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351. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

. —  Mœurs théâtrales et pittoresques de la cour. —  Le Berger inconsolable. […] Son collègue, Inigo Jones, lui ôtait le patronage de la Cour. […] Tantôt il détache un ridicule, une affectation, un genre de sottise, parmi les mœurs des élégants et des gens de cour ; c’est une manière de jurer, un style extravagant, l’habitude de gesticuler, ou toute autre bizarrerie contractée par vanité ou par mode. […] Cette imposture publique n’est pour lui qu’une comédie de plus, un joyeux divertissement et un chef-d’œuvre. « Duper la cour, détourner le torrent contre les innocents, c’est un plaisir plus grand que si j’avais joui de la femme151. » Pour achever, il écrit un testament en faveur de Mosca, se fait passer pour mort, et regarde, caché derrière un rideau, les visages des héritiers. […] Un sot prodigue, Asotus, veut devenir homme de cour et de belles manières ; il prend pour maître Amorphus, voyageur pédant, expert en galanterie, qui, à l’en croire lui-même, « est d’une essence sublime et raffinée par les voyages, qui le premier a enrichi son pays des véritables lois du duel, dont les nerfs optiques ont bu la quintessence de la beauté dans quelque cent soixante-dix-huit cours souveraines, et ont été gratifiés par l’amour de trois cent quarante-cinq dames, toutes de naissance noble, sinon royale ; si heureux en toute chose que l’admiration semble attacher ses baisers sur lui166. » Asotus apprend à cette bonne école la langue de la cour, se munit comme les autres de calembours, de jurons savants et de métaphores ; il lâche coup sur coup des tirades alambiquées, et imite convenablement les grimaces et le style tourmenté de ses maîtres.

352. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Voyons dans quel état il trouvait la cour. […] Le cardinal le sut, le fit appeler et lui offrit de sa part du roi le même traitement qu’il avait assigné à Léonard de Vinci, cent écus d’or par an, et en plus le prix de tous les ouvrages qui lui seraient commandés par la cour. […] François Ier et toute la cour en furent stupéfaits d’admiration. […] Je lui avais en effet mis un voile très léger, pour lui donner plus de majesté, et pour qu’elle parût plus décemment devant les dames de la cour ; mais moi, par dépit, je le déchirai, et je fis voir mon Jupiter dans toute sa belle nudité. […] Il perdit son principal protecteur à la cour dans le cardinal Hippolyte de Médicis, qui prit la fièvre et la mort des maremmes de Toscane, dans un voyage où il accompagna le grand-duc son frère quelque temps après.

353. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Ainsi il fit le portrait de la Ville, il fit aussi le portrait de la Cour. […] Paris, au temps de La Bruyère, est le singe de la Cour. […] À la ville, à la cour, au temps de La Bruyère, on se ruinait en chevaux, en équipages, en bougies, en fracas de toutes sortes. […] C’est bien le plus étrange et le plus incroyable spectacle, cette cour du grand roi ! […] Notez bien que les femmes de la ville ne valaient guère mieux que les femmes de la cour

354. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

« Il se retire enfin dans la vaste chambre qui lui avait été construite dans l’enceinte de la cour, à une place où il pouvait tout voir autour de lui. […] Ensuite ils dressent le char, le timon en haut, contre la muraille de la cour. » — N’est-ce pas ainsi que vous voyez ici le bouvier ranger le tombereau pour qu’il tienne moins de place dans les cours, dit-elle, et auriez-vous pensé qu’un détail si vulgaire de ménage rustique pût être chanté en vers magnifiques à la postérité ? […] Il trouve Eumée, le gardeur de porcs, assis au soleil dans un endroit où furent bâtis les murs élevés de la cour large et ronde. […] Douze étables rapprochées entre elles avaient été bâties par lui dans l’intérieur de cette cour, où couchaient les porcs. […] Dans l’enceinte de la cour croissait un olivier aux feuilles allongées ; jeune et vigoureux, il s’élevait comme une large colonne.

355. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Jusque-là il était abbé comme on l’était volontiers alors, ayant le titre et quelques bénéfices ; mais il n’était point lié à son état, il n’était prêtre à aucun degré ; et en 1755, à l’âge de quarante ans, on le voit hésiter beaucoup avant de franchir ce pas dont il sent le péril, et d’où sa délicatesse d’honnête homme l’avait tenu éloigné jusque-là : « Je me suis lié à mon état, écrit-il à Pâris-Duverney (le 19 avril 1755), et j’ai mis moi-même dans cette démarche tant de réflexions que j’espère ne m’en repentir jamais1. » Quant aux petits vers galants, ils sont de sa première jeunesse ; il cessa d’en faire à l’âge de trente-cinq ans : J’ai abandonné totalement la poésie depuis onze ans, écrit-il à Voltaire en décembre 1761 ; je savais que mon petit talent me nuisait dans mon état et à la Cour ; je cessai de l’exercer sans peine, parce que je n’en faisais pas un certain cas, et que je n’ai jamais aimé ce qui était médiocre ; je ne fais donc plus de vers et je n’en lis guère, à moins que, comme les vôtres, ils ne soient pleins d’âme, de force et d’harmonie ; j’aime l’histoire… Il y a donc, avant tout, quand on parle de Bernis, à bien marquer les époques, si l’on veut être juste envers un des esprits les plus gracieux et les plus polis du dernier siècle, envers un homme d’une capacité réelle, plus étendue qu’on ne pense, et qui sut corriger ses faiblesses littéraires ou ses complaisances politiques par une maturité décente et utile, et par une fin honorable. […] Laissons-le parler lui-même, nous ne saurions dire aussi bien que lui : Quand on a des affaires à traiter dans les cours étrangères, c’est la manière dont on les conduit, ces affaires, qui fixe l’attention et qui décide de l’estime qu’on a pour vous ; mais, lorsqu’on n’a rien à démêler avec une cour, on est alors jugé d’après le personnel ; ainsi, l’on a besoin d’une grande attention pour éviter la censure d’une infinité d’observateurs curieux et pénétrants qui cherchent à démêler votre caractère et vos principes, sans que vous puissiez jamais détourner leur attention. […] En novembre 1754, le duc de Penthièvre descendit chez l’ambassadeur avec sa suite et y logea treize jours : « Je me suis très bien tiré de cet embarras, disait galamment Bernis : après beaucoup de dépenses faites avec profusion, mais sans désordre, il me reste l’amitié d’un prince honnête homme, et la satisfaction d’avoir contenté tous les ordres et tous les étages de sa maison. » Duverney se charge de suivre en cour les intérêts de Bernis ; la seule chose urgente, ce sont les secours pécuniaires. […] Il se flatte, Sire, que la route où il est entré pourra le mener encore faire sa cour à Votre Majesté.

356. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Depuis cette ode de bienvenue à la reine Marie de Médicis, cinq années s’écoulèrent encore avant que Malherbe fût appelé à la Cour, où ses compatriotes Du Perron et Des Yveteaux avaient parlé de lui et l’avaient recommandé au roi. […] Ses Bergeries, publiées pour la première fois en 1625, ne sont qu’une espèce de comédie pastorale en cinq actes, assez mal cousus ensemble, où les personnages ne parlent qu’un langage de convention, qui n’est ni celui de la Cour ni celui du village, mais dont le mélange dut plaire, en effet, aux ruelles de ce temps-là, où régnaient les bergers de L’Astrée. […] La pièce vraiment belle de Maynard, celle qui mérite de conserver son nom, est une autre ode de lui : « Alcippe, reviens dans nos bois… » Le thème y est à peu près le même que celui de Racan ; il s’agit d’arracher à la Cour un ami que la fortune y abandonne et qui s’acharne à une ingrate poursuite. Maynard, en sondant cette fois dans son propre cœur, a su y trouver des accents de vrai poète et d’une élévation inaccoutumée :         La Cour méprise ton encens :         Ton rival monte, et tu descends, Et dans le cabinet le favori te joue.

357. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Faire après Louis XIV quelque chose de ce que Henri IV aurait aimé à voir s’accomplir s’il avait vécu, affranchir la noblesse des servitudes de cour et des usurpations de la roture, la rendre plus sédentaire et attachée à son ménage des champs, rendre le peuple content de son sort et assuré de son bien-être, supprimer les sangsues publiques et l’appareil intermédiaire de finances entre le roi et son peuple, asseoir l’impôt moyennant des assemblées provinciales, de grands Conseils généraux répartiteurs des charges, c’est ce que Mirabeau aurait voulu et ce qui aurait renouvelé en effet l’ancienne monarchie ainsi reprise en sous-œuvre. […] Un Mirabeau n’y va pas de main morte ; les demi-aveux, les faux-fuyants de Vauvenargues, ses airs de paresse, ne satisfont pas le marquis ; il continue son obsession obligeante ; il y emploie le reproche, il y emploie la louange ; il se sert de toutes les clefs pour ouvrir ce cœur qu’un respect humain enchaîne, et il le tire tant qu’il peut du côté de ses propres penchants : Quand vous auriez plus de santé et de goût pour la gloire, vous ne sauriez faire naître la guerre, et ne seriez pas capable des bassesses qu’il faut pour s’avancer à la Cour. […] Si l’ambition vous occupe, car enfin il faut avoir un objet, Paris et la Cour ne doivent-ils pas être votre séjour ? […] lui qui croit sentir mieux que Mirabeau ce que c’est que l’ambition et la grande, ce que c’est qu’être acteur tout de bon dans ce monde ; qui ne ferait pas fi de cette scène de la Cour s’il y était ; qui ne verrait dans ce Versailles même qu’un vaste champ ouvert à ses talents de toute sorte, y compris l’insinuation et le manège (l’honnête manège, comme il l’entend et dont il se pique avec un reste d’ingénuité), il éclate et tire le rideau de devant son cœur, par une admirable lettre, qui sera suivie de plusieurs autres pareilles ; de sorte que Mirabeau, arrivé en cela à ses fins, a raison de s’écrier : « Ne vous lassez pas de m’en écrire… Je vous aurai par morceaux, mon cher Vauvenargues, et quelque jour je vous montrerai tout entier à vous-même. » Ces lettres, en effet, qui sont mieux que des pages d’écrivain, manifestent l’âme même de l’homme, l’âme virile dans sa richesse première et à l’heure de son entrée en maturité.

358. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Il y a, il y avait du temps de Pellisson deux sortes d’élégance et d’urbanité, soit en causant, soit en écrivant : l’une plus vive, plus naturelle, plus aisée et plus familière, plus colorée aussi, puisée dans le commerce du grand monde et de la Cour, par ceux qui y avaient été nourris et rompus dès l’enfance ; c’était celle des Saint-Évremond, des Bussy, des Clérembault, des La Rochefoucauld, des Retz ; — l’autre plus étudiée, plus formée dans le cabinet et par la lecture, ou par l’assiduité dans certains cercles illustres et par le commerce des personnages littéraires les plus qualifiés ; cette dernière urbanité est celle des Conrart, des Vaugelas, c’est celle surtout de Pellisson qui y excelle, et qui en est le parfait modèle en son temps. […] … non pas les amis du Régent, à qui cela était bien égal et qui en pensaient tout autant, mais les partisans de la vieille Cour, les hommes des regrets, les Villeroy, les Fleury, les Polignac, qui en font leur affaire, et qui piquent d’honneur l’Académie où ils se sentent maîtres (ils ne l’étaient plus que là), l’Académie de tout temps vouée à diviniser le grand roi et qui mettait chaque année au concours une de ses vertus. […] Déjà Voiture était comme cela : homme du monde et de Cour, délicat à l’excès et dégoûté, un peu dédaigneux des gens de lettres, il craignait apparemment de s’ennuyer parmi eux ou de retomber en bourgeoisie, et il restait dans ses belles et fines sociétés. […] C’est tout dire qu’on y opine du bonnet contre Homère et contre Virgile, et surtout contre le bon sens, comme contre un ancien, beaucoup plus ancien qu’Homère et que Virgile. » Et Fléchier, qui était du monde de M. de Montausier, c’est-à-dire du monde le plus opposé à celui de Boileau, écrivait à Mlle des Houlières (ces dames des Houlières étaient d’autres ennemis de Boileau) : « Je suis bien aise que votre cour grossisse tous les jours de quelque bel esprit qui vous rend hommage.

359. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Les stimulants de la Cour n’y font rien. […] Bien des points de cette dernière partie de la vie de Catinat en ce qui concerne ses rapports exacts avec la Cour, avec Mme de Maintenon, avec le ministre Chamillart, restent à éclaircir ; car il ne conviendrait pas de prendre à la lettre les dires de Saint-Simon. […] Ainsi l’imposteur n’aurait eu rien qui le payât de sa peine… » À cette date, dans le public, on s’occupait donc beaucoup de Catinat, et l’on commentait sa conduite et celle que la Cour avait tenue envers lui. […] … Catinat n’allait plus à la Cour, et le moins possible à Paris.

360. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Mais cet homme habile, en voulant se tourner du côté du soleil levant, ne sut pas s’orienter avec une parfaite justesse : il avait fait de longue main sa cour à la maîtresse du prince, la croyant destinée à l’influence, et il avait négligé la femme légitime, la future reine, qui pourtant eut seule le crédit réel. […] Jeté avec éclat dans l’opposition, surtout depuis 1732, époque où il eut à se démettre de ses charges de cour, lord Chesterfield travailla de tous ses efforts pendant dix ans à la chute de ce ministère Walpole, qui ne tomba qu’en 1742. […] Pour couper court aux objections, il fit entrer son fils au Parlement : c’était le moyen le plus sûr de vaincre les scrupules de la Cour. […] Il remplit le poste d’envoyé extraordinaire à la cour de Dresde.

361. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Les crimes de Catherine, les débauches d’Henri III, la corruption de la cour ont comblé la mesure. […] Termes de guerre et termes de cour, termes d’art et termes de débauche, Henri Estienne a dressé la liste de ceux qui sont entrés dans notre vocabulaire, et qui tous ou presque tous y sont demeurés depuis lors. […] Contre l’enthousiasme de la Pléiade et l’engouement des gens de cour pour les choses d’Italie ou d’Espagne, une tradition de résistance est créée. […] XXIII ; — Paradin : Mémoires de l’histoire de Lyon ; — Édouard Bourciez : Les Mœurs et la société polie à la cour d’Henri II, Paris, 1886 ; — Charles Boy : « Recherches sur la vie et les œuvres de Louise Labé », au t.  […] Montégut, En Bourbonnais, etc.] ; — les anecdotes de cour ; — l’intention symbolique [Cf. la dédicace de l’Astrée]. — Des rapports de l’Introduction à la vie dévote et du roman de l’Astrée.

362. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

On l’avait vu quelquefois, malgré sa timidité un peu gauche, accorder sa confiance à des dames de la cour, telles que mesdemoiselles de Hautefort et de La Fayette ; ces intimités n’étonnaient pas dans un prince chaste et dévot, car on savait que la sagesse du roi égalait quasi celle des dames les plus modestes ; et ces intrigues, non moins innocentes que frivoles, ne ressemblaient pas mal aux platoniques tendresses des romans de Scudéry, ou, si l’on aime mieux, à des chuchotages entre les novices d’un couvent. […] La plupart des époques ne présentent pas la vie réelle aussi artistement arrangée que dans cette cour romanesque et intrigante ; elles ont toujours quelque chose de vulgaire et de trivial à quoi l’on est forcé de suppléer ; et, pour les traduire en roman, il est besoin d’un fonds de fiction qui les anime et les soutienne.

363. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

Ses lettres sont remplies des nouvelles de la cour et de la ville, telles que les naissances, les mariages, et surtout les morts, qui font plus d’impression sur son âme attristée. […] Ainsi retirée de la cour à moitié, la mort de Louis XIV ne la prit pas au dépourvu ; son asile était prêt, arrangé de ses mains avec une longue et attentive prévoyance, véritable sanctuaire décoré d’ombrages, de parfums et de cantiques pieux.

364. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Je n’hésite pas à avancer que Racine a été romantique ; il a donné, aux marquis de la cour de Louis XIV, une peinture des passions, tempérée par l’extrême dignité qui alors était de mode, et qui faisait qu’un duc de 1670, même dans les épanchements les plus tendres de l’amour paternel, ne manquait jamais d’appeler son fils Monsieur. […] Les vers italiens et anglais permettent de tout dire ; le vers alexandrin seul, fait pour une cour dédaigneuse, en a tous les ridicules.

365. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

En 1808, tous ses grands traits sont arrêtés et définitifs : départements, arrondissements, cantons et communes, rien n’a changé depuis dans ses divisions et sutures extérieures : Concordat, Code, Tribunaux, Université, Institut, Préfets, Conseil d’État, impôts, percepteurs, Cour des Comptes, administration uniforme et centralisée, ses principaux organes sont encore les mêmes ; noblesse, bourgeoisie, ouvriers, paysans, chaque classe a dès lors la situation, les intérêts, les sentiments, les traditions que nous lui voyons aujourd’hui. […] Il n’y a qu’eux pour nous faire voir en détail et de près la condition des hommes, l’intérieur d’un presbytère, d’un couvent, d’un conseil de ville, le salaire d’un ouvrier, le produit d’un champ, les impositions d’un paysan, le métier d’un collecteur, les dépenses d’un seigneur ou d’un prélat, le budget, le train et le cérémonial d’une cour.

366. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Ils sont adressés à un de ses amis, qui réussissoit aussi bien que lui dans la poësie Latine, & qu’il presse de lancer à son cour des traits contre Montmaur* : Tu chantas les héros ; aujourd’hui l’on t’invite A choisir pour sujet un odieux Thersite, D’un esprit aussi bas que son extérieur, Organe des forfaits, fléau de la pudeur,         Que ta muse s’apprête         A punir cette malebête. […] On vit briller, dans cette attaque générale, Feramus, un des plus élégans & des plus agréables latinistes de son temps ; Sarrasin, ce père de l’enjouement & de la bonne plaisanterie, à qui les vers ne coûtoient aucune peine ; toujours intéressant, quelque sujet qu’il traite, également recherché de son vivant des femmes, des gens de lettres & de cour ; Charles Vion d’Alibrai dont les poësies ont un tour original & naïf.

367. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Le temps & les circonstances empêchèrent ce prince d’avoir recours à plusieurs beaux-esprits, qui depuis ornèrent sa cour devenue une des plus magnifiques & des plus galantes de l’Europe. Il ne fut pas en son pouvoir d’employer un Cowley, digne rival de Pindare & le chantre des infortunes de David ; un compte de Rochester, ce Juvénal Anglois ; un Waller, le Voiture & le Chaulieu de l’Angleterre ; le premier de cette nation qui, dans ses vers, ait consulté l’harmonie, ait cherché l’arrangement des mots & le goût dans le choix des idées ; ce poëte, qui, vivant à la cour avec soixante mille livres de rente ; cultiva toujours son talent pour les vers agréables & faciles ; le même qui, en ayant fait à la louange de Charles II, les lui présentant & s’entendant reprocher qu’il en avoit fait de meilleurs pour Cromwel, répondit au prince : Nous autres poëtes, nous réussissons mieux dans les fictions que dans les vérités.

368. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Au temps où brillait de tout son éclat la liberté populaire de Rome, les plébéiens vêtus de toges allaient tous les matins faire leur cour aux grands. […] Ils étaient amis du peuple romain dans le sens où les Empereurs donnaient le nom d’amis aux nobles qui composaient leur cour.

369. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

M. de Marcellus venait alors d’épouser, à Paris, une femme d’une naissance éminente, d’un esprit héréditaire, d’une beauté remarquée dans son siècle, mademoiselle de Forbin, fille du comte de Forbin, directeur des musées, homme dont les agréments de figure, les succès de salon ou de cour sous deux règnes, l’esprit épigrammatique, et les talents en peinture et dans les lettres, faisaient un ornement de l’époque impériale, dépaysé dans le royalisme de la Restauration. […] XXV Trois ans après, la révolution de 1830 avait renversé tout ce bonheur, toute cette cour, toute cette ambition ; de ce couple, rien n’avait survécu que les grâces sévères de la femme, un pli de tristesse sur les lèvres, une arrière-pensée dans les yeux. […] Sans jamais conspirer, ni même agiter son pays, il allait souvent porter l’hommage de sa fidélité à la cour des rois tombés. […] Sa maison se composait d’une multitude de chambres disposées autour d’une cour carrée, comme dans un couvent. Cette cour est un jardin garni de fleurs odoriférantes.

370. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Il nous fit entrer dans une petite cour intérieure pavée aussi d’éclats de statue, de morceaux de mosaïque, et de vases antiques, et nous livrant sa maison, c’est-à-dire deux petites chambres basses sans meubles et sans portes, il se retira et nous laissa, suivant la coutume orientale, maîtres absolus de sa demeure. […] Nous restâmes quelques moments assis, silencieux et pensifs, devant ce spectacle sans paroles, et nous rentrâmes à pas lents dans la petite cour de l’évêque, éclairée par le foyer des Arabes. Assis sur quelques fragments de corniches et de chapiteaux qui servaient de bancs dans la cour, nous mangeâmes rapidement le sobre repas du voyageur dans le désert, et nous restâmes quelque temps à nous entretenir, avant le sommeil, de ce qui remplissait nos pensées. Le foyer s’éteignait, mais la lune se levait pleine et éclatante dans le ciel limpide, et passant à travers les crénelures d’un grand mur de pierres blanches et les dentelures d’une fenêtre en arabesques, qui bornaient la cour du côté du désert, elle éclairait l’enceinte d’une clarté qui rejaillissait sur toutes les pierres. […] Ce noble et respectable vieillard était venu me chercher avec ses fils et quelques-uns de ses serviteurs, jusqu’aux environs de Tripoli de Syrie, et m’avait reçu dans son château d’Éden avec la dignité, la grâce de cœur et l’élégance de manières que l’on pourrait imaginer dans un des vieux seigneurs de la cour de Louis XIV.

371. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Chaque siècle joue la sienne et fabrique un beau type : celui-ci, le chevalier ; celui-là, l’homme de cour. […] Il est curieux, quand on a connu l’homme de cour par les écrivains et par les peintres, de connaître par Saint-Simon le véritable homme de cour. […] M. le duc d’Orléans, ayant fait Law contrôleur général, voulut consoler les gens de la cour. […] Comment un Tacite a-t-il subsisté à la cour ? […] « Jamais cour, dit-elle, n’a eu tant de belles personnes et d’hommes admirablement faits.

372. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il peint la cour comme La Bruyère ; mais, au lieu d’entrer dans l’indignation, il tourne prestement du côté de la bonne humeur. […] Un poëte de cour en cette cour est un bien petit personnage, sorte de joueur de luth à gages, obligé par son emploi de chanter respectueusement toutes les choses officielles, compagnon du petit chien pour lequel il fait des vers.

373. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

La défense et illustration de la langue française Un jeune gentilhomme vendomois, Pierre de Ronsard192, obligé, dit-on, par une surdité précoce, de renoncer à la cour, se remet à l’étude : pendant sept ans, avec un de ses amis, Antoine de Baïf, il travaille le grec et pratique les écrivains anciens sous la direction de l’hélléniste Daurat ; il rêve de fabriquer à sa patrie une littérature égale aux chefs-d’œuvre qu’il admire : il rencontre dans une hôtellerie Joachim du Bellay, le doux Angevin, plein des mêmes ambitions et des mêmes espérances. […] Elle méprise ces poètes de cour, guidés, comme dit Du Bellay, Par le seul naturel, sans art et sans doctrine. […] Sous Henri III, il fut de cette Académie du Palais que le roi tenta d’établir : mais le poète de la cour est Desportes ; la gloire de Ronsard ne pâlit pas cependant, et reste entière dans les provinces et à l’étranger.

374. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

supposez un moment qu’après tout à l’heure deux siècles, d’Hacqueville soit revenu au monde, qu’il se mette à se ressouvenir de ce temps-là, à nous entretenir de Mme de Sévigné et de ses amis, à vouloir tout nous dire et ne rien oublier ; imaginez le récit intime, abondant, interminable, que cela ferait, un récit doublé et redoublé de circuits sans nombre et de toutes sortes de parenthèses ; ou, mieux encore, imaginez une promenade que nous ferions à Saint-Germain ou à Versailles en pleine cour de Louis XIV, avec d’Hacqueville pour maître des cérémonies et pour guide : il donne le bras à Mme de Sévigné, mais il s’arrête à chaque pas, avec chaque personne qu’il rencontre, car il connaît tous les masques, il les accoste un à un, il les questionne pour mieux nous informer ; il revient à Mme de Sévigné toujours, et elle lui dirait : « Mais, les d’Hacqueville, à ce train-là, nous n’en sortirons jamais. » C’est tout à fait l’idée qu’on peut prendre du livre de M.  […] Elle crut avoir meilleur marché d’un mari en épousant le marquis de Courcelles, qui n’avait pour lui que d’être neveu du maréchal de Villeroi, et qui surtout lui offrait de s’engager, dans le contrat de mariage, à ne jamais la mener à la campagne (clause capitale), à ne jamais lui faire quitter la Cour. […] Chacun y est plus commodément que chez soi, et plus respectueusement qu’à la Cour.

375. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Mais elle n’entra en possession de tout son génie, de toute sa popularité, de toute sa gloire, qu’à l’époque où cette papauté elle-même, devenue puissance politique en Italie, régna avec toutes les pompes du trône universel des intelligences sur la catholicité, et, chose remarquable, la naissance de la peinture moderne à Rome coïncida avec la renaissance des lettres, de la philosophie et de la mythologie grecques à la cour des papes. […] Une galerie couverte circulait autour de la maison, avec sa balustrade de sapin sculpté ; un escalier extérieur montait du seuil à la galerie ; un bûcher de rondins et d’éclats de bûches blanches de sapin était symétriquement rangé sous l’escalier ; un pont de planches menait de la cour à la grange ; le foin et la paille débordaient comme d’un grenier trop plein par les ouvertures ; des filles et des enfants déchargeaient un chariot de fourrage embaumé, tandis que deux bœufs, dételés du timon, mais encore appareillés au joug, léchaient de leurs langues écumantes les brins des longues herbes qu’ils pouvaient saisir à travers les ridelles du char. […] Mais, si son imagination s’y dessina, s’y modela, s’y colora sur ces beaux types de femmes apennines des Abruzzes, son cour aussi n’y résista pas ; un grand et sombre attrait, prélude, hélas ! […] Elle retourna dans les montagnes avec ses parents ; elle fut donnée par eux pour épouse à un de ces héroïques brigands du même métier ; elle partagea ses aventures, ses expatriations, ses captivités dans les États romains, dans le royaume de Naples, et elle mourut, jeune encore, à la suite du bandit, laissant la tête de son mari clouée, dans une niche de fer, sur un poteau de la route de Terracine, et son enfant orphelin sur la paille d’une cour de prison. […] Jamais l’homme ne fut plus inséparable de l’artiste que dans ce Tasse de l’Helvétie transporté dans une cour exilée à Rome.

376. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Gui Patin en triomphe, et avec une sorte de joie cruelle ; ses lettres de 1644 sont toutes pleines de ses bulletins de victoire : Je vous dirai, écrit-il à Spon (8 mars), qu’enfin le Gazetier, après avoir été condamné au Châtelet, l’a été aussi à la Cour, mais fort solennellement, par un arrêt d’audience publique prononcé par M. le premier président (1er mars). […] Puis après il demanda justice à la Cour pour les usures du Gazetier et pour tant d’autres métiers dont il se mêle, qui sont défendus. La Cour, suivant ses conclusions, confirma la sentence du Châtelet, ordonna que le Gazetier cesserait toutes ses conférences et consultations charitables, tous ses prêts sur gages et vilains négoces, et même sa chimie, de peur, ce dit M.  […] [NdA] Dans l’Extrait des registres de la Cour de parlement (1644) où est relaté le plaidoyer de M. 

377. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Commynes ne passa en effet de la cour de Bourgogne à celle de France qu’en 1472, et n’assista point aux premières années du règne. […]  » Duclos remarquait avec raison que : « l’homme de la Cour le plus instruit ne peut jamais l’être aussi parfaitement qu’un historien à qui l’on remettrait les actes, les lettres, les traités, les comptes, et généralement tout ce qui sert de fondement à l’histoire ». […] Le genre d’observations qui est propre à Duclos est sensé, rapide, mais d’une nature très sobre : J’ai cru devoir donner, dit-il, une idée de l’état de la France et de la cour de Charles VII, pour faire mieux entendre ce qui regarde son successeur : on verra que Louis XI, né et élevé au milieu de ces désordres, en sentit les funestes effets. […] Louis XI, encore Dauphin, dans ses traverses et ses brouilles avec son père, envoie-t-il une lettre circulaire à tout le clergé du royaume pour demander des prières, Duclos ajoute : « Il faisait ordinairement des vœux lorsqu’il se croyait sans ressource du côté des hommes. » Louis XI, Dauphin, se réfugie-t-il en Bourgogne, en se confiant pour l’y conduire au prince d’Orange et au maréchal de Bourgogne, c’est-à-dire à ses deux plus grands ennemis, Duclos dit : « Le Dauphin préféra des ennemis généreux à des amis suspects. » Pendant son séjour à la cour de Bourgogne, le Dauphin montre-t-il le plus violent dépit de ce que son père a nommé d’autres officiers en Dauphiné, Duclos dira : « Il était aussi jaloux de son autorité que s’il ne fût jamais sorti de son devoir. » Si minutieuses que puissent sembler ces remarques, j’ose assurer que, pour les divers livres que j’ai examinés, la part d’originalité de Duclos, dans sa rédaction de l’Histoire de Louis XI, se réduit à peu près à de tels ornements et assaisonnements de narration.

378. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Debout sur un banc de pierre qui l’élevait un peu au-dessus du sol de la cour, les doigts entrelacés aux barreaux de fer qui formaient la claire-voie entre le cloître et le préau, elle avait trouvé sa tribune dans sa prison, et son auditoire dans ses compagnons de mort. […] Le lendemain, on la conduisit au tribunal, accompagnée de vingt-quatre accusés de tout âge et de tout sexe, choisis pour inspirer au peuple le souvenir et le ressentiment de la cour. […] La beauté de la princesse transfigurée par la paix intérieure, son innocence de tout ce qui avait dépopularisé la cour, sa jeunesse sacrifiée à l’amitié qu’elle portait à son frère, son dévouement volontaire au cachot et à l’échafaud de sa famille, en faisaient la plus pure victime de la royauté. […] Chaste au milieu des séductions de la beauté et de la jeunesse, pieuse et pure dans une cour légère, humble dans les grandeurs, patiente dans les cachots, fière devant le supplice, Madame Élisabeth laissa par sa vie et par sa mort un modèle d’innocence sur les marches du trône, un exemple à l’amitié, une admiration au monde, un opprobre éternel à la république. » Amnistier de tels crimes sous prétexte des nécessités révolutionnaires, ce serait déshonorer à jamais toutes les révolutions, car aucune révolution ne vaut le sang d’un juste ; et quand le juste est une femme, sans autre crime que son nom, sa beauté, son innocence, sa jeunesse, dont on a immolé toute la famille, l’histoire qui atténuerait l’horreur contre ce forfait serait pire que les bourreaux qui le commirent.

379. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

J’ai consulté bien des savants : Huet, cet évêque d’Avranche, Qui pour la Bible toujours penche, Prétend qu’un usage si beau Vient de Noé………………… Soyez donc la plume la plus savante de l’Europe, l’homme de la plus vaste lecture qui fut jamais, le dernier de cette forte race des savants du xve et du xvie  siècle, joignez-y dans votre personne et dans votre procédé tout ce qui constituait l’homme poli, l’homme du monde et même de Cour, ce qu’on appelait l’honnête homme sous Louis XIV, et tout cela pour que, sitôt après vous, on ne sache plus que votre nom, et qu’on n’y rattache qu’une idée vague, un sourire né d’une plaisanterie ! […] Chapelain, le Chapelain tant moqué de Boileau, tant estimé de Huet, et qui était, somme toute, et sur bien des matières, un sensé et savant homme11, écrivait sérieusement à ce même Huet, à propos d’une ode et d’une épître latines de celui-ci : « C’est dommage que notre cour ne soit aussi fine dans la bonne latinité que celle d’Auguste, vous y tiendriez la place d’Horace, non seulement pour le génie lyrique, mais encore pour l’épistolaire !  […] Cette passion, qui n’était que dans le ton, tenait au feu de la jeunesse ; cette première rudesse, que l’abbesse voudrait enlever, se polira vite dans le monde et à la Cour. […] Il était à la Cour, et déjà prélat et barbon, qu’il écrivait à Mme de Montespan de fort jolis vers français, En réponse à une invitation à dîner.

380. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Elle était beaucoup plus occupée des Brancas, des Miossens, du chevalier de Grammont, et de tout ce que la Cour avait de jeunes seigneurs aimables, que de son honnête homme de mari, lequel avait la tête faible et finit même par être tenu enfermé dans une chambre comme hébété. […] Qu’on trouve de peuple à la Cour ! […] Elle veut qu’elle aussi, pour être heureuse, elle apprenne à penser sainement, à penser différemment du peuple sur ce qui s’appelle morale et bonheur de la vie : « J’appelle peuple, ajoute-t-elle, tout ce qui pense bassement et communément : la Cour en est remplie. » Ces réflexions philosophiques, qui, plus tard, passeront aisément à la déclamation et à l’excès, percent déjà à l’état d’analyse très distincte chez Mme de Lambert. […] Le marquis de Sainte-Aulaire, au sortir des raffinements de la petite cour de Sceaux, excédé de cette dépense d’esprit, s’écriait assez gaiement : Je suis las de l’esprit, il me met en courroux,         Il me renverse la cervelle : Lambert, je viens chercher un asile chez vous         Entre La Motte et Fontenelle.

381. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Elle s’éloigna de la simplicité naïve de l’autre, pour prendre un caractère de délicatesse et de dignité, qui est une suite de notre gouvernement, et de l’influence que la cour, les femmes et les grands doivent avoir sur la langue dans une monarchie. […] Un bourgeois de Paris, qui écrivait des lettres à un autre bourgeois, ou à un homme de la cour, voulait intéresser comme Cicéron écrivant à Atticus sur César et Pompée, ou comme Pline qui consultait Trajan. […] Faites naître, si vous le pouvez, à Constantinople, un homme avec le génie de l’éloquence, donnez-lui une âme noble et grande, et cette vigueur de sentiments que nous admirons dans les anciens orateurs ; il faudra qu’il l’étouffe ; il faudra qu’il asservisse ses passions généreuses aux circonstances, et dompte son génie ; semblable à ce Grec, qui, fait prisonnier par les Perses, et entraîné loin de son pays, à la cour des Satrapes, forcé de plier à la servitude un caractère qui était né pour la liberté, employait tous les jours le pouvoir de la musique, et le mode le plus capable de porter la mollesse dans l’âme, pour adoucir, s’il était possible, la fierté de la sienne, et supporter l’esclavage et les fers avec moins de regret. […] Enfin, un roi et des hommes illustres à célébrer, une cour sensible à tous les charmes de l’esprit, un clergé plus éclairé, un barreau plus instruit, un gouvernement occupé de la réforme des lois, et les premières dignités de l’église accordées quelquefois aux premiers talents de la chaire, tout cela ensemble contribua à faire naître et à perfectionner parmi nous les orateurs.

382. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

à la Cour ? […] L’usage de la Cour ne prévaudra qu’au début du siècle suivant263.

383. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Beltrame (Nicolo Barbieri), s’étant séparé des Fedeli, forma une troupe avec laquelle il vint à Paris où il reçut un très favorable accueil de la cour et de la ville. […] Le génie français dépassait de beaucoup le génie italien ; et celui-ci, réduit à un rôle inférieur, ne fournissait plus, pour ainsi dire, qu’aux menus plaisirs de la cour et de la nation.

384. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Était-ce là ce chantre célèbre des Muses et des Grâces chez le peuple le plus ingénieux de la terre, cet Athénien de l’île de Téos, attiré avec de si grands honneurs à la cour du tyran de Samos et de Pisistrate, usurpateur d’Athènes ? […] S’il passe une partie de sa longue vie à la cour des tyrans de Syracuse, maîtres bons ou mauvais, généreux ou cruels, mais toujours amis des arts, s’il n’a rien du caractère héroïque d’un Eschyle, que nous voyons cependant aller aussi chercher asile à Syracuse, Simonide, du moins, avait senti en poëte cette gloire des armes qu’il ne partageait pas.

385. (1898) Essai sur Goethe

Ce travail, en grande partie inconscient, s’accomplit avec une extrême lenteur, pendant un séjour prolongé, monotone et vide, dans la petite cour de Weimar. […] Meyer glisse très vite, admiratif et sommaire, en signalant à peine les dangers dont la vie de cour menaça Goethe, mais qu’il sut éviter ; M. […] Budget modeste pour entretenir une cour de vingt-deux personnes, dont la grande-maîtresse, Mme de Puttbus, touchait un traitement de 1.200 thalers. […] Tout notre bonheur a disparu ici : notre cour n’est plus ce qu’elle était. […] Pas une allusion ne rappelle les tragédies dont la cour de Ferrare était d’habitude le théâtre.

386. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Dans l’Éloge de Lieutaud, de ce docteur peu avenant qui fait contraste aux grâces de Lorry, et qui avait gardé même à la Cour un reste d’esprit professorial, il le montre néanmoins habile. […] Il était libéral à la Cour, on peut le penser, et plus optimiste qu’il n’était permis de l’être alors ; la reine l’appelait d’un ton de reproche aimable : Mon philosophe. […] Il semblait avoir à l’avance décrit et prédit son état moral, lorsqu’en mars 1784, dans l’Éloge de Sanchez, médecin de la cour en Russie sous Ivan et devenu victime des révolutions de palais, il avait dit : M. 

387. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Au courant de décembre dernier, un arrêt de la cour de Leipzig donna gain de cause à la famille Wagner. […] La décision de la cour de Leipzig n’ayant été rendue qu’au mois de décembre, M.  […] Avocat à la cour d’appel, il poursuivit en même temps sa carrière littéraire.

388. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

L’inimitié de Colbert, le peu d’habileté de La Fontaine à faire sa cour, un talent peu fait pour être apprécié par le roi, de petites pièces qui paraissaient successivement, ne pouvaient avoir l’éclat d’un grand ouvrage, et semblaient manquer de cette importance qui frappait Louis XIV ; des contes un peu libres, dont on avait le souvenir dans une cour qui commençait à devenir dévote : toutes ces circonstances s’étaient réunies contre La Fontaine, et l’avaient fait négliger. […] Mademoiselle de Montpensier, qui ne la connaissait pas, qui même ne l’avait jamais vue, dit, dans ses Mémoires, que le « marquis de Lafare et nombre d’autres passaient leur vie chez une petite bourgeoise, savante et précieuse, qu’on appelait madame de la Sablière. » Cela veut dire seulement, en style de princesse, que madame de la Sablière avait de l’esprit et de l’instruction, qu’elle voyait bonne compagnie à Paris, et n’avait pas l’honneur de vivre à la cour.

389. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Une fois, à Fontainebleau, quand la Cour y était dans l’automne de 1732, Piron rencontra Voltaire ; c’est toute une petite scène de comédie encore. […] comme les gens de Cour Pont important ! […] Que venez-vous faire à la Cour ? […] Il y était appelé et désiré ; il était nommé, il allait l’être (juin 1753) ; on l’avait même dispensé cette fois des visites d’usage, lorsque les dévots agirent en Cour et qu’il y eut défense de passer outre. […] Et que dit à cela la Cour et sa bonne ville ?

390. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Derrière le bâtiment est une cour large d’environ vingt pieds, où vivent en bonne intelligence des cochons, des poules, des lapins, et au fond de laquelle s’élève un hangar à serrer le bois. […] Cette cour a sur la rue Neuve-Sainte-Geneviève une porte étroite par où la cuisinière chasse les ordures de la maison en nettoyant cette sentine à grand renfort d’eau, sous peine de pestilence. […] Sa tante, Mme de Marcillac, autrefois présentée à la cour, y avait connu les sommités aristocratiques. […] Nous traversâmes une première cour entourée des bâtiments nécessaires aux exploitations rurales, une grange, un pressoir, des étables, des écuries. […] Il était gentilhomme de cœur, incapable de flatter une populace ou une cour.

391. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Mais elles furent bien prises de tout le monde, graces à la haine qu’on portoit à Balzac, à l’ombrage que faisoit son mérite, à quelques distinctions qu’il s’attira de la part de la cour. […] Il leur déclara « que, si elles avoient un peu de courage, elles devoient crever les yeux à Balzac, ou du moins lui faire endurer la peine que les dames de la cour voulurent faire souffrir à Jean de Meun ».

392. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Philosophe avec plus d’imagination que de force d’âme, il devait se plaire et d’abord s’appuyer quelque peu à ces arts élégants, préludes et distractions d’une cour homicide. […] Monte qui voudra sur le faîte, sur le sommet glissant de la cour !

393. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Quand il revient pour la première fois d’Amérique, La Fayette, reçu, complimenté à la cour, exilé pour la forme, est fêté à Paris. […] Il s’agit, en effet, de la France et d’une vieille monarchie, d’une cour à laquelle La Fayette est lié par sa naissance, par des devoirs ou du moins par des égards obligés. […] Quant aux reproches en sens opposé, et pour avoir défendu la Constitution et la royauté de 91 contre les émeutes, ils ne s’adressent pas à la moralité de La Fayette, qui ne faisait que suivre entre la cour infidèle et les factions orageuses la ligne étroite de son serment. […] Une cour restait à bon droit suspecte : la fuite du 20 juin et les révélations subséquentes l’ont assez convaincue d’incompatibilité. […] Cette noble personne écrit, à son tour, à madame d’Hénin : « Je suis charmée que vous soyez contente de ma correspondance avec la cour (de Vienne), et du maintien du prisonnier ; il est vrai que le sentiment du mépris a garanti son cœur du malheur de haïr.

394. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Le mot de « Français » désigne évidemment ici les camarades d’un clan formé dans la cour contre le petit Corse. […] Giubega, conseiller à la cour d’Aix, a bien voulu rechercher, pour M.  […] Le logis, entre cour et jardin, était assez vaste, bien meublé, fort avenant. […] Une imposante mise en scène avait transformé, d’une pompeuse façon, la grande cour du Luxembourg. […] Lucienne souffre volontiers que le lieutenant von Farnow lui fasse la cour.

395. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

On ne conçoit guère aujourd’hui comment la pudeur des princesses et des dames de la cour de Ferrare tolérait de tels écrits lus à haute voix pendant les soirées au palais. On conçoit moins encore comment la cour de Rome, gardienne des mœurs, autorisait par trois brefs l’impression de telles jovialités. […] Elle quitte furtivement la cour, elle est captive dans un château fort. […] Charlemagne, sa cour, Bradamante elle-même, croiront que c’est lui, Léon, qui a conquis ainsi l’héroïque beauté que les chevaliers se disputent. […] Le mariage des deux amants s’accomplit au milieu des fêtes dans la cour de Charlemagne.

396. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Mais, outre que mon caractère était très éloigné de demander, et plus encore de faire la cour au premier venu pour mon avancement, j’avais eu sur cette matière un trop bel exemple dans la personne de mon tuteur, le cardinal Negroni. […] Durant sa prélature il n’avait rien obtenu malgré sa capacité et ses mérites, uniquement parce qu’il ne fit la cour à personne et qu’il ne sollicita rien. […] Enfin, je considérais que, quoique exempt de l’ambition du cardinalat, toutefois, en le regardant comme le terme honorable de la carrière entreprise, l’auditorat de Rote m’y conduisait lentement, c’est vrai, mais certainement, sans avoir besoin de mendier la faveur ou la bienveillance de qui que ce fût, ni de faire la cour à personne, puisque le décanat de la Rote mène à la pourpre d’après l’usage, quand le doyen n’a pas démérité et que l’on n’a véritablement rien à lui reprocher. […] Dix-huit suffrages étaient déjà assurés au cardinal Bellisomi ; Herzan sent le danger pour sa cour ; il obtient un délai nécessaire pour former la brigue du cardinal Mattei, plus agréable à l’empereur. […] Quoique postérieurs à l’élection, ils ont cependant corrélation avec elle en tant qu’ils servent de preuve à ce que j’ai avancé par rapport aux vues de la cour de Vienne sur le choix du nouveau pontife.

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