David, Marie Stuart, Hector, donnent l’air, si vous voulez : la chanson est de Montchrétien. […] Ils ne sont capables que d’analyser, et ils ne savent pas analyser : ils appliquent leur méthode non à l’expérience, mais à des conceptions en l’air. […] Ces jolis abbés, ces colonels galants, ces marquises du bel air, quelle est leur âme intime, leur ressort secret ? Ils papillotent, ils voltigent, ils font leurs grâces, ils sifflent leurs airs. […] Une pointe de sensualité, un air de libertinage, certaine façon d’attacher le goût des femmes à la bonne mine des hommes.
Mais aux premiers mots de littérature, consultation, etc., il prend un air désagréable, migraine, et m’apparaît alors dans une disgrâce réelle. […] monsieur, me dit-il, — et ses paroles sont lasses, et son air est très splénétique, — je vous en prie, ne me parlez pas littérature ! […] fis-je en humant instinctivement de larges bouffées de cet air pur qu’agitait un petit vent du Nord. […] Mirbeau me dit en éparpillant machinalement dans l’air une poignée de feuilles : — La littérature ? […] Nous rîmes de nouveau, lui en laissant dégringoler son monocle, moi d’un air entendu.
Et ne faut-il plus étudier la physique, parce qu’on a respiré pendant plusieurs siécles sans savoir que l’air eut de la pesanteur et de l’élasticité ? […] masque dans le sens propre, signifie une sorte de couverture de toile cirée ou de quelque autre matiére, qu’on se met sur le visage pour se déguiser ou pour se garantir des injures de l’air. […] Les anciens portoient la superstition jusqu’à croire qu’il y avoit des mots de mauvais augure, dont la seule prononciation pouvoit atirer quelque malheur : come si les paroles, qui ne sont qu’un air mis en mouvement, pouvoient produire, par elles mêmes, quelqu’autre éfet dans la nature, que celui d’exciter dans l’air un ébranlement, qui, se comuniquant à l’organe de l’ouie, fait naitre dans l’esprit des homes les idées dont ils sont convenus par l’éducation qu’ils ont reçue. […] Un de nos poètes a dit : leurs cris remplissent l’air de leurs tendres souhaits. Selon la construction ordinaire on diroit plutot que ce sont les souhaits qui font pousser des cris qui retentissent dans les airs.
Ils me représentent, sous un air de jeunesse, la poésie et la philosophie exaltées, enthousiastes et pures, de cette période républicaine, le pendant en littérature d’une marche de Moreau sur le Rhin ou de quelque premier combat d’Italie. […] Jusque-là les orages même avaient laissé jour pour elle à des reflets gracieux, à des attraits momentanés, et, selon sa propre expression si charmante, à quelque air écossais dans sa vie. […] » Elle se rejetait le plus longtemps possible en arrière, loin de ces derniers jours qui répètent d’une voix si rauque les airs brillants des premiers. […] L’air écossais, l’air brillant du début devint bientôt un hymne grave, sanctifiant, austère. […] » Trop à l’étroit dans Coppet et surtout dans son imagination terrible, elle voulait à toute force ressaisir l’air libre, l’espace immense.
« Il y a encore, insinue-t-il d’un air gourmand-et cet encore est ici pour nous le mot capital, — il y a encore dans la poésie de certaines choses ineffables et qu’on ne peut expliquer. […] Ingres un air de violon. […] Mais nous ajoutons aussitôt qu’une chose aussi chétive-quelques vibrations sonores, un peu d’air battu-ne saurait être l’élément principal, encore moins unique, d’une expérience où le plus intime de notre âme se trouve engagé. […] Je veux, moi, que chaque phrase d’un poème, en tant que phrase, née de la logique et de la grammaire, n’ait qu’un sens unique accepté par un oui, ou rejeté par un non. ôtez ce oui ou ce non, il n’y a plus là pour la raison que de l’air battu. […] jamais, dans ce temps-là, je n’ai cherché le sens des chants que tu chantais pour moi ; ma voix se contentait d’en saisir l’air, et mon cœur de danser sur la même cadence.
Tout Mallarmé consiste en ceci : une expérience désintéressée sur des confins de poésie, à une limite où l’air respirable manquerait à d’autres poitrines. […] Cette obscurité, épaisseur, conscience et substance du hasard poétique, elle s’oppose ainsi à la pure clarté du mathématicien, clarté qui, pour le calcul des probabilités, n’est plus que l’espace nu d’où la machine pneumatique de la raison a pompé, comme l’air, tout hasard. […] Evidemment l’air plutôt raréfié dans lequel se passe tout cela, ce monde de réalités pures et de limites abstraites, ces jeux singuliers, seront catalogués par beaucoup sous l’étiquette de ces Néphélococcygies où l’on abstrait de la quinte-essence. […] La moindre âme dans l’air vous fait toutes frémir ; Même, dans sa faiblesse aux ombres échappée, Si la feuille éperdue effleure la napée, Elle suffit à rompre un univers dormant... […] … J’ai vu bondir dans l’air amer Les figures les plus profondes...
Mais, comme Dieu a donné à chacun de nous des organes parfaitement assortis aux éléments du globe où nous vivons, des pieds pour le sol, des poumons pour l’air, des yeux pour la lumière, sans que nous puissions intervertir l’usage de ces sens, il s’est réservé pour lui seul, qui est l’auteur de la vie, le cœur, qui en est le principal organe. […] Les singes, habitants domiciliés de ces forêts, se jouent dans leurs sombres rameaux, dont ils se détachent par leur poil gris et verdâtre, et leur face toute noire ; quelques-uns s’y suspendent par la queue et se balancent en l’air ; d’autres sautent de branche en branche, portant leurs petits dans leurs bras. […] L’air, sans cesse renouvelé par le mouvement des eaux, entretient sur les bords de cette rivière, malgré les ardeurs de l’été, une verdure et une fraîcheur qu’on trouve rarement dans cette île, sur le haut même des montagnes. […] La fraîcheur de l’air, en donnant de la tension aux nerfs, y était même favorable à la santé des blancs. […] Ensuite, elle s’est approchée de Paul d’un air riant, et l’a enlevé avec elle.
Nous ne pensons pas qu’une sensation puisse se produire dans un être vivant sans affecter l’appétit vital : la sensation n’est même, selon nous, qu’une certaine affection de cet appétit ; ce n’est pas un phénomène suspendu en l’air et détaché, c’est la vibration totale d’un organisme vivant et sentant. […] Elle tâte l’air près de sa tête, mais ne le touche pas, s’arrête devant lui en hésitant ; elle se rapproche lentement et l’embrasse sur le front en tressaillant. » La Société pour les recherches psychiques, en Angleterre et en Amérique, s’est livrée à des expériences très patientes et très minutieuses sur la transmission de la pensée à des personnes hypnotisées et même non hypnotisées. […] L’un d’eux, qui n’avait aucune raison d’inquiétude sur son frère, le voit assis sur son lit, l’air triste. […] On peut, dit-il, compter des pas, additionner des nombres, jouer des airs de musique très compliqués, lire à haute voix avec le ton convenable, tout en ayant l’esprit absorbé ailleurs et sans savoir ce qu’on fait : ces actions appartiennent donc à une « conscience inférieure. » — « Chaque homme, ajoute M. […] Le jugement d’attribution est, nous l’avons vu, en germe dans toute image, mais il n’y est qu’en germe, et on peut concevoir qu’une vibration en un point isolé du cerveau, le reste étant comme paralysé, aboutisse à une image sans attribution consciente au moi, presque suspendu en l’air, pour ainsi dire.
Le jeune poëte servait mieux la pensée impériale par deux odes sur les campagnes de 1806 et de 1807, par une autre Au Vaisseau de l’Angleterre, qui a de l’énergie dans la menace : Il n’a pas lu clans les étoiles Les malheurs qui vont advenir ; Il n’aperçoit pas que ses voiles Ne savent plus quels airs tenir ; Que le ciel est devenu sombre… Un jour, en 1808, à Fontainebleau, l’Empereur, qui se souvenait de la méprise de Schœnbrunn et de la visite de Saint-Cyr, et pour qui l’auteur était devenu très-distinct, dit à une dame du palais, qui s’intéressait à M. […] en liberté vous traversez les airs. […] Des transports, selon l’habitude, Là, chargent l’air de mille vœux !
, s’est transformé et ennobli chez Sophocle, lorsque Électre, invoquant la venue d’Oreste, s’écrie dès l’aurore : « O chaste Lumière, et toi, Air divin, enveloppe égale de la terre, que de chants lugubres vous avez ouïs de moi, que de coups retentissants contre ma poitrine sanglante, sitôt que la sombre nuit s’en est allée ! […] mode, bel air, dont les honnêtes gens se piquaient dans leurs poésies légères, dans leurs hendécasyllabes : Pour quelque Iris en l’air faire le langoureux !
Pour un homme de tant de monde, il avait (Retz nous le dit) un air de honte et de timidité dans la vie civile. […] Il faut un peu d’illusion au train de la vie : quand on en sait trop le fin mot, la nature vous retire, parce que, rien qu’à le regarder d’un certain air, on empêcherait le drame d’aller. […] Le moraliste, en souriant, importune l’autre ; il sait la ficelle secrète et gêne les grands airs du conquérant.
Écoutez encore, et remettez-moi ces grimoires de papier, ces sommations et ces actes que Nicolas del Calamayo, le conseil, l’avocat et l’huissier de Lucques, vous a fait signifier l’un après l’autre pour vous déposséder du pré, de la grotte, des champs, des mûriers, de la vieille vigne et du gros châtaignier, au nom de parents que vous ne vous connaissiez pas dans les villages de la plaine du Cerchio ; c’était peut-être une mauvaise pensée qui me tenait l’esprit, ajouta le frère, mais, quand j’ai su la passion bestiale du chef des sbires pour votre belle enfant, sauvage comme une biche de votre forêt ; quand j’ai appris qu’un homme si riche et si puissant dans Lucques vous avait demandé la main d’une fille de rien du tout, nourrie dans une cabane ; quand on m’a dit que la petite l’avait refusé, et qu’à la suite de ce refus obstiné pour l’amour de vous et de son cousin, le sbire s’était présenté tout à coup et coup sur coup, muni de soi-disant actes endormis jusque-là, qui attribuaient, champ par champ, votre petit bien au chef des sbires, acquéreur des titres de vos soi-disant parents d’en bas, je n’ai pu m’empêcher d’entrevoir là-dedans des hasards bien habiles, et qui avaient bien l’air d’avoir été concertés par quelque officier scélérat de plume, comme il y en a tant parmi ces hommes à robe noire qui grignotent les vieux parchemins, comme des rats d’église grignotent la cire de l’autel. […] CCXXXII Mais quand ce message muet eut été ainsi échangé entre nous, je ne pus contenir toute ma joie en moi-même, je saisis toute joyeuse la zampogne suspendue au dossier de mon lit ; sans y chercher aucun air de suite, je lui fis rendre en désordre toutes les notes éparses et bondissantes qui répondaient, comme un écho ivre, à l’ivresse désordonnée de ma propre joie : cela ressemblait à ces hymnes éclatantes que l’orgue de San Stefano jette, parfois, les jours de grande fête, à travers l’encens du chœur, et qui sont comme le Te Deum de l’amour ! Ce fut si fort et si long, monsieur, que le bargello me dit le lendemain : — Tu as donc bien peu de cœur, Antonio (c’est ainsi qu’il m’appelait), tu as donc bien peu de cœur de jouer des airs si gais aux oreilles de ces pauvres gens des loges qui pleurent leurs larmes devant Dieu, et surtout aux oreilles de l’homicide qui compte ses dernières heures sur la paille de son cachot !
Tantôt ce sont des modulations languissantes, quoique variées ; tantôt c’est un air un peu monotone, comme celui de ces vieilles romances françaises, chefs-d’œuvre de simplicité et de mélancolie. Le chant est aussi souvent la marque de la tristesse que de la joie : l’oiseau qui a perdu ses petits chante encore ; c’est encore l’air du temps du bonheur qu’il redit, car il n’en sait qu’un ; mais, par un coup de son art, le musicien n’a fait que changer la clef, et la cantate du plaisir est devenue la complainte de la douleur. » « Il ressemblait à une conque de nacre, contenant quatre perles bleues : une rose pendait au-dessus, tout humide : le bouvreuil mâle se tenait immobile sur un arbuste voisin, comme une fleur, de pourpre et d’azur. […] » Jusqu’alors le père Souël, sans proférer une parole, avait écouté d’un air austère l’histoire de René.
Mais, puisqu’il l’aime tant au fond, pourquoi, parlant du poète, prend-il si souvent un air d’apologie ? […] Mais, dans quelques-unes des préférences de cette sorte, où ce qui représente le mieux le génie de notre race est mis au-dessous de ce qui le représente moins exactement, ne retrouverait-on pas la manie généreuse et bien française de faire bon marché de ce qui nous est propre pour embrasser ce qui porte un air extraordinaire ? […] Les personnages les plus exotiques, vrais au fond, ont donc l’air de contemporains de Louis XIV, qui (avec le même langage et la même allure que les gentilshommes de cette époque) auraient seulement en plus quelques sentiments extraordinaires et originaux.
Mais ces comparaisons ne sont qu’à la surface : Henri IV, sous ses airs de légèreté et de gaieté, était plus avisé et plus politique encore que Sully, et tous deux l’étaient bien plus que le pieux Énée et le fidèle Achate du xiiie siècle. […] C’était un petit livre très bien fait et savant sous air modeste.
Il nous le dit lui-même, à cet âge de cinquante ans passés, il paraissait un peu moins que son âge ; il avait gardé de ses airs vifs de jeune homme ; il avait moins grisonné encore qu’il n’était devenu chauve, mais une mèche (comme cela s’appelle), une mèche bien placée réparait le vide et faisait boucle à son oreille, l’après midi, quand il était coiffé, avec sa bourse et son ruban noir, il pouvait paraître tout à fait galant. […] Aucun sopha alors ne m’attendait à mon retour, et je n’avais point besoin de sopha alors ; la jeunesse répare la dépense de ses esprits et de ses forces en un rien de temps ; par un long exercice elle n’amasse qu’une courte fatigue ; et quoique nos années, à mesure que la vie décline, s’enfuient bien rapidement et qu’il n’y en ait point une seule qui ne nous dérobe en s’en allant quelque grâce de jeunesse que l’âge aimerait à garder, une dent, une mèche brune ou blonde22, et qu’elle blanchisse ou raréfie les cheveux qu’elle nous laisse, toutefois le ressort élastique d’un pied infatigable qui monte légèrement le degré champêtre où qui franchit la clôture ; ce jeu des poumons, cette libre et pleine inhalation et respiration de l’air qui fait qu’un marcher rapide ou qu’une roide montée ne sont point une fatigue pour moi ; tous ces avantages, mes années ne les ont point encore dérobés ; elles n’ont point encore diminué mon goût pour les belles vues naturelles ; ces spectacles qui calmaient ou charmaient ma jeunesse, maintenant que je ne suis plus jeune, je les trouve toujours calmants et toujours ayant le pouvoir de me charmer.
D’un côté, nous avons un Béranger bonhomme, sensible, indulgent et béat, toujours le verre en main et pleurnichant, bénissant le pauvre et la fille légère, trinquant avec le curé joufflu et le vieux sergent, présidant aux danses de la guinguette, de l’air d’un Franklin attendri : voilà un Béranger vulgaire et qui a été cher à beaucoup, qui l’est peut-être encore. […] Chateaubriand, la première fois qu’il le vit, disait qu’il lui avait trouvé « l’air fin et rustique » ; c’était cela.
Aimer Molière, c’est n’être disposé à aimer ni le faux bel esprit ni la science pédante ; c’est savoir reconnaître à première vue nos Trissotins et nos Vadius jusque sous leurs airs galants et rajeunis ; c’est ne pas se laisser prendre aujourd’hui plus qu’autrefois à l’éternelle Philaminte, cette précieuse de tous les temps, dont la forme seulement change et dont le plumage se renouvelle sans cesse ; c’est aimer la santé et le droit sens de l’esprit chez les autres comme pour soi. — Je ne fais que donner la note et le motif ; on peut continuer et varier sur ce ton. Aimer et préférer ouvertement Corneille, comme le font certains esprits que je connais, c’est sans doute une belle chose et, en un sens, bien légitime ; c’est vouloir habiter et marquer son rang dans le monde des grandes âmes : et pourtant n’est-ce pas risquer, avec la grandeur et le sublime, d’aimer un peu la fausse gloire, d’aller jusqu’à ne pas détester l’enflure et l’emphase, un air d’héroïsme à tout propos ?
Le cardinal de Retz, dans le portrait qu’il a donné de La Rochefoucauld, fait une sorte d’allusion confuse et lointaine à cette pièce, quand il dit : « Cet air de honte et de timidité, que vous lui voyez dans la vie civile, s’était tourné dans les affaires en air d’apologie.
Émile, qui va dans le monde comme on irait en pays ennemi, s’est fait de bonne heure une contenance qu’il nous définit ainsi, à un moment où il juge à propos de la modifier : « Au lieu de cet air grave qu’on m’avait reproché si souvent, comme me donnant un maintien important et dédaigneux, je conservai le ton railleur et caustique que j’avais adopté pour me dispenser de répondre directement aux questions… » Il a souvent rencontré un jeune homme, Édouard de Fontenay, qui l’a regardé d’un air qui lui déplaît ; il a résolu de lui donner une leçon.
Surprise à cette vue, le passage subit des affres de la mort à l’excès de la vie amollissait son cœur et brisait son courage ; l’air était embrasé, des nuages de pourpre passaient devant ses yeux ; on l’entourait, un prêtre de Bacchus versait à flots le vin à ses lèvres entrouvertes ; on entonnait le chœur des Corvbantes, et, la prenant par la main, on l’entraînait dans la ronde en délire, jusqu’à ce qu’enfin, haletante, épuisée, elle tombait à son tour ivre de volupté. » Et Herman, pour toute réponse, oublieux et enivré, s’écrie : « Que tu es belle ainsi, ô ma belle jeunesse ! […] Sous le premier Empire, la joie était redevenue une pure joie, une joie naturelle, pétillante, sans arrière-pensée, la joie du Caveau et des enfants d’Épicure ; mais après 1830, aux environs de cette date nouvelle, l’imagination reprit son essor ; le plaisir ne se produisait lui-même que sous air de frénésie et dans un déguisement qui le rendait plus vif, plus divers, plus éperdu, donnant l’illusion de l’infini ; il fallait, même en le poursuivant, satisfaire ou tromper une autre partie de soi-même, une partie plus ambitieuse et plus tourmentée.
Cervantes était allé, pour changer d’air, à la petite ville d’Esquivias, pays de sa femme ; mais il revint peu après à Madrid sans avoir trouvé de soulagement et en sentant son mal empiré ; ce mal dont on ne dit pas le principe et le siège se traduisait par un hydropisie : « Il advint, cher lecteur, nous dit Cervantes, que deux de mes amis et moi, sortant d’Esquivias (lieu fameux à tant de titres, pour ses grands hommes et ses vins), nous entendîmes derrière nous quelqu’un qui trottait de grande hâte, comme s’il voulait nous atteindre, ce qu’il prouva bientôt en nous criant de ne pas aller si vite. […] Je l’embrassai, il m’offrit ses services, puis il piqua son âne et continua son voyage, chevauchant d’un air fier et me laissant fort triste et peu disposé à profiter de l’occasion qu’il m’avait donnée d’écrire des plaisanteries. — Adieu, mes joyeux amis ; je me meurs, et je désire vous voir bientôt tous contents dans l’autre vie. »11 C’est ainsi que pour ce charmant esprit tout servait de texte à gaieté et à raillerie sans amertume.
Un homme vain, fastueux, un roué habile, un ambitieux toujours aux aguets, allant à ses fins sous des airs d’extravagance, tout occupé de faire sa cour, à se trouver sur le passage du roi, à le lasser de son assiduité jusqu’au moment où il enleva la faveur ; à la guerre, un homme qui n’était pas embarrassé à se donner les honneurs des services d’autrui et à leur ravir leur part de récompense, comme il le fit pour Coligny dans cette croisade de 1664 en Hongrie ; pendant la paix, le plus effronté des courtisans et un somptueux flatteur en plein soleil et en place publique ; mais que dis-je et de quoi me mêlé-je avec mes couleurs délayées ? […] Il y a à cela des raisons sans nombre et de tous les instants, que sentent les contemporains, qu’on respire dans l’air, dont l’impression se communique dans la tradition immédiate, et que rien ne peut suppléer.
Cet épicuréisme, notez-le bien, caché assez souvent sous de grands airs de croyance et de religiosité, a été la plaie secrète de la poésie en ce temps-ci ; il s’étend plus loin qu’on ne croit, il a gagné et corrompu les plus hauts talents, et je n’en prétends exempter personne. […] On y peut rire tant qu’on veut et prendre son plaisir, mais il ne faut pas avoir tellement l’air d’admirer.
Hervé passa bientôt sur la chaussée devant elles au petit trot ; il les regarda d’une façon assez marquée ; mais, ne les ayant jamais vues au dehors, ne s’étant jamais demandé apparemment ce que pouvait être Christel avec sa souple et fine taille en plein air, il ne les reconnut pas à temps et ne les salua pas. […] Un mouvement brusque eût éclairé sa fille, l’eût avertie qu’elle s’était trahie, eût, pour ainsi dire, donné de l’air à cet incendie secret qui autrement, toute issue fermée, avait chance de s’étouffer peut-être.
Personne, en France, avant Boileau, n’avait nettement conçu ni formulé ce grand principe de l’imitation de la nature, et tous les mots dont on se servait : vérité, bon sens, avaient en soi un air d’abstraction ou un sens subjectif, qui faisaient glisser la littérature dans la sèche logique, ou l’abandonnaient à la tyrannie du goût individuel et de la mode. […] La lutte s’anima : chaque parti mettait toutes ses forces en ligne ; si La Fontaine vengeait négligemment les anciens dans son exquise Épître à Huet, Fontenelle apportait au secours de Perrault sa finesse charmante et ses airs séduisants d’homme impartial et détaché, dans son Discours sur l’Églogue et sa Digression sur les anciens et les modernes.
Marivaux est trop près de Fontenelle, pour qu’on s’étonne de le voir prendre ce rôle : il le fait sans violence et sans âpreté, avec une grâce malicieuse, semant les hypothèses et les paradoxes de l’air d’un homme qui n’en soupçonne pas la portée. […] Autour de ses couples d’amoureux, Marivaux groupe diverses figures : les unes qui ont un air de réalité, sans être tout à fait prises dans la vie contemporaine, des pères indulgents et bonasses, des mères parfois tendres, plus souvent, et plus exactement, dures, grondeuses, acariâtres, des paysans trop spirituellement finauds et lourdauds ; les autres, types de fantaisie, des Arlequins, et des Trivelins, des Martons, et des Lisettes, valets et soubrettes délurés, à peine fripons, diseurs de phébus, et parodiant en bouffonneries quintessenciées le fin amour des maîtres.
Il remue les lèvres, dit son chapelet, baise la petite croix de temps en temps Un peu plus loin, un petit frère de la Doctrine chrétienne, figure naïve, de bonnes grosses joues, crâne pointu avec le rouleau de cheveux sur la nuque : on voit de ces silhouettes dans les Contes drolatiques illustrés par Gustave Doré Plus loin encore, un homme sans âge, barbe à tous crins, front haut, serré aux tempes, des yeux brillants, l’air farouche, un de ces masques durs de fanatiques comme on en rencontre aussi dans les réunions anarchistes : avec d’autres pensées, le cerveau est certainement le même Mais le peuple, où est-il ? […] Car ils lui empruntaient sa fragile apologétique sans le grand souffle qui la soutenait (en l’air), ses bizarreries de style sans sa prestigieuse imagination, toute sa manière enfin sans s’apercevoir qu’ils n’avaient ni ses dons originaux ni surtout son public.
Chacun de ses personnages ne nous est présenté que dans les instants où il agit ; et il n’est pas un de ses sentiments qui ne soit accompagné d’un geste, d’un air de visage, commenté par une attitude, une silhouette. […] Ces dessous ne sont pas exprimés, c’est vrai, mais la pantomime de ces véridiques et vivantes marionnettes est si juste que chacun de leurs gestes ou de leurs airs de tête nous révèle leur âme et tout leur passé ; et je ne croirai jamais qu’un romancier qui, rien qu’en notant des mouvements extérieurs et de brefs discours, a pu suggérer à M.
Ils ont tous l’air de fous. […] Claude Lantier n’est pas seulement un artiste incomplet : c’est un malade, et qui a tout l’air d’un imbécile.
Ces idées ne s’enseignaient à aucune école ; mais elles étaient dans l’air, et son âme en fut de bonne heure pénétrée. […] Des tourterelles sveltes et vives, des merles bleus si légers qu’ils posent sur une herbe sans la faire plier, des alouettes huppées, qui viennent presque se mettre sous les pieds du voyageur, de petites tortues de ruisseaux, dont l’œil est vif et doux, des cigognes à l’air pudique et grave, dépouillant toute timidité, se laissent approcher de très près par l’homme et semblent l’appeler.
[Albert Boissière] La main, lourde, gauche, ne déplairait pas en plein air, au rythme des besognes rurales ; elle amuserait quand, à la veillée, son geste franc et qui s’ignore accompagnerait quelques massives plaisanteries ballotées aux vagues du rire. […] L’idée, dès lors, était dans l’air comme une de ces épidémies qui frappent toujours les cerveaux faibles.
Pas plus que Montaigne, il n’aime le style livrier ou livresque, celui qui sent l’encre et qu’on n’a jamais que la plume à la main : « Il faut qu’il y ait, dans notre langage écrit, de la voix, de l’âme, de l’espace, du grand air, des mots qui subsistent tout seuls, et qui portent avec eux leur place. » Cette vie qu’il demande à l’auteur, et sans laquelle le style n’existe que sur le papier, il la veut aussi dans le lecteur : « Les écrivains qui ont de l’influence ne sont que des hommes qui expriment parfaitement ce que les autres pensent, et qui réveillent dans les esprits des idées ou des sentiments qui tendaient à éclore. […] Il ne hait pas un certain air de recherche, et y voit plutôt un malheur qu’un défaut.
Joubert a très bien dit de lui et de son style qui affecte le nombre oratoire : « Le style de Dussault est un agréable ramage, où l’on ne peut démêler aucun air déterminé. » Des quatre critiques mentionnés ici, et sous son extérieur orné, Dussault, quand on y regarde, paraît le plus faible. […] Ce léger bégaiement d’Hoffman ne lui nuisait pas en causant ; cela lui donnait le temps de balancer sa réponse, et sa malice en prenait souvent un air de naïveté.
Nature ardente sous ses airs de sécheresse, elle voulait repousser ce mortel ennui à tout prix ; il semblait qu’elle portât en elle je ne sais quel instinct qui cherchait vainement son objet. […] Elle avait autrefois fait une parodie de la tragédie d’Inès de Castro sur l’air de Mirliton.
Il ne le place qu’après l’étude de l’histoire, après celle de la jurisprudence et de la religion ; il lui a fallu quelque courage, on le sent, pour ajourner le moment de parler de cette étude pour lui la plus attrayante et la plus chère : Il me semble, dit-il, qu’en passant à cette matière je me sens touché du même sentiment qu’un voyageur qui après s’être rassasié pendant longtemps de la vue de divers pays, où souvent même il a trouvé de plus belles choses, et plus dignes de sa curiosité, que dans le lieu de sa naissance, goûte néanmoins un secret plaisir en arrivant dans sa patrie, et s’estime heureux de pouvoir respirer enfin son air natal. […] Ses répréhensions mêmes, assure-t-on, et on n’a pas de peine à se le figurer, avaient plutôt l’air d’une effusion que d’une réprimande.
Colbert entrait dans son cabinet, on le voyait se mettre au travail avec un air content et en se frottant les mains de joie, mais que depuis il ne se mettait guère sur son siège pour travailler qu’avec un air chagrin et même en soupirant.
* * * — Aujourd’hui, pendant la messe de mort de Mme X…, je pensais à la beauté jolie de ses vingt-huit ans, au rosé de fleur de sa peau, à la grâce molle de sa taille, et je me revoyais, de quatorze à dix-sept ans, enfantinement amoureux d’elle, et tout heureux de me frotter à ses robes de mousseline blanche, de me trouver dans l’air où elle vivait. […] Il entre avec cet air lugubre et hagard qui particularise ses entrées.
Mais le vers de M. de Régnier, même s’il a un air de « vers libre », demeure, avec des innovations purement musicales, le vers syllabique : après Verlaine, nul liseur de vers ne peut chez lui se trouver dépaysé . […] Les airs commencés ne sont jamais finis.
Elle goûtait fort, au début, ces divertissements scéniques où l’auteur, avec des petits airs indépendants, la flattait jusque dans ses ridicules et lui rendait, par ses complaisances, la pratique de la vertu si facile. […] Sa lanterne, qui lui servait à chercher un homme, avait de faux airs de lustre ou de candélabre.
Si les grands maîtres se retirent, les subalternes se retireront, ne fût-ce que pour se donner un air de grands maîtres ; bientôt les murs du Louvre seront tout nuds, ou ne seront couverts que du barbouillage de polissons, qui ne s’exposeront que par ce qu’ils n’ont rien à perdre à se laisser voir ; et cette lutte annuelle et publique des artistes venant à cesser, l’art s’acheminera rapidement à sa décadence. […] Dites que ces papiers me donneraient un air de méchanceté, de fausseté, de noirceur et d’ingratitude.
Son exposé, où la prévention se cachait mal sous un air d’impartialité, fut, pendant quelque temps, l’objet d’une controverse que fit taire bientôt le fracas des événements et des intérêts politiques. […] Un ou deux s’en sont excusés de l’air dont on s’en vanterait ; mais ils se sont trompés, ils n’étaient pas si coupables.
On a cru se donner à soi-même l’air savant en discutant Renan, au lieu d’en rire. […] C’est un rabâchage de choses qu’il a dites, et mieux dites, sur l’indépendance et le désintéressement absolus de la science, et sur la différence qui existe entre la critique et la théologie… Et voilà probablement la raison pour laquelle les journaux, ces échos des livres quand les livres ont de la voix et de la sonorité, ont laissé, en toute indifférence, Renan se morfondre à jouer de sa guimbarde ordinaire dans le petit coin de son introduction… Et on ne peut pas même dire « autre guimbarde », comme on dit parfois « autre guitare » ; car Renan ne varie ni son instrument, ni sa manière de jouer, ni son air.
L’Idée de Dieu ne passe pas une seule fois dans le cœur ou dans la pensée de ces vagabonds et de ces mendiants dont il est le rhapsode, — dont il chante les Odyssées et les Idylles sur ce noir violon de ménétrier, brûlant et sinistre, qui vous émeut tant, et qui met jusque dans les airs de l’amour toutes les férocités de la vengeance contre la misère de la vie. […] En une foule de pièces, comme, par exemple : Vieille statue, La Flûte, Le Bouc aux enfants, etc., je cherche le ménétrier des gueux et je ne trouve qu’un épicurien, un lettré, un renaissant et même un mythologue, qui croise André Chénier avec Mathurin Régnier et Callot ; Lisez surtout la pièce : Vieille statue : Ô Pan, gardien sacré de cette grotte obscure …………………………………………………… Toi qui ris d’un air bon dans ta barbe de pierre !
L’autre dira : — Je suis tout étourdi par cet air si vif ; nous autres Parisiens, vous comprenez… Les plus ingénieux envelopperont leur certificat d’origine civilisée dans un compliment pour la campagne ou la mer. […] Et madame de Sévigné, malgré les grands airs qu’elle prend d’aimer les Rochers et leurs habitants, bien qu’on puisse voir en elle une aïeule des bergères patriciennes de la fin du xviie siècle, n’est au fond qu’une Parisienne parisianisante, qui regrette Paris dès qu’elle a mis le pied en Bretagne.
Ni faits précis, ni exemples distincts, jamais d’exordes nets, des courses à droite et à gauche à travers des citations inutiles et des questions accessoires, de grands mots qui semblent des vessies enflées d’air. […] Celui-ci avait le gosier solide ; quoique ses airs soient très-monotones et souvent faux, ils valent la peine d’être déchiffrés.