à ses amis. […] Cette province est un bel exemple pour les autres, et surtout de respecter les gouverneurs et les gouvernantes, de ne leur point dire d’injures et de ne point jeter de pierres dans leur jardin ; » et enfin : « Vous me parlez bien plaisamment de nos misères : nous ne sommes plus si roués ; un en huit jours seulement pour entretenir la justice : la penderie me paroît maintenant un rafraîchissement. » Le duc de Chaulnes, qui a provoqué toutes ces vengeances, parce qu’on a jeté des pierres dans son jardin et qu’on lui a dit mille injures dont la plus douce et la plus familière était gros cochon, ne baisse pas pour cela d’un cran dans l’amitié de Mme de Sévigné ; il reste toujours pour elle et pour Mme de Grignan notre bon duc à tour de bras ; bien plus, lorsqu’il est nommé ambassadeur à Home et qu’il part du pays, il laisse toute la Bretagne en tristesse. […] Depuis que ces pages sont écrites, j’ai eu souvent l’occasion de remarquer tout bas avec bien du plaisir qu’on exagérait un peu cette ruine de l’esprit de conversation en France : sans doute l’ensemble de la société n’est plus là, mais il y a de beaux restes, des coins d’arrière-saison.

544. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

M…, sans fortune, sans pension, la fière et noble veuve avait vécu, durant deux années, de quelques économies, de la vente de quelques bijoux, des restes enfin d’une situation qui avait pu sembler brillante. […] Mais non, encore non ; sa cage la tient ; il faut qu’elle y reste enfermée, sous cette grille, près du poison lent qui passe par ses mains et qui la tue, elle-même devenue jusqu’au bout l’instrument docile et muet de son martyre. Des larmes d’impuissance, de jalousie, d’humiliation et de honte, brûlent ses joues, et, versées au dedans de son âme, y dévastent partout la vie, l’espérance, la fraîcheur des bosquets du ouvenir. — S’il entre pourtant, s’il a paru au seuil, en ce moment même, avec sa simple question habituelle, tête découverte et strictement poli, la voilà touchée ; tout cet assaut de fierté s’amollit en humble douleur, et le reste n’est plus. […] Quoi qu’il soit devenu, et quoi qu’il fasse, il se ressouvient éternellement, du moins, de cette divine douleur de jeune fille, et, à ses bons et plus graves moments, sous cette neige déjà que le bel âge enfui a laissée par places à son front, il en fait le refuge secret de ses plus pures tristesses, et la source la plus sûre encore de ce qui lui reste d’inspirations désintéressées.

545. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Enfin, « les percepteurs se croient obligés d’observer des ménagements à leur égard », même quand ils doivent ; « ce qui fait, dit Necker, qu’il subsiste sur leur capitation et sur leurs vingtièmes des restes très anciens et beaucoup trop considérables ». […] À la vérité, le roi a supprimé quantité de péages, douze cents en 1724, et on en supprime incessamment ; mais il en reste beaucoup au profit du seigneur, sur des ponts, sur des chemins, sur des bacs, sur les bateaux qui montent ou descendent, à charge pour lui d’entretenir le pont, le chemin, le bac, la route de halage, plusieurs fort lucratifs, tel rapportant quatre-vingt-dix mille livres41. […] Propriétaire des hommes, il l’est encore, du moins à plusieurs égards et en plusieurs provinces. « Dans la Champagne propre, dans le Sénonais, la Marche, le Bourbonnais, le Nivernais, la Bourgogne, la Franche-Comté, il n’y a point ou très peu de terres où il ne reste des marques de l’ancienne servitude… On y trouve encore quantité de serfs personnels ou constitués tels par leurs reconnaissances ou par celles de leurs auteurs44. » Là, l’homme est serf tantôt par le fait de sa naissance, tantôt par le fait de la terre. […] Reste l’assise primitive, la structure ancienne de la propriété, la terre enchaînée ou épuisée pour le maintien d’un moule social qui s’est dissous, bref un ordre de privilèges et de sujétions dont la cause et l’objet ont disparu46.

546. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

. — Mais, justement parce que nos sensations sont les éléments dont se compose le reste, nous ne pouvons les décomposer comme le reste ; nous ne trouvons pas d’éléments à ces éléments. […] Parmi des restes de bruits qui persistent encore et continuent à être distincts, elle se dégage comme un événement d’espèce différente ; entre les diverses sensations élémentaires, qui constituaient chaque bruit, il en est une que l’opération a séparée ; désormais, celle-ci n’est plus distincte de la sensation élémentaire semblable qui la suit dans chacun des bruits suivants. […] Pour que leurs éléments soient perceptibles à la conscience, il faut que, s’ajoutant les uns aux autres, ils fassent une certaine grandeur et occupent une certaine durée ; si leur assemblage reste au-dessous de cette grandeur et dure moins que cette durée, nous ne remarquons en nous aucun changement d’état.

547. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Le reste, c’est de la fripouille. » Je ramasse ces perles sans les choisir. […] » Au reste, presque tous les artistes et les littérateurs ont, dans ce livre, des attitudes tordues ou écrasées d’athlètes, de cariatides, de damnés de Michel-Ange. […] Au reste, le pouvait-il faire ? […] Enfin ce conte, qui, tout en étant bleu, reste physiologique et documentaire, est aussi romantique et épique.

548. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Quand on a salué celui-là, il ne reste qu’à tourner le dos aux autres ou à sourire de pitié. […] Le Parnasse, réaction contre le romantisme, revient vers le classicisme ; mais il reste superficiel. […] La froideur parnassienne, même quand elle recouvre le néronisme d’un histrion impuissant, reste distinguée et inspire aux foules un respect étonné et hostile. […] Je l’approuve aussi, malgré toutes les foudres de Tailhade, peut-être par un reste de romantisme, plutôt, je crois, par mépris pour les gens qui fréquentent les casinos : de quel droit ces grecs et ces mondains repoussent-ils leur sœur la courtisane, et quelle étrange présomption peut bien leur persuader qu’ils lui sont, en quoi que ce soit, supérieurs ?

549. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Ne lui reste-t-il pas un million sonnant ? […] Il me reste à louer le second acte presque entier ; il reproduit avec émotion le tableau, si souvent exposé, des amours adultères traînant tristement leur chaîne. […] Sergines reste donc ; mais il a beau faire, il ne peut plus témoigner à sa maîtresse qu’un respectueux et parfait ennui. […] La comédie n’en reste pas moins gênée et maussade.

550. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Aujourd’hui que l’action est plus éloignée, et que la parole reste, celle-ci se montre avec ses qualités propres, et en même temps le souvenir de l’action y projette un reflet et comme un rayon. […] Napoléon, par exemple, racontant son armement des côtes de la Méditerranée, après le siège de Toulon (1793), nous dit : Napoléon employa le reste de l’automne à faire armer de bonnes batteries de côtes les promontoires depuis Vado jusqu’au Var, afin de protéger la navigation de Gênes à Nice. […] Au reste, je ne voudrais pas répondre que Napoléon n’eût lui-même suggéré au peintre cette idée du cheval fougueux ; il aimait les genres tranchés, comme il disait ; il les aimait jusqu’au point de ne pas haïr le convenu. […] Que lui fait le reste ?

551. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Au reste, ce n’est point par un désir égoïste de vengeance qu’il écrit cette satire, c’est dans une pensée plus haute : Voici pourquoi j’écris ces vers puissants : c’est pour que le roi y prenne un conseil, qu’il connaisse dorénavant la puissance de la parole, qu’il réfléchisse sur l’avis que lui donne un vieillard, qu’il n’afflige plus d’autres poètes, et qu’il ait soin de son honneur ; car un poète blessé compose une satire, et elle reste jusqu’au jour de la résurrection. […] Elle accepta la somme ; la digue tant désirée fut construite, mais quand le poète n’était plus : quatre siècles après, on en voyait encore les restes. […] Ne reste pas avec les Turcs ; je ne connais personne dans l’Iran qui ait des épaules et des bras comme toi.

552. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

« Les paysans ne mangent pas vite. » On perd une heure ; on est en retard, et il reste encore à traverser les grands bois. […] puisque cela est, ô poète, convient-il donc, sur la foi de certains systèmes non éprouvés et que rien ne garantit, de pousser si fort et si violemment ces restes d’un passé déjà si ébranlé ? […] L’autre, le gentil Sylvinet, reste enfant, plus faible, plus susceptible, âme toute sensible et maladive, toute douloureuse : il y a là des nuances d’analyse et une anatomie du cœur humain où l’auteur a excellé. […] En insistant sur l’admiration qui est due à ces dernières productions de Mme Sand, je n’ai pas, au reste, la pensée de lui adresser un conseil : c’est un succès que j’ai voulu constater.

553. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Je sais, à l’heure qu’il est, tel érudit qui compare plus curieusement que jamais les diverses éditions premières de Rabelais, des éditions (notez-le bien) dont il ne reste qu’un exemplaire unique, et dont un second exemplaire serait introuvable : de cette collation attentive des textes jaillira quelque conséquence littéraire assurément, et philosophique peut-être, sur le génie de notre Lucien-Aristophane. […] Dans l’ordre moral il reste inégal et très mélangé. […] Au reste, il fera tout pour pressentir à l’avance les événements : « Je ferai ce que je pourrai pour sentir nouvelles de toutes parts, et, pour cet effet, visiterai et verrai le goût de toute sorte d’hommes. » Enfin, après avoir tenu le maréchal au courant de tout et des moindres bruits de ville, il le presse de revenir, l’assurant « que nous n’épargnerons cependant ni notre soin ni, s’il est besoin, notre vie pour conserver toutes choses en l’obéissance du roi ». […] Considérant de près le désordre des partis et ce qui s’y développe si vite d’abject et de misérable, il rougit de voir des chefs qui ont quelque renom s’abaisser et s’avilir par de lâches complaisances : car, en ces circonstances, nous le savons comme lui, « c’est au commandant de suivre, courtiser et plier, à lui seul d’obéir ; tout le reste est libre et dissolu. » — « Il me plaît, dit ironiquement Montaigne, de voir combien il y a de lâcheté et de pusillanimité en l’ambition ; par combien d’abjection et de servitude il lui faut arriver à son but. » Méprisant l’ambition comme il le fait, il n’est pas fâché de la voir se démasquer ainsi dans ces pratiques et se dégrader à ses yeux.

554. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Mais les générations venues depuis sa mort ne savent plus bien ce qu’était ce personnage intrépide et inachevé, si souvent invoqué comme chef dans les luttes politiques, cet écrivain dont il ne reste que peu d’ouvrages et un souvenir si supérieur à ce qu’on lit de lui. […] Et puis, nous n’oublierons jamais que la statue reste debout dans le fond. […] Carrel, au reste, dès que sa passion fut en jeu, sut très bien éclaircir son style et le débarrasser de cette teinte grise qu’il ne revêtait qu’en sommeillant. […] Il a cherché un reste de force et d’attention pour ne se pas manquer, et sa main a été sûre… Certes, si jamais une lecture peut dégoûter du suicide une âme mâle et ferme, c’est la lecture de cet article de Carrel.

555. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Il n’en reste que la base, sur laquelle j’ai écrit avec un crayon : Lugete, Veneres Cupidinesque, et les morceaux dispersés qui feraient mourir de douleur Mengs et Winckelmann, s’ils avaient eu le malheur de vivre assez longtemps pour voir ce spectacle. […] Courier, qui n’a vu de la guerre que ce côté désastreux et cette lisière délabrée, juge par là de tout le reste : C’est là néanmoins l’histoire, écrit-il au docte critique Sainte-Croix, l’histoire dépouillée de ses ornements. […] Quand on a fait la part du rhéteur et du prêtre d’Apollon en lui, il reste une bien plus large part encore, ce me semble, au collecteur attentif et consciencieux des moindres traditions sur les grands hommes, au peintre abondant et curieux de la nature humaine. […] Il y a là de quoi faire quelque chose comme le Jugurtha de Salluste, et mieux, en y joignant un peu de la variété d’Hérodote, à quoi le pays prêterait fort ; scène variée, événements divers, différentes nations, divers personnages ; celui qui commandait était encore un homme, il avait des compagnons ; et puis, notez ceci, un sujet limité, séparé de tout le reste ; c’est un grand point selon les maîtres : peu de matière et beaucoup d’art.

556. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Son monument à lui, sa restitution de l’histoire romaine selon Salluste, est venu plus d’un siècle trop tard, à la fin d’une époque empressée et rapide à laquelle suffisaient de reste les Considérations de Montesquieu. […] En pénétrant si bien dans le secret des beautés étrangères et de l’art immortel, de Brosses se montre à la fois tout à fait lui-même ; il reste bien Français, de son pays et de sa race. […] Et bientôt, voyant Turgot à l’œuvre, il trouvait dans sa politique et dans ses édits « plus d’Encyclopédie que de ministère » ; de même, au reste, que dans les discours et remontrances opposés, il trouvait « plus d’envie de contredire que de bien public ». […] Dans cette course rapide et ce séjour de dix mois à travers l’Italie, il y a certes des côtés qu’il n’a fait qu’entrevoir en courant, et où d’autres talents trouveront matière à conquête ; la Campagne romaine, par exemple, les collines d’alentour, Tibur, la Villa Adriana, sont des lieux dont Chateaubriand un jour évoquera le génie attristé et nous peindra les mélancoliques splendeurs : de Brosses reste le premier critique pénétrant, fin, gai et de grand coup d’œil, qui a bien vu dans ses contradictions et ses merveilles ce monde d’Italie.

557. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Et le Oui ici purement proclitique et lié au verbe dont il renforce le sens, « oui — je — viens », par quel moyen lui donnerons-nous une valeur, s’il reste seul, séparé de l’acte qu’il affirme ? […] L’accent reste fixe ou se déplace selon des règles qui n’ont jamais été étudiées, mais que le poète applique inconsciemment. […] Peut-être, mais il reste contre les vers libres (les vers trop libres) de M.  […] Il est improbable que le commun des poètes s’approprie les secrets de cet art aussi facilement que les procédés parnassiens ; mais, quels que soient l’avenir et la destinée de cette poétique, il reste que par Moréas, Gustave Kahn, Vielé-Griffin, Verhaeren, Henri de Régnier (car les recherches et les résultats furent parallèles) un vers plus libre est possible en France et, avec ce vers, des laisses d’aspect nouveau, et avec ces laisses, des poèmes assez différents, en ce qu’ils ont d’acceptable et de très bon, pour justifier des espoirs qui n’avaient paru d’abord que d’obscurs désirs.

558. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Personnellement, je puis n’attacher aux bijoux aucun prix ; leur valeur n’en reste pas moins ce qu’elle est au moment considéré. […] Seulement, la valeur qui est ainsi attribuée à l’idéal, si elle explique le reste, ne s’explique pas elle-même. […] Ils sont essentiellement moteurs ; car derrière eux, il y a des forces réelles et agissantes : ce sont les forces collectives, forces naturelles, par conséquent, quoique toutes morales, et comparables à celles qui jouent dans le reste de l’univers. […] La pensée distincte a prise sur lui comme sur le reste de l’univers physique ou moral.

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