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933. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Je me suis demandé quelquefois combien il fallait de défauts joints à un talent pour former un grand orateur : il semble que M.  […] Renan est un peu plus grande que lui, et dans ce cadre limité, sur cet échiquier que je possède à fond, j’aperçois quelques-uns des défauts de la méthode employée et de cette interprétation trop idéale des faits.

934. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Il faut que les choses en effet aient bien marché, que les générations se soient bien renouvelées, et que quelques-uns des nouveaux et spirituels rédacteurs des Débats soient bien jeunes (heureux défaut !) […] L’optimisme fut sans doute le défaut de la philosophie politique du xviiie  siècle, à la prendre dans sa source, à son origine, chez les Fénelon, les Vauban même, les abbé de Saint-Pierre, et presque dans tout son cours ; il y eut une recrudescence d’optimisme sous Louis XVI à partir de Turgot, de Malesherbes, jusqu’à M. 

935. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Il me semble, dès à présent, que quelque chose ici fera défaut, ne fut-ce que la langue ; il serait fort singulier, on en conviendra, qu’un chef-d’œuvre commençât de la sorte. […] Je ne tiens pas à prendre en défaut mes savants confrères qui ont tant à me renseigner sur ces sujets un peu ingrats, où notre légèreté se rebute aisément ; mais eux-mêmes, je le leur demande, n’ont-ils pas commencé à me faire querelle tout les premiers, en me reprochant d’anciens jugements un peu trop absolus peut-être, que je crois vrais pourtant dans le fond, et que je suis prêt d’ailleurs à modifier, à amender, autant que mon goût mieux informé pourra y consentir ?

936. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Quand il arrive sur la scène, comme un jeune chien en défaut, courant, hors d’haleine, ayant perdu la piste de la beauté qu’il suivait, qu’il brûlait d’aborder, qu’un maudit fâcheux lui a fait tout d’un coup manquer, quel jeu de passion ! […] Ce ne sont pas des jeux d’esprit que je me permets : chaque écrivain ou poète classique a sa qualité distinctive et singulière, sa vertu à lui, souveraine, et qui est faite pour guérir du défaut littéraire opposé.

937. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Le meilleur est celui qui a le moins de défauts et de vices. […] A d’autres moments, à considérer notre sérieux dans les discussions et les recherches les moins attrayantes et les plus ardues, c’était à croire que notre légèreté française proverbiale était en défaut, et qu’un nouvel élément s’était introduit dans le caractère de la nation.

938. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Probablement, à quelques endroits, les plus connaisseurs dirent : « C’est bien là Lebrun avec ses hardiesses et ses défauts. » L’erreur, même de la part de gens de goût, était excusable : l’ode entière était animée d’un beau feu. […] Une telle poésie existe de droit et se justifie à elle seule. — Poésie modérée, bien que depuis lors nous en connaissions une autre, grande, magnifique, souveraine, et que nous nous inclinions devant, et que nous l’admirions en ses sublimes endroits ; — poésie d’entre-deux, moins vive, moins imaginative, restée plus purement gauloise ou française, plus conforme à ce que nous étions et avant Malherbe et après ; — poésie qui n’es pas pour cela la poésie académique ni le lieu commun, et qui as en toi ton inspiration bien présente ; qui, à défaut d’images continues, possèdes et as pour ressources, à ton usage, le juste et ferme emploi des mots, la vigueur du tour, la fierté du mouvement ou la naïveté du jet ; poésie qui te composes de raison et de sensibilité unies, combinées, exprimées avec émotion, rendues avec harmonie ; puisses-tu, à ton degré et à ton heure, à côté de la poésie éclatante et suprême, te maintenir toujours, ne cesser jamais d’exister parmi nous, et d’être honorée chez ceux qui t’ont cultivée avec amour et candeur !

939. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

L’intolérance, en effet, selon sa remarque, est un défaut français par excellence ; nous sommes prompts, nous sommes vifs et exclusifs ; nous portons notre prévention du moment dans toutes nos idées ; nous passons vite de la parole à l’acte35. Notre avenir politique, comme nation, est sans doute lié et subordonné à l’apprentissage pratique que nous ferons, tous, de la tolérance, cette vertu la plus contraire à notre défaut.

940. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Je signalerai une prière qui est dans le chant du Malin et qui, à défaut d’originalité dans le style, se recommande par une véritable élévation de pensée. […] Les Indiens de ces contrées, les Galibis, se rencontrent naturellement au premier plan du tableau : ils sont présentés sous un jour vrai, sans engouement ni dénigrement, avec leurs qualités comme avec leurs défauts.

941. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

… il y a eu une paille qui a fait défaut, et les mille anneaux du métal ont jonché la terre ; et cela, pour que l’esprit du siècle à la longue eût raison, pour que sa provocation incessante et flatteuse ne restât pas vaine, pour que cette parole de M. […] De là nombre de mécomptes et beaucoup de rendez-vous solennels assignés en vain à la société et au genre humain dans chaque conclusion : la société, qui n’avait pas la même heure à son cadran, a fait défaut et n’est pas venue.

942. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Il avait de tout temps ses défauts, ses inadvertances ; il faisait rimer ciel et soleil, il disait l’une après l’une ; on ne lui demandait qu’à peine de s’en corriger ; la grammaire souffrait plus que l’esprit ; il y avait encore une certaine mesure et comme une harmonie dans ses négligences. […] J’aurais beaucoup à ajouter ; je pourrais poursuivre en détail dans les conceptions, comme dans le style et dans le rhythme, cette influence singulière, inattendue, ce triomphe presque complet des défauts de l’école dite matérielle sur le poëte qui en était le plus éloigné d’instinct et qui y parut longtemps le plus contraire de jugement ; triomphe d’autant plus bizarre qu’elle-même paraissait déjà comme vaincue : mais est-ce bien à moi qu’il conviendrait d’y tant insister ?

943. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Zola, exemple-type d’érudition médico-littéraire, œuvre énorme en raison de l’énormité du procédé, œuvre lourde en raison du défaut d’assimilation de plusieurs de ses matériaux, œuvre imprudente, souvent, en raison des droits arrogés, mais œuvre superbe, de par sa sincérité. […] Et voici le troisième écueil, défaut d’assimilation : Pour dépeindre la marche de la psychose, M. 

944. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Nous touchons ici au grand défaut de la conception de Lesage. […] Ni la personnalité, ni l’identité ne font défaut à Marianne et à Jacob.

945. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

L’éloquence révolutionnaire, défauts que la littérature lui communique dès sa naissance. — 2. .Mirabeau : caractère, idées, éloquence. — 3. […] Les pires défauts de la littérature philosophique ont passé à nos orateurs : les grands mots vagues, les formules abstraites, les déclamations ronflantes, la sentimentalité débordante ; ils nous apparaissent comme de mauvais copistes de Diderot et de Rousseau.

946. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Apprends-moi, si je dois ou me taire, ou parler… Aujourd’hui vieux lion, je suis doux et traitable126… Mes défauts désormais sont mes seuls ennemis. […] Aux Perrins, aux Coras, est ouverte à toute heure : Là du faux bel esprit se tiennent les bureaux, Là tous les vers sont bons pourvu qu’ils soient nouveaux ; Au mauvais goût public, la belle y fait la guerre, Plaint Pradon opprimé des sifflets du parterre ; Rit des vains amateurs du grec et du latin, Dans la balance met Aristote et Cottin ; Puis, d’une main encor plus fine et plus habile, Pèse sans passion Chapelain et Virgile, Remarque en ce dernier beaucoup de pauvretés ; Mais pourtant confessant qu’il a quelques beautés, Ne trouve en Chapelain, quoi qu’ait dit la satire, Autre défaut, sinon qu’on ne le saurait lire, Et pour faire goûter son livre à l’univers, Croit qu’il faudrait en prose y mettre tous les vers.

947. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Cette école qu’il fit en Pologne l’y aida beaucoup et acheva sa maturité : « Au moins, si je n’ai rien profité à mon voyage, écrivait-il, me trouverez-vous revenu avec une bonne opinion de moi, et une fierté qui vous paraîtra extraordinaire pour un homme dont les affaires ne sont pas en meilleur état que les miennes. » Cette fierté est décidément un des traits du caractère de Chaulieu ; lui-même il est convenu de l’avoir poussée un peu loin : Avec quelques vertus, j’eus maint et maint défaut : Glorieux, inquiet, impatient, colère, Entreprenant, hardi, très souvent téméraire, Libre dans mes discours, peut-être un peu trop haut. […] Dans une épître à son ami La Fare, où il se peint au naturel avec ses qualités et ses défauts, Chaulieu se montre positif pourtant par un coin essentiel : Noyé dans les plaisirs, mais capable d’affaires, dit-il.

948. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Voilà le beau côté, le côté apparent et tout gracieux ; mais, à ne voir que celui-là, on prendrait peut-être du moral de la jeune princesse une idée trop flattée, ridée de quelque chose de trop accompli, et on ne sentirait pas assez non plus à quel point devait être grand en elle le charme, puisqu’il avait à triompher de certains défauts et de certaines ombres, dont il sera à propos de parler. […] Chaque partie du visage, à la prendre isolément, pouvait paraître défectueuse ou même laide, et de toutes ces laideurs, de tous ces défauts et de ces irrégularités, ajustées, attachées par la main des Grâces, il résultait je ne sais quelle harmonie de la personne, un ensemble délicieux dont le mouvement et le tourbillon vous ravissaient le regard et l’âme.

949. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Olivier Patru, né en 1604, était un enfant de Paris, un des enfants les mieux doués de cette bourgeoisie la plus aimable de l’univers : avec les qualités il en eut aussi plus d’un défaut, et tout d’abord le trop de mollesse. […] Au défaut du Dictionnaire de l’Académie, Patru aida de tout son pouvoir à la confection de celui de Richelet, ce qui explique en partie les qualités et les mérites de cet ouvrage.

950. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Fouquet, comme Retz, était d’ailleurs un personnage aimable, séduisant, doué de qualités brillantes et de ressources infinies ; d’un génie vaste, en prenant le mot vaste dans le sens de défaut, embrassant trop de choses à la fois, mais d’une âme élevée, d’un cœur libéral et généreux, aisément populaire. […] Son frère, l’abbé Fouquet, qui l’aida à ses débuts, était un homme actif, intrigant, dévoué à Mazarin : les défauts de la famille se démasquaient en ce frère impétueux, et qui se montrait propre à tout : dans les autres membres ils se présentaient sous forme plus spécieuse et plus décente, et les projets, les vues aventureuses affectaient un air de supériorité et de grandeur, qui apparaît d’abord dans le surintendant dont nous parlons, et qu’on revit plus tard dans MM. de Belle-Isle, ses petits-fils.

951. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Le jeune auteur y note assez bien quelques-uns des défauts et des travers de son temps, sans se montrer entraîné en aucun sens, ni engoué ni trop sévère. […] L’artiste (si l’on ose employer ce mot en pareille matière), le metteur en œuvre chez Portalis fait un peu défaut quand il écrit : l’honnête homme n’en était que plus à nu quand il parlait.

952. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Mais c’est quand il donne dans la sensibilité ou dans la solennité, qu’il y a surtout des endroits fréquents où il force les tons et où il nous avertit des défauts d’alors qui étaient aussi les siens. […] Continuant donc de s’adresser humblement au souverain Être, il lui demande, puisqu’il doit avoir des ennemis, de les lui accorder à son choix, avec les défauts, les sottes et basses animosités qu’il lui désigne ; et alors, avec un art admirable et un pinceau vivifiant, il dessine un à un tous ses ennemis et ses adversaires, et les flétrit sans âcreté, dans une ressemblance non méconnaissable : « Si mes malheurs doivent commencer par l’attaque imprévue d’un légataire avide sur une créance légitime, sur un acte appuyé de l’estime réciproque et de l’équité des deux contractants, accorde-moi pour adversaire un homme avare, injuste et reconnu pour tel… etc. » Et il désigne le comte de La Blache si au vif que tous l’ont nommé déjà ; de même pour le conseiller Goëzman, de même pour sa femme et pour leurs acolytes ; mais ici la verve l’emporte, et le laisser-aller ne se contient plus ; à la fin de chaque portrait secondaire, le nom lui échappe à lui-même, et ce nom est un trait comique de plus : Suprême Bonté !

953. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Plus tard, il a essayé de corriger ce défaut de son éducation première, et il était arrivé sur l’ancien régime à une érudition assez fine et assez rare, mais trop récente, et par conséquent toujours un peu incertaine. Au reste, ce défaut a ses compensations.

954. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Quelques bas-bleus fidèles à son cours du Collège de France, à ce professeur qui avait, disons-le (c’était son défaut), un peu de bas-bleu dans l’esprit ; puis parfois un article, çà ou là, une ébullition attardée d’un talent qui avait régulièrement et vastement déferlé longtemps sur la plage du Journal des Débats, voilà tout ce qui restait de Philarète Chasles, l’Impossible à l’Académie ! […] Et voilà le vice, car c’est plus qu’un défaut On aurait dû, en effet, finir la publication des Œuvres complètes par les Mémoires.

955. (1929) Amiel ou la part du rêve

L’activité ne lui fera jamais défaut, mais bien la virilité. […] C’est un grand défaut : encore une chose à corriger. » Il ne corrigera rien. […] Réserve, bon sens, critique défiante né lui feront jamais défaut. […] Sa méditation s’achève sur cette rentrée en lui : « À défaut d’épouse, de confident, d’ami, on prie ; à défaut de prière on ouvre son Journal intime. […] C’est sans doute parce qu’elle pourrait s’envoler qu’il lui faut le contrepoids d’une solide matérialité, laquelle ne lui fait pas défaut.

956. (1927) Approximations. Deuxième série

Les Goncourt ont su voir, et presque tous leurs défauts ne naissent somme toute que de l’excès même de cette qualité. […] Et ceux-là, ce n’est guère qu’en France qu’on les trouve sans défaut. […] Pour une intelligence sans défaut il n’est qu’un sujet : la mort. […] En ce livre, des défauts ne sont sensibles (faut-il y voir une vindicte exercée par le sujet lui-même ?) […] comme on avait besoin de lui, comme il fait défaut, et combien il importe que vivent en nous et sa mémoire et son exemple.

957. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Notre jeune siècle poétique et lyrique, par cela même qu’il ne sait pas vieillir et qu’il étale à ce degré devant tous sa misérable faiblesse, trahit son point vulnérable, l’inspiration morale positive et la foi qui lui ont trop fait défaut.

958. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moréas, Jean (1856-1910) »

Mais ne vous y trompez pas ; avec tous les défauts et tous les travers de son école, il est artiste, il est poète ; il a un tour à lui, un style, un goût, une façon de voir et de sentir.

959. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Ces défauts de proportion peuvent n’être qu’apparents.

960. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

 » Ces troubles, qui sont des symptômes, indiquent une altération profonde de tout l’organisme, un vice introduit dans sa texture intime, un défaut contracté par les éléments contributifs, une diminution et une perversion des aptitudes par lesquelles les individus s’agrègent, adhèrent les uns aux autres et agissent de concert.‌

961. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Il y a sans doute, dans cette doctrine, quelque chose d’un peu absolu, et c’est là en général le défaut d’une des qualités de l’intelligence de ce grand philosophe. […] Mais ces défauts ne détruisent pas ses rares qualités, l’élévation de son esprit, la pénétration de son regard, la fermeté de sa raison et le spiritualisme de toutes ses conceptions religieuses, philosophiques et sociales. […] On peut maintenant saisir tous les points de vue du génie du poëte et l’ensemble des qualités et des défauts qui allaient lui assurer une influence prépondérante sur notre littérature. […] Une imagination qui n’est pas toujours maîtresse de son élan, une intelligence qui ne contient pas toujours sa pensée, et qui, ainsi que l’auteur le dit lui-même, se laisse emporter par elle, comme dans un tourbillon mélodieux ; parfois quelque chose d’excessif dans les idées et les sentiments : voilà les défauts de cette riche nature, défauts plutôt indiqués que bien caractérisés dans ces premières poésies. […] On a parlé, dans la langue politique, de la pression de l’atmosphère extérieure sur les assemblées ; il y a aussi une pression de l’atmosphère sur les écrivains : leur siècle leur doit en partie ses qualités et ses défauts, mais ils doivent aussi en partie leurs défauts et leurs qualités à leur siècle ; c’est un flux et reflux qui va et vient du poëte au public et du public au poëte.

962. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Comme il craignait hier la trop grande consternation de son auditoire sur les défauts de la vocation et sur la difficulté extrême de les réparer, il le releva et le ranima par une incomparable paraphrase de tout le Cantique de Jonas, qui le tint élevé à Dieu et comme transporté hors de la chaire assez longtemps les bras croisés et les yeux au ciel.

963. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Il s’en est acquitté avec une bonne grâce et une dextérité de parole qui ne lui a pas fait défaut en d’autres circonstances plus graves et dans de vraies luttes, où il avait en face des adversaires : ici il n’avait en présence que des amis ou des curieux.

964. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Il nous revient à l’esprit deux exemples de ce genre de défaut systématique, dont les traducteurs, peu versés sans doute dans la langue et la littérature grecques, paraissent avoir été dupes eux-mêmes.

965. (1874) Premiers lundis. Tome II « Étienne Jay. Réception à l’Académie française. »

Disciples amoindris des Suard et des Morellet, ils glanent çà et là dans Addison, dans Franklin, dans Voltaire ; ils ont une manière qui louvoie entre toutes les qualités, qui se ménage entre tous les défauts ; ce sont les modèles du style négatif.

966. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

Il est vrai que je l’aime tant que j’aurais peur à la fin d’aimer en lui jusqu’à un défaut.

967. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Aussi le cavalier Marin disoit-il de Malherbe : « Je n’ai jamais vu d’homme plus humide, ni de poëte plus sec. » Celui-ci ne convenoit d’aucun de ces défauts.

968. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Elles n’ont ni de grandes beautés, ni de grands défauts.

969. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Nos défauts moraux ou physiques influent beaucoup sur notre humeur, et sont souvent la cause du tour particulier que prend notre caractère.

970. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Le mot de pangallicanisme fait défaut.

971. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Nous goûterons une volupté plus profitable à envisager les beautés sous leurs diverses faces, qu’à nous appesantir sur les défauts qui leur sont contraires. […] Défaut du sujet de l’Araucana. […] Nulle parité de mérite épique ne permet d’excuser la faute de l’un par celle de l’autre ; le défaut que nous remarquons est même plus grave chez Voltaire que chez Virgile, quoiqu’il fût plus aisé de l’éviter. […] On retire peu de fruit de la critique des défauts qui fourmillent dans les ouvrages médiocres ; mais on se tient en garde contre les erreurs du goût, en découvrant celles d’un poète tel qu’Homère, que sa supériorité n’a pas mis à l’abri du reproche. […] « À ces petits défauts marqués dans sa peinture, « L’esprit avec plaisir reconnaît la nature.

972. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Non seulement action, mais action publique, ses qualités ou ses défauts n’apparaissent, comme l’on dit, qu’aux chandelles. […] D’autant que par ses qualités, par ses défauts, et surtout par l’idée qu’il a donnée du genre, nul plus que lui n’a contribué à détourner le roman de sa véritable voie. […] Ou bien nous faut-il croire que, depuis trois cents ans, tout le monde en France se soit trompé sur les défauts de ce genre d’écrire, comme sur les qualités dont ils sont la rançon ou la condition peut-être ? […] C’est-à-dire : depuis qu’il l’a rencontré, toutes ses qualités d’autrefois se sont tournées en autant de défauts. […] C’est que les Considérations font un ensemble, et qu’à défaut d’une idée maîtresse, la chronologie toute seule y mettrait encore cette unité qu’on exige d’un livre.

973. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Il est surtout de cette société précieuse qui s’est elle-même reconnue et applaudie en lui, qui lui demeurera fidèle jusqu’à la fin, qui le soutiendra contre de jeunes et hardis rivaux ; et c’est pourquoi les précieuses peuvent bien avoir eu leurs défauts, ou leurs ridicules même, mais le théâtre de Corneille subsiste pour témoigner de la noblesse, de la grandeur, et de la générosité de leur idéal d’art. […] Nous n’avons pas le droit d’en appeler des décisions de Rome en matière de foi, ni celui de rouvrir la querelle, ni celui de prétendre qu’à défaut du jansénisme une autre cause n’en eût pas opéré les effets ; mais nous avons le droit de lui rapporter ces effets, s’ils sont siens ; et d’affirmer que, dans l’histoire de notre littérature, la victoire de l’idée janséniste a été le triomphe de l’idée chrétienne. […] C’est que, s’il n’est pas douteux qu’un borgne, un boiteux, un bossu soient des hommes, on pense, et on a raison, non pas précisément que la vue ou la représentation en sont affligeantes, mais qu’ils font eux-mêmes défaut, pour ainsi parler, à la définition de l’homme. […] Les genres se fatiguent, ils s’épuisent, ils meurent, comme les espèces dans la nature, et, comme elles, quand les conditions nécessaires à leur développement viennent à faire défaut autour d’eux. […] Marc Monnier, la Renaissance, de Dante à Luther, Paris, 1884]. — Comment les contemporains ont accueilli les Contes. — Que la « naïveté » de La Fontaine ne l’a pas empêché de se peindre en beau dans le Prologue de Psyché ; — ni de s’entendre admirablement à « vivre sans rien faire » ; — et comment, en dépit de la morale, ses défauts mêmes se sont tournés en quelques-unes de ses plus rares qualités.

974. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Tout terme de comparaison nous fait défaut ; elles sont pour nous toute la réalité. […] Notre théorie psychologique semble ici se trouver en défaut. […] L’excès de sensibilité est un défaut rare, et qui d’ailleurs, au point de vue poétique, n’aurait pas de grands inconvénients. Nous craindrions beaucoup plus la froideur, le défaut d’émotion. […] A la rigueur il pourrait suppléer à ce défaut par d’autres qualités poétiques.

975. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Il n’y a rien de plus ridicule en tout genre que l’afectation et le défaut de convenance. […] Lisez vos ouvrages, dit Horace, à un ami judicieux : il vous en fera sentir les défauts, il sera pour vous un aristarque. […] Le défaut de jugement qui empêche de sentir ce qui est ou ce qui n’est pas à propos, et le desir mal entendu de montrer de l’esprit et de faire parade de ce qu’on sait, enfantent ces productions ridicules. […] Si l’on veut former le gout des jeunes gens, on doit leur faire remarquer les défauts, aussi bien que les beautés des auteurs qu’on leur fait lire. […] On ne sauroit aporter trop d’atention pour éviter tous ces défauts : on ne doit écrire que pour se faire entendre ; la nèteté et la précision sont la fin et le fondement de l’art de parler et d’écrire.

976. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Le défaut le plus capital de Stello, qu’on retrouve également dans Cinq-Mars et dans tous les ouvrages en prose de M. de Vigny, c’est un certain manque de réalité, une certaine apparence de poétique chimère, qui tient moins encore à l’arrangement et à la symétrie qu’à un jour mystique, glissant on ne sait d’où, au milieu même des plus vrais et des plus étudiés tableaux. […] Supposez le portrait d’un Washington par un Lawrence, et vous aurez des défauts approchants. […] Quand ils veulent le faire, ils la retaillent et la gâtent. » Je n’ai garde, on le conçoit, de prétendre avoir atteint du premier coup la ressemblance sur De Vigny ; c’était une nature des plus compliquées dans sa finesse et qui, par ses qualités et ses défauts, ses supériorités et ses ridicules, fait encore problème pour moi aujourd’hui ; mais, quoique le poëte en sût probablement plus long que personne sur ses secrets de composition, on va voir que, juge et partie comme il était, il n’a pas tout à fait raison contre son critique.

977. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Le seul Horace chez les Latins nous les représente tous, imités, réduits, condensés pour ainsi dire, avec un art consommé ; mais est-ce la même chose que le fruit cueilli à même de l’arbre, à tous les rameaux du verger, — de ce verger assez semblable à celui d’Alcinoüs, dont le Poëte a dit dans une douceur et une plénitude fondante : « Là, de grands arbres s’étendent sans cesse verdoyants, poiriers et grenadiers, et pommiers brillants de leurs pommes, et figuiers savoureux et oliviers pleins de fraîcheur, desquels jamais le fruit ne périt ni ne fait défaut, hiver ni été, durant toute l’année ; mais toujours, toujours Zéphyre, de son souffle, fait pousser les uns et mûrit les autres : la poire vieillit sur la poire, la pomme sur la pomme et raisin aussi sur raisin, et figue sur figue… » Telle fut, chez les Grecs, l’abondance lyrique première. — La Couronne de Méléagre, dans son cercle un peu réduit, devait en offrir encore le plus parfait et le plus pur assemblage, si l’on en juge par l’âge du recueil, par les noms qui y figuraient et par le goût de finesse et d’élégance dont l’assembleur lui-même a fait preuve dans ses propres vers. […] Méléagre est déjà subtil (car je ne prétends pas dissimuler ses défauts), il l’est comme Ovide le sera, et bien plus qu’Ovide ; il l’est comme on le sera plus tard dans les sonnets, dans les madrigaux les plus raffinés. […] Mais non : ces phases analogues et ces récidives du goût tiennent à des lois générales de l’esprit humain ; on réinvente, à de certains âges et en de certains lieux éloignés, les mêmes défauts, comme quelquefois aussi on rencontre, sans s’être connus et à l’aide de la seule nature, les mêmes beautés.

978. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

. — Au défaut des instincts nobiliaires les répugnances physiques suffisaient à l’en détourner. […] Ses enfants sont « de petits monstres fort hideux », et il les juge « mignons, beaux, bien faits et jolis par-dessus tous leurs compagnons. »123 « Rechigné, un air triste, une voix de mégère », il a le défaut qui accompagne ou amène la réflexion et la misanthropie, je veux dire la laideur. […] Buffon se fait l’avocat de l’âne et change en mérites, tous les défauts du baudet. « Il est de son naturel aussi humble, aussi patient, aussi tranquille que le cheval est fier, ardent, impétueux.

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