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1293. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Un jour, Ilionée, Si le Ciel en son cours ne rompt ta destinée, Tu connaîtras combien les moments sont cruels Qui ravissent un fils loin des bras paternels. […] Quoi, de ma jeune destinée Le cours n’en est point inconnu !

1294. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mon imagination me la représente au milieu de nous, travaillant à quelque ouvrage destiné à l’une de ses filles, égayant nos soirées par sa conversation si piquante et si variée, tantôt racontant, avec une originalité qui lui était particulière, mille histoires plaisantes, ou qui nous le paraissaient, parce qu’elle leur prêtait un charme qu’elle seule savait donner, tantôt animant la société par une discussion sérieuse qu’elle savait de même, et selon la convenance, ou prolonger avec intérêt, ou terminer avec saillie. […] Une légère marque de bonté, une preuve de leur souvenir décide souvent de notre destinée ; le dévouement de notre vie entière est presque toujours la réponse que nous croyons devoir à la plus simple apparence de leur intérêt. » Je m’étonnerais bien s’il n’entrait pas quelque souvenir assez présent, et même d’en deçà des Pyrénées, dans le récit de cette course de campagne qu’imagine la reine, pour reposer le roi malade et le distraire des affaires et de l’étiquette : « En effet, dès notre arrivée à Aranjuez, le roi nous annonça que, se fiant à notre respect, le cérémonial serait suspendu, et que chacun aurait la liberté d’agir à peu près à sa propre fantaisie.

1295. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Une certaine conception dominatrice y a régné ; les hommes, pendant deux cents ans, cinq cents ans, se sont représenté un certain modèle idéal de l’homme, au moyen âge, le chevalier et le moine, dans notre âge classique, l’homme de cour et le beau parleur ; cette idée créatrice et universelle s’est manifestée dans tout le champ de l’action et de la pensée, et, après avoir couvert le monde de ses œuvres involontairement systématiques, elle s’est alanguie, puis elle est morte, et voici qu’une nouvelle idée se lève, destinée à une domination égale et à des créations aussi multipliées. […] Nous pouvons affirmer avec certitude que les créations inconnues vers lesquelles le courant des siècles nous entraîne, seront suscitées et réglées tout entières par les trois forces primordiales ; que si ces forces pouvaient être mesurées et chiffrées, on en déduirait comme d’une formule les propriétés de la civilisation future, et que si, malgré la grossièreté visible de nos notations et l’inexactitude foncière de nos mesures, nous voulons aujourd’hui nous former quelque idée de nos destinées générales, c’est sur l’examen de ces forces qu’il faut fonder nos prévisions.

1296. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

mon ami, que l’homme est peu libre dans le choix de sa destinée ! […] En vérité, j’en viens à regretter la misérable part de liberté que Dieu nous a donnée, nous en avons assez pour lutter, pas assez pour dominer la destinée, tout juste ce qu’il faut pour souffrir.

1297. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

. — « Et moi aussi j’obtins la destinée que je désirais, et je conduisis de grandes armées dans beaucoup de guerres. […] Aux premières plaintes d’Atossa, il lui a rappelé que « la destinée des hommes est de souffrir, et que des maux innombrables sortent pour eux de la terre et de la mer, quand ils ont longtemps vécu ».

1298. (1772) Éloge de Racine pp. -

Éloge de Racine Quand Sophocle produisait sur la scène ces chefs-d’oeuvre qui ont survécu aux empires et résisté aux siècles, la Grèce entière assemblée dans Athènes applaudissait à sa gloire ; la voix d’un héraut le proclamait vainqueur dans un immense amphithéâtre qui retentissait d’acclamations ; sa tête était couronnée de lauriers à la vue de cette innombrable multitude ; son nom et son triomphe, déposés dans les annales, se perpétuaient avec les destinées de l’état, et les Phidias et les Praxitèles reproduisaient ses traits sur l’airain et le marbre, de la même main dont ils élevaient les statues des dieux. […] Accepte ses présens et ton fardeau, et garde que la postérité ne te reproche d’être resté au dessous de tes destinées.

1299. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits et l’Horoscope sont des fables très intéressantes en ce qu’elles indiquent précisément par leur répétition  et La Fontaine est revenu sur ces mêmes sentiments en d’autres pages de ses œuvres  en ce qu’elles indiquent la petite colère de La Fontaine contre les devineurs, les devineresses, les faiseurs d’horoscope, les astrologues, les gens qui lisent notre destinée ou qui prétendent la lire dans les cieux. […] Remarquez, de plus, que l’ordre des corps célestes est immuable et que les destinées humaines sont changeantes et pleines de péripéties.

1300. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Sainte-Beuve la lettre suivante que nous trouvons publiée dans le numéro du Figaro d’hier, et que pour cette raison nous croyons pouvoir reproduire, quoiqu’elle n’ait été nullement destinée à la publicité : « Paris, 20 janvier 1837.

1301. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Il est clair qu’on ne laisse aucun des personnages ayant pied sur un sol stable ; on n’a, en fermant le livre, la clef finale de la destinée d’aucun.

1302. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

On a beaucoup parlé d’art dans ces derniers temps, et il faut convenir, en effet, que jamais peut-être l’art n’a été mieux compris, mieux étudié dans ses variétés brillantes, dans ses branches parallèles et ses transformations successives à travers l’histoire ; et pourtant l’époque elle-même, malgré l’éclat de ses débuts, ne paraît pas destinée à prendre rang dans ces grands moments et siècles, comme on les appelle, qui comptent entre tous, qu’on vénère de loin, et qui se résument d’un nom.

1303. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Aussi, le soir, quand il prit congé de ses hôtes, il leur laissa l’idée qu’il était né pour être heureux, et qu’il mourrait ignoré et content au bord du lac, seul témoin destiné à recevoir l’entière confidence de ses pensées. » Rousseau ne donne plus de ses nouvelles, et ses amis croient qu’il les a oubliés.

1304. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Trois sortes de journaux, qui ne paraissaient pas destinés par leur nature à se faire écho l’un à l’autre, se signalent par plus d’acharnement contre ce qui porte mon nom : Un journal d’exagération religieuse, qui donnerait la tentation d’être impie si l’on ne respectait pas la piété jusque dans les aberrations du zèle ; Les revues et les journaux des partis de 1830, qui ne pardonnent pas leurs revers à ceux qui ont préservé la France et eux-mêmes des contrecoups de leur catastrophe ; Enfin un journal de sarcasme spirituel, à qui tout est bon de ce qui fait rire, même ce qui ferait pleurer les anges dans le ciel : la dérision pour ce qui est à terre.

1305. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Fils de soldat, d’abord destiné à Saint-Cyr, Larroumet faisait ses études au Lycée de Cahors avec cette passivité résignée que notre enseignement secondaire classique a longtemps entretenue même chez les bons élèves, lorsqu’un jeune normalien, M. 

1306. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

La fable et la fantaisie ; toute l’irréalité magnifique, la Muse et la Bacchante, les mains unies ; une fête prolongée, travestie et nuptiale, sans l’amertume des lendemains, ni la lie des regrets, ni la cruauté des revers, — ainsi la vie ; l’Olympe et la Comédie italienne fraternisant parmi des plasticités somptueuses et les Dieux souriants, doux au bonheur des hommes, — ainsi la destinée… Ainsi se manifestait à ses yeux la splendeur des formes, une enfance du monde….

1307. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Pour consoler d’Adam la race séculaire ; Vigneron du coteau que mûrit la colère Des soleils ténébreux sur la terre penchés, Chars des Icares morts sur les chemins cherchés, Martyrs dont le mépris des sots fut le salaire ; Chercheur du feu sacré des éternels enfers, Qui plongeas dans l’horreur des abîmes ouverts Sous les pas chancelants des mornes destinées ; Je t’aime, ô contempteur des communs paradis.

1308. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

La volonté, d’après le Dr Toulouse, est essentiellement un frein destiné à rendre finalement automatiques nos réactions utiles.

1309. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Ce ne sont plus maintenant des documents toujours destinés au public qu’il s’agit d’interpréter : ce sont des paroles échappées dans la causerie, des lettres intimes où la pensée se montre sous forme familière et parfois dans toute sa nudité ; ce sont des actes où se trahit la vraie nature de celui qui les commet.

1310. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Paris avait vu des milliers d’êtres humains emportés par une maladie inconnue et foudroyante ; des rues entières dépeuplées, au point que les fabricants de cercueils ne suffisaient plus à la consommation ; des cadavres empilés nus, pêle-mêle, à ciel ouvert, dans des charrettes quelconques ; des terreurs paniques, où la foule avait mis en pièces des hommes accusés d’empoisonner le vin et les fontaines ; le plaisir côtoyant la mort ; des mascarades plus folles que jamais ; et dans les théâtres mêmes des sachets de camphre, des seaux d’eau chlorurée destinés à conjurer le péril toujours invisible et présent.

1311. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Q uand nous avons donné la premiere édition de cet Ouvrage, il étoit aisé de prévoir en partie sa destinée.

1312. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Pourtant ses ruines occupent les imaginations élevées, sa destinée occupe les intelligences sérieuses ; et cet admirable fleuve laisse entrevoir à l’œil du poëte comme à l’œil du publiciste, sous la transparence de ses flots, le passé et l’avenir de l’Europe.

1313. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

En même temps, elle emprunte à la Constitution de l’an VIII l’idée d’un corps conservateur, qui ne serait pas une chambre haute, mais une sorte de cour de cassation politique : idée dont l’invention première appartient, comme on sait, à Sieyès, et qui était destinée à de curieux retours de fortune.

1314. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Ô vanité, se vouloir poète, et se proclamer tel, se croire supérieur à tous ces pauvres mortels à qui la destinée n’a pas donné la vocation de Benserade ou de Chaplain !

1315. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Il ne faut pas oublier le chien qui court annoncer à de vieux parents le retour d’un fils chéri ; et cet autre chien qui, resté fidèle parmi des serviteurs ingrats, accomplit ses destinées, dès qu’il a reconnu son maître sous les lambeaux de l’infortune.

1316. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Premièrement où est le sens commun d’avoir accolé ces deux oiseaux-là, l’un destiné pour la cuisine du maître, l’autre pour la porte de son garde-chasse ?

1317. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

J’ai au contraire sur ces deux points des opinions très peu d’accord avec le rôle que vous me destinez.

1318. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

La pire destinée d’une œuvre est de tomber dans l’oubli.

1319. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Il est possible que nous soyons destinés à présenter un spectacle tout nouveau, celui de deux siècles littéraires sur le même sol et dans la même langue.

1320. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Il ne peut y avoir parmi eux de ces esprits investigateurs qui marchent à la tête des destinées humaines.

1321. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Quoique nous pensions qu’en fait de femmes, le Christianisme ait mieux compris que qui que ce soit leur destinée, en les internant dans le sentiment ou en les déportant dans les vertus, nous voulons pour elles être moins cruel que saint Paul qui disait : Contineant in silentio.

1322. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Le livre que voici donne une opinion de plus sur Byron, mais ne change pas, par un fait nouveau, mais ne modifie pas d’un iota, d’un atome, d’un atome d’atome, l’opinion faite de longue main sur Byron, Historiquement, biographiquement, littérairement, tout ce qui est dit ici a été dit ailleurs sur le grand poëte anglais, dont la vie ressemble à ces fragments sublimes interrompus du Giaour, plaques de lumière et d’ombre ; et sa destinée est peut-être de rester mystérieuse, comme celle de ces Sphinx de l’Action, — Lara et le Corsaire, — ces Mystères vivants qu’il a chantés !

1323. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Publié en 1854, L’Empire Chinois 17 en est déjà à sa seconde édition, et nous croirions venir bien tard pour en parler, si, comme tant d’autres ouvrages, il ne devait avoir qu’une destinée de passage.

1324. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Le génie a sa destinée !

1325. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

… Joachim Pecci fut destiné à être prêtre de si bonne heure qu’on peut presque dire qu’il est né prêtre.

1326. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Une femme jeune, noble et belle, se dévoua à sa destinée et l’épousa, quoiqu’il fût étranger et pauvre et qu’il eût sur le front des cheveux blancs.

1327. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Au bonheur d’une félicité non interrompue il fallait ajouter l’honneur d’avoir souffert quelques jours, et on a inventé cette gloire du malheur pour que le bonheur de Goethe fût plus grand, son illustration plus complète, et que tous les genres d’intérêt, cet enfant gâté de la destinée les inspirât… Après cela, dira-t-on que la Fortune n’est pas une chienne fidèle, — et qu’elle n’a pas payé dans les mains de Goethe tout ce qu’elle doit depuis des siècles aux hommes de génie malheureux ?

1328. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Soyons tranquilles, du reste, les larmes de Banville n’auront pas cette destinée !

1329. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

Cette pauvre et brillante et brûlante Réa Delcroix n’a pas échappé à la destinée de tout ce qui aime.

1330. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Il prouve qu’on peut étreindre un type dans sa pensée, le porter des années peut-être dans cette cohabitation intellectuelle qui embrase la plupart des esprits, puis le laisser choir de son cerveau, organisé, vivant, sans avoir été ému une seule fois de la nature qu’on lui a donnée ou de la destinée qu’on lui a faite.

1331. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Il n’est pas dans la destinée que l’homme échappe à la mort, quand même pour aïeux il a des immortels.

1332. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

On a voulu rendre sensible cette antique vérité, ce mélancolique axiome de sagesse courante : « Quoi qu’on fasse, on n’échappe pas à sa destinée. » Et alors on s’est demandé quelle devait être, a priori, la destinée la plus effroyable, ce qu’un honnête homme voudrait le moins avoir fait ; et on a trouvé ceci : tuer son père et être le mari de sa mère. […] Et, certes, ces deux destinées, prises chacune à part, seraient déjà assez étranges. […] Là-dessus quelqu’un me dit : « Singulière destinée de la critique ! […] que la destinée est donc juste ! […] Car sa présence même dans ce lieu de divertissement indique qu’elle a voulu, pour un soir, oublier sa misère et l’injustice de sa destinée.

1333. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Ses personnages ont des changements de destinée imprévus, des fortunes subites. […] Cela arrive quand on ne se trompe pas sur le fond des choses, quand on peint, en son temps, non les choses très frappantes et très étalées, mais qui sont destinées à passer ; mais bien les choses profondes, à demi cachées, qui sont destinées à se développer, à grandir et à devenir formidables. […] Poirier ; et c’est une œuvre vraie et agréable, mais destinée à vieillir et à paraître un peu surannée quand la noblesse aura presque disparu et sera devenue chose presque imperceptible dans la vie sociale. […] Quand nous avons des idées générales, ou croyons en avoir, ou prétendons en avoir, c’est elles qui dirigent notre observation, et nos observations ne sont que destinées à les appuyer. […] De plus, elle a des sentiments religieux très forts ; elle est même l’instrument de sa famille dévote, dans le dessein de soustraire au docteur ces fameuses rognures de journaux qui sont destinées à révolutionner le monde.

1334. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Un peu allégée peut-être et simplifiée, elle sera un jour donnée sur le théâtre qui accueille tantôt avec empressement, tantôt avec une sage lenteur, les poèmes destinés à être classiques. […] Autres personnages secondaires, tous bien modelés et très vrais, sauf un uhlan idiot, grosse caricature destinée à faire rire les septièmes galeries et parfaitement indigne de cette pièce distinguée et grave. […] Il n’en est pas moins que ce sont là de très bonnes mœurs littéraires et aussi une tactique qui est singulièrement favorable aux destinées d’un ouvrage nouveau. […] Son fils, le prince Jean, a été élevé à Paris et y reste encore, très lettré, très artiste, très distingué, à attendre sa destinée. […] La pièce en soi est ceci : Mme la duchesse de Chailles a été forcée de mettre quelque temps dans une maison de santé son mari, névrosé, morphinomane, « fin de race », à peu près idiot et destiné à une mort prochaine.

1335. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

« Heureux encore une fois Crassus, qui n’a point vu son proche parent Publius, citoyen du plus grand courage, mourir de sa propre main ; la statue de Vesta teinte du sang de son collègue, le grand pontife Scévola, ni l’affreuse destinée de ces deux jeunes gens qui s’étaient attachés à lui : Cotta, qu’il avait laissé florissant, peu de jours après, déchu de ses prétentions au tribunat par la cabale de ses ennemis, et bientôt obligé de se bannir de Rome ; Sulpicius, en butte au même parti, Sulpicius, qui croissait pour la gloire de l’éloquence romaine, attaquant témérairement ceux avec qui on l’avait vu le plus lié, périr d’une mort sanglante, victime de son imprudence et perdu pour la république ! […] On vise toujours plus haut que nature ; c’est la preuve de notre future destinée : Vous serez des dieux ! […] Mes écrits ont remplacé mes harangues au sénat et au peuple, et j’ai substitué les méditations de la philosophie aux délibérations de la politique sur les destinées de la patrie. » On voit par les lignes suivantes combien la philosophie, la religion raisonnée et le patriotisme en vue des devoirs imposés à l’homme par la Divinité, étaient pour Cicéron une même et sainte chose.

1336. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

L’orgueil y avait trop de part pour qu’ils fussent ratifiés par ce que les anciens nommaient la destinée, et par cette puissance incorruptible que nous nommons Providence. […] Je compris que la France perdait étourdiment la seule et peut-être la dernière occasion de réconcilier le passé monarchique et l’avenir libéral dans une maison royale dont un membre pouvait errer, mais dont la dynastie, innocente d’une erreur sénile, et respectée dans un enfant légitime de la France, pouvait imprimer à la fois à nos destinées nationales et politiques la solidité des traditions et la vigueur des nouveautés. […] Quand on se destine à ce rôle de réserve, de ressource suprême, de salut pour tous les partis au jour des écroulements, qu’a-t-on à faire ?

1337. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Ils savent ce qu’ils veulent, et je ne le sais pas ; et, si j’ai des troubles qu’ils ne connaissent pas, qui m’assure que je ne suis pas traître à mon âme et à ma destinée, autant et plus qu’ils ne le sont eux-mêmes au but final de la vie ? […] Mais s’il y a une destinée humaine par-delà la mort, quelle qu’elle doive être pour moi, je serais fou de redouter un sort qui me sera forcément commun avec des milliards d’individus de mon espèce. » Cela ne l’eût point rassuré. […] Il est vrai qu’il s’était retranché, une fois pour toutes, les libres spéculations sur l’origine du monde, sur le libre arbitre, sur la matière et l’esprit, sur la destinée des hommes ou même simplement sur l’histoire ; et j’ai confessé, tout à l’heure, qu’il n’avait pas le cerveau proprement philosophique.

1338. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

C’est enfin la préoccupation de ne point laisser décroître, par notre faute, la somme de vertus indispensable à la vie de l’humanité, et de sauver de ce trésor fragile et nécessaire tout ce qui peut encore en être sauvé ; c’est le désir de rechercher s’il ne subsiste pas, chez ces êtres accablés, humiliés et ulcérés par leur triste destinée, quelques germes de noblesse et de dignité morale, de préserver ces germes et de les faire fructifier ; bref, d’« élever » les malheureux par la manière dont on leur tend la main. […] Si pourtant je crois entrevoir qu’aucune d’elles n’est destinée à « marquer une date » (et je vous ai déjà dit qu’il y avait eu des chefs-d’œuvre dans ce cas), suis-je du moins capable de fixer la valeur intrinsèque des Transatlantiques, de Catherine, du Nouveau Jeu, de l’Affranchie et de Paméla, et d’en faire une critique qui soit véritablement « impersonnelle » et « objective » ? […] Sans compter bien des petites douceurs pour papa et maman… Oui, oui, je suis plutôt contente. » Mais il est sans doute dans la destinée et dans le caractère de Lia d’être dupe.

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