Mais enfin, poursuivis-je, que pensez-vous de son héros, Jean Valjean, le forçat philanthrope ? […] À présent que je suis de sang-froid, Monsieur, me répondit Baptistin, le forçat de l’amour, que sa cousine attendait à la geôle de sa maison de détention pour le récompenser de tant de malheur souffert pour elle, et qui achevait entre l’espérance et l’amour ses dernières semaines de captivité ; à présent que je suis de sang-froid, il me semble que le héros de M. […] Victor Hugo, qui a, dit-on, une charmante épouse, des fils de talent, des filles de vertu dans sa famille, voulût accorder leur main aux fils ou aux filles de son héros Jean Valjean, si Jean Valjean, malgré son trésor dont le premier centime était l’argenterie de son évêque ou la pièce de quarante sous du pauvre enfant qui lui avait servi de guide, était de condition égale à la condition d’un honnête homme de génie.
Son suc cordial circule parmi les êtres comme une sève généreuse ; il nourrit la force des héros et la joie des dieux. — Un de ces hymnes nous montre Indra, le Roi solaire, l’archer de la foudre, enivré par Soma ; et l’on croit voir le Bacchus indien, tel que l’art grec le représentera si magnifiquement plus tard, la barbe ruisselante, la mitre inclinée sur sa chevelure aux longues tresses, chanceler avec majesté dans les nues. […] Plus élevé qu’Hercule dans la hiérarchie olympienne, mais rattaché aussi à la race humaine par sa mère, Bacchus, comme le fils d’AIcmène, tient du héros autant que du dieu. […] Ne pourrait-on confondre de loin la troupe des Satyres dionysiaques avec l’armée des singes que le bon Hanouman, l’orang-outang héros, amène au secours de l’époux de Sita ?
Toujours est-il qu’ils ont fait parler ce mauvais langage à leur héroïne pour la rendre plus naturelle, plus réelle, comme on dit maintenant, et, qui sait ? […] Ce sont des clowns, en effet, que les héros de ce roman. […] D’un autre côté, le dénouement pathologique est une des faiblesses ordinaires des naturalistes, qui ne croient qu’aux faits de la matière, et celui de M. de Goncourt en rappelle d’autres antérieurement connus : le delirium tremens de L’Assommoir, et la mort de la rage, dans un des romans les plus passionnés de Léon Cladel… Conséquences inévitables du naturalisme, qui se dit, malgré son ignorance, expérimental et scientifique, nous serons peut-être obligés de faire prochainement, dans les livres qui s’adressaient autrefois au cœur ou à l’esprit, le tour des maladies humaines, et nos romans ne seront plus que de dégoûtantes nosographies… M. de Goncourt, l’auteur de la Sœur Philomène, marqué depuis longtemps de ce carabinisme qui a aussi timbré Sainte-Beuve, devait prendre très facilement le fil d’un siècle qui allait, de toutes parts, aux préoccupations physiques, et qui ne trouve plus d’autre terrible et d’autres sources de pathétique, dans ses romans de sentiment et de passion, que la hideuse mort animale de ses héros.
Attiré, fasciné par ses héros, il détache vers eux, petit à petit, sa pensée et sa volonté. […] Aussi le poète tragique a-t-il soin d’éviter tout ce qui pourrait appeler notre attention sur la matérialité de ses héros. […] C’est pourquoi les héros de tragédie ne boivent pas, ne mangent pas, ne se chauffent pas.
Suivant ce dernier : « Seul celui-là se réjouira de la doctrine nouvelle qui sait donner un sens et un but à la vie, qui accepte et aime la nature et la réalité, qui jouit en artiste de leur richesse, de leur beauté, de leur grandeur, qui désire voir la fatalité réalisée, par-delà l’humanité passée et présente, des combinaisons nouvelles, des formes nouvelles d’existence, plus grandes encore et plus belles, et qui, exalté par la partie qu’il joue avec le hasard, ne voyant dans ses échecs et ses souffrances qu’un aiguillon à pousser plus loin, plus haut, à se dépasser lui-même, voudra, dans une ivresse d’enthousiasme, revivre encore et éternellement, cette existence de héros et d’artiste7. » Pour ces mêmes raisons Griffin puise dans la notion de vie magnifiée l’essence de sa morale, le principe de la beauté rayonnante et universelle. […] Ces prémices importent seules ici et se résument dans la glorification de toutes nos énergies, dans cette tension de tout l’être, dans cette vie « doublée et redoublée » dont parle Gobineau et qu’incarnent les héros des Pléiades, ces « fils de rois ». […] comme en exhalent les héroïnes de Racine, contiennent de grands effets émotionnels. — Tantôt, avec une insistance qu’on aurait tort d’accuser de monotonie, les personnages se jettent la même phrase nue, et ainsi est atteint le maximum d’intensité suggestive avec le minimum de procédé. — Tantôt, au contraire, Maeterlinck accumule les images disparates, tourne et retourne une impression primitive, un jeu savant d’analogies combinées, malgré un apparent discord, en vue d’enserrer cette impression dans son entière complexité. […] Alors qu’une fâcheuse influence des littératures latines obligeait quantité d’artistes à chanter les héros d’une mythologie froide et fermée à nos entendements d’Occidentaux, alors qu’une âme française se pliait sans souplesse à des pastiches de littératures étrangères — ce qui fait dire à Mockel : « En France on n’écrit pas selon les croyances et les légendes françaises ; la tradition française est d’écrire selon les traditions des autres » — tout un groupe de poètes s’est rencontré pour exalter l’âme populaire de notre pays avec ses inventions, son folklore, ses chansons naïves, mais pleines de suc.
La plupart des héros de M. […] Marcel, c’est le héros cher aux romantiques. […] Les héros et les héroïnes de Mme Juliette Lamber ont la beauté physique, la richesse, la fierté, le courage, l’intelligence, l’esprit, le génie. […] L’auteur tient à ce qu’on ne s’y trompe pas, à ce qu’on n’aille pas la prendre par hasard pour une héroïne ni croire qu’elle fait exprès d’être sage, et il y revient je ne sais combien de fois. […] Remarquez que l’héroïne de La Fontaine est une bachelette « au corps gent » : celle de M. de Maupassant est une grande fille brune.
qui, tandis que l’erreur a ses héros & ses martyrs, s’enflâme pour la vérité, & joint dans la contemplation de ses chastes attraits, des sacrifices qu’il a faits pour elle. […] D’un autre côté cette complaisance amoureuse que Racine prête à tous ses héros, affadit ses Tragédies ; &, avec de l’esprit & une versification douce & coulante, ce Poëte est parvenu à faire des pièces qui attendrissent : mais il n’a que très rarement ces traits qui remuent les âmes & élevent les courages. […] & le Parterre, de battre des mains ; tandis que le héros éssoufflé reprend haleine : mais s’il a fait quelque effort, ce n’est tout au plus qu’un effort de Mémoire. […] l’on viendra nous représenter, à Paris, la physionomie de Héros qui ne nous intéressent plus, qui nous sont étrangers, qui n’appartiennent ni à nos mœurs, ni à nos usages, ni à notre gouvernement ! […] C’est ordinairement un confident qui, en faveur du spectateur, assomme de ses répétitions fades & superflues le Héros de la Pièce, qui paroît prêt à bâiller en l’écoutant.
. — Niaiserie de ses héroïnes. — Niaiserie de l’amour […] On comprend que la pauvre enfant ait besoin de sympathie ; en quittant les poupées, ce cœur aimant s’est épris d’abord de Trenmor, de Sténio, du prince Djalma et autres héros des romanciers français. […] Que l’amour et la bonté soient aveugles, instinctifs, déraisonnables, ridicules, peu lui importe ; tels qu’ils sont, il les adore, et il n’y a pas de plus singulier contraste que celui de ses héros et de son admiration. […] Sous cette pluie d’ironies et de mécomptes, l’héroïne s’est rapetissée, l’illusion s’est affaiblie, l’intérêt a diminué, l’art s’est amoindri, la poésie a disparu, et le personnage, plus utile, est devenu moins vrai et moins beau. […] Nous voyons un héros, mais original et nouveau, Anglais par sa volonté froide, moderne par la délicatesse et la sensibilité de son cœur.
Mais ne changeons pas le sens des mots, ni surtout n’embrouillons les vrais noms des choses, et convenons franchement que si jamais héros de théâtre a suivi les mouvements de sa passion à l’encontre des injonctions de son devoir, c’est le mari de Pauline. […] Peu de pieds-plats sont comparables aux Jodelet de Scarron, mais combien savez-vous de héros qui soient eux-mêmes de la taille de ceux de Corneille, de son Rodrigue, de son Horace, de son Polyeucte ? […] Une génération nouvelle, la génération des Henriette, celle des La Vallière et des Montespan, avait comme chassé de la cour les héroïnes de la Fronde : Montbazon, Chevreuse ou Longueville. […] Mais elle devient terriblement scabreuse quand, au lieu d’être maîtresse encore de sa personne et libre de son choix, l’héroïne, comme dans Rhadamiste, est déjà la captive du père, et la femme de celui des deux fils qu’elle n’aime pas. […] Nous nous trouverons de plain-pied tout d’abord avec les héros du drame bourgeois, avec ceux mêmes du drame romantique ; et nous nous arracherons avec eux des côtés de cheveux, et nous nous tordrons avec eux les poignets, et nous hurlerons avec eux de colère ou d’amour !
Tenez, en voici une, parmi les héroïnes de notre littérature, qui ne fait pas grand fracas. […] Quoique les héros de notre tragédie ne s’épargnent pas les belles tirades, les héros de la scène espagnole, de la scène allemande et même de la scène anglaise débitent encore les discours plus longs et plus soigneusement composés. […] Quoi de plus sympathique que le peuple tel que madame Sand le personnifie en quelques-uns de ses héros ! […] Notre époque, semblable en cela à l’héroïne de M. […] Parmi les héros de Regnard, il y a cent fripons, et pas un méchant ; et c’est peut-être pourquoi on n’y trouve pas non plus un seul vrai sot.
Et c’est moi qui l’ai tuée… comme un héros, je l’ai tuée. […] L’héroïne de M. […] Les quatre héros se reconnaissent, et le combat finit par une embrassade circulaire et fraternelle. […] Toutefois, je remarque que ces héros sont tout le temps quatre contre un. […] Il a l’air noblement désorienté d’un héros inemployé, je le dis sans aucune ironie.
La pensée va si vite, que l’œil ébloui ne songe pas à compter les fredaines de l’héroïne. […] Julie savante, Julie athée, n’est pas une héroïne de roman, qu’importe ? […] Je ne conçois pas un poème dramatique dont Toussaint est le héros sans l’incendie du Cap. […] Toussaint et ses lieutenants se défendent comme des géants, comme des héros ; mais la discipline et le sang-froid l’emportent sur le courage et la colère. […] L’opinion générale est plus indulgente pour les héros de roman que pour les héros de théâtre ; la même foule qui, assise sur les banquettes du parterre, ne pardonne pas au poète la violation de la vérité, se montre volontiers crédule lorsqu’elle suit des yeux les pages d’un roman.
Six ans après et dans la préface de Pierrette, il revenait à la charge, et, parlant cette fois de ses héros aussi bien que de ses héroïnes, il calculait que la somme de ses personnages vertueux était d’un tiers supérieure à celle des personnages qui avaient quelque chose à se reprocher. […] Dès 1830, et dans la Peau de chagrin, le romancier expliquait les malheurs de son héros par cette frénésie de la volonté, déchaînée à travers un monde où les anciens cadres sont brisés, et les nouvelles barrières déjà renversées. […] Ces mêmes hommes qui se feront tuer avec des bravoures de héros quand l’ordre leur sera donné d’en haut, deviennent des hésitants, des timides, des paralysés, quand il s’agit de se décider par eux-mêmes, de concevoir un projet individuel, de s’associer spontanément, et pour tout dire d’un mot, d’entreprendre. […] Dans le Réquisitionnaire, et dès la sixième phrase, il a déjà appuyé le cas individuel de son héroïne sur un cas plus général : « En 1793, la conduite de Mme de Dey pouvait avoir les plus funestes résultats. […] Le poison dont s’envenime la plaie d’amour, ouverte dans le cœur du héros de ce poème et de ce roman, n’a pas été injecté du dehors.
Le poète moraliste, Corneille par exemple, pose ses héros debout tout d’abord. […] Ce sont en effet les héros du naturaliste et du rude artiste que rien ne dégoûte ; ils sont les curiosités de sa galerie. […] Celui-là aussi, pour Balzac, va devenir un héros ; car qu’importe l’homme ? […] Les héros mythologiques d’Euripide sont avocats et philosophes comme les jeunes Athéniens de son temps. […] Les femmes de Calderon sont des héros, celle de Shakespeare sont des enfants, celles de Racine sont des femmes.
C’est à ce moment qu’il eut connaissance des chants patriotiques de Théodore Kœrner, qui était le héros du jour. […] Il craignait toujours, plus tard, en se ressouvenant, de ne pas ressaisir au degré voulu la vivacité et l’éclat de ses impressions premières ; il attendait pour écrire que le parfait réveil se fît en lui, que les heures passées se peignissent dans sa mémoire toutes brillantes et lumineuses, que son âme eût retrouvé le calme, la sérénité et l’énergie où elle devait atteindre pour être digne de voir reparaître en soi les idées et les sentiments de Gœthe ; « car j’avais affaire, disait-il, à un héros que je ne devais pas abaisser. » Ainsi pénétré du noble sentiment de sa mission, il la remplit avec une piété que nous ne trouverons jamais trop minutieuse ; et les grands traits, d’ailleurs, il ne les a pas omis, et il nous permet, ce qui vaut mieux, de les déduire nous-mêmes peu à peu de la réalité simple : « Gœthe vivait encore devant moi, s’écrie-t-il en une de ses heures de parfait contentement et de clarté ; j’entendais de nouveau le timbre aimé de sa voix, à laquelle nulle autre ne peut être comparée.
Elles doivent figurer parmi les héros, car il y en a dans toutes les classes de l’armée plus que partout ailleurs, et j’ai le bonheur de n’avoir que des faces bien caractérisées. » Il fait d’avance sa provision de têtes et de figures martiales : tout chez lui sera d’après nature, les sites, on va le voir, et les figures aussi. Et remarquez comme, sans théorie aucune et par un pur sentiment de vérité, il pense au peuple de l’armée, à toutes les classes de héros.
Et pourtant il est heureux pour Sophocle et Euripide, et pour l’honneur entier de leurs tragédies, que la légende ait régné dans l’antiquité sans partage, et nous ne pouvons savoir toute la gravité de l’échec qu’auraient subi leurs héros si l’on avait retrouvé au temps d’Aristote la correspondance d’Oreste et si l’on avait publié les papiers de Simancas de la famille d’Agamemnon. […] Tel était, vu de près et selon des témoins venus d’Allemagne, d’Italie et de France, le héros de roman et de drame poétisé et platonisé à distance par Schiller, celui dont il a voulu faire, en plein XVIe siècle, le Cid et le Rodrigue des idées libérales du XVIIIe.
Le volume se compose de deux parties : la principale, qui est la négociation du mariage de la princesse de Saxe, nièce du maréchal, avec le dauphin de France, père de Louis XVI, forme tout un ensemble, et peut être considérée comme un épisode entièrement neuf de la vie du héros, Français de gloire, Saxon de cœur, et qui sut concilier en cette circonstance les intérêts de ses deux patries. […] Vous êtes avec lui comme certaine héroïne qui disait de son amant : Il est mort, puisqu’il ne paraît point.
C’est que le grand et primitif Roland était tout à fait oublié, et, grâce au Pulci, au Bojardo, à l’Arioste, ce noble et fier sujet, ce héros du Moyen Âge, était tombé en parodie ; tout comme Jeanne d’Arc après Voltaire (si j’ose bien faire ce rapprochement), il était gâté pour le sublime. […] Virgile, qui connaissait si bien les héros grecs homériques, ne connaissait pas moins les Curius, les Fabricius, les triomphateurs pris à la charrue, et qui, même au temps du Capitole, habitaient encore sous le chaume d’Évandre.
Il y aurait danger, si l’on n’y faisait attention, de demeurer attardé dans les préparatifs de l’entreprise et perdu dans les notes : je sais un estimable érudit qu’on trouva de la sorte dans son cabinet, assis par terre, à la lettre, et tout en pleurs, au milieu de mille petits papiers entre lesquels il se sentait plus indécis que le héros de Buridan : Sedet æternumque sedebit infelix Theseus. […] Que sait-on si la plupart des anciennes fables ne doivent pas leur origine à quelque coutume de faire louer les anciens héros le jour de leur fête et de conserver les pièces qui avaient paru les meilleures ?
Je ne lui pardonne plus la lâche poursuite de la reine jusqu’à l’échafaud ; le dernier trait de ce jugement venge d’un mot Marie-Antoinette et dénude le cœur de l’héroïne des Girondins. […] Sur ce champ de bataille il y a eu des vertus et des mensonges, des héroïsmes et des bassesses, des égorgés et des égorgeurs, des abattoirs d’hommes et des champs de bataille patriotiques, des héros et des scélérats.
Vous avez ce bonheur, que les trois quarts de la France et de l’Europe vous devancent dans la voie des expiations et qu’un héros vous précède ; vous ne pouvez douter que Bonaparte ne veuille s’allier à la religion tôt ou tard, pour rendre au peuple l’obéissance et pour mettre sous la sanction du Dieu des armées l’autorité dont il s’empare. […] Il part, s’égare dans les bois, est pris par un parti de Muscogulges et de Siminoles ; il confesse hardiment, et avec la bravade propre aux Sauvages, son origine et sa nation : « Je m’appelle Chactas, fils d’Outalissi, fils de Miscou, qui ont enlevé plus de cent chevelures aux héros muscogulges. » Le chef ennemi Simaghan lui dit : « Chactas, fils d’Outalissi, fils de Miscou, réjouis-toi ; tu seras brûlé au grand village. » « Tout prisonnier que j’étais, je ne pouvais, durant les premiers jours, m’empêcher d’admirer mes ennemis.
Il y a dans Amadis une fantasmagorie d’héroïsme, des héros occis, des géants pourfendus, des chevaliers vaincus par deux et par trois à la fois, des hommes d’armes par huit ou dix, des soldats par milliers sur le champ de bataille, un seul preux, tantôt Amadis, et tantôt Galaor, ou un autre, pour toutes ces besognes : des enfants perdus et retrouvés, des époux ou des amants séparés, des amours foudroyants ou ineffablement profonds, des enchantements, des oracles, une géographie fabuleuse. Mais à travers cette folie d’invention on rencontre sans cesse une ferme réalité : des amours « exécutés » tels qu’ils le peuvent être dans le train le plus commun du monde, et plus rapidement même, de positives conclusions qui suivent, et parfois précèdent les vaporeuses adorations, une franchise d’accent, presque une brusquerie délibérée d’humeur chez ces chimériques héros, qui leur donne un peu de consistance et l’air de la vie.
De 1660 à 1668, Boileau compose neuf satires, sa dissertation sur Joconde, et son Dialogue des héros du roman ; de 1668 à 1677, il écrit neuf épitres, son Art Poétique (1674), sa traduction de Longin, quatre chants du Lutrin (1674), qui ne sera achevé qu’en 1683 ; de 1687 à 1698, des épigrammes contre Perrault, neuf Réflexions sur Long in (1092-1694), trois Epitres, deux Satires ; de 1703 à 1710, des épigrammes contre les Jésuites et la Satire XII (1705). […] Mais parmi la foule des auteurs que les Satires atteignaient, certains noms plus cruellement raillés, plus impitoyablement ramenés sous les yeux du public, indiquaient l’intention du poète et le sens général de ses attaques : dans la satire I, Saint-Amant et Chapelain ; Chapelain dans la satire VI ; dans la satire II, Quinault et Scudéry ; Chapelain dans la fameuse parodie du Cid ; Chapelain dans la IVe satire ; Chapelain dans le Discours au Roi, Chapelain dans le Dialogue des héros de roman, avec Mlle de Scudéry et Quinault ; Chapelain encore, et Quinault, et Mlle de Scudéry et l’abbé Cotin dans la Satire III ; dans la satire VIII, Cotin ; dans la ixe enfin, dans cet admirable et terrible abatage de réputations, Cotin et Chapelain, avec Quinault, Saint-Amant, Théophile, et vingt autres.
Plus navrante et plus grise est l’impression que laisse l’Éducation sentimentale (1869) : Madame Bovary prenait une grandeur tragique par les convulsions passionnées, et par la mort de l’héroïne. […] Dans l’hypothèse de la parenté qui unit tous les héros de ces romans, je ne puis voir qu’un artifice littéraire, assez inutile du reste : les œuvres ne perdraient rien à rester isolées dans leurs titres, comme elles le sont de fait.
Les Dieux et les Héros demeurent pour eux des personnages du passé, à demi historiques, personnages d’une histoire sans doute merveilleuse qui est celle d’un monde plus beau, plus grand, plus pittoresque par l’éloignement et la distance où il est du nôtre. […] Quillard, Mikhaël et Hérold chantaient les Héros et les Dieux.
Les héros dont elles disent les exploits finissent par devenir des saints. […] Et dès lors, qu’il nous transporte en Arabie avec Mahomet, en Amérique avec Alzire, en Chine ou en Palestine, tous les héros du poète viendront tour à tour prêcher le déisme et la tolérance.
Un mot de trop ou un mot de moins, et la chute de son héroïne pouvait entraîner celle du poète. […] Il arrive enfin, ce héros errant : tout à l’heure il faisait une conférence à la Société de géographie ; il la refait dans le salon de M. de Prévenquières, et raconte son odyssée dans le pays Noir.
En transformant dans ses romans les personnages de sa connaissance en héros et en princes, Mlle de Scudéry croyait ne pas sortir de sa maison. […] Après avoir parlé de la longue suite d’aïeux que pouvait compter son héroïne : Sapho, ajoutait-elle, a encore eu l’avantage que son père et sa mère avaient tous deux beaucoup d’esprit et beaucoup de vertu ; mais elle eut le malheur de les perdre de si bonne heure, qu’elle ne put recevoir d’eux que les premières inclinations au bien, car elle n’avait que six ans lorsqu’ils moururent.
La cour de Rome, en particulier, voyait en ce défenseur de l’autel et du trône un héros et presque un saint échappé au martyre, et, à sa sortie de France en 1792, l’abbé Maury fut comblé par le pape Pie VI de tous les honneurs et de toutes les dignités auxquelles un homme d’Église pouvait prétendre : nonce, archevêque et bientôt cardinal (1794)34. […] Certes, ce n’était pas au cardinal Maury, héros de l’Ancien Régime, et par suite comblé des récompenses du Saint-Siège, d’aller servir d’instrument au pouvoir nouveau, et de faire œuvre d’évêque à demi constitutionnel, pendant la captivité et l’oppression du pontife.
» Pour peindre ce public français de la première représentation de Figaro et son pêle-mêle d’enthousiasme flottant, deux faits suffisent : lorsque le héros de nos flottes, le bailli de Suffren, entra dans la salle, il fut applaudi avec transport ; lorsqu’un moment après, la charmante actrice Mme Dugazon, relevant d’une maladie dont on savait trop la cause, parut sur le devant de sa loge, on l’applaudit également. […] Je ne sais si j’ai bien fait toucher du doigt au lecteur tous les points singuliers et les traits distinctifs de cette destinée et de cette fortune bizarre du Mariage de Figaro, une représentation arrachée, malgré le roi et les magistrats, par la Cour, par le public et par l’auteur, triomphante et déréglée, se tournant contre ses propres spectateurs, s’aidant tour à tour de tous les moyens auxiliaires de scandale, de sensibilité et de bienfaisance, et menant au plus beau moment son héros à Saint-Lazare ; traitement infamant et indigne, dont il se trouve toutefois presque consolé, puisqu’il en est sorti une ordonnance de comptant de deux millions cent cinquante mille livres.
Un curieux genre pudibond tend à prévaloir ; nous rougissons de la façon grossière dont les grenadiers se font tuer ; la rhétorique a pour les héros des feuilles de vigne qu’on appelle périphrases ; il est convenu que le bivouac parle comme le couvent, les propos de corps de garde sont une calomnie ; un vétéran baisse les yeux au souvenir de Waterloo, on donne la croix d’honneur à ces yeux baissés ; de certains mots qui sont dans l’histoire n’ont pas droit à l’histoire, et il est bien entendu, par exemple, que le gendarme qui tira un coup de pistolet sur Robespierre à l’Hôtel-de-Ville se nommait La-garde-meurt-et-ne-se-rend-pas. […] Ses antithèses innombrables, tronc gigantesque et petites feuilles, écorce rude et mousses de velours, acceptation des rayons et versement de l’ombre, couronnes pour les héros et fruits pour les pourceaux, seraient-elles des marques d’afféterie, de corruption, de subtilité et de mauvais goût ?
La vie des héros a enrichi l’histoire, et l’histoire a embelli les actions des héros : ainsi je ne sais qui sont plus redevables, ou ceux qui ont écrit l’histoire, à ceux qui leur en ont fourni une si noble matière, ou ces grands hommes à leurs historiens.
Le représentant des idées d’un siècle, le législateur d’un peuple, le fondateur d’un empire : voilà le héros de l’épopée. […] Son héros, homme pieux, père d’une tige royale, est le vrai fondateur d’une société humaine.
« Tous les héros de lord Byron, — dit M. […] Nisard : toutes ses héroïnes sont des sœurs par leurs sentiments bien plus que des maîtresses, et qui sait même si les amours de ce Lovelace faux qui cachait peut-être un Grandisson, mais poétique, au fond de son âme, ne furent pas plutôt des amours fraternels qu’autre chose ?
Pommier n’a, lui, qu’un personnage dans tout son poëme, mais ce héros, c’est la Foule, c’est le Monde, c’est l’Humanité. Pour faire mouvoir cet immense héros, quinze cents vers n’étaient pas assez, si merveilleusement frappés qu’ils pussent être.
Nommez-les héros, cette appellation leur convient, mais ce sont à coup sûr des héros sans joie.
Le fait est qu’il n’est pas rassurant d’entendre conter de pareilles histoires par celui-là même qui en a été le héros. […] Zola n’avait pas alors osé mettre son héros sur le trône d’où il le fait parler à Gervaise. […] Ce roman a ceci de particulier, que le héros, M. […] Bien des masques des héros du romancier seront levés par le public, mais il ne nous appartient pas de devancer sa curiosité. […] Feuillet, cède bien vite à l’intérêt qu’inspire Cécile, la véritable héroïne du roman.
Vinet dans la nature morale de Pascal, et n’a fait voir plus sensiblement que sous le héros chrétien il y avait l’ homme .
Il corrige donc les caractères des dieux, des héros, leurs actions brutales, leurs injurieux discours, la prolixité des descriptions, la négligence des redites, tout ce qui choque la morale, la politesse, le goût d’un siècle éclairé.
Saint-Georges de Bouhélier lorsqu’il écrivit la Vie héroïque des Aventuriers, des Poètes, des Rois et des Artisans, et qu’il y formula les phrases chantantes et accentuées que voici : « Ces héros ruraux et urbains représentent, incarnent, glorifient, pompeux, une Face de la Terre ou du Firmament… La Nature elle-même nécessite l’auguste ardeur de leur patience.
Ce pauvre XIXe siècle dont on dira tant de mal, aura eu ses bonnes parties, des esprits sincères, des cœurs chauds, des héros du devoir.
Mais laissant de côté les difformités naturelles, pour ne s’attacher qu’à celles qui sont nécessairement occasionnées par les fonctions habituelles, il me semble qu’il n’y a que les dieux et l’homme sauvage, dans la représentation desquels on puisse s’assujettir à la rigueur des proportions ; ensuite les héros, les prêtres, les magistrats, mais avec moins de sévérité.
Ils n’ont donc de ce qu’ils attaquent qu’une notion bien confuse Le héros du Disciple, qui a ouvert la campagne il y a environ neuf ans, n’est pas seulement un triste caractère, c’est un médiocre esprit, un mauvais élève qui n’a pas compris son maître.
Le duc de Raguse aurait un fils, et son fils serait un héros, qu’il pourrait pleurer en lisant ces grandes et belles paroles en face de la tombe de son père, mais qu’à coup sûr il ne les reprocherait jamais à la sévérité de l’historien !
Certainement il y a là du talent, et beaucoup de talent encore, mais ce talent éclatant et chaud est moins original et moins fort que celui des simples et nerveux sonnets historiques consacrés aux Héros de la Vendée et de la Bretagne ; car le talent est comme les vierges : ce qui fait sa force, c’est sa pureté.