Il ne faut rien exagérer pourtant, et les écrits de Marguerite sont assez nombreux pour permettre d’apprécier en elle avec justesse la part de l’originalité et celle de la simple intelligence. […] Un certain nombre de ces voyageurs, hommes ou femmes, après diverses aventures plutôt extraordinaires qu’agréables, se retrouvent réunis de nouveau à l’abbaye de Notre-Dame-de-Sarrance, et là, comme la rivière du Gave n’était pas guéable, on décide d’établir un pont : L’abbé, dit le conteur, fut bien aise qu’ils faisaient cette dépense, afin que le nombre des pèlerins et pèlerines augmentât, les fournit d’ouvriers, mais il n’y mit pas un denier, car son avarice ne le permettait. […] Ainsi s’écoule le temps sans que personne croie avoir passé la mesure de la gaieté permise ni avoir fait un péché.
De là cette loi : Les sensations actuelles sont d’autant moins exclusives des idées ou souvenirs, comme aussi des autres sensations, qu’elles sont plus riches en relations : ainsi les sensations visuelles, les plus riches de toutes, les plus complexes et les plus intellectuelles, sont aussi celles qui excluent le moins les autres représentations simultanées, parce que leur complexité même leur permet de rester en relation avec d’autres représentations produites par d’autres régions cérébrales. […] La loi même de similarité, au lieu d’être tout intellectuelle, se confond avec la loi qui veut que l’être sensible tende à son plus grand plaisir, car la similarité, en permettant la plus grande activité avec le moindre effort, produit par cela même du plaisir : le seul fait qu’une nouvelle expérience coïncide avec une expérience ancienne engendre un sentiment agréable. […] En associant les semblables, la conscience obéit à la loi universelle d’économie, qui veut que toute force s’exerce avec la moindre dépense possible, que toute appétition se satisfasse avec le minimum de peine : le rapprochement des semblables permet à la conscience d’embrasser d’un même regard une foule d’objets et de produire le plus grand travail avec le moindre effort.
La verité, le dogme, s’il est permis de parler ainsi du mouvement de la terre autour du soleil, a eu la même destinée que le dogme de la circulation du sang. […] Il n’est plus permis aujourd’hui, dit-on, de poser des principes qu’ils ne soient clairs et bien prouvez. Il n’est plus permis d’en tirer une conséquence qui n’en émane point clairement et distinctement.
Et, en effet, c’est une manière de gourmander les nôtres que d’écrire Les Patriciennes de l’Amour jusque sur la moustache des cocottes et des coquines régnantes ; car elles se permettent quelquefois d’avoir une jolie petite moustache, ces coquines-là ! […] C’est, comme il le dit, la saveur préférée du fruit permis à celle du fruit défendu. […] Selon moi, il faut être un romancier de premier ordre pour se permettre la nouvelle.
Elle a, au contraire, d’horribles réalités que nous connaissons, et qui dégoûtent trop pour permettre même l’accablante sérénité du mépris. […] Nous nous permettons bien les inductions de nous à Dieu ! Il me semble bien que nous pouvons nous permettre, par-dessus le marché, les inductions du livre de Baudelaire à Baudelaire, sans lui manquer d’aucune espèce de sympathie et de respect.
Ce principe, ce ne fut ni la volonté créatrice, ni la dictature d’un homme : ce fut la rencontre heureuse de l’état moral des Romains avec l’intérêt de leur chef, cette trêve de Dieu sur le monde qui permit à la nation conquérante, toute pleine encore de jeunesse et de génie, et aux nations assujetties qu’elle éleva bientôt jusqu’à elle, de se reposer dans une paix active de quarante années, embellie par la richesse et les arts. […] Ainsi raisonnent les hommes, quand, à l’alentour d’une table, souvent ils tiennent la coupe, et que, couronnant leur tête de fleurs, ils disent volontiers : Ce plaisir n’a qu’un moment pour les pauvres humains ; tout à l’heure il aura passé, et il ne sera pas permis de le rappeler jamais. » Cette fois encore un prélude avait retenti, non pas sans doute de la lyre sacrée, mais de cette corde mélancolique et douce que devait bientôt toucher Horace avec plus d’insouciance que de triste certitude, et en égayant son âme par les douceurs de la vie sans prétendre la convaincre qu’elle doit à jamais mourir. […] Lucrèce, presque seul, fut inspiré et égaré par ces temps affreux, alors qu’il passait du juste mépris d’un culte aussi corrompu que ses adorateurs à la négation d’une Providence qui permettait tant de crimes, et à l’apothéose du plaisir comme seul dédommagement des misères de l’homme.
S’il est permis de rappeler ici une habitude de sa vie qui, tout en excitant sa verve, affaiblit et consuma sa raison, il ressemblait dans son désordre poétique à ces soldats des avant-gardes turques enivrés d’opium, s’élançant avec une audace qui tenait du délire, et tombant vainqueurs, mais épuisés. […] Il était obligé d’entendre les raisonnements de légistes et même de missionnaires anglais qui croyaient nécessaire de permettre encore les immolations volontaires des veuves, pour ne pas rendre plus fréquents ces affreux sacrifices. […] Ni la grandeur ni la politique du pouvoir ‘anglais dans l’Inde ne permettaient qu’il y eût un péril de martyre pour l’évêque, dont le zèle curieux parcourut même les contrées les moins soumises encore de ce vaste empire ; mais le sacrifice était dans cet effort même, dans les tristesses et l’activité dévorante de ce zèle trop faible encore pour tant de misères humaines.
Nous avons si peu de bons Orateurs, & tant de médiocres, qu’il est permis de murmurer du silence de ceux qui paurroient se distinguer parmi les premiers.
Monsieur, lui répondit l’Auteur, voulez-vous permettre que je laisse ces Livres dans votre anti-chambre ?
Elle s’empara des masques, et ne leur permit de représenter que les vices bas et honteux, que les ridicules pernicieux à la société. […] La bienséance du lieu, l’honnêteté, votre présence, ni mon caractère, ne m’auraient permis une personnalité si coupable que de le désigner ironiquement. […] Je n’ai pu résister au plaisir de l’imiter en vers dans une satire autrefois publiée, et dont vous m’avez déjà permis de vous lire un fragment qui touchait notre Aristophane. […] Partout de sages Aristes en parallèle avec les fous et les bizarres marquèrent la juste borne de la satire permise à la raison. […] « Voilà de nos maris le procédé commun ; « Ce qui leur est permis leur devient importun.
Mauriac exècre Taine, qui se permet de n’être pas incohérent et de concevoir la possibilité d’une science de l’esprit. […] D’ailleurs, ils ne s’en privent pas, et se permettent également des injures, dont je m’abstiens pour mon compte. […] Molière le permettait même aux femmes. […] Maeterlinck, je me permettrai de relever encore quelques bizarreries, entre autres. […] Il faut permettre à chacun de courir sa chance.
Il ne lui est pas permis d’être distrait. […] Puis il permet aux anges, aux prophètes et aux saints d’intercéder en leur faveur. […] Ce ne fut qu’un mois plus tard, le 15 août, qu’une faveur spéciale permit de les exhumer. […] Parfois il essaiera, l’ingrat, de discréditer un ouvrage qui lui a permis de faire le savant. […] Le romancier qui est en lui ne le permettrait pas.
Permettez que je vous félicite tout à fait… » [Lettre.]
L’Editeur auroit au moins dû supprimer cette égologie ; il n’est pas permis de parler de soi-même avec autant de complaisance.
Il s’y permet des traits contre les Moines, qui n’eurent jamais de plus grand ennemi.
Son caractere, aussi indépendant que son imagination étoit vive & féconde, ne lui a pas permis de s’appliquer constamment à un même Ouvrage, & l’amour de la gloire n’a jamais pu le porter à recueillir & à retoucher ce qu’il avoit composé en différentes occasions.
Le peu de temps ou de soin qu’il mit à composer ce Recueil, ne lui permit pas de connoître par lui-même les Originaux ; il se contenta de copier les Journalistes & les Biographes, vrai moyen de perpétuer les fautes & les erreurs.
La fermeté de son ame ne lui permit pas d'écouter de semblables avis.
En effet, il faudroit être bien aveugle, pour ne pas s'apercevoir que la répétition des jugemens portés cent fois sur nos plus grands Poëtes, les critiques minutieuses qu'il se permet sur les Ouvrages de Corneille & de Rousseau, l'appareil qu'il s'efforce de donner à des vérités connues de tout le monde, l'air d'importance qu'il attache aux plus petits objets, les détails mesquins auxquels il s'abandonne dans sa Préface, sont des preuves très-certaines que son mérite n'étoit rien moins que formé & supérieur, & que son Panégy riste [comme nous l'avons remarqué ailleurs* à ce même sujet] est aussi partial & aussi peu modéré dans ses éloges, qu'il est injuste & outré dans ses critiques.
— Pourquoi Dieu permit qu’un ordre de choses analogue à celui de l’antiquité reparût au moyen âge.
Et voilà l’éternelle histoire… » Non, cela n’est pas aussi nécessaire que le croient certaines âmes sous le coup de l’orage ; il est des félicités douces, permises, obscures ; celles-là, il est vrai, ne se chantent pas : elles se pratiquent en silence. […] Je l’aurais aimée comme une mère et à vous en rendre jaloux, si mon âge ne m’avait permis de l’aimer comme une sœur.
Chantez, ma muse, cette admirable France, héroïque, spirituelle, bonne et affectueuse, économe et libérale, un peu coquette et essentiellement aimante, un peu narquoise, mais toujours juste et impartiale, grande maîtresse du progrès indéfini qui entraîne dans son tourbillon jusqu’aux Cosaques et aux Hurons ; chantez cette mère, vous sa fille adoptive106, qui la comprenez si bien ; et permettez-moi de vous appeler ma muse, puisque mon prosaïque lot ne me donne aucun droit de vous appeler ma sœur ; et soyez sûre qu’en vous admirant, je vous aime. » Et maintenant on comprendra que quand Mme Valmore disparut, M. […] Je l’aurais aimée comme une mère, et à vous en rendre jaloux, si mon âge ne m’avait pas permis de l’aimer comme une sœur.
Que le style poétique soit naturellement fertile en images, qu’il les permette nombreuses et les exige souvent, ce n’est pas ce qui fait doute ; mais la question ne se pose pas dans ces termes avec M. […] Et toutefois, de même qu’après la lecture de quelque poëme humanitaire un peu vague, je me hâterai de reprendre Pétrarque, c’est-à-dire la goutte de cristal et la perle de l’art, qu’il me soit permis, après ces poésies à mille facettes et comme taillées dans le corail, de m’en revenir, tout altéré, au bon La Fontaine, à cette source naïve et courante qui s’oublie parfois, mais qui ne s’incruste jamais151.
Dans sa chambre de l’hôtel de Bellegarde, dont les six ou sept chaises étaient toujours occupées, il donnait des arrêts qui décidaient du sort des mots : de quel ton brusque et rogue, c’est ce que les lourdes incivilités du Commentaire sur Desportes nous permettent aisément d’imaginer. […] Il défendait de rimer le simple et composé, comme jour et séjour, mettre et permettre ; ou les mots trop faciles à accoupler, comme montagne et campagne, ou les noms propres, faciles toujours à enchaîner, comme Italie et Thessalie.
Bien des choses ont été mises afin qu’on sourie ; si l’usage l’eût permis, j’aurais dû écrire plus d’une fois à la marge : cum grano salis. […] Richelieu et Louis XIV regardaient comme un devoir de pensionner les gens de mérite du monde entier ; combien ils eussent mieux fait, si le temps l’eut permis, de laisser les gens de mérite tranquilles, sans les pensionner ni les gêner !
Qu’il me soit permis, pour éclaircir ce passage d’Horace, de me servir d’une comparaison tirée du chant de l’église. […] Il y a quatre-vingt ans que le mouvement de tous les airs de ballet étoit un mouvement lent, et leur chant, s’il est permis d’user de cette expression, marchoit posement, même dans sa plus grande gaïeté.
Mais n’importe, je consens que la poésie s’attribue toute la supériorité qu’elle voudra, pourvu qu’elle nous permette la prose. […] Sur ce principe vous ne voudriez donc pas affranchir notre poésie des entraves qu’on lui a données, y permettre plus de licence, introduire les tragédies en prose et les vers sans rimes ?
Mais l’étude des grands hommes permettra, en vertu de son principe, de mesurer, avec une certaine approximation, l’effet de ces deux forces, l’hérédité, le milieu, « dont les résultats, remarque-t-il avec raison, sont d’autant moins discernables que la complexité sociale s’accroît » (p. 218). […] Et il ajoute : « Il est permis d’établir sur les traces d’une hardie formule de M.
Mais quand c’est pour les femmes surtout que les Lettres sont une république, quand rien ou presque rien ne les distingue entre elles, quand elles ont l’égalité devant la loi de leur sexe, qui est d’imiter toujours quelqu’un, lorsqu’elles écrivent ; de refléter la lumière d’un autre, d’ajouter enfin aux bavardages connus, cette boule de neige qui s’entasse si vite et se fond si lentement dans toutes les littératures ; il ne serait pas permis de signalera lumière empruntée de tous ces caméléons et de couper un peu le sifflet à quelques-uns de ces perroquets ! […] … Lui qui n’était pas pédant comme Villemain ni tiré à quatre épingles comme un doctrinaire, lui qui s’est permis tant de jeux de mots dans son Don Juan, il dirait, ma foi !
Me permettra-t-il de la regretter ? […] Dans un temps où le flot furieux des partis ne permettait plus à personne de rester dans sa liberté et dans sa conscience, André Chénier resta dans la force de sa raison, et, ne vous y trompez pas !
I C’est au moment où l’on publia les Mémoires de Philarète Chasles, auquel je reprochais d’avoir écourté le portrait de Balzac, qui, pour être ressemblant, aurait dû être colossal, que parut la Correspondance de ce grand homme de lettres, comme une immense réplique à Philarète Chasles et à tous ceux qui se sont permis de parler, avec plus ou moins de renseignements ou de fatuité étourdie, de l’auteur de la Comédie humaine. […] Il n’est pas, qu’on me permette le mot, si hypertrophiquement intellectuel.
Si cette femme d’aperçu, et qui savait si nettement styler sa pensée, avait cru jamais que juger les hommes c’était donner le sacre de la confiance à ces grands enfants qui se permettent la fatuité ou se prendre pour eux de compassion intellectuelle, nous n’aurions jamais retrouvé ce volume de lettres, savoureux et sain, où la rigueur de la raison et la brusquerie de la vérité se mêlent délicieusement la svelte légèreté du tour et au charme calmant d’une religieuse tristesse. […] N’était cette injustice, que nous nous sommes permis de relever, pour une femme douée le plus des anciennes qualités françaises, qui plonge jusqu’au cou dans le génie de sa langue et de sa race, et que l’on peut considérer comme l’arrière-petite-fille de Montaigne, mais sans scepticisme et sans superfluité, l’Introduction de Sainte-Beuve nous paraîtrait ce qu’elle est réellement : un petit chef-d’œuvre d’analyse, d’expression et de sybaritisme littéraire.
Havet se permit d’avoir aussi son opinion sur Pascal. Il se permit d’avoir de la pénétration souvent, — plus souvent de la solidité.
Cela est d’autant plus vrai, que tout le monde, même intelligent, n’est pas taillé pour se permettre la grande histoire à la Tite-Live et à la Gibbon. […] En effet, je ne sais guère, — pas plus que M. de Montalembert, — ce que deviendra son histoire ici présente, mais je crois savoir ce qu’elle vaut, et je veux même essayer, s’il veut bien me le permettre, de le lui montrer.
Il y a là, dans cette publication de chez les frères Garnier, huit à dix volumes qui ne sont que la fleur d’un panier très plein et très profond, dans le fond duquel je ne plongerai pas mes mains indignes, mais je me permettrai de toucher, sans appuyer, au velouté de toute cette fleur. Je me permettrai de vous faire remarquer cette poudre étincelante, tombée des ailes de cette érudition d’abeille, qui a le vagabondage de l’abeille, qui en a le miel, mais qui n’en a pas l’aiguillon !
Élégiaque aussi, mais moins élégiaque que lyrique, et quoique élégiaque, à ses heures, comme les romantiques, qui ont tous, plus ou moins, chanté la romance du Saule avant de mourir, ayant, lui, une qualité d’esprit rare chez les romantiques, et que les romantiques qui ne l’avaient pas se permettaient de mépriser… Bien entendu, puisqu’ils ne l’avaient pas, M. […] Ce n’est plus là du lyrisme gai, qu’il me permette de le lui dire : c’est du lyrisme dépravé… Sans doute, il faut beaucoup de talent pour dépraver son talent dans cette proportion et faire à beaucoup d’esprits illusion encore ; on n’abuse jamais de la puissance que quand on en a, et bien souvent elle se mesure à l’abus qu’on en fait.
Il ne permettra pas plus qu’à des lois utiles et saintes, on joigne une mauvaise loi, qu’il ne permettrait qu’on mît un esclave au rang de ses enfants.
Ce n’est que dans le style des lois qu’il est permis de dire, le Roi auroit reconnu, le Roi auroit établi une lotterie. […] Il n’est pas permis de dire que Bacchus, Hercule, furent reçus dans la gloire, en parlant de leur apothéose. […] Il sera permis alors de douter de tous les événemens qui ne sont pas dans l’ordre ordinaire des choses humaines. […] Mais les bornes de cet article ne permettent pas de s’étendre. […] du même oeil, s’il étoit permis de s’exprimer ainsi, que nous voyons les images des vrais objets de notre vénération.
un de ces hommes après lesquels il n’est plus permis d’écrire sur le sujet qu’ils ont traité et dont ils ont, du premier coup, effleuré toute la superficie ou épuisé tout l’intérêt ? […] Les Francs et les Bourguignons permirent ces mariages ; les Visigoths les défendirent en Espagne, et ensuite ils les permirent. Les Lombards ne les permirent pas seulement, mais ils les favorisèrent. […] Il en est du public comme des particuliers, qui se ruinent lorsqu’ils dépensent exactement les revenus de leurs terres. » XVIII Il définit bien la liberté légale : — « le droit de faire ce que les lois permettent. » La liberté naturelle est l’objet de la police des sauvages ; l’indépendance des particuliers est l’objet des lois de la Pologne, et ce qui en résulte, c’est l’oppression de tous.
Du fond de l’humilité la plus absolue, il lie sa cause à la bonté de Dieu par des rapports si invincibles, qu’il rend évidentes les dispositions de la Providence divine à son égard ; et, s’il m’est permis de me servir de mots si profanes, il l’enchaîne dans ses propres attributs, comme il enchaînerait un juge dans les devoirs et les responsabilités de sa charge. […] Mais, du moins, cet esprit paraît jouir encore de lui-même ; l’habileté du travail, les premières caresses de la réputation qui le découvre derrière l’anonyme, quelque reste des idées du monde qui l’ont suivi dans sa retraite à Port-Royal, la vivacité de la polémique, le désir de n’avoir pas le dessous, la joie secrète de voir les gens de bon sens et les rieurs de son côté, toutes ces choses qui ont leur douceur honnête et permise, même pour les parfaits, le tiennent dans une disposition qui nous paraît heureuse, comparée à l’ardeur fébrile des Pensées. […] Une autre fois, l’interlocuteur affecte d’être troublé de l’excès des propositions du père : « Je vois, dit-il, que par là tout sera permis ; rien n’en échappera. » A quoi le père répond : « Vous allez toujours d’une extrémité à l’autre ; corrigez-vous de cela. » Ailleurs, si c’est l’insuffisance ou le peu de solidité des preuves qui laisse du doute à l’interlocuteur : « Vous me faites tort, dit le père ; je n’avance rien que je ne prouve. » Et il accumule les autorités, c’est-à-dire les chefs d’accusation contre la compagnie. […] Pour peu qu’on le pousse, il va faire des ignominies de cette morale une affaire d’honneur ; et n’y a-t-il pas péril à offenser, dans la personne d’un de ses membres, une société qui permet de tuer pour une pomme ? […] La lettre sur l’homicide ne condamne pas moins les casuistes politiques, qui veulent tuer les personnes pour détruire les opinions, que les casuistes moralistes de 1656 qui permettaient de tuer pour un soufflet.
Le caractère des deux langues dans lesquelles il est écrit ; l’usage de mots grecs ; l’annonce claire, déterminée, datée, d’événements qui vont jusqu’au temps d’Antiochus Épiphane ; les fausses images qui y sont tracées de la vieille Babylonie ; la couleur générale du livre, qui ne rappelle en rien les écrits de la captivité, qui répond au contraire par une foule d’analogies aux croyances, aux mœurs, au tour d’imagination de l’époque des Séleucides ; le tour apocalyptique des visions ; la place du livre dans le canon hébreu hors de la série des prophètes ; l’omission de Daniel dans les panégyriques du chapitre XLIX de l’Ecclésiastique, où son rang était comme indiqué ; bien d’autres preuves qui ont été cent fois déduites, ne permettent pas de douter que le Livre de Daniel ne soit le fruit de la grande exaltation produite chez les Juifs par la persécution d’Antiochus. […] Neubauer, très versé dans la littérature talmudique, m’a permis d’aller plus loin et d’éclaircir les parties les plus délicates de mon sujet par quelques nouveaux rapprochements. […] On sent l’écrivain qui compile, l’homme qui n’a pas vu directement les témoins, mais qui travaille sur les textes, et se permet de fortes violences pour les mettre d’accord. […] Dans un tel effort pour faire revivre les hautes âmes du passé, une part de divination et de conjecture doit être permise. […] « S’il est permis de l’appeler homme. » 11.
Il n’est pas étonnant que cette indétermination relative confère à la conscience une indépendance proportionnelle par rapport à ses objets, et lui permette de se poser en face d’eux comme capable de réagir sur eux. […] Notre puissance indépendante et spontanée doit pouvoir s’exercer à l’égard même des contraires, afin de nous permettre de remonter toujours dans l’échelle des biens d’un degré à l’autre, de ne jamais être immobilisés dans telle alternative aux dépens de l’alternative opposée. […] Par exemple, je veux remuer mon bras pour vouloir, pour exercer ma volonté et mon pouvoir relatif des contraires, qui me permet de lever ou d’abaisser le bras arbitrairement, de le mouvoir à droite ou à gauche, etc. […] Mais l’idée du moi est encore une raison, l’idée d’indépendance et de liberté est une raison, tout interne, il est vrai, et non plus externe, — d’autant plus importante pour nous permettre de « rentrer en nous-mêmes ». […] Ce sont des lois de finalité intellectuelle, qui permettent au moi de se prendre pour fin et, dans l’acte moral, de prendre en même temps pour fin l’être universel.
La discontinuité permet de rêver à un commencement, à des recommencements, à une fin et à des fins intérimaires. […] S’il est rarement permis de choisir la forme de son vêtement, on a quelque licence pour la nuance. […] Albalat ne le permet pas. […] Meyer, qu’il aurait fallu aller plus loin et substituer partout où la prononciation le permet an à en. […] Ronsard et du Bellay sont d’un autre limon ; un certain dédain leur est permis.
Dans tous les cas la forme générale du document permet de présumer qu’il est écrit au sens littéral. […] Chacun de ces faits peut, il est vrai, se produire sans l’autre ; la certitude que l’un s’est produit ne permettrait pas d’affirmer l’autre. […] Voici du moins une règle qui permettra de se guider : Il faut lire les travaux des historiens avec les mêmes précautions critiques qu’on lit les documents. […] Les notes ont permis de distinguer du récit historique les documents qui l’étayent, de renvoyer aux sources, de dégager et d’éclaircir le texte. […] L’histoire faisait partie des convenances mondaines ; il y a, disait-on, des noms et des faits « qu’il n’est pas permis d’ignorer » ; mais ce qu’il n’est pas permis d’ignorer varia beaucoup, depuis les noms des rois mérovingiens et les batailles de la guerre de Sept Ans jusqu’à la loi salique et à l’œuvre de saint Vincent de Paul.
L’étonnante fortune d’un Lauzun, pour ne nommer que celui-là, comme elle permettait toutes les espérances aux cadets de Gascogne, permettait du même coup toutes les inventions à leurs historiographes. […] Mais il est permis d’aller plus loin encore. […] Que de sottises il est permis de dire impunément dans une Correspondance secrète ! […] Ayant peu pratiqué ces auteurs, on me permettra de n’en pas allonger inutilement la liste. […] C’est ce qui me permettra d’en signaler un dernier.
Cependant il est permis de saisir l’âme de M.