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573. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

On a besoin de se replacer à quelque distance et de se reporter à la tradition première pour retrouver une vue nette de l’ensemble. […] Mais quand on a ainsi fait preuve de largeur d’idées et d’un sentiment historique aussi impartial, aussi désintéressé qu’on le peut désirer d’une nature intelligente, on n’en est que plus à l’aise pour apprécier, pour définir à leur avantage et à leur honneur les hommes du premier mouvement, du plus manifestement légitime de tous, de celui de 89, et particulièrement ceux d’entre eux qui furent les plus irréprochables, les plus éclairés et les plus purs. […] J’appris à me taire, à écouter attentivement ce qui valait la peine d’être retenu, m’ennuyer quelquefois sans en avoir l’air, et enfin à dissimuler mes premières impressions qui m’avaient jusque-là dominé. […] Malouet savait décrire ; et déjà, à son premier voyage d’Amérique, allant à Saint-Domingue, il avait occupé les loisirs de la trame, dans lequel la périphrase continuelle rachète amplement l’absence de la rime, ressemble tout à fait à une traduction élégante d’un poème moderne en vers latins. […] Préville y avait son rôle, tout en faisant répéter les autres, et, pour premier précepte à ses camarades de société, il voulait, quand on avait à jouer le soir, qu’on s’habillât dès le matin, pour donner des plis à ses habits (c’était son mot) et ne point paraître neuf et emprunté.

574. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

On devine que la décadence est très avancée, et qu’au premier choc sérieux viendra la ruine. […] L’ironie de Commynes se joue dans ce premier récit ; c’est cette ironie que nous cherchons, et non l’affaire en elle-même, qui ne nous importe guère. […] Il est facile de voir, du premier moment qu’il parle de celui-ci, que ce sera le prince de son choix. […] Il a raison de remarquer quelque part que presque tous ceux qui ont fait de grandes choses ont commencé fort jeunes ; mais ce qui est bien rare, c’est de conseiller si sagement et de voir si juste, de tenir la balance si exacte, dès cette première moitié de la vie. […] Ce qu’il regardait également comme un malheur de sa première éducation, de n’avoir pas été instruit dès sa jeunesse aux lettres anciennes, n’a pas moins tourné à son avantage et à la gloire de son originalité d’écrivain.

575. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Il est à croire qu’aux diverses époques, et dans ces lieux différents, Pariset ne professa point tout à fait, dans la même rigueur, les mêmes idées dont la source première remontait à la société d’Auteuil et à Cabanis. […] Il avait son parti pris avant de quitter Paris, il croyait à la contagion ; et, dans le récit qu’il a publié de son premier voyage, il a naïvement raconté comment, à peine arrivé à Madrid, il en était déjà à rêver tout un vaste système de lazarets, qui aurait embrassé de son réseau toute l’Europe. Ce premier voyage à Cadix eut cela de piquant, que Pariset et son compagnon de route n’arrivèrent dans cette ville que le jour même où expirait le fléau, et presque au bruit des cloches qui sonnaient le Te Deum de délivrance. […] Dans l’éloge de Portal, voulant faire allusion au charlatanisme si connu dont ce médecin avait usé d’abord pour se mettre en renom, Pariset, après l’avoir couronné de tous les éloges, ajoute à la fin que « son seul tort, peut-être, a été, dans ses premières années, de prendre l’avenir en défiance, de ne pas croire à l’effet naturel de ses talents, et d’avoir voulu attacher des ailes à sa fortune ». […] [NdA] Je dois à un compatriote de Pariset, à M. l’abbé Mourot, quelques renseignements précis sur ses premières années.

576. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Les lettres publiées par M. de Bérenger nous montrent Chaulieu à l’âge de trente-six ans (1675), très lancé dans le meilleur monde, l’intime et le familier des Bouillon, des Vendôme, des Marcillac, et, dans sa première pointe d’ambition, accompagnant M. de Béthune ; alors envoyé extraordinaire en Pologne. […] Mais il a laissé des Mémoires sérieux, intéressants, d’un jugement ferme, élevé, indépendant, et qui le classent au premier rang des esprits éclairés d’alors. […] Ces premières pages renferment en peu d’espace bien des résultats de réflexion et d’expérience. […] Il y avait loin de ce premier La Fare, débutant avec tant d’avantages, à celui que Saint-Simon nous représente vers la fin, d’une grosseur démesurée, grand gourmand, à demi apoplectique, dormant partout, et (ce qui était surprenant) se réveillant net de manière à reprendre le propos là où il le fallait. […] Quant à son caractère, on peut lui appliquer ce qu’il a dit de l’un de ceux qu’il juge : « Il était, comme la plupart des autres hommes, composé de qualités contraires : paresseux, voluptueux, nonchalant et ami du repos, mais sensé, courageux, ferme et capable d’agir quand il le fallait. » Pourtant, avec un esprit de première qualité, un sens excellent et un brillant courage, la paresse finit par prendre chez lui le dessus et par l’emporter absolument.

577. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Ce jeune homme, que la nature destinait aux études brillantes et littéraires et à l’art de la parole, se ressentira toujours, même sous sa forme grave, de ce peu de discipline première. […] D’Urfé, célèbre depuis près de quinze ans par la publication des premières parties de L’Astrée, était alors l’auteur à la mode, et ce roman pastoral, dont la conclusion n’avait point paru encore, passionnait tous ceux qui, en France et en Europe, se piquaient de galanterie et de politesse. […] Relue à haute voix, plus d’une de ses harangues ou oraisons, telle que son Éloge du premier président de Bellièvre, ferait sourire et paraîtrait ridicule d’emphase, si l’on ne se rendait bien compte de quoi il s’agissait. […] C’est ainsi encore que Patru plaisante, car, au fond, sa première harangue nous a prouvé qu’il n’était ni frondeur ni républicain jusque-là. […] Il ne paraît point, pourtant, que les avis de Patru aient prévalu dans tout ce qui était du premier Dictionnaire : M. 

578. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

C’est assez montrer qu’il y a dans ce premier essai d’un auteur adolescent quelque tâtonnement et du mélange ; mais ce qui s’y reconnaît visiblement, c’est un esprit sage, sain, conservateur d’instinct, qui ne sort pas volontiers des choses établies, et qui a pourtant souci de les rectifier et de les épurer. […] C’est qu’il s’est déjà accoutumé à prendre la religion surtout par le côté pratique et moral : « La religion ne détruit point l’homme, mais elle établit le vertueux. » Ainsi acheminé, dès ses premiers pas, dans une voie de prudence et de droiture, le jeune homme devint, à dix-neuf ans, avocat au parlement d’Aix, et s’y concilia aussitôt l’estime. […] Je n’insiste pas davantage sur ces premiers écrits à demi politiques, pleins de vues libérales ou même déjà législatrices entremêlées dans l’esprit de corps, et où la doctrine des anciens parlements se retrouve dans toute sa plénitude et sa beauté en expirant : mais Portalis ne s’y montrait encore que comme l’avocat d’une province, et j’ai hâte de l’atteindre au moment où il devient le conseiller et la lumière de toute la France. […] Son premier mot fut un cri d’humanité. […] Un autre écrit, intitulé : Il est temps de parler, ou Mémoire pour la commune d’Arles, est également de ces premiers mois de 1795.

579. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Excusez ces formules ; j’arrive aux exemples précis, et je vais essayer devant vous des analyses du premier genre. […] La force n’est que la liaison ou dépendance du second vis-à-vis du premier, ou, si vous l’aimez mieux, la propriété qu’a le premier d’être nécessairement suivi du second. […] On recueille le suc des premières avec des éponges ou par des fistules, ou en tuant l’animal. […] Au premier aspect on n’aperçoit que l’effet apparent : dans l’estomac, la métamorphose des aliments ; dans le livre, l’assemblage des vingt mille phrases. […] Au premier moment, ce nom ne désignait pour vous aucun livre.

580. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Première étape. […] Nous toucherons donc vivement au but de cette première étape. […] Le lendemain de chaque première représentation, le critique nous fait assister à une pentecôte lyrique. […] Feuillet sur notre première scène ». […] Nestor Roqueplan, qui a profité de l’occasion pour ajourner son premier feuilleton dans la Presse.

581. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Mais ce n’est là qu’une impression générale due au premier aspect. […] Au premier acte, un simple voile de gaze est fixé sur sa tête. […] Mais à la fin du premier acte, combien change la situation ! […] La disposition scénique du premier acte ne me paraît pas heureusement conçue. […] Néanmoins, cette première scène de l’acte prépare surtout la dernière.

582. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Au premier regard, de telles rencontres semblent incohérentes. […] Je cite de nouveau, au hasard de ma mémoire, d’autres livres de tout premier ordre également. […] Il n’était pas un résultat, mais une donnée première. […] Un chirurgien n’a-t-il pas pour qualités premières l’action immédiate et la décision prompte ? […] Ce premier concours eut lieu le 25 juin 1788.

583. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Son premier grand roman et sa première grande comédie furent des événements publics. […] Ce n’est point ici le lieu de répondre à cette première question. […] Leconte de Lisle, et cela, depuis la publication de son premier recueil de vers. […] Taine justement, il résumait ses théories sur ce premier point par un exemple. […] Napoléon, qui fut le premier des généraux, ne se montra-t-il pas un législateur de premier ordre ?

584. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

ô vous, mon premier feu ! […] Aussi la représentation de lundi dernier ressemblait à une grande première, et c’était une chambrée de premier choix. […] Du premier rang se détache M.  […] Son premier acte est très bien fait. […] Or, c’était un point de toute première nécessité.

585. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Ce qui le caractérise homme profondément original, c’est son bon sens ; il en fait preuve à chaque ligne dans ces feuilles naïves qu’il écrivait au jour le jour, pour son usage propre ou tout au plus pour celui de sa famille ; l’un des premiers apôtres du sens commun, il le proclame entre toutes les qualités la seule essentielle et suffisante à un ministre. […] Dans ces premiers temps où l’esprit de discussion se relevait des coups portés par la police de Louis XIV, le fils de son inexorable lieutenant, du destructeur de Port-Royal et de l’adversaire des parlements, ne fut pas le seul à ressentir de sages besoins de réforme et à désirer y satisfaire. […] Mais, d’un esprit moins profond, d’une âme moins forte que son frère, s’il appartient davantage à l’histoire politique du temps, il n’appartient que peu ou point à l’histoire morale et littéraire ; je reviens donc au premier.

586. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Les deux premiers actes se passent dans une auberge d’Allemagne, à quelques lieues de Vienne. […] Ce premier acte est habilement conduit ; il a de jolis mots, de jolies scènes, des coups de pinceau assez fins. — Lorsque le second acte commence, l’attention est parfaitement éveillée. […] Conrad, qui a placé enfin toutes ses actions, et qui est aujourd’hui très-riche, parce que ses actionnaires ne le sont plus, plaide contre la chanoinesse de Moldaw, et il a choisi pour avocat le jeune fou des deux premiers actes, qui, ramené par le régime de la prison à des idées plus saines, s’est créé par son travail une position honorable.

587. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Chapitre premier. […] Si vous avez l’esprit suffisamment meublé, au premier contact de cette idée générale, des idées, des sentiments qui ont de l’affinité avec elle, s’éveilleront en vous. […] Mais les idées ne se présentent pas toutes seules au besoin ; les images n’accourent pas complaisamment au premier signe.

588. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Éphémérides poétiques, 1870-1890 » pp. 181-188

Mme Ackermann : Premières poésies. […] Frédéric Bataille : Premières rimés. […] Robert de la Villehervé : Premières poésies.

589. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Chapitre premier. […] Sans doute un homme peut être un esprit de premier ordre et, malgré cela ou quelquefois par cela même, être en lutte avec le courant dominant. […] Mais il est visible, au premier coup d’œil, que, si nous trouvons, en parcourant la littérature d’une époque, des caractères qui sont strictement individuels, nous en rencontrons d’autres qui sont communs à plusieurs auteurs, à des groupes plus ou moins étendus.

590. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Mais que peut-on attendre d’un législateur, ou aussi grossièrement trompeur, ou aussi stupidement trompé dès sa première ligne ? […] Sa première loi est de veiller à sa propre conservation ; ses premiers soins sont ceux qu’il se doit à lui-même ; et sitôt qu’il est en âge de raison, lui seul, étant juge des moyens propres à se conserver, devient par cela seul son propre maître !  […] On se demande si le droit d’aînesse, cette espèce de jugement de Dieu, qui tire au sort la propriété, ce droit du premier occupant dans la vie, doit être la loi de l’hérédité. […] La révolution française, trop irritée contre les excès de la loi d’aînesse, ne s’est placée qu’au premier point de vue : l’individu. […] Vérité ou sophisme, il n’y avait rien à répondre au premier aperçu à cet axiome, du moment qu’on admettait pour convenu cet autre axiome très contestable : L’homme est égal à l’homme devant le champ ; l’enfant plus avancé en âge et en force est égal à l’enfant nouveau venu, dénué d’années, de force, d’éducation, d’expérience de la vie ; l’enfant du sexe faible et subordonné par son sexe même est égal à l’enfant du sexe fort, viril et capable de défendre l’héritage de tous dans le sien ; l’enfant inintelligent est égal à l’enfant doué des facultés de l’esprit et du cœur, privilégié par ces dons de la nature ; l’enfant vicieux, ingrat, rebelle, oisif, déréglé, est égal au fils tendre, respectueux, obéissant, actif, premier sujet du père, premier serviteur de la maison, etc., etc.

591. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Je vois une lumière, puis je ne la vois plus, puis je la revois ; du premier état au second, changement ; du second état au troisième, changement inverse ; le troisième vient se superposer à l’image persistante du premier, qu’il renforce et dont il reproduit l’intensité première. […] Il importe au plus haut point à l’animal qui veut vivre d’exécuter les mêmes mouvements de défense et de fuite devant le même ennemi ou devant un ennemi semblable au premier. […] Voir livre premier. […] Voir livre premier. […] Voir livre premier.

592. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Edmond Scherer s’est fait une réputation solide et originale, non seulement comme hébraïsant, mais comme critique théologien, comme investigateur historique aussi précis que hardi dans l’examen des textes du Nouveau Testament, et aussi comme écrivain philosophique du premier ordre. […] J’aurais eu regret cependant que l’auteur eût complètement supprimé dans le volume offert à notre public deux ou trois morceaux. « La crise de la foi » est un beau chapitre intérieur, et qui rappelle, à quelques égards, le touchant monologue de Jouffroy au moment où il s’aperçut que la foi première sur laquelle il s’appuyait s’était écroulée dans son cœur. […] Scherer nous offre, dans cette suite d’études premières, le spectacle d’une âme, d’une intelligence en travail, en marche continuelle, en évolution permanente : c’est une variante moins orageuse et sous forme toute scientifique, une variante qui a son intérêt pourtant, de la lutte et de la recherche que nous offre l’homme de Pascal dans les Pensées, avec cette différence qu’au lieu d’acquérir de la foi, il va la perdant, ce semble, de plus en plus, mais en s’obstinant à ne jamais la perdre tout à fait. […] Cousin avait commencé, dans ses premiers Fragments philosophiques, par adopter le jargon de l’école au point d’en être presque inintelligible : oh ! […] La religion est avant tout, pour lui, une théologie, une théorie ; sa foi est un système sur la foi, Avec ses grands airs qui imposent au premier abord, il a plus d’esprit, de mordant et de vivacité piquante que d’autorité grave et de véritable éloquence.

593. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Il se produisit, à ce moment, un phénomène assez singulier : sur la fin et comme à l’arrière-saison d’un siècle si riche par l’ensemble et la réunion des plus belles facultés de l’esprit et de l’imagination, on vit paraître plusieurs hommes distingués, et quelques-uns même éminents par certaines parties de l’intelligence, mais notablement privés et dénués d’autres facultés qui se groupent d’ordinaire pour composer le faisceau de l’âme humaine : — Fontenelle en tête, le premier de tous, une intelligence du premier ordre, mais absolument dénué de sensibilité ; La Motte, l’abbé Terrasson, qui l’un et l’autre, avec l’esprit très perspicace sur bien des points, raisonnaient tout à côté comme s’ils étaient privés de la vue ou du goût, de l’un des sens qui avertissent. […] C’était un original de première force. […] Né en 1658 au château de Saint-Pierre en Basse-Normandie, cadet d’une noble maison, Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre (Irénée, c’est-à-dire pacifique, il y a de ces heureux hasards de noms) ne dut faire ses premières études dites classiques, ses humanités, que faiblement et sans zèle ; pas la plus petite fleur, pas le plus léger parfum de l’Antiquité ne passa en lui. […] C’est bien lui qui, lorsqu’il crut devoir passer de l’étude de la morale à celle de la politique, et qu’il eut acheté pour cela une charge de Cour (celle de premier aumônier de Madame, mère du duc d’Orléans), ne considéra cette espèce de sinécure auprès d’une princesse restée à demi protestante, que comme une petite loge à un beau spectacle, comme une entrée de faveur pour approcher plus aisément ceux qui gouvernaient, et se mit à les regarder, à les étudier à bout portant, bientôt à les aborder et à les harceler de questions, en attendant qu’il les poursuivît, sous la Régence, de ses projets et de ses conseils. […] Nous-mêmes nous touchons aux premiers hommes et aux patriarches : et qui pourra ne nous pas confondre avec eux dans des siècles si reculés ?

594. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Ordinairement, le poëte chrétien classique s’inspire de David et des Psaumes, la haute source première, et il les paraphrase plus ou moins en adaptant le chant à sa voix : ainsi fait Racine, ainsi fait Le Franc, ainsi Lamartine ; ainsi fait Veyrat. […] La poésie pour lui est ailleurs : elle a quitté les déserts, elle s’est transportée et répandue en tous lieux, en tous sujets ; elle se retrouve sous forme détournée et animée dans l’histoire, dans l’érudition, dans la critique, dans l’art appliqué à tout, dans la reconstruction vivante du passé, dans la conception des langues et des origines humaines, dans les perspectives mêmes de la science et de la civilisation future : elle a diminué d’autant dans sa source première, individuelle ; celle-ci n’est plus qu’un torrent solitaire, une cascade monotone, quand tout le pays alentour, au loin, est arrosé, fécondé et vivifié d’une eau courante, souterraine, universelle. […] Veyrat, vu à son rang dans la grande armée des poëtes, n’est pas un de ces chefs qu’on montre de loin et qu’on nomme : il est seulement, et c’est beaucoup déjà, un des premiers entre les seconds. — Et maintenant que j’ai fait ma station au tombeau d’un mort, je reviens aux vivants. […] Chenavard ou Puvis de Chavannes n’ont pas de crayons plus nobles dans la série de leurs graves esquisses : Poëte, oubliais-tu les bas-reliefs antiques Racontant la naissance et le progrès des arts, Le soc, le bœuf, la ruche et les essais rustiques Faits par les jeunes gens sous les yeux des vieillards ; Partout, dans la campagne égale et spacieuse, Les efforts du labour, les merveilles du fruit, Et la rébellion farouche et gracieuse Des premiers étalons que le dompteur instruit ; Les sages ; l’alphabet écrit dans la poussière ; La chasse aventureuse et l’aviron hardi ; Les murailles, les lois sur les livres de pierre, Et l’airain belliqueux pour l’épaule arrondi ; Les femmes dessinant les héros dans la trame ; Les artistes au marbre inculquant leurs frissons, Et le berger poëte, inventeur de la gamme, Suspendant le soupir à la chaîne des sons ? […] On trouvera cette visite au monastère de Haute-Combe, à la page 201 et suivantes du tome premier et unique des Œuvres de Pierre Leroux qui a paru en 1850.

595. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Aussi, plus tard, bien qu’il conservât au fond l’indépendance intérieure qu’il avait annoncée dès ses premières années, on le voit toujours au service de quelqu’un. […] On devine pourtant et l’on rêve à plaisir ce petit monde heureux, d’après quelques épîtres réciproques et quelques vers épars : Abel, mon jeune Abel, et Trudaine et son frère, Ces vieilles amitiés de l’enfance première, Quand tous quatre muets, sous un maître inhumain, Jadis au châtiment nous présentions la main ; Et mon frère, et Le Brun, les Muses elles-mêmes ; De Pange fugitif de ces neuf Sœurs qu’il aime : Voilà le cercle entier qui, le soir quelquefois, A des vers, non sans peine obtenus de ma voix, Prête une oreille amie et cependant sévère. […] On souffre à penser quel refroidissement, sans doute même quelle aigreur, dut succéder à l’amitié fraternelle des premiers temps. […] On se souviendra qu’il l’aima longtemps, qu’il le prédit, qu’il le goûta en un siècle de peu de poésie, et qu’il sentit du premier coup que ce jeune homme faisait ce que lui-même aurait voulu faire. […] Il serait dur, mais pas trop invraisemblable, de conjecturer qu’en écrivant les vers suivants (voir l’édition d’Eugène Renduel), Chénier a pu songer au jour où il se sentit déçu et blessé dans son admiration première pour Le Brun : Ah !

596. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Secrétaire d’un ministre à vingt-trois ans, il sauve l’Europe, qui n’en a jamais rien su, en disant deux mots à l’oreille d’Ibrahim-Pacha, et il revient de sa campagne d’Egypte, chamarré de croix, illuminé de gloire, pourvu d’un consulat de première classe, en attendant mieux. […] Le grand-oncle de la maison, qui s’est épris de lui à première vue, veut l’investir, en l’adoptant, de son titre de marquis et de son nom d’Orgebac. […] A l’actif de cette pièce, si froidement positive qu’on peut lui appliquer le langage des affaires, il faut porter, avec la scène émouvante et vraie de l’abandon du prologue, les deux premiers actes fortement conduits, et où chaque situation fait coup double. […] Une excellente scène à noter encore, dans ce premier acte, est le dialogue de diplomatie domestique entre le père prodigue et son fils. […] Mais, dès sa première entrevue avec la jeune fille, Hélène lui a fait entendre qu’il était le fiancé de son cœur, l’époux de son choix.

597. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Sans citer tant d’exemples présents à tous les esprits, voici un écrivain qui a débuté dans la carrière des lettres il n’y a pas loin de soixante ans, qui a reçu les encouragements de Mme de Staël, qui déjà joua un rôle politique important sous la première restauration, qui pendant les quinze années du gouvernement des Bourbons fut à la fois un publiciste populaire et un professeur de premier ordre, déployant avec une égale énergie son activité dans les luttes de la politique et dans les recherches ardues de la science, qui plus tard, après 1830, passant de l’opposition au pouvoir, se révélait comme le plus grand orateur politique de son temps, dépensait chaque jour pendant une lutte de dix-huit ans toutes les forces réunies de l’éloquence et du caractère contre le flot toujours montant de la révolution, et qui enfin un jour était emporté par elle ! […] L’un lui dicta ses mémoires, l’autre l’engagea dans la lutte religieuse, si ardente aujourd’hui, et où il s’est placé au premier rang. […] Tous les peuples ont eu l’idée d’un âge d’or, d’un état primitif de parfaite paix et de parfaite innocence : n’est-ce point là le sentiment secret et comme le souvenir de l’état dans lequel ont été créés nos premiers parents ? […] Entre l’innocence première et la première faute, il y a un abîme dont nul ne peut sonder la profondeur. […] C’est l’objet des deux premiers volumes.

598. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Chapitre premier : M. Laromiguière I Quand paraît une philosophie nouvelle, son premier soin est d’enterrer la philosophie précédente. […] Il représente d’un côté un groupe d’étudiants qui discutent avec la ferveur des néophytes cinq ou six définitions de la philosophie ; puis une assemblée d’hommes graves qui proposent sentencieusement cinq ou six définitions différentes des premières et différentes entre elles. […] Ces idées, qui paraissent claires, ont pourtant besoin d’être éclaircies ; son premier travail est de les éclaircir. […] Ils ont observé le mouvement naturel de la pensée, et le reproduisent ; ils savent que ses premières opérations consistent dans la connaissance de faits particuliers, déterminés, et le plus souvent sensibles, que peu à peu elle se porte involontairement sur certaines parties détachées de ces faits, qu’elle les met à part, qu’aussitôt les signes apparaissent d’eux-mêmes, que les idées abstraites et les jugements généraux naissent avec eux ; ils suivent cet ordre dans les vérités qu’ils nous présentent, et en retrouvant la manière dont l’esprit invente, ils nous apprennent à inventer.

599. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Sans doute, il s’y souvient encore et du penchant au plaisir, et des libres idées de sa première patrie ; mais il y mêle un sentiment moral, que relève l’accent de la poésie, pt qu’on n’attendrait pas d’un prétendu devancier du matérialisme moderne. […] Une interprétation semblable était-elle déjà cette vérité première, que Parménide avait prétendu célébrer, par opposition aux croyances humaines ? […] Séparé de Pythagore à peine par un demi-siècle, Eschyle reçut cette doctrine de ses premiers disciples ; et sans doute il avait pratiqué comme eux cette vie pure, solitaire, rigoureuse, si favorable à la force d’âme et à l’imagination poétique. […] Il est malaisé d’ailleurs de découvrir si le premier homme levé du sol fut Alcomène, chez les Béotiens, au-dessus des eaux du Céphise, ou si ce furent les Curètes d’Ida, race divine, ou les Corybantes de Phrygie, que le soleil vit alors éclore les premiers, enfantés par la tige des arbres, ou si l’Arcadie donna naissance à Pélasge, plus ancien que la Lune, ou Éleusis à son premier habitant Diaulos, ou si Lemnos, féconde en beaux enfants, mit au monde le Cabire des mystères ineffables, ou si Pallène fit naître Alcione de Phlégra, l’aîné des superbes géants. […] Sont-ils de sa main, ou du moins de sa première école ?

600. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Sainte-Beuve fut l’un des premiers à se poser la question. […] Les deux premiers sont la discussion formelle de certaines questions générales. […] Ce sera ma première occupation. […] Sa première, bienveillante mais réservée, était bien loin de me faire attendre celle-ci. […] L’aversion des premiers est plus naturelle que le bon vouloir des seconds.

601. (1911) Nos directions

Sa première pièce révélait une esthétique unanimiste, et un don merveilleux de créer de la vie. […] Qu’il y ait quelque lenteur dans les deux premiers actes du drame, soit ! […] Mais dans ce premier acte il y a déjà tout Candaule, Nyssia toute, et tout Gygès — eux et point d’autres. […] Il ne prend pas du premier coup, comme elle, mais il pénètre doucement — et l’on ne peut plus s’en lasser. […] Notons que leur effort premier enrichit le drame de quelques moyens nouveaux et subtils.

602. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Un décret de l’Assemblée, après le 10 août, le détrôna, à la tête de ses troupes, à sa première velléité de royalisme. […] Les présents faits par l’empereur d’Autriche au général Bonaparte après le traité et après la paix de Campo-Formio ne furent jamais imputés à crime au général négociateur et au premier magistrat de la république. […] Mais la grâce de M. de Narbonne, premier favori de madame de Staël, n’avait que de la surface ; celle de M. de Talleyrand avait de la profondeur. […] Ce premier germe de fédérations libres en Italie atteste la sagesse du consul et du ministre ; ils savent par l’histoire que ces fédérations ne peuvent jamais être offensives, et qu’elles sont de leur nature toujours défensives. […] Essling fut son premier revers militaire, masqué sous un semblant de victoire ; cette bataille, bien combattue, mais mal donnée, prouva à l’Europe qu’il pouvait être vaincu.

603. (1886) Le roman russe pp. -351

Ils ont surtout des raisons philologiques de premier ordre. […] Il passa pour avoir jeté le « premier cri ». […] Son premier éducateur fut son grand-père. […] L’idée première du Reviseur m’était aussi venue de lui. […] Aux premiers rangs de l’aile gauche, nous trouvons Biélinsky, Herzen, Bakounine.

604. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

De là, le manque de concessions, même typographiques, dans mes premiers écrits publiés. […] Octave Mirbeau, en somme ceux que le journalisme littéraire ne mettait pas en première ligne. […] Au premier abord il est navré de la vue de ces dénuements. […] La littérature de cette toute première période est pauvre numériquement de talents. […] Parmi l’essaim nombreux des premiers romantiques, s’élèvent Hugo et Lamartine ; Vigny s’y adjoint, indépendant d’eux, juxtaposé seulement.

605. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Peut-être le second acte est-il un peu vide et gagnerait-il à être réuni au premier. […] Premier accessit : M.  […] Premier accessit : M.  […] Trois premiers accessits. […] Premier accessit : M. 

606. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Mais combien ce défaut peu évitable est racheté par des beautés de premier ordre ! […] Madame de Fontanes accoucha de son premier enfant dans une grange, au moment où elle fuyait les horreurs de l’incendie. […] Il passait, sans marchander, sur les hardiesses, sur les incorrections premières : « Bah ! […] Il n’est pas indifférent, devant la postérité, d’avoir figuré au premier rang dans le cortège impérial et d’y avoir compté par sa parole. […] Il avait vu Le Kain dans sa première jeunesse, et en avait gardé une impression incomparable.

607. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

La Terreur passée, Ducis eut comme la société un réveil, un rafraîchissement, et l’un des premiers il en donna le signal au théâtre. […] c’est au même âge que j’ai aussi perdu ma tendre femme, ma première, la mère de mes enfants, âme pure et sensible que je regretterai jusqu’au dernier soupir. […] Bernardin de Saint-Pierre, qui avait été son premier confident, écrivit trois semaines après à Arnault, chef alors de l’Instruction publique, une lettre que M.  […] Je suis assis sur le tombeau de ma première femme et de mes enfants : vous en avez deux en bas âge, un au berceau, une jeune épouse que vous ne pouvez trop aimer. […] Les enfants du premier lit.

608. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Chapitre premier § I.  […] Balzac. — Estime qu’en fait Descartes. — De l’applaudissement qu’excitent ses premiers écrits. — § III. […] Balzac. — Estime qu’en fait Descartes. — De l’applaudissement qu’excitent ses premiers écrits. […] Aussi ses premières lettres furent-elles très admirées. […] Mais cette première image charmait les esprits ; chacun, pour parler comme Sirmond, aimait cette douce violence que nous font les ouvrages écrits par un auteur persuadé.

609. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Ce sont des ouï-dire qu’elle tient de personnes qui les tiennent d’autres : elle ne voit le spectacle que des premières loges. […] Saint-Simon veut avoir vu tout ce qu’il raconte ou le tenir de la bouche des premiers rôles, et il parle en confident là où il ne parle pas en acteur. […] Bossuet lui-même n’en avait-il pas emporté quelques fleurs, qu’on retrouverait fanées dans ses premiers sermons ? […] Si la pensée leur arrive complète, c’est tant mieux car ils ne savent pas recommencer ; ils ne retrouvent pas pour les retouches la verve du premier jet. […] A quoi il faut ajouter ce qu’il dit au premier chapitre des Histoires : Omnem potentiam ad unum conferri pacis interfuit.

610. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

. — Les quatre premières représentations du mois d’août viennent d’avoir lieu, avec le même succès que les précédentes. […] Une seconde Brangaene, Madame Sthamer-Andriessen, de l’Opéra de Leipzig ; Mesdames Sthamer-Andriessen et Staudigl chantent encore (dans la coulisse) les quelques mesures de l’alto solo, à la fin du premier acte de Parsifal. […] Les nombreuses péripéties des années qui suivirent, la nécessité d’achever les autres œuvres, la fondation du théâtre de Bayreuth et les innombrables labeurs et fatigues qui s’en suivirent jusqu’aux premières « représentations de fête » en 1876, tout cela empêcha Wagner de se consacrer à son Parsifal. […] Richard Wagner-Jahrbuch, édité par Joseph Kürschner, première année (à Stuttgart, 1 vol. in-8° de 520 pages, à 12 fr. 50). […] Parsifal : prélude et première scène ; entrée de Parsifal, etc.

611. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

— Une des premières questions qui intéressent les admirateurs des œuvres wagnériennes est celle des coupures. […] Même contre-sens dans la tempête du premier acte : on pouvait se passer des sifflements du vent dans la coulisse. […] A la Monnaie, Grane n’est apparu qu’une fois, au début de la seconde scène du premier acte, et une minute à peine13. […] Sa voix, sans doute, n’a pas la puissance souhaitable, mais il n’en arrive pas moins à produire des impressions saisissantes : le monologue du premier acte, le chant du Printemps, l’arrachement de l’épée ont remué tout le public. […] Le sublime prélude du premier acte nous la fait entrevoir ; le motif du Gral, né aux plus sereines hauteurs de l’instrumentation, semble descendre vers nous par degrés, avec le vol des anges qui portent la sainte relique.

612. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Comme, aux premiers temps de l’Église, il a compris en lui les barbares de la barbarie, dans des temps dont nous voyons l’aurore il comprendra d’autres barbares, les barbares de la civilisation. […] Elles eurent pour premiers soutiens et premiers interprètes, le fameux Laud, archevêque de Cantorbéry, et l’évêque Jérémie Taylor. […] Quant à lui, entré à l’Église du Christ (Christ-Church) en 1818, après avoir pris son premier grade in litteris humanioribus en 1822, élu fellow du collège d’Oriel ; il fut nommé, en 1826, l’année de son mariage, professeur d’hébreu, et son canonicat attaché à cette première charge. […] Une lettre, digne des premières plumes théologiques de tous les temps et de tous les pays, avait été écrite par lui à l’évêque de Londres, et cette lettre était un manifeste en faveur des doctrines et des interprétations de l’éloquent auteur de l’Idéal. […] Des faits semblables — quelques durs qu’ils paraissent au premier coup d’œil — portaient avec eux, il faut en convenir, une justification suprême : l’amnistie de la nécessité.

613. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Hokousaï avait marié sa fille Omiyo, qu’il avait eue de sa première femme, avec le peintre Yanagawa Shighénobou. […] Des dessins de premier coup, de la brutalité la plus savante, faisant mépriser le joli et le fini du petit art. […] De sa première femme Hokousaï avait eu un fils et deux filles. […] Dessin de premier jet, avec quelques légères colorations dans le barbotage de l’encre de Chine. […] Dessin de premier coup, fait avec un nuage d’aquarelle.

614. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » p. 568

QUESNAY, [François] premier Médecin ordinaire du Roi, de l’Académie des Sciences, de celle de Londres, de Lyon, &c. né à Merey, près de Montfort-l’Amaury, en 1694, mort à Versailles en 1774. N’eût-il fait que la belle Préface du premier volume des Mémoires de l’Académie Royale de Chirurgie de Paris, son nom mériteroit d’être placé à côté de celui de nos habiles Littérateurs.

615. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Outre le bon couple Lhéry, leur fille Athénaïs et leur neveu Bénédict, il se trouve, depuis deux mois environ, à la ferme, un nouvel habitant qu’un respect mêlé de mystère environne et qu’on désigne simplement sous le nom de Mme ou Mlle Louise : c’est une femme petite, de taille bien prise, de visage noble à la fois et joli, naturellement élégante dans son négligé, qui paraît vingt-cinq ans au premier abord, mais à laquelle on en accorde au moins trente en la regardant de près ; car elle porte les traces de la vie et des chagrins. Or, on est au premier mai, jour de grande fête champêtre, à deux lieues de là ; toute la Vallée noire y va danser et s’épanouir ; les habitants de Grangeneuve font de grands frais de toilette : Mlle Athénaïs surtout nage dans ses étoffes et luit dans ses joyaux. […] Tous les détails de cette soirée, la présentation de Bénédict aux orgueilleux parents de Valentine, l’invitation à la danse, l’embarras du baiser, l’aisance de bel air de M. de Lansac, fiancé de Valentine, tout cela est délicieusement conduit ; et le départ ensuite, le retour, la manière dont Valentine s’égare, la rencontre des deux jeunes gens près des buissons fleuris de l’Indre ; cette voix limpide et nerveuse de Bénédict, qui le précède et l’annonce, et dont Valentine a de loin admiré le chant ; cette arrivée à la ferme par les jardins de derrière et à travers les haies, leurs deux haleines se confondant au passage dans les fleurs ; cette visite nocturne de Valentine à Louise, à sa sœur aînée, si longtemps perdue, si merveilleusement retrouvée, et qu’une faute amère, déjà bien ancienne, avait bannie d’un lieu qu’elle a voulu revoir ; — oui, tout, jusqu’à cette façon naturelle et rusée d’éconduire M. de Lansac, tout, dans cette première partie du récit, captive, enchante et satisfait. […] La scène du cabinet, au fond du jardin, et celle de la chambre à coucher, dans la nuit des noces, ont été indiquées comme fort belles et le sont en effet, quoique je préfère pour ma part les courses moins arrangées et moins dramatisées du premier volume.

616. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

En effet, les hommes peuvent toujours cacher leur amour-propre et le désir qu’ils ont d’être applaudis sous l’apparence ou la réalité de passions plus fortes et plus nobles ; mais quand les femmes écrivent, comme on leur suppose en général pour premier motif le désir de montrer de l’esprit, le public leur accorde difficilement son suffrage. […] Ce même esprit devait inspirer plus d’éloignement encore pour les femmes qui s’occupaient trop exclusivement de ce genre d’étude, et détournaient ainsi leurs pensées de leur premier intérêt, les sentiments du cœur. […] En bornant l’étendue des idées, on n’a pu ramener la simplicité des premiers âges ; il en est seulement résulté que moins d’esprit a conduit à moins de délicatesse, à moins de respect pour l’estime publique, à moins de moyens de supporter la solitude. […] Non seulement les injustices peuvent altérer entièrement le bonheur et le repos d’une femme ; mais elles peuvent détacher d’elle jusqu’aux premiers objets des affections de son cœur.

617. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Je n’y crois à aucune époque de l’histoire, mais je n’y crois pas surtout à l’origine des sociétés, au premier moment perceptiblement historique. […] Du reste, malgré la justesse de la vue première : — faire une histoire des proverbes qui fût l’histoire des mœurs perdue par de l’expression retrouvée, — et malgré des travaux pleins d’intérêt, mais qui ne sont, après tout, que des préliminaires, cette histoire qui l’a tenté Quitard ne l’a pas faite néanmoins avec son Dictionnaire et son Étude. […] Ainsi qu’on le voit, ces reproches s’adressent bien plus à une manière de sentir qui nuit à la conception première de son travail qu’à sa science de parémiographe. […] Si, comme je le crois, l’histoire des patois, ces langues roulantes qui ont précédé les langues assises et sont à ces dernières ce que sont les tentes et les quatre piquets des premiers âges aux palais des civilisations, si l’histoire des patois est un magnifique sujet à traiter en philologie, il en est un plus beau encore, c’est l’histoire des proverbes, car les patois ont été créés plus particulièrement par les besoins généraux des hommes, et les proverbes par l’intelligence individuelle de l’humanité !

618. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Chose étrange au premier coup d’œil, mais qui n’étonne pas ceux qui connaissent la philosophie, c’est individuellement (qu’on me passe ce mot !) […] Dès les premiers temps de l’Église, en face des premières hérésies, saint Jérôme écrivait au pape saint Damase sur la nécessité vivement sentie par les fidèles de relier et de concentrer les quatre Évangiles en un seul. […] Le prêtre, l’homme qui veut convaincre et allumer la foi dans les âmes, est toujours en première ligne chez l’abbé Brispot. […] » Et l’auteur de la Vie de Jésus-Christ ne s’est pas contenté de ces noms anciens et illustres, l’éternel honneur des premiers temps.

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