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796. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

On aurait tort de croire qu’il y a faiblesse et perte d’esprit à regretter ces agréments envolés, ces fleurs qui n’ont pu naître, ce semble, qu’à l’extrême saison d’une société aujourd’hui détruite. […] L’auteur d’Eugène de Rothelin nous a peint ce siècle en lui-même dans sa fleur exquise, dans son éclat idéal et harmonieux ; Eugène de Rothelin est comme le roman de chevalerie du dix-huitième siècle, ce que Tristan le Léonois ou tel autre roman du treizième siècle était à la chevalerie d’alors, ce que le petit Jehan de Saintré ou Galaor étaient au quinzième22, c’est-à-dire quelque chose de poétique et de flatté, mais d’assez ressemblant.

797. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Ç’a été une des productions naturelles de la Restauration, comme ces îles de fleurs formées un moment sur la surface d’un lac, aux endroits où aboutissent, sans trop se heurter, des courants contraires. […] Entre toutes les scènes si finement assorties et enchaînées, la principale, la plus saillante, celle du milieu, quand, un soir d’été, à Faverange, pendant une conversation de commerce des grains, Édouard aperçoit Mme de Nevers au balcon, le profil détaché sur le bleu du ciel, et dans la vapeur d’un jasmin avec laquelle elle se confond, cette scène de fleurs données, reprises, de pleurs étouffés et de chaste aveu, réalise un rêve adolescent qui se reproduit à chaque génération successive ; il n’y manque rien ; c’est bien dans ce cadre choisi que tout jeune homme invente et désire le premier aveu : sentiment, dessin, langue, il y a là une page adoptée d’avance par des milliers d’imaginations et de cœurs, une page qui, venue au temps de la Princesse de Clèves, en une littérature moins encombrée, aurait certitude d’être immortelle.

798. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

On y retrouve pour ainsi dire l’homme aux goûts simples qui, dans sa jeunesse, étudiait et écrivait au milieu des forêts et des prairies, qu’on ne voyait jamais dans les rues de Bayreuth sans une fleur sur sa poitrine, et que ses biographes nous peignent travaillant et méditant dans un coin de la même chambre où sa mère, sa pauvre et humble mère, se livrait activement aux travaux du ménage, soignant le feu de son poêle et faisant sa cuisine, sans que le bruit des occupations domestiques parût troubler son fils, pas plus que le roucoulement des pigeons qui voltigeaient dans cette chambre. […] Il faut que l’eau s’épuise à courir les vallées ; Il faut que l’éclair brille, et brille peu d’instants ; Il faut qu’avril jaloux brûle de ses gelées Le beau pommier, trop fier de ses fleurs étoilées,         Neige odorante du printemps.

799. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Il n’est point, selon la vieille image jolie, l’abeille qui tire des fleurs un miel personnel, un miel dont le parfum et la saveur dureront. […] Et, sous les intempéries, parmi le sifflement des vipères et le coassement des crapauds qui semblent naître de ses mains de lucre, voici que l’enchevêtrement des fleurs tout à l’heure odorantes et des herbes de plus en plus puantes n’est qu’un tas grouillant de fumier.

800. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Il arrive toujours les mains chargées d’un bouquet d’espérances, fleurs de papier qu’il croit peut-être vivantes, que dans tous les cas il affirme vivantes. […] Et toujours la pensée qu’ils portent comme une fleur ou comme une arme est oratoire par sa pauvreté sans nuances, par sa simplicité vide, par sa banalité bourgeoise ou populaire.

801. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

On fit à ce sujet une jolie chanson : Il est plus d’un mois pour les fleurs, Et toutes les roses sont sœurs. […] Cette petite fleur qu’il vous montrait sèche à peine, il l’avait cueillie l’autre matin en revenant de la villa Diodati ; ce tableau qu’il vous décrivait, il l’avait vu hier dans le palais d’un prince romain.

802. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

* * * — Aujourd’hui, pendant la messe de mort de Mme X…, je pensais à la beauté jolie de ses vingt-huit ans, au rosé de fleur de sa peau, à la grâce molle de sa taille, et je me revoyais, de quatorze à dix-sept ans, enfantinement amoureux d’elle, et tout heureux de me frotter à ses robes de mousseline blanche, de me trouver dans l’air où elle vivait. […] Mais c’est l’assiette à la mésange sur une tige de magnolia en fleurs, l’assiette coquille d’œuf de la collection du président M. ***, de la collection de Barbet de Jouy.

803. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Pichot, au contraire, s’est, toute sa vie, tellement frotté à de grands poètes, qu’il a pris je ne sais quels grains de poussière étincelante au velours de ces fleurs lumineuses… Eh bien, pour cette raison-là seule, Amédée Pichot vaut mieux que M.  […] Les plus beaux génies, ces fleurs pourpres qui s’épanouissent dans le cerveau, ont leurs racines dans le sang de nos cœurs, et ce que les Livres Saints appellent : « le sel de la sagesse », n’est probablement que le sel des pleurs que nous avons répandus !

804. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

L’homme ordinaire, apercevant un lis, ne voit qu’une grande fleur blanche dont le calice évasé contient des fils jaunâtres ; le botaniste distingue la corolle, les six pétales, l’ovaire, le style, le stigmate, les étamines, les anthères, le pollen, les divers changements et les divers rapports de toutes ces parties depuis leur naissance jusqu’à leur mort. […] Jouffroy traite comme une fleur ?

805. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

C'est comme une terre peu grasse naturellement et peu féconde, une terre fine, un peu maigre, que la culture et des engrais successifs ont amendée et comme formée, et qui sur sa couche délicate, à l’abri des vents et moyennant des murailles bien exposées, porte d’aimables fleurs et des fruits assez savoureux.

806. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Quelque opinion qu’on garde après la lecture du livre sur la réalité de ces divisions qu’une philosophie plus forte trouverait sans doute moyen de simplifier et de réduire, ce qu’il faut reconnaître, c’est l’agréable et instructif chemin par lequel le philosophe nous a menés ; c’est cette multitude de remarques fines, judicieuses et ingénieuses, tempérées, qu’il a semées sous nos pas ; c’est ce jour si indulgent et si doux qu’il sait jeter sur la nature humaine en y pénétrant ; c’est l’émotion honnête qu’il excite en nous, tout en nous apprenant à décomposer et à observer ; ce sont les heureuses applications morales et pratiques, le choix et l’atticisme des exemples, et les fleurs d’une littérature si délicatement cultivée à travers les recherches de la philosophie.

807. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

A côté des portions bien observées, qu’exprime un style trop complice de son sujet, l’auteur a laissé échapper de singulières inadvertances : en un endroit, Marion Delorme se trouve être une courtisane du xvie  siècle, par opposition à Ninon, qui est du xviie  ; ailleurs, la vie de Mazarin est donnée comme bien autrement dominatrice que celle de Richelieu, lequel meurt à la fleur du pouvoir : cela devient fabuleux.

808. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

Parfois, lorsqu’il se regarde dans un miroir, et qu’il voit se refléter dans la glace cette figure ridée et vieillotte, ce dos voûté, ces yeux ternes et ces lèvres chagrines, il a peine lui-même à reconnaître dans ce personnage desséché et décrépit le Séverin d’autrefois  le svelte jouvenceau exalté, tendre et romanesque, qui marchait d’un pas si allègre sous les acacias en fleur de la rue du Baile, et qu’on avait surnommé à Juvigny « l’amoureux de la préfète ».

809. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

J’ai aimé à voir s’épanouir, dans ce royal couvent, ces orgueilleuses et charmantes fleurs de notre race.

810. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

D’abord, cette fleur d’illusion, cette ignorance des hommes et des choses.

811. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Comme nous, nous disons : « 1857, l’année de Bovary, des Fleurs du mal, des Poésies barbares, de Fanny », on dira seulement, mais c’est quelque chose : « 1893, l’année des Trophées », et dans un tiers de siècle, j’espère, les nouveaux me permettront de mentir un peu sur ce 1893 et sur cette apparition des Trophées, avec la grâce délicate que les jeunes gens ont tant raison de garder au bon chroniqueur devenu mûr et qui se souvient tout haut.

812. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Il se fait observateur minutieux, et il semblerait qu’il veuille jusqu’à leurs plus imperceptibles nuances étudier les fleurs minuscules et les fillettes hâves, les atomes incorporels presque, ou encore les nomades !

813. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Stuart Merrill ne s’est pas embarqué en vain, le jour qu’il voulut traverser les Atlantiques, pour venir courtiser la fière poésie française et lui planter une fleur dans les cheveux.

814. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

. — L’Archipel en fleurs (1895). — Similitudes (1896). — La Forêt bruissante (1896). — Campagne première (1897). — Aspects, critiques (1897). — idylles diaboliques (1898). — Œuvres complètes, tome I.

815. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Saint-Pol-Roux, la Procession qu’imagina son rêve, — et mon ravissement au spectacle des splendides reposoirs que son art sincère édifia… Il sera celui qu’il a défini, le Poète : l’entière humanité dans un seul homme, — car il marche, hautain, à la conquête de l’avenir, en semant, avec le geste large des forts, à la volée, le bon grain d’où naîtront des fleurs éternelles comme les pierreries.

816. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VI, première guerre médique »

« Les feux de l’aurore sont moins doux que les premiers regards de la gloire. » Ces paroles modernes d’une grâce attique, peuvent s’appliquer à cette jeune bataille, aube d’un jour rayonnant, fleur de pourpre d’un printemps sacré.

817. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

Et puis, pourquoi n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poëte, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout : fraîches promenades d’orangers le long d’une rivière ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées ; labyrinthes d’édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais, hospices, couvents, casernes, tous divers, tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux ; là-bas, le vieux gibet permanent, dont la pierre est vermoulue, dont le fer est rouillé, avec quelque squelette qui craque au vent ; au centre, la grande cathédrale gothique avec ses hautes flèches tailladées en scies, sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs, sa frise à jour comme une collerette, ses solides arcs-boutants si frêles à l’œil ; et puis, ses cavités profondes, sa forêt de piliers a chapiteaux bizarres, ses chapelles ardentes, ses myriades de saints et de châsses, ses colonnettes en gerbes, ses rosaces, ses ogives, ses lancettes qui se touchent à l’abside et en font comme une cage de vitraux, son maître-autel aux mille cierges ; merveilleux édifice, imposant par sa masse, curieux par ses détails, beau à deux lieues et beau à deux pas ; — et enfin, à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores et les palmiers, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ?

818. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Ce ne sont pas des fleurs, des graces, du brillant qu’il cherche à répandre comme son antagoniste.

819. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Assise à l’ombre d’un chêne, couronnée de fleurs qu’elle avait cueillies sur la montagne, elle se contentait de peindre les scènes qui l’environnaient.

820. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

L’idée même de patrie peut se lire, plus ou moins vive et volontaire, en la physionomie du langage : c’est là que toute maladresse ethnique se trahit, à fleur de peau — marbrures50 ! 

821. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Qu’il me suffise de constater que dans le temps tous les éléments de la résurrection de la Grèce existaient à fleur de terre.

822. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Pourquoi la fleur de la littérature et des arts, lorsqu’elle se trouve desséchée et languissante, ne s’arroserait-elle pas un peu ?

823. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

C’est une chose gaie, en effet, par elle-même, que cette donnée, hardie comme la gaîté, — de la gaîté qui va parfois jusqu’à l’audace, — d’un coquebin à trente-six carats, marié, dans la prime fleur de ses jeunes années, à la jeune fille la plus charmante, dont le cœur bat sous le buse de l’étiquette, qu’elle enverra très bien promener au fond de son alcôve quand il le faudra, et qui, devant ce buse et devant ce cœur, reste les bras croisés, froid comme un saint de pierre qui ne connut jamais la tentation.

824. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Mme Duhamain, bourgeoise en mal d’amour, s’est laissée prendre aux gilets à fleur et au parler sentimental d’un courtier en vins nommé Trudon. […] Vous connaissez l’auberge : un buis sur la porte, quelques tables, des chopines à fleurs et deux barils d’eau-de-vie. […] Bon frère, le Seigneur t’a appelé à la fleur de ton âge. […] Vous trouvez une fleur de grâce jusqu’en leurs pires débauches, et ils s’appellent Quatrelles ou Mouton-Mérinos95. […] La plaisanterie y naît d’elle-même, sans qu’on la pousse, et comme une jolie fleur au milieu d’un parterre naturel.

825. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Tâche d’oublier, si tu veux être calme ; habitue-toi aux résignations des séparations éternelles, à ces mots amers ; « Adieu pour toujours. » Ne retourne pas en arrière ; ne te ressouviens pas ; ne t’élance pas là-bas où il fait clair et serein, où rit la jeunesse, où l’espérance se couronne des fleurs du printemps, où la joie agite ses ailes de colombe, où l’amour, comme la rosée à l’aurore, brille tout humide des larmes de la volupté. […] Sur la mousse desséchée, sur les bruyères en fleurs, sur la fine poussière de la route, sur les sveltes tiges et les feuilles luisantes des jeunes bouleaux, tombait la douce et caressante lumière du soleil abaissé à l’horizon. […] Ses yeux bleus, à fleur de tête et un peu fixes, exprimaient seuls quelque chose qui n’était ni le souci, ni la fatigue, et sa voix avait un son trop égal. […] C’était un homme fin, habile, insinuant ; elle le qualifiait de fine fleur de l’émigration, et finit, presque septuagénaire, par épouser cette fine fleur. […] Tout est maintenant en bon ordre ici, et le jardin est en fleur.

826. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

J’étudie l’effort laborieusement petit vers les colorations rembranesques, les égratignures à fleur de cuivre, les promenades d’épingles, dont l’imperceptible entame sillonne la planche de tailles faisant l’illusion de cheveux tombés dessus — et la timide, la timide morsure. […] le bel adieu au mort qu’a inventé la religion catholique, et la merveilleuse combinaison de musiques douloureuses, de paroles graves, de lentes promenades de vieillards, d’évocations de paix éternelle, et de tentures noires, et de lumières brûlant dans le jour, et de parfums d’encens et de senteurs de fleurs. […] Elles m’apparaissent aussi ces fleurs, en le coloris de leurs nuances délavées autour de l’aigrette noire de leur calice, comme ayant la tendresse surnaturelle de couleurs, entrevues dans un rêve. […] Et le voilà pendant quatre mois, dans sa robe à fleurs, à fumer des pipes, des pipes, des pipes, allant jusqu’à cent quatre-vingts par jour, et ne mangeant plus, ou mangeant un œuf à la coque toutes les vingt-quatre heures. […] Et Drumont dit cela, en se donnant des coups de doigts révoltés, dans sa noire crinière, où une mèche se déroule, tortillée sur son front à la façon d’une mèche de Gorgone, tandis que ses yeux de scribe moyenageux, encastrés dans leurs minces lunettes, sont abaissés sur les fleurs de son assiette.

827. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Au fait, voici une petite pièce d’Anacréon, qui sent bien fort son Bertin ou son Parny (ode XXX) : « Les Muses, ayant enchaîné l’Amour avec des fleurs, le livrèrent à la Beauté. […] Le peuple est venu au-devant de lui et lui a jeté des fleurs et des palmes ; son roi l’a complimenté et embrassé publiquement. […] Le parc Monceau a des allées tournantes sous d’épais feuillages, des pelouses d’un vert profond qui ondulent comme des flots, avec des îlots de fleurs, éclatants comme des tissus de l’Inde. […] On les a accablées sous Béranger, Désaugiers et Nadaud ; on a célébré sur tous les tons la gloire de la chanson classique, fleur de grâce, fleur de décence, fleur d’esprit français. […] Car, ne l’oubliez pas, on écrit encore beaucoup de romances aujourd’hui, — et toujours les mêmes romances, avec des fleurs, des oiseaux, tantôt avec des mélancolies de poitrinaires, tantôt avec la philosophie de Lisette et de Musette.

828. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Mais, sans aller jusqu’aux racines, observons les fleurs et les fruits : — la littérature et les arts. […] Il semble que les idées aient, comme les fleurs, leurs mariages lointains à travers les airs. […] — Par-dessus tout, la grâce heureuse, « la grâce, fleur de la vie !  […] Peinture séduisante, mais molle et lâchée, qui paraît faite uniquement pour charmer les sens, comme les parfums et les fleurs. […] Lawrence, enfant gâté de la Fortune, éclaire des reflets de son bonheur le visage de ses modèles et y répand la fine fleur de la beauté.

829. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Devant cette pâle et ardente jeune fille, je songeais à quelque extraordinaire fleur de serre, belle et parfumée jusqu’au prodige, et, tout au fond de moi, une voix secrète murmurait : « C’est trop !  […] Dans le troisième tableau, moi et Paul : j’étais la Déesse des fleurs et Paul le Dieu des fruits. […] Je suis sortie avec maman et puis je me suis mise à parcourir les salons pour voir s’il y avait des fleurs et si tout y avait l’air qui me convient. […] Vous avez aussi écrit le mot aboutir, un mot suspect, ayant été prononcé par le grand enjôleur qui se cache encore sous les fleurs républicaines. […] L’air est embaumé, et la fille qui rêve aux pieds du pommier en fleurs « alanguie et grisée », comme dit André Theuriet.

830. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

.), les jeunes doctrinaires, fleur des salons sérieux (M. de Rémusat en tête), et les deux méridionaux directement voués à la révolution, MM. […] Rien n’était plus juste : des victimes aussi illustres, quoiqu’elles eussent compromis leur pays, méritaient des hommages ; mais il suffisait de jeter des fleurs sur leur tombe, il n’y fallait pas de sang. […] On pesait leurs mérites divers ; mais aucun œil encore, si perçant qu’il pût être, ne voyait dans cette génération de héros les malheureux et les coupables ; aucun œil ne voyait celui qui allait expirer à la fleur de l’âge, atteint d’un mal inconnu, celui qui mourrait sous le poignard musulman ou sous le feu ennemi, celui qui opprimerait la liberté, celui qui trahirait sa patrie ; tous paraissaient grands, purs, heureux, pleins d’avenir ! […] C’est un terrain où l’on n’a qu’à toucher comme à fleur de terre pour que les sources jaillissent à chaque pas, se diversifiant en mille sens avec abondance et limpidité.

831. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Un peu de fleur est tombé sans doute, mais le parfum y gagne, plus profond.« Nous étions certainement nés l’un pour l’autre, dit-elle ; non pas peut-être pour vivre ensemble, c’est ce que je ne puis savoir, mais pour nous aimer… Adieu, chère Eugénie, je ne te le céderais plus. » Une maladie de son ami Godefroy force Meyer de partir pour Strasbourg inopinément : il n’a que le temps d’écrire son départ à Mlle de La Prise, avec l’aveu de son amour ; car jusque-là il n’y a pas eu d’aveu en paroles, et cette lettre est la première qu’il ose adresser. Il la confie au loyal Max, qui court dans une soirée où doit être Mlle de La Prise ; Max la lui remet sans affectation et à haute voix, comme d’un ami : elle prend une carte, et, tout en y dessinant quelque fleur, elle a répondu au crayon deux mots discrets, mais certains, qui laissent à l’heureux Meyer et à son avenir toute espérance. […] Mais n’oubliez pas, pour vous la figurer aussi jolie qu’elle l’est, une certaine transparence dans le teint ; je ne sais quoi de satiné, de brillant, que lui donne souvent une légère transpiration ; c’est le contraire du mat, du terne ; c’est le satiné de la fleur rouge des pois odoriférants. » On commence de tous côtés à faire la cour à Cécile ; elle n’a qu’à choisir entre les amants : un cousin ministre, un Bernois de mérite… ; mais, décidément, le préféré de la jeune fille est un petit milord en passage, qui lui fait la cour assez tendrement, mais ne se déclare pas. […] Ce dont je me trouve le mieux, c’est de regarder, dans cette saison brillante, les feuilles paraître et se déployer, les fleurs s’épanouir, une foule d’insectes voler, marcher, courir en tous sens.

832. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Vous connaissez de nom et de génie Mozart, l’ange de la musique moderne, le Raphaël de la mélodie, l’enfant surnaturel, le jeune homme fauché dans sa fleur, mais après avoir exhalé dans cette fleur plus de chant céleste de son âme musicale qu’aucun chérubin mortel n’en répandit jamais au pied du trône de Dieu. […] La charmante Thaïs s’asseyait à ses côtés, belle comme une fiancée d’Orient, dans toute l’orgueilleuse fleur de la jeunesse et de la beauté. […] Wolfgang a encore reçu d’une autre dame un petit bureau de voyage en argent, et Nanerl une petite tabatière d’écaille incrustée d’or, d’une extrême délicatesse, puis une bague avec un camée et une foule de bagatelles que je compte pour rien, comme des nœuds d’épée, des manchettes, des fleurs pour des bonnets, des mouchoirs.

833. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Comme exemple, voici le chant d’amour de Siegmund : Vents et bises fuient    dompta l’univers le mois des fleurs,    vents et frimas craignnt le clair printemps    sa rude vigueur ; scintille radieux ;       ses coups valeureux sans peine sa molle brise,      ont brisé la porte sévère. […] De doux refrains,    le souffle des brises l’air s’épanche      se rit des entraves, en blondes senteurs ;     l’exil en vain de son sang ardent éclosent  les a séparés ; des fleurs enivrantes,    ils se saluent les bourgeons      joyeux et ravis : éclatent vaincus. […] Encore ces fleurs, un peu maladives, du génie grec, les tragédies d’Euripide : « Vos dieux sont en vos âmes : ils sont les cruelles passions, détruisant l’équilibre salutaire des besoins : voyez les effets de ces maux ; tenez Hermione et Phèdre pour les images de vos passions. »   Mais à cette race exemplaire de dialecticiens ni le récit ni le drame ne pouvaient suffire longtemps : ils exigeaient une vie toute de notions pures, bellement enchaînées : ils exigeaient la forme du roman dialectique. […] Tillaux, figurant des fleurs.

834. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Enchaîne ce malfaiteur aux roches escarpées… Châtie-le d’avoir outragé les dieux… Qu’il apprenne à respecter la tyrannie (Τυραννίδα) de Zeus, et à ne plus tant aimer les hommes. » — L’atroce vice-dieu cherche même à exciter bassement Héphestos contre le captif : — « Ne t’a-t-il pas volé ta fleur ? […] En dehors de la mer pleine de Tritons et de Néréides, les mille branches éparses de l’eau nourricière se couronnaient, comme d’autant de fleurs, d’une myriade de divinités. […] Alors ceux qu’il a tirés d’embarras le remercient en couronnant de fleurs ses bustes agrestes, et en suspendant de petits pieds ailés à leurs gaines. — Les marchés se tiennent sous sa protection ; il avait inventé pour eux les mesures, les poids, les balances, tous les instruments ingénieux qui divisent et remuent les choses. […] Charidotès (Celui qui donne la grâce), il verse sur le corps de ses élèves la fleur de la beauté juvénile : Agonios, il les dresse aux essorts ardents de la course, aux jets vigoureux du disque, aux adresses et aux résistances de la lutte.

835. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

La barque du prince était suivie de batelets, où était la fleur des femmes de la haute société orléaniste. […] Jeudi 17 avril Sans un constant feuilletage des impressions japonaises, on ne peut vraiment se faire à l’idée, que dans ce pays d’art naturiste, le portrait n’existe pas, et que jamais la ressemblance de la figure n’est reproduite dans sa vérité, et qu’à moins d’être comique ou théâtralement dramatique, la représentation d’un visage d’homme ou de femme est toujours hiératisée, et faite de ces deux petites fentes pour les yeux, de ce trait aquilin pour le nez, de ces deux espèces de pétales de fleurs pour la bouche. […] Callias, il nous le montre sale, dégoûtant, comme si on l’avait ramassé dans le ruisseau, ivre à tomber, et cependant se tenant par la force de la volonté, en équilibre sur le bord du trottoir, sans jamais dévaler sur la chaussée, et toujours occupé à attacher à sa boutonnière une fleur fanée, un brin de verdure, un légume ramassé dans les ordures. […] Il parle de siestes au grand soleil sur les écueils, où tout le monde se séchait à plat, comme des cloportes sous un pot de fleur.

836. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Sous la glace attachée aux guirlandes du bois doré, et dans cette poussière éteinte, on devine facilement la rose et la beauté qui se souriaient l’une à l’autre, et peu s’en faut que l’on n’entende encore les paroles, et le charmant duo de la fleur et du sourire ! […] Notre lecteur se contentera de beaucoup moins, je l’espère, et s’il veut mademoiselle Mars tout entière, eh bien, qu’il la cherche çà et là, répandue à chacune de ces pages, et des pages qui viendront, plus tard, comme on ramasse, dans un jardin cultivé sans ordre, les diverses fleurs dont se compose un bouquet ! […] c’est la règle qui devrait gouverner tous ceux qui veulent atteindre au véritable langage attique42: « On ne manquera pas, disait le Feuilleton, de remarquer dans les biographies qui viendront, plus tard, de cette artiste inimitable, qu’elle est morte un jour du mois printanier dont elle portait le nom, et que le marronnier du 20 mars, en signe de deuil, ne s’est pas couvert, ce jour-là, de ces fleurs accoutumées que le peuple de France acceptait comme un souvenir de la glorieuse et éphémère rentrée de son Empereur. […] a-t-elle été couverte de fleurs !

837. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Bernis y avait mis, plus encore que d’habitude, une profusion de fleurs, de bouquets, de guirlandes ; et là-dessus Voltaire l’appelait, en s’adressant à lui-même, la belle Babet, ou, en parlant à d’autres, la grosse Babet : c’était alors une bouquetière en vogue, une marchande de quatre saisons. […] On dit que ce cardinal était l’homme du monde le plus aimable, qu’il aima la littérature toute sa vie, qu’elle augmenta ses plaisirs ainsi que sa considération, et qu’elle adoucit ses chagrins, s’il en eut… Puis, d’autres fois, il revient sur les souvenirs de Babet « qui remplissait son beau panier de cette profusion de fleurs » ; il joue, il badine, il retourne la critique en éloge.

838. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

M. de Choiseul se trompe ; le grand habit arrive avec les dépêches fin de mars : « Il est fond blanc et les fleurs bleues ; on me le demandait fond bleu avec les fleurs blanches, mais on l’aimera autant tel qu’il est. » Et plus loin : « On a trouvé le grand habit fort joli. » L’abbé-ministre n’était pas entièrement brouillé, on l’entrevoit, avec les chiffonneries galantes.

839. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

La première ode de Malherbe qui le mit en vue fut celle qu’il présenta, étant à Aix en 1600, à Marie de Médicis, la jeune reine qui venait prendre possession du trône : Peuples, qu’on mette sur la tête Tout ce que la terre a de fleurs… André Chénier, commentateur excellent, a remarqué les beautés rares, et à cette date toutes neuves, de cette ode qui aujourd’hui frappe bien plutôt le lecteur par ses côtés exagérés et faux. […] …………………………………………………… L’âme pleine d’amour et de mélancolie, Et couché sur des fleurs et sous des orangers, J’ai montré ma blessure aux deux mers d’Italie, Et fait dire ton nom aux échos étrangers.

840. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Daru au milieu de cette école poétique régnante de la fin du xviiie  siècle à laquelle il est mêlé, et dont il ne se séparera jamais d’une manière tranchée, c’est l’étude, l’amour de l’investigation et des recherches, le besoin en tout de ne pas s’en tenir à l’aperçu, à la fleur et à la cime des choses, mais de les prendre, en quelque sorte, par la base, de s’en informer avec suite, avec étendue, par couches successives, et d’en dresser, soit dans des préfaces, soit dans des rapports académiques, soit dans des comptes rendus destinés à lui seul, un exposé judicieux, fidèle, qui donne un fond aux discussions et qui souvent les abrège. […] De même dans cette épître (« Hoc erat in votis… ») qu’il rend d’ailleurs avec sentiment, dans le morceau célèbre sur le bonheur des champs, il ose bien nommer la fève que le poète devenu campagnard sert sur sa table, mais il recule devant ces petits légumes assaisonnés de fin lard, et dont Horace nous laisse arriver le fumet : Uncta satis pingui ponentur oluscula lardo ; et il dit en échange : Quand verrai-je ma table offrir du lait, des fleurs !

841. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

… Ce chant, pour justifier son titre, traite des fleurs, des travaux du jardinage : « Qui aime un jardin aime aussi une serre. » Il y a des préceptes tout particuliers sur l’art d’élever les courges ; le poète y parle d’après sa propre expérience, et comme quelqu’un qui a mis la main à la bêche et à la terre. […] Le style ensorcelle quelques autres, et, à travers les labyrinthes et les déserts de l’erreur, les mène s’extasiant pour une harmonie ; tandis que la paresse séduit la plupart, trop faibles pour soutenir l’insupportable fatigue de la pensée, et prêts à engloutir, sans réflexion et sans choix, le bon et le mauvais grain, le son et la fleur du froment.

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