C’est, en passant, une chose à retenir que l’effort des édificateurs de chaque réceptacle d’exposition à créer quelque chose de tout à fait moderne et d’aussi bien que possible, deux conditions dures à assortir ; car notre modernité n’est guère bien dans le sens de l’esthétique comme dans les autres sens. […] De quel amour, je dirais presque de quelle volupté, ne frémissent pas ces pages admiratives sur Chéret où renaissent, sous une forme tout aussi jolie, les miraculeuses imaginations du grand Affichier, s’il faut créer ce mot qui devient nécessaire.
Charges et survivances, il en crée pour en vendre. « Toutes les justices seigneuriales, disent les cahiers, sont infestées d’une foule d’huissiers de toute espèce, sergents seigneuriaux, huissiers à cheval, huissiers à verge, gardes de la prévôté des monnaies, gardes de la connétablie.
La répétition constante a créé l’habitude tenace qui a produit la tendance énergique, et désormais, quand nous nous représentons le couple, le premier terme nous apparaît forcément comme antérieur au second et le second comme postérieur au premier. — Or, en ce moment, le premier est une sensation présente ; donc le second doit nous apparaître comme postérieur à la sensation présente, c’est-à-dire comme futur.
Créé censeur, tu visiteras, comme ambassadeur du peuple romain, l’Égypte, la Syrie, l’Asie et la Grèce ; tu seras nommé, pendant ton absence, consul pour la seconde fois ; tu mettras fin à une guerre des plus importantes, tu ruineras Numance.
Comment une dynastie qui n’était qu’une première famille libre dans un pays libre, dont le gouvernement servait de modèle et d’émulation au monde, comment une dynastie plus que constitutionnelle, qui était à elle seule la constitution et la nationalité dans la terre des Léopold et des Médicis, a-t-elle été perfidement envahie et honteusement chassée de cette oasis, créée par elle, et chassée par les Piémontais du palais Pitti, où le roi Charles-Albert, ce roi d’ambition à tout prix, avait cherché et trouvé un asile chez ceux-là mêmes qu’il persécutait en reconnaissance de leurs bienfaits ?
Mais, dans cette lutte de toutes les impressions pour la victoire, il n’en est qu’un certain nombre qui l’ont emporté, qui se sont ouvert des voies dans la matière organisée et s’y sont créé des centres d’action.
les religions de l’avenir auront de la peine à créer de tels dévouements.
— On ne sait pas, pour un passionné de mobilier, le bonheur qu’il y a à composer des panneaux d’appartements, sur lesquels les matières et les couleurs s’harmonisent ou contrastent, à créer des espèces de grands tableaux d’art, où l’on associe le bronze, la porcelaine, le laque, le jade, la broderie.
Or un auteur qui a un idéal d’art élevé, qui s’efforce d’écrire, et de créer des types nouveaux, quand même il ne réussirait pas… c’est une raison pour tuer son œuvre.
Aussi quitte-t-il, sans cesse, la réalité que l’acuité de ses sens et les besoins de son esprit le forçaient sans cesse aussi à apercevoir, et s’essaie-t-il à se créer un monde plus enthousiasmant, en abstrayant et en résumant du vrai ses élément épars d’énergie et de beauté sensuelle.
Quelles scènes illuminées m’apparaissaient toutes pleines des personnages créés par mon imagination !
La nature fournit les variations ; l’homme les ajoute dans une direction déterminée par son utilité ou son caprice : en ce sens, on peut dire qu’il crée à son profit les races domestiques.
Il y a de frappantes et nombreuses ressemblances entre l’école de Ronsard et celle de Victor Hugo : l’une et l’autre ont jeté à l’esprit français un fier et audacieux défi, l’une et l’autre ont tenté de créer une langue poétique différente de la prose par plus de splendeur et par je ne sais quoi de rare, de difficile et de précieux. […] Quelle volupté de dieu que de créer par la poésie de petits êtres, qui ne sont pas des moralités personnifiées, mais qui sont aussi vivants, aussi réels que s’ils étaient en chair et en os ! […] Quand on a créé des caractères, quand on a composé un livre comme Madame Bovary, faire de la marqueterie, c’est peu. […] La même idée est rendue en style moins poétique dans la correspondance : « Créer est beau, mais corriger, changer, gâter est pauvre et plat ; c’est ennuyeux, c’est l’œuvre des maçons, et non pas des artistes.
Western, gentilhomme campagnard, sa passion égoïste et despotique pour sa fille, la rudesse de ses manières, son goût pour la chasse et le vin, son indulgence pour les premières faiblesses de Tom Jones, fondée sur l’analogie de leurs talents et de leurs goûts, forment, en se réunissant, un type vivant et complet comme Molière en savait créer. […] Si Corneille, rompu aux mœurs romaines, eût été prié de créer Alceste ou Célimène, je pense qu’il se fût récusé, et il aurait bien fait. […] Pour le contenter, Mackenzie a créé Julia, Savillon et Montauban. […] Si, dès les premières pages, il eût représenté Henry Pelham comme insensible et indifférent ; si, à seize ans, il lui eût donné cette langueur fastueuse et apathique que les dandies admirent comme le plus haut degré du ton ; s’il l’eût créé dès son début avec ces vices complets qu’on n’achète jamais qu’au prix de plusieurs passions désastreuses ; s’il lui eût fait un front d’airain, des joues incapables de rongeur, des yeux sans larmes, toutes choses qu’on ne peut espérer qu’après avoir passé par la débauche, le jeu et l’ambition, on aurait eu le droit, en achevant le premier chapitre, de lui dire : « Votre héros est une nature perverse, que nous n’avons vue nulle part. […] Au lieu de perdre son temps à conjecturer et à reconstruire des faits ignorés, il eût mieux fait de les supposer hardiment, de les créer de toutes pièces.
On pensa donc d’abord à traduire les auteurs grecs et romains, puis à les imiter, puis enfin, on s’enhardit jusqu’à créer des pièces à sujets non encore traités. […] Ce dernier rôle fut fort utile à Molière pour créer le caractère de Bélise des Femmes savantes. […] La Champmeslé avait prié l’auteur de lui créer un rôle dans lequel seraient développées toutes les passions.
Tout ce que je puis dire, c’est que, par la prestigieuse adresse de ses mains, par la sûreté de son regard, par la docilité de la matière, il avait l’air de créer ce qu’il annonçait, et d’être le législateur des lois qu’il découvrait. […] * Si la marque véritable du génie est de créer, le comte de Bismarck-Schœnhausen est un homme de génie ; car il a créé des haines inconnues du monde civilisé d’où sortiront des guerres inconnues du monde sauvage.
Voltaire a vécu des restes de Racine ; il a mis à profit le rebut de ce grand homme : l’intérêt de Zaïre et de Tancrède n’est fondé que sur ces petits moyens qui n’appartiennent qu’au roman : la fable de ces deux tragédies ne porte que sur un raffinement misérable, sur une erreur puérile ; tout dépend d’un mot qu’on ne dit pas, parce que le poète ne veut pas qu’on le dise, et tout son génie, qui devrait être employé à créer des situations, à développer des sentiments, se consume en expédients mesquins, pour suppléer au bon sens et à la vérité. […] Sévère, dans Polyeucte, est aussi un personnage créé d’après les idées de la galanterie chevaleresque. […] Voltaire a donc une supériorité infinie sur Sophocle, qu’il n’a fait que copier dans son Œdipe, et dont il a gâté la noble simplicité par un épisode ridicule, sans créer aucune beauté nouvelle, à l’exemple de Racine, qui souvent embellit et perfectionne Euripide ?
Maintenant je ne dissimule pas qu’un livre ainsi conçu puisse donner plus facilement prise à la critique stérile de ces parasites scientifiques qui, impuissants à rien créer par eux-mêmes, s’accrochent ordinairement aux découvertes des autres, pour les attaquer et chercher ainsi l’occasion de faire parler d’eux. […] Cette méthode d’analyse optique des liquides, qui a été entièrement créée par M. […] Au milieu du monde extérieur, certains êtres vivants ont pu paraître, au point de vue philosophique, faits pour créer les substances destinées à l’alimentation des autres. […] Et il fait des efforts inouïs de travail et d’imagination, il se crée des agitations qui ne mènent à rien, pour vouloir à toute force voir les choses comme il les conçoit, et non comme elles sont. […] Rarement cette voie conduit à des découvertes ; et si les hommes qui l’emploient ont du talent, elle ne fait que créer des systèmes mensongers avec l’apparence de la vérité.
Voilà l’homme qui a créé et formé celui que nous avons.
Il crée ainsi la substance vide ; sur cette entité, la métaphysique travaille et bâtit ses châteaux de cartes ; pour les faire tomber, ce n’est pas trop de l’analyse la plus rigoureuse. — Il reste alors pour constituer la perception d’un corps, d’abord une sensation actuelle, et un groupe associé d’images, ensuite la conception, c’est-à-dire l’extraction et la notation au moyen d’un signe, d’un caractère commun à toutes les sensations représentées par ces images, caractère permanent qui, interprété par l’illusion métaphysique, s’isole et semble un être à part.
L’ignorance de la populace transtévérine de Rome pourrait seule l’expliquer ; mais en s’élevant contre le séjour des papes à Avignon et en retenant à l’usage de Rome les impôts que Rome envoyait précédemment au pape absent, il se créait une popularité ambiguë contre laquelle ni le peuple ni le pape n’osaient protester trop haut.
Elle a créé des charges honorables et lucratives pour les plus habiles lettrés de l’empire, et les a chargés, chacun selon la sienne, d’approfondir toutes les parties de l’histoire naturelle, politique, civile, militaire, ecclésiastique, morale, littéraire, etc., de la Chine, et de se tenir toujours en état de répondre sur tout ce que l’empereur juge à propos de leur demander.
Il y a assez à réfléchir et à admirer sur cette première moitié de l’œuvre du poète, qui, en créant Faust et Marguerite, a créé non plus la tragédie des cours, des dieux ou des rois, mais la véritable tragédie du cœur humain !
M. de Maistre parla dès les premiers jours cette langue de l’émigration avec une habileté magistrale, une vigueur et une originalité qui créèrent son nom.
» XXVI Cette fausse foi du vieillard qui voulait être à la mode en prenant le ton du jour, cette foi poétique du jeune homme qui s’éblouissait de la Colonne, et qui ne pensait pas assez que le peuple prend au sérieux ces métaphores d’opposition, créaient en France un paradoxe national de discipline militaire présenté comme un élément de liberté.
Au moment où le cœur se passionne pour un de ses paladins ou pour une de ses paladines, il rompt lui-même le charme qu’il vient de créer, il ajourne à un autre chant la fin de l’aventure, il prend un autre fil de sa vaste trame, et il l’embrouille encore dans un autre épisode.
On n’imposait pas à Dieu un maximum de facultés qu’il lui était défendu de dépasser quand il créait une intelligence plus universelle ou une âme plus grande que les autres.
« Il est le seul créé par lui-même, et il est aussi créateur de toute chose ; dans ce tout il se meut.
La tragédie ainsi développée, lorsqu’il ne reste plus au poète d’autre souci que de la versifier à son aise, et de distinguer le plomb de l’or, l’inquiétude que communique à l’esprit le travail des vers et cette passion de l’éloquence, si difficile à satisfaire, ne sauraient nuire en rien au transport et à l’enthousiasme qu’il faut aveuglément suivre dès que l’on veut concevoir et créer une œuvre terrible et passionnée.
Il s’amuse à créer pour lui-même un ordre de chevalerie littéraire : « J’inventai un collier où seraient gravés les noms de vingt poètes et auquel serait suspendu un camée avec le portrait d’Homère.
Persuadons-nous bien qu’il ne s’agit pas de liberté, mais de faire, de créer, de travailler.
Ou ne doit-il pas exister entre les deux un lien plus profond et plus intime, indépendant de la sélection qui le diversifie et le perfectionne, mais ne le crée pas ?
» * * * — Nous, torturés de malaises continus, douloureux, presque mortels au travail et à la production spirituelle, nous ferions volontiers ce pacte avec Dieu : ne nous laisser qu’un cerveau pour créer, nos yeux pour voir, et une main avec une plume au bout, et prendre tout le reste de nos sens et les misères de nos corps, pour que nous ne jouissions plus en ce monde que de l’étude de l’humanité et de l’amour de notre art.
En réalité, l’esthétique n’est qu’un effort pour créer la vie, — une vie quelconque, — pourvu qu’elle puisse exciter la sympathie du lecteur ; et cette vie peut n’être que la reproduction puissante de notre vie propre avec toutes ses injustices, ses misères, ses souffrances, ses folies, ses hontes mêmes.
Nous avons vu de quels éléments hostiles l’une et l’autre sont formées, comment les premiers livres de Tolstoï sont de larges et proches images de la nature et de l’homme, comment la vie même s’y est reproduite par les caractères profonds et cachés dont se marque sa révélation ; comment une infinie variété d’âmes humaines y existent vraiment, âmes de femmes, de jeunes filles, d’enfants, de soldats, d’hommes, prises à même de la multitude diverse, créées mobiles, variables, individuelles, réelles, agitées, bruissantes et telles que la sagacité de l’analyste s’oublie devant le succès et l’illusion de la synthèse.
Ils disoient que, pour être juge recevable, il lui auroit fallu des connoissances qu’il n’avoit pas ; que son incapacité déposoit contre son équité ; qu’il connoissoit aussi peu les beautés que les défauts des anciens ; qu’il avoit multiplié le nombre des derniers bien au-delà du vrai, & qu’il avoit même poussé la mauvaise foi jusqu’à créer plusieurs de ces défauts.
Et mon cœur à l’étroit battait dans ma poitrine, Et mes larmes tombaient d’une source divine, Et je prêtais l’oreille, et je tendais les bras, Et comme un insensé je marchais à grands pas, Et je croyais saisir dans l’ombre du nuage L’ombre de Jéhovah qui passait dans l’orage, Et je croyais dans l’air entendre en longs échos Sa voix, que la tempête emportait au chaos ; Et de joie et d’amour noyé par chaque pore, Pour mieux voir la nature et mieux m’y fondre encore, J’aurais voulu trouver une âme et des accents, Et pour d’autres transports me créer d’autres sens.
Vous mesurez la concentration et la vélocité de l’imagination qui crée ainsi. […] Rejetant la logique ordinaire, elle en crée une nouvelle ; elle unit les faits et les idées dans un ordre nouveau, absurde en apparence, au fond légitime ; elle ouvre le pays du rêve, et son rêve fait illusion comme la vérité.
Aussi, étais-je bien vraiment moi, alors, et j’ai toujours gardé l’impression que ma vie la plus personnelle, la plus intense, la plus heureuse aussi, fut à cette époque de ma première enfance, où, dans un milieu étroit et pauvre, une telle richesse d’amour me créait un royaume vaste et splendide. […] Il en voulait probablement à saint Labre et tenait en suspicion les couvents, lui, à qui j’entendis redire, plus tard, bien souvent, qu’il ne pouvait comprendre les religieux… « qui se réunissent pour puer de compagnie, en l’honneur d’un Dieu qui a créé dix mille espèces de parfums… » La mère Marie-Jésus était là, derrière le grillage ; elle chuchotait, de sa voix mielleuse et, à cause de la présence d’un homme, son voile baissé ne laissait voir que son menton fin et pointu et un peu de sa bouche mince. […] Il se proclamait le disciple de mon père et ils avaient, entre eux, une similitude extraordinaire de goûts et d’opinions artistiques ; une parenté d’esprit très singulière, qui leur créa même, à propos du feuilleton du lundi, qu’ils faisaient tous deux dans des journaux différents, de bien curieux embarras.
. — D’autres considérations sur les tendances analytiques et distributives de l’esprit grec éclairent du jour le plus vif toute la structure du temple ; en vertu de ces tendances, l’architecte grec « se propose en premier lieu de créer autant de parties distinctes qu’il y a de rôles différents dans son édifice ; secondement…, de différencier ces parties pour l’œil du spectateur ; troisièmement, d’écrire lisiblement la nature de chaque fonction dans les formes propres à chaque organe. […] s’il ne fallait qu’étendre le bras et prononcer un oui ou un non pour sauver ou créer un homme, acquérir ou perdre une brillante réputation, prolonger ou terminer mon insupportable existence, je crois, ma foi, que je ne bougerais rien plus qu’un chien de faïence. […] la plus grande partie des Arabes n’a pas des idées plus claires du tien et du mien….Le bon Dieu s’est donné mille fois plus de peine pour enseigner aux Juifs la manière dont il veut qu’on soigne une chèvre ou un mouton, qu’il n’en a pris pour créer le ciel et la terre. » A la fin, excédé de son Américain, il reprit sa liberté, mais, chose étrange et qui indique bien l’abattement dans lequel il était tombé, il resta à Khartoum pendant un an entier, au plus fort de la solitude, de la barbarie et du soleil. […] Point de parenté étroite entre ses figures ; il n’a pas créé de type humain qu’on reconnaisse d’abord et qui lui soit propre. […] Vous avez remarqué, Messieurs, son style aussi original que son caractère ; celui du marquis de Mirabeau est pareil, encore plus familier, plus coloré, plus tranchant, plus osé, en dehors de la règle et de toute règle, « un style, dit-il lui-même, fait en écailles d’huîtres, si surchargé de différentes couches d’idées qu’il aurait besoin d’une ponctuation faite exprès pour le débrouiller, en supposant qu’il en vaille la peine…, moitié figures et métaphores, farci de proverbes, de marotismes et de mots forgés, sorte de jargon rustique », inégal, âpre, dru, plein de sève, qui, comme un fourré de fleurs et de broussailles, sort tout d’un coup « d’un « cœur chaud, riche et germinant » : partout des éclairs et des éclats d’imagination, des saillies et des trouvailles de génie, la vue directe des choses si répugnantes qu’elles soient, le sursaut imprévu de l’impression vraie, une brusquerie et un cynisme grandioses qui lèvent impétueusement tous les voiles ; avec cela de la gaieté, de la bonhomie, une verve gaillarde et salée qui n’ôte rien à la dignité foncière, un badinage d’humoriste et de grand seigneur ; par-dessus tout, l’intrépidité d’un esprit à qui sa pensée est personnelle, en qui la pensée crée la parole, qui invente sa forme littéraire comme sa conduite civile, qui, « cuirassé de ses cicatrices », marche seul, de tout son poids, à travers son siècle, et pour qui les cris, les réclamations, les admonestations qu’il soulève sur son passage sont, dit-il encore, « comme des leçons de serinette à un éléphant ».
Ce sont la société, la civilisation et les lois qui ont créé ces désordres… N’ayant pas d’idée de la beauté, le sauvage ne choisit pas : Il écoute uniquement le tempérament qu’il a reçu de la nature, et non le goût qu’il n’a pu acquérir, et toute femme est bonne pour lui… Chacun attend paisiblement l’impulsion de la nature et s’y livre sans choix, avec plus de plaisir que de fureur, et, le besoin satisfait, tout le désir est éteint. […] … Voici : il va le renforcer en quatuor ; créer une situation morale encore plus compliquée, et dont il puisse extraire encore des attendrissements et encore des discours. […] L’égalité politique (suffrage universel) crée des inégalités pires. […] Le Contrat social démontre avec éclat le premier point (que l’égalité politique crée des inégalités pires).
Il n’en a point en Architecture : tant qu’elle s’est bornée à nos besoins, elle a pû se modeler sur les productions naturelles ; mais dès qu’on a voulu joindre la décoration à la solidité, l’imagination a créé les formes, & l’oeil en a fixé le choix. […] Mais lorsque le poëte paroît & prend la place de ses personnages, l’action devient purement épique : c’est un homme inspiré aux yeux duquel tout s’anime ; les êtres insensibles prennent une ame ; les abstraits, une forme & des couleurs ; le soufle du génie donne à la nature une vie & une face nouvelle ; tantôt il l’embellit par ses peintures, tantôt il la trouble par ses prestiges & en renverse toutes les lois ; il franchit les limites du monde ; il s’éleve dans les espaces immenses du merveilleux ; il crée de nouvelles spheres : les cieux ne peuvent le contenir ; & il faut avoüer que le génie de la Poésie considéré sous ce point’de vûe, est le moins absurde des dieux qu’ait adoré l’antiquité payenne. […] C’est de cette espece de critique, qu’un auteur que nous ne saurions assez citer en fait de goût, a dit, ils ont laborieusement écrit des volumes sur quelques lignes que l’imagination des poëtes a créées en se jouant. […] L’imagination compose & ne crée point : ses tableaux les plus originaux ne sont eux-mêmes que des copies en detail ; & c’est le plus ou le moins d’analogie entre les différens traits qu’elle assemble, qui constitue les quatre genres de fiction que nous allons distinguer ; savoir, le parfait, l’exagéré, le monstrueux, & le fantastique.
Une curieuse pièce est celle des Syringas que le poète enferme pour leur arracher le secret de leurs aromes troublants ; Louis XIV avait créé des infirmeries pour ses orangers malades, M. de Montesquiou, plus cruel, emprisonne ses fleurs et les soumet à la question ! […] « Dupuytren et Orfila avaient créé une branche d’industrie, en introduisant dans l’étude de la médecine les figures de cire coloriée. […] Charles Fuster qui est poète, a cherché et trouvé prétexte à des élans poétiques, conduisant son roman un peu à la façon des livrets d’opéras où l’auteur a pour principal souci de créer ce qu’on appelle des situations musicales à son collaborateur. […] Les femmes et l’amour y ont donc naturellement leur chapitre et le rêve du promeneur dans le jardin d’Épicure vaut la peine d’être écouté : « Si j’avais créé l’homme et la femme, je les aurai formés sur un type très différent de celui qui a prévalu et qui est celui des mammifères supérieurs.
Seulement nos personnages, à nous, n’ont rien de créé, même quand ils semblent le plus imprévus.
Figurez-vous, au lieu de cette pauvre idée sèche, étayée par cette misérable logique d’arpenteur, une image complète, c’est-à-dire une représentation intérieure, si abondante et si pleine qu’elle épuise toutes les propriétés et toutes les attaches de l’objet, tous ses dedans et tous ses dehors ; qu’elle les épuise en un instant ; qu’elle figure l’animal entier, sa couleur, le jeu de la lumière sur son poil, sa forme, le tressaillement de ses membres tendus, l’éclair de ses yeux, et en même temps sa passion présente, son agitation, son élan, puis par-dessous tout cela ses instincts, leur structure, leurs causes, leur passé, en telle sorte que les cent mille caractères qui composent son état et sa nature trouvent leurs correspondants dans l’imagination qui les concentre et les réfléchit : voilà la conception de l’artiste, du poëte, de Shakspeare, si supérieure à celle du logicien, du simple savant ou de l’homme du monde, seule capable de pénétrer jusqu’au fond des êtres, de démêler l’homme intérieur sous l’homme extérieur, de sentir par sympathie et d’imiter sans effort le va-et-vient désordonné des imaginations et des impressions humaines, de reproduire la vie avec ses ondoiements infinis, avec ses contradictions apparentes, avec sa logique cachée, bref de créer comme la nature.
. — Placé dans cet isthme de sa condition moyenne, — sage avec des obscurités, grand avec des imperfections, — avec trop de connaissances pour tomber dans le doute du sceptique, — avec trop de faiblesse pour monter jusqu’à l’orgueil du stoïcien, — il est suspendu entre les deux ; ne sachant s’il doit agir ou se tenir tranquille, — s’il doit s’estimer un Dieu ou une bête, — s’il doit préférer son esprit ou son corps, — ne naissant que pour mourir, ne raisonnant que pour s’égarer, — sa raison ainsi faite qu’il demeure également dans l’ignorance, — soit qu’il pense trop, soit qu’il pense trop peu, — chaos de pensée et de passion, tout pêle-mêle, — toujours par lui-même abusé ou désabusé, — créé à moitié pour s’élever, à moitié pour tomber, — souverain seigneur et proie de toutes choses, — seul juge de la vérité, précipité dans l’erreur infinie, — la gloire, le jouet et l’énigme du monde.