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951. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Dans tout ce que j’ai lu de histoire littéraire et morale du xviie  siècle, je n’ai rencontré d’autres paroles attribuées à madame de Rambouillet que celles-ci : « Les esprits doux, et amateurs des belles lettres, ne trouvent jamais leur compte à la campagne26. » Aucune biographie, même la plus riche eu noms inconnus et dignes de l’être, n’a trouvé de quoi faire un article de qu’être lignes sur cette femme dont la maison fut si célèbre : preuve incontestable qu’elle n’a jamais fait parler d’elle.

952. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Comme on peut le voir, les lignes qui précèdent tendent à ce que l’on connaisse l’œuvre d’art artistiquement après l’avoir déterminée scientifiquement en la décomposant, et donne ainsi une valeur et une utilité à sa reconstitution esthétique.

953. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Des syllabes uniformes, comptées par les doigts & rimées à la fin de la ligne, ne sçauroient dénaturer la prose.

954. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Semblables à tous les amoureux qui voient le profil de leur maîtresse dans les lignes de tous les horizons, ils ne pouvaient pas même se douter qu’elle existait, cette contradiction qu’un historien, sinon grave, au moins sérieux (distinction que ces messieurs ont inventée pour eux dans leur préface), aurait posée d’abord au commencement de son ouvrage pour en éclairer la portée, le but, la marche elles contours.

955. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Et d’autant qu’aucune caractérisation ne creusera désormais d’une seule ligne l’empreinte maintenant creusée dans tous les esprits par cette physionomie d’écrivain, aussi facile à reconnaître et aussi difficile à déguiser que la figure de Louis XIV.

956. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Elle consiste à couper avec des ciseaux des dépêches et à les accompagner de quelques lignes de commentaires.

957. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Il fut universitaire, lauréat d’Académie et rédacteur du Journal des Débats… J’ai raconté comme il entra dans ce journal, dont l’incroyable influence survit à tout ce qui fit autrefois le mérite incontesté de sa puissance, et qui vous prend le premier venu et, avec deux lignes de rédaction qu’il lui confie, le sacre comme homme de talent aux yeux des sots traditionnels.

958. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Ne dit-il pas quelque part dans son livre, en parlant de la grande polémique soulevée entre Bossuet et Jurieu, que « Jurieu aurait trouvé un meilleur argument pour sa doctrine s’il avait fait un pas de plus… et s’il eût proclamé l’indépendance absolue de la conscience individuelle… » Un tel passage et beaucoup d’autres, inutiles à citer après celui-là, ne prouvent-ils pas que Weiss a franchi pour son compte « cette ligne imperceptible entre le protestantisme et la philosophie » que Jurieu a trop respectée ?

959. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Ceci donc équivaudrait à dire, dès les premières lignes, que ce pauvre Léouzon-Leduc n’est point un véritable historien, et que l’emploi de ses procédés donne juste (ce qui serait bien dur) l’idée exacte de sa manière.

960. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Cette grande Rêveuse que chacun de nous a dans l’esprit, cette Sultane favorite de nos facultés, l’imagination, préférera toujours aux lignes géométriques d’un camp les arabesques infinies d’une société, à moitié effacées sous le pied du Temps, et, à cause de cela, plus mystérieuses.

961. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Le service et la découverte ne sont pas là… Ils sont bien plutôt dans la publication de la correspondance, formant presque un volume entier, entre Vauvenargues et ses amis, et en première ligne le marquis de Mirabeau, père de l’orateur.

962. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Ont-ils compris la spontanéité de ce génie qui n’eut guère qu’une manœuvre en tout, — couper la ligne de l’ennemi au risque de se faire écraser, — mais qui n’avait besoin d’aucune autre pour être le roi de la mer ; qui pouvait se passer de tout, de réflexion, d’expérience et de science, et n’en pas moins être ce qu’il fut, parce qu’il avait le plus brave, le plus pur et le plus puissant du génie militaire, qui est d’aller, même contre toute raison, toujours en avant !

963. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Pouvait-elle être la sainte Thérèse d’une passion humaine et coupable, la femme qui, à vingt lignes de là, écrit les phrases suivantes, où s’étalent avec naïveté les pauvretés d’une âme chétive : « Quelle femme, quelle reine et quelle princesse n’ont pas envié mes joies et mon lit ?

964. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Ont-ils compris la spontanéité de ce génie qui n’eut guère qu’une manœuvre en tout, — couper la ligne de l’ennemi au risque de se faire écraser, — mais qui n’avait besoin d’aucune autre pour être le roi de la mer, qui pouvait se passer de tout : de réflexion, d’expérience et de science, et n’en pas moins être ce qu’il fut, parce qu’il avait le plus brave, le plus pur et le plus puissant du génie militaire, qui est d’aller, même contre toute raison, toujours en avant !

965. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

On verrait que quand on a vécu dans la pensée occidentale, quand on a senti le puissant et sobre génie de la forme qui la contient, comme la mer est contenue par les arêtes de son rivage, quand enfin sur les belles lignes du front caucasien qui révèle si bien la supériorité de la race, on a reçu ce torrent miraculeux qu’on appelle le baptême et qui, nos littératures l’attestent !

966. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Le service et la découverte ne sont pas là… Ils sont bien plutôt dans la publication de la correspondance, formant presque un volume entier, entre Vauvenargues et ses amis, et en première ligne le marquis de Mirabeau, père de l’orateur.

967. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Pouvait-elle être la sainte Térèse d’une passion humaine et coupable, la femme qui, à vingt lignes de là, écrit les phrases suivantes, où s’étalent avec naïveté les pauvretés d’une âme chétive : « Quelle femme, quelle reine et quelle princesse n’ont pas envié mes joies et mon lit ?

968. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

À travers les lignes droites ou les sinuosités de l’argumentation supérieure de M. 

969. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Cette vignette de l’Âme et de Jésus-Christ qui ressemble à la patiente enluminure des marges d’un missel n’égale pas, sous son latin de cloître, harmonieux et limpide, les figures idéales, mais si profondément touchantes dans leur sainteté émaciée et splendide, de frère Ange Fiesole (un moine aussi), le plus profond interprète du Moyen Âge, ni même les lignes expressives et nettes d’Overbeck, aussi loin pourtant que l’homme l’est de l’ange, du monastique Angelico.

970. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

Tout ce que je vois en ces pages de touchant aux idées, aux grandes lignes et aux certitudes de l’esprit, m’en fait douter.

971. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Le prêtre, l’homme qui veut convaincre et allumer la foi dans les âmes, est toujours en première ligne chez l’abbé Brispot.

972. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

» Et ici le regret prend un arrière goût d’ironie : « Il faut — continue-t-il quelques lignes plus loin — un certain courage pour entretenir le public, en ce moment, de l’histoire du gouvernement anglais.

973. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

les pierres qui tombent ne vous fassent pas peur et qu’en fermant les yeux l’imagination les voie terribles ; Jonathas devant l’armée de Nicanor, où la ligne des éléphants est d’une originalité si formidable ; les Plaies d’Egypte, entre autres la Plaie des ténèbres, où les bêtes rampantes qui se coulent, dans le noir de la nuit, le long des escaliers, où gisent tant d’êtres humains aveuglés de ténèbres et de désespoir, sont du Martynn heureusement retrouvé ; etc.

974. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

II Elle y est, en effet, cette manie, un des derniers gestes de la décrépitude d’une société tout à la fois curieuse et blasée… Vieux de race, hébétés de civilisation, énervés, blasés, ennuyés, dégoûtés, ayant besoin pour nous secouer d’une originalité dont nous n’avons plus la puissance, nous ne comprenons plus rien à la beauté de la ligne droite dans les choses humaines, et nous la courbons, nous la tordons, nous la recroquevillons en grimaçantes arabesques, pour qu’elle puisse donner une sensation nouvelle à nos cerveaux et à nos organes épuisés… La simplicité du génie et de ses procédés nous échappe.

975. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Assurément, il y a une grande différence entre les Heures de loisir de lord Byron et ses autres œuvres ; mais, sous l’adolescente indécision des Heures de loisir, sous cette fausse emphase de jeunesse que nous eûmes tous, et qui n’est rien de plus que l’ignorance de la vie, on reconnaît pourtant déjà les lignes de ce galbe immortel qui sera tout à l’heure d’une beauté divine.

976. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

Les artistes qui voient les lignes sous le luxe et l’efflorescence de la couleur percevront très bien qu’il y a ici une architecture secrète, un plan calculé par le poète, méditatif et volontaire.

977. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Il a bien toutes les qualités de l’esprit, de la langue, du style de Diderot ; mais il les a exaltées, idéalisées, transcendantes… Par là, il est encore plus grand que son origine, car, je l’ai dit, il vient en ligne droite de Diderot ; seulement il a allumé un peu plus la physionomie déjà passionnée de son père.

978. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Tout reste perdu et englouti dans cette mêlée tapageuse et confuse où la ligne de tout dessin se rompt, — où la composition se noie, — et où tout caractère, posé d’abord, éclate bientôt, sous l’effort qui le tend et qui finit par le briser !

979. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Ce mont Athos138, que l’architecte favori du roi devait tailler en statue colossale, avec une ville dans la paume d’une main, et un fleuve s’épanchant de l’autre main, rappelle la gigantesque monstruosité des temples et des dieux indiens, venant remplacer les lignes sublimes du Parthénon et la Minerve de Phidias.

980. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Poussés au côté gauche de la vallée de Josaphat, trois millions d’hommes, en trois lignes, étaient jetés dans la gehenne des autodafés… Ite ad ignem, maledicti ! […] Il a même proposé à Mme Colineau de venir passer avec lui un jour ou deux à Harfleur : rien de plus facile, la petite femme ayant une cousine à Barentin, sur la ligne de l’Ouest. […] Car le terre-neuve veillait sous l’amoureux, et il n’a pu s’empêcher, en passant sur le port, de sauver un pêcheur à la ligne qui se noyait. […] C’est à peu près comme si, à la suite d’un déraillement sur la ligne Paris-Lyon-Méditerranée, le gouvernement interdisait aux citoyens de prendre le chemin de fer. […] De nous autres chétifs, il ne resterait pas cinquante lignes, et encore ces cinquante lignes seraient à tout le monde.

981. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Par cette brisure des lignes, le chapiteau ressemblait à une fleur à quatre pétales, largement épanouie. […] Cette ligne sinueuse de chair nue est délicieuse à voir, au sortir de l’opulente bordure sombre. […] Le buste et les bras d’une ligne gracile et pure, les hanches riches, les chevilles fines, dans sa belle forme d’amphore vivante, elle lui plut. […] Avec quelle sensualité il parle des mots, des lignes, des couleurs ! […] Ces « contours sertis d’une ligne d’or », nous en avons suivi la « courbe étincelante ».

982. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Cousin n’aimait ni le luxe, ni la bonne chère, ni les femmes (malgré ses faux airs), ni beaucoup d’autres choses encore : on peut l’en louer si l’on veut ; mais il aimait la domination, la prépondérance, et il n’était pas bon de le croiser ni de le côtoyer dans sa ligne à certains moments. […] Mais dès qu’on ne l’était pas et qu’on croissait en dehors de lui, dès qu’on suivait sa ligne avec indépendance et sitôt que cette ligne menaçait de croiser celle de M.  […] Quand il écrit, ses phrases interminables, à enfilades de parenthèses, ne présentent plus aucun courant, la parole et l’accent n’étant plus là pour le déterminer ; on ne sait plus où trouver les verbes, tout comme en allemand ; il faut mettre le doigt sur le sujet, et avec l’autre doigt chercher le verbe dix lignes plus bas en enjambant, sans quoi on flotte dans une grande flaque d’eau douce qui ne vous porte plus en aucun sens. […] Ces deux points réservés, il avait toutes les qualités secondaires, des mérites de finesse et d’observation sans nombre. » CLXXV Il en est du caractère moral comme de la physionomie physique : la nature trace d’abord un certain dessin plus ou moins original en nous ; ce dessin va creusant et le plus souvent grossissant avec les années : les plus délicats sont ceux qui conservent la ligne fine en même temps que profonde.

983. (1896) Le livre des masques

Ses pièces (je ne parle pas de Rembrandt, drame purement historique, de grand style et de vaste déploiement) : d’abord, les pages coupées, on est surpris par un décor rentoilé et des noms repeints et un jour de réalisme conventionnel, une ordonnance de choses et d’êtres usés sous l’habit neuf et le vernis frais, — mais dès la troisième ligne lue, l’auteur affirme qu’en ce triste paysage scénique il fera entendre des paroles valables et qu’un souffle progressif jusqu’à la tempête renversera la plantation. […] Musique de plain-chant grégorien, tel qu’on l’écoute en une somptueuse église flamande, avec de soudaines fugues de prière exaltée qui planent sur les lignes hautes, se jettent vers les voûtes peintes, avivent les vieux vitraux, illuminent d’amour les chemins de la Croix assombris. […] L’architecture de Là-Bas est érigée sur un plan analogue, mais la liberté s’y trouve, non sans profit, restreinte par l’unité du sujet, qui est absolue sous ses faces multiples : ni le Christ de Grunewald, en son extrême violence mystique, son atterrante et consolante hideur, n’est une fugue hors des lignes, ni la démoniaque forêt de Tiffauges, ni la cruelle Messe noire, ni aucun des « morceaux » ne sont déplacés ou inharmoniques ; pourtant, avant la liberté du roman on les eût critiqués, pas en eux-mêmes, mais tels que non rigoureusement nécessaires à la marche du livre. […] La beauté de cet aède rappelle, non sans mélancolie, les figurations compliquées dont se voulaient ornementés les anciens chefs australiens, mais en vérité il se pare avec un art moins ingénu ; il y a même un raffinement singulier dans les nuances et dans le dessin et des hardiesses amusantes de ton et de lignes. […] Comme sa vie, les rythmes qu’il aime sont des lignes brisées ou enroulées ; il acheva de désarticuler le vers romantique et, l’ayant rendu informe, l’ayant troué et décousu pour y vouloir faire entrer trop de choses, toutes les effervescences qui sortaient de son crâne fou, il fut, sans le vouloir, un des instigateurs du vers libre.

984. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Il ne nous est parvenu de leur correspondance intime que quelques lignes mutilées : « Voici des fleurs et des épines que je vous envoie, écrit Voltaire en 1736. […] Qui ne connaît ces lignes si célèbres ? […] Le visage est plein, les lignes en sont fermes et nettes, dans les yeux et sur les lèvres un léger sourire dont la sérénité, dont la douceur étonnent. […] Aussi ne s’agit-il plus que de rencontrer ces quatre vers ou ces quatre lignes. […] Je commencerai par la fin, c’est-à-dire que je répondrai d’abord deux mots à la dernière ligne du Post-scriptum de M. 

985. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Sous un excès de couleur, ce que l’on dissimule souvent, c’est que l’on n’a plus, si tant est qu’on l’ait jamais eu, l’instinct de la ligne. […] Notez d’ailleurs qu’il n’y a dans ces quatre lignes d’apologie qu’un seul petit mot de trop : c’est celui que nous avons souligné. […] Au fond, des lignes d’une architecture massive précisent le lieu de la scène. […] triomphe de la ligne à Florence, et triomphe de la couleur à Venise ! […] Et la ligne et la couleur, évidemment, leur parlent un langage qu’elles ne nous parlent pas.

986. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Molière Il y a en poésie, en littérature, une classe d’hommes hors de ligne, même entre les premiers, très-peu nombreuse, cinq ou six en tout, peut-être, depuis le commencement, et dont le caractère est l’universalité, l’humanité éternelle intimement mêlée à la peinture des mœurs ou des passions d’une époque. […] Une ligne plus haut et le comique cesse, et on a un personnage purement généreux, presque héroïque et tragique. […] Mais véritablement l’auteur seul sait jusqu’où va la copie et où l’invention commence ; seul il distingue la ligne sinueuse, la jointure plus savante et plus divinement accomplie que celle de l’épaule de Pélops. […] A l’égard de son caractère, il étoit doux, complaisant, généreux ; il aimoit fort à haranguer, et quand il lisoit ses pièces aux comédiens, il vouloit qu’ils y amenassent leurs enfants, pour tirer des conjectures de leurs mouvements naturels. » Ce qui apparaît en ce peu de lignes de la mâle beauté du visage de Molière m’a rappelé ce que Tieck raconte de la face tout humaine de Shakspeare.

987. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Zola m’entretient de sa fatigue à finir La Débâcle, de la copie énorme du bouquin qui aura six cents pages, disant que le manuscrit est en train d’avoir mille pages de trente-cinq lignes — les petites pages habituelles de sa copie, formées d’une feuille de papier écolier, coupée en quatre. […] « S’asseoir au bon endroit, ainsi que l’enseignait son maître Bertin — établir ses grandes lignes — chercher ses valeurs — et se touchant tour à tour la tête et la place de son cœur, mettre sur sa toile, ce qu’on sent, là et là. […] Et mes yeux ont gardé de ma chère parente, le souvenir de loin, comme dit le peuple, le souvenir de ses cheveux bouffant en nimbe, de son front bombé et nacré, de ses yeux profonds et vagues dans leur cernure, de ses traits à fines arêtes, auxquels la phtisie fit garder, toute sa vie, la minceur de la jeunesse, du néant de sa poitrine dans l’étoffe qui l’enveloppait, en flottant, des lignes austères de son corps ; — enfin de sa beauté spirituelle, que, dans mon roman, j’ai battue et brouillée avec la beauté psychique de Mme Berthelot. […] Il y a des moments, où je me demande, si le grand art n’est pas inférieur à l’art industriel, quand celui-ci est arrivé à son summum de la perfection, et si, par exemple, un tableau de coloriste n’est pas inférieur à un flambé hors ligne, et si, si… mais, je ne veux pas pousser la comparaison plus loin, pour que mon ombre ne soit pas lapidée par les critiques d’art de la Revue des Deux Mondes, du xxe  siècle.

988. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

La conscience est la ligne droite, la vie est le tourbillon139. » — Hugo répond qu’il faut obstinément s’en tenir à la ligne droite, et, pour le reste, attendre l’avenir. […] Brunetière, il y a de la rhétorique dans la Tristesse d’Olympio : il y a de la littérature jusque dans le Souvenir de Musset : — deux vers de Dante, quatre lignes de Diderot, une invocation à Shakespeare ; — mais il n’y a pas trace de littérature dans le Lac, pas ombre seulement de rhétorique, et c’est ce qui en fait la suprême beauté. » Pas trace de littérature ni ombre de rhétorique dans :         Et la voix qui m’est chère         Laissa tomber ces mots : Ô temps, suspends ton vol, et vous, heures rapides,     Suspendez votre cours ! […] Hugo sont peintes dans ces quelques lignes : « Elle avait dans toute sa personne la bonté et la douceur… pour travail de se laisser vivre, pour talent quelques chansons, pour science la beauté, pour esprit l’innocence, pour cœur l’ignorance… Il l’avait élevée plutôt à être fleur qu’à être femme232. » Hugo a d’ailleurs compris et admirablement exprimé une des fonctions de la femme : « Ici-bas, le joli, c’est le nécessaire.

989. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Puis, il nous promet l’instante apparition de son grand œuvre, dont personne n’a d’ailleurs lu une ligne. […] … Symphonie humaine où babilleront la saveur, le parfum, la sonorité, la flamme, la ligne ! […] Aujourd’hui il faut trois cents lignes ? […] » Un écrivain qui raisonne ainsi n’est plus qu’un marchand de lignes. […] Feuilletez la Revue fantaisiste, et tâchez d’y trouver une ligne de critique de l’un de nous !

990. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Géruzez n’a point refusé six pages, n’obtiendrait peut-être guère plus de six lignes. […] Géruzez que six lignes, aurait certainement six pages. […] Nisard aime et patronne dans le temps présent, viennent en droite ligne du Contrat social et de l’Émile. […] Scribe y a obtenu quatre lignes. […] N’entendez-vous pas, en lisant les lignes qui suivent, caqueter à vos oreilles la riante musique des souvenirs d’enfance ?

991. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Et en effet, qu’on y songe un peu : pour que le combat entre l’Antiquité et les temps modernes se pût engager dans toute son étendue et sur toute la ligne, il fallait deux conditions essentielles, l’une qu’il y eût une Antiquité bien connue, bien en vue, bien distincte et comme échelonnée sur les hauteurs du passé, l’autre qu’il y eût une époque moderne, bien émancipée, bien brillante et florissante, un grand siècle déjà et qui parût tel aux contemporains.

992. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

La lettre d’où je tire ces lignes est adressée au pieux fils de Mme Desbordes-Valmore : Vous êtes, lui disait cet ami au cœur reconnaissant, vous êtes, monsieur, le fils d’un ange : la patrie des lettres et de la poésie n’en produit que bien rarement de tels.

993. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Duthillœul, de Douai, qui lui en avait demandé copie, la pièce de vers de Lamartine, elle ajoutait ces lignes qui sont dictées par le même sentiment : « L’attendrissement l’a emporté sur la modestie, monsieur, et j’ai transcrit ces beaux vers à travers mes larmes, oubliant qu’ils sont faits pour un être si obscur que moi.

994. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Les auteurs et les autorités les plus disparates se trouvent comme rangés en bataille et sur la même ligne ; M. 

995. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Il n’a rien découvert, mais il a tout enflammé ; et le sentiment de l’égalité, qui produit bien plus d’orages que l’amour de la liberté, et qui fait naître des questions d’un tout autre ordre et des événements d’une plus terrible nature, le sentiment de l’égalité, dans sa grandeur comme dans sa petitesse, se peint à chaque ligne des écrits de Rousseau, et s’empare de l’homme tout entier par les vertus comme par les vices de sa nature.

996. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Les premiers pas qu’on fait dans l’espoir d’atteindre à la réputation sont pleins de charmes, on est satisfaite de s’entendre nommer, d’obtenir un rang dans l’opinion, d’être placée sur une ligne à part ; mais si l’on y parvient, quelle solitude, quel effroi n’éprouve-t-on pas !

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