/ 3738
69. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Il faut en prendre notre parti. […] La pensée prend ainsi une plasticité étonnante. […] L’imitation musicale est possible, nous y prenons plaisir et nous sommes libres. […] À partir de ce moment, on est pris, saisi, entraîné. […] Elle ne prendra une forme arrêtée que lorsqu’elle se sera moulée dans une phrase.

70. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

En général pourtant, les esprits les plus distingués entre ceux qui ont pris part aux grandes choses, mettent leur honneur et leur bon goût, quand ils en écrivent, à être ou à paraître simples. […] La différence est à la vue comme dans les noms. » Laissons les environs de Paris, et ne prenons que les autres lieux de la « douce France », comme disait Henri. […] Les ennemis ont pris l’île de Marans devant mon arrivée, de façon que je n’ai pu secourir le château… Ainsi tout se gâte vite. […] Les ennemis l’ont pris ; Henri le reprendra. […] De telles occasions n’étaient pas une gêne pour d’Aubigné, qui prit la balle comme elle lui venait, et qui fit ici le rôle que fera plus tard Sully, consulté de même au sujet de Gabrielle.

71. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Et je prendrai tout d’abord pour exemple cette Anthologie même qui paraît aujourd’hui traduite au complet : il y a certes du mélange dans ce nombre si considérable d’épigrammes ; mais, en général, et à n’en prendre que la meilleure partie, tous les érudits gens de goût en ont fait leur régal ; Grotius les a traduites, d’après le recueil de Planude, en vers latins élégants ; les poètes de tout pays s’en sont inspirés, et souvent une seule goutte de cette liqueur exquise, tombée dans leur coupe, a suffi pour aiguiser le breuvage. […] Un homme instruit, et que j’estime assez, quand il s’en tient à des questions de sa compétence, — les simples questions de grammaire, — a pris les devants. […] on l’ignore, mais sans doute le plus fort et le plus beau des enfants de la lumière, prend possession de cette terre bénie qui fut depuis la Grèce. […] Aussi, j’y ai souvent pensé : de même qu’autour d’un vaisseau menacé d’être pris par les glaces, on est occupé incessamment à briser le cercle rigide qui menace de l’emprisonner, de même chacun à chaque instant devrait être occupé à briser dans son esprit le moule qui est près de prendre et de se former. […] Nous avons une morale pratique plus largement humaine, qu’on la prenne chez saint Vincent de Paul ou chez Franklin.

72. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Il s’est pris ensuite à Catilina, après Salluste (1844). […] Aujourd’hui nous prendrons idée de son procédé dans l’histoire du faux Démétrius. […] Revêtu d’une robe de moine, comme un malade désespéré, il reçut les sacrements, et, selon l’usage du temps, prit un nom de religion. […] Si on prend les deux études qu’il a publiées jusqu’ici sur l’histoire romaine, M.  […] Je prends pour points de comparaison chez M. de Musset Emmeline, par exemple, ou encore Frédéric et Bernerette, ces esquisses de cœur et de jeunesse, légères et touchantes.

73. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

— Prenez par mademoiselle M…, lui répondit-on. […] Quant au blanc, il prend celui du billard, ou gratte les murs de sa loge. […] Son ami, impatienté, prend un fusil et le décharge par la fenêtre de la salle à manger. […] En une seconde son parti est pris. […] Quel plaisir pouvait-on prendre à mâcher une plante amère, endormant les facultés de l’intelligence ?

74. (1900) Molière pp. -283

Il prend la circonstance la plus vulgaire, celle de tous les jours. […] Je ne le prends dans aucun de ces deux sens, ou plutôt je mêle les deux sens. […] Où il l’a pris ? […] Prenez-y bien garde ! […] Fleurant ne s’offensait point qu’on le prît pour un apothicaire.

75. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Sera-t-elle fidèle, sera-t-elle parjure, coquette ou simple, éprise d’un seul homme ou livrée à qui voudra la prendre ? […] Alors il prend son livre ou sa comédie et il commence… Ah ! […] Janin se disait critique à toute force ; on voulait le prendre pour tel. […] Prenons donc l’autre côté de la question et convenons que M.  […] Sainte-Beuve prit son système en passion.

76. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Mais c’eût été mettre sur le même rang tous les systèmes où sont censées avoir été prises toutes les mesures. […] J’ai pris des images quelconques, ou mieux des pellicules sans images, pour figurer votre avenir, que je ne connais pas. […] Ne me prenez pas pour un métaphysicien, si vous appelez ainsi l’homme des constructions dialectiques. […] Mais nous devons maintenant nous occuper de l’aspect spécial que prend la quatrième dimension dans l’EspaceTemps de Minkowski et d’Einstein. […] Prenons maintenant le cas plus général où les événements A′ et B′ se passent à des moments différents pour l’observateur en S′.

77. (1910) Rousseau contre Molière

Des moyens que prendra Molière pour rendre Alceste ridicule quelquefois. […] » Ils n’ont pas laissé de la prendre pour cela, la plupart, car les habitudes d’esprit sont terriblement contraignantes, mais cependant Racine avait pris des précautions assez véhémentes, si je puis dire, pour que quelques-uns aient pris Andromaque pour ce qu’elle était. […] Remarquez-vous que, quand il est bon, il prend un détour ? […] Elles s’en prennent à nous des défauts que nous leur reprochons. […] qu’elle s’y prend bien mieux que cela !

78. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Des viveurs ont pris leur place. […] vous voyez bien que votre mari l’a pris pour une femme ! […] » et il les prend au collet. « Pas de caquetage, babouins ! […] Et là-dessus il prend l’hiver à partie, l’apostrophe longuement. […] Je veux qu’on me prenne par surprise.

79. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Chose plus étrange encore, cet écrivain qui a passé son enfance à rôder par les rues de Londres et qui, dans son âge mûr, avant de se mettre à une de ses œuvres, éprouvait le besoin de parcourir la ville, de prendre un bain de foule, donne de cette désolante et monumentale métropole une image si fantastique, déformée, poussée au grotesque et à l’amusant, qu’on la prendrait, dans ses livres, pour quelque double grossi et enfumé de Nuremberg ou de Harlem.  […] Que l’on prenne dans David Copperfield la scène où le distingué et loquace M.  […] Micawber, à l’instigation de sa femme, prend la résolution de jeter le gant à la société, la sommant de lui donner une position digne de ses talents. […] Quand Daumier veut faire rire des villégiatures dominicales des bourgeois, les environs de Paris prennent dans ses lithographies des airs de Sahara. […] Tout cela est aisé à distinguer ; il paraît certain que la prédominance des facultés affectives a nui chez l’écrivain anglais au plein développement de l’intelligence, et qu’elles en ont pris, du même coup, quelque futilité puérile.

80. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Il prend le nom de Molière. […] Il est pris d’une convulsion sur la scène. […] Elle prit le nom très exigeant de « l’Illustre Théâtre ». […] La rougeole l’avait pris à son tour. […] Boursault, quelque temps après, prit sa revanche avec bien de l’avantage.

81. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

J’avais parcouru la galerie des Batailles, la salle des Maréchaux, celles des diverses campagnes ; j’avais vu des sacres de rois ou d’empereurs, des cérémonies royales, des prises de villes, des généraux, des princes, des grands seigneurs, des figures sottes ou insolentes, quand tout à coup je me pris à me demander : Où est donc la place de l’esprit ? […] Un pauvre moine défroqué, qui n’échappa à ses ennemis que parce qu’il plut à quelques petits princes de le prendre sous leur protection. […] que vous êtes bons de vous y laisser prendre. […] L’homme raffiné trouve niaises les choses auxquelles le peuple et l’homme de génie prennent le plus d’intérêt, les animaux et les enfants. […] Prenez le chrétien des premiers siècles ; la religion est bien toute sa vie spirituelle.

82. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Mais si vous prenez les facultés dans ce qu’elles ont d’extrême, le contraste et même la contradiction se manifestent. […] Sans doute, et nous le savons assez, il ne triait pas beaucoup dans ce qui venait à sa connaissance, il prenait un peu de toutes mains. […] La manière dont est pris le roi Jean est bien contée. […] je l’ai pris !  […] Après le grand tableau, il faudrait le prendre dans l’épisode, dans l’anecdote militaire et chevaleresque, dans les mille incidents et tableaux de genre qui sont ses vignettes à lui.

83. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Mais le moyen qu’a pris Voltaire est-il donc si mauvais ? […] En arrivant à ces chapitres, d’ailleurs si piquants, son parti était pris. […] La pensée qui lui fait prendre la plume est de railler des abus ; mais s’il s’en présente un par trop criant qui le prenne aux nerfs, il éclate, et l’on entend le cri de la douleur vraie parmi des moqueries. […] Il ne prend pas tout ce qu’on lui donne ; bon moyen de s’assurer d’autant plus ce qu’il prend. […] Les erreurs de cet esprit si juste sont des jugements intéressés où il a pris sa commodité pour règle.

84. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Elle a pris de la science le côté orgueilleux, égoïste, insociable. […] Dès ce moment, Alfred a pris son parti ; il épousera madame de Gaston. […] Un poète qui prend son art au sérieux, et M.  […] Hugo a pris dans l’histoire le baptême de son idée. […] Non ; mais pour les poétiser, il faut s’y prendre autrement.

85. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Quelle duperie ridicule de prendre les soucis de la grandeur, et seulement ses soucis ! […] nous sommes bien revenus de ces prises à partie du public par les auteurs. […] Il prend son disciple (car il en a eu) et il le soumet à cette violente épreuve : plus d’un tempérament s’y est aguerri. […] La Vie de Mozart est réellement tirée d’un ouvrage de Schlichtegroll, auteur très connu en Allemagne, et qu’on a eu le tort, en France, de prendre pour un nom supposé. […] Paris, 1801 ; in 8º de 68 pages. » Tout ce qui se trouve dans Beyle, à partir de la page 329 jusqu’à la page 354, est pris dans cette brochure.

86. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Ce qui est certain, c’est que les princes manquant, ce furent les grands les plus rapprochés qui prirent leur place, qui eurent l’initiative et le commandement des révoltes à main armée ; et la maison de Rohan se trouve au premier rang dans ce rôle actif. […] Il croyait avoir au fond de sa conscience (ce sont là les sophismes de l’esprit de faction) de quoi se relever de l’engagement qu’il venait de prendre, et de quoi s’absoudre en dernier ressort. […] Il prétend, à travers tout, être resté un bon Français ; il a toujours l’air de ne prendre les armes que malgré lui, à son corps défendant, et parce qu’il ne peut en honneur s’en empêcher sans manquer à son devoir et au bien des Églises. Mais les armes une fois prises, il ne les dépose que lorsqu’il n’y a plus moyen de prolonger la lutte, et il n’est pas d’expédients qu’il n’emploie pour obliger les siens à l’imiter, à le suivre jusqu’au bout. […] Celui-ci avait promis au roi d’Angleterre de prendre les armes après que l’armée anglaise aurait fait sa descente dans l’île de Ré, et il tint parole.

87. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Les affaires d’ailleurs, au moment où il les prit en main, étaient dans la situation la plus déplorable. […] On s’accoutume à tout : je crois cependant que l’habitude de ne pas manger n’est pas bien facile à prendre. […] Les alliés eux-mêmes semblaient un peu engourdis ; ils se contentèrent pour principal exploit de prendre Bouchain. […] S’il arrivait ce malheur à l’armée que vous commandez, quel serait votre sentiment sur le parti que j’aurais à prendre pour ma personne ? […] Il ne s’est pas posé un seul instant cette question bien simple : Où en était la France si le prince Eugène prenait Landrecies ?

88. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Plus tard, dans la poursuite de l’armée anglaise commandée par Moore, Ney, tenté un moment de prendre la meilleure direction, n’ose le faire de son chef, et il ne vient plus ensuite qu’en réserve derrière Soult. […] Le parti qui me reste à prendre n’est pas difficile à préjuger : je dois soutenir mon rôle et savoir mourir au besoin. […] Cet art des grandes combinaisons, qui avait fait tant de fois son triomphe, ne trouvait plus ici à quoi se prendre et s’évanouissait. […] Pris d’une fluxion de poitrine et d’une fièvre ardente, il gisait étendu sur la paille dans une des cabanes près des ponts. […] Je prie Votre Excellence de daigner prendre ma demande en considération et me recommande à sa bienveillance. » Les dernières rencontres l’avaient remis dans l’esprit de l’Empereur.

89. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Quelques bons juges ne se laissèrent point prendre à de si pauvres raisons, et ils reconnaissaient la main de Richelieu en plus d’un passage ; pourtant la question ne fut tout à fait éclaircie qu’en 1823, lorsque M.  […] Un de ses frères, qui était pourvu de l’évêché de Luçon, s’étant fait chartreux, Richelieu dut prendre la soutane pour ne pas laisser échapper cet évêché qui était dans sa famille. […] Les princes et les grands, de tous côtés, relevaient la tête et prenaient les armes ; les protestants ressaisissaient l’occasion de se confédérer et de former un État dans l’État et contre l’État. […] Les grands seigneurs complices du prince de Condé, le voyant pris, se sauvent et sortent de Paris à l’instant. Il en est, comme M. de Vendôme, qu’on fait mine de poursuivre ; mais l’envie qu’il avait de se sauver était plus grande que n’était l’envie de le prendre en ceux qu’on avait envoyés.

90. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Puis ce désir d’« intégration » a pris une autre forme, car mon socialisme procédait de là pour une large part.‌ […] Maintenant le pli est pris. […] Abraham Bloch, l’aumônier israélite, qu’il prend pour l’aumônier catholique. […] Chaque fois que j’avais une décision à prendre, je pensais à Lui et j’étais tranquille.‌ […] Je ne peux cependant vous apporter des « textes » qu’en vous demandant formellement de ne les prendre que comme anonymes.

91. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Or, ce n’est point ainsi que vous vous y prenez — force vous est de recourir à une méthode toute différente, qui tient le milieu entre celle de l’historien et celle du juge d’instruction. […] Après avoir écouté attentivement, il prit la parole et s’exprima à peu près en ces termes : « Tout ce que vous dites m’intéresse beaucoup, mais je vous demande de réfléchir avant de tirer une conclusion. […] Je n’ai que faire de la comparaison du nombre des « cas vrais » à celui des « cas faux » ; la statistique n’a rien à voir ici ; le cas unique qu’on me présente me suffit, du moment que je le prends avec tout ce qu’il contient. […] La science moderne est donc fille des mathématiques ; elle est née le jour où l’algèbre eut acquis assez de force et de souplesse pour enlacer la réalité et la prendre dans le filet de ses calculs. […] J’ai montré ailleurs qu’elle se contredit elle-même dès qu’on la prend au mot.

92. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

On la lui avait accordée sans prendre des informations suffisantes. […] L’Hôtel de ville fut pris et les chefs des factieux furent faits prisonniers avant la nuit. […] Il vint me prendre un matin, seul, en poste, dans sa calèche de voyage. […] Les deux partis opposés mettaient beaucoup d’importance à cet engagement que je devais faire pour ou contre eux. « Prenez-y garde ! […] Mais l’amour prend tous les masques innocemment, même celui de la vertu : c’est toujours l’amour.

93. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

L’esprit gaulois Je voudrais, pour parler de La Fontaine, faire comme lui quand il allait à l’Académie, « prendre le plus long ». […] Laissez-nous prendre comme lui le chemin des écoliers et des philosophes, raisonner à son endroit comme il faisait à l’endroit de ses bêtes, alléguer l’histoire et le reste. […] La terre, un peu sèche et pierreuse, ne leur donne guère que du pain et du vin ; encore ce vin est-il léger, si léger que les gens du Nord, pour y prendre plaisir, le chargent d’eau-de-vie. […] Boccace prend le plaisir au sérieux ; la passion chez lui, quoique physique, est véhémente, constante même, fréquemment entourée d’événements tragiques et médiocrement propre à divertir. […] Il prend l’amour comme un passe-temps, non comme une ivresse.

94. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Ces Mémoires qui révèlent la Russie à elle-même, et qui sont , dit l’introduction avec l’enflure des joues d’un sonneur de trompe, un de ces ouvrages hardis et venus à propos qui agissent fortement sur les idées d’un peuple et prennent date dans son histoire , méritent fort peu ce grand fracas, et s’ils prennent date quelque part, ce ne sera pas dans l’histoire des mœurs et des institutions de la Russie, mais dans la belle histoire aux pages vastes et vides de la littérature Russe ; car ces Mémoires étincellent d’un talent très vif, et le talent littéraire, comme on le sait, ne neige point là-bas14… Seulement, hors cela, — le talent littéraire que nous allons tout à l’heure mesurer, — il n’y a réellement pas dans le livre d’Yvan Tourgueneff de quoi justifier les illusions de son enthousiaste traducteur. […] Tourgueneff raconte quelque touchante histoire, saisie au vol ou ramassée à l’affût, quand il nous peint, comme Sterne le fait souvent avec une perfection si divinement désespérante, et comme tous les humouristes le font avec plus ou moins de talent, ces têtes étranges dans lesquelles l’humanité prend des plis et des creux que l’on n’oublie plus dans les physionomies humaines, une fois qu’on les a contemplées, M.  […] Seulement, il est bien obligé de la prendre, cette chose, où elle se trouve, pour lui qui n’est pas un voyageur, c’est-à-dire de la prendre dans le milieu où Dieu l’a placé. […] Charrière à travestir le chasseur invisible en seigneur russe écrivant visiblement ses Mémoires, et à faire prendre à son livre, sans craindre la réfutation par le livre lui-même, « ce caractère de témoignage de l’aristocratie russe sur la situation du pays qu’elle domine », qui semble être toute la question du livre à Paris, pour le traducteur ! […] Mais quand on se prend dans sa traduction même, on trouve tout à coup un artiste de style extrêmement souple et fort, et dont la plume est un burin qui fait gravure à l’auteur traduit.

95. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Nous sommes pris surtout par les contrastes, et c’est ce qui devrait le plus nous révolter qui nous subjugue… Telle était donc la situation pour l’Allemagne, en 1767. […] Lui, le critique attitré du théâtre de Hambourg, prit acte des pièces qu’on y jouait pour les faire passer, elles et le système dramatique dont elles étaient l’expression, par les dents d’une herse si terrible et si profondément enfoncée, que, de ces pauvres pièces, il n’en resta plus que les lambeaux ! […] Ne prenons que les deux théoriciens. […] Mézières a pris Shakespeare. Seulement il a bien voulu, par exception, condescendre à prendre une sucée de sang à Lessing.

96. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Néanmoins, nous l’avons pris et nous l’avons ouvert. […] Mais celui-ci pesait si peu qu’on pouvait le prendre sur le poing encore plus aisément qu’un faucon et le présenter au public. […] L’auteur du Roitelet a cela de caractéristique que, moins il prend dans la langue, plus il prend dans la pensée. […] Pressentant la sphère natale, De ce monde on prend moins de soin ! […] Elle prend le tiers de la vie !

97. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Un adversaire ne saurait où le prendre. […] D’abord, il s’est fixé à Paris où il a voulu prendre et où il a pris l’accent du pays. […] Il y prend tant de plaisir ! […] Ils ont pris la plume et le papier comme on prend le voile et le scapulaire ». […] Faut-il donc le prendre au mot ?

98. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire L’impression que les imitations font sur nous en certaines circonstances paroît même si forte, et par consequent si dangereuse à Platon, qu’elle est cause de la resolution qu’il prend de ne point souffrir l’imitation poëtique, ou la poësie proprement dite, dans cette republique ideale dont il regle la constitution avec tant de plaisir. […] En effet les poëtes sçavent si bien que c’est l’agitation d’un acteur qui nous fait prendre plaisir à l’entendre parler, qu’ils font disparoître les personnages dès qu’il est décidé s’ils seront heureux ou malheureux, dès que leur destinée est fixée. […] Après avoir avoüé que souvent il s’est trop laissé seduire à ses charmes, il compare la peine qu’il sent à se separer d’Homere à la peine d’un amant forcé, après bien des combats, à quitter une maîtresse qui prend trop d’empire sur lui. […] On ne doit proscrire dans un état que les arts superflus et dangereux en même tems, et se contenter de prendre des précautions pour empêcher les arts utiles d’y faire du dommage : Platon lui-même ne défend pas de cultiver la vigne sur les côteaux de sa republique, quoique les excès du vin fassent commettre de grands désordres, et quoique les attraits de cette liqueur engagent souvent d’en prendre au-delà du besoin. […] En voilà suffisamment à ce sujet, d’autant plus que les poësies françoises, comme nous le dirons dans la suite, ne sçauroient prendre le même empire sur les hommes que celles dont Platon craignoit si fort les effets.

99. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Il y était bien résolu, mais il ne savait comment s’y prendre. […] Elle prit un poignard et en porta un coup au premier qui la voulut toucher ; eux tirèrent les leurs, et la tuèrent sur la place. […] Il arriva, durant une nuit obscure qu’Abas, qui allait avec le sérail, voulut prendre les devants. […] Prendra-t-il plaisir à recevoir de nos mains une couronne que nous aurions offerte à un autre ? […] Sur quoi il prit une résolution digne de cette ancienne et constante fidélité dont on a toujours vanté les eunuques.

100. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action Un poëme épique étant l’ouvrage le plus difficile que la poësie françoise puisse entreprendre, à cause des raisons que nous exposerons en parlant du genie de notre langue et de la mesure de nos vers, il importeroit beaucoup au poëte qui oseroit en composer un, de choisir un sujet où l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt particulier. Qu’il n’espere pas de réussir, s’il n’entretient point les françois des lieux fameux dans leur histoire, et s’il ne leur parle point des personnages et des évenemens ausquels ils prennent déja un interêt, s’il est permis de parler ainsi, national. […] Nous ne prenons un grand interêt qu’à ceux dont la memoire est encore recente. […] Il est vrai que les raisons que nous avons alleguées pour montrer qu’on ne devoit point prendre une action trop recente pour le sujet d’une tragedie, prouvent aussi qu’une action trop recente ne doit pas être le sujet d’un poëme épique. […] On les blame de n’avoir pas senti qu’il étoit contre la raison, pour ne rien dire de plus fort, de se permettre en parlant de notre religion, la même liberté que Virgile pouvoit prendre en parlant de la sienne.

101. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Il vaut mieux la prendre veuve que fille, pas trop facile à vivre, intéressée. […] Émile prend feu ; Sophie est touchée ; ils se conviennent ; ils s’aiment. […] Le gouverneur d’Emile en prend la charge. […] Que de gens qui se sont pris pour le centre du monde ! […] Il est un autre point sur lequel il en a bien pris à J.

102. (1903) La pensée et le mouvant

Mais moi, pour courir, je m’y prends autrement. […] Et nous avons pris le cas le plus simple ! […] Cousin, qui le prit pour suppléant à la Sorbonne. […] Il y aurait un tout autre parti à prendre. […] Il le prit pour chef de cabinet.

103. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Je prendrai donc aujourd’hui Montaigne par un tout autre côté, non pas dans sa librairie et dans sa chambré, mais hors de sa chambre et en voyage. […] Ils sont glorieux, colères et ivrognes, mais ils ne sont du moins ni traîtres ni voleurs. » Il a l’esprit bien fait et prend les gens par ce qu’ils ont de bon. […] Il disait aussi qu’il lui semblait être comme ceux qui lisent quelque fort plaisant conte, d’où il leur prend crainte qu’il vienne bientôt à finir, ou un beau livre : lui de même prenait si grand plaisir à voyager qu’il haïssait le voisinage du lieu où il se dût reposer… ». […] Quelques jours après son arrivée, il se trouve mal et prend médecine : la médecine, dans cette Relation, vient à travers toutes choses. […] j’en prends occasion pour revenir parler de lui à mon tour, pour l’écouter et le suivre là où il est le plus à l’abandon et où il va le plus à l’aventure.

104. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Dans les nombreux Salons qu’il a faits et qu’il est loin d’avoir tous recueillis en volumes, je prendrai presque au hasard quelques exemples pour bien définir sa manière et expliquer son procédé. […] En ce qui est d’un jugement direct, il ne fait pas comme nous en certains moments où les nerfs nous prennent et sont les plus forts : il n’éclate jamais. […] Cette disposition l’a conduit à un sentiment très-vif de l’art anglais, à le prendre depuis Reynolds jusqu’à Landseer. […] Il prend aujourd’hui sa revanche comme peintre. […] Il n’a pas pris soin d’observer la division dans son volume les Beaux-arts en Europe, et il a mis les deux articles sur Delacroix bout à bout.

105. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

c’est par eux encore qu’on prend la plus parfaite et la meilleure idée de cette bonne, honnête, charitable, et assez spirituelle reine. […] Après Barbier, prenez d’Argenson, une autre manière de bourgeois sous son nom plus noble. […] Il parle de la reine en cent endroits ; il raconte d’elle des histoires de ruelle et d’alcôve, et il les tient de source, dit-il, ayant pris soin de faire causer des dames d’atours ou même des valets de chambre et des domestiques qui lui ont tout dit. […] Le roi était tombé malade à Metz le 8, et son mal avait pris aussitôt le plus pernicieux caractère. […] Louis XV était un peu honteux de tout ce qu’on lui avait fait faire, et comme les gens faibles qui ont baissé pavillon, il en voulait à ceux qui l’avaient mis ou surpris en cet état ; il avait hâte de prendre sa revanche.

106. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Persuadés que ce que l’on gagne est pris sur un autre, ils tenaient l’avidité pour chose basse. […] Parfois je prenais la fuite, éperdu, comme poursuivi par les génies du passé. […] La naïveté avec laquelle on les prenait reportait à des milliers d’années en arrière. […] Pris par les Anglais, il passa plusieurs années sur les pontons. […] Ils n’ont rien pris à la masse, n’ont pas appauvri le monde.

107. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

On se prend à regretter, quand on considère le terme fatal et si prochain de sa destinée, que le brillant général n’ait pas été compris dans ce glorieux exil et dérobé par là aux intrigues de l’intérieur. […] Une conformité sympathique d’opinions et d’idées avec Joubert, qui venait d’y prendre le commandement à la place de Brune, me portait à y rester pour attendre les événements qui se préparaient. […] Joubert écouta tout, et ne put prendre sur lui de se décider. […] Moreau prit le commandement, repoussa pendant tout le jour les efforts de Souvarof et perdit la bataille le moins possible. […] [1re éd.] seulement il y avait hâte et urgence d'en prendre un

108. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Prenez les sœurs par exemple. […] Prenez les mots les moins choquants, les plus doux que vous voudrez, la chose arrive à presque tous. […] On ne saurait s’y prendre de trop de façons et par trop de bouts pour connaître un homme, c’est-à-dire autre chose qu’un pur esprit. […] Il est trop aisé de prendre le contre-pied en toute chose ; on ne fait que retourner son défaut. […] c’est dans le sang, dans le tempérament, dans les premiers partis pris qui souvent ne dépendaient pas de vous.

109. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Ces productions légères veulent être saisies et goûtées au fur et à mesure, à l’heure où elles paraissent, non pas prises en bloc et soldées comme un arriéré. […] About ne m’ont-elles pas sauté aux yeux et pris de force ? […] Feuillet a pris spirituellement leur parti et a gagné leur cause dans ce joli proverbe qui n’était pour lui qu’un prélude. […] Pris au mot par le confiant mari, le docteur se voit obligé de jouer lui-même le rôle du faux amant, et il y a des moments où l’on croirait qu’il le joue au naturel et au vrai. […] Un hasard a fait connaître à celle-ci le jugement si sévère qu’il porte sur elle : piquée au vif, elle prend à tâche de le réfuter.

110. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Tout a pris des airs de maladie nerveuse. […] Ce que j’admire, par exemple, c’est la bonté, la crédulité, la stupidité de ce peuple qui a si longtemps pris et qui prend peut-être encore M.  […] Songez donc : si on allait lui prendre sa place ? […] Mais aussi comment voulez-vous que ceux qui l’exercent ne finissent pas par s’y laisser prendre ? […] Ou bien, si vous êtes philosophe, vous les prendrez toutes à la fois, précisément parce qu’elles sont contradictoires.

111. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

Ceux qui se vouent à la théologie, prennent dans les classes supérieures une teinture d’hébreu. […] Dans plusieurs pays protestants, c’est l’héritier présomptif de la couronne ou de la souveraineté qui prend le titre d’honneur de recteur de l’université, et alors le recteur véritable s’appelle prorecteur. […] Il y a des pays où l’on ne peut entrer dans aucune charge quand on n’a pas pris ses degrés dans l’université. […] Tout homme qui a pris ses degrés dans une université est en droit d’y donner des cours particuliers aux étudiants qui voudront le payer, quoiqu’il n’y ait que les professeurs publics de gagés et d’obligés à des leçons gratuites. […] En vertu de ce premier paragraphe, je prends la liberté de conseiller à S.

112. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

La révolution vint à la traverse et coupa en deux cette gaieté naissante qui allait si aisément prendre son essor. […] On a vu quelquefois, au plus fort des calamités et des fléaux, le cœur humain réagir bizarrement et prendre sa revanche par une sorte d’étourdissement et d’ivresse. […] Désaugiers n’eut pas à le prendre ; il saisit, comme on dit, la balle au bond, et la relança de plus belle. […] Le chiffre des pièces auxquelles il a pris part ne va pas à moins de cent quinze ou de cent vingt. […] Malherbe s’était vanté d’aller prendre tous les mots de son vocabulaire chez les crocheteurs du Port-au-Foin ; Désaugiers, à certains jours, s’en allait parmi les passeurs du Port-au-Vin et y prenait tout simplement sa philosophie.

113. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

M. de Jalin s’est pris d’une affection sincère pour M. de Nanjac. […] M. de Jalin avertit un peu rudement la pauvre enfant, au second acte, du danger qu’elle court ; il prend par les ailes cet ange en péril, comme on prend par les cheveux une femme qui se noie. […] J’ai pris cette liaison-là, comme un voyageur qui n’est pas pressé prend la poste, au lieu de prendre le chemin de fer ; c’est plus gai, et fou s’arrête quand on veut. — Et cela dure ? […] Il est riche ou plutôt cossu ; car l’opulence prend, chez certains hommes, la rondeur grotesque de l’obésité. Puisque la comédie avait besoin d’une bête noire, que ne prenait-elle cet être sordide, pétri d’avarice et de convoitise ?

114. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Ce n’est donc pas en les élaborant, de quelque manière qu’on s’y prenne, que l’on arrivera jamais à découvrir les lois de la réalité. […] Car, comme elle ne prend naissance que pour satisfaire à des nécessités vitales, elle se trouve tout naturellement orientée vers la pratique. […] En somme, Comte a pris pour le développement historique la notion qu’il en avait et qui ne diffère pas beaucoup de celle que s’en fait le vulgaire. Vue de loin, en effet, l’histoire prend assez bien cet aspect sériaire et simple. […] Garofalo prend pour le genre ce qui n’est que l’espèce ou même une simple variété.

115. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

pour qui me prend-on ? […] C’est qu’il est pris au piège et demande secours au rat. […] On ne se pique pas de donner, mais de prendre. […] C’est bientôt le premier à prendre. […] Que ne peut-on avec le nom de gentilhomme en prendre l’élégance !

116. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Car, pour ne rien exagérer, je ne prends de ces états que ce qui sert à en fomenter les dérèglements, tes excès, les crimes, et cela me suffit pour y trouver du superflu. […] Le hasard des devoirs d’écoliers est grand, et peut-être après tout est-ce une bonne gymnastique pour l’esprit, que cette nécessité de parler de tout, si on la prend comme une occasion sérieuse de penser sur tout. […] La peinture d’une passion, c’est la peinture de la forme que prennent toutes les pensées sous l’influence de cette passion. […] Tout cela réuni produisit sur Levine une impression si vive qu’il se prit à rire et à pleurer de joie. […] Il en choisit un, et, pour ne pas froisser les autres, il leur promit de les prendre une autre fois ; puis il se fit conduire chez les Cherbatzky.

117. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Il y a une petite industrie à laquelle la Critique se prendra toujours, — à laquelle elle a été prise une fois de plus en ma personne, et que je veux cependant, pour l’honneur de ma duperie, signaler. […] Il n’y a vraiment pas moyen de s’irriter contre l’innocence de ce traquenard auquel pourtant vous allez naturellement vous prendre. […] Il fallait, en effet, pour m’y prendre, un autre morceau que le Sismonde de Sismondi déterré, à Montpellier, et qui, je vous le jure, n’est un Sismondi nouveau que parce qu’il est plus médiocre encore que le Sismondi connu. Ce n’était pas non plus le Bonstetten qui pouvait m’y faire prendre, à ce traquenard une première fois esquivé ! […] Je l’ai dit : j’y ai été pris.

118. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Nul esprit d’enfant et d’adolescent n’était plus préparé, on le voit, et plus prédestiné que le sien à prendre vivement la fièvre littéraire qui déjà courait et régnait au dehors. […] Il prenait ainsi rang en date dans l’école, tout aussitôt après Alfred de Musset qui ne l’avait devancé dans la publicité que de quelques mois. […] Tout en ayant l’air de braver le public, ou de le narguer, il n’est que de le prendre en dessous par une de ses veines. […] Il a peint sur place et d’après’nature les jeunes France ; il les a pris sur le vif, il les a tirés à bout portant et a épuisé en trois ou quatre tableaux la physiologie du genre. […] Ici, chez les jeunes France, on prenait même par ton des airs féroces ; on aurait cru ressembler à M. 

119. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Le 31 août 1806, Ney annonçait à Berthier, ministre de la guerre, qu’il avait pris pour aide de camp l’adjudant-commandant Jomini. […] C’était tout simplement une taquinerie, et c’est aussi la trace non équivoque d’une malveillance avérée, et que nous prenons sur le fait dans toute sa petitesse. […] Jomini venait tous les matins prendre ses ordres, et en même temps raisonner avec lui sur les affaires générales de l’Europe. […] L’armée prit ses cantonnements, et l’on put se croire en repos jusqu’à la belle saison. […] Je revins à Landsberg, et je pris un de mes chevaux de selle.

120. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

n’eût pu mieux prendre son parti, et que pour lui il l’aurait fait quand je ne l’aurais pas ordonné. […] Les revers ne tardèrent pas, et elle en prit vaillamment sa part. […] On appellera cela comme on voudra ; pour moi, j’appelle cela suivre mon inclination et aller mon chemin ; je suis née à n’en pas prendre d’autres. […] Pendant les séjours un peu forcés qu’elle fit dans les terres de ses apanages, elle prit goût aux lettres et au bel esprit. […] [1re éd.] l’ennui me prit, et je m’en allai malgré les instances de ma tante

121. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Craignant que l’Empereur n’eût été informé des négociations précédemment entamées, les généraux avaient pris sur eux de se soustraire à sa colère et d’emmener les troupes à travers les lignes ennemies. […] Pendant qu’on discutait là-dessus, M. de Talleyrand fit si bien, qu’on apprit tout à coup que le vieux maréchal Jourdan, en sa qualité d’ancien républicain, avait pris le premier à Rouen et fait prendre à son corps d’armée la cocarde blanche, ce qui tranchait de fait la question. […] Mme de Lavalette arriva dans une chaise à porteurs près du guichet du Pont-Royal, sans que le suisse y prît trop garde. […] Après avoir rendu compte de l’état de Paris et des dispositions militaires qu’il prenait, il terminait ainsi : « Ce n’est plus une émeute, Sire, c’est une révolution qui se prépare. […] Il s’offrit, s’il y avait trêve, à accompagner les députés à Saint-Cloud pour appuyer leurs instances, ne pouvant prendre de lui-même aucun engagement.

122. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Shako de plomb en tête, emprisonnés dans des tuniques qui compriment leurs poumons, où prennent-ils l’air qu’ils soufflent dans leurs instruments de cuivre ? […] Minoret s’y prend-il pour écrire à *** des appréciations sur les opéras et les drames qu’on joue à Paris ? […] Mais comment m’y prendre ? […] Mais (et son regard froid se mouilla d’une larme) ne me prenez pas mon flacon, je vous en supplie ! […] Alors, il s’est pris à le haïr d’une haine terrible, d’une haine nationale.

123. (1774) Correspondance générale

Le pli est pris, il faut que l’étoffe le garde. […] Où diable avez-vous pris cet orgueil-là ? […] Voyez donc si vous voulez que j’aille vous prendre. […] Je le pris d’abord à part. […] Je ne prendrai jamais à Aménaïde plus d’intérêt que je n’en verrai prendre à son père.

124. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Ils se rappellent la Divinité jalouse de la prospérité des mortels, ses pièges dont « aucun bond ne peut dégager l’homme pris aux rets inévitables ». — Anxiété poignante ! […] Puis il déchira ses vêtements, poussa de grands cris, et il envoya l’ordre à l’armée de terre de se retirer, et lui-même soudainement prit la fuite. […] Il n’est pas facile aux morts de revenir à la lumière, pour bien des causes, et surtout parce que les dieux d’en bas sont plus prompts à prendre qu’à rendre. […] Le troisième jour, il arrive à l’embouchure d’un grand fleuve : il l’invoque, lui conte son naufrage, se jette dans ses eaux comme dans les bras d’un hôte : — « Prends pitié, ô Roi ! […] On a toujours pris pour l’éclat d’un chant pathétique porté à son comble, l’épilogue où Xerxès excite le Chœur à se lamenter avec lui.

125. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

En présence de cette débâcle générale des principes, quelle attitude va prendre la Physique Mathématique ? […] Prenons donc la théorie de Lorentz, retournons-la dans tous les sens ; modifions-la peu à peu, et tout s’arrangera peut-être. […] Prenons par exemple l’expérience calorimétrique de Curie sur le radium. […] Le radium seul leur prendrait un peu de leur énergie et il nous la rendrait ensuite sous diverses formes. […] La loi physique alors prendrait un aspect entièrement nouveau ; ce ne serait plus seulement une équation différentielle, elle prendrait le caractère d’une loi statistique.

126. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

prends et lis ! […] Quelle fantaisie risible l’amoureux prend pour le sublime de la volonté ! […] En français les places étaient prises, en piémontais il n’y avait que les places burlesques à prendre ; le burlesque n’a que le patois pour s’exprimer, et le piémontais a de véritables chefs-d’œuvre dans ce dialecte. […] Je pris alors quelques avis, et l’on me dit que c’était une des bonnes tragédies de l’auteur. […] La comtesse quitta aussitôt le cloître des Dames-Blanches et prit la route de Rome.

127. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

En tout il voit et il prend les choses au point juste où il les trouve. […] Aussi ne prenons de cet exemple que ce qui convient au genre littéraire sérieux, à la Poésie lyrique élevée dont je parle. […] » et plus bas, à l’oreille : « Prenez un casque !  […] Il a pris un casque ; il est, lyre en main, un combattant. […] Il faudrait : au Génie de la France ; le mot Démon, pris en bonne part et opposé à des âmes d’Enfer, à des Démons pris dans le sens ordinaire, fait une légère confusion.

128. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

La moderne Phèdre prend tout à coup conscience de la profondeur de sa dégradation. […] C’était le couteau du borgne que j’avais pris, ayant cassé le mien. […] — Où cela vous prend-il ? […] Il prend son point d’appui dans les natures antipathiques, au lieu de le prendre dans les natures sympathiques. […] On peut prendre l’exemple du baron Hulot, dans la Cousine Bette.

129. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Statique ou dynamique, en effet, nous prenons la religion à ses origines. […] Était-ce là du mysticisme, au sens où nous prenons le mot ? […] L’humanité ne comprend bien le nouveau que s’il prend la suite de l’ancien. […] Que ne l’a-t-elle pris à son origine ! […] On risque, à l’appliquer, d’être pris entre l’arbre et l’écorce.

130. (1887) Essais sur l’école romantique

Il faut bien en prendre mon parti. […] Prenez-y garde. […] C’est une raison de plus pour l’engager à prendre d’autres Muses. […] Or, à la vue de ces marques de son servage, il est pris de dégoût pour lui-même. […] Bouilly était homme à la faire prendre en grippe à toutes ses élèves.

131. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Force nous est donc d’en prendre notre parti. […] A ne voir qu’elles, on serait tenté de prendre l’humanité en dégoût. […] De toute manière, il aura été pris en considération. […] C’est surtout parce que l’homme a pris à nos yeux une dignité éminente. […] Elle prend une singulière intensité de vie chez les romanciers et les dramaturges.

132. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Le pont des Arts n’était pas encore construit, en sorte qu’ils prirent le Pont-Neuf. […] Quoiqu’un peu grêle de formes, il était fort bien pris dans sa taille. […] prenez donc garde ! […] Je prendrai donc quelques idées dans votre composition, mon cher ami. […] Mais Girodet prit l’affaire au sérieux, et voulut écraser son rival.

133. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVIII. La bague aux souhaits »

Tu es pauvre et tu veux me tuer pour me prendre ma bague, mais cela ne t’enrichirait guère ! […] Vous lui prendrez la bague et me la rapporterez ». […] « Prends ta bague » disent-ils à Ahmed. […] La guinnârou vient les prendre, lui et ses animaux, et les dépose entre la femme et le kélé. […] Il est pris d’une violente terreur.

134. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Il prit d’abord des impressions de respect et d’obéissance, et pour faire sa cour accepta et tenta tout ce qu’un homme fier, mais ambitieux, peut entreprendre et subir. Les cavaliers de la maison du roi, habitués aux distinctions, refusaient de prendre des sacs de grains en croupe. […] Faute de place dans le monde, il en prit une dans les lettres. […] La cuisine, l’écurie, le garde-manger, la maçonnerie, la ménagerie, les mauvais lieux, il prend des expressions partout. […] Saint-Simon a besoin de mots vils pour avilir ; il en prend.

135. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Quelle place était alors à prendre dans la critique ? […] Nisard prenait vite parti et s’enflait toujours. […] C’était donc une revanche qu’il prenait dans cette position nouvelle. […] Le rôle de feuilletoniste spirituel, facile, capricieux, malicieux, folâtre, était pris, et M. […] On s’attache d’ordinaire à son sujet, on y prend goût, on y porte amour et indulgence : ici c’est le contraire.

136. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Il serait piquant, mais extrêmement difficile, de retracer la confusion de cette mêlée ; chacun prenait la plume, ou du moins la parole, pour ou contre Pascal. […] Faugère à faire prendre un fac-simile du dessin ; on l’a dans l’édition. […] pourquoi ne pas prendre Pascal comme il nous est donné, avec son scepticisme ? […] Rendre la religion vénérable et aimable, il y a loin de là à vouloir abêtir, au sens où on l’a pris. […] Il y aurait illusion aussi à prendre pour des convulsions de sa foi ce qui peut souvent n’avoir été que des brusqueries du talent.

137. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Plusieurs sont tentés de prendre M.  […] Le théâtre est ce que j’ai dit : c’est à prendre ou à laisser. […] C’est de la meilleure foi du monde qu’ils ne prennent point de plaisir au théâtre de Scribe. […] Sarcey prendrait une jolie revanche sur ces dédaigneux, le jour où il les verrait pleurer ou rire comme de simples mortels, pris aux entrailles et oublieux de tout, devant quelque méprisable pièce « bien faite » et exactement façonnée selon sa formule. […] Tous, je crois, prenaient la même sorte de plaisir à une comédie d’Aristophane ou à une tragédie de Sophocle.

138. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

C’est une manière de prendre sa revanche, et aussi de faire croire qu’il est initié aux hauts secrets. […] Rien n’est ridicule parmi les œuvres de l’humanité ; pour donner ce tour aux choses sérieuses, il faut les prendre par un côté étroit et négliger ce qu’il y a en elles de majestueux et de vrai. […] Par quoi le prendrait-on, puisqu’il rit le premier de toutes choses ? […] Le critique est celui qui prend toutes les affirmations et aperçoit la raison de toute chose. […] Prenons encore les trois premiers siècles de l’ère chrétienne.

139. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il n’a jamais pris le mariage au sérieux, ni le sien ni celui des autres. […] A cet égard, il est étonnant, jusqu’à prendre sa femme pour confidente. […] Ses yeux ont assisté à la comédie du siècle, son coeur n’y a point pris part. […] Il se prenait tout d’un coup et se donnait sans réserve. […] Quand Platon l’eût pris, désormais à table il ne voulait plus parler que de Platon.

140. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Plus le danger était grand, plus sa détermination était prompte ; et, quand il avait pris son parti, jamais il ne doutait du succès. […] Un paysan boiteux, qui était en retard de fuir, fut pris pour guide. […] Il tomba à côté de moi, en disant froidement à ses camarades : « Voilà un homme perdu ; prenez mon sac, vous en profiterez. » On prit son sac, et nous l’abandonnâmes en silence. […] En étant ramené à l’étudier sur un point précis, on en prend une plus exacte et plus terrible mesure. […] Chez la plupart, le sentiment physique prend le dessus irrésistiblement sur le moral ; l’instinct de conservation, l’égoïsme de vivre se prononce.

141. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

En vain, à la première tempête, le repentir le prend : il noie dans le vin ces « accès » de conscience. […] » Elle s’enhardit, elle prend la liberté de lui baiser la main […] Les engagements sont pris, c’est un point d’honneur. […] » — C’est avec ce franc rire qu’il prenait les mésaventures. […] Un pareil homme devait prendre Richardson en déplaisance.

142. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Les mesures furent prises pour l’y faire enlever. […] Languet, a pris un parti tout différent. […] On craignoit avec raison qu’elle ne prît racine en France. […] Il prit le contrepied de l’apologiste du Tasse. […] Le jour est pris.

143. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Mais celle-ci m’a pris à la gorge ! […] Ni écrire, prenons-le au mot, puisqu’il n’a rien écrit. […] Thiers prenne son parti de votre premier article. […] J’ignore comment le prit M.  […] Que les Allemands en prennent donc leur parti.

144. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Hénault naquit à Paris, le 8 février 1685, d’un père fermier général, homme riche, qui aimait les lettres, et même assez particulièrement pour prendre le parti de Corneille contre Racine, et pour se mêler à cette petite guerre que soutinrent Thomas Corneille et Fontenelle. […] Il y entra en effet, y prit l’habit, et y resta deux ans. […] Il a été quelque temps père de l’Oratoire ; il a pris dans cette société le goût de l’étude, et y a acquis quelque érudition, mais sans aucune pédanterie. […] Ce qui augmente le mérite de l’ensemble de ces discours, c’est la variété des tons qu’il a fallu prendre. […] C’est ainsi qu’autrefois, étant au collège, Hénault avait fait une composition de vers latins pour son camarade et concurrent Chauvelin, qui se trouvait ce jour-là pris de migraine, et celui-ci avait été empereur comme on disait, ou premier de la classe.

145. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Lepitre, où l’on faisait de bonnes études, et où l’on prenait en même temps je ne sais quel avant-goût de royalisme jusque sous l’Empire. […] Il y a longtemps déjà que Pline, dans une lettre adressée à Tacite, a très bien exposé comment il importe grandement, selon lui, à l’avocat de plaider avec diffusion et surabondance, s’il veut réussir : tel qui ne prend pas d’abord à la bonne raison qu’on allègue, sera pris à une autre qui l’est moins. […] Je ne sais, d’ailleurs, pourquoi il a cru devoir prendre tant de précautions avec sa note. […] Bazin le plus grand cas, et qu’il me prend envie ici, tout en le citant, de ne pas nommer, à son exemple. […] Il ne s’agissait pas de le reconnaître et de le saluer : je crois que cela l’aurait choqué et qu’il l’aurait pris pour une offense.

146. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Le général Gentili, Corse, avait ordre d’en aller prendre possession. […] Pour être juste, je prendrai le mot épigramme dans le sens un peu étendu où le prenaient les anciens. […] Il ne prend ses personnages ou acteurs que pour amener le trait piquant et acéré, et tout est dit. […] Arnault, dans cette partie de sa vie, prit donc l’habitude de mettre sous titre et sous enseigne de fable ce qu’il aurait pu appeler aussi bien d’un tout autre nom. […] [NdA] Les affaires et le monde prirent la meilleure partie de la vie d’Arnault.

147. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Même de 1649 à 1656, la comédie prend le pas sur la tragédie : sa vogue est parallèle à celle du burlesque. […] En réalité Molière est parti de la farce : tout ce qu’il a pris d’ailleurs, il l’y a ramené et fondu, il l’en a agrandie et enrichie. […] En effet, l’art comique est là : et la réalité ne peut prendre forme d’art, selon la loi de la comédie, qu’en devenant capable d’exciter le rire. […] la lourdeur du provincial, l’ignorance pédante des médecins, que d’autres détails encore sont pris dans le vif de la société contemporaine ! […] Il y a là des jeux d’intérêts, de vanités, que Dancourt a décrits sans rien atténuer, et sans rien prendre au tragique.

148. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

On me dira que pour un littérateur et un sceptique (car on m’en a fait la réputation, et je l’accepte volontiers), je prends bien vivement les choses au sujet de M. d’Alton-Shée. […] Il y connut de bonne heure Berryer, qui prit plus tard sur lui une grande influence, et qui l’aidera à recommencer son éducation véritable. […] Il n’en usa point et commença par prendre un congé de six mois. […] Lorsque l’avant-garde de l’armée d’Italie était repoussée après avoir passé le Mincio à Monzambano, tous les grenadiers commandés par le citoyen Daltou ont été envoyés contre l’ennemi, l’ont enfoncé, lui ont enlevé toutes ses positions et ont pris Valeggio. […] Alexandre d’Alton, qui était baron de l’Empire, prit à ce moment le titre de comte, titre que son fils, Alfred d’Alton, mort depuis général de brigade, a dû faire régulariser, et qu’il a obtenu par décret en 1860.

149. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Diapason à prendre et à nous donner de la gloire de Gustave III, c’était là ce qu’on aurait pu attendre de Léouzon-Leduc s’il avait eu la vocation de l’historien, et s’il avait vu dans l’histoire autre chose que l’intérêt matérialiste d’une même catastrophe et l’amusette tragique d’un mélodrame, — de toutes manières, infiniment trop répété ! […] Il ne se soucie que d’aller à Stockholm nous chercher un petit document dans l’intérêt des petites chroniques qu’il prend pour de la grande Histoire, et il est content… d’être revenu. […] On le sait, et nous avons eu l’occasion de le dire souvent, Léouzon-Leduc est un chroniqueur de journal, mais un chroniqueur dans le genre sérieux, diplomatique, cravaté de blanc, constellé même un peu, je crois, qui a pris depuis longtemps les royaumes du Nord pour son simple département, et c’est ainsi qu’il nous a raconté autrefois la Russie, comme il nous raconte maintenant la Suède. […] Je rends hommage au renseignement, mais je ne le prends pas pour de l’Histoire. […] Et encore, puisqu’il prend le renseignement pour l’histoire, je lui signalerai un chapitre qu’il a intitulé Mystères.

150. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

l’ennui les prit. […] prenez-les, il vous les cède et de grand cœur. […] comme il a pris sa revanche depuis ce temps-là ! […] Il a pris sa part de toutes ces folies plus que galantes. […] Vraiment on prend plus de soucis pour rompre cet hymen que n’en prend Néron pour se défaire de Britannicus.

151. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Comparé à son père, au grand Dauphin, le duc de Bourgogne avait en effet un inappréciable avantage : il offrait bien ; des prises et des ressources. […] On traversa, on renversa la nature, sans pouvoir y prendre pied et s’y arrêter. […] Quand elle le prend, on dirait que c’est un ressort de machine qui se démonte tout à coup : il est comme on dépeint les possédés ; sa raison est comme à l’envers ; c’est la déraison elle-même en personne. […] Prenez bien garde de ne lui rien dire qui ne soit juste, précis et exactement raisonnable : il saurait bien en prendre avantage et vous-donner adroitement le change17; il passerait d’abord de son tort au vôtre, et deviendrait raisonnable pour le seul plaisir de vous convaincre que vous ne l’êtes pas. […] Rassemblez en idée toutes les fameuses éducations royales : je ne sais comment s’y prenait Aristote pour dompter et diriger, tout en l’enflammant, la jeunesse tumultueuse et l’âme affamée de gloire d’un Alexandre.

152. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Je prends mélancolie et tristesse ; je songe tout de suite à rire et gaieté, et j’écris : La mélancolie n’est pas plus de la tristesse que le rire n’est de la gaieté. […] Ou bien on prend des vertus proches voisines ou des vices parents, et l’on s’évertue à saisir les nuances qui les distinguent. […] On prend la réflexion la plus vulgaire et on lui donne, par une image imprévue, une apparence de nouveauté. « Notre imagination dépasse ordinairement ce que nous apporte la réalité », voilà certes une pensée qui n’a rien de rare. […] Mais c’est surtout chez les comédiennes que le physique prend une extrême importance. […] Cela est unique, prenez-y garde.

153. (1893) Alfred de Musset

Et si je courais, quand l’amour me prend trop fort ? […] Prends-y garde ! […] Il prend le parti de chanter à sa mode et devient un poète célèbre. […] La mort l’avait pris doucement dans son sommeil. […] On ne prend pas à un homme son cœur et ses nerfs, ni sa vision poétique, ni son souffle lyrique ; en un mot, on ne lui prend pas son génie, et il n’y avait presque rien à prendre à Musset que son génie.

154. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

D’autres s’y prenaient plus simplement. […] Mais prenez l’autre méthode : entendez comme M.  […] Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver digne d’être à vous. […] Caton en prit quatre cents. […] Il a pris beaucoup, il veut prendre davantage.

155. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Prends donc cet appareil et sors sur la promenade des Anglais. […] Robert de Traz prend pour objet l’étude de cette contradiction. […] Et qui doit prendre l’initiative de cette collaboration ? […] Se prenait-il pour un conducteur d’autobus ? […] Lamartine est pris par le côté politique.

156. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Comme nous n’avions pas le choix du moment, nous risquâmes l’aventure, et bien nous en prit. […] Cette fois, au lieu de prendre l’itinéraire de Guerino, il prit celui d’Antoine de la Sale, bien préférable, à ce qu’il paraît. […] Et, ayant pris congé, il partit de Florence et alla vers la Pouille et la Sicile. […] Il lui tendit un piège et le prit. […] L’homme, qui l’avait vu et entendu chanter, tendit un filet et le prit.

157. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Tournez vos regards sur cet homme dont le dos et la poitrine ont pris une forme convexe. […] Le visage en a pris un air de contrainte et de peine. […] C’est que c’est là et pendant ces sept pénibles et cruelles années qu’on prend le maniéré dans le dessin. […] Cherchez les scènes publiques ; soyez observateurs dans les rues, dans les jardins, dans les marchés, dans les maisons, et vous y prendrez des idées justes du vrai mouvement dans les actions de la vie. […] Puis je lui expose des enfants, des adultes, des hommes faits, des vieillards, des sujets de tout âge, de tout sexe, pris dans toutes les conditions de la société, toutes sortes de natures, en un mot.

158. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Supprimez la selle, l’ébauchoir et le buste et vous prendrez la figure simbolique d’un art pour une impératrice. " mais elle impose " . […] Marque le repos, certainement. " mais cent fois le jour, l’artiste prend cette position, soit que la lassitude suspende son travail, soit qu’il s’en éloigne, pour juger de l’effet " . […] Il est bien, il est très bien ; il a pris chez lui la place d’un autre que son maître M.  […] Lorsque Falconnet eût vu le buste de son élève il prit un marteau et cassa le sien devant elle. […] Il prit envie à cet ami d’équiper un vaisseau.

159. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Enfin il devient secrétaire de Mme Dupin, dont le fils, M. de Francueil, fermier général, veut le prendre pour caissier ; c’était la fortune. […] Il en a pris le parti du reste, dès qu’il s’est trouvé introduit dans les salons. […] Il satisfait son besoin : il ne veut le mal de personne ; au-delà de son besoin, il ne prend rien. […] Toute sa doctrine sort de la constitution particulière de son moi, et des conditions où ce moi a pris le contact de la société. […] Tant que l’homme seul était la matière du livre, on le prenait par le dedans : maintenant la nature partage avec lui l’attention de l’écrivain, et il s’ensuit que, le prenant avec la nature, on le prend dans la nature, c’est-à-dire par le dehors.

160. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Il y aurait une première manière de s’y prendre. […] Ce qu’on retient du mouvement du mobile T, ce sont des positions prises sur sa trajectoire. […] C’est le progrès d’une pensée qui change au fur et à mesure qu’elle prend corps. […] Et c’est ce rien qui prend du temps. […] Il est vrai que sur la réalité qui coule on se borne à prendre des instantanés.

161. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

… Quelques-uns marchaient et semblaient prendre des mesures. […] Il m’avait pris la main et essayait de me tirer en arrière. […] En attendant, ils te prennent de force. […] … Qu’est-ce qui me prenait ? […] Qu’est-ce qui lui prenait ?

162. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Chœur. » pp. 21-24

Le chœur, dans la tragédie ancienne, signifie un ou plusieurs acteurs, qui sont supposés spectateurs, mais qui témoignent de temps en temps la part qu’ils prennent à l’action par des discours qui y sont liés, sans pourtant en faire une partie essentielle. […] Mais quand la tragédie eut commencé à prendre une meilleure forme, ces récits ou épisodes, qui n’avaient été imaginés que comme un accessoire pour laisser reposer le chœur, devinrent eux-mêmes la partie principale du poème dramatique, dont, à son tour, le chœur ne fut plus que l’accessoire. Les poètes eurent seulement l’attention de ramener au sujet ces chants qui auparavant étaient pris de sujets tout différents. […] Outre ces chants, qui marquaient la division des actes, les personnages du chœur accompagnaient quelquefois les plaintes et les regrets de acteurs sur des accidens funestes arrivés dans le cours d’un acte : rapport fondé sur l’intérêt qu’un peuple prend ou doit prendre aux malheurs de son prince.

163. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Selon lui, si les hommes pris en détail dans leur conduite et leur caractère diffèrent entre eux, les siècles pris dans leur ensemble ne diffèrent pas moins les uns des autres ; la plupart des hommes qui y vivent, qui y sont plongés et qui en respirent l’air général, y contractent certaines habitudes, certaine trempe ou teinte à laquelle échappent seuls quelques philosophes, gens plus propres à la contemplation qu’à l’action et à critiquer le monde qu’à le corriger : Il serait à souhaiter cependant que dans chaque siècle il y eût des observateurs désintéressés des manières de faire de leur temps, de leurs changements et de leurs causes ; car on aurait par la une expérience de tous les siècles, dont les hommes d’un esprit supérieur pourraient profiter. […] Ce fut pour lors que tout le monde prit l’esprit de servitude. […] Louis XIV, au milieu de cela, grandissait et allait prendre avec résolution et dignité le pouvoir que Mazarin lui avait refait peu à peu. […] C’est un malheur en tout cas pour un homme d’esprit et de talent de prendre ainsi à contresens l’époque dont il est contemporain, et le règne dont il serait un serviteur naturel et distingué ; on le juge, on le critique ce règne qui nous déplaît, mais à la longue on s’y aigrit, ou, si l’on est doux, on s’y relâche et l’on se démoralise. […] En attendant il se console de ne plus servir, de ne plus prendre sa part dans le drame public qui se continue, moyennant cette réflexion que « bien que depuis trente ans il se soit fait de grandes choses en ce royaume, il ne s’y est point fait de grands hommes ni pour la guerre, ni pour le ministère : non que les talents naturels aient manqué dans tout le monde, mais parce que la Cour ne les a ni reconnus ni employés… ».

164. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Je ne sais où mon père avait pris de nous donner pour gouverneur un des sots hommes que j’aie connus ; il se nommait Andoche Gaillardot ; il était fol, imbécile, ignorant, libertin et hypocrite ; il rapportait tout à mon père, et voilà toutes ses armes pour nous réprimer. […] Ne lui demandons point d’ailleurs un idéal qui n’est pas son fait, — ni le véritable idéal qui ennoblit la condition humaine et cherche à lui donner toute la beauté dont on la croit susceptible à de certaines heures, — ni ce faux idéal qui ne s’attache qu’aux apparences et qui se prend aux illusions ou ne songe qu’à s’en décorer. […] M. d’Argenson, tout sérieux qu’il était ou qu’il allait être, ne la traversa point sans en prendre quelque chose, soit pour le fond des mœurs, soit pour le ton. […] Le garde des sceaux Chauvelin, qui avait fort contribué à cette mesure, avait pris d’ailleurs d’Argenson en grande estime et amitié ; il voulait lui servir comme de père, disait-il, et faire sa fortune politique. […] Mon père prenait avec eux des manières cavalières ; il allait vite sur les formes afin d’aller grandement sur l’essentiel et le grand de la justice ; il accommodait des procès, il épargnait des épices ; il faisait le plus de bien qu’il pouvait au genre humain.

165. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Une discussion relative aux divers manuscrits des Mémoires de La Rochefoucauld peut offrir des raisonnements dignes d’être pris en considération. […] J’aime à prendre mes autorités dans le siècle même. […] Comment s’y prendre ? […] Mais à un endroit il est allé plus loin, il essaye de me prendre en défaut sur la logique. […] Je n’ai point pris parti systématiquement, comme le donne à entendre M. de Barthélémy, pour aucune des religieuses, ni pour aucun des solitaires.

166. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

D’Argenson, étonné de ce style, alla chez M. de Châtillon pour l’engager à faire prendre patience au maréchal de Broglie : on lui a promis qu’il reviendrait en septembre. […] Son langage, même dans les meilleurs moments, est bien peu celui d’un roi : « Peut-être ne prend-on pas assez de précautions : mais je vous réponds qu’on en prend. […] On prend Menin sous ses yeux ; Ypres capitule en sa présence. […] Ce sont des dictons, des proverbes : Nécessité n’a pas de loi… Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée… À la bonne heure lui prit la pluie… On se demande où ce jeune homme né sur le trône a pris cette quantité de locutions populaires, vulgaires, même surannées (du depuis pour depuis) ; on sent qu’il a dû beaucoup commérer avec sa domesticité et avec les gens de service. […] , page 122) ; et au moment décisif, il est pris d’incertitudes et d’indécisions en face de l’ennemi.

167. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

.), que l’envie me prend d’esquisser le portrait littéraire de ces deux frères unis, ou plutôt de l’extraire du présent volume qu’ils viennent de publier, Idées et Sensations, — un recueil de pensées, de fantaisies et de petits tableaux, qu’ils ont dédié à Gustave Flaubert. […] On voit en quoi le poëte peut rivaliser véritablement avec le peintre et prendre à son tour ses avantages sur lui. […] Et, par exemple, pour ne pas sortir du détail du style, MM. de Goncourt ont dit : « L’épithète rare, voilà la marque de l’écrivain. » Ils ont raison, à la condition que l’épithète rare ne soit pas toujours le ton pris sur la palette. […] Bernardin de Saint-Pierre, admiré par MM. de Goncourt, le savait bien ; Sénancour-Oberman le savait aussi ; Maurice de Guérin, qu’ils critiquent en passant et qu’ils ne prennent que par un de ses défauts, ne l’ignorait pas. […] Le mot Idées, qui est en tête du recueil, n’est pas ce qui y domine ; il y a moins de pensées et de réflexions proprement dites que de croquis, de coins de tableaux pris sur le fait, de sensations ou de boutades.

168. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Prenez-y garde ! […] Il se prend à raisonner beaucoup trop sur ce fait de naissance. […] Ce n’est pas lui qui aurait pris Thèognis pour un nom d’idylle. […] Y mettre la lumière, si je pouvais, mais surtout l’attirer… J’ai jeté des hypothèses ; n’est-ce pas permis, d’autant qu’ayant pris exprès un titre de fantaisie, je ne me donne pas comme historien ? […] Faute d’autre instrument, j’ai pris celui-là, sans savoir si je l’avais mauvais ou bon, et j’espérais qu’on me tiendrait compte de l’effort.

169. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Prenons-le donc à bâtons rompus, comme il a fait lui-même. […] Qu’on nous excuse de nous être allé prendre tout droit à ces détails, mais ils sautent aux yeux. […] Prenez bien garde toutefois, et n’allez pas tomber en enthousiasme trop pindarique devant ce grotesque, surtout pour prétendre l’imiter. […] On y peut rire tant qu’on veut et prendre son plaisir, mais il ne faut pas avoir tellement l’air d’admirer. […] Que si un conseil pouvait être donné au spirituel auteur, pourquoi donc ne se prendrait-il pas au sérieux lui-même ?

170. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Rabusson en dit de plus favorable ; mais ailleurs il prend joliment sa revanche. […] Prenez les plus sympathiques et les plus brillants. […] Il jauge le bagage et prend la mesure de ce don Juan de façon à rassurer l’amour-propre de ceux qui voient la fête du dehors. […] Seulement ils prennent le plus long. […] Souvent même il s’y laisse prendre, mais rarement tout entier ; et toujours il se reprend.

171. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

À cette fin elle reçoit et prend le mot et l’idée de gens qui, en vérité, lui sont inférieurs par maint endroit. […] Chaque trait naïf est pris sur le fait. […] Petit Pierre a faim : il faut s’arrêter, et tous les trois en profitent pour prendre un léger repas. […] Ses idées, sans qu’il s’en aperçoive trop d’abord, commencent à prendre une certaine tournure. […] Il en est ainsi de tous les progrès, il faut en prendre son parti. » Mme Sand ici ne le prend pas.

172. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Ce n’est pas un modèle encore une fois que nous proposons, c’est une distraction que nous voulons prendre et offrir à nos lecteurs. […] sans s’aviser que plusieurs pires choses se sont vues, et que les dix mille parts du monde ne laissent pas de galler le bon temps ce pendant (de prendre du bon temps) : moi, selon leur licence et impunité, admire de les voir si douces et molles. […] Si on le prenait au mot et sur les premières apparences, on pourrait croire qu’il s’en acquitta un peu mollement et languissamment. […] Ne nous hâtons pas de prendre au mot ces gens de goût qui ont horreur de se surfaire. […] Je me prends fermement au plus sain des partis, mais je n’affecte pas qu’on me remarque spécialement ennemi des autres.

173. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Ce n’était pas même la déplacer que de se souvenir des événements où il avait pris tant de part, et qui ne faisaient qu’une même trame avec le présent. […] Il demande lui-même au roi de se retirer en son diocèse : on le prend au mot, et, pendant quelque temps, on le voit, dans son prieuré de Coussay près de Mirebeau, faisant l’évêque ou même le solitaire, « réduit en un petit ermitage », et résolu en apparence « à couler doucement le temps parmi ses livres et ses voisins ». […] Les voyant arriver à Angers, Richelieu s’efface devant eux et ne prend guère part à leurs délibérations ; entre deux écrits dressés au nom de la reine, l’un plus modéré, plus prudent, et qui ne va pas à la guerre civile, et l’autre plus aigre, plus violent, et qui est un manifeste d’hostilité, il est d’avis qu’on se borne au premier, d’autant plus qu’on n’est pas de force à soutenir le second. […] À la fin de ce portrait de Luynes, l’écrivain a, je ne sais comment, une fraîcheur et une légèreté d’expression qui ne lui est point ordinaire, et qui montre que cette âme n’était point destinée si absolument à la sécheresse et à l’austérité : Sa mort fut heureuse, dit-il, en ce qu’elle le prit au milieu de sa prospérité, contre laquelle se formaient de grands orages qui n’eussent pas été sans péril pour lui à l’avenir ; mais elle lui sembla d’autant plus rude, qu’outre qu’elle est amère, comme dit le Sage, à ceux qui sont dans la bonne fortune, il prenait plaisir à savourer les douceurs de la vie, et jouissait avec volupté de ses contentements. […] En lisant avec soin ces maximes d’État de Richelieu, un doute m’a pris quelquefois : je me suis demandé si, dans le jugement historique qui s’est formé sur lui, il n’entrait pas un peu trop de l’impopularité qui s’attache aisément aux pouvoirs forts considérés aux époques de relâchement, et si, de loin, nous ne le jugeons pas trop, jusque dans sa gloire, à travers les imputations des ennemis qui lui survécurent.

174. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Je laisse les charmes de son visage aux photographes littéraires, qui peuvent le ramasser, s’ils savent par où le prendre. […] Religion, philosophie, roman, critique, histoire, économie politique, tout dut prendre ce galant uniforme et s’en habiller, comme le Spectre d’Hamlet de sa toile cirée… Et tout cela s’est exécuté ponctuellement, et la Revue des Deux Mondes a toujours paru le même intéressant recueil à ses abonnés impassibles. […] Il aurait pu prendre au coin de la rue cinq commissionnaires, avec leur plaque, et leur faire faire sa Revue des Deux Mondes. […] Cette ressemblance par le bonheur, malgré les différences dans la manière de s’y prendre pour y arriver, entre l’ancien directeur de l’Opéra et le directeur présent de la Revue des Deux Mondes, Véron l’a si bien sentie qu’elle a décidé de sa bienveillance pour Buloz. […] On ne prend jamais les hommes pour ce qu’ils valent, mais pour ce qu’ils se donnent, et c’est là une explication de l’importance de Buloz, qui vit sur son passé et sur ses restes d’influence.

175. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Nous n’avons pas hésité à croire que ce grand égaré de Saint-Martin, qui a fait un livre intitulé Ecce homo, ne fût pris à son tour pour l’Ecce homo du mysticisme et outrageusement traité comme tel. […] La biographie intellectuelle de Saint-Martin n’était qu’une curiosité philosophique, mais, rattachée à l’histoire du dix-huitième siècle, elle prenait presque aussitôt de la consistance et de la valeur. […] Prendre un siècle comme un homme, par ses prétentions, est un mauvais moyen de le connaître, même quand il s’agit d’apprécier le mal qu’il a fait… ce qui paraît toujours facile. […] Caro, — et nous prenons acte de ceci, venant d’un philosophe, — nous les donne pour les précurseurs de Hegel. […] Il le trouva et il le prit.

176. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

C’est dans l’état de stupidité farouche où se trouvèrent les premiers hommes, que tous les philosophes et les philologues devaient prendre leur point de départ pour raisonner sur la sagesse des Gentils. […] C’est ce que font précisément les enfants (axiome 37), lorsqu’ils prennent dans leurs jeux des choses inanimées et qu’ils leur parlent comme à des personnes vivantes. […] C’est ainsi qu’il faut entendre dans l’histoire de la civilisation le Jovis omnia plena ; c’est ce Jupiter que Platon prit pour l’éther, qui pénètre et remplit toutes choses ; mais les premiers hommes ne plaçaient pas leur Jupiter plus haut que la cime des montagnes, comme nous le verrons bientôt. […] Un autre aspect principal de la science nouvelle, c’est une philosophie de la propriété (ou autorité dans le sens primitif où les douze tables prennent ce mot46). […] C’était avec le commencement des peuples, que Grotius, Selden et Pufendorf devaient commencer leurs systèmes (axiome 106 : les sciences doivent prendre pour point de départ l’époque où commence le sujet dont elles traitent).

177. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Prenez des chevaux ! […] Cela l’avait pris subitement le dimanche en revenant du Bois. […] Et tout de suite son parti fut pris. […] Je la pris eu grande affection. […] … Où prend-elle ça ?

178. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

prends ce que tu voudras, brute ! […] Je lui ai pris le nom de mon Pèlerin passionné. […] Est-ce qu’il prendra les rênes avec la fierté vigoureuse des jeunes années ? […] Mais qui donc, je vous le demande, peut y prendre goût ? […] Personne ne savait qui en prendrait la direction, ni par quoi commencer.

179. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Peu à peu la tendresse prend l’accent de la mélancolie. […] S’agissait-il d’en prendre copie, la question devenait plus délicate. […] Guizot n’eût pris la peine de nous l’expliquer. […] Aussi ne prendrai-je pas la peine de les analyser. […] Julien n’a-t-il pas pris pour lui tous les soucis du ménage ?

180. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

Il vint me prendre un soir d’été dans ma chambre de la rue Notre-Dame-des-Champs pour me mener chez M. de Chateaubriand, logé alors rue d’Enfer, à l’hospice Marie-Thérèse, et qui allait repartir pour son ambassade de Rome. […] J’avais déjà publié mon Tableau de la Poésie française au xvie siècle, les Poésies de Joseph Delorme, et des articles dans le Globe et dans la Revue de Paris ; il me prit tout d’abord à partie sur un des derniers articles, celui de Jean-Baptiste Rousseau. […] J’ai souvent pensé combien, malgré tous les soins qu’on prend pour peindre la société de son temps et pour en donner l’idée aux générations survenantes, on y réussit peu et quelles étranges images s’en font ceux qui se mêlent ensuite d’en écrire. […] Godefroy, qui, parlant de la chambre de Malherbe où il y avait six chaises et de la tyrannie que le poëte-grammairien y exerçait, a bien osé comparer cela au salon de l’Abbaye quand M. de Chateaubriand y était : « Dans ce petit cercle d’intimes choisis, il (Malherbe) trônait en roi : il fallait l’écouter et ne prendre la parole que pour l’approuver absolument. […] D’ailleurs, j’avais fort étudié Rancé de longue main pour mon Port-Royal, et j’en pris occasion de dire de lui bien des choses que M. de Chateaubriand affaibli avait oubliées ou méconnues.

181. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Je prends cette somme sur le prix de la récolte de mes vignobles, et sur le prix de mes abonnements à mon journal littéraire qui, grâce à la complaisance de mes amis, s’élève toujours à environ 140 ou 160,000 fr. […] Nous aimions mieux le prendre sur nos jambes. […] Nous partîmes avant que le jour éclairât les rues et nous prîmes, en disant toutes les notes de notre chapelet, la route de Châlon. Les personnes qui passaient comme le vent soit en chemin de fer, soit en cabriolet, nous jetaient à peine un coup d’œil et nous prenaient sans doute pour une famille du voisinage qui allait à la promenade. […] Là nous prîmes un chemin de traverse sur la droite, et nous arrivâmes bien fatiguées sans passer par Châlon à Sennecey.

182. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Il n’y avait point pris garde. […] Charles en avait pris son parti. […] — Je suis pris ! […] Je pris la diligence et j’arrivai à Paris. […] mon ami, prenez le général Cavaignac ! 

183. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Depuis cinq ou six ans, il avait pris hautement position, n’attendant rien que de l’avenir et y poussant de toutes ses forces. […] Mille échappées, où l’on ne voyait auparavant que des accès de fantaisie, prennent un sens profond et précis qu’elles n’avaient pas. […] J’évitai les quais et la Grève, qui devaient être encombrés de peuple ; je pris la Cité, Notre-Dame, l’île Saint-Louis, et j’arrivai à la place Royale, où la garde nationale du quartier s’assemblait. […] vous l’êtes encore plus que vous ne le croyez, je vous en réponds ; mais usez de votre force au besoin, prenez sur vous, et vous serez appuyé. » — « (L.) […] je prendrais bien sur moi, s’il le fallait, et je monterais à cheval.

184. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

C’est un livre singulier, direct comme un mémoire à une académie, dont il a pris la forme décidée, vibrante et personnelle. […] Aussi, en voyant les derniers faits qui se sont produits et qui semblent avoir posé eux-mêmes les questions à la science désorientée et muette, il a pensé que l’heure était venue d’une mise en demeure solennelle de cette science beaucoup trop… discrète, et il en a pris l’initiative. […] Il a donc développé avec beaucoup de soin, dans l’introduction de son livre, les conditions de son programme : « Nous prenons — dit-il — l’engagement de démontrer dans une foule de cas physiologiques, psychologiques, historiques et physiques, l’intervention très fréquente de ces agents mystérieux que nous appelons des forces intelligentes, autrement dit des esprits. […] Et quand il a encore épuisé ces témoignages il prend les faits eux-mêmes, et ils sont nombreux dans son livre, et il démontre par eux l’intervention de ce « principe surnaturel » qui s’impose de vive force à l’observation la plus supérieure, en raison même de sa supériorité. Voilà, en quelques mots bien courts et bien insuffisants, l’analyse d’un mémoire que tout le monde voudra lire, car il prend l’imagination au même degré que le désir et la faculté de connaître.

185. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Le roi me fit prendre l’autre jour sa jupe qui était sur un canapé, pendant que Mme la dauphine était à sa toilette. […] Le roi, habitué à la voir, avait pris insensiblement confiance en elle, et il aimait à l’entretenir en secret. […] Il n’était pas accoutumé à être planté là de la sorte ; il se crut joué, et il n’en prit nullement son parti. […] Il en était là, en plein torrent de cette vie de bruit, de joie et d’opulence, lorsqu’il fut pris, le 12 ou 13 novembre (1750), d’une sorte de rhume qu’il brusqua. […] On le saigna coup sur coup ; la tête se prit : on appela de Paris le médecin Senac, trop tard.

186. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Il attaquait dans l’Homme aux quarante écus (1768) les chimères d’un économiste ; mais il en prenait occasion d’indiquer l’abus des dîmes, de réclamer la suppression des couvents. […] Pendant vingt ans, c’est son délassement, sa joie, son remède, de prendre par les oreilles, et de fustiger publiquement ou Pompignan, ou Fréron, ou Nonotte, ou Patouillet. […] Il n’a cru qu’à la raison : mais il a trop cru que ses habitudes, ses préjugés, ses partis pris étaient la forme universelle, éternelle de la raison. […] Il a pris la société telle quelle, et il a voulu y loger tout le monde le mieux possible. […] Voltaire prend le style d’un pasteur fanatique ; mais c’est encore pis que d’être sincèrement fanatique, et pour son compte.

187. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Il est vrai que l’art des vers est fort différent de la versification ; et, pour le dire tout de suite, c’est parce que le dix-huitième siècle les a pris l’un pour l’autre qu’on y est si peu poète. […] Mais le péril de toute théorie sur l’art d’écrire en vers, c’est qu’on la prenne trop à la lettre, et que l’on confonde l’art avec le mécanisme. […] Pris au figuré, ce précepte n’en dit pas trop ; pris à la lettre, si c’est un poète qui l’exécute, il s’y éteindra. […] On ne lit pas la Henriade, on en prend connaissance. […] Prenons la maîtresse pièce du poème épique, les caractères.

188. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

L’abbé Maury a été l’un de nos orateurs les plus célèbres, et il est encore un de nos rhéteurs les plus judicieux et les plus utiles, à prendre ce mot de rhéteur dans le sens favorable des anciens. […] Plus tard, en retouchant cet Éloge à cet endroit et en quelques autres, il est curieux de voir comment l’auteur s’y prendra pour corriger dans le détail ces parties faibles et à demi mondaines. […] Il aimait la dispute, s’y possédait et y prenait vite ses avantages. […] Il faut reconnaître à son honneur qu’il n’hésita pas dans le choix du camp, et que son parti fut pris du premier jour. […] Ma résolution est prise de périr sur la brèche ; mais je n’en ai pas moins la triste certitude qu’ils prendront la place d’assaut, et qu’elle sera mise au pillage.

189. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Sitôt que j’ai eu mis le premier sapin devant moi, il m’a pris comme un mouvement de joie, de gaieté même, de voir la mine embarrassée de mon voleur. […] En février 1774, on devait le jouer encore : le jour était pris, la Dauphine devait assister à la première représentation : la salle était louée pour six soirées. […] En voilà une qui se présente : une veine franche y jaillit, elle frappe, elle monte, elle amuse ; l’esprit moderne y prend une nouvelle forme, bien piquante, bien folle et bien frondeuse, bien à propos. […] Recevoir, prendre et demander, voilà le secret en trois mots. […] Enfin, si l’on prend les deux personnages comme types de deux sociétés aux prises et en présence, il y a lieu à hésiter (quand on est galant homme) si l’on n’aimerait pas mieux vivre, après tout, dans une société où régneraient les Almaviva, que dans une société que gouverneraient les Figaro.

190. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Vous avez pris le moment équivoque et le moment insipide. […] La Grenée et vous, vous prendre par la main. […] Le père espérerait-il s’y prendre mieux une autre fois ? […] S’il prend le premier parti, la composition sera d’accord et tout à fait mauvaise ; s’il prend le second, il y aura harmonie, unité et beauté. […] L’ennui et le bâillement vous prenaient en approchant du grand pan de muraille qu’ils couvraient ; je bâille encore d’y penser.

191. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Nous pouvons prendre un plaisir infini à leurs ouvrages, comme nous en prenons à la lecture d’un drame indien, de Sacontala, par exemple, et même ils ont avec nous un rapport de parenté que n’aurait pas le drame indien ; mais ils ne peuvent faire autorité dans la question qui nous occupe. […] Vous l’appelez chrétien parce qu’il a pris à la Bible quelques fleurs, au Christianisme quelques formes, comme il a pris à Horace ses continuelles images de l’incertitude de la vie. […] L’autre fit comme Goethe avait fait après Werther et Faust, il prit l’art au point de vue absolu. […] L’autre prendra surtout ses symboles dans l’univers visible. […] L’autre prend l’Humanité comme un spectacle varié et infini, comme un théâtre pour faire briller la force de son génie.

192. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Monseigneur continue de chasser chaque matin et de prendre son loup, tant qu’il y a des loups ; car à la fin il en a tant tué qu’à de certains jours il n’en trouve plus. […] Le roi prend lui-même connaissance de l’affaire et décide ; presque tout est jugé en faveur de Sainctot, qui a pour lui une longue possession : il restera indépendant de M. de Blainville, ne prendra point l’ordre de lui, marchera à sa gauche, mais sur la même ligne, etc […] L’attaque, même différée d’un jour, coûta cher pourtant : l’ouvrage à cornes fut pris d’abord, puis perdu ; il fallut revenir à la charge le lendemain. […] On serait tenté, au sortir de là, de prendre un livre de raisonnement et de logique pour se reposer. […] Le roi y est pris de goutte ; ce qui ne l’empêche pas de tout voir, de donner ordre à tout.

193. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

» Il en prit de bonne heure son parti, et sur ce chapitre il se montra toujours prêt à faire les honneurs de lui-même. […] Beugnot ; mais hier encore, mais tous les jours, vous avez paru tranquille sur la tournure que prenaient les débats et sur la disposition du tribunal : vous nous trompiez donc !  […] Beugnot : il observait ce à quoi il était mêlé ; il dessinait les hommes, les prenait sur le fait et se préparait à être un des bons témoins désintéressés de son époque par devant la postérité. […] M. de Talleyrand n’avait pas hésité à le prendre, dès le premier jour, pour un instrument du nouveau régime. […] Mais l’esprit, qui s’évapore en bons mots s’il n’est que viager, prend plus sûrement sa revanche après la mort, s’il se fixe en des écrits durables.

194. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Je blâme également, dit-il, et ceux qui prennent parti de louer l’homme, et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le prennent de se divertir ; et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant. […] Il prend l’homme au milieu de la nature, au sein de l’infini ; le considérant tour à tour par rapport à l’immensité du ciel et par rapport à l’atome, il le montre alternativement grand et petit, suspendu entre deux infinis, entre deux abîmes. […] Bossuet prend la plume, et il expose avec une haute tranquillité les points de doctrine, la double nature de l’homme ; la noble origine, l’excellence et l’immortalité du principe spirituel qui est en lui, et son lien direct avec Dieu. […] Il suppose tout d’un coup un dialogue où le divin agonisant prend la parole et s’adresse à son disciple, en lui disant : Console-toi, tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé […] La société humaine, et pour prendre un exemple plus net, la société française m’apparaît quelquefois comme un voyageur infatigable, qui fait son chemin et poursuit sa voie sous plus d’un costume, et en changeant de nom et d’habit bien souvent.

195. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Les poètes ont parfois de ces partis pris. […] On prit deux fiacres. […] Sa diction prenait quelque chose de prophétique. […] Il s’agissait de prendre une voiture. […] Je pris des notes.

196. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XII. L’homme touffu »

Si tu y consens, je te prendrai comme femme et je te donnerai cent taureaux en dot ». […] Daouda cessa aussitôt son travail de culture, rentra dans la case prendre ses armes et revenant, l’arc tendu et le carquois à l’épaule, il dit à sa sour : « Je vais les tuer tous, à l’exception d’un seul qui ira annoncer la mort de ses compagnons à celui qui les a envoyés ici ». […] La vieille prit alors le sentier qui menait au lougan des orphelins et tout, en marchant, elle criait « Mâssa ! […] Elle courut prévenir le kuohi qu’il pouvait sans crainte envoyer prendre Aïssata par 2 hommes seulement car son défenseur ne se réveillerait pas avant le lendemain. […] Il prit l’enfant et chanta cette chanson : « Ô mon neveu amuse-toi !

197. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Pendant toute la journée du 21 mai, et tandis que Napoléon livrait sa bataille de front, les forces de Ney furent utilement employées à prendre l’ennemi à revers et à décider la victoire. […] Il est probable qu’un soir, ne trouvant pas ceux de Jomini sous la main, il s’était livré à un emportement que Berthier n’avait pris nul soin de calmer. […] Jomini va se trouver aux prises avec d’autres difficultés, d’autres obstacles, d’autres intrigues. […] On avait pris à tâche de le dégoûter. […] Mais il ne prit aucune part aux affaires de guerre, et ne fit autre chose que veiller aux intérêts de la Suisse, qui en avait grand besoin.

198. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il était possible à des observateurs superficiels de le prendre pour un sujet respectueux et repentant. […] On sait sa jolie dissertation sur le mot Vaste, qu’il tient à ne prendre que dans l’acception d’un défaut. […] Il avait trop de goût pour être ridicule, et ceux qui le voient tel à cette distance n’ont pas pris la peine de se placer au point de vue. […] Gilbert : il a pris Saint-Évremond de plus haut, et il n’a pas su se garder de le traiter, selon moi, avec une sévérité excessive. […] Cousin, prenait toutes ses précautions pour ne le choquer en rien, et je crois, en effet, qu’il y est parvenu.

199. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

. — Nous sommes tentés de la prendre pour un acte simple et spirituel. — Illusion psychologique analogue à propos des autres actes de connaissance. […] Prenons le cas des images qui nous viennent au moment où finit la veille et où commence le sommeil3. […] Celui-ci, appliquant alors sous le nez du sujet ses doigts fermés contre le pouce, lui dit d’aspirer pour prendre une prise de tabac. […] -H… étant hypnotisé, on plaça devant lui un verre d’eau pure qu’on l’amena à prendre pour du brandy. […] Une voix mystérieuse me dit de prendre cette araignée.

200. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Lord Byron détestait le cant, ou l’hypocrisie des salons, et la prenait au tragique. […] Plus d’un poète prend pour des idées des images confuses, et à force de raffiner devient inintelligible. […] Ses caractères sont bien russes et pris sur la nature. […] Il s’en présente une, grande, robuste, un peu gauche et maladroite, mais qui prend les gages qu’on lui offre. […] Un général qui a pris bien des places, par amour de la diversité, se plaît à soutenir un siège.

201. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Qu’il la prenne ou qu’il l’emmène, elle est sa chose et son bien. […] Quel intérêt peut-on prendre à ce mors aux dents ? […] Mais son parti est pris, sa dernière pudeur est tombée. […] Mais ce délai ne fait point le compte de l’Américain, qui part le soir, pour prendre, au Havre, le paquebot du matin. […] Lionnette aura plus tard le tort de remuer savamment tout cela, d’en prendre l’écume et de la rejeter sur sa mère.

202. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

La noble reine se prit à pleurer bien fort. […] Gunther prit lui-même une rame. […] Le noble Gunther commença d’en prendre de l’inquiétude. […] Le grand fracas prit fin après de glorieux exploits. […] L’illustre reine se prit à penser à ses ennemis.

203. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Je dis que nous avons transplanté sans peine dans notre ouvrage, car lorsque nous prenons les vers dans un poëte, qui a composé dans une langue autre que la langue dans laquelle nous écrivons, nous ne faisons pas un plagiat. […] Fulvius-Ursinus auroit pris une peine fort inutile, s’il n’avoit recüeilli tous les endroits que le poëte latin a imitez du poëte grec que pour diminuer la réputation du poëte latin. Virgile s’est, pour ainsi dire, acquis à bon titre la proprieté de toutes les idées qu’il a prises dans Homere. […] Si M. de La Fosse a pris à M.  […] Ils l’abandonnent pour en prendre une autre ; ils quittent celle de leur maître pour s’en faire une nouvelle.

204. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

X. c. vj. oû ce P. soûtient que les Grecs ont pris leurs lettres des Hébreux. […] Bon à prendre & à laisser. […] Prendre à gauche. […] On ne doit pas dans la suite du même raisonnement le prendre dans une acception différente. […] Quand un nom d’espece est pris adjectivement, il n’a pas besoin d’article ; tout homme est animal ; homme est pris substantivement ; c’est un individu spécifique qui a son prépositif tout ; mais animal est pris adjectivement, comme nous l’avons déjà observé.

205. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

… mais pas à prendre ? […] Les élèves prennent activement des notes. […] Il cherche sans doute comment s’y prendre maintenant. […] Colonel, vous allez charger ; prenez vos dispositions. […] Escoffier fut pris.

206. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

L’interest qu’ils prennent à leur opinion, leur fait employer sans scrupule tous les détours qui la favorisent. […] Le préjugé s’y prend ainsi. […] Et pourquoi a-t-elle pris garde à n’en point nommer de plus accréditez ? […] Mais nous avons des poëmes épiques, à prendre ce terme dans toute sa rigueur. […] Tout doit prendre en lui la forme de sentiment jusqu’aux réfléxions mêmes.

207. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Des becs de gaz s’allumaient çà et là comme des étoiles isolées ; dans l’effacement universel, ils prenaient tout le regard. […] Cette personne, étant d’un esprit supérieur et connaissant la cause des illusions, n’en prit aucune inquiétude, quoiqu’elle en fût souvent hantée. […] Toute la journée et toute la nuit du 6 se sont passées dans les mêmes idées, sans que je pusse prendre un instant de repos ni aucune espèce de nourriture. […] Sandras parle d’hallucinations qu’il a eues lui-même dans une maladie, pendant laquelle il prenait ses propres pensées et ses désirs pour des voix. […] Récits de plusieurs personnes qui avaient pris du haschich. — Ibid.

208. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

» J’irai tout d’abord au fond, et je dirai : L’idée qu’on prend du duc de Bourgogne quand on a lu Fénelon n’est pas exactement la même que celle qui nous est donnée par la lecture de Saint-Simon. […] on prend avec Saint-Simon une idée, une impression du duc de Bourgogne bien plus grande et plus favorable qu’avec Fénelon. […] La religion, qui lui attire des critiques, est le seul appui solide pour le soutenir ; quand il la prendra par le fond, sans scrupule sur les minuties, elle le comblera de consolation et de gloire. […] Dans le printemps de 1702, le duc de Bourgogne, allant prendre le commandement de l’armée de Flandre, eut permission de voir à son passage à Cambrai Fénelon (avril 1702), et il le vit encore au retour (septembre). […] Mais, au milieu de tout, cette nature délicate, pure, favorisée d’onction et ornée d’une grâce divine, se retrouve et prend le dessus.

209. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Imaginez-vous le médecin d’Alexandre, celui qui le sauva après l’imprudence du bain trop froid pris dans le Cydnus, ce Philippe, nous ayant laissé la suite des ordonnances faites par lui à chaque étape au conquérant de l’Asie ! […] Les bains, les demi-bains, cette idée, ce semble, toute naturelle et de bon sens, cette chose si salutaire et si adoucissante, ne lui en parlez pas : on en prenait peu alors, et lui moins que personne. […] La grande opération, celle de la fistule, vient à son rang dans le Journal, mais seulement à son rang et sans prendre une importance disproportionnée. […] Le Journal, une fois rédigé par lui, prend un intérêt médical tout particulier. […] C’était, en résumé, un cordial et un tonique, même un dépuratif, qui, à la condition d’être pris à petite dose, pouvait utilement corriger l’effet du vin de Champagne, purement excitant.

210. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Les historiens actuels, et ceux même qui ont par devers eux, aussi bien que nous, leurs souvenirs, s’efforcent presque tous d’être froids et calmes, de faire la part de toute chose et de chacun ; ils prennent sur eux après coup, comme c’est leur devoir, pour tenir exactement la balance ; ils diront, en nous rendant compte des actes et discours de la Chambre de 1815 : « M.  […] comment cet homme qu’on a connu depuis si modéré, si bienveillant et si courtois de langage, comment crut-il devoir s’y prendre pour sauver ses pauvres clients, et peut-être pour s’excuser lui-même d’oser les défendre ? […] Ces premiers projets, l’un sur les cris séditieux, l’autre pour la suspension de la liberté individuelle, parurent encore trop doux à la Chambre qui voulut les amender dans un sens de rigueur ; et c’est dans ces premières discussions que chacun prit sa ligne et que les orateurs éminents se dessinèrent. […] Laborie tout essoufflé arrive à la Quotidienne, prend à part M.  […] Il la tenait toujours entre ses mains : s’il était content de ce qu’il entendait, il oubliait de prendre sa prise ; sinon, il prisait sans cesse et vidait sa tabatière.

211. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Laffitte avait pris au sérieux toutes les théories de l’opposition des quinze ans, et, en les transportant dans le gouvernement, il le rendait impossible. […] Cet homme ayant manqué à l’heure opportune, le cours des événements et des opinions s’était dirigé autrement et au hasard ; au point où le prit Casimir Périer, il fit la seule chose forte et hardie qui était possible alors : il mit un bras de fer dans la roue du char lancé à l’aventure, et l’arrêta. […] Vous avez pris des engagements, et les suivez en homme d’honneur ; moi, je n’ai pas pris d’engagements et ne m’en fais aucun mérite. […] Pourtant, s’il y a eu pour lui une heure où il put prendre acte d’un fait public pour ôter à son opposition ce qu’elle avait de trop personnel et de trop direct, de trop semblable à un duel continu, et pour lui donner une base sur laquelle il pût durer, ce fut ce jour-là. […] Je vous remercie sans façon aucune de m’avoir pris comme je m’efforce d’être… (Lettre du 25 février 1833.)

212. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Vos idées prendront le tour simple des pensées antiques. […] Puis l’envie le prit de faire sa sœur Lucrèce, duchesse de Ferrare. […] Mais la jeune reine prit à la lettre la métaphore du vieux courtisan. […] Elle ne prend pas beaucoup de consolation dans les livres de dévotion. […] Dès que la reine se trouva mal, on sut ce qu’elle avoit pris, et de quelle main.

213. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Pareillement, de capere, prendre, on a tiré par analogie captare, capessere, faisir ardemment, se hâter de prendre ; captio, captus, captatio, captator, captatrix, capax, capacitas. […] En effet les composés de dies pris dans ce dernier sens, sont tous masculins, meridies, sesquidies, &c. […] Par rapport à cette idée primitive, ses mots peuvent être pris ou dans le sens propre, ou dans le sens figuré. […] Le premier changement consiste à prendre un mot sous une forme, au lieu de le prendre sous une autre, ce qui est proprement un échange dans les accidens, comme sont les cas, les genres, les tems, les modes, &c. […] De même on se sert de mutare, soit pour donner, soit pour prendre une chose au lieu d’une autre.

214. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

c’est différent, je vous prenais pour un de ces lapins qui courent après nous. […] « Et il se prit la main droite avec la gauche en la serrant au poignet. […] Il me suivait de l’œil ; je lui pris le bras ; j’étouffais, ma foi ! […] C’était le moment que j’avais résolu de prendre. […] Où les prendrais-je ?

215. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Ils ont fait avec nous un malheureux échange : ils nous ont donné leurs meilleurs artistes et pris les pires des nôtres. […] Paris a cru prendre la succession romaine et ç’a été le rêve de quelques années. […] Voilà Jésus et Mahomet aux prises. […] La philosophie a pris à la religion chrétienne ses dogmes : l’art lui a pris ses rites. […] Autrefois, c’est l’art qui faisait intrusion dans l’empire scientifique ; la science prend aujourd’hui sa revanche.

216. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

J’ai pris pour eux, comme à la chasse, l’étincelle, source de la flamme. […] Il se prit à haïr l’espèce humaine et il voulut la détruire. […] On comprend donc la physionomie caduque que prend Océanos dans le drame d’Eschyle. […] On en prendrait une fausse idée en l’envisageant d’après lui. […] Les larrons, s’abritant sous le voile du crépuscule, le prirent pour patron.

217. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Vous me l’avez dit assez souvent ; je n’y ai pas pensé quand il le fallait ; j’ai laissé prendre à mes étourderies la couleur des crimes, n’en parlons plus. […] Nous sommes jeunes, mon cher Mirabeau ; et, quoique la vie soit courte, elle peut sembler bien longue, dans de certains engagements ; aussi, je crois qu’on n’en doit prendre que par raison, et le plus tard qu’on peut. […] Il faut cependant, pour vivre avec tous ces gens-là, un grand fonds de connaissances qui ne satisfont ni le cœur ni l’esprit, et qui prennent tout le temps de la jeunesse. […] Quand vous ne prendriez que les mauvais tours de phrase et l’accent du Bordelais, et ne perdriez pas de cent autres côtés, vous seriez toujours blâmable du long séjour que vous y faites. […] [NdA] Disposition est pris là comme le substantif de dispos, le contraire de l’indisposition.

218. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Mais il en faut prendre dorénavant son parti : M.  […] Mais enfin je retrouve quelqu’un qui laisse la note dans son naturel et qui me prend par mes fibres délicates, sans me heurter, sans m’offenser et me faire souffrir. […] Ce n’est qu’un amoureux faible qui a pris sa crainte pour de la vertu, sa timidité naturelle pour un stoïque effort. […] Mais je prends peut-être bien à cœur cette conclusion. […] Je prends pour exemple l’hôtel d’Orsel où vont ces deux jeunes gens, Olivier et Dominique, pendant leurs années d’études.

219. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Puis son amour maternel a pris l’expansion de la Charité. […] Le désespoir l’a pris ; il y aurait succombé, si madame Aubray ne s’était trouvée sur sa route. […] Jeannine vient s’excuser d’avoir manqué à son engagement et prendre congé de madame Aubray. […] Les femmes à ce moment pleuraient avec elle et tous les cœurs étaient pris. […] Pour faire reculer celui qui l’aime, la pauvre fille prend le masque d’une courtisane.

220. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

L’irritation et la fureur qu’excitèrent les événements de 1815 redonnèrent une fièvre qui fit oublier la fatigue et qui embrasa les cerveaux ; les partis se retrouvèrent aux prises comme s’il n’y avait pas eu déjà tout un cercle accompli de révolutions. […] Théodore Leclercq n’avait qu’un parti à prendre, et il le prit sans avoir besoin d’y songer : c’était, tout en en ressentant l’influence et peut-être l’ascendant, de rester lui-même, et de ne pas lui ressembler. […] C’était multiplier les ridicules et s’en donner tout le plaisir que de les assembler autour de soi, de les mettre en jeu et aux prises sous ce point de vue particulier. […] Sophie, la fille de boutique, prend un chapeau et le pose ridiculement sur sa tête : Madame, qui est-ce qui met son chapeau comme cela ? […] Leclercq ne prend plus tant de précautions.

221. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Une nuit, au siège de Mardyck, « je pris mon temps, dit-il, pour aller seul à la tranchée, et voir à quel point j’aurais peur. […] de rapporter au roi la masse de drapeaux et d’étendards pris sur l’ennemi, et qu’on emballe du mieux qu’on peut derrière son carrosse. […] Il va prendre à cette fin des hommes sûrs en Angoumois, aux environs de La Rochefoucauld ; et pour ce qui est de l’argent, nerf de toutes choses, il songe aux moyens de s’en procurer. […] Mathier faisait sa recette, la lui prend pistolet au poing au nom de Messieurs les princes, et lui laisse pour toute consolation une quittance de huit mille livres à valoir sur qui de droit. […] À la vérité, je ne me souvenais pas trop bien de la courante que j’apprenais quand on vint me prendre pour me conduire à la Bastille, outre que je n’avais pas grande disposition à la danse, étant devenu fort gros depuis ce temps-là ; mais je prenais un grand plaisir à la chasse du cerf, que je courais assez souvent, aussi bien qu’à celle du lièvre, où les dames venaient dans deux carrosses.

222. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Marmont, fidèle au génie français, et l’un des plus distingués capitaines de cette école de l’armée d’Italie, penchait encore pour l’offensive et en prenait volontiers l’attitude, même quand son rôle était purement défensif. […] Le général Bonnet, qui prit le commandement, fut blessé peu après, et le général Clauzel se trouva commander de troisième main. […] Cependant, vers trois heures et demie ou quatre heures, l’ennemi, s’apercevant du peu de forces qu’il a en face de lui, déborde et débouche de toutes parts ; on va être pris de vive force ; c’est le moment de capituler. […] Je me décidai à prendre à l’instant même un poste de 60 hommes, qui était à portée ; sa faiblesse ne pouvait pas être aperçue par l’ennemi dans un pareil défilé. […] Il fut convenu que les troupes se retireraient dans les barrières, et que les arrangements seraient pris et arrêtés pour l’évacuation de la capitale.

223. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Mais dans les épreuves multipliées, dans les vicissitudes de chaque jour, les incapables étaient vite balayés, tandis que les hommes de talent, une fois promus et dans des postes élevés, prenaient de l’ascendant, acquéraient l’habileté que donne la guerre ; ils sauvèrent le pays en s’illustrant. […] Auparavant, dans la campagne d’Italie, il avait combattu dans la division de Bernadotte sous les yeux du général Bonaparte et avait pris une belle part à toute la seconde moitié de cette immortelle campagne (1797). — Les lettres qui lui sont adressées par le général Bernadotte à cette date et depuis, sont écrites encore du style républicain et sur le pied d’égalité. […] Il fait à chacun des généraux la part de critique, et l’une de ses observations (la quatrième) porte sur le mouvement du général Friant sur la plage d’Aboukir : il indique quelques dispositions qu’on aurait dû prendre. […] Le précédent colonel commandant des grenadiers de la Garde était le général Dorsenne, et c’était Friant lui-même qui l’avait indiqué au choix de l’empereur. « Il me faut un colonel pour ma Garde, lui avait dit un jour Napoléon ; qui prendrai-je ?  […] Friant prit le commandement de l’infanterie de la vieille Garde dans la seconde moitié de la campagne de 1813, et il ne quitta plus la partie jusqu’à la fin.

224. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Napoléon, à l’ouverture de la campagne de 1815, résolu à prendre l’offensive plus conforme à son génie et à celui de son armée, avait l’œil sur la frontière du Nord ; il y voyait Wellington et Blücher déjà prêts et unis, mais non tellement unis, quoique fort rapprochés, qu’on ne pût pénétrer entre eux et les couper dans la ligne même de soudure. […] Ney, à peine arrivé et immédiatement mis à la tête de son corps d’armée, crut avoir, besoin de quelques heures pour se reconnaître, pour prendre idée des troupes qu’il commandait : la lenteur à attaquer dans la soirée du 15 pouvait se réparer aisément le lendemain. […] Napoléon, quoique ne se portant pas bien en ce moment, était resté dix-huit heures à cheval le 45, n’avait pris que trois heures de sommeil, s’était levé le 16 presque avec le jour, avait donné et dicté ses ordres, et se remettait à cheval pour y rester dix-huit heures encore. […] Ney tout bouillant, recevant cet ordre, ne le prit pas dans son sens le plus naturel et l’interpréta. […]  » D’Erlon, recevant l’ordre de Ney en contradiction avec celui de Napoléon, ne prit point le parti qu’en d’autres temps de confiance et d’orgueil il aurait certainement adopté.

225. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Maître Adam de la Halle n’était pas lépreux, et des querelles locales le contraignaient à partir : aussi prend-il congé avec plus de colère que de tristesse, et lançant contre Arras quelques invectives qui — de fort loin — font songer aux amères salutations que Dante exilé envoyait à sa patrie. […] Il prit deux fois femme ; et la deuxième au moins, laide, vieille et pauvre — mais pourquoi l’épousait-il ? […] Il prend à la poésie savante quelques-uns de ses jeux de rimes : mais de cet exercice fastidieux et froid, sa gaminerie parisienne fait une sorte de jonglerie cocasse, un jaillissement drolatique de calembours. […] Il ne faudrait pas prendre cependant Rutebeuf pour un furieux « anticlérical », une sorte de journaliste radical du xiiie  siècle. […] Qu’on prenne sa complainte du comte de Nevers, ou sa complainte d’outre-mer, qu’on prenne le dit des Jacobins ou le dit de la Vie du monde, la phrase se détache, s’étale, c’est le ton d’un orateur, et le plus incontestable mérite de cette poésie est l’éloquence.

226. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Mais Louis Faliés a été modeste, et la modestie ne vaut rien dans ce monde, où on la prend toujours au mot. […] Au lieu de s’astreindre aux conditions de temps et d’espace qui enserrent l’histoire comme la vie, il fait l’aigle, s’abat où il lui plaît, prend l’histoire où il veut la prendre, et procède même méthodiquement, comme Montesquieu, quand il s’agit de la Civilisation occidentale, la seule qu’il sache ou qu’on sache bien, dans l’état actuel des connaissances historiques auxquelles, par son livre, il n’ajoute, certes ! […] Les sottes idées d’un temps égalitaire le prennent à la gorge. […] Il restait donc l’Amérique, et il l’a prise, comme il devait la prendre, du reste, avec cette drôle de civilisation océanienne, anthropophage, et au baiser nasal, par-dessus le marché. […] Malgré toutes les peines qu’il s’est données pour composer sa petite mosaïque de renseignements, pris partout à Prescott et à Brasseur, ses Études, si on en juge par les résultats qu’elles affirment, sont à continuer.

227. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Hello tout seul, que le peu de souci pris de ses œuvres par l’impiété du temps où il vit. […] Il avait pris ses précautions contre elle. […] Ce mystique les prend les unes après les autres, et il les creuse jusqu’au tuf, avec une verve de vilebrequin merveilleuse, jusqu’à ce qu’il n’en reste absolument rien sous son implacable vilebrequin. […] Il prendrait à leurs yeux des proportions incontestables, et ils en vanteraient les qualités, délicieusement goûtées par eux. […] Pourquoi ce qui fut facile au grand poète du Paradis perdu, qui prit son mâle parti de l’obscurité, ne serait-il pas facile à un mystique qui est sur la terre exclusivement le poète de Dieu ?

228. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Malheureusement, le marbre de l’oubli est plus dur à égratigner que le marbre d’un tombeau, et, il faut bien le dire, cette Histoire de Christophe Colomb par le comte Roselly de Lorgues, malgré tout le bien qu’on en dit, n’eut point, dans un temps où la publicité se prostitue aux plus basses œuvres littéraires, le succès retentissant que les hommes prennent pour de la gloire. […] L’héroïque Veuillot, par exemple, qui n’a jamais tremblé devant rien, excepté devant les talents qui auraient tenu à honneur de combattre à côté de lui pour la cause de l’Église, Veuillot prit peur, un jour, du talent de Léon Bloy, et, après quatre ou cinq articles acceptés à l’Univers, il le congédia formellement. […] Je veux surtout insister sur ce point : Léon Bloy — l’écrivain sans public jusqu’ici, et dont quelques amis connaissent seuls la violence éloquente, qu’on retrouvera, du reste, dans la troisième partie de son livre, quand il descendra de la hauteur du commencement de son apologétique, — a pris aux Livres Saints, sur lesquels il s’est couché depuis longtemps de toute la longueur de sa pensée, la placidité de la force et la tempérance de la sagesse. […] Ce n’est pas dans les étreintes d’une simple préface qu’on peut rien citer de ce livre, débordant d’une beauté continue, et qu’il faut prendre, pour le juger, dans la vaste plénitude de son unité. […] Elle n’a à dire que les deux mots de la voix mystérieuse qui disait à saint Augustin, sous le figuier : « Prends et lis ».

229. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Celui qui exploiterait le vocabulaire comme on exploite une carrière pour en tirer des pierres, qui prendrait les mots comme des blocs d’invariable dimension, de poids immuable, inaltérables et résistants, qu’on n’a qu’à poser côte à côte et par assises successives, n’écrirait jamais que sèchement, lourdement et sans justesse. […] Tout ce qui fait, à vrai dire, la physionomie individuelle du mot, vient de la place et de l’entourage : c’est là qu’il prend sa forme et sa mesure précises, s’étendant ou se ramassant selon l’espace accordé, grâce à son élasticité naturelle, et fixant dans un emploi unique sa multiple capacité. […] Qu’on le prenne dans le dictionnaire : la plupart des mots sont gris, muets, éteints. […] Au lieu que les mots plus beaux des langues étrangères font obstacle à la pensée en lui imposant, quelle qu’elle soit, leur musique et leur teinte, le mot français, incolore, atone, ne garde qu’un sens net, où l’esprit aperçoit tous les effets, tous les usages dont il est capable ; il prend le relief, l’harmonie, la lumière, la chaleur, que l’idée réclame ; il s’amortit ou éclate, il prête ou emprunte sa flamme, infiniment souple et mobile, élastique et subtil comme le plus léger des gaz, malgré la précision rigoureuse de sa définition, qui, dans aucun emploi, ne s’altère ni ne s’obscurcit. […] Il laisse aux faibles leur faiblesse, mais il ne manque jamais aux forts, et, quand on sait le prendre, il peut tout.

230. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Celui-ci ne prit ni femme, ni abbaye, ni emploi ; il se livra, à son talent pour la poésie, qui lui fit une grande réputation. […] La Fontaine a pris ici le ton le plus simple, et ne paraît pas chercher le moindre embellissement. […] Comme ce vers peint merveilleusement les fripons et les attentions superflues qu’ils prennent pour le succès de leurs fourberies ; attentions qui bien souvent les font échouer ! […] Il fallait finir la fable au vers précédent, toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre. […] Elle avait raison ; mais les femmes ont mieux fait depuis : c’est de prendre leur revanche, de faire des livres, et de peindre les hommes à leur tour.

231. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Qu’il n’accuse pas les autres, et qu’il ne s’en prenne qu’à lui de sa ruine. […] Dupin et ses amis me reprochent de n’avoir pas pris le 24 février ! En vérité, si je l’avais pris, ce rôle, je ne saurais pas aujourd’hui où cacher ma honte. […] Quelque parti qu’il essayât de prendre, il était perdu. […] Après avoir attendu quelque temps que je prisse à mon tour la parole, et voyant que je continuais à me taire, M. 

232. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Il s’est aussi donné beaucoup de peine, et peut prendre sa part au succès. […] Charpentier a pris la peine d’aller le chercher lui-même, comme il avait été chercher M.  […] Celui-là dérive de Lamartine qu’il a connu et dont il a pris la manière fluide et mollement imagée. […] C’est encore un accès qui le prend. […] Non, elle le trouvait seulement plus propre, elle se reposait mieux dans sa chambre, où elle croyait prendre un bain.

233. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

J’ai voulu travailler au scénario de La Faustin, et j’ai été pris de tristesse, en me sentant, pour le moment, incapable d’en faire une pièce. […] Et il prenait une palette, vendue avec le tableau, et il touchait avec un ton pris sur la palette — un tout à fait semblable à celui du personnage — et la femme touchée se mettait à faire des révérences… puis un mezzetin à danser… puis des musiciens à jouer du violon — absolument comme si, cette peinture d’un grand art, était un tableau mécanique. […] faisait Rossini, qui prenait une feuille de papier, sur laquelle il jetait un point d’orgue. […] Un moment Sarah parle de son hygiène, des haltères qu’elle fait le matin, d’un bain chaud d’une heure, qu’elle prend tous les soirs. […] » pris par l’amiral Avellan, et passé à toute son escorte, qui l’a embrassé tour à tour, et dont l’un des officiers, pour lui donner quelque chose, lui a donné son aiguillette qu’il avait arrachée.

234. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Je ne veux plus prendre d’argent à Londres chez le banquier de mon père. […] Je prends, au lieu d’exercice, le lait de chèvre, qui m’en fait un peu. […] Je prendrai le numéro de la page, etc. […] Vous n’y prenez pas un grand intérêt. […] Cette espèce de distraction me prend quelquefois.

235. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Il prend un fusil et se fait soldat. […] Mais la marquise s’y prit de telle sorte et la vanité de l’avocat fut tellement flattée de cette façon de s’y prendre, que toutes ses résistances tombèrent. […] Il faut en prendre votre parti, messieurs. […] L’horreur les prit. […] Eux seuls savent s’y prendre.

236. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

il a pris la corde, depuis Charles Demailly ! […] À la nubilité, « les nerfs prirent le dessus, matèrent les langueurs et les abandons de la chlorose ». […] Nous les attribuerons, avec le Dr Régis, aux intoxications variées dont, à plaisir, l’auteur du Horla avait pris soin lui-même de compliquer sa mentalité. […] Devant le succès de cette méthode — apanage des esprits malades ou des corps débiles — il arriva ceci : que loin de chérir l’équilibre et la force, on se prit à aimer leurs contraires. […] Nous parlons ici des intoxications prises comme matière à description et non considérées pomme excitants propres à fouetter le cerveau.

237. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

L’homme tué par un meurtrier ne dormait tranquille que lorsqu’il avait pris sa revanche par la main d’un fils ou d’un frère. […] » — « Père, ce ne sont point des chaînes d’airain qui t’ont garrotté. » — « Ils t’ont pris ignominieusement dans un traître voile. » — « N’es-tu donc pas irrité de ces outrages, Père ! […] En exécutant l’ordre d’Apollon, il prend son langage : il ne discute pas, il décrète ; on croit entendre la voix de l’Oracle répercutée par la grotte d’airain de son temple. — « C’est le destin, mon enfant, qui est le seul coupable !  […] Le doute le prend, et quel doute ? […] Chacun souffre à son tour, l’un aujourd’hui, l’autre demain. » À ce moment, Oreste est pris d’un premier accès, et son âme entre en convulsions.

238. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Il pourra donc et, par suite, il devra prendre pour matière principale de ses inductions les sociétés dont les croyances, les traditions, les mœurs, le droit ont pris corps en des monuments écrits et authentiques. […] D’abord, on peut confronter l’histoire de l’un par celle des autres et voir si, chez chacun d’eux pris à part, le même phénomène évolue dans le temps en fonction des mêmes conditions. […] Par exemple, on déterminera la forme que le fait étudié prend chez ces différentes sociétés au moment où il parvient à son apogée. […] Elle ne s’applique, en effet, qu’aux phénomènes qui ont pris naissance pendant la vie des peuples comparés. […] Mais, avec une telle méthode, on est exposé à prendre pour la marche régulière et nécessaire du progrès ce qui est l’effet d’une tout autre cause.

239. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Je rétrograde par la pensée au moment où je pris la première cuillerée de thé. […] Et peu à peu sa recherche va prendre ainsi une orientation intérieure. […] Ici encore prenons un exemple. […] Sa sensibilité a pris une valeur éternelle. […] Et tout un monde avec elle, qui y était pris.

240. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

La question ne se posait guère ; nous avions pris l’habitude d’écouter nos parents et nos maîtres. […] La loi prend au commandement ce qu’il a d’impérieux ; le commandement reçoit de la loi ce qu’elle d’inéluctable. […] Mais prenons même les états d’âme effectivement causes par des choses, et comme préfigurés en elles. […] Mais l’intelligence, se dilatant par son effort propre, a pris un développement inattendu. […] Prenons la liberté, par exemple.

241. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Le genre régnait ; on ne savait où le prendre. […] Le succès de l’air tout entier dépendait de la manière dont on prendrait l’intonation. […] Une fois le ton pris et accepté et applaudi, le reste passe ; le sujet a beau être scabreux, graveleux même : peu importe ! […] L’auteur a été habile, il a fait accepter au public sa substitution, dirai-je sa rallonge dramatique : on a pris le change, il a donc eu raison. […] Ce que celle-ci ne prend guère la peine de dissimuler en air cru, dur et matériel, peut bien n’être pas très élevé et très idéal, mais ne sort pas de la comédie et rentre tout à fait dans la vérité.

242. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

N’avez-vous pas remarqué qu’il voulait prendre la fuite ? […] Barra, prends-le sur tes épaules. […] Prenez, puisqu’il vous les donne, et en outre ce manteau pour le restituer à son pauvre maître. […] Les vieillards de la commedia sostenuta, qu’ils s’appellent Pandolfo, Polidoro ou Crisoforo, prennent bien vite la physionomie de Pantalon ou de Cassandre. […] Un personnage qui paraît avoir pris pied dans la comédie régulière avant de passer dans la comédie de l’art, c’est le Parasite.

243. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

mais prenez la plume encore et formulez vos conseils en lois. […] Ce ne serait là qu’un compte à régler sur les qualités et les richesses du talent de l’orateur : mais, dans la pensée évidente, catégorique et même exprimée dans ce titre que vous avez pris, c’est bien autre chose. […] avoir pris le ton qu’il fallait prendre du reste ; avoir été prêtre jusque-là, touchant, poignant, d’une gravité, d’une pénétration…, — mais dans cette généralité que nous avons notée, cette généralité de l’enseignement catholique que le premier venu peut avoir comme le dernier ; — et puis tout à coup, lorsqu’il s’agit du conseil exprès, de la vue précise, se montrer… — comment dirons-nous ? […] Ventura, que la famille doit prendre fonction dans l’État. […] Louis Veuillot, dont le talent, on peut le dire, a pris depuis quelque temps un surcroît d’aplomb, et le caractère, presque l’éclat d’une popularité.

244. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Qu’on voie donc combien il est raisonnable de croire que la mancipation prit naissance dans les murs de la seule ville de Rome, comme un mode d’acquérir le domaine civil usité dans les affaires privées des citoyens ! […] D’abord on prit possession en couvrant de son corps la chose possédée ; possessio fut dit pour porro sessio. — Dans les républiques héroïques qui selon Aristote n’avaient point de lois pour redresser les torts particuliers , nous avons vu que les revendications s’exerçaient par une force, par une violence véritable. […] Quoiqu’on dise que l’usufruit prend fin, il ne faut pas croire que le droit finisse pour cela, il ne fait que se dégager d’une servitude pour retourner à sa liberté première. — De là nous tirerons deux corollaires de la plus haute importance. […] Dans les cas où il s’agit de transférer la propriété, c’est cette même volonté qui valide la tradition naturelle et opère l’aliénation ; ce ne fut que dans les contrats verbaux, comme la stipulation, que la garantie du contrat conserva le nom de cause pris dans son ancienne acception. […] On l’a dit souvent, les hommes, pris séparément, sont conduits par l’intérêt personnel ; pris en masse, ils veulent la justice.

245. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Elles prennent toute la vie de leurs victimes. […] Y avez-vous pris garde ? […] Du moins il prendra le plus long. […] Prends le vieux moyen. […] Prenez les quatre personnages de Souvent homme varie ; prenez-les dans leur situation respective, et prenez-les tels qu’ils sont.

246. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Le discours prend aussitôt un tour particulier ; il se distingue des autres, il est donc nouveau et intéressant. […] Par quelle raison rejeter ceci et prendre cela ? […] « Un grand chasseur, dit Pilpay, revenant un jour de la chasse avec un daim qu’il avait pris, aperçut un sanglier qui venait droit à lui. […] La Fontaine a pris à Pilpay celui du pigeon. […] Que ne l’émondait-on, sans prendre la cognée !

247. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Sa mère veuve s’opposait à son dessein ; il combattit contre sa tendresse durant deux années, et put enfin prendre l’habit religieux à Marmoutier, à l’âge de vingt et un ans ; il fit profession l’année suivante. […] Commençons par un de ces récits quelconques où Renart figure, et prenons-en un où il y ait de l’agrément, et pas trop d’allégorie ou de satire. […] Si Renart a tort, il paiera ; s’il faut l’aller chercher à Malpertuis, l’Ours s’offre à y aller lui-même. — Bruyant, le Taureau, prend alors la parole : Brun voulait le jugement ; lui, Taureau, n’en veut pas. […] J’omets les injures. — Ici le Blaireau, sire Grinbert, cousin germain de Renart et son défenseur déguisé, prend la parole et sème la zizanie parmi les opinants. […] Que la mort me prenne et me délivre, puisque Renart ne me laisse vivre !

248. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

il pense, il fermente, il s’exalte, il prend feu, il amasse des mondes d’idées, le projets, des vues, des conceptions de toutes sortes sur les événements, sur les hommes et les choses ; et quand il lui vient un interlocuteur ou un écouteur, il déborde, il lance ses feux et ses flammes, ou quand il prend la plume, il se répand. […] Il ne paraît pas supposer qu’il y ait des souverainetés qui recommencent, des dynasties nouvelles qui prennent racine, quand les anciennes dépérissent et sont rejetées. […] C’est un instinct de haute nature, qui fait anachronisme de nos jours, qui se prend à de petits faits comme aux plus grands, qui s’expose à recevoir un démenti du jour au lendemain, à bout portant. […] Je prends au hasard quelques-uns de ces mots, quelques-unes de ces pensées qu’on emporte après soi comme des flèches. […] Pourquoi donc, quand on est un esprit essentiellement distinguée et brillant, aller prendre tant de soin pour se déguiser en couleurs de carnaval ?

249. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

J’ai dû cependant me faire une première idée du savant si considérable, avant de me prendre à l’écrivain, et j’ai recueilli les témoignages. […] Né à Paris en 1774, il fit ses études au collège Louis-le-Grand, et les fit bien ; puis la Révolution le prit : il fut de la levée en masse de 1793, et servit comme canonnier dans l’armée du Nord. […] Biot s’en prend à quelques fausses vues qui ont été la source de fausses beautés dans les écrits de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand. […] Mais qui ne voit que glorieux est pris ici dans le sens de gloire et splendeur, de nimbe, éclatant, rayonnant ? […] Biot, répétant les vers connus : Hoc erat in votis… et tecto vicinus jugis aquæ fons, y mêlait son petit commentaire, et il laissa voir imprudemment qu’il prenait jugis pour des sommets de colline.

250. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Je prends cette historiette du dîner et ce serment dramatique des jeunes convives, sinon comme un fait précis, du moins comme une figure et un symbole. […] Les trois premiers furent pris dans l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ou dans la classe de l’Institut qui y répondait : Halévy fut le premier que l’Académie des Beaux-Arts eut l’idée de se choisir dans son propre sein, et elle eut la main heureuse. […] Pourtant, si je prends l’un de ses derniers Éloges, celui de Spontini, par exemple, il y a des endroits d’une belle et large critique ; les phases du talent de l’artiste y sont bien distinguées et déterminées ; tout cela a de l’ampleur et du mouvement, tout cela marche. […] Lebrun félicitait Halévy, qui avait pris part à la séance, de ce qu’il y avait lu : « Quel joli morceau vous nous avez fait entendre !  […] Ravaisson, si ingénieux, si original, si profondément philosophe en toutes ses vues ; Berlioz, artiste et penseur élevé, mais solitaire et un peu sombre ; Beulé, l’heureux Beulé, que la Victoire de Phidias a pris dès le début sous son aile, et qui obtient, à heure fixe et comme à point nommé, tout ce qu’il mérite, le choix est déjà fait.

251. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

La tentation pour tous n’est pas la même, et elle prend différentes formes. […] Libre à lui de prendre son succès au sérieux et d’en jouir, en ne tenant nul compte de la nuance de mésestime qui s’y attache ! […] On me fait remarquer chez lui un coin très prononcé et auquel je n’avais pas d’abord pris garde. […] Ce n’est pas ainsi qu’il faut prendre Paris ; demandez plutôt à l’aimable et heureux Auber qui n’en sort pas. Prenez Paris comme le café, tous les jours et à petites doses.

252. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Dans le crédit où vous êtes, voilà trois hameçons capables de prendre toutes les dupes de Paris. […] À cette nouvelle, ceux qui ont prêté le million s’alarment, la frayeur les prend ; d’abord ils proposent de perdre le tiers de leur dû. […] C’est pour cela que je prends mes mesures de loin. […] Faites-nous seulement la faveur de les prendre, et nous sommes trop contents. […] Messieurs, portez votre argent chez monsieur de La Ressource, faites dresser votre contrat et prenez vos sûretés.

253. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Mais qu’il n’y ait pas, dans l’art d’écrire, des procédés, des démonstrations, des conseils, une façon de s’y prendre qu’on puisse enseigner, c’est une autre question. […] Les manuels disent bien qu’il faut étudier les maîtres, mais ils oublient d’expliquer comment et ce qu’on peut leur prendre.‌ […] Ce titre nous desservait trop pour qu’on n’affectât pas de le prendre à la lettre. […] Un autre s’en prend à notre physique et nous peint fantaisistement comme un vieux professeur à lunettes, qui ressemble à un chat tombé dans de la braise. […] On nous a positivement fait le reproche de prendre trop au sérieux cette secondaire qualité du style, qui exige, d’ailleurs, un don très spécial.

254. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Je prendrai donc la liberté que ses éditeurs me refusent, et je vous dirai quelques mots de ce livre de critique très inattendu, dans lequel Mme George Sand a pris, sans se manquer de respect à elle-même, la liberté de se juger. […] prendre le change ; mais si nous le prenions, c’est nous qui serions les naïfs ! […] Mais aujourd’hui je n’en donnerai, pour calmer leur soif de connaître, que quelques exemples, et je vais les prendre dans le livre que j’ai sous les yeux. […] … Nous avions été tous pris, plus ou moins, au traquenard de sa réputation, ce piège à bêtes ou à étourdis qui ne regardent jamais à rien. […] Mme Sand y met la main sur son cœur, comme Louis-Philippe, et comme Léopold à son balcon, y prit un jour ses enfants dans ses bras.

255. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Il lui prit la main. […] L’exact pris pour le vrai ! […] Ne me prends pas cet homme. […] Mais prenez bien garde, mon fils, à ce que je vais vous dire. […] On l’avait pris.

256. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Là étaient la chambre et le cabinet de travail du poète ; les fenêtres prennent jour sur un petit jardin carré entouré d’un mur de briques et entrecoupé de plates-bandes d’œillets. […] Il allait se jeter dans des chemins déjà frayés à travers des aventures déjà populaires, et faire mouvoir des personnages historiques ou romanesques déjà familiers à l’esprit du siècle : seulement il pouvait à son gré prendre ces personnages au sérieux, comme le Dante ou le Tasse, ou les prendre en bouffonnerie comme le Pulci ou le Boïardo, ou enfin les prendre en bonne et gracieuse plaisanterie héroïque, comme il le fit lui-même. […] Je prenais un chien au chenil ou un cheval dans les écuries, et j’allais chasser ou chevaucher pendant quelques heures, dans les bouquets de pin ou dans les sentiers de sable de ces collines, à demi vêtues de chaumes ou de bois d’oliviers. […] Un ermite chez lequel il s’était réfugié pour sécher ses vêtements lui avait appris la condamnation de Ginevra et son péril de mort ; il avait pris la résolution de combattre contre son propre frère pour l’innocence de son amante. […] Si tu prends ainsi ces fantaisies de cœur, je ne te laisserai plus assister à la lecture après la sieste. — Oh !

257. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

prendre sa revanche sur ce monde catholique qui a proscrit la comédie ! […] Mais, direz-vous, à tout prendre, Thomas Corneille disait les mêmes choses ! […] L’éclat de rire devient plus rare, il prend même quelque chose de funèbre. […] On prenait son temps, on choisissait son heure et l’heure du roi. […] (Il en prend un.

258. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

Il a donné à son poème le titre de comédie, dans le sens de l’ancienne comédie des Grecs, qui prenait pour sujet des personnages réels. […] Pétrarque, avec toute sa science, a pourtant chanté dans un poème latin la seconde guerre punique ; et dans ses poésies italiennes, les Triomphes, où il prend le ton héroïque, ne sont autre chose qu’un recueil d’histoires. — Une preuve frappante que les premières fables furent des histoires, c’est que la satire attaquait non-seulement des personnes réelles, mais les personnes les plus connues ; que la tragédie prenait pour sujets des personnages de l’histoire poétique ; que l’ancienne comédie jouait sur la scène des hommes célèbres encore vivants. […] Jamais les Grecs et les Latins ne prirent un personnage imaginaire pour sujet principal d’une tragédie. […] Chez les Latins, mémoire est synonyme d’imagination (memorabile, imaginable, dans Térence) ; ils disent comminisci pour feindre, imaginer ; commentum pour une fiction, et en italien fantasia se prend de même pour ingegno.

259. (1881) Le naturalisme au théatre

Elle nous prend tout jeunes et ne nous lâche plus. […] Le public devait être pris aisément. […] Le comédien m’a pris tout entier, il m’a bouleversé. […] Un autre prendra la place, voilà tout. […] On sait de quelle façon on doit les prendre.

260. (1881) Le roman expérimental

On ne l’a point pris au sérieux. […] Si, tout à l’heure, j’ai pris à M.  […] Mais je me contenterai de prendre d’abord Malherbe. […] Je prends un exemple parmi les peintres. […] Soyez certains qu’ils ont été pris sur nature.

261. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Elle n’est dans aucun d’eux pris isolément. […] Elle y prit des délicatesses de vie. […] Prenez, comme l’a fait M.  […] Il serait aussi ridicule de prendre M.  […] Je prends M. 

262. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

De là vient qu’Augier ait pris dans certaines questions la position que nous lui voyons prendre. […] Sardou lui-même ont pris la peine de nous le signaler. […] Quand on prend dans son ensemble l’œuvre de M.  […] Zola, ne prenne des dimensions colossales ! […] Il se laisse prendre et garder.

263. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

que de rires et de colères, et de prises de bec, selon son principe que « rien n’est si agréable que de se dire (entre amis) de bonnes injures !  […] Il ne faut pas vouloir danser et paraître svelte quand on a pris du ventre. […] Delécluze, protège beaucoup mieux l’élan qu’elle fait prendre à l’imagination de celui qui lit . […] Delécluze a préféré le côté laid et réel, jusqu’à supprimer, à dissimuler tout à fait l’autre aspect de profil ; je prends encore une fois notre homme en flagrant délit de contradiction pratique avec ses doctrines. […] » Et il déduisait longuement les raisons pour et contre ; dans cette éternelie consultation de Panurge, il prenait même pour confidents de sa perplexité quelques-uns des jeunes amis de Récamier.

264. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

« Ceci fait, Satan prit lestement à droite, gauche, ce qu’il put trouver en voyageurs de plus épais, de plus malplaisant. […] Ici l’Ange déchu se prit à sourire, tout en faisant avec son ongle un trou dans un parchemin. […] Marie y prend goût, mais par esprit, par curiosité plus que par tendresse. […] et vous n’auriez pas pris dans tous ces beaux livres des phrases pour des idées !  […] où avez-vous été prendre toute cette tristesse ?

265. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

On raconte que Shelley, la première fois qu’il entendit réciter le poème de Christabel, à un certain passage magnifique et terrible, prit effroi et tout d’un coup s’évanouit. […] Bowles lui-même a fait en ce sens des sonnets délicieux, d’une nuance infinie, et il n’a pas pris garde qu’il érigeait son goût et son talent personnel en loi et en théorie générale ; il se prenait pour type, comme il arrive souvent. […] Le cardinal de Richelieu, pour réconforter le Père Joseph moribond, ce capucin comme il y en a peu, qui était son bras droit et un politique patriote, imagine de lui crier à l’oreille : « Père Joseph, Brisach est pris !  […] Il se sentait incapable, disait-il, de faire devant douze amis (si la chose avait été d’avance concertée) le même récit qu’il aurait fait à merveille devant les mêmes, pris trois à trois indifféremment. […] J’ai seulement voulu montrer en tout ceci qu’on pouvait parler de Pope avec amitié et sympathie ; mais, avant de prendre congé de M. 

266. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’au gré des amis de l’auteur, Bosc ne prit point encore assez de précautions ; car, au milieu de remerciements et d’éloges mérités, on lui reprocha non seulement d’avoir laissé « des redites qu’il eût été aussi facile que nécessaire d’éviter », mais encore de n’avoir pas émoussé ou retiré certains traits cruels et injustes. […] Vous voulez faire prendre un morceau d’alliage pour de l’or ; vous fraudez. […] On ne le prendrait pas de plus haut s’il s’agissait de la Déclaration des Droits de l’Homme. […] Le préjugé vulgaire nommait Barbaroux, — « Barbaroux dont les peintres ne dédaigneraient pas de prendre les traits pour une tête d’Antinoüs ! […] Mme Roland n’était guère femme à aimer par les yeux et à se laisser prendre à la beauté physique.

267. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Lorsqu’on eut pris Saint-Ghislain en décembre, il lui en confia le gouvernement, comme, à la fin de l’année précédente, il lui avait donné le commandement des troupes de Cateau-Cambrésis, pour tenir Cambrai bloqué pendant l’hiver. […] Bien des précautions furent prises encore, comme la première fois, pour dérober son voyage, de peur de donner l’éveil et de démasquer avant l’heure la présence d’un officier aussi considérable à la frontière. […] Cependant le marquis de Boufflers était chargé du commandement des troupes qui devaient prendre possession de Casal, dont Catinat allait devenir à l’instant gouverneur. […] C’était le jour même où Louvois entrait, pour en prendre possession, dans Strasbourg. […] Ces textes, que je prends dans les Mémoires de Catinat, auraient besoin de quelque vérification, ce me semble, pour une entière exactitude.

268. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Il a l’à-propos grandiose ; il devine dans le passé ce qu’il faut savoir ; il ne prend de l’histoire que ce qui s’appareille à lui. […] J’ai dit que je n’osais citer ce portrait de Kléber ; mais, maintenant que j’ai pris mes précautions, pourquoi ne le citerais-je pas ? […] Tous les jours, au soleil levant, eux et les ulémas de Gama el-Azhar prirent l’habitude de se rendre au palais avant l’heure de la prière. […] Les corps de garde français prenaient les armes et leur rendaient les plus grands honneurs. […] Pendant ce peu de temps, il avait pris Malte, conquis la basse et la haute Égypte ; détruit deux armées turques, pris leur général, leur équipage, leur artillerie de campagne ; ravagé la Palestine, la Galilée, et jeté les fondements, désormais solides, de la plus magnifique colonie.

269. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Il les ramasse tant bien que mal, entre dans le petit hôtel qu’on lui indique, prend en haut une mansarde, s’étend sur le lit. […] Dans cette grande ville inconnue, sans relations aucunes, sans une lettre de recommandation, sans même la connaissance de la langue qu’on y parle, il se sent tout à coup pris d’un immense découragement, au milieu duquel il s’endort. […] Dans La Maison d’un artiste au dix-neuvième siècle, j’écris l’histoire de l’art industriel de l’Occident et de l’Orient, et l’on ne se doute pas, à côté de moi, que je prends la direction d’un des grands mouvements du goût d’aujourd’hui et de demain. […] Il y a là, Gille, nous racontant ses fréquentations à la Pissole, avec Grassot, frénétique admirateur de Chateaubriand, qui, avant de prendre connaissance de son premier vaudeville, lui dit : « Mon petit, as-tu seulement lu Le Génie du christianisme ?  […] Alors Lafontaine a eu l’idée de montrer à Chelles, comment elle devait être jouée, cette déclaration marchée, — et rien qu’avec une hésitation, un faux départ de la marche, et pour ainsi dire, des balbutiements de pieds, accompagnant le balbutiement amoureux des paroles, cette déclaration a pris tout à coup un très grand effet.

270. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Tel particulier va promener au sallon, son désœuvrement et son ennui qui y prend ou reconnoit en lui le goût de la peinture. […] L’art demande une certaine éducation ; et il n’y a que les citoyens qui sont pauvres, qui n’ont presque aucune ressource, qui manquent de toute perspective, qui permettent à leurs enfants de prendre le crayon. […] Convenez donc qu’il n’y a et qu’il ne peut y avoir ni un animal entier subsistant, ni aucune partie d’un animal subsistant que vous puissiez prendre à la rigueur pour modèle premier. […] Et si l’antique n’étoit pas, comment t’y prendrais-tu ? […] Voilà l’être imaginaire que vous devez prendre pour modèle.

271. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Je prends une analyse célèbre par sa finesse, celle des sensations agréables et désagréables. […] Bientôt ce premier mouvement se détermine davantage, et prend une direction. […] Ils prennent alors la plante, et, refaisant le travail, finissent par arriver au sens. Prenons les faits ; en les décrivant de nouveau, nous déchiffrerons peut-être la description de M.  […] À l’instant elles ont pris une importance énorme.

272. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Tartuffe se brise contre la Religion dont il a pris le masque, contre la sainteté du Foyer conjugal, et contre la justice du Roi. […] Il faut convenir qu’ici Molière semble avoir pris à tâche de contredire l’idéal autant qu’il est possible. […] Il prend pour son souverain bien, pour sa fin suprême, l’abstraction morte de la richesse, l’argent en soi et pour soi. […] La logique vulgaire demande comment il est possible que l’on prenne la chevalerie errante pour la plus utile et la plus nécessaire des institutions, que l’on prenne des moulins pour des géants, un troupeau de moutons pour une armée en marche, et qu’en même temps on ait du sens commun, et même du savoir et de la philosophie. […] Le prosaïque, ici, consiste en ce que les personnages prennent leur but au sérieux avec une sorte d’âpreté.

273. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Le choix de la pointe en corne m’a donné aussi du mal ; il faut prendre le milieu même d’une corne, sinon elle se brise. […] Goethe ajusta la fente de la flèche sur la corde, prit l’arc comme il le fallait, non cependant sans chercher un peu. […] Un soir, j’étais seul avec elle, prenant le thé, lorsque les deux princes arrivent en sautant, pour prendre le thé avec nous. […] Cependant j’étais arrivé à l’esplanade, devant la petite maison que Schiller habita plus tard ; là, il me prit l’envie de revenir sur mes pas, vers le palais, et de prendre une petite rue à droite. […] L’été dernier, j’avais pris près de Tiefurt de jeunes roitelets, qui semblaient avoir quitté leur nid tout récemment, car ils étaient sept en rangée sur une branche, dans un buisson, et ils prenaient la becquée de leurs parents.

274. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Je l’emmène voir mon buste de Lenoir, et en revenant, il remonte chez moi, et je sens qu’il a toutes les peines à s’en aller, pris d’un bonheur presque enfantin à causer avec moi. […] Pauvres diables au passé louche, qui font marché avec la dure existence, la ficelle, la mort, mercenaires aux grands yeux bleus, qui n’ayant plus d’intérêt dans l’existence, se prennent de tendresse comme pour une maîtresse, se prennent de tendresse pour leur élégant capitaine, caracolant sur son petit cheval, une rose à la bouche. […] Il se trouvait que cet officier pris avec sa femme par des anthropophages, avait mangé sans le savoir d’un pâté fait avec la chair de son épouse, et depuis ne pouvait plus manger de viande blanche. […] Pendant la Commune, il prend un fiacre, et va faire une visite à un ami, aux environs de Paris. […] Il faut s’enfermer avec Mirbeau et Bauër, et prendre un grog, qui dure les deux heures que nous avons à attendre le dîner.

275. (1901) Figures et caractères

Il prend possession de la terre sacrée. […] Le livre fermé, on est pris de fatigue. […] Elle prit fin. […] Il prend sa matière autour de lui. […] Il prend des précautions délicates.

276. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Tel rôle y prend un ton bas et commun, après s’être annoncé dans un haut rang : pourquoi s’en fâcher ? […] Pourtant l’héroïne l’emporte ; le décret passe, et le parti est résolument pris. […] Rendons-lui cet hommage de le prendre pour modèle en le réfutant, comme il prit pour le sien Aristophane, dont le sel réveilla son esprit lorsqu’il le voulut attaquer ; et servons-nous pour le combattre des mêmes armes qu’il emprunta de l’auteur qui les lui avait aiguisées. […] Étrange apologie des femmes, dont Aristophane prend la cause en main ! […] Poursuivons, prenons la liste des conditions.

277. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

il faut jurer… Prends, le voilà, prends, te dis-je ; mais jure donc ! […] C’est lui qui la prend au mot et qui la met au défi de prendre Tartuffe en faute. […] Mais Molière n’est pas de ceux que l’on prend sans vert et il a pris, lui, ses précautions. […] Prenez exactement le contre-pied de cela, vous avez notre Éliante. […] Ces hommes prennent ici leur revanche delà.

278. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

D’ailleurs, j’en prends à témoin les maîtres, l’émulation dans les collèges est bien rare ; et à l’égard de la société, elle n’est pas sans de grands inconvénients. […] Pourquoi les anciens avaient-ils pris d’abord cette forme de vers pour les élégies tristes ? […] Il arrive souvent qu’on est aussi obscur en fuyant la brièveté qu’en la cherchant ; on perd sa route en voulant prendre la plus longue. […] Et si, par un malheur très rare, la conduite a déshonoré les ouvrages, quel parti prendre ? […] Érudit se prend aussi substantivement ; on dit par ellipse, un érudit pour un homme érudit : l’ellipse a toujours lieu dans les adjectifs pris substantivement.

279. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Notre âme a pris le pli. […] Je commence à prendre gaiement ce malheur. […] Le Danube qui y prend ses sources était sous la glace. […] et se prenaient aux sérieux. […] Vous êtes-vous laissé prendre aux façons des gouvernants d’ici ?

280. (1895) Hommes et livres

En un temps on tâche à les reproduire, en un autre à en prendre le contrepied. […] Il ne faut pas, du reste, prendre les choses trop au tragique. […] Les uns prennent l’histoire des provinces, un autre celle de Paris. […] Montfaucon prit vite son parti. […] Il prenait les grands par une familiarité impossible à repousser.

281. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Schiller y fut pris. […] Le genre humain s’est pris de tout temps, avec une facilité extrême, à ces espérances prématurées. […] Pâté de perdrix, croûte de pâté, mets épicés, glace et neige pour boisson, il en prit tant qu’il se tua. […] Que si vous voulez des légendes, poêles, prenez-les ailleurs, à côté de l’histoire. Laissez les Philippe II et les don Carlos, prenez des don Juan, — je veux dire ceux de la fantaisie.

282. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Voici que maintenant paraît une littérature bourgeoise : non moins ancienne en sa matière, et parfois plus ancienne, que la littérature aristocratique, elle prend forme plus tardivement, parce qu’il fallait que la bourgeoisie prît de l’importance et s’enrichit, pour que les trouvères trouvassent honneur et profit à rimer les contes qui la divertissaient. […] Mais à prendre les choses en gros, je dirai que le xie  siècle appartient à l’épopée. […] Mais ils prenaient surtout leur matière à la tradition orale du peuple, et c’est de là que vient la meilleure partie des poèmes de Renart. […] Elles nous avertissent aussi que, de bonne heure, plus ou moins consciemment, la parodie a pris le dessus dans le roman de Renart. […] D’intention, il n’en a pas, outre celle de prendre et de donner un plaisir.

283. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Cette modestie est une langueur de l’âme, qui l’empêche de prendre l’essor et de se porter avec rapidité vers la gloire. […] (Ailleurs, il dit : Il lui prit une tranchée de bel esprit… C’est un mal qui la frappa tout d’un coup et dont elle est morte incurable. […] Comme je suis né simple par goût et peut-être par nécessité, je ne voulus point paraître complice d’un tel travers et je pris congé d’elle. […] Il lui fallut prendre désormais son parti de la louange et de la critique, et devenir auteur à ses risques et périls, avec tous les honneurs de la guerre. […] Elle s’en prend hardiment à Molière, au sujet du ridicule qu’il a jeté sur les femmes savantes.

284. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

On sait que, comme le remarque Bain, les cordes de deux violons qu’on fait vibrer tendent toujours à prendre l’unisson ou les harmoniques. […] C’est parce que le toucher est ainsi le sens de la vie qu’il a pris une si grande importance dans le rapport des sexes ainsi que dans ceux des parents et des enfants. […] La conscience individuelle même est donc déjà sociale, et tout ce qui retentit dans notre organisme entier, dans notre conscience entière, prend un aspect social. […] Prenons pour exemple le paysage : il nous apparaîtra comme une association entre l’homme et les êtres de la nature. […] Voici un fil qu’il s’agit d’électriser, le physicien ne peut pas entrer en contact direct avec lui ; comment s’y prendra-t-il ?

285. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

On en a fait des légendes et maint récit ; je prendrai la version de Diderot comme plus courte. […] Je la sens : j’entre en verve et le feu prend aux poudres. […] Le feu prenait vite aux poudres avec Piron. […] il prend la vérité même de la chose pour la perfection du jeu. […] Piron se prit à mieux, et quelques-unes de ses meilleures épigrammes s’adressent à Voltaire lui-même.

286. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Une parole intérieure vive par imagination n’exclut nullement la vision distincte : on peut contempler un paysage tout en imaginant un dialogue animé auquel on prend une part active. […] Un tel problème, à le bien prendre, ne contient pas de mystère impénétrable : dans tout jeu, dans toute feinte, l’âme se dédouble, et l’acteur convaincu recouvre un spectateur sceptique. […] Joyeuse était un homme de féconde, d’étonnante imagination… Au bureau, les chiffres le fixaient encore… ; mais, dehors, son esprit prenait la revanche de ce métier inexorable. […] Joyeuse a pris l’omnibus pour aller à son bureau. […] Prends, lis !’

287. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Seulement chez la plupart des hommes, le penchant pris à part et dégagé des intérêts privés qui l’excitent, se réduit à une curiosité mobile et vaine, sans énergie comme sans résultat. […] Les arts ne sont point leur lot à coup sûr : cette insouciance naïve qui en fait en grande partie le caractère et le charme, cette disposition, tant soit peu nonchalante et molle, à prendre les choses comme elles sont, s’effaroucherait d’une préoccupation sérieuse et d’une arrière-pensée perpétuelle. […] Ce système, à tout prendre, eût bien valu l’autre ; mais ce n’est pas là justifier l’histoire, et si jamais la passion des causes et des explications ne s’en était emparée à meilleure fin, il y aurait une raison de plus pour l’y proscrire. […] A la vue des vastes et profondes émotions populaires qu’il avait à décrire, au spectacle de l’impuissance et du néant où tombent les plus sublimes génies, les vertus les plus saintes, alors que les masses se soulèvent, il s’est pris de pitié pour les individus, n’a vu en eux, pris isolément, que faiblesse, et ne leur a reconnu d’action efficace que dans leur union avec la multitude. […] Si parfois pourtant il s’est attaché à quelques individus et a paru les distinguer avec plus de soin, ce n’est pas toujours qu’il leur accorde une importance personnelle beaucoup plus prononcée, et qu’il prenne plaisir à se surfaire leur valeur historique.

288. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Qui a l’oreille prend l’âme. […] Les collaborateurs de la Renaissance prennent pour têtes de Turc : Dumas fils, d’Ennery, Pailleron, Victorien Sardou. […] Certes, une grande diversité d’opinions se fait jour parmi les collaborateurs de la Renaissance qui d’ailleurs a pris soin de nous avertir que, « malgré l’unité des vues générales, la responsabilité absolue demeure, à chacun, de ses articles ». […] « Il en est en politique comme en arithmétique, où les zéros ne prennent de valeur qu’en se plaçant à droite. […] ……………………………………… Moi, comme pris d’un vin qui grise, Rêvant de succès généreux, Vain et lâche j’ai fait comme eux, J’ai déballé ma marchandise1.

289. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

Si j’osais, je lui dirais que j’ai pris un sapin. […] (Il prend Finette par la main.) […] Ami, s’il te faut ma liberté pour te sauver, l’honneur, prends-la. […]prends-tu ça : chez moi ? […] Nous le prendrons à l’heure !

290. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Deschanel prend ou affecte de prendre cette note au grand sérieux. […] Et on les a pris au mot, les imprudents ! […] ceux avant lesquels on prend un temps ! […] Comment Corneille s’y est-il pris ? […] Ne pouvant les prendre tous, on a pris n’importe lesquels.

291. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Dans la campagne de 1658, le jeune roi tombe dangereusement malade à Calais ; il guérit, mais pour avoir pris du vin émétique, dit-on. […] Ce n’est point sur ces endroits qu’il faut le prendre, mais sur ses amitiés de choix ; elles sont vives chez lui et sincères. […] Il ne prend pas même la peine de la détromper. […] » Gui Patin est de ceux qui, en vieillissant, ne se renouvellent en rien, et qui prennent chaque jour leur pli plus creux et plus profond. […] Le premier soin à prendre serait de bien collationner les textes.

292. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Il y vit beaucoup Carnot, le républicain non satisfait, et le fit causer, mais sans prendre de lui l’humeur contre ce qui était. […] — Dumont96 prend une vive part à vos peines. […] Prenez quelque cours de littérature, si vous trouvez quelque homme qui en soit digne. […] On peut lui dire ce que Jésus dit au paralytique : Lève-toi, prends ton lit et marche. […] M. Louis Prisse (La Médecine et les Médecins, 1857, t. 

293. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade dans lès aveux et les témoignages qu’il a pris soin de laisser sur lui-même, et qui sont un peu brusques et rudes en effet. […] On a sa mesure et on peut la prendre, quand lui-même il ne nous l’aurait pas donnée. […] Il ne s’y laissa pas prendre deux fois et garda depuis un silence obstiné. […] Mais je prends trop au sérieux des gentillesses de scholar, et j’ai tort. […] D’ordinaire il avait besoin de prendre ses aises et de vaquer à ses scrupules.

294. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Dans Berte aux grands piés, l’héroïne du poème est victime d’une odieuse trahison ; pendant qu’une serve prend sa place d’épouse auprès du roi Pépin, on la perd dans une forêt. […] Comment les femmes, à force d’être logées au ciel empyrée et transformées en divinités, n’auraient-elles pas été prises de vertige ? […] Que croyez-vous que fassent deux jeunes hommes loyaux et généreux pris entre ces deux furies ? […] Ce n’est plus un vieillard morose, un Géronte ou un Harpagon, qu’on berne et dupe sans scrupule, parce qu’il semble prendre à tâche de rendre ridicule ou odieuse la dignité paternelle. […] Mais il a si grand peur de peser sur sa détermination qu’il prend toutes les précautions imaginables.

295. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Il prend la vie en horreur et jure d’en affranchir ses semblables. […] Est-ce que tu ne prends pas pitié de nous ?  […] C’est alors que le dégoût de la vie prend un nom dans les langues antiques. […] Cocceius Nerva, l’inséparable ami de Tibère, jurisconsulte illustre, comblé d’honneurs et de richesses, prend un jour la résolution de mourir. […] La nuit venue, Paris ressemblait à ces camps pris de panique qui s’entretuent dans les ténèbres.

296. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

VATER découvre le foramen cæcum, qu’il prend pour un conduit salivaire. […] Si l’on prend au contraire une glande parotide, l’eau conservera sa fluidité ordinaire. […] Ludwig a pris la pression dans l’artère et dans le conduit parotidien avec son kvmographion. […] Je prends une seringue de verre (fig. 17). […] Après cette opération laborieuse, le chien paraissait mal à son aise, et il fut pris de vomissements.

297. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Il jura de se venger, il se vengea ; il prit le Journal des Débats pour armée et sa plume d’écrivain pour arme. […] Royalistes, bonapartistes, républicains, prenaient de toutes mains leur vengeance. […] Il prit cela pour un triomphe, c’était le triomphe de sa défaite. […] Alors ils prirent mes petits agneaux et mes petites chèvres. […] Ils m’ont pris l’écuelle où je mettais mon lait ; ils ont pris ma flûte jusque dans mes mains.

298. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

La Fontaine à la cour en eût pris les airs, par facilité d’humeur et par imitation. […] Elle nous laissera où elle nous a pris. […] Avait-il lu tous nos vieux poètes, et y prenait-il son bien, comme faisait Molière dans ses devanciers ? […] Il n’y recherche pas la vérité pour s’en servir, mais pour le plaisir qu’il y prend. […] Il a moins imité Voiture qu’il ne croyait ; il y prenait tout le bon, qui lui fit un moment illusion sur tout le reste.

299. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Cousin, qui veut lui donner la sombre grandeur d’un crime et qui prend une peine infinie à nous démontrer qu’elle était l’âme d’une conspiration, ayant pour objet l’assassinat de Mazarin. […] » Au lieu de prendre ce parti qui était le seul pour être lu, M.  […] Seulement ce n’est pas la reconnaissance qui lui fait prendre des tons de Bossuet… déplacé, à propos des événements les plus chétifs et les plus méprisables de l’histoire. […] N’est-ce pas elle qui, cachant une lettre dans sa gorge, disait à Louis XIII par défi : « Venez donc l’y prendre ! » Le roi fut plus vertueux qu’elle ; pour prendre la lettre, il se servit des pincettes d’argent du foyer.

300. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Combien de livres de parti doivent leur premiere vogue à l’interêt particulier que prennent à ces livres les personnes attachées à la cause pour laquelle ils parlent. Il est vrai que le public oublie bientôt les livres qui n’ont d’autre merite que celui de prendre l’effort en certaines conjonctures : il faut que le livre soit bon dans le fonds pour se soutenir, mais s’il est tel, s’il merite de plaire à tous les hommes, l’interêt particulier le fait connoître beaucoup plûtôt. […] Tel est l’interêt que prend une nation au poëme qui décrit les principaux évenemens de son histoire, et qui parle des villes, des fleuves et des édifices sans cesse présens à ses yeux. […] Il est vrai que toutes les nations de l’Europe lisent encore l’éneïde de Virgile avec un plaisir infini, quoique les objets que ce poëme décrit ne soïent plus sous leurs yeux, et quoiqu’elles ne prennent pas le même interêt à la fondation de l’empire romain que les contemporains de Virgile, dont les plus considerables se disoient encore descendus des heros qu’il chante. […] Si le parti que le poëte choisit est celui d’embellir son action par des épisodes, l’interêt qu’on prend à ces épisodes ne sert qu’à faire mieux sentir la froideur de l’action principale, et on lui reproche d’avoir mal rempli son titre.

301. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions Il suffit de bien connoître les passions violentes pour desirer sérieusement de n’y jamais être assujeti, et pour prendre des résolutions qui les empêchent du moins de nous subjuguer si facilement. […] Ils prennent tous les spectateurs pour confidens de leurs véritables projets et de leurs sentimens les plus cachez. […] Or la peinture fidelle des passions suffit seule pour nous les faire craindre, et pour nous engager à prendre la résolution de les éviter avec toute l’attention dont nous sommes capables. […] Cette résolution empêchoit quelques jeunes gens de prendre du vin avec excès, quoiqu’elle ne fut point capable d’en retenir plusieurs autres. […] Par exemple, quand la tragédie nous dépeint Médée qui se vange par le meurtre de ses propres enfans, elle dispose son tableau, de maniere que nous prenions en horreur la passion de la vengeance, laquelle est capable de porter à des excès si funestes.

302. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Ses amis ne l’ignorent pas, et ont pris soin de nous l’apprendre. […] Quelque parti qu’ils prennent, leur vie est sauve. […] Toussaint n’hésite pas ; son parti est pris depuis longtemps. […] M. de Lamartine n’avait ni chaîne à briser, ni chaîne à prendre. […] M. de Lamartine ne s’est pas laissé prendre au piège.

303. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Le roi prenait le poisson du pécheur et l’agneau du pâtre aussi bien que le coffre de la province et le joyau du satrape. […] Un siècle plus tard, lorsque Alexandre prit Suse, il y trouva cinquante mille talents, plus d’un milliard d’aujourd’hui. […] Cependant un scrupule le prit, il convoqua les juges royaux et leur demanda si c’était permis. […] Ses soldats avaient pris et incendié Sardes, la capitale lydienne des rois de Perse. […] Puis la colère le prit ; il lança comme un message une flèche vers le ciel, et il s’écria : « Accorde-moi, ô Dieu !

304. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Mais on a eu tort de lui reprocher comme un manque de hardiesse d’avoir pris Vidieu pour Didon, dans sa polémique. […] Quand les principes faux sont pris pour les vrais, il n’y a plus moyen de les tuer qu’avec leurs conséquences, leurs parricides conséquences !… Seulement, pris pour vrais, à cet instant du monde moderne qui pourrait bien être le monde mourant, ils sont les vainqueurs et les partisans de l’indissolubilité, qui veulent la défendre contre eux détachée du fond d’histoire sur lequel elle était puissante, n’ont rien à dire contre l’irréprochable et l’implacable logique révolutionnaire. […] Elles ne valent pas ce qu’elles nous prennent. Elles ont pris à M. 

305. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

Personne donc, personne, dans ce Paris d’esprit, n’a reconnu le front immense et légendaire du grand Hugo au-dessus, perpendiculairement au-dessus du nez de Vacquerie, que Hugo, le sachant dévoué jusqu’à la mort, ce nez, et l’ayant toujours sous la main, a pris sans façon, en homme qui peut tout prendre pour son service particulier. […] Ils peuvent en rire dans leur barbe, Vacquerie et Hugo, mais je m’imagine que c’est Hugo qui rit le moins des deux… Vacquerie, lui, est flatté… il est très flatté de couvrir si bien Hugo qu’on prenne, sans se faire prier, Hugo pour Vacquerie ; mais Hugo, malgré son affection patriarcale pour Vacquerie, est probablement moins flatté d’avoir été si facilement et si complètement Vacquerie que cela ! […] Victor Hugo avait passé à travers Olympio, comme au travers d’un cerceau, emportant au derrière de son nom les loques de ce pseudonyme mis en pièces ; et le voilà pris, hermétiquement pris, dans Vacquerie ! […] Il y est avec sa même emphase ventrue, sa même gouaillerie espagnole, pittoresque, mais qui demande et prend trop d’espace pour être de l’esprit ; avec son même madrigalisme pédant, et ses mêmes élégies, et ses mêmes tendresses, et son même naturel à la force du poignet ; et c’est Victor Hugo non pas seulement par le tour de la strophe, par les attitudes de la phrase, par la tournure générale du livre, la particularité de chaque pièce, mais c’est Victor Hugo d’essence même, et de quintessence ! […] Vous pouvez prendre Mes premières années de Paris pièce par pièce, page par page, vers par vers, mot par mot, et vous reconnaîtrez partout l’ubiquité de Victor Hugo, dans ce livre rempli de son omniprésence !

306. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Et, en effet, prenez-les tous, les poètes de 1830, de cette époque de rénovation et de renaissance, et regardez si tous n’ont pas pour géniteur suprême le grand poète de la première, qui ne fut pas (comme on le dit) qu’une Renaissance, mais (j’y reviendrai tout à l’heure) qui fut une Naissance aussi. Prenez-les tous ! même Lamartine, le Virgile chrétien, qui, tout chrétien qu’il fut, n’en chanta pas moins Socrate, Psyché et Sapho ; prenez Hugo, de Vigny, de Musset, Amédée Pommier, Sainte-Beuve, Gautier, Hégésippe Moreau, et jusqu’à Béranger, et regardez s’ils n’ont pas tous le souffle de Ronsard sur la tête, s’ils ne sont pas tous les fils et les successeurs de Ronsard ! […] une forêt vierge et immense, qu’il faut bien prendre comme elle a poussé, et dans laquelle se trouvent même d’énormes broussailles, en rapport, du reste, avec la toute-puissance de la végétation et la pyramidalité des cimes. […] La langue, grandie et devenue forte comme les petits de la lice, se retourna férocement contre sa poésie et lui prit sa place au soleil, jusqu’au moment impatienté, que j’ai signalé au commencement de ce chapitre, où le poète, malgré la langue qu’il avait parlée, à force de Poésie, ressuscita !

307. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Le lendemain, on prend une espèce de congé de son mari en prenant son nom et sa livrée. […] Théodore de Banville les autorise à prendre cette épithète pour un éloge. […] prends ton bâton, prends ta fourche, ramasse Les pierres du chemin, debout, levée en masse ! […] Prenons pour exemple le mot coqueluche. […] Il affectait l’insensibilité, on le prenait pour insensible.

308. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

La Gloire prit dans ce dessein un morceau de marbre, l’Amour des tablettes de cire, et l’Amitié un livre blanc. […] Le petit roman des deux jeunes émigrés, qui date de 1814, exprime assez bien, dans plusieurs détails, cette espèce de teinte bourbonienne que prirent à ce moment ses pensées. […] Quels engagements peuvent nous faire prendre les moindres témoignages de leur bienveillance ! […] Elle avait pris le goût de la vie intérieure et domestique, tout entière adonnée au bonheur des siens, quand elle leur fut enlevée bien prématurément en décembre 1821. […] Elle prenait copie de la belle lettre de Mme de Maintenon à la duchesse de Ventadour.

309. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

L’esprit prend quelque chose de l’harmonie et de la sécurité des objets qui l’environnent. […] Qu’on prenne et qu’on mange tous ses frères, il n’en perdra pas un coup de dent. […] La Fontaine a pris pitié de tant de tristesse et de bonté. […] « Quand ce peuple est pris, il s’enfuit. […] Me prend-on pour un sot ?

310. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Mais eux, honteux et indignés d’avoir été trompés par une jeune fille qui leur avait fait prendre une proie pour une autre, l’amenèrent enchaînée à Lucques, où les juges ne purent pas moins faire que de la condamner, tout en l’admirant. […] Mais aussitôt que je fus rentrée dans le corridor des cuisines, comme si j’allais y prendre une fiasque neuve à la place de celle que je venais de répandre, je m’élançai en bonds rapides par les marches de l’escalier, jusqu’au sommet de la tour, je pris la zampogne sur mon lit, je la mis sous mon bras et je redescendis, aussi vite que j’étais montée, jusqu’aux cuisines. […] Je ne sais pas où je les prenais, mais le bonheur de savoir qu’il m’aimait et le soulagement que j’éprouvais de lui avoir osé dire enfin : « Je t’aime !  […] — C’est bien, me dit-il, mon garçon, j’aime que ma prison soit gaie et que mes prisonniers aient de bons moments que Dieu leur permette de prendre, même en leur donnant tant de mauvais jours. […] Je pris le peloton, je le déroulai, je pris la lime, que je glissai entre ma veste et ma chemise, et je lui rendis la boucle d’oreille cassée, qu’elle baisa plusieurs fois en la cachant dans sa poitrine.

311. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

. — « Prenez mon corps, prenez mon sang, pour la grâce de notre amour !  […] « Prenez mon sang, prenez mon corps, en mémoire de moi !  […] — voici le corps de nourriture, voici le sang de breuvage ; le mystique vase brillera, voici l’aliment ; sang de Dieu, voici le vin ; prenez, prenez, prenez ; pécheurs, voici le vin et le pain ; approchez, très mélancoliquement ; car le vin coulera en vos sangs, le pain se fera vos chairs, et le sacré sang coulera par votre cœur… Le sang sacré coule, ô Malade, par son cœur ; le sang du Souffrant en ses veines coule ; et c’est son propre sang, qui s’embouillonne, et qui coule, effroyablement ! […] Chez nous, en France, il faut prendre Manon, la belle petite œuvre de M.  […] Le motif prend ainsi une forme plus solide, tonalement parlant, plus nette comme expression, et ces trois notes, mi-si-ré, se retrouveront maintenant partout.

312. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

J’ai voulu voir si le beurre était fait, car il y avait longtemps que je n’avais rien pris. […] Je prenais mes pistolets ; ils s’enfuyaient et me laissaient seul. […] Ainsi je ne vous écrirai qu’une seule fois encore pour vous marquer mon départ, ou les arrangements qu’on aura pris avec moi. […] Je ne sais encore quelle tournure prendra ma fortune. […] Quand verrai-je donc l’Aigle noir prendre son vol sur les mers de l’Asie ?

313. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Il lui convint d’abdiquer ; il fallait prendre celui en faveur de qui il abdiquait. […] Le système de l’élection ne peut être pris comme base unique d’un gouvernement. […] À chaque élection, le député sera obligé de prendre à cet égard des engagements qui énerveront son action future. […] Les croyances surnaturelles sont comme un poison qui tue si on le prend à trop haute dose. […] Elle se formerait au respect ; elle prendrait, le sentiment de la valeur de la science.

314. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

» Pour sortir de cet embarras, vous allez voir comment s’y prit l’évêque de Meaux ! […] Notre homme, enrichi, veut prendre femme, et encore veut-il que sa femme soit noble. […] Dorimène est une friponne très éveillée qui ne prend guère plus de détours avec son amant qu’elle n’en a pris avec son fiancé. […] Et de quel droit cet Alceste a-t-il pris l’espèce humaine en horreur ? […] Mais cet homme, menacé par un fripon, où le prendre, où le trouver ?

315. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Le vieux parti de Louis XIV, battu partout ailleurs, prit sa revanche là où il était encore maître. […] On n’était jamais tenté d’aller prendre une idée chez lui, il n’en a inoculé aucune ; il n’avait pas l’ingrès (ingressus), comme le disait un jour Leibnitz, et pour parler français ses idées ne sont pas entrantes. […] Pour lui trouver de l’esprit (et il en avait), il faut ne le prendre qu’à toutes petites doses et sur des mots qui lui sont échappés. […] Les écoles avancées et progressives sont allées chercher dans ses écrits des pensées à l’appui de leurs espérances ; les économistes ont pris plaisir à y relever les vues utiles et les projets d’améliorations positives. […] On le prend en gros comme le représentant d’un dogme et comme une de ces figures qui se détachent de loin dans une avenue.

316. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Le génie enflammé de la Renaissance, la nudité, la sérénité héroïque de l’antiquité grecque, sont hors de sa portée et de ses prises. […] Ils ont pris simplement le contre-pied de l’ancienne, et notre poésie, entre les oripeaux et les guenilles, attend encore le vêtement qui lui convient. […] Celui-ci prend justement le contre-pied du ton officiel. […] Jean-Jacques disait fort justement qu’il prend souvent pour héros les bêtes de proie, et qu’en faisant rire aux dépens du volé, il fait admirer le voleur. […] N’attends pas à demain, la mort peut te prendre en route.

317. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Leconte de Lisle a pris, après tant d’autres, la fameuse Orestie d’ […] Il me rappelle Gringalet, à qui son maître visitant le fameux portefeuille, tout plein de billets de banque, demandait : — Tu n’en a pas pris, au moins ? […] Si vous faites tant que de prendre les mots grecs, prenez-les en leur vraie forme et dites : Azis, qui est, à peu de chose près, la vraie prononciation ! […] Alors ne voulant pas humilier ce titan et, d’autre part, ne renonçant qu’à regret à un ornement dont l’indispensable beauté ne saurait être méconnue, il se résigna à prendre le parti de devenir chauve par devant, tout en gardant sur le derrière de la tête la richesse soyeuse et annelée d’une chevelure apollonienne. […] Assurément, chaque lecteur est juge du plaisir qu’il prend, et je crains que M. 

318. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Je suis sorti d’un bain que j’avais déjà pris. […] Les bas-bleus qui faisaient partie de la société qu’elle voyait, en France, mirent du temps à lui donner sa teinte… Que lui dirent-ils pour qu’elle la prit ? […] pour lui ou contre lui ; et ils ont pu prendre ce qu’ils ont voulu dans le tas ! Et elle aussi, elle y a pris, dans le tas, la femme du Byron jugé ; et pourtant, de tous, elle était celle qui devait le moins y prendre ! […] Prenons-en notre parti, si nous pouvons.

319. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Viens, suis-moi, douce amie, prends courage ! […] Prends-le vite ! […] Tu me pris la main et tu me dis : “Lise ! […] Tu me pris dans tes bras et tu m’emportas à travers la cour. […] Le père s’étonne et se tait ; le pasteur prend avec une douce éloquence le parti de la mère et du fils.

320. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Ils prenaient tout au sérieux, ainsi que font les Lapons quand on leur donne la Bible à lire. […] Mais le pli était pris. […] Pendant la nuit, je ne pensais qu’à elle ; je ne pouvais prendre aucun sommeil. […] Cette demi-heure, il la prit pour lui. […] Dès que le chargé de cours le prenait et se mettait à le lire je n’étais plus capable de prendre une note ; une sorte d’harmonie me saisissait, m’enivrait.

321. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Cousin qui ont pris fait et cause pour sa moralité. […] Guizot étendit la main et dit : Je la prends. […] De désespoir il prit le poison de Cabanis et mourut. […] Les catholiques l’ont pris très au sérieux quelque temps. […] Veuillot se prend encore à m’attaquer : c’est bon signe.

322. (1925) Dissociations

Ces scènes sont prises dans de grands aquariums. […] C’est à ce moment-là que se prennent les bonnes et les mauvaises habitudes. […] Ils ne savent comment s’y prendre. […] Et l’on s’en prit aussitôt au défaut d’hygiène, aux taudis. […] Les voitures même ne la prenaient pas volontiers.

323. (1925) Comment on devient écrivain

Quel ton faut-il prendre quand on écrit un roman ? […] Je vais prendre mon parapluie. […] Si encore on prenait des notes ! Mais qui a le courage de prendre des notes ? […] Prenons la conférence pour ce qu’elle est.

324. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Nos idées ont pris un cours différent. […] Il prit une autre route, et heureusement son génie a semblé n’y rien perdre. […] Massillon se conforma davantage au génie plus timide qu’avait pris notre langue. […] C’est prendre l’art d’écrire pour un art mécanique. […] Où le monarque pouvait-il prendre sa force et son point d’appui ?

325. (1902) Le critique mort jeune

Ainsi entendue, la littérature devient le plus délicat de tous les jeux, celui où n’ayant pas été pris soi-même on essaie de prendre les autres. […] Cependant il ne prend pas avec toutes indistinctement le même plaisir. […] Faguet ne le prend jamais guère sur un ton plus emphatique. […] Mais vous allez en prendre une idée bien romantique. […] C’est le déshonneur que je prends.

326. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Il souffre même de prendre ma religion en défaut. […] Souday veut bien prendre en pitié la déliquescence de mon cerveau. […] Paul Souday n’a pas même pris la peine de me lire. […] Et leur querelle prit fin. […] Ceux-ci, du reste, ne sont pas de moindres mystificateurs : seulement, ils se mystifient eux-mêmes tout les premiers ; ils prennent, ils veulent nous faire prendre — hélas !

327. (1923) Paul Valéry

Il prenait l’Allemagne, ainsi qu’il avait pris Léonard, comme un symbole, le symbole d’une action appliquée tout entière à un problème de rendement, à une extension démesurée et inédite de la méthode. […] C’est ce défaut que nous prenons pour l’être. […] Car l’être pris en soi serait, comme pour l’Eleate, ce qui ne change pas, ou ce qui ne change plus. […] Et cette poésie ne prend jamais le sujet que comme un Heu de passage pour arriver à l’objet. […] Ne prenons pas, en Valéry, le poète métaphysicien pour un métaphysicien poète.

328. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

L’alarme était déjà dans Perpignan, quand arrivèrent quatre représentants du peuple, qui prirent sur-le-champ les mesures les plus vigoureuses. […] Il tint bon et attendit que l’ennemi, après avoir pris de petites places de médiocre importance, et Bellegarde même qui était une place très-forte, vînt l’affronter dans sa position retranchée et lui livrer bataille sous Perpignan. […] Sans hésiter, il prend 1400 hommes d’élite, raccourt tout d’une traite de Belver à Mont-Louis, qu’il traverse au coucher du soleil, et se porte jusqu’au plateau des Llancades, poste élevé, où il forme sa troupe en trois colonnes, et lui donne, pour se reposer, le reste de la nuit. […] Quand il arrive pour prendre en main le commandement qui lui est déféré, les dispositions de crainte et d’alarme qui l’avaient fait paraître nécessaire sont déjà changées par suite d’un grand succès obtenu devant Perpignan, la victoire de Peyrestortes, remportée d’élan et comme de hasard, par un enthousiasme héroïque. […] Guerre, art, poésie, philosophie, imagination ou réalité, heureux qui trouve à quoi se prendre une dernière fois dans sa vie, entre les belles causes qui demandent et appellent l’étincelle sacrée !

329. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Selon lui, cette révolution poétique qui s’accomplissait alors serait extrêmement favorable à la littérature elle-même, bien que nuisible aux écrivains qui y prenaient la plus grande part. […] Mais quand le public a une fois goûté à ces mets fortement épicés et en a pris l’habitude, il veut toujours des ragoûts de plus en plus forts. […] Comment aurais-je pu prendre les armes sans haine ? […] Je le sais bien, il y a beaucoup de gens à qui je suis comme une épine dans l’œil ; ils aimeraient bien être débarrassés de moi, et comme on ne peut plus maintenant attaquer mon talent, on s’en prend à mon caractère. […] Mais de plus, par suite de cette agitation continuelle de l’âme, conséquence de ses goûts révolutionnaires, il n’a pas permis à son talent de prendre son complet développement.

330. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Il put rêver à cette heure un grand rôle, et il espéra, un moment, pouvoir prendre sur le vieux et digne monarque un ascendant qui ne fut accordé à personne, et que déjouait une force d’inertie et de routine, la plus sourde de toutes. […] Bignon, d’espionner et de surveiller les démarches de la Russie, se rapporte précisément aux ordres qu’il avait reçus, et l’on s’en prenait à l’objet même de ses instructions, qui était d’éclairer son gouvernement sur les intrigues russes en Pologne aux approches d’une campagne. […]  » J’eus bien de la peine à ramener au degré de précision nécessaire ces renseignements, qui semblaient toujours avoir été pris à l’aide d’un microscope. » On ne saurait mieux dire. […] Cet abbé, bizarrement célèbre, et qui s’était intitulé lui-même dans un de ses accès de flagornerie « l’aumônier du dieu Mars », avait été chargé, sous le titre d’ambassadeur, de prendre en main le mouvement de la nation polonaise au moment où la guerre contre la Russie se décida. […] Mais il n’est pas moins vrai que l’abbé prit au rebours toute sa mission, tant qu’elle fut possible et réalisable ; l’écrit apologétique et agressif qu’il publia, en 1815, sous le titre d’Histoire de l’Ambassade dans le Grand-Duché de Varsovie, prouve et dépose contre son auteur même.

331. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

« Au nom de Dieu le Créateur », il est déclaré « qu’illustre et sage seigneur le Parlement de Paris y prend pour sa femme et légitime épouse puissante et bonne dame la Ville de Paris, comme pareillement ladite dame prend, etc., etc., pour être lesdits seigneur et dame joints et unis perpétuellement et indissolublement ». […] Comme Mirabeau, Retz ne pouvait rendre des services à la reine qu’en maintenant son crédit auprès de la multitude ; et, pour maintenir ce crédit, il lui fallait faire ostensiblement des actes et tenir des discours qui sentaient la sédition, et qui semblaient en sens inverse des engagements qu’il venait de prendre. […] Monsieur, duc d’Orléans, lieutenant général du royaume, s’était pris pour lui d’une grande confiance et se l’était donné pour intime conseiller. […] Dom Hennezon, abbé de Saint-Mihiel, à trois lieues de là, ne goûtait pas ces prétendues rectifications de dom Desgabets : de là, une dispute philosophique en règle, dans laquelle on prit pour arbitre le bon cardinal. […] Ce grand frondeur qui, dans sa jeunesse, avait cherché vainement à tenir la balance entre les partis, entre Monsieur, le Parlement et la Cour, et qui, à défaut de balance, avait pris l’épée, et même contre M. le Prince, en était venu dans sa vieillesse à cet arbitrage innocent.

332. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Je suis en train d’énumérer les hommes différents qui se rencontrent chez M. de Rémusat et que lui-même a pris longtemps plaisir à assembler sans les mélanger : ce qui faisait dire de lui à M.  […] Très jeune, M. de Rémusat s’est pris d’un goût vif pour les questions philosophiques et métaphysiques, et pour cette escrime déliée qui semble tenir à la qualité même de l’intelligence. […] Puis le grand maître de l’hôtel, en ayant reçu l’ordre, apporta un pain d’une blancheur parfaite, que l’enfant prit et mangea. […] Son père se prit contre lui de colère, et s’arma de rigueur ; rien ne pouvait le fléchir. […] Et cette direction prenait un caractère d’éloquence persuasive et de grâce qui se répandait à distance, en raison d’une faculté particulière de diction qui était en lui.

333. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Prit un autre poison peu différent du sien. […] C’est lui qui fut élu roi de Pologne en 1697, et qui mourut en 1709, sans avoir pu prendre possession de cette couronne. […] Mais alors, pourquoi prendre le renard, le plus fin des animaux ? […] C’est donc La Fontaine qui aura ce prix : car on ne peut mieux prendre le ton du cœur qu’il ne le prend dans ce dernier morceau. […] Il faut, dit l’autre ami, le prendre de soi-même.

334. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Il est encore plus facile, sans comparaison, au poëte qu’au peintre de nous affectionner à ses personnages, et de nous faire prendre un grand interêt à leur destinée. […] Les passions sont variées, même dans les personnes qui, suivant la supposition de l’artisan, doivent prendre un égal interêt à l’action principale du tableau. […] Des acteurs qui ne prennent pas un interêt essentiel à l’action, dans laquelle on leur fait joüer un rôle, sont froids à l’excès en poësie. […] Nous venons de dire qu’un personnage qui ne prend qu’un interêt médiocre dans l’action, devient un personnage ennuieux. S’il y prend un grand interêt, il faut que le poëme fixe sa destinée, et qu’il nous en instruise.

335. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Ce myrte prend une voix : il raconte à Roger qu’il est Astolphe, autre paladin, cousin de Roland, et qu’il a été transformé en myrte par les enchantements de la magicienne Alcine. […] Il fait abattre l’hippogriffe dans une clairière des forêts de chênes de la Bretagne française, prend Angélique dans ses bras et la dépose mollement sur l’herbe. […] Quand vous aurez pris plus d’années, vous lui rendrez plus de justice, et, tout en reconnaissant en lui le plus amusant des poètes, vous y reconnaîtrez le plus agréable des philosophes. […] je vous arrête, répondit le professeur ; est-ce que vous prenez l’Arioste pour un bouffon ? […] J’avais pris l’embarquement des troupes du général Mollière pour un commencement d’intervention à Rome.

336. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Quand je suis près d’elle, elle me prend fiévreusement la main, deux ou trois fois, me disant : « J’irai vous… vous… j’irai vous voir !  […] De là, il passe à la description de types littéraires, qui nous font prendre en pitié nos bohèmes de France. […] Hier, à sa table, il prenait la défense du préfet Janvier. […] Je le vois prendre, à deux mains, son verre à Bordeaux, et l’entends dire : « Voyez le tremblement que j’ai dans les doigts !  […] Sa main, quand il prend la vôtre, monte amoureusement le long de votre poignet.

337. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Et, prenez donc bien garde ! […] Il n’a pas pris les choses à la source. […] (Colombine prend Pierrot et l’étrangle. […] [« Prenez mon ours ». […] Vous avez pris mon titre et mon bien.

338. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

oui, tu me la prends ! […] Tu me la prends ! […] Tu me la prends ! […] Rien de plus naturel : quand on a à s’en prendre à quelqu’un, on s’en prend à tout le monde. […] Seulement ce soin que prend M. 

339. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Cela dit, prenons-le par ses bons côtés, par ses saillies qui souvent vont fort loin dans le vrai et dans le sérieux, prenons-le dans sa parfaite connaissance de la vie, du monde et des hommes. […] Cela impatiente Catherine ; elle prend une carte pour se rendre compte du pays, et donne en souriant une chiquenaude sur le papier : présage d’une guerre. […] Un jour, le prince de Ligne s’aperçut que deux belles Juives, chez qui il allait souvent, demeuraient bien haut ; il leur écrivit un petit billet le plus dégagé possible, par lequel il prenait congé d’elles à l’avenir, leur disant : « Adieu ! […] Le prince de Ligne souffrait par moments de n’être pris que comme une curiosité, une simple utilité mondaine dans cette réunion de rois et de ministres qui allait trancher les destinées du monde. […] Heureux celui qui, par le prix qu’il met et le goût qu’il prend aux plus petites choses, prolonge son enfance !

340. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Charron n’entre en rien dans cette intelligence et cette explication vraiment philosophique de l’humanité, qui, pour la mieux comprendre, en suivrait d’abord les directions générales et en reconnaîtrait les vastes courants : il prend l’homme au rebours et dans ses écarts ; il l’observe malade, infirme, le voit toujours en faute, dans une sottise continuelle, dans une malveillance presque constante : « La plupart des hommes avec lesquels il nous faut vivre dans le monde, dit-il quelque part, ne prennent plaisir qu’à mal faire, ne mesurent leur puissance que par le dédain et injure d’autrui. » De ce qu’il y a certains cas où les sens se trompent et ont besoin d’être redressés, il en conclut que ce qui nous arrive par leur canal n’est qu’une longue et absolue incertitude. […] Il ne fait que changer la méthode de Lipse, mais il a pris le fond : « La moëlle de son livre est ici », dit-il. […] Il ne s’agit pas de faire de son élève un clerc, et aussi, quand il sera dans le monde, il n’y fera point de pas de clerc : Venez à la pratique, prenez-moi un de ces savanteaux, menez-le-moi au conseil de ville, en une assemblée en laquelle l’on délibère des affaires d’État, ou de la police, ou de la ménagerie : vous ne vîtes jamais homme plus étonné : il pâlira, rougira, blêmira, toussera ; mais enfin il ne sait ce qu’il doit dire. […] On a beau admettre toutes les formes de maturité et d’expérience ; on a beau se dire que Charron était un de ces esprits à qui il n’est pas donné de faire leur initiation par eux-mêmes, de se donner l’impulsion, qui l’attendent d’autrui, mais qui n’ont besoin que de ce premier mouvement, de cette chiquenaude du voisin, pour prendre leur assiette et arriver à la pleine possession de leur pensée ; on a beau se donner cette explication, il reste un coin d’obscurité et d’incertitude. […] Ne t’inquiète de rien que de la vérité ; que ce ne soit pas un système dont le poids et les chaînes accablent l’esprit, mais des enfants de l’amour nés dans des heures pastorales, pour toi, pour nous, pour tes amis, pour le monde. » Et encore : « Après cela, précisément dans l’intérêt de ma santé, je relis le sage Montaigne, comme on prend un calmant ; il est si serein, si spirituel, si conlent !

341. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Il a parlé quelque part de Fontenelle, celui de tous les êtres qui lui ressemblait le moins assurément, le plus patient des hommes, le plus disposé à prendre les autres comme ils sont, et qui, dans une vie de quatre-vingt-dix-neuf ans, ne s’était jamais mis une seule fois en colère. […] elle est encore, à tout prendre, ce qu’il y a de mieux dans cette Europe si corrompue. […] Ce n’est que de guerre lasse et de désespoir qu’il se jeta dans les bras du parti contraire : il ne prit pour nouvelle et dernière formule : Tout pour le peuple et par le peuple ! […] combien jeme félicite du parti que j’ai pris, il y a quelques années, deme fixer ailleurs, et que vous m’avez tant reproché (il écrità madame de Senfft) ! […] J’usai de la faculté qui m’avait été laissée ; je pris sur moi de rayer deux lignes et de mettre des points.

342. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Ici il me prend à partie moi-même. […] Chargé en 1848 de conférences de rhétorique à Louis-le-Grand et ayant à expliquer un auteur français, il avait pris pour texte Victor Hugo, rien que lui, et, dans ses œuvres, rien que ses drames ; il s’était mis à y relever les fautes, les exagérations : il se faisait la partie belle et s’en amusait ; il triompha ainsi pendant près d’une année à huis clos. […] Énumérons un peu : il avait à louer tout ce qui était de la Sorbonne ancienne et nouvelle, tout ce qui était de l’Université, tout ce qui était du Journal des Débats, presque tout ce qui était de l’Académie : et remarquez qu’en général ce ne sont pas gens à prendre du galon à demi quand ils en prennent ; il faut les louanger bel et bien, et largement, sur toutes les coutures. […] Je me suis vu, à ses débuts, l’objet de ses malices entremêlées de douceurs ; il me ballottait, il avait bien envie d’en faire plus ; le sujet lui semblait appétissant ; assez longtemps il hésita : puis, tout bien considéré, un jour il prit le parti de ne pas déclarer la guerre et d’offrir gracieusement l’olivier. […] Dans le premier, il commit une faute par excès de préoccupation morale : à force de vouloir éviter la chronique scandaleuse, il se jeta dans la chronique vertueuse et raconta comment des demoiselles de sa connaissance, millionnaires, prenaient leurs maris parmi des jeunes gens distingués et sans fortune, précepteurs de leurs jeunes frères.

343. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Je ne prendrai qu’un exemple que M.  […] Desjardins a pris les devants. […] Enfin, ce qui coupe court à tout, Corneille donna lui-même ces Stances, y compris la dernière, dans le Recueil de Sercy en 1666, et il les prit à son compte. […] Il prend Rodogune, la pièce dont Corneille se faisait le plus d’honneur ; il l’accepte pour le chef-d’œuvre du poète, et l’analysant, la disséquant sans pitié, Dieu sait ce qu’il en pense et ce qu’il en dit ! […] Nous avons beau faire et beau dire là-bas nous ne sommes pas pris au sérieux poétiquement ; le génie des races s’y oppose.

344. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Ce n’est pas la bonne méthode de prendre les grands hommes de biais ou au rebours ; ne faisons pas une guerre de chicane à ces hautes natures. […] Prenons des exemples ; car M.  […] Il remplit avec un merveilleux génie d’organisation la première partie de sa tâche et ne prit aucun soin de remplir la seconde. […] Armand Lefebvre nous le fait en même temps remarquer, la France eût-elle bien pris en 1801 cet abandon de l’Italie, deux fois délivrée ? […] Nous n’avons plus le choix des partis à prendre ; il faut succomber, ou briser le réseau formidable qui nous enveloppe.

345. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Et sur ce climat qui n’est pas fait, et sur ce caractère américain, qui ne l’est pas davantage, quel plus frappant et plus philosophique tableau que celui-ci, trop pris sur nature, trop bien tracé et de main de maître pour n’être pas rappelé ici, quand sur d’autres points nous devons être si sévères ! […] Les arrangements étaient pris, les rôles distribués : en même temps que Bonaparte s’embarquait pour l’Égypte, Talleyrand devait aller de sa personne négocier auprès de la Porte en qualité d’ambassadeur, pour appuyer de sa diplomatie l’expédition colonisatrice. […] Un homme public, comme tous les hommes, a ses défauts, ses passions ou même ses vices ; mais il ne faut point, comme à Talleyrand, que ces vices prennent toute la place et occupent tout le fond de sa vie. […] Sir Henry Bulwer a très bien pris et rendu la mesure de l’esprit politique et pratique en M. de Talleyrand ; mais décidément son indulgence n’a pas fait assez large la part de ces vices fondamentaux ; il s’est montré trop coulant sur une chose essentielle. […] Selon cette version, Talleyrand aurait envoyé deux hommes à lui, de Perray lui-même et un autre, pour prendre aux Tuileries les précieux papiers et l’aider à les visiter.

346. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Les talents de poëtes sont, en avançant, aux prises avec des difficultés de tous genres : il faudrait rester fidèle à soi-même sans s’immobiliser, se renouveler sans se rompre. […] Mais, selon cette idée que se fait le bon public, on n’est pas défiguré toujours, on est idéalisé quelquefois : n’en faudrait-il pas prendre son parti alors, composer avec cet idéal, et ne le pas secouer avec ce sans façon ? […] Lui est-il donc permis de se prendre d’autant plus à la légère, que le public l’a pris davantage au sérieux ? […] Adolphe Dumas, et lui répond que toutes ces critiques l’affectent peu, qu’il en faut prendre son parti, boire, sans murmurer, le nectar ou l’absinthe, et ne pas trop compter sur les réparations du siècle et de l’avenir : Nous venger ? […] Ne prenez pas Virgile au mot quand il vous parle, presque en rougissant, de son loisir sans honneur, ignobilis otî ; ou c’est qu’en latin le mot n’a pas ce sens-là.

347. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Maintenant il y est pris et entraîné de manière à ne pouvoir même rêver sérieusement qu’il s’en dégage. […] Je veux dire qu’elle les a amenés à s’exercer dans des conditions auxquelles ils ne s’étaient point formés et qu’ils ont alors hésité, tâtonné, ou pris résolument des voies dangereuses. […] L’homme s’y est peut-être pris trop tard pour devenir un être social. […] Il ne sait comment s’y prendre, et ses nouveaux instincts, grossiers, confus, aveugles, le font errer en bien des voies douloureuses. […] Et trop souvent aussi, comme partout et comme toujours, ce qui n’est qu’un moyen veut se faire prendre pour une fin.

348. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Jamais homme ne fut moins dupe de l’apparence militaire, et ne se laissa moins prendre à la montre. […] Si Commynes, en racontant la bataille de Montlhéry, avait voulu faire la parodie de celle de Poitiers, il ne s’y serait pas pris autrement. […] Il y eut là un moment terrible pour le rusé pris au piège. […] Ceux-ci s’offraient également et avaient l’air tout haut de réclamer cet honneur d’être pris pour otages. […] C’est du Montesquieu pris à sa source, au naturel.

349. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Jusqu’à cette heure j’ai fait merveille : j’espère que je soutiendrai un certain air aisé que j’ai pris, jusqu’à Fontainebleau, où j’ai grande envie de me retrouver. […] Adorée de son jeune époux, et sachant prendre en main ses intérêts en toute rencontre, il ne paraît pas qu’elle eût pour sa personne un goût bien vif et bien tendre. […] Au départ de l’abbé pour Rome (1706), on remarqua beaucoup « que Mme la duchesse de Bourgogne lui souhaita un heureux voyage d’une tout autre façon qu’elle n’avait coutume de congédier ceux qui prenaient congé d’elle ». […] Admis dans l’intimité de la princesse et de Mme de Maintenon, traité sur le pied d’un bel enfant espiègle et spirituel, il ne tarda pas à prendre les licences que prend cet effronté de Chérubin près de sa marraine, et s’émancipa si bien qu’il ne fallut rien moins que la Bastille pour le remettre à la raison et satisfaire la colère du roi. […]  » Malgré tout, on se prend à regretter que cette princesse, enlevée à vingt-six ans, et dont la féerie naturelle avait enchanté les cœurs, n’ait pas régné à côté du vertueux élève de Fénelon.

350. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

— Ils les avaient prises pourtant dans un très beau livre. […] Il faut prendre congé de M.  […] Ce grand homme a pris à tout le monde. […] Mais chez lui jamais elle ne prend de lasses attitudes. […] Qui pourrait prendre une rame pour une corbeille ?

351. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Elle aurait le droit de prendre à J. […] Une admiration bien sentie a pris la place d’une imitation maladroite. […] Bien hardi qui essayerait de les lui prendre ! […] L’erreur, avec cette netteté et cette logique de formes, prend le caractère de la vérité. […] Prenez-y garde : il faut du temps, même à la liberté, pour produire des merveilles.

352. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Je les voyais, l’autre jour encore, cités et pris au sérieux par un grave et savant historiographe étranger : il importe que ces sortes de méprises ne se fassent plus. […] C’est à lui qu’on prenait la liberté d’appliquer cette vilaine épigramme de Piron… » Nous ne transcrirons point l’injure dégoûtante dont on le gratifie. Voilà le fabricateur encore pris la main dans le sac, comme on dit, et nous l’y tenons si fort qu’il ne lui est pas possible, cette fois, de la retirer. […] Le recueil ainsi conçu et rassemblé, il ne s’agissait plus que de savoir quelle forme, quelle figure définitive il prendrait, et quelle fée on lui donnerait pour marraine. […] Leurs esprits se devinèrent, se prirent de goût l’un pour l’autre.

353. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Quand on prend le marquis d’Argenson à sa source, tel qu’on nous le donne maintenant, il faut en faire son deuil tout d’abord ; il faut en passer par sa langue. […] Chauvelin, qui l’avait pris en goût, de devenir bientôt ministre. […] Quand il espère arriver par quelqu’un au ministère, ce quelqu’un (fût-ce le valet de chambre Bachelier) prend aussitôt à ses yeux une couleur de bon citoyen. […] Prenez-moi ! […] On conçoit qu’un tel homme, s’il voulait contraindre les autres à raisonner et à conclure comme lui, disputât toujours. — Un soir que Fontenelle s’était endormi au coin du feu, une étincelle vola sur sa robe de chambre ; il ne s’en aperçut pas, et, quand il fut couché, le feu prit par la robe de chambre à toute la garde-robe.

354. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

— Rodrigue a pris haleine en vous la racontant », réplique don Diègue, par une de ces fanfaronnades qu’on applaudit toujours et qu’on peut passer d’ailleurs à un tel père. Le roi se ravise et prend un biais : « Du moins une heure ou deux, je veux qu’il se délasse. » C’est à faire sourire. […] » Mais c’est en vain qu’elle cherche à l’émouvoir sur cette rivalité si inégale : Rodrigue n’a pas regimbé sous l’aiguillon, l’ironie glisse sur lui et ne prend pas ; il s’obstine dans son idée de se laisser punir et immoler : il veut qu’on lui donne une autre et une meilleure raison de vivre que celle-là. […] Elle se lamente et se demande dans sa candeur si elle obéira, à l’égard de Rodrigue, au sentiment de sa dignité ou à l’attrait de son amour ; puis, sa gouvernante qui survient la conseillant dans le sens le plus fier, elle lui déclare qu’elle veut aller derechef donner Rodrigue à Chimène, comme si celle-ci avait besoin de permission pour le prendre. […] Viguier, ce savant émule et ce contemporain de tous nos maîtres, aurait tort de penser que, pour s’y prendre d’une autre sorte devant un public qui nous commande aussi et que nous avons à satisfaire, on ne l’a pas lu et qu’on n’a pas profité de son travail excellent.

355. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Ce procédé prend l’ombre pour la réalité. […] Prenons notre globe. […] Cependant, les faits pris ensemble tendent à montrer que les organismes les plus hétérogènes se sont produits les derniers. […] On ne niera pas du moins que ses rapprochements sont ingénieux, soutenables à beaucoup d’égards, et, pris dans leur ensemble, incontestables. […] Au risque de commencer d’une manière un peu brusque, prenons le sauvage adulte.

356. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

S’étant procuré les Dits mémorables de Socrate par Xénophon, il y prit plaisir et s’appliqua à en reproduire la méthode ; il avoue que ce ne fut point sans en abuser quelquefois. […] Ce gouverneur, qui semble le prendre en gré, lui fait de belles promesses et de grandes offres sous main pour l’engager à s’établir à son compte. […] Prenons-le en amour. […] J’ai formé ici une nouvelle connexion qui durera à l’éternité. — Mécontent de ce refus de mon Eurydice, j’ai pris tout de suite la résolution de quitter ces ombres ingrates, et de revenir en ce bon monde revoir le soleil et vous. […] Il me reçut dans sa bibliothèque ; et, quand je pris congé de lui, il me montra un chemin plus court pour sortir de la maison à travers un étroit passage, qui était traversé par une poutre à hauteur de tête.

357. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

En effet, prenez-le, et jugez ! […] Mais n’est-ce pas trop gai qu’un tel langage, et le rire qui prend n’avertit-il pas ? […] Parmi les trois ou quatre enfants gâtés (qui resteront marmots) de ce siècle gâté, et que la Fortune a pris par le menton pour les faire nager, M.  […] Ernest Renan et de ses œuvres, c’est qu’il aura pris la peine de se transformer. […] Hors l’Institut (et encore peut-être), qui prendrait goût à ces casse-tête chinois de la science vaine et de l’analyse impossible ?

358. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Renan n’en prend pas aisément son parti. […] Cela ne prend plus. […] Prenons notre loupe, car tout ce qu’écrit M.  […] Caverlet, ce bras, le prendriez-vous encore ? […] Dumas, ils prennent un brevet !

359. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Au point de vue psychologique, on a pris deux directions. […] Cette idée demeure une porte ouverte à l’hypnotiseur lui-même pour prendre la direction des autres idées. […] Delbœuf, « elle prend pour ainsi dire connaissance de son être interne. […] La douleur qui prend naissance au point affecté ne tarde pas à étendre la lésion, puis « fait avalanche ». […] Le lendemain, à l’heure exacte, elle prend un seau, le remplit d’eau et arrose le bas du jardin.

360. (1913) Poètes et critiques

Michelet l’a traité et, en y appuyant sa griffe, le vieux prosateur passionné en a pris possession ». […] La Fontaine « ne prend que l’idée, et le tour, et les lois » : en vérité, c’est peu de chose. […] Depuis près de deux ans, il n’avait presque pas cessé d’être aux prises avec la misère. […] Il aspirait à prendre rang parmi les publicistes ; il voulait courir sa carrière dans les journaux. […] Il les a prises pour modèles, au moins pendant une saison.

361. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Vous y prenez le sens du relatif, c’est-à-dire une leçon de sagesse. […] Laborde-Milaâ, — je prends quelques nouvelles notes, — et j’écris mes dix pages. […] Elle aussi a suivi le conseil : Prends l’éloquence et tords-lui le cou. […] Mais il y a des précautions à prendre et des distinctions à faire. […] Mais ne prenons pas ici l’amour au sens tout à fait limité du mot.

362. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Je me suis assis près d’elle et je lui ai conté tout… Elle écoutait, presque recueillie… De temps en temps, elle pleurait… Elle me prenait les mains et me les serrait. […] Paul Margueritte5 est un beau livre et (je prie l’auteur de prendre cela pour un compliment plus grand encore) un bon livre. […] Mais les deux derniers tiers du livre m’ont lentement pris aux entrailles. […] Au sortir de sa vie provinciale, elle a de cruelles déceptions, dont elle ne sait pas prendre son parti. […] Ils sont obligés, pour restreindre leurs dépenses, de déménager deux fois et de prendre des appartements de plus en plus modestes et, finalement, d’émigrer à la campagne, dans les bois de Sèvres.

363. (1886) Le roman russe pp. -351

Ils nous prennent la perruque et presque rien du cerveau. […] Le créateur d’Oniéguine n’avait pris à celui de Childe-Harold que sa poétique ; Lermontof lui a pris son âme. […] Et on les lui prend, ces fils adorés, on les lui prend pour jamais. […] Mais il prenait la thèse inverse. […] Prenons des exemples familiers à tout le monde.

364. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Il doit y prendre un appui et ne les jamais perdre de vue dans la disposition des faits : mais il les soumettra à son intelligence et fera dominer sur eux l’ordre logique, qui se tire de la nature essentielle des choses et de leur rapport au but suprême de l’œuvre. […] Qui peut, en lisant les Annales de Tacite comme il les a écrites, prendre une idée claire des guerres de Germanie ou d’Arménie ? […] Etudiez les Fables de La Fontaine et prenez M.  […] Il ne faut prendre que ce qui est significatif. […] Le grand écrivain n’a pas pris dans la nature le détail expressif : il a créé l’expression par son choix volontaire, qui a exclu tous les autres détails identiques pour en recevoir un seul.

365. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

L’Histoire y est aussi esquissée en traits rapides, mais il y a peu de passé encore dans cette vie d’un peuple, et l’expérience qu’il fait est si nouvelle, que l’avenir, bien plus que le passé, y prend le regard de l’historien. […] J’avais le droit d’exiger du vrai et du clair, et je ne rencontrais, dès les premières lignes, dans le livre de Xavier Eyma, que ces contradictions charmantes que j’ai rencontrées partout dans son histoire, et qui ont fait dire de l’ouvrage de Tocqueville, cette gamelle tendue à toutes les opinions qui veulent y prendre : « Il y en a pour tous les goûts !  […] … De liarder avec elle, d’oublier ses sacrifices, de ne pas prendre sa part de ses charges et de ses douleurs ! […] … Il est, je le sais, beaucoup d’hommes politiques de ce faible temps, dont l’âme domptée par la matière et tremblant devant elle prend l’énormité pour la grandeur et l’obésité territoriale pour la force. […] peut-être trop sceptique et trop moderne pour bien écrire l’Histoire, cette suite, non de partis pris, mais de partis à prendre ; car à quoi bon écrire pour l’instruction des autres, si vous augmentez en eux les anxiétés de l’ignorance et les embarras du savoir ?

366. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Bossuet le prenait autrement. […] Massillon s’y prend d’autre sorte. […] Les quelques libertés, bien innocentes assurément, que Marivaux a prises, c’était le privilège du théâtre italien que de les prendre. […] Mais d’Alembert n’en a pas moins pris le beau rôle. […] Il n’y a rien pour nous, ou presque rien, à prendre dans les Salons de Diderot, et il est même à regretter que notre siècle y ait déjà tant pris.

367. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 38, que les remarques des critiques ne font point abandonner la lecture des poëmes, et qu’on ne la quitte que pour lire des poëmes meilleurs » pp. 554-557

Lorsqu’il paroît des poësies meilleures que celles qui peuvent être déja entre les mains du public, il n’est pas necessaire que les critiques le viennent avertir de quitter le bon pour prendre le meilleur. […] Qu’on s’éleve plus haut que Virgile et que ses pareils, non point comme ce roitelet qui se mit sur le dos de l’aigle pour prendre son essort quand l’oiseau de Jupiter seroit las, afin de pouvoir lui reprocher ensuite que ses aîles le portoient plus haut que lui. […] Virgile et Lucain ont pris leurs sujets dans l’histoire romaine. […] L’interêt que tout le monde prendroit à ce sujet par differens motifs, seroit un garent assuré de l’attention du public sur l’ouvrage.

368. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Je prendrai comme exemple la genèse d’une théorie philosophique. […] Et les femmes prenaient le chemin de l’exil... […] Dans la plupart de ces inventions prises isolément, la nouveauté n’est pas très grande. […] Il prend des notes, lui-même… Il est ordinairement obligé de faire une enquête sur place, et, en rentrant chez lui, tous les jours, il prend des notes sur ce qu’il a observé. […] C’est une des formes nombreuses que prend l’avortement des germes psychologiques.

369. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Les uns croient que c’est outrager les hommes que d’en faire une si terrible peinture, et que l’auteur n’en a pu prendre l’original qu’en lui-même, ils disent qu’il est dangereux de mettre, de telles pensées au jour, et qu’ayant si bien montré qu’on ne fait les bonnes actions que par de mauvais principes, la plupart du monde croira qu’il est inutile de chercher la vertu, puisqu’il est comme impossible d’en avoir si ce n’est en idée ; que c’est enfin renverser la morale, de faire voir que toutes les vertus qu’elle nous enseigne ne sont que des chimères, puisqu’elles n’ont que de mauvaises fins. […] Nous autres grands auteurs sommes trop riches pour craindre de rien perdre de nos productions… » Notons bien tout ceci : Mme de Sablé dévote, qui, depuis des années, a pris un logement au faubourg Saint-Jacques, rue de la Bourbe, dans les bâtiments de Port-Roval de Paris ; Mme de Sablé, tout occupée, en ce temps-là même, des persécutions qu’on fait subir à ses amis les religieuses et les solitaires, n’est pas moins très présente aux soins du monde, aux affaires du bel esprit ; ces Maximes, qu’elle a connues d’avance, qu’elle a fait copier, qu’elle a prêtées sous main à une quantité de personnes et avec toutes sortes de mystères, sur lesquelles elle a ramassé pour l’auteur les divers jugements de la société, elle va les aider dans un journal devant le public, et elle en travaille le succès. […] Cousin donne le billet que j’avais déjà publié, en y mettant les quelques mots assez insignifiants que j’avais remplacés par des points, et il continue) » : La Rochefoucauld prit au mot Mme de Sablé ; il usa très librement de son article, il supprima les critiques, garda les éloges, et le fit mettre dans le Journal des savants ainsi amendé et pur de toute prévention à l’impartialité. […] Cocheris, dans les analyses qu’ils ont faites de l’ancien Journal des savants ; ces messieurs y ont été pris : et parmi les érudits scrupuleux, qui ne l’eût été en effet ? […] philosophe spiritualiste, champion désintéressé de la morale du devoir, éloquent apôtre du Beau, du Bien et du Vrai, je te prends la main dans le sac ; quand ta passion favorite est enjeu, tu ne te gênes pas plus que cela !

370. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Il se prit d’un vif engoûment pour le général. […] si la mort n’était venue le prendre en 1889. […] Mais, enfin, on prend ce qu’on trouve). […] J’y prends la garde pour vingt-quatre heures. […] Mais celui-ci se prend à son propre piège.

371. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

prit-il son titre d’avocat ? […] L’événement de la lutte va dépendre du parti que prendra Frédéric. […] Mais Voltaire fut le dernier d’eux tous à prendre son parti. […] L’un et l’autre s’efforcent de prendre pied dans la politique. […] Si j’écrivais pour la galerie, je prendrais la chose au tragique.

372. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Elle se lève, chancelle, ouvre une cassette pour y prendre un poison, puis la dépose. […] Qui a pris cela30 ?”  […] La littérature et l’art du Moyen-Âge sont formés, ils ont pris enfin de la consistance et quelque limpidité. […] Fouquet, le maître miniateur et le grand portraitiste d’alors, prend volontiers pour sujet les menus soins du ménage. […] Mais dans la Chanson de Roland nous avons vu les héros prendre pied sur un sol connu.

373. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Pour mon compte, j’ai pris l’habitude de lire lentement et m’en suis bien trouvé. […] Ceci n’empêche pas, bien entendu, de prendre des notes. […] L’imitation peut consister à prendre le tour et quelques expressions d’un auteur, sans prendre la pensée ; ou à prendre sa pensée sans copier ni le tour ni l’expression22. […] Prenons au hasard un exemple. […] Il en a pris son parti.

374. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Elle prend son temps. L’histoire l’a bien pris. […] Cet avantage pris, enlevé. […] Il a toujours su s’y prendre. […] Prendre une leçon d’audace.

375. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

» Je vis qu’il prenait l’alarme. […] Daudet a pris le point de départ de son roman. […] Il a pris sa leçon et m’a donné quelques conseils utiles. […] Celui qui en prit la place et le nom. […] Ils ne pensaient pas que nous pouvions les prendre de flanc.

376. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

En revêtant ce nouvel aspect, elle en prend le caractère. […] Dans ces cas de dualité, il y a quelques précautions à prendre. […] Je dis douze pour prendre un exemple quelconque. […] Nous avons pris l’action dans un moment particulier. […] Pour éclaircir cette question, prenons un exemple.

377. (1896) Études et portraits littéraires

Pris en soi, il n’a qu’une existence verbale ; il s’évanouit à l’analyse. […] S’il faut lâcher le mot, j’ai pris sur le fait, çà et là, le souci d’auteur. […] Le bien pris par de tels hommes ne se reprend pas. » M.  […] Ils ont saisi, je le veux, pris sur le fait par la vivisection le jeu de la vie. […] Je prends la mince plaquette.

378. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Cossart le foudroyant, Cossart prit sa revanche en moins de vingt-quatre heures. […] Bonaventure, prirent chacun la défense de leur ordre. […] Les paysans apperçoivent le fugitif, le prennent pour un vagabond. […] Bientôt les uns & les autres se prirent de paroles. […] Celle de Paris prit ombrage des jésuites.

379. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Barbier parte pour l’Espagne ou pour les bords du Rhin, et qu’il prenne sa revanche. […] Eugène Sue, car il a pris soin de formuler dans de nombreuses préfaces ce qu’il veut démontrer. […] Les mots sont souvent détournés de leur sens naturel, ou même pris à contresens. […] Delavigne a pris pour point de départ le respect entêté de la tradition. […] Ils prennent le seul parti sage : ils se taisent et regardent.

380. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Elle boit, et tout à coup elle se prend le côté en gémissant. […] Il prenait grand soin de sa personne. […] Prends pitié des pécheurs. […] Au théâtre, l’acteur prend le pas. […] Elle prenait le poison et expirait aux yeux des spectateurs.

381. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Fiorentino serait fort attrapé qu’on le prît au mot. […] Prend-il la plume ? […] Fiorentino a pris un terme moyen entre l’exagération en sens opposé de ses deux confrères. […] Charles Marenco : c’est là qu’ils ont pris toute faite leur érudition qui tient du lettré et du fantassin. […] Il ne faudrait pas cependant que ce succès, mérité en partie, fit prendre le change à une actrice de talent.

382. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Si, au lieu de prendre son héros si bas, M.  […] Jacquemont le prit de bien plus haut avec Sa Majesté chinoise, et fut aussi plus heureux. […] Aussi Victor Jacquemont fut très bien reçu ; Runjet-Sing le prit pour un espion anglais. […] Le 15 septembre, il quitta Poona, et prit la route de Bombay. […] Son cœur prit feu.

383. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Il m’a offert de me graver, et rendez-vous a été pris. […] Puis ce titre écrit, j’ai été pris d’une anxiété douloureuse, je me suis mis à douter de moi-même. […] Refus de Louis Blanc qui prend la parole au nom des deux frères. […] Si ce n’était que l’argent, mais c’est la part de pensée que ça prend. […] La femme, sous son ébauchoir, prend l’aspect caricatural, qu’aurait un véritable antique, copié par Daumier.

384. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Vous prenez une jeune femme malheureuse et persécutée. […] On en prenait doucement l’accoutumance. […] Mais le romancier veut prendre son temps. […] Je prends un fiacre et je vole à l’imprimerie. […] Un intime enfin prit sur lui de l’avertir.

385. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Il ne s’est, pas contenté d’exposer, il n’a pas eu seulement un avis, il a pris parti en certains cas. […] Je vous prie de trouver bon que j’aille prendre congé de vous. […] » Il y a femme et femme, et il ne faut pas prendre d’ailleurs au pied de la lettre tout ce qu’on écrit sous le coup de l’abattement. […] Sa sensibilité aussi s’est usée à attendre, à souffrir ; le pli est pris : pourquoi changer ? […] Elle se lève avec le plus grand sang-froid, le prend par la main, le mène dans son cabinet : « Eh bien !

386. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Ce sont des Parisiens de 1720 qui ont pris un costume persan chez le voyageur Chardin. […] Aussi ne s’agit-il pas de l’absoudre, mais de prendre la moitié du tort pour nous, qui l’avons aidé à nous gâter. […] Le bien pris par de tels hommes ne se reprend pas. […] Ses vices ne prennent pas racine en lui, et ses mœurs se corrompent sans que sa nature change. […] Ici sont les ombrages pour la promenade au milieu du jour ; nous y prîmes le frais.

387. (1926) L’esprit contre la raison

À noter d’ailleurs que cet acte, gratuit pour la plupart, présente au moins l’intérêt d’aider à croire à la possibilité de n’en prendre à rien. […] Pour prendre bonne opinion de soi, ils se sont forcés jusqu’à la piètre notion d’individualisme. […] Épreuves utiles, n’est-ce point de leur ensemble que nous avons pris argument pour repousser les tentations de torpeur, les lâchetés conseillées par la raison ? […] De même, de tous ceux qui prennent certains êtres, faits ou choses comme mesure d’autres êtres, faits et choses. […] L’image d’Aigues Mortes ressurgit : à la différence de Barrès, les surréalistes ont su prendre le risque de lever les défenses inutiles.

388. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

L’Europe en a le droit ; la France en prend l’initiative. […] S’il prenait quelquefois la parole, c’était dans un intervalle de repos ; il relevait d’un mot une erreur ; il ramenait la discussion à son principe et à son but. […] Cependant il y a bon nombre de pêcheurs qui, par un procédé beaucoup plus simple, savent prendre tout autant de poissons, sans leur laisser même un instant pour se reconnaître. […] Pourtant il finit encore par s’en approcher, mais petit à petit, le prit délicatement, l’enleva, et l’hameçon, à son tour, fut rejeté hors du nid ! […] D’un élan, il se lança comme un trait à la distance de plusieurs mètres, resta quelque temps à se balancer d’un air tranquille ; puis, dès que ma baguette eut quitté l’eau, revint prendre son poste.

389. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

prenons Richelieu pour en juger. […] Quand Ximenès menait l’Espagne, elle était catholique et une ; mais quand Richelieu prit la France, la France n’avait plus d’unité ! […] Figure épuisée d’un martyr dans la pourpre, mais d’un martyr qui a pris son parti avec le supplice, qui juge et méprise son bourreau. […] à laquelle on pendait les aristocrates, et que les Mystiques de l’Anarchie voudraient bien nous faire prendre encore pour le soleil de l’Avenir ! […] Et il s’en est pris à Dieu !

390. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Prenons le bon et le beau partout où il est, même et surtout en Allemagne ; je ne crois pas présentement à d’autre revanche. […] Les artistes avaient pris parti contre l’Empire. […] Et que ceux qui m’obligent à prendre la plume ne croient pas que je suis isolée. […] J’ai moi-même été effrayé en voyant la rapidité avec laquelle le feu avait pris aux poudres. […] Également critique de peinture, il s’en prit avec virulence aux symbolistes pendant les expositions de 1876 et 1879.

391. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Où est-il le Dieu genésiaque qui prendra pitié de nous et qui dira : Fiat lux ! […] Au lieu de vêtir le costume moderne et de prendre la tunique blanche des lévites, elle s’est affublée de toges usées et de pourpoints troués au coude. […] allez prendre d’autres armes si vous voulez sérieusement combattre et être bon à quelque chose !  […] Elle disparaissait : le catholicisme prit sa cause en main, et à défaut de bonnes raisons il condamna, frappa et brûla. […] Vous voyez que je sais, au besoin, prendre dans Virgile des comparaisons appropriées à la circonstance et agréables pour ceux dont j’ai l’honneur de parler.

392. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Voilà ce que D’Urfé a pris. […] la pastorale prend pied sur le sol de l’Espagne, et mêle des lieux, des noms connus à son impossible action. […] Les faiseurs de romans prirent donc qui le Mexique et le Pérou, qui la Gaule française, un autre l’Asie, un autre Rome. […] Agrippa d’Aubigné, né en 1550 en Saintonge, étudia à Paris et à Genève, et prit les armes à dix-huit ans dans la troisième guerre civile. […] Sous la régence, il prit les armes avec Rohan, et se retira à Genève en 1620 ; il s’y remaria à plus de soixante-dix ans, et mourut en 1630.

393. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

En règle avec la loi, grâce aux sages mesures prises par M.  […] Gosselin par la force de sa nature et la hardiesse de ses partis pris. […] Il eut la bonté de me prendre pour son lecteur. […] Le soir, il me prit à part. […] Mais, pour l’exercice et le plaisir de ma pensée, je pris certainement la meilleure part.

394. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Les souvent, quelquefois, presque toujours, d’ordinaire, par lesquels il modère ses conclusions fâcheuses, peuvent être pris pour des précautions polies. […] « Les uns croient que c’est outrager les hommes que d’en faire une si terrible peinture, et que l’auteur n’en a pu prendre l’original qu’en lui-même. […] Si, au premier vent qu’on en eut, l’envie en prenait comme un rhume vers 1665, rien d’étonnant que nous l’ayons gagnée à notre tour par un long commerce avec le livre trop relu. […] Dans l’amour même, à le prendre au vrai, et si quelque vanité étrangère ne s’y mêle, on est beaucoup plus sensible à ce qu’on y porte qu’à ce qu’on y trouve. […] Le degré où l’ennui prend est l’indice le plus direct peut-être de la qualité de l’esprit.

395. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Il prend tout juste sa matière — et c’est la guerre de Cent Ans — comme Chrétien de Troyes a pris l’histoire de la Table ronde. […] Il réunit dans sa librairie près de mille volumes : et il les y prenait pour les lire. […] Les résumés, les manuels, les encyclopédies avaient pris la place des textes ; et les sept arts vaincus avaient cédé la place à la théologie. […] La phrase s’étoffe, prend du poids, s’essaie à l’ampleur, aux allures soutenues, au juste équilibre des parties : une forme oratoire se crée. […] Ou bien prenez la Somme des Prédicateurs, où Jean Bromyard a enfermé toutes matières prêchables.

396. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

c’est très singulier, la dernière fois que j’ai été en Italie, à Bâle, voici une migraine affreuse qui me prend. […] Je vois tout à coup cette fille venir droit à moi et me prendre — j’étais son maître et là, elle, c’était une esclave — me prendre par les cheveux de la nuque, en me disant : “Viens ! […] Il est arrivé quelques personnes de tous les mondes, qui, le dîner fini, ont pris place autour de la table. […] Je déjeune avec le Chinois Tien-Paô, qui ne prend que du thé et des œufs. […] Je trouve le premier épisode : une halte de bohémiens dans un paysage vague, dont je prendrais l’eau, le ciel, les plantages, sur le bord de la Seine.

397. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

il est plus jeune peut-être encore dans ses livres que dans la vie, et il ne vieillira pas ; car vieillir, c’est prendre, malgré soi, de la profondeur et de la force. […] Alphonse Daudet — il faut l’en croire — se vante de l’avoir pris pour le sien, mais sa nature proteste contre son choix et sa préférence intellectuelle. […] Je ne prends point si strictement le bonheur que donne une œuvre d’art pour la mesure de sa beauté ; car le bonheur est relatif, et la valeur d’une œuvre d’art est absolue. […] Ce ramasse-tout terrible a tout pris. […] Nous le savons par cœur, et par cœur est le mot, car c’est un talent qui prend le cœur avec un charme plus qu’il ne saisit l’esprit avec une toute-puissance.

398. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Bien lui a pris cette fois de ne pas lutter de sublime avec Ronsard et de ne le vouloir suivre que quand celui-ci se lasse et se rabaisse : en se contentant « d’écrire simplement ce que la passion seulement lui fait dire », il a trouvé le secret de nous intéresser. […] Il prend à témoin de ces mille tracas dont il est assailli un autre Français exilé, Panjas : il a, à cette occasion, des sonnets qui sont de vrais tableaux de genre, et qui rappellent à leur manière les Satires de l’Arioste : Panjas, veux-tu savoir quels sont mes passe-temps ? […] Je vais, je viens, je cours, je ne perds point le temps, Je courtise un banquier, je prends argent d’avance ; Quand j’ai dépêché l’un, un autre recommence ; Et ne fais pas le quart de ce que je prétends. […] Il a des peintures, des esquisses prises sur le fait et au naïf, de la Rome moderne, de la Rome papale et cardinalesque. […] Du Bellay, venu à Rome par hasard, antipathique et rebelle par système à la poésie latine, y fut pris et devint lui-même une preuve de cette fascination de la Renaissance.

399. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Ma chambre était contiguë à la sienne, et dès le jour où nous nous connûmes, nous fûmes pris d’une vive amitié l’un pour l’autre. […] J’envisage le monde comme m’appartenant, mais je n’en prends que l’usufruit. […] Peut-être vaut-il mieux encore prendre la part qui est la plus rapprochée de vous, sans la regarder. […] J’ai renoncé depuis longtemps à l’omnibus ; les conducteurs arrivaient à me prendre pour un voyageur sans sérieux. […] La personne à qui vous écrivez vous rapetisse ; vous êtes obligé de prendre sa mesure.

400. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Nous sommes comme si nous voulions prendre un point d’appui sur un objet qui s’affaisse. […] Un homme instruit, raisonnant assez bien sa maladie, et qui en a donné une description écrite, fut pris, vers l’Age de trente-deux ans, d’un état mental particulier. […] C’est ce qui m’est arrivé en particulier à l’époque où, en vue de la publication de mon livre, je prenais soigneusement note de tous mes rêves. […] « Une autre fois, je lui dis pendant son sommeil : Vous prendrez le mouchoir de M.  […] Réveillée, elle veut prendre un mouchoir et ne veut prendre que celui de O… Et après divers prétextes, elle jette le mouchoir au feu. » Encore une pensée suggérée, puis reproduite, et non reconnue comme telle.

401. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Son grand amour, sa grande affection pour les animaux, que nous avons déjà prise sur le fait et que nous prendrons sur le fait encore plus aujourd’hui, a été pour quelque chose dans cette prise de possession de la fable par La Fontaine. […] Le dernier et le plus illustre de ceux qui ont pris La Fontaine ainsi, c’est mon vénéré maître, Hippolyte Taine, qui a fait un livre admirable, et avec lequel je ne songe pas à rivaliser, mais il n’en est pas moins vrai qu’il n’y a chez lui, je crois, qu’une partie de la vérité. […] Or, à un moment donné, Ulysse ayant pris sur Circé l’ascendant que d’abord elle avait pris ou voulu prendre sur lui, obtient d’elle qu’il puisse retransformer ses compagnons en hommes, les rendre à leur nature première. […] Alors la fable prend un tout autre caractère, elle prend celui d’un poème où les animaux font leur leçon aux hommes et leur montrent combien les hommes sont inférieurs aux animaux ; elle prend le caractère du voyage de Gulliver aux pays des chevaux, ni plus ni moins, et l’opinion de Gulliver est absolument manifeste ; mais l’intention de La Fontaine, à mon avis, ne l’est pas moins, car voyez un peu comme il fait parler les bêtes. […] Je dis ici que La Fontaine (il ne faut pas le prendre tout à fait au sérieux), mais je dis que La Fontaine a pris la fable comme un poème où les animaux donnent des leçons aux hommes et des leçons qui ne laissent pas d’être raisonnables.

402. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

C’est le métier de la critique de prendre au sérieux tout ce qui autour d’elle est pris sérieusement. […] Zola fait son 89 littéraire quand il n’y a plus de Bastille à prendre. […] Leur petit doigt pris dans l’engrenage, ils y passent tout entiers. […] Elle s’est faite belle et provocante ; elle attend en vain, la peur la prend, puis le désespoir, puis la faim. […] Dès lors son parti est pris.

403. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Un retour sur nous-mêmes est toujours le grand mobile de l’intérêt que nous prenons à la situation d’autrui. […] On sait les précautions que prit Lycurgue pour engager les Lacédémoniens à faire attention à leurs femmes. […] Ce livre fut la source où puiserent, depuis, presque tous les anciens Poetes ou Romanciers qui prirent Charlemagne pour leur héros. […] Quant à la Féerie, elle semble avoir pris naissance dans nos climats. […] Je crois pourtant qu’il n’y en a qu’une seule de les bien rendre ; c’est de prendre le ton général de la nature.

404. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Il y a même un genre qui réalise toutes les conditions requises par le romantisme : c’est le mélodrame, qui a pris un superbe essor depuis 1800. […] Il ne prend de sa destinée que ce qui en fait un type. […] Au reste, tirez-le de là ; essayez de le prendre hors de ses combinaisons de vaudeville. […] Sera-t-il pris ? ne sera-t-il pas pris ?

405. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Élevé chez les Jésuites de qui il ne prit que le goût des lettres, initié à la jurisprudence auprès du célèbre conseiller janséniste l’abbé Pucelle de qui il ne prit que l’intégrité et la doctrine, il fut de bonne heure de son siècle par une certaine liberté d’esprit que ne connaissait point l’âge précédent, ou qui du moins n’y était point de droit commun. […] M. de Malesherbes était un homme éclairé, je l’ai dit, et selon les lumières modernes ; il aurait voulu la liberté de la presse, et croyait peu à l’efficacité de la censure, quand une fois l’opinion a pris son essor dans un certain sens. […] Le Conseil du roi se hâta de prendre les devants sur la poursuite du Parlement, par un arrêt du 10 août 1758, qui révoquait les lettres de privilège et supprimait l’ouvrage. […] Fréron avait eu bien de la peine à sauver ce Te Voltarium des griffes du censeur ; cet homme désolant alléguait que ce serait pris comme une parodie indécente et une profanation. […] Malgré toutes les précautions qu’avait pu prendre le pieux chancelier, les deux premiers volumes de l’Encyclopédie avaient donné lieu à un arrêt du Conseil qui en ordonnait la suppression, sans néanmoins interdire la continuation de l’ouvrage.

406. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Pour nommer les choses, et même les plus augustes, l’homme a deux mots différents, qui correspondent aux deux partis qu’en toute occasion il peut prendre et qui attestent sa liberté. […] Quant à elle, plus forte que ses nerfs, par l’affection, elle n’avait pas même sourcillé et elle aurait pris en souriant la mort de sa main comme elle aurait pris autre chose. […] Le mien est un rayon d’abeilles, toutes petites logettes pleines de miel, et le miel c’est vous, ce sont toutes les douces amies que j’ai trouvées dans mon chemin. » C’est elle qui écrivait encore : « Quand vous prenez une rose, vous la prenez par l’épine. Eh bien, moi, je vous prends par la fleur ! […] Un jour, après avoir reçu le saint Viatique, elle dit à sa sœur : « Prends cette clef, et brûle tous les papiers que tu trouveras.

407. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Ce n’est que plus tard, quand il s’est agi d’écraser les vivants, qu’il s’est avisé de se prendre d’un culte platonique pour deux ou trois grands morts. […] Il avait peur avant tout de paraître penser comme le peuple et d’être pris pour un simple passant. […] Regardez au contraire, dans ce beau portrait de Napoléon III par Flandrin, comment le peintre s’y est pris avec le pantalon rouge de l’auguste modèle ! […] Il prenait le pantalon tel que le portait le modèle, et le jetait sur sa toile : c’est la chose purement et simplement, c’est le ton même. […] C’est justement parce qu’il n’y a pas de doute sur le malheureux sort qui l’attend, que je voulais la prendre.

408. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Jomini, tout le premier, s’emparant de quelques phrases de la préface, a jugé très sévèrement l’ouvrage et ne paraît pas l’avoir pris un instant au sérieux9. […] C’est de rendre une partie de cette Bohème dont on lui a offert un morceau, qui assurément sera plus grand si elle prend le tout ; ce qu’elle peut, sans rien donner au hasard. […] Maurice s’y opposait de toutes ses forces : il assista même alors à un conseil de guerre où Frédéric et lui joutèrent de raisons et d’adresse ; ils eurent là-dessus bien des prises ensemble. […] Topin, il ne s’est pas un seul instant posé cette simple question : « Où en était la France, si le prince Eugène avait pris Landrecies ?  […] La race poétique ne prend pas la chose si fort à cœur. — Voltaire a donné deux tragédies depuis la mort de Mme du Châtelet : on le disait mort aussi, parce qu'on le croyait fort attaché à cette dame.

409. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

A l’état d’être exotique, il prendra peut-être une valeur. […] Son parti est pris : il va la suivre aveuglément et éperdument. […] Dans la bouche du père, cette poésie domestique prend parfois une gravité imposante. […] Mais, ce qui nous passe, c’est l’air de triomphe que prend d’Estrigaud, après avoir lâché cette sottise. […] Tout cela pour y pêcher neuf petits millions qui lui échapperont forcément aussitôt qu’il les aura pris.

410. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Je ne prendrai en Mme de Girardin que la femme, le poète de société et de théâtre, le moraliste du monde et de salon, Delphine, Corinne, et le vicomte Charles de Launay, rien que cela. […] Toute la lettre dont je parle est d’un style bien net, bien franc, bien adapté ; l’expression déjà prend et serre exactement la pensée : c’est une des grâces du vicomte de Launay. […] Et cet exemple, pour éviter tout parallèle voisin et désobligeant, je le prendrai chez un poète femme d’une autre nation. […] Elle prit la plume dans son Courrier de Paris, et fit la chronique, la police des salons. […] C’est ce qu’on se prend à dire plus que jamais depuis qu’on l’a perdue.

411. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Mais Voltaire, qui y a été pris plus d’une fois, pense à se mettre en garde. […] Lorsque Voltaire prit possession de Tourney (décembre 1758), il y avait des coupes de bois antérieurement faites et vendues par le président à un paysan du lieu, marchand de bois de son état, nommé Charlot Baudy. […] Le bois livré et brûlé, l’envie prit à Voltaire de ne le point payer au marchand et de supposer que le président le lui devait ou le lui avait donné en cadeau. Cette chétive affaire, qui vint couronner les autres, prit des proportions extrêmes par l’opiniâtreté de Voltaire et la mauvaise foi qu’il mit à défendre son dire. […] Il écrivit à tous ses amis du parlement de Bourgogne pour les prendre comme arbitres entre le président et lui.

412. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Il y voyait beaucoup des dames anglaises, dont l’une, jeune, se mit à l’aimer ; et un jour il s’aperçut avec effroi que lui-même était pris, mais pris comme jamais il ne l’avait été, et comme on ne l’est qu’une fois dans la vie. […] « Il en est de l’amour comme de la petite vérole, qui tue d’ordinaire quand elle prend tard. » C’est Bussy-Rabutin qui le dit, et Béranger l’éprouva. […] Berger, s’arraisonna, prit son courage à deux mains, s’arracha le trait du cœur et pansa sa plaie en silence. […] Le style, qui n’est que la forme appropriée au sujet par la réflexion et l’art, est le passe-port dont toute pensée a besoin pour courir, s’étendre et prendre gîte dans tous les cerveaux. […] Je prends donc le parti de vous envoyer mes vœux et ma petite cotisation, que vous auriez dû recevoir fin de décembre.

413. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Plus d’une fois, par les chaudes matinées de juin, il m’est arrivé de quitter mes habits et de prendre sur la pelouse un bain de rosée… À peine si je distinguais alors moi du non-moi. […] Que de bains pris à toute heure, l’été dans la rivière, l’hiver dans les sources ! […] On prend son âme avec qui l’on entre en conversation. […] Il me regardait écrire et a pris le pulvérier (le sablier) pour du poivre dont j’apprêtais le papier. […] Moi, je vivrais d’aimer : soit père, frères, sœur, il me faut quelque chose. » Ce Journal même où elle s’écoule, et qui ne laisse pas de lui donner, de temps en temps, de petits scrupules à cause du plaisir qu’elle y prend, ne lui suffit pas.

414. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Il savait autant et mieux qu’aucun général comment il faut prendre le soldat et toucher en lui le ressort. […] On dit toujours que tout le monde est brave ; et vous ne sauriez imaginer, quand ce vient au fait et au prendre, le peu que l’on trouve de certains courages qui veulent bien marcher à la tète de tout. […] Il déclarait au roi ne pouvoir prendre sur lui plus de responsabilité, à moins qu’il ne reçût un ordre positif ; et si l’ordre était venu, il eût été le premier sans doute à proposer les objections. […] Le poste fut emporté d’assaut ; on prit milord d’Albemarle qui commandait, avec quinze officiers généraux et dix-sept bataillons. […] Il reste donc vrai de dire avec Napoléon dans son jugement résumé des campagnes du prince Eugène : « En 1712, il prit Le Quesnoi et assiégea Landrecies.

415. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Il s’est allé prendre au piège ; il a aimé un jour, ou bien il n’a pu posséder qu’en faisant semblant d’aimer ; il s’est lié, il s’est rangé à son tour dans la classe des époux, et le voilà lui-même sujet à toutes les vicissitudes qu’il a fait tant de fois subir aux autres. […] Dans son désir de changer le sujet de conversation, Emma prend le journal des mains de M. de Noirmont et se met à lire le feuilleton à haute voix : « Théâtre-Italien. — Ouverture. — Don Juan […] Ce n’est pas lui qui raillerait son ami et son élève de dégénérer en père de famille ; il l’y encourage au contraire, il prend intérêt à sa jeune femme et à leur commun bonheur. […] Dans cette course à vol d’oiseau sur les folies du passé, on laisserait bien vite avec dégoût ce qui n’est que bruit, étourdissement et débauche vulgaire ; on glisserait, comme un Hamilton l’eût pu faire, sur la cime des choses, on n’en prendrait que la fleur, — assez pour la reconnaître, rien de plus. […] On commence à le savoir assez bien à partir du XVIIIe siècle, qui ne s’est pas fait faute de révélations de tout genre ; mais on voudrait pourtant que des plumes légères aient plus souvent pris la peine de nous le dire et de fixer, à des moments et pour des sociétés distinctes, ce qui ne se ressemblait pas si uniformément qu’on le suppose.

416. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Il était temps, à la fin, que le feu du ciel tombât et prît à toute cette paille sèche pour renouveler la terre. […] Dès les premiers temps de l’étroite liaison de Mme du Châtelet et de Voltaire (1734), celui-ci, ayant pris l’alarme sur un avis qui lui était venu, avait cru devoir partir de Cirey en plein hiver, et était passé pour plus de sûreté en Hollande. […] Il fut galant près d’elle ; elle oublia pour lui ses réflexions philosophiques, ou plutôt elle s’en ressouvint : sentant renaître en elle la passion, elle la prit au mot, et, mettant ses principes en action, elle s’y livra. […] Son secrétaire Longchamp nous a raconté dans le plus grand détail la manière dont il prit dès l’origine toute cette aventure, sa colère dès l’abord et sa fureur de se voir trompé, puis sa résignation à demi risible, à demi touchante. […] Il prit d’abord un parti plus sage, qui était de venir à Paris causer de Mme du Châtelet avec d’Argental et le duc de Richelieu, et de se distraire en faisant jouer devant lui ses tragédies dans sa propre maison.

417. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Qu’on se représente l’état précis de la poésie française au moment où il parut, et qu’on la prenne chez les meilleurs et chez les plus grands. […] Avant de prendre lui-même cette perruque un peu solennelle, Boileau jeune en avait arraché plus d’une à autrui. […] Boileau ne se tint pas ; Racine avait beau lui faire des signes, le prétendu bailli prenait feu et allait se déceler dans sa candeur. […] Mme de Sévigné nous a fait le récit d’un dîner où Boileau, aux prises avec un jésuite au sujet de Pascal, donna, aux dépens du père, une scène d’excellente et naïve comédie. […] L’extinction de voix, qui l’envoya aux eaux de Bourbon dans l’été de 1687, fit paraître l’intérêt que les plus grands du royaume prenaient à lui.

418. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

S’il détruisait la théorie de Condillac, il gardait son style ; il lui emprunta sa clarté, pour lui prendre ses lecteurs. […] Eh bien, je prends vos maximes. […] Pour rendre cette vérité sensible, prenons une idée sensible. […] Votre feu est chaud, vous êtes seul ; le roulement des voitures vous arrive étouffé et monotone, la rêverie vous prend tout à fait. […] Le fantôme prend un corps.

419. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Cousin : « Prenez et lisez. […] Permettez-moi maintenant de prendre une plume et d’écrire la traduction des phrases que vous m’avez citées ; elles ont un sens. […] Ne considérant que les abstractions, il a fini par prendre les abstractions pour des choses. Ne considérant que les facultés et les puissances, il a fini par prendre pour des êtres les facultés et les puissances. […] Portez-le sur un duvet de plumes légères ; elles s’attachent à lui et il s’en couronne ; tout à l’heure elles tomberont ; d’autres prendront leur place.

420. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Tiècelin saisit l’occasion et en prend un pour se restaurer ; la vieille sort et lui jette des pierres. […] Celle-ci le lui explique, non sans avoir pris sa revanche avec ironie, et essaye de lui démontrer que ce je ne sais quoi d’où son cauchemar lui est venu n’est autre que Renart, caché là sous ce buisson. […] ; Renart y fut pris cette fois ; l’idée lui parut heureuse, et, au premier cri que lança Costant, il lâcha ce mot d’ironie : « Oui, malgré vous ! […] Le jour venu où l’on doit se rendre sur le pré, Beaumanoir exhorte ses compagnons ; il leur fait dire une messe ; chacun a reçu l’absolution et prend son sacrement au nom du roi Jésus. […] L’envie m’a pris de chercher dans l’Antiquité, parmi les duels mémorables, lequel se pouvait comparer par quelque trait au combat des Trente.

421. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il se traîne sur des modèles dont il ne peut approcher, au lieu de prendre la nature pour premier et grand type. […] Il me prend des envies terribles de voir du neuf. […] Ayant vu des Orientaux à Venise, l’envie le prend de les reproduire : Je vais quelquefois au Café-Turc (aux Arcades-Saint-Marc) ; j’y ai vu ce soir deux Orientaux admirables. […] Marcotte, ce que Mme Walckenaer m’a dit souvent, que les soucis, les chagrins que l’on peut trouver dans l’état du mariage sont si vifs, qu’elle n’oserait conseiller à personne de prendre l’obligation si sérieuse d’élever une famille ! […] Tout en trouvant cette peinture ridicule, absurde et prétentieuse, il y a, à mon sentiment, quelque chose à y prendre.

422. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Quelle idée doit-on prendre du roi qui y présida ? […] La matière existait toute brûlante et en fusion : elle aurait pris forme si le metteur en œuvre s’était rencontré. […] Les d’Orléans n’étaient ni un principe ni une gloire nationale, ils étaient une utilité, un expédient ; on les prit pour ce qu’ils étaient. […] Laffitte, en particulier, est pris sur le fait, bien au naturel, dans sa facilité agréable et indiscrète. […] Il a pris le trône sans être bien sûr qu’il en ait eu le droit ; il n’a pas foi en lui ni en sa race.

423. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Guizot était là véritablement à sa place, et en pensant au bien qu’il a fait, à celui qu’il aurait pu faire, on se prend à regretter qu’il ne s’y soit point tenu. […] « On a dit que je prenais plaisir à braver l’impopularité, écrit quelque part M.  […] Molé en 1837 et le secret désir de prendre une revanche personnelle, tout en soutenant une bonne cause générale, aient été sans influence sur mon adhésion à la Coalition de 1839 et sur l’ardeur que j’y ai portée. […] Béranger, que je ne prends ici que pour ce qu’il était réellement, pour un spectateur très avisé et très malin, écrivait de son coin à l’occasion de ces brillantes joutes parlementaires contre M.  […] Guizot n’était pas essentiellement écrivain au début ; prenez ce qu’il a publié dans les premières années de la Restauration : il écrivait toujours avec pensée et doctrine, mais très inégalement, selon les jours.

424. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Marcel le prend et le jette à terre : « Est-ce ainsi, Mademoiselle, que je vous ai enseigné à présenter quelque chose ? […] Madame Adélaïde prend un violon et remplace le ménétrier absent pour faire danser des paysannes312. […] Il faut agir cependant, car le danger est là qui les prend à la gorge. Mais c’est un danger d’espèce ignoble, et, contre ses prises, leur éducation ne leur fournit pas les armes appropriées. […] M. le Dauphin et Mme la Dauphine ont pris leur revanche et vivement applaudi la tirade.

425. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Une autre imprudence bien impolitique qui s’afficha avec éclat, ce fut lorsque Henri II, à la mort de Marie Tudor, fit prendre à Marie Stuart dauphine les armes d’Angleterre à côté des armes d’Écosse, la présentant dès lors en rivale déclarée et en concurrente d’Élisabeth. […] L’Écosse, depuis que Marie Stuart enfant en était partie, avait subi de grands changements : le principal était la Réformation religieuse qui y avait pris racine et qui s’y était étendue avec vigueur. […]  » Après un acte si rigoureux qu’elle laissait accomplir par crainte du scandale, et pour mettre son honneur au-dessus de toute atteinte et de tout soupçon, Marie Stuart n’avait, ce semble, qu’un parti à prendre, c’était de rester la plus sévère et la plus vertueuse des princesses. […] La reine et son favori, avant qu’ils parussent s’en douter, étaient pris dans un réseau. […] À cet effet, elle attend, elle dissimule, elle prend sur elle pour la première fois de sa vie et contient ses mouvements.

426. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Une femme ne peut plier les genoux, un homme ne peut déployer son bras, prendre son chapeau sur sa tête, et tirer un pied en arrière, que sur un écran. […] Pigalle, mon ami, prends ton marteau, brise-moi cette association d’êtres bizarres. […] Je ne sais où tu vas les prendre ; mais il n’y a pas moyen de s’y arrêter, quand on fait quelque cas de sa santé. […] Rendre la vertu aimable, le vice odieux, le ridicule saillant, voilà le projet de tout honnête homme qui prend la plume, le pinceau ou le ciseau. […] Et à quoi sert donc que tu broies tes couleurs, que tu prennes ton pinceau, que tu épuises toutes les ressources de ton art, si tu m’affectes moins qu’une gazette ?

427. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Et quand il avait bien conté, disputé, crié, il lui restait du surplus qui ne s’était pas donné passage : il prenait la plume, et continuait la conversation tantôt avec le même interlocuteur, tantôt avec un autre ; il écrivait à Falconet ou à Mlle Volland. […] Il sait aussi beaucoup sur l’antiquité, et ce ne sont pas de vagues impressions d’une lecture rapide ; il voit le détail, il cherche l’exactitude ; s’il lit llorace, il le lit en philologue, en poète, en historien ; s’il lit Pline, il le lit toujours en philologue, mais en peintre, en archéologue, en chimiste ; il prend chaque ouvrage du côté dont un homme de métier le prendrait, avant d’y appuyer ses rêveries personnelles. […] Pendant qu’il a l’air d’écouter, il a pris le point de départ ou l’a placé l’auteur, et il voyage pour son compte : quand vous avez fini, il vous dit le livre qu’il aurait fait à votre place, et c’est sa façon d’entendre la critique. Dans la conversation, il est le même : de tout ce que vous lui dites en deux heures, il entend une chose, une seule ; il la prend, la travaille, la grandit ; votre toute petite pensée devient un gros système, et qui vous révolte parfois, ou vous épouvante. […] — Assurément. — Et que, dans un âge plus avancé, l’expérience nous ait convaincus qu’à tout prendre, il vaut mieux, pour son bonheur dans ce monde, être un honnête homme qu’un coquin541 ? 

428. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Nous prendrons ainsi sur le vif la genèse de la pluralité des Temps dans la théorie de la Relativité. […] Nous voyons par là que cette théorie procède comme si nous prenions pour étalon du temps le double trajet d’aller et de retour d’un rayon de lumière entre deux points déterminés. […] Guillaume a soutenu qu’elle consistait essentiellement à prendre pour horloge la propagation de la lumière, et non plus la rotation de la Terre. […] Nous prendrons ainsi sur le vif l’entrelacement de l’Espace et du Temps dans la théorie de la Relativité. […] Donc, pour avoir la longueur de ce second bras, nous devrons prendre la différence entre O″A₁ et l’espace parcouru.

429. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Mais « son imitation n’est pas un esclavage. » « Il prend l’idée », et la repense de façon à lui rendre l’âme une seconde fois. Il prend encore « le tour et les lois que jadis les maîtres suivaient eux-mêmes. » Avec leurs règles, il se fait un art. […] Vous voyez qu’il a tiré de ce siècle toutes les idées qu’il en pouvait prendre, et qu’il y a tout feuilleté, les livres et les hommes. Il y a pris quelque chose de plus précieux, le ton, c’est-à-dire l’élégance et la politesse. […] On peut le prendre pour héros aussi bien que M. le Prince. — Cette promptitude aux métamorphoses intérieures fait l’artiste véritable.

430. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Une grande idée s’était levée, l’idée nationale, lien des âmes et principe d’unité littéraire : elle pouvait prendre la place des idées centrales et communes, d’où l’inspiration du moyen âge était sortie. […] Nous avions les anciens, nous les lisions, nous les admirions : nous ne savions pas ce qu’il y fallait admirer et prendre, ce qui nous était utile et nécessaire pour nous développer. […] Moins artiste que le génie italien, il a des tendances pratiques et positives, qui l’orienteront vers la recherche de la vérité scientifique ou morale : il trouvera de ce côté un appui dans les races septentrionales, en Angleterre, en Flandre, en Allemagne surtout, où la Renaissance prend la forme de l’érudition philologique et de la réforme religieuse. […] Hommes, œuvres, genres, tout ce qui était pratique ou actuel, tout ce qui servait ou exprimait les intérêts ou les passions de circonstance, prit le dessus. […] Tout cela, c’était, au fond, le retour de l’esprit bourgeois : d’abord comme submergé par l’aristocratique civilisation où avaient fleuri l’élégance de Marot et la splendeur de Ronsard, il reparaissait, mais affermi, étendu, ayant pris conscience de sa force et de sa fonction, avide enfin et capable de toutes les vérités.

431. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Pantalon dissimula la cause de l’intérêt qu’il prenait à l’affaire, et, tout furieux, s’en retourna à son logis dans le dessein d’infliger un châtiment exemplaire à sa coupable moitié. […] Le docteur prend la lettre et frappe Arlequin avec sa canne. […] Le capitaine, entendant ce qu’Oratio dit des comédiens et de Vittoria en particulier, prend leur défense. […] Nous prendrions les comédies écrites antérieures aux Gelosi, dans lesquelles se rencontrent des situations analogues. […] Flaminio Scala prit également sa retraite.

432. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Le sort en est jeté ; elle a déclaré, il y a dix mois, que dans un an elle prendrait congé de ce parterre qui l’a tant aimée, et comme elle a dit, elle fera. […] C’est donc, à tout prendre, encore deux mois de résignation et de patience pour les malheureux que ce grand règne inquiète. […] Dans ce beau drame de la coquetterie aux prises avec l’honneur d’un galant homme, Célimène est seule, sans autre défense que son esprit, sans autre protection que sa beauté. […] Firmin, à tout prendre, comprenait le rôle d’Alceste. […] Il prend un air malheureux qui fait peine à voir ; il se trouble, il hésite, il est prêt à vous dire en frappant du pied, comme cet amateur homme d’esprit qui, jouant le rôle d’Alceste, prit la fuite au beau milieu du rôle en s’écriant : — Ce n’est pas ça !

433. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Chamfort employa ce don de l’amitié à faire les frais d’un voyage à Contrexeville, pour y prendre les eaux et achever sa guérison. […] Il espéra que les eaux de Barrège seraient plus efficaces que celles de Contrexeville ; mais, à défaut de santé, il y trouva plusieurs dames de la cour, qui prirent un goût particulier à sa conversation ingénieuse et piquante. […] Mais Chamfort ne prenait pas le change sur la nature de cet empressement. […] La vivacité de son esprit, le sel de ses réparties, une certaine causticité naturelle, qui fait trop souvent suspecter la bonté du caractère, une invincible aversion pour la sottise confiante, et l’impossibilité absolue de déguiser ce sentiment, inspirèrent à beaucoup de gens une sorte de crainte qu’il prenait trop peu de soin de dissiper, et qui, pour l’ordinaire, se change facilement en haine. […] Il avait pris, dans les réunions politiques et dans les clubs, l’habitude de parler haut, de soutenir son opinion à outrance, et de mettre la violence de la dispute à la place de cette discussion polie et spirituelle dont lui-même avait été le parfait modèle.

434. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

Et le Public s’y prit aussi, et plus franchement que la Critique. […] Pour cela, on prend des livres généreux et puissants et l’on en exprime ce qu’il faut pour tenir dans son rouleau d’eau de Cologne. […] Les romanciers ne prennent pas la vie avec des pinces fines comme les entomologistes leurs insectes. Ils la prennent à pleine main, vaillamment et la brassent comme le sculpteur sa glaise. […] Alors l’idée d’égorger cette femme, qui lui prend tout, la remord au cœur avec plus de rage que jamais.

435. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Je vous rends mille grâces de vos nouvelles ; le marquis17 a vu avec douleur le théâtre fermé, et sur cela il prend la résolution d’aller à son régiment ; ma chaise de poste, qui le mènera à Paris samedi, vous ramènera ici dimanche. […] Il s’était pris de querelle chez la Lecouvreur, très bonne comédienne, avec le chevalier de Rohan. […] Le chevalier était fort incommodé d’une chute qui ne lui permettait pas d’être spadassin : il prit le parti de faire donner, en plein jour, des coups de bâton à Voltaire, lequel, au lieu de prendre la voie de la justice, estima la vengeance plus noble par les armes. […] Mais un désaccord s’étant prononcé entre le roi de Sardaigne et lui, et la fatigue de l’âge se faisant sentir, il dut retourner à Turin, où la maladie le prit et où il mourut le 17 juin. […] [NdA] On lit dans une lettre de M. de La Rivière à l’abbé Papillon, du 5 avril 1736 : « Feu M. le maréchal de Villars, que j’avais fort connu avant sa grande fortune, qui m’avait conservé de l’amitié, et qui me faisait l’honneur de venir quelquefois me voir, avait toujours Horace dans sa poche et s’en servait agréablement : il avait beaucoup de goût et autant d’esprit que de valeur. » (Lettres choisies de M. de La Rivière, gendre du comte de Bussi-Rabutin, 1751 ; tome ii.) — Cet Horace dans la poche de Villars est une particularité curieuse ; mais n’était-il pas homme à le prendre tout exprès et à le laisser voir à propos, quand il allait rendre visite à M. de La Rivière ?

436. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Seulement, le public, le gros public, ce Cyclope aveugle qui forge la gloire et qui prend pour elle le bruit que fait son marteau en tombant sur l’enclume, à côté, le public ne le savait pas. […] On va la voir, dans cette Correspondance, comme elle était dans l’essence même de son être, à la source d’un talent qu’on a pris imbécilement pour du génie et qui n’en était pas. […] « Je vous embrasse de toute mon âme — écrit-elle à sa belle-mère — et Casimir en prend sa part. » (Casimir, c’est M.  […] Elle a envie d’aller en Chine « comme de prendre une prise de tabac ». […] Sandeau, n’y est prononcé que pour dire qu’elle lui en a pris la moitié.

437. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Qui en a pris souci depuis que Descartes et Bacon ont saisi le monde moderne et l’ont confisqué ? […] fut un philosophe plus et mieux que Kant et Hegel, par exemple, les Veaux non pas d’or, mais d’idées, de la philosophie contemporaine ; montrer qu’on peut très bien dégager de son œuvre théologique une philosophie complète avec tous ses compartiments, et que le monde d’un instant qui l’a pris pour une tête énorme, ce grand Bœuf de Sicile dont les mugissements ont ébranlé l’univers, ne fut dupe ni de l’illusion ni de l’ignorance, demander enfin pardon au dix-neuvième siècle pour une telle gloire, voilà le programme de l’Académie et le livre de son lauréat. […] C’est un plaidoyer insinuant, adroit, — accordant quelque chose pour obtenir beaucoup, quêtant la tolérance philosophique avec des airs aimables, — on quête toujours dans un sac de velours, — indiquant des rapports étranges et bons entre la philosophie de saint Thomas d’Aquin et les philosophes modernes, et poussant à ce qu’on se prenne la main et qu’on s’embrasse. […] Jourdain, car les esprits absolus n’acceptent rien et veulent tout prendre, mais l’Académie les a acceptées. […] Avec son style naturellement sans couleur, ce style blanc et doux que l’abstraction a blanchi encore, il n’a fait aucun mal aux yeux des hommes à conserves qui avaient à le juger, et ils ont tous apprécié infiniment cette flanelle… Certainement, pour manquer le prix, il fallait s’y prendre de toute autre manière.

438. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Ampère n’a pris que l’air dans sa promenade, mais il l’a bien pris, — comme on le prend sur une surface de trois mille lieues ; — seulement il n’a pris que cela, et, soyons juste ! il ne pouvait pas prendre autre chose. […] À travers l’histoire, très variée et très piquante, de Marseille et des Échelles du Levant comme l’a écrite Édouard Salvador, on reconnaît cette préoccupation de notre âge qui prend, selon nous, notre pays à rebours de son instinct et de son génie.

439. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il n’avait que douze ans lorsque le héros de sa race se révélait en Italie comme le premier général des temps modernes ; il n’en avait que seize lorsque la France saluait du nom de Consul le conquérant de l’Égypte et de l’Italie ; il en avait vingt quand l’empereur prenait son rang en Europe, le front ceint de la double couronne : il fut enveloppé dans sa fortune. […] Capitaine de frégate, ayant ordre, en 1805, d’appareiller avec la Pomone et deux bricks pour se rendre dans les eaux d’Alger et y réclamer du Dey 250 Génois pris par les corsaires algériens et jetés dans les fers, il montra une énergie, une volonté devant laquelle la puissance barbaresque dut plier. […] le prince ordonne au pilote breton de prendre la barre du gouvernail et de mettre le cap sur Concarneau. […] En 1809, quand la guerre se ralluma en Autriche et que l’Allemagne entière tressaillit, une insurrection se tenta en Westphalie, autour de Cassel ; mais il la maîtrisa aisément, il la réprima sans trop de rigueur, et put ensuite prendre sa part assignée dans les combinaisons de cette formidable campagne. […] Il fait son devoir dans les terribles journées des Quatre-Bras et de Waterloo ; blessé, il continue de lutter ; il se bat simplement, vaillamment, dans ce bois accidenté d’Hougoumont dont chaque arbre est pris et repris avec tant d’acharnement pendant tout le jour ; le soir, il rejoint l’héroïque et désespéré Capitaine dans le carré de la vieille garde, où l’âme guerrière de la France s’est comme réfugiée ; et il entend cette parole qui, en un tout autre moment, eût réjoui son cœur : « Mon frère, je vous ai connu trop tard. » On n’a pas à suivre le prince Jérôme dans les longues années de la proscription et de l’exil.

440. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois. […] De là un déluge de plaisanteries sur la religion ; l’un citait une tirade de la Pucelle ; l’autre rapportait certains vers philosophiques de Diderot… Et d’applaudir… La conversation devient plus sérieuse ; on se répand en admiration sur la révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’était là le premier titre de sa gloire. « Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans l’antichambre comme dans le salon. » Un des convives nous raconta, en pouffant de rire, qu’un coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant : « Voyez-vous, monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de religion qu’un autre »  On conclut que la révolution ne tardera pas à se consommer, qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie, et l’on en est à calculer la probabilité de l’époque et quels seront ceux de la société qui verront le règne de la raison  Les plus vieux se plaignaient de ne pouvoir s’en flatter ; les jeunes se réjouissaient d’en avoir une espérance très vraisemblable, et l’on félicitait surtout l’Académie d’avoir préparé le grand œuvre et d’avoir été le chef-lieu, le centre, le mobile de la liberté de penser. « Un seul des convives n’avait point pris de part à toute la joie de cette conversation… C’était Cazotte, homme aimable et original, mais malheureusement infatué des rêveries des illuminés. Il prend la parole et, du ton le plus sérieux : « Messieurs, dit-il, soyez satisfaits ; vous verrez tous cette grande révolution que vous désirez tant. […] voyons, dit Condorcet avec son air et son rire sournois et niais, un philosophe n’est pas fâché de rencontrer un prophète. — Vous, monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d’un cachot, vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera à porter toujours sur vous ». […] Il est reçu qu’on ne s’en prend pas à nous et notre sexe…  Votre sexe, mesdames, ne vous en défendra pas cette fois… Vous serez traitées tout comme les hommes, sans aucune différence quelconque… Vous, madame la duchesse, vous serez conduite à l’échafaud, vous et beaucoup d’autres dames avec vous, dans la charrette et les mains liées derrière le dos  Ah !

441. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Comme dans ces pays d’Orient où une armée de serviteurs assiège le maître, l’un ôtant son manteau, l’autre ayant soin des bottes, un troisième allumant la pipe, et où celui qui présente la pipe ne cirerait pas les bottes pour tous les trésors du monde, nous sommes habitués, par une abstraction maladroite, à isoler nos facultés et à les prendre pour autant de serviteurs qui font chacun leur besogne sans se prêter jamais appui. […] Ce sont comme de vagues indications qu’on donne au prochain de la direction qu’il doit prendre pour atteindre notre pensée : s’il a plus d’esprit que nous, il ira plus loin, et il verra dans nos paroles tout ce que nous n’y avons pas mis. […] On ramasse chaque jour ses idées du lendemain ; dès l’enfance on s’est habitué à ne rendre au public que ce qu’on lui a pris. […] Voilà ce qui fait le fond de nos conversations et de nos lettres, et nous prenons dès le collège l’habitude d’appliquer ainsi sur tous les sujets qu’on nous propose des pensées reçues, des phrases faites, où nous n’avons aucun intérêt de cœur ni d’esprit. […] Eût-on quelque velléité de sentir autrement, fût-on convaincu même que la vérité des faits y oblige, la phrase est là, si tentante, si facile à prendre ; il est si commode de la ramasser ; on a si peu le loisir, si peu l’habitude de sentir sa propre pensée et d’en chercher l’exacte formule, qu’on se laisse aller ; et l’on dit blanc quand on eût pensé noir si l’on n’avait pas lu son journal.

442. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

Il y a par malheur d’autres sacrifiées : celles qui prennent le voile pour conserver à l’aîné de quoi soutenir l’honneur du nom. […] Les petites pensionnaires se racontent à l’oreille, avec terreur, et peut-être avec une secrète admiration scandalisée, que Madame d’Orléans faisait fouetter les sœurs jusqu’au sang, que parfois elle se mettait toute nue et faisait venir des religieuses pour l’admirer, « car elle était la plus belle personne de son temps », et qu’enfin elle prenait des bains de lait, qu’elle distribuait le lendemain à ses béguines, au réfectoire. […] Tandis qu’elles dansent, jouent de la harpe, se marient à douze ans ou prennent le voile à dix-huit, et qu’elles se disposent, par leurs plaisirs comme par leurs sacrifices, à soutenir la gloire de leurs maisons, peut-être que dans la rue, sous les longs murs du noble couvent, passe le petit robin qui leur fera couper la tête. […] Prenons-en notre parti ; faisons ce sacrifice à l’idée de justice. Mais, malgré moi, je me suis pris de tendresse pour Hélène Massalska et pour ses compagnes.

443. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Il passa quelque temps en Italie, en Espagne, & fit, dans la langue de ces deux nations, des vers d’une diction si pute, qu’on les prit pour ceux de leurs meilleurs poëtes. […] De plaisanter les grands il ne fit point scrupule, Sans qu’ils le prissent de travers ; Il fut vieux & galant, sans être ridicule ; Et s’enrichit à composer des vers. […] On prit des noms & des devises analogues au choix qu’on avoit fait. […] Mais au bruit de la cour & à la prière qui m’a été faite, ayant pris les lunettes de ma vieillesse, qui sont peut-être plus assurées que mes yeux du temps passé, je confesse que j’ai un peu modéré la violence de mon amour. […] Se dépouillant de la qualité de partie, il prit celle de juge équitable, & prononça ainsi : L’un est plus grand, plus achevé ; Mais je voudrois avoir fait l’autre.

444. (1915) La philosophie française « II »

Par là même, elle répugne le plus souvent à prendre la forme d’un système. […] Seulement, elle ne se fie pas au procédé qui consiste à prendre telle ou telle idée et à y faire entrer, de gré ou de force, la totalité des choses. […] En attendant, le rôle de chaque philosophe est de prendre, sur l’ensemble des choses, une vue qui pourra être définitive sur certains points, mais qui sera nécessairement provisoire sur d’autres. […] C’est une idée qui n’est devenue tout à fait consciente à elle-même, ou qui n’a pris la peine de se formuler, que dans ces derniers temps. […] Mais, si la philosophie française a pu se revivifier indéfiniment ainsi en utilisant toutes les manifestations de l’esprit français, n’est-ce pas parce que ces manifestations tendaient elles-mêmes à prendre la forme philosophique ?

445. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VII. Le Bovarysme essentiel de l’existence phénoménale »

Il suit de là que le moi humain ne peut prendre de lui-même une connaissance intégrale. Pour se connaître, il se divise, et c’est une partie de lui-même qui prend connaissance de l’autre partie. L’acte même par lequel il s’efforce de prendre connaissance de lui-même brise son unité. […] La fraction de lui-même qu’il a érigée en sujet, échappe à ses prises.

446. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — V. L’avare et l’étranger »

L’étranger alla s’asseoir à côté du maître de la maison : « Mon hôte, lui dit-il, voici 3 jours que je suis en route et j’ai grand faim, car, de ces 3 jours, je n’ai pris aucune nourriture ». […] L’avare prit alors la calebasse et la versa avec sa sauce dans la poche de devant de son boubou. […] En route il rencontre un guinné qui avait pris la figure d’un homme et il lui raconte sa mésaventure. […] Si tu ne me fais pas rendre ce qu’on m’a pris, je vais mourir ici-même devant ta porte ».

447. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Il prend dès ce moment un masque, et le porte pendant toute sa vie. […] Voulez-vous que nous prenions un chiffre pour nous entendre ? […] Homère et Corneille savent nous prendre et nous ravir, cela suffit. […] Laisse-moi prendre haleine afin de te louer. […] Elle a pris aussitôt la résolution d’en arrêter le cours.

448. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Plutôt que de périr, il prendra les formes odieuses du duel et de la guerre civile. […] Ardent et cruel, il prend la résolution de s’emparer de la couronne. […] Est-ce dans le fait psychologique du remords, ou dans la forme que prend ce fait ? […] Nous avons pris un caractère, prenons maintenant une idée abstraite. […] Prenons un exemple.

449. (1922) Gustave Flaubert

De loin, il pouvait prendre d’elle le meilleur de l’amour, la rêver et la désirer. […] Nous prenons des notes, nous faisons des voyages, misère ! […] Il y a des choses insignifiantes qui me prennent aux entrailles. […] Il y prendrait des leçons de guitare ! […] Il faut sans doute prendre ces derniers mots à la lettre.

450. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Elle prend un amant. […] La Femme se donne, l’Homme prend. » Nietzsche restreignait son jugement à la femme amoureuse. […] La destinée pourtant semble prendre pitié d’un si constant amour. […] Il semble qu’elle soit obligée de prendre à témoin quelqu’un de ceux qui contribuèrent à la formation de son esprit. […] Maintenant nous sommes fixés sur elle, et nous avons pris sa mesure qui l’apparente aux plus grands des humains.

451. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Mon général était là tout à l’heure, je croyais avoir pris mon voleur. […] Suis-je un naïf qui se laisse prendre à de belles paroles ? […] Pour achever de la désespérer, après l’avoir invitée à prendre un champion, M.  […] Je crois aussi qu’il m’en voulait de m’avoir pris d’abord pour M.  […] Menteurs hardis dès qu’il ont pris un masque.

452. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

À la vue de ce portrait, il prit la résolution de partir pour la croisade. […] Nous prendrons la description du palais d’un roi more. […] Prenons d’abord la querelle de Bertram de Born avec Richard. […] Un si noble baron doit restituer ce qu’il a pris sur un vassal qui s’humilie. […] Nous suivrons en même temps le nouvel essor que prend la poésie des trouvères.

453. (1890) Dramaturges et romanciers

Et maintenant nous prendrons congé de cet ingénieux et brillant écrivain. […] C’est sur cette critique bien légère que nous voulons prendre congé de cet ingénieux et poétique esprit. […] Comment s’y prendre pour satisfaire à la fois à ces trois conditions contradictoires ? […] Que de beaux traits pris sur le vif de la nature italienne ! […] Elle ne dit pas : Je suis pauvre, mais que l’homme qui me prendrait s’enrichirait en m’épousant !

454. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il avait pris de Duverney, un très habile anatomiste du temps, les leçons d’anatomie qu’il transmettait au dauphin. […] L’Eglise y avait même pris quelques-uns de ses saints. […] Ce qui s’explique moins aisément, c’est que Fénelon se fût laissé prendre aux illusions de cette femme. […] L’abbé de Rancé, Nicole, Racine, prirent la plume contre le pur amour. […] On n’a pas cet embarras-là avec Bossuet ; on ne songe pas plus à se défendre qu’à prendre avantage.

455. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Prenons un exemple, l’Église anglicane si l’on veut. […] Prenons pour exemple l’idée qui fait le point de départ du livre de M.  […] Prenons Milton pour exemple. […] Je vais prendre encore un tout petit exemple. […] dit l’un d’eux. — Drôle, est-ce que vous prenez mon nom en vain ?

456. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

., ont pris la peine d’exposer, dans des opuscules spéciaux, leurs pensées sur la matière. […] Il consiste à enregistrer simplement les documents dans sa mémoire, sans en prendre note par écrit. […] C’est alors l’ensemble des faits qui est transmis oralement et prend la forme légendaire. […] Une tendance naturelle à la conciliation pousse alors à chercher un compromis, à prendre un moyen terme. […] Mais il reste à faire le même travail sur les affirmations qui n’ont pas pris de forme écrite.

457. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

On va prendre au jour le jour et à crédit chez le boulanger, le rôtisseur et le boucher. […] Or dans les moments de folie, les idées violentes et désordonnées prennent l’empire. […] Presque jamais il ne va prendre conseil auprès d’eux : ce sont des bourgeois. […] Il tuait ainsi le temps et prenait patience. […] Ordinairement on prend au hasard ou l’on se laisse pousser.

458. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Pour qui le prend-on ? […] Prenons Lionnette. […] Dès le lever du rideau, les yeux sont pris. […] Mais c’est que, là, elles prennent corps. […] Comment m’y prendrai-je ?

459. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Ne serait-ce pas plutôt Pascal qui aurait pris des notes aux sermons de Bossuet ? […] On devait s’y prendre à peu près ainsi chez Mme de Lambert, on ne s’y prenait certainement pas d’autre sorte dans le cercle plus libre encore de Mme de Tencin. […] … Voilà le Paysan parvenu, que Marivaux n’a pas pris la peine d’achever. […] Maugras lui-même y semble prendre un si grand intérêt. […] Cet intrigant lui a pris sa place.

460. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Il n’y a que deux mauvais moments, et c’est précisément l’un des deux que vous prenez. […] Et puis croyez-vous qu’il fût indifférent de savoir, avant de prendre le crayon ou le pinceau, quel était le sujet du sermon ; si c’était ou l’effroi des jugements de Dieu, ou la confiance dans la miséricorde de Dieu, ou le respect pour les choses saintes, ou la vérité de la religion, ou la commisération pour les pauvres, ou un mystère, ou un point de morale, ou le danger des passions, ou les devoirs de l’état, ou la fuite du monde. […] Ne sentez-vous pas que si le sermon est des jugements de Dieu, votre orateur aura l’air sombre et recueilli, et que votre auditoire prendra le même caractère ; que si le sermon est de l’amour de Dieu, votre orateur aura les yeux tournés vers le ciel, et qu’il sera dans une extase que les peuples qui l’écoutent partageront ; que s’il prêche la commisération pour les pauvres, il aura le regard attendri et touché, et qu’il en sera de même de ses auditeurs. […] Et où vous avez-vous pris votre auditoire ?

461. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 43, que le plaisir que nous avons au théatre n’est point produit par l’illusion » pp. 429-434

On raconte un grand nombre d’histoires d’animaux, d’enfans, et même d’hommes faits qui s’en sont laissé imposer par des tableaux, au point de les avoir pris pour les objets dont ils n’étoient qu’une imitation. […] On ajoûtera que plusieurs oiseaux se sont froissé la tête contre la perspective de Ruel, trompez par son ciel si bien imité qu’ils ont crû pouvoir prendre l’essort à travers. […] L’idée generale de l’ouvrage a pris son assiete, pour ainsi dire, dans l’imagination ; car il faut qu’une telle idée y demeure quelque-temps avant que d’y bien prendre sa place.

462. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Avec Flaubert, la physiologie faisait son entrée en scène et allait prendre possession du roman. […] Il prit l’initiative et essuya le feu. […] Zola l’a pris de haut. […] En matière de vertu et d’héroïsme, quand je suis aux prises avec mes intérêts, mes sentiments, mes passions et qu’il me faut en consommer le sacrifice, je recule, et c’est mon égoïsme qui prend le dessus. […] On m’objectera que ce sont là des partis pris d’école.

463. (1925) La fin de l’art

Il faut bien s’en prendre à quelqu’un. […] Qui songeait alors à prendre pour de l’art la statuaire égyptienne ? […] Que l’on prenne par exemple le dernier volume de Guillaume Apollinaire. […] Notre pays est si beau qu’il m’a pris un ardent désir de le connaître. […] Mais, il faut en prendre son parti.

464. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Ainsi M. de La Mennais, qui, lorsqu’il était encore à la Chesnaye, voulait prendre pour cachet un chêne brisé par le tonnerre, avec cette devise : Je romps et ne plie pas, a vu réaliser son défi ; et cette haute, cette noble nature peut méditer aujourd’hui autour de son chêne en éclats. […] Prenez le Journal de la Librairie : relevez chaque semaine le nombre de volumes de vers qui se publient ; prenez le chiffre par mois, par saison, par année. […] Par instinct de cette situation diffuse, et pour y porter remède, j’ai de bonne heure désiré que, parmi nos poëtes de talent, il s’élevât, je l’avoue, une sorte de dictature ; que les deux plus grands, par exemple, et que chacun nomme, prissent le sceptre par les œuvres et, sans avoir l’air de rien régenter, remissent chaque chose à sa place par de beaux modèles. […] Une fois qu’on en a pris son parti, on retrouve dans le détail de quoi se distraire et se consoler. […] Ce qui est bon à rappeler, c’est qu’on n’en sort jamais, après tout, qu’avec le fonds d’enjeu qu’on y a apporté, je veux dire avec le talent propre et personnel : le reste était déclamation, appareil d’école, attirail facile à prendre, et que le dernier venu, eût-il moins de talent, portera plus haut en renchérissant sur tous les autres.

465. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Le tout n’est pas, surtout pour vous, de pénétrer l’homme à fond, de mesurer sa grandeur ou de démêler sa complexité : c’est d’avoir et de donner la sensation du vivant : c’est d’avoir vraiment pris son contact ; et l’eût-on vu de profil, n’en eût-on vu que l’ombre, cela vaudrait mieux encore que d’avoir calqué une photographie antérieure. […] Chacun prend l’homme d’un côté, d’un certain point, sous un certain jour. […] Le inonde, en ne voulant pas prendre intérêt à elle, l’avait forcée à se prendre exclusivement sous sa protection. […] Il faut voir dans Corneille comment, dans les âmes des héros, pour produire les révolutions soudaines des nations, parmi les grands intérêts des États et les raisons de la plus sublime philosophie, peuvent trouver place et prendre rang de causes efficaces les incidents familiers de la vie réelle, les relations sociales, les affections de famille, les situations communes que créent à tous les hommes les croyances et les institutions communes de l’humanité. […] Pour savoir mettre ainsi aux prises un tempérament avec une situation, il faut avoir observé comment notre caractère se manifeste dans les petits faits de la vie journalière, se modifie à leur contact, se décompose et se recompose sans cesse insensiblement, et se trouve parfois renouvelé alors qu’il ne s’est rien passé, comme il reste le même d’autres fois à travers les plus grandes catastrophes.

466. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

. — Des commentateurs modernes qui ont pris sur eux de faire des applicatifs de cette pièce à la société de Rambouillet. — Exemples curieux et récents de méprises à l’égard de mesdames de Sévigné, de La Fayette et Deshoulières. — L’indignation de La Bruyère sur les clefs des Caractères. […] Ce sont des précieuses modifiées, prises dans la vie bourgeoise, à qui un mari peut dire fort raisonnablement : Qu’on n’aille pas chercher ce qu’on fait dans la lune, Et qu’on se mêle un peu de ce qu’on fait chez soi. […] Trissotin dit avec raison à cet avocat de la cour : Que c’est en courtisan qu’il en prend la défense. […] De nos jours, des commentateurs ont osé faire ce dont les écrits du temps de Molière se sont abstenus, et ce à quoi la volonté de Molière a été de ne donner ni occasion, ni prétexte ; ils ont pris sur eux d’appliquer des noms propres aux personnages ridicules, même odieux des Femmes savantes. […] J’ai peint à la vérité d’après nature ; j’ai pris un trait d’un côté et un trait d’un autre, et de ces divers traits, qui pouvaient convenir à une même personne, j’en ai fait des peintures vraisemblables, cherchant moins à réjouir les lecteurs par la satire de quelqu’un, qu’à leur proposer des défauts à éviter et des modèles à suivre ».

467. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Au lieu de me blâmer de ce qui peut sembler un crime de ma part, elle invente des excuses à ma conduite et prend pour elle toute la faute. […] Mais encore, comment m’y prendrai-je ?  […] Le seul parti qu’il eût à prendre, était de lui donner une lettre de divorce, et de l’envoyer avec ses plus jeunes enfants chez son père, lequel comprendrait, il en était certain, la véritable raison qui le poussait à agir ainsi et donnerait à la pauvre femme consolation et conseil. […] On conçoit, après le déchiffrement de l’inscription par Hayashi, l’intérêt que j’eus à savoir la part qu’il avait pu prendre à l’expédition contre la résidence de Kotsuké ; part dont je ne trouvais trace ni dans le roman de Tamenaga Shounsoui, ni dans les légendes du vieux Japon de M.  […] C’était la copie des instructions rédigées par Kuranosuké, dont l’original existerait encore au temple de la Colline-du-Printemps, et qui, au milieu de recommandations relatives aux préparatifs du combat, à l’échange des mots de passe, etc., etc., contient ce curieux paragraphe : « Avant de partir, prenez médecine.

468. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

S’il ne le porte pas cependant, il faut prendre occasion de là pour admirer, dans un temps où toutes les sciences ont leur ivresse, la forte sobriété du procédé employé de préférence par l’homme qui doit la source de tous ses genres d’illustrations à l’Histoire, et qui, en écrivant de simples biographies, en dit profondément le dernier mot. […] Prenez, en effet, les événements, les péripéties, les grands chocs, les causes mystérieuses ou visibles, absolues ou secondaires, les empêchements, les choses, comme disent les esprits vagues, la fatalité des circonstances, comme disent les esprits hébétés, les idées, enfin, comme répètent à leur tour les mystiques brouillons d’un panthéisme confus, c’est-à-dire prenez tout ce qui constitue l’Histoire, et cherchez résolument si tout cela cache rien de plus, sous un mouvement gigantesque ou une ruine immense, que la toute petite créature qui s’appelle l’homme, que cette vieillerie du cœur humain dont le programme est toujours à reprendre et qu’on ne connaît jamais assez ! […] pour que Guizot, l’historien de la civilisation en Europe, au lieu de se préoccuper des larges perspectives et d’élargir ses horizons, se mette à écrire la vie de quelques hommes, à les prendre à part et à les tirer du cadre de la Révolution d’Angleterre, où ils sont à peu près perdus, il faut quelque raison, sans doute. […] Et, pour moi, Guizot l’a si bien compris ainsi, son expérience d’homme d’État et de philosophe l’ont si bien convaincu qu’en Histoire la plus forte des influences n’était ni les choses, ni les idées, ni les missions providentielles, comme disent les confidents indiscrets de la Providence avec d’inexprimables fatuités, ni toutes ces forces chimériques inventées lâchement pour sauver l’homme du danger de sa responsabilité, — espèce de laurier à électricité négative qu’on lui plante sur la tête pour repousser la foudre de Dieu et la condamnation des siècles, — que, dans les biographies récemment publiées, l’illustre historien n’a pas même pris la vie des hommes éclatants, des personnages décisifs de la Révolution d’Angleterre. […] Voilà la France comme le mouvement révolutionnaire l’a livrée au socialisme, qui va la prendre et la ruiner, mais qui ne la corrompra pas davantage !

469. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Les Légitimistes, qui ne sont pas des Césars, ne crucifient personne, pas même ceux qui ont pris leur lit pendant dix-huit ans. […] Lorsqu’il n’y a plus rien à faire, rester les bras croisés est encore le meilleur moyen de préserver ses mains contre ceux qui veulent vous les prendre et qui pourraient vous les salir. […] Et, pamphlet ou libelle alors, un pareil livre doit prendre, sous l’examen et les réserves de la Critique, la place qu’on eût bien voulu lui ôter et dont il est digne, parmi ces compositions graves et consciencieuses qu’il est convenu d’appeler de l’Histoire. […] Mais, plus qu’eux deux peut-être, Louis-Philippe eut aussi, à son tour, cette ambition obstinée et peureuse jusqu’à l’hypocrisie, et même il n’y a qu’elle qui puisse nous expliquer sa vie, et comment, arrivé, à travers toutes ces circonstances, au moment de s’emparer du trône, au lieu de le prendre résolument, comme Guillaume d’Orange prit le sien, il l’a timidement escobardé ! […] Prenez donc, si vous le voulez, tous les faits de la longue existence de Louis-Philippe et de son règne, vous retrouverez dans tous, présent, mais très visible, le Macbeth manqué qu’il avait en lui, et qui lui donnera dans l’Histoire cette physionomie ambiguë qui n’est pas assurément le courage et non pas certainement la lâcheté, mais qui n’en déshonore pas moins son homme ; car, au lieu d’une faiblesse, elle en cache deux !

470. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

prenez seulement le dictionnaire de Bayle, l’histoire de la philosophie de Brucker et le vocabulaire de Tennemann, et vous verrez quelle masse de rêveurs inutiles, de cracheurs dans les puits pour faire des ronds, se trouvent mêlés, pour l’encombrement de nos mémoires, aux quelques noms et aux quelques idées, très rares, très clairsemées, et pour les raisons providentielles les plus hautes, qui ont réellement allongé la corde de l’esprit humain et un peu étendu de la circonférence de ses efforts ! Vous verrez qu’il n’y a pas pour l’homme de quoi prendre des airs si vainqueurs. […] Ce qu’il nous faut plutôt ce sont des livres qui prennent exactement la mesure de toute philosophie, en la diminuant. […] Qu’il prenne, s’il veut, Fénelon, l’auteur du Télémaque et le précepteur du duc de Bourgogne, mais qu’il ne mette la main ni sur Suarez, ni sur Bellarmin, ni sur Bossuet lui-même, car Bossuet, comme saint Augustin, n’a pas cessé d’être un évêque, et sa politique n’est point tirée de l’ordre philosophique, mais de l’Écriture Sainte. […] Ainsi, d’une part, l’idée que l’homme-fonction doit le bonheur à l’homme individuel, et d’autre part, l’idée de ce bonheur que vous pouvez faire définir au plus modeste et qui n’en sera pas moins toujours un inventaire de Dieu, supérieur de tout à l’aurea mediocritas d’Horace, voilà la double source d’où sont sorties toutes les utopies, toutes les révolutions, toutes les démences, et cela, dans tous les temps, mais plus particulièrement dans les temps modernes, où la personnalité humaine a pris de si monstrueuses dilatations.

471. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Varron compte environ quarante Hercules, et il affirme que celui des Latins s’appelait Dius Fidius ; les Égyptiens, aussi vains que les Grecs, disaient que leur Jupiter Ammon était le plus ancien des Jupiter, et que les Hercules des autres nations avaient pris leur nom de l’Hercule Égyptien. Les Grecs observèrent encore qu’il y avait eu partout un caractère poétique de bergers parlant en vers ; chez eux c’était Évandre l’Arcadien ; Évandre ne manqua pas de passer de l’Arcadie dans le Latium, où il donna l’hospitalité à l’Hercule grec, son compatriote, et prit pour femme Carmenta, ainsi nommée de carmina, vers ; elle trouva chez les Latins les lettres, c’est-à-dire, les formes des sons articulés qui sont la matière des vers. […] Les noms d’Hercule, d’Évandre et d’Énée passèrent donc de la Grèce dans le Latium, par l’effet de quatre causes que nous trouverons dans les mœurs et le caractère des nations : 1º les peuples encore barbares sont attachés aux coutumes de leur pays, mais à mesure qu’ils commencent à se civiliser, ils prennent du goût pour les façons de parler des étrangers, comme pour leurs marchandises et leurs manières ; c’est ce qui explique pourquoi les Latins changèrent leur Dius Fidius pour l’Hercule des Grecs, et leur jurement national Medius Fidius pour Mehercule, Mecastor, Edepol. 2º La vanité des nations, nous l’avons souvent répété, les porte à se donner l’illustration d’une origine étrangère, surtout lorsque les traditions de leurs âges barbares semblent favoriser cette croyance ; ainsi, au moyen âge, Jean Villani nous raconte que Fiesole fut fondé par Atlas, et qu’un roi troyen du nom de Priam régna en Germanie ; ainsi les Latins méconnurent sans peine leur véritable fondateur, pour lui substituer Hercule, fondateur de la société chez les Grecs, et changèrent le caractère de leurs bergers-poètes pour celui de l’Arcadien Évandre. 3º Lorsque les nations remarquent des choses étrangères, qu’elles ne peuvent bien expliquer avec des mots de leur langue, elles ont nécessairement recours aux mots des langues étrangères. 4º Enfin, les premiers peuples, incapables d’abstraire d’un sujet les qualités qui lui sont propres, nomment les sujets pour désigner les qualités, c’est ce que prouvent d’une manière certaine plusieurs expressions de la langue latine. […] Toute l’ancienne géographie est pleine de semblables aræ ; et pour commencer par l’Asie, Cellarius observe que toutes les cités de la Syrie prenaient le nom d’Are, avant ou après leurs noms particuliers ; ce qui faisait donner à la Syrie elle-même celui d’Aramea ou Aramia. […] Les Grecs prenaient encore αρα dans le sens de vœu, action de dévouer, parce que les premières victimes saturni hostiæ, les premiers αναθήματα, diris devoti, furent immolés sur les premières Aræ, dans le sens où nous prenons ce mot.

472. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Il eut tout le loisir de prendre son pli et de marquer dans sa manière en quoi il se séparait de ses prédécesseurs. […] Mais, à partir de septembre 1605, il y fut introduit et aussitôt en pied ; à peu près inconnu de la veille, il y prend sa place dès le premier jour, et son astre règne. […] Ne prenons Malherbe que là où il est bon, là où il est excellent. […] Il s’attacha à lui, prit ses conseils, ne réussit jamais à le satisfaire entièrement, car il avait bien des ignorances involontaires et des nonchalances, mais il réussit une ou deux fois par ses accès de talent à lui donner, honneur insigne ! […] Prenons Racan dans les ouvrages de moindre haleine, là où il est supérieur, là où, lui qui ne savait pas le latin, il s’est montré tout à coup un émule d’Horace et en partie héritier de sa lyre, comme a dit La Fontaine.

473. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Déjà, dans le premier volume du journal, j’avais relevé de tristes paroles sur Fénelon, de ces paroles faites pour être ensevelies, et que Le Dieu avait pris plaisir à surprendre sur les lèvres de son maître et à noter. […] J’en ai pris occasion de lui demander le petit calice dont je lui avais déjà parlé à Meaux, et il me l’a donné de bonne grâce. […] On lava les mains sans façon et comme entre amis : le prélat bénit la table et prit la première place, comme de raison ; M. l’abbé de Chanterac était assis à sa gauche : chacun se plaça sans distinction à mesure qu’il avait lavé. […] Il se méfie toujours de l’abbé Bossuet et prend ses garanties contre lui. […] Ma santé est aussi meilleure, mon rhume fort diminué, et il ne me reste qu’à prendre des forces : c’est pourquoi j’ai retenu ma place au carrosse de voiture pour aller à Paris, Dieu aidant, lundi 30 janvier 1708.

474. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Avant de prendre racine dans leur cervelle, toute idée doit devenir une légende, aussi absurde que simple, appropriée à leur expérience, à leurs facultés, à leurs craintes, à leurs espérances. […] Plus elle est monstrueuse, plus elle est vivace, accrochée aux plus frêles vraisemblances et tenace contre les plus fortes démonstrations  Sous Louis XV, pendant l’arrestation des vagabonds, quelques enfants ayant été enlevés par abus ou par erreur, le bruit court que le roi prend des bains de sang pour réparer ses organes usés, et la chose paraît si évidente, que les femmes, révoltées par l’instinct maternel, se joignent à l’émeute : un exempt est saisi, assommé, et, comme il demandait un confesseur, une femme du peuple prend un pavé, crie qu’il ne faut pas lui donner le temps d’aller en paradis, et lui casse la tête, persuadée qu’elle fait justice739  Sous Louis XVI, il est avéré pour le peuple que la disette est factice : en 1789740, un officier, écoutant les discours de ses soldats, les entend répéter « avec une profonde conviction que les princes et les courtisans, pour affamer Paris, font jeter les farines dans la Seine ». […] Quand une multitude soulevée repousse ses conducteurs naturels, il faut qu’elle en prenne ou subisse d’autres. […] Déjà en 1752749, autour de Paris, on en voit « des rassemblements de cinquante à soixante, tous armés en guerre, se comportant comme à un fourrage bien ordonné, infanterie au centre et cavalerie aux ailes… Ils habitent les forêts, ils y ont fait une enceinte retranchée et gardée, et payent exactement ce qu’ils prennent pour vivre ». […] On fait venir les dragons de Provins, les braconniers en tuent un, abattent trois chevaux, sont sabrés ; quatre d’entre eux restent sur la place et sept sont pris. — On voit par les cahiers des États Généraux que, chaque année, dans chaque grande forêt, tantôt par le fusil d’un braconnier, tantôt et bien plus souvent par le fusil d’un garde, il y a des meurtres d’hommes  C’est la guerre à demeure et à domicile ; tout vaste domaine recèle ainsi ses révoltés qui ont de la poudre, des balles et qui savent s’en servir.

475. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

De là la difficulté qu’on éprouve toujours à prendre une vue d’ensemble de l’Esprit des Lois. […] C’est que, dès le commencement de la rédaction, au livre II, le sociologue doctrinaire a pris la conduite de l’ouvrage. […] Il prend tous les cas particuliers comme équivalents et également significatifs. […] L’expérience alors fut courte et malheureuse : mais Montesquieu prit sa revanche de 1815 à 1848. […] La censure avait prohibé la circulation du livre : Malesberbes leva la défense, quand il prit la direction de la librairie (1750).

476. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Comme tous les mythes naturels, celui-ci prit corps. […] La ville dont il avait embrassé l’autel l’adoptait comme son citoyen ; au besoin elle prenait les armes contre ses ennemis ou ses proscripteurs […] Mais Jason survint, revenant de la chasse : ému de pitié, comme le bon géant Christophe des légendes chrétiennes, il prit la vieille sur ses épaules et lui fit passer le torrent. […] Arrivé au temple, il prit la parole et posa nettement la question : — « Ô Roi ! […] Leur prière prend toutes les voix de l’adjuration et du gémissement, son rythme haletant semble secoué par de longs sanglots.

477. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Nous trouvons ces deux écoles en opposition déjà et en guerre au début de notre théâtre, la troupe de Molière aux prises avec celle de l’hôtel de Bourgogne. […] On me prend telle que je suis, ou bien on me laisse là. […] Mlle Le Couvreur, après avoir pris conseil de ses amis, se rendit au lieu indiqué en se faisant accompagner. […] Il était pris d’un goût vif pour une chanteuse de l’Opéra. […] Mais, s’il est innocent, songez, monsieur, quel intérêt je dois prendre à ses jours, et combien cette incertitude est cruelle pour moi.

478. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Les admirateurs aveugles de Jean-Jacques Rousseau prirent fait et cause pour lui contre les nouveaux témoins qui le chargeaient et le convainquaient de folie et peut-être de mensonge. […] Toutes les scènes où elle figure sont excellentes et prises sur nature : mais la première, dans laquelle elle arrache le secret à la jeune femme et l’excite à aller plus avant, passe toutes les autres. […] Ces bruits acquirent une telle consistance dans la société, qu’un jour, à un souper chez le comte de Friesen, Grimm, qui ne connaissait Mme d’Épinay que depuis assez peu de temps, dut prendre hautement sa défense, et provoqua une affaire dans laquelle il fut légèrement blessé. […] Elle eut un moment l’idée de la dévotion, et de prendre Dieu comme pis-aller ; mais un excellent ecclésiastique qu’elle introduit et qu’elle fait parler fort sagement, l’abbé Martin, n’eut pas de peine à lui démontrer qu’elle méconnaissait son cœur. […] Toutefois, à partir d’une certaine heure, il se trouva insensiblement plus pris par la littérature, par les travaux et par les devoirs que lui imposaient des obligations honorables, et par l’ambition naturelle à l’âge mûr ; cet homme judicieux sentait qu’il fallait se donner de nouveaux motifs de vivre à mesure qu’on perdait de la jeunesse.

479. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Ainsi, voilà Jasmin mis en demeure d’improviser et pris par le point d’honneur. […] Je prendrai pour exemple, de préférence, Marthe l’innocente, Marthe l’idiote. […] Pour Jacques, il a pris le numéro 3, et il part. […] Jacques vient prendre congé de Marthe en pleurant. […] Dumon, qui reste un homme de tant d’esprit et de littérature : mais c’est s’honorer et bien prendre son temps que de lui dire devant tous aujourd’hui : Je vous suis autant que jamais reconnaissant.

480. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker, quel temps je suis venu prendre pour entretenir le monde de morale et de religion ! […] de laisser l’Assemblée s’ouvrir, sans faire prendre au roi l’initiative des mesures en litige ? […] Necker ne fit plus que baisser et déchoir rapidement ; les meneurs de l’Assemblée prirent à tâche de le déjouer et de le dépopulariser en détail, en même temps que le parti de la Cour le raillait sans cesse et le piquait avec amertume. […] Et c’est ici qu’il se trahit à ravir dans toute l’indécision naturelle de sa pensée : il propose à la fois deux plans parallèles, l’un de parfaite république, l’autre de monarchie exemplaire ; il construit tour à tour ces deux plans avec une grande habileté d’analyse, il les balance, et, les ayant pondérés de tout point, il dit à l’homme proclamé par lui nécessaire : « Prenez l’un de mes projets, ou prenez l’autre. » Puis, si on ne les prend pas, il se console par la vue de son propre idéal, et, comme tous les théoriciens satisfaits, il en appelle à l’avenir et au bon sens qui, tôt ou tard, selon lui42, est le « maître de la vie humaine ». […] c’est une certaine façon compliquée, un peu subtile, un peu hautaine, de prendre et de présenter les choses, qui n’est pas à l’usage des esprits ordinaires, ni même des esprits très naturels ; c’est le procédé de gens habitués à regarder intuitivement (comme ils disent quelquefois) au-dedans de leur pensée, plutôt qu’à mettre la tête à la fenêtre et à laisser courir leur parole au-dehors.

481. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Il dit : Le roi prendra vos fils et les mettra à ses chariots ; il prendra vos filles et les fera servantes ; il prendra vos champs, vos vignes et vos bons oliviers, et les donnera à ses domestiques ; il prendra la dîme de vos moissons et de vos vendanges, et la donnera à ses eunuques ; il prendra vos serviteurs et vos ânes et les fera travailler pour lui ; et vous crierez à cause de ce roi qui sera sur vous, mais comme vous l’aurez voulu, l’Éternel ne vous exaucera point ; et vous serez des esclaves. » Samuel, on le voit, nie le droit divin ; le Deutéronome sape l’autel, l’autel faux, disons-le ; mais l’autel d’à côté n’est-il pas toujours l’autel faux ? […] » Cette parole, détournée, involontairement sans doute, de son vrai sens pour les besoins de la polémique, a pris plus tard, à la grande surprise de celui dont elle avait été l’interjection, les proportions d’une formule. […] Les vieux donjons pleins de carnage ouvrent leurs yeux fauves et flairent l’obscurité ; l’inquiétude les prend. […] Ayez dans les bonnes intentions des czars orthodoxes juste assez de foi pour prendre les armes. […] Mal en prend aux poëtes d’être gens de cour et de faire ce que leur demandent les maîtresses de roi.

482. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Regnard l’a pris sur le fait. […] Voltaire, imitateur tardif de la comédie larmoyante, la prit plus au sérieux que la Chaussée lui-même. […] C’était s’y prendre mal, selon Diderot. […] Il n’est pas jusqu’à Fréron qui n’ait constaté le succès de la première pièce, et peut-être en avait-il pris sa part. […] C’est que Beaumarchais les a pris dans la nature et dans la société française.

483. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Entre les deux Hôtel-Dieu qui vous enserrent le cœur, serré que vous êtes entre ce long parallélisme de la souffrance humaine, on se prend à penser à ce Dieu de bonté, qu’on dit là, au-dessus. […] Elle a beau essayer de prendre des poses tranquilles, de croiser ses bras dans l’immobilité, impossible de tenir en place. […] La figure bourgeoise des jurés a pris une espèce de sévérité de grands juges. […] Pourquoi prendre des renseignements sur ces gens-là ? […] En ce temps de Bourse, la menace du peuple prend à l’argot de l’argent, sa langue.

484. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

… oui, ce sera prendre à jamais congé de lui. » Ah ! […] Et ça le prend comme une crise physique, la contradiction ! […] Léon Daudet vient me prendre pour me conduire chez Potain, auquel il a demandé un rendez-vous pour moi. […] En sortant de chez Potain, nous prenons le train pour Champrosay, où je dîne. […] Dans cette toquade de combativité qui a pris Drumont, il devient un personnage tout à fait original.

485. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Il se plongea dans la solitude du cœur, et, persuadé qu’il n’y avait rien à faire au dehors, il s’abîma en lui-même ; de là une maladie incurable et singulière qu’il a pris soin d’observer avec une attention presque cruelle, et qu’avant de mourir il nous a racontée en vers et en prose, jusque dans ses détails les plus secrets. […] Prenons une couleur, le jaune, par exemple : l’or est jaune, la soie est jaune, le souci est jaune, la bile est jaune, la lumière est jaune, la paille est jaune ; à combien d’autres fils ce fil ne répond-il pas ? […] En politique, bien que passionné pour la liberté et pour la France, il était tombé dans une sorte d’apathie ; on avait tant répété autour de lui et dans les deux ou trois journaux qu’il lisait sous les arcades de l’Odéon tous les matins, que l’abîme des révolutions était fermé, qu’à la fin il l’avait cru et en avait pris son parti, bien qu’un peu à contre-cœur. […] Nous prenons la liberté de reproduire cette page en entier. […] Sainte-Beuve, dont la sensibilité est vraie et profonde, a cru que des émotions neuves ne pouvaient, pour ainsi dire, prendre consistance que dans un moule poétique tout nouveau.

486. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Si le lecteur prend l’hyperbole à la lettre, ou l’ironie au sérieux, l’écrivain a manqué son coup, comme le chasseur maladroit qui tue son chien en tirant un lièvre. […] Quant aux figures dépensées, ou figures de passion, d’imagination, de raisonnement, elles ont été en général constituées par des grammairiens et des rhéteurs, qui, regardant le discours par le dehors, ont pris pour adresse de langage ce qui était le mouvement naturel de l’intelligence et de l’âme. […] Sire, vous pouvez prendre à votre fantaisie L’Europe à Charlemagne, à Mahomet l’Asie, Mais tu ne prendras pas demain à l’Éternel. […] Voici une large période qui n’est au fond qu’une antithèse : Cent mille hommes criblés d’obus et de mitraille, Cent mille hommes couchés dans un champ de bataille, Tombés pour leur pays par leur mort agrandi, Comme on tombe à Fleurus, comme on tombe à Lodi, Cent mille ardents soldats, héros et non victimes, Morts dans un tourbillon d’événements sublimes, D’où prend son vol la fière et blanche Liberté, Sont un malheur moins grand pour la société, Sont pour l’humanité, qui sur le vrai se fonde, Une calamité moins haute et moins profonde, Un coup moins lamentable et moins infortuné Qu’un innocent, un seul innocent, condamné, Dont le sang ruisselant sous un infâme glaive, Fume entre les pavés de la place de Grève, Qu’un juste assassiné dans la forêt des lois, Et dont l’âme a le droit d’aller dire à Dieu : “Vois !

487. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

« Bien que, dans notre siècle, les livres ne soient guère que des objets de distraction, de pures superfluités, où l’agréable, ce bouffon suranné, oublie innocemment son confrère l’utile, il me semble que si je me trouvais chargé, pour une production quelconque, du difficile métier de critique, au moment où je poserais le livre pour prendre la plume, la figure vénérable de Goethe m’apparaîtrait avec sa dignité homérique et son antique bonhomie. […] Selon l’âge et les circonstances, ces trois mobiles varient et prennent dans l’esprit de l’auteur la première ou la dernière place ; mais ils n’en subsistent pas moins. […] « Si le besoin d’argent fait travailler pour vivre, il me semble que le triste spectacle du talent aux prises avec la faim doit tirer des larmes des yeux les plus secs. […] En dépit de toutes les subtilités du monde et du bien qu’on prend où on le trouve, un plagiat n’en est pas moins un plagiat, comme un chat est un chat. […] Nous repousserons les philtres de la sirène étrangère, et nous n’imiterons pas l’imprudent Ulysse, qui but dans la coupe de l’enchanteresse l’oubli de la patrie et du foyer domestique… Nous prendrons pour modèle l’humble effort de l’arbre qui, tout entier concentré dans l’élaboration des sèves, envoie ses racines les plus profondes comme ses branches les plus hautes à la poursuite de toutes les nourritures qui fructifieront sous son écorce.

488. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Prenez raison dans le sens le plus vif et le plus lumineux, la pure flamme dégagée des sens. […] Cousin est volontiers l’homme des partis pris, des idées préconçues, ou plutôt encore il est l’homme de son tempérament et de sa propre nature. Il se prend résolument pour point de départ de ce qu’il préfère ; son goût personnel entraîne tout son jugement dans une seule et même verve. […] Prenons maintenant tout autre sermon prêché depuis à la Cour, celui Sur l’ambition (1666), Sur l’honneur (1666), Sur l’amour des plaisirs (1662), des beautés du même ordre éclatent partout. […] Il n’a pris les rênes du gouvernement qu’en 1661, et d’abord il a suivi son temps, il ne l’a pas dominé ; il n’a paru réellement lui-même que lorsqu’il n’a plus été conduit par Lionne et Colbert, les derniers disciples de Richelieu et de Mazarin.

489. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Il fallait surtout que ce fût un sujet auquel la république de Venise pût prendre confiance et qu'elle eût en estime. » Enfin Rohan était la définition vivante de l’homme très compliqué qu’il fallait à ce moment-là en un tel pays. […] Rohan vit avec plaisir qu’on prenait confiance en lui, et que les services prochains qu’il pouvait rendre hâtaient l’oubli du passé : il ne quitta point Venise sans s’assurer de l’agrément du Sénat pour la mission où il s’embarquait. […] Rohan devait éviter d’être pris entre deux armées ; la sienne, sous sa nouvelle forme, ne montait pas à plus de 3000 hommes de pied, 400 chevaux et 600 Grisons. […] Le 3 juillet, Rohan, pour éviter d’être pris entre les deux armées (car les impériaux s’étaient refaits et allaient regagner l’avantage), livra à ceux-ci, au bord de l’Adda, le combat de Mazzo, qui fut plus décisif que le précédent. […] Le choc fut fort rude. » On se battit dans les rues de Morbegno, qu’on prit de vive force.

490. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

« M. de Cazaux, après avoir entendu patiemment et paisiblement M. de Lescar, se leva en pied, et, après l’avoir remercié des égards qu’il avait eus pour lui et de ses prudents et charitables avis, il lui promettait de renvoyer cette fille à son père, pourvu qu’il s’engageât par serment, devant la Compagnie, de ne la point prendre pour lui. […] Dans un voyage et séjour de cinq mois à Paris, pendant lequel il alla prendre souvent l’air de Versailles, il commença par se bien pénétrer des intentions du roi et de ses désirs ; il exposa à Louis XIV, dans une audience particulière, et lui fit agréer toute la partie ostensible et séduisante de son plan ; il ne parla que de l’amour, de la vénération des Béarnais pour la mémoire de Henri IV, sentiments qui avaient passé à son petit-fils. […] Croira qui voudra qu’il a tenu la main, comme il en prenait l’engagement, à ce qu’il n’y eut aucune violence : « Le 18 avril 1685, j’ai demandé à M. de Louvois des ordres en blanc pour faire loger une ou plusieurs compagnies dans les villes remplies de religionnaires, étant certain que la seule approche des troupes produira un grand nombre de conversions ; que je tiendrai si bien la main à ce que les soldats ne fassent aucune violence, que je me rendrai responsable des plaintes qu’il en pourrait recevoir. […] Il m’avoua qu’il se sentait ému, et dans le moment je le pris par le bras et le conduisis vers l’autel, où il se mit à genoux devant M. l’évêque, qui lui donna l’absolution. […] De son vivant, il avait recueilli les plus flatteurs témoignages, et qui nous ont été conservés, — entre autres, de l’ancien évêque Huet, son ami particulier, dont il avait pris soin de rassembler les vers français épars, — de l’abbé Fraguier, qui, sur une découverte de ruines antiques faite autrefois près de Caen par M. 

491. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Il ne reste plus qu’à prendre Mâtho, qui est sur un autre point du pays avec un lambeau d’armée, à le faire prisonnier, et à épuiser contre lui les supplices, le jour où il est traîné en triomphe à Carthage et livré en victime au tenaillement de la populace. […] Quand Virgile prenait Énée pour son héros, il était plein d’Auguste et plein aussi des souvenirs de la vieille Rome. […] Si ce ne sont pas là des plaisanteries de l’auteur, le lecteur est sujet à les prendre pour telles, et il n’aime pas à être moqué. […] Et pour prendre ma comparaison hors de ce temps-ci, il vaut mieux avoir fait Gil Blas que Sèthos. […] Qu’il reste l’homme de sa nature, en laissant seulement de ses partis pris.

492. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Je prendrai M. de Belloy, de préférence à d’autres endroits. […] Mais ici M. de Belloy prend la parole et supplée à l’original dans un couplet soutenu et de la meilleure veine. […] Phédria a été chassé, tenu dehors par Thaïs qui lui a fait refuser sa porte, tandis qu’un autre a été admis : il peste, il s’indigne, il se méprise lui-même, pour sa lâcheté, de sentir qu’il l’aime encore ; il prend de grandes résolutions : elle paraît, tout ce courage s’évanouit. […] Ne rencontrerai-je pas une âme, pas un curieux qui me suive, qui me persécute et m’obsède de questions, pourquoi je suis gai, pourquoi je bondis, où je vais, d’où je viens, où j’ai pris cet habit (il est encore déguisé), ce que je cherche, si je suis sain d’esprit ou fou ?  […] Térence est le contraire de bien des choses, il l’est surtout de la dureté, de l’inhumanité, de la brutalité, — de ce qu’on court risque, à mesure qu’on avance dans les littératures, d’ériger insensiblement en beauté et de prendre pour la marque première du talent.

493. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

La Presse était devenue, comme on l’appelait, « le journal conservateur de la République. » Pour être conservateur dans un ordre de choses qui allait si vite et qui se déplaçait à chaque moment, il fallait se mettre au pas et se multiplier : c’est alors que M. de Girardin prit cette fameuse devise : Une idée par jour ! […] Mais le 31 mars, cette espèce d’émeute prit un caractère plus sombre, et voici exactement ce qui se passa, — j’ajoute que ce n’est pas de lui que je le tiens. […] Je laisse les époques intermédiaires et misérables (fin de 1848, 1849, 1850, 1851) où les questions, se déplaçant chaque jour au souffle des partis, n’offraient aucune prise bien déterminée, et où la polémique, variant à chaque pas, s’engageait dans des sables mouvants ou sur un terrain miné et contre-miné en tous sens par l’intrigue : le dégoût prend, rien qu’à y repasser en idée. […] C’est un système où l’État prend et empiète le moins possible sur l’individu, lequel se développe et agit dans la plus grande latitude et la plus entière liberté. […] Quand il est trop poussé à bout et relancé sur ce point de conviction vive, il faut voir comme il prend feu ; une détente lui échappe ; il est parti sur son Pégase, et je l’ai entendu mainte fois chaleureux, entraîné, éloquent.

494. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Maurice prit aussitôt l’affaire à cœur. […] Dès que le roi eut pris son parti, il eut la délicatesse d’en faire honneur au maréchal et lui écrivit en ce sens. […] Il avait sans doute commencé, de bonne heure : quand on a eu le fusil sur l’épaule à douze ans, il est permis de prendre son congé à cinquante. […] La reine est une bonne princesse qui, souvent, a eu de petites fantaisies, mais qui n’a jamais su comment s’y prendre pour les faire réussir. […] Hommes, argent, rien ne leur manque, mais ils ne savent pas s’y prendre (ces derniers mots sont en allemand).

495. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

C’est d’ailleurs son œuvre immense et touffue que nous prendrons comme type de cette troisième méthode d’investigation médicale. […] …” … Quand je fis mes expériences sur l’aimantation, il prit feu comme toujours. […] Je connaissais d’autant mieux cette affection que mon père avait pris pour sujet de thèse de doctorat la fièvre typhoïde. […] Zola, dans un de ses derniers ouvrages, plaidoyer exclusivement littéraire, a pris soin, très amplement, de nous en fournir les matériaux. […] Convalescence assez longue à la suite de laquelle il prend des habitudes flâneuses, et, peu à peu, s’alcoolise.

496. (1890) L’avenir de la science « V »

C’est assurément un admirable génie que saint Paul ; et pourtant, sont-ce les grands instincts de la nature humaine pris dans leur forme la plus générale qui font la beauté de ses lettres, comme ils font la beauté des dialogues de Platon, par exemple ? […] On se rappelle toujours avoir été critique, et on se prend parfois à rire, ne fût-ce que de ses adversaires. […] Voilà pourquoi toutes les sectes religieuses qui ont essayé, depuis un demi-siècle, de s’établir en Europe sont venues se briser contre cet esprit critique qui les a prises par leur côté ridicule et peu rationnel, si bien que les sectaires, à leur tour, ont pris le bon parti de rire d’eux-mêmes. […] Les temples de cette doctrine, ce sont les écoles, non pas, comme aujourd’hui, enfantines, étriquées, scolastiques, mais, comme dans l’antiquité, des lieux de loisir (scholae) où les hommes se réunissent pour prendre ensemble l’aliment suprasensible. Les prêtres, ce sont les philosophes, les savants, les artistes, les poètes, c’est-à-dire les hommes qui ont pris l’idéal pour la part de leur héritage et ont renoncé à la portion terrestre 59.

497. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Fouquet me parla de M. le président Le Coigneux comme d’une personne qu’il fallait tâcher de voir ; je lui dis que j’allais quelquefois à la chasse avec lui, et que je verrais de quelle manière je pourrais m’y prendre. […] Et par toutes ces circonstances malheureuses, l’armée manquant de toutes choses, et le mal étant plus prompt que le remède, nous ne pûmes jamais prendre Stenay, ni secourir Arras. […] Bientôt tout poussa le jeune monarque à la perte de Fouquet : l’indignation d’être pris pour dupe, le sentiment de l’autorité souveraine, que tenait seul en échec un ministre insolent, les fiertés les plus légitimes de l’homme et du roi contre un présomptueux qui lui faisait concurrence en toutes choses. […] Louis XIV prit beaucoup sur lui-même en cette circonstance, et il convient que tout ce dessein lui donna une peine incroyable. […] La plus grande justification de Mme de Sévigné, ce fut la franchise et la netteté avec laquelle elle prit bientôt après la défense de celui dont elle aurait eu à se plaindre.

498. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Il a, en ce sens, bien du rapport avec Voltaire, avec qui il partage l’honneur d’être peut-être l’homme le plus spirituel de son temps ; je prends le mot esprit avec l’idée de source et de jet perpétuel. […] Pierre-Augustin Caron, qui prit plus tard le nom de Beaumarchais, naquit à Paris le 24 janvier 1732, sur la paroisse Saint-Jacques-la-Boucherie. […] Cependant, après être resté ainsi une partie de sa jeunesse entre quatre vitres, comme il dit, il s’ennuya et prit son essor. […] Jusque-là, et si nous le prenons à son retour d’Espagne (1765), il n’avait rien écrit pour le public ; il va débuter, et ses premiers débuts ne sont pas heureux. […] Le soir même de la condamnation, Beaumarchais devait souper dans le plus grand monde, chez M. de Monaco, où il avait promis de lire Le Barbier de Séville, dont la représentation était retardée, mais que la Dauphine (Marie-Antoinette) prenait hautement sous sa protection.

499. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

« Votre très dévouée, « *** » Et ces vers de Tahureau, nous ne les avions pas pris dans Tahureau, dont les éditions originales sont de la plus grande rareté, nous les avions pris dans le Tableau historique et critique de la poésie française et du théâtre français au xvie  siècle de Sainte-Beuve, — oui, dans ce livre couronné par l’Académie. […] Millet s’approche d’eux, fait la bête, demande si une faux ça coupe bien, et si c’est difficile de faire ce qu’ils font, puis prend la faux, et la lançant à toute volée, donne une leçon aux paysans éplafourdis. […] Il tire de sa poche un petit album, grand comme un carnet de visite, et sur lequel il nous fait voir une vingtaine de lignes géométrales qui sont les plans des terrains, les lignes des horizons, qu’il est en train de prendre depuis une dizaine de jours. […] À votre entrée, vous êtes cloué au sol par un féroce : « Qu’est-ce que vous prenez ? et il faut prendre un petit verre d’eau-de-vie, de cette eau-de-vie de la basse prostitution qui vous entre dans la gorge comme un glaive à triple lames.

500. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

La critique littéraire, qui s’adresse à tout le monde, ne sait, en vérité, par quel bout prendre toute cette physiologie sanguinolente, — car le livre de Michelet, qui est autre chose aussi, veut être, avant tout, de la physiologie. […] Ce n’est pas pour rien que dans un livre célèbre, dix ans auparavant, l’auteur de l’Amour a essayé de déshonorer l’Église dans son prêtre : il voulait prendre à ce prêtre sa succession. […] Prenez la préface de ce volume, que l’impossibilité des citations empêche la critique de rouler par les escaliers, et dans la partie diable de cette préface (il y en a une qui ne l’est pas), vous apprendrez comment Michelet de simple professeur passa prêtre, et prit solennellement charge d’âmes. […] Les jeunes gens prennent la manie des conversations sérieuses, — (C’était déjà une manie !)  […] Même quand la grâce s’encaprice d’elle, elle en prend toujours, bégueule pédante, les tendresses pour des fatuités.

501. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Ils n’ont ni femme, ni enfants, ni neveux ; ils ne vont point dans le monde ; ils ne jouent point au whist ; ils ne prennent point de tabac ; ils ne font point de collections. […] Souvent l’un reconduit son ami ; arrivé, celui-ci reconduit l’autre, et ainsi de suite, eux toujours causant, avec une franche amitié et de la meilleure foi du monde, sans jamais disputer, tellement que chacun prend à l’occasion l’opinion de son adversaire et lui fournit des arguments. […] De temps en temps, il prend des notes sur un cahier relié fort propre, avec un porte-crayon d’argent, toujours rempli de mine de plomb choisie, d’une petite écriture régulière et nette, qu’un copiste admirerait. […] Il prend son plaisir où il le trouve, et prétend que les autres font comme lui. […] Pour savoir ce qu’est une fonction, vous prendrez la digestion, qui en est une, puis la circulation, la respiration, la locomotion, qui en sont d’autres, et vous regarderez quelle circonstance commune fait jaillir dans tous ces cas distincts le mot fonction, Pour savoir ce qu’est une nature, vous prendrez un animal, une plante, un minéral dont vous noterez les propriétés, et vous verrez que le mot nature apparaît au moment précis où vous avez fait la somme des faits importants et distinctifs.

502. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Princes et princesses descendent de leur piédestal et semblent prendre à tâche de dissiper eux-mêmes le prestige qui les environne. […] Il est pris entre les deux battants d’une porte, le corps d’un côté, la tête de l’autre. […] Les hommes d’action prennent leurs formules toutes faites dans les œuvres des penseurs qui les ont précédés. […] Marie-Joseph Chénier, quand il fait le portrait de Tibère, prend pour modèle un empereur qui n’est pas romain. […] Le drame, la comédie de mœurs, longtemps humiliés au profit de la tragédie, prennent le haut du pavé.

503. (1739) Vie de Molière

Il prit le nom de Molière, et il ne fit en changeant de nom que suivre l’exemple des comédiens d’Italie, et de ceux de l’hôtel de Bourgogne. […] Dès lors la troupe de Molière prit le titre de la Troupe de Monsieur, qui était son protecteur. […] Il faut que ceux qui apprennent notre langue dans les écrits des auteurs célèbres, y discernent ces petites fautes, et qu’ils ne les prennent pas pour des autorités. […] Il y a dans L’Avare quelques idées prises de Plaute, et embellies par Molière. […] C’est ce naturel grossier qui fait le plaisant de la comédie ; et voilà pourquoi ce n’est jamais que dans la vie commune qu’on prend les personnages comiques.

504. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Si je prends à partie M.  […] Il n’a guère que ce côté-là de franchement gai et il le prend pour son côté terrible. […] Il n’ouvre un roman qu’avec le parti pris de n’en pas croire un mot, il prend l’un comme il prendrait l’autre, ne s’occupe que de l’action, estime le roman ce qu’il estime les canards des faits divers. […] Si je prends à partie M.  […] Il prend MM. 

505. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Ce n’est pas d’ailleurs la seule liberté que prenne notre langue avec un idiome qui tirait sa puissance de la conquête et de la religion. […] Ces mots s’altéreront, se modifieront, s’accroîtront selon les progrès que fera l’esprit français, les développements qu’il prendra, les idées qui exerceront son activité. […] Si ses poésies ne mentent pas, cette fois il ne prit pas la vie légèrement. […] La femme d’Edouard III, Philippe de Hainaut, le prit sous sa protection. […] Ce que voyant ses gens, ils commencèrent fort à prendre de l’émoi, à se défaire et se mal maintenir.

506. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Mais comment le poète comique s’y prendra-t-il pour m’empêcher de m’émouvoir ? […] L’entrevue n’a pas plutôt pris fin que le père a tout oublié. […] Prenez tout autre personnage comique. […] Il s’entend parler, il se voit agir, mais il sent qu’un autre lui a emprunté son corps et lui a pris sa voix. […] La société se venge par lui des libertés qu’on a prises avec elle.

507. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Avec Montluc, il faut qu’on s’accoutume une bonne fois à prendre ce nom de Gascon au sérieux et en éloge ; ce nom alors ne s’était point encore usé et gâté aux railleries des deux siècles suivants. […] Il insiste peu sur ses débuts, et n’a pas les tendresses de l’enfance ni des premières années ; il ne pense qu’à prendre l’essor, à aller par-delà les monts, à voir l’Italie, le Milanais, qui depuis les expéditions de Charles VIII et de Louis XII était le champ de bataille et l’école militaire de la jeune noblesse. […] Les exemples, il les prend dans ce qu’il sait le mieux, c’est-à-dire dans ce qu’il a vu, et surtout dans ce qu’il a fait et dirigé ; il expose au long chaque entreprise de sa façon, même les plus secondaires en apparence, et il en tire des leçons directes ; chaque fait de guerre est suivi de son commentaire en règle et d’une exhortation. […] Il ne la garda pas toujours ; il reparaît comme simple volontaire et parmi les enfants perdus, à la journée de Pavie, mais il avait pris son rang de capitaine. […] Il s’informa et s’orienta si bien, il prit si exactement ses mesures et ses heures de départ, de marche nocturne et d’arrivée, il choisit et tria si soigneusement son monde, rien qu’une petite troupe (« car ce n’est pas tout d’avoir des hommes un grand nombre ; quelquefois il nuit plus qu’il ne profite »), il les dirigea si à point et calcula tout si en perfection, que, le bonheur y aidant, il vint à bout de cette faction, comme il l’appelle, ou prouesse.

508. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

L’explication que lui donna Montluc, si elle se trouvait dans une histoire ancienne, serait célèbre, et nous la saurions dès l’enfance : Alors, je lui répondis (au roi) que c’était une chose que j’avais trouvée facile ; et comme je le vis affectionné à la vouloir entendre, connaissant qu’il prenait plaisir d’en ouïr conter, je lui dis que je m’en étais allé un samedi au marché, et qu’en présence de tout le monde j’avais acheté un sac et une petite corde pour lier la bouche d’icelui, ensemble un fagot, ayant pris et chargé tout cela sur le col à la vue d’un chacun ; et comme je fus à ma chambre, je demandai du feu pour allumer le fagot, et après je pris le sac, et là j’y mis dedans toute mon ambition, toute mon avarice, mes haines particulières, ma paillardise, ma gourmandise, ma paresse, ma partialité, mon envie et mes particularités, et toutes mes humeurs de Gascogne, bref tout ce que je pus penser qui me pourrait nuire, à considérer tout ce qu’il me fallait faire pour son service ; puis après je liai fort la bouche du sac avec la corde, afin que rien n’en sortît, et mis tout cela dans le feu ; et alors je me trouvai net de toutes choses qui me pouvaient empêcher en tout ce qu’il fallait que je fisse pour le service de Sa Majesté. […] De plus, il avait encore deux petits flacons de ce vin grec que le marquis de Marignan lui avait laissé parvenir : Je m’en frottai un peu les mains, puis m’en lavai fort le visage, jusques à ce qu’il eût pris un peu de couleur rouge, et en bus, avec un petit morceau de pain, trois doigts, puis me regardai au miroir. […] Il ne se contente pas de décrire ces scènes extérieures et de nous dire en général les vicissitudes et la marche du siège : il entre dans toutes les particularités et le détail des mesures qu’il a prises pour le faire durer et le soutenir. […] Politiquement toutefois, la partie de ses mémoires qui traite des guerres civiles est fort à prendre en considération. […] C’est alors que le désir d’une plus absolue retraite le venait prendre quelquefois et le tentait de se vouer à une entière solitude : Il me ressouvenait toujours d’un prieuré assis dans les montagnes, que j’avais vu autrefois, partie en Espagne, partie en France, nommé Sarracoli : j’avais fantaisie de me retirer là en repos ; j’eusse vu la France et l’Espagne en même temps ; et si Dieu me prête vie, encore je ne sais que je ferai.

509. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Théophile Gautier, devenu chef d’un démembrement et d’une subdivision importante de l’école de Hugo, est de ceux qui n’ont pas craint à l’origine de prendre justement pour point d’appui, dans le talent initiateur, ce qui semblait à d’autres un excès ou une limite. […] Où est-il le dieu génésiaque qui prendra pitié de nous, et qui dira Fiat lux ! […] Je ne vois que des virtuoses. » Mais, encore une fois, à qui donc s’en prend ici M. du Camp ? […] Il est vrai que M. du Camp fait aussitôt un détour et qu’il s’en prend résolument de cette décadence de la littérature actuelle… à qui ? […] La préface de M. du Camp devient à cet endroit un champ de bataille ou plutôt une place d’exécution ; il prend corps à corps l’Académie française, il y établit des catégories, il promène sa liste d’amnistie ou de prescription sur la tête des quarante.

510. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Cette dernière, provenant de la Bibliothèque du Louvre, où très peu de personnes avaient eu l’idée de la consulter jusqu’ici, est la moins importante, ou pour parler plus exactement, la moins agréable, et si on l’avait donnée seule et sans l’autre, on courait risque de prendre Vauvenargues par un aspect qui aurait pu le diminuer, ou du moins qui ne le grandissait pas. […] J’ai eu quelque pensée sur M. d’Oraison ; il a un fils qu’il voulait mettre au Régiment du roi ; je le défie de l’y faire entrer, à qui que ce soit qu’il s’adresse ; mais il est riche, il a des amis ; cela ne le touchera guère ; il trouvera bien à le placer : cependant, s’il persistait à le vouloir avec nous, je le prendrais bien sur moi, et je lui tiendrais parole ; mais comment lui dire cela, comment même l’en persuader ? Il est encore venu dans mon esprit qu’il a des filles, et que je pourrais m’engager à en épouser une, dans deux ans, avec une dot raisonnable, s’il voulait me prêter l’argent dont j’ai besoin, et que je ne le rendisse point au bout du terme que je prends. Mais comme il est impossible à un fils de famille de prendre des engagements de cette force, c’est une proposition à se faire berner et très digne de risée. […] La correspondance avec Saint-Vincens finit pourtant sur des impressions plus satisfaisantes et plus conformes à l’idée première et dernière qu’on doit prendre de Vauvenargues.

511. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Mais, apprenant que Blucher en personne s’avance pour avoir raison de l’affront de ses lieutenants, il revient sur Montmirail ; le 14 au matin, rejoignant Marmont qui tient tête à Blucher, il prend à l’instant l’offensive et fait perdre au généralissime prussien de 9 à 10000 hommes ; c’est la journée dite de Vauchamps. […] Vous manquez d’attelages : prenez-en partout. […] Vous devez avoir un noyau de plus de 6000 hommes de troupes d’élite ; je n’en ai pas tant, et j’ai pourtant détruit trois armées, fait 40000 prisonniers, pris 200 pièces de canon et sauvé trois fois la capitale. […] J’ai pris plaisir (le seul plaisir qu’on puisse prendre dans cette émouvante et douloureuse lecture) à circonscrire cet intervalle lumineux des belles journées de février, à détacher cette magnifique éclaircie dans le ciel le plus sombre, — ce qu’on peut appeler une dernière campagne d’Italie dans celle de France. […] C’est le même sentiment d’honneur héroïque et royal, et du noble orgueil invincible qu’on n’en saurait séparer, qui faisait dire au grand Frédéric, au moment le plus désespéré de la guerre de Sept Ans et dans les heures terribles où il songeait à se donner la mort, plutôt que de signer son déshonneur et celui de sa patrie (juillet-octobre 1757) : J’ai cru qu’étant roi, il me convenait de penser en souverain, et j’ai pris pour principe que la réputation d’un prince devait lui être plus chère que la vie… Je suis très résolu de lutter encore contre l’infortune ; mais en même temps suis-je aussi résolu de ne pas signer ma honte et l’opprobre de ma maison… Si vous prenez la résolution que j’ai prise (la sœur généreuse à laquelle il écrit, la margrave de Baireuth, avait résolu de mourir en même temps que lui), nous finissons ensemble nos malheurs et notre infortune, et c’est à ceux qui restent au monde à pourvoir aux soins dont ils seront chargés, et à porter le poids que nous avons soutenu si longtemps.

512. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Poète élevé, froid et sage, il prend avec une sincérité, j’allais dire avec une fatuité naïve, son propre patron pour le patron universel. […] où a-t-il pris cela ? […] Socrate et Aristophane sont en Grèce les deux fondateurs du genre, et ils ont été aux prises : «  Merveilleux exemple, s’écrie M. de Laprade, de la vraie destination de l’ironie et de toutes les œuvres qui s’y rattachent ! […] Quoi qu’il en soit, M. de Laprade a pris la thèse au sérieux, et il s’est attaché à prouver méthodiquement que les machines ne sont pas poétiques ni conformes à l’idée primordiale du beau. […] J’ai pris moi-même la part qui me revient de ces allusions timidement désobligeantes, et j’y ai acquis (ce que je ne recherche ni ne fuis jamais) le droit de dire, même à un confrère, la vérité.

513. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Mais nous ne prenons pas si méthodiquement les choses ; nous n’accordons pas tant à ces grands desseins qu’on développe sur le papier, à ces vues que les gens d’esprit ne sont pas embarrassés de trouver après coup. […] Appuyé qu’il est à ces hautes colonnes du temple, regardez-le d’un peu loin : la menace s’ennoblit, la laideur s’efface ; ses invectives les plus grosses, comme ses méchancetés les plus fines, prennent aisément un caractère de justice inexorable et de sévérité vengeresse. […] Quand je dis chez nous, je le prendrai plutôt à côté de chez nous, s’il vous plaît, et s’exerçant sur le compte des hommes politiques d’une époque déjà ancienne. […] Veuillot quelques-uns de nos défauts pour nous en corriger ; mais prenons bien garde, nous pourrions, tout à côté, nous amuser un peu trop de ce qu’il dit des autres : tant la nature est maligne, tant le tour qu’il donne aux choses estplaisant ! […] Le temps, ce ravisseur de toute joie humaine, Nous prend jusqu’à nos pleurs, tant Dieu veut nous sevrer !

514. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Pour un homme venu de rien, il a pris aisément les manières de la Cour. […] Racine désirait, je le trouvai de plus si formé et plein de tant de raison, de bons sentiments et de bon goût, qu’après avoir pris langue du père et de la mère qui m’applaudirent, je fis la proposition à M.  […] Tout Paris prend grande part à son danger comme toute la Cour ; et tout le monde souhaite passionnément sa conservation105. […] Le public, informé de ces misères, se prit à en rire. […] Le roi et Mme de Maintenon ont paru prendre un fort grand intérêt à sa maladie… »

515. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Je pense que de faire crier les Hollandais et nous d’en rire est un parti qu’il a fallu toujours prendre, et puisqu’il l’est, il ne faut pas l’abandonner, surtout quand on a quelqu’un comme vous pour les goguenarder ; car, ma foi ! […] Toutes ces précautions prises, voici la lettre entière, qui me semble déjà contenir en soi le relâchement et la décadence de celui qui n’aura été héros qu’un instant : M. le comte de Clermont à M. d’Élèvemont. […] Cependant elle prend son parti, à ce que je crois, car je souffre moins aujourd’hui, malgré une grande promenade que je lui ai fait faire hier ; je vais tâcher de lui donner le dernier coup de pouce. […] Le comte de Clermont croyait avoir fait tout seul cette pièce, absolument comme il croyait avoir pris Namur. […] Quelques-uns, et de ceux-là mêmes qui se trouvaient pris à l’improviste, faisant aussitôt du zèle, avaient proposé de voter par acclamation ; mais la majorité voulut suivre les usages, et on alla au scrutin.

516. (1864) Études sur Shakespeare

Les conventions y prennent la place des réalités ; les mœurs y deviennent factices et faibles. […] Elle languit si elle se détache du sol où elle a pris racine. […] Shakespeare semble avoir pris soin de le constater. […] C’est là que Shakespeare semble attendre l’événement ; c’est là qu’il le prend pour le peindre. […] Qui pourrait, sans de telles circonstances, prendre intérêt à cette scène d’enfantillages maternels ?

517. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Mais Caliste le déteste, ce gros million qu’elle traîne partout après elle ; il lui fait prendre l’amour en doute, la fortune en haine. […] On dirait qu’il recule pour ne pas sauter ; qu’il espère qu’on n’a pas pris son refus au mot et qu’il sera retenu malgré lui. […] Et quelle nostalgie atroce te prendrait, à l’heure de la Bourse, lorsqu’en menant paître tes moutons, tu entendrais de loin le ranz des veaux d’or ! […] Ainsi pris au piège, il faut bien que le jeune Henri avoue sa mésalliance. […] Au troisième acte, l’action s’embrouille et se brusque : Olympe a pris son parti, elle veut de l’argent et sa liberté.

518. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Et toi, Kondrate, sache dorénavant chez qui tu dois prendre leçon. […] Celle-ci l’avait abordée en pleine église et l’avait invitée à venir prendre une tasse de thé. […] Prends-le ; c’est moi qui veux faire dire cette messe. […] Lemme s’anima, s’électrisa, prit un rouleau de papier, et battit la mesure. […] Une génération nombreuse prit la place de cette génération disparue.

519. (1898) Essai sur Goethe

Prends-les ! […] A-t-il pris le sentier ? […] Que le diable les prenne, mes amis ! […] Kuno Fischer, le « sujet » s’est pris pour l’« objet ». […] Elle ne prenait aucune part à sa vie intellectuelle.

520. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Comment va-t-elle prendre corps ? […] Qui prendre ? […] Celle-ci procède par grands partis pris d’ombre et de lumière. […] Mais d’ailleurs en quel sens prend-il ce mot ? […] Comme eux, il a pris Napoléon pour son héros.

521. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

Elle prit des arrangemens pour s’en procurer une visite. […] Mademoiselle de Gournai le prit sur un ton fort haut, & lui demanda s’il venoit pour l’insulter. […] pour cela , répondit du Perron, je crois que le lieutenant n’ordonnera pas qu’on la prenne au corps. Il s’en trouveroit fort peu qui voudroient prendre cette peine ; &, pour ce qui est dit qu’elle a servi le public, ç’a été si particulièrement, qu’on n’en parle que par conjecture.

522. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Avec son visage long ; son air indolent et fade, on le prendrait pour un robin déguisé. […] La différence qu’il y a entre la Magdelaine du Correge et celle de Vanloo ; c’est qu’on s’approche tout doucement par derrière de la Magdelaine du Correge, qu’on se baisse sans faire le moindre bruit, et qu’on prend le bas de son vêtement seulement pour voir si les formes sont aussi belles là-dessous qu’elles se dessinent au dehors ; au lieu qu’on ne forme nulle entreprise sur celle de Vanloo. […] Quiconque veut décocher une flèche, prend son arc de la main gauche, étend ce bras, place sa flèche, saisit la corde et la flèche, de la main droite, les tire à lui de toute sa force, avance une jambe en avant, et recule en arrière, s’efface le corps un peu sur un côté, se penche vers l’endroit qu’il menace, et se déploie dans toute sa longueur. […] Tout prend sa juste mesure.

523. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres » pp. 122-127

Il seroit superflu d’expliquer ici en quel sens je prend le mot de petit ouvrage, car un tableau de trois pieds peut être quelquefois un grand ouvrage. […] Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du peintre qu’on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce peintre. […] Un homme sans génie, mais qui a lû beaucoup de vers, peut bien, en arrangeant ses reminiscences avec discernement, composer une épigramme qui ressemblera si bien à celles de Martial, qu’on pourra la prendre pour être de ce poëte. […] Muret a bien pû faire prendre six vers qu’il avoit composez lui-même pour six vers de Trabea, poëte comique latin, qui vêquit six cens ans après la fondation de Rome.

524. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Il pense par explosions ; ses émotions sont des sursauts, ses images sont des étincelles ; il se lâche tout entier, il se livre au lecteur, c’est pourquoi il le prend. […] Sa démonstration se noue, maille à maille, pendant un, deux, trois volumes, comme un énorme filet sans issue, où, bon gré, mal gré, on reste pris. […] C’est pourquoi il a deux prises sur l’esprit public, l’une par la satire, l’autre par l’idylle  Sans doute aujourd’hui ces deux prises sont moindres ; la substance qu’elles saisissaient s’est dérobée ; nous ne sommes plus les auditeurs auxquels il s’adressait. […] Aussi son premier discours contre les arts et les lettres « prend tout de suite par-dessus les nues ». […] Recevoir, prendre et demander, voilà le secret en trois mots, etc. » — Et tout le monologue de Figaro, toutes les scènes avec Bridoison.

525. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Son père, chirurgien estimé, sorti de l’Agenois, était venu prendre femme dans le Boulonnais et s’y établir. […] On pourrait prendre, à chaque régime, des noms pour les opposer au sien et marquer en lui cette différence qui fait son originalité, sinon sa supériorité. […] L’ancien oratorien et prêtre, l’homme d’étude et l’écrivain en lui, sauf de rares moments, sont toujours venus prendre en biais et tenir en arrêt l’homme politique. […] Il faut choisir : nous nous bornerons à le prendre à deux ou trois moments qui nous le peindront. […] Quelquefois pourtant, quand l’insomnie le prenait, il se levait plus tôt, et dès deux heures du matin « Mais pourquoi ne pas rester au lit ?

526. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Ce roman, le meilleur à tout prendre qu’il ait écrit, est là pour répondre. […] Au siècle dernier, on disait les gens de lettres ; mais quel écrivain, pris individuellement, s’avisait de s’intituler homme de lettres ? De nos jours encore, on ne prend cette qualification que si l’on ne peut pas en prendre une autre. […] Machinalement je m’arrête, je prends la brochure, et je me mets à la parcourir d’un œil distrait. […] Prudhomme, qui l’aura menée prendre des leçons chez Brard et Saint-Omer.

527. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

On était à l’affût pour prendre copie de tout ce qu’écrivait la mère Angélique, et, avant de faire partir ses lettres, on en retenait des doubles à son insu. […] Faugère a dit ce qui était à dire ; il a fait valoir les lettres et celle qui les a écrites par tous les bons endroits ; il a écarté avec raison tout ce qui est de controverse, et il n’a présenté la publication dont il a pris soin que comme une œuvre d’histoire et de piété. […] Mais elle est plus dans le sens de sa propre nature et de son goût, lorsqu’à l’occasion du miracle ou prétendu miracle de la Sainte-Épine, dont Port-Royal était si glorieux, elle engage la même Mlle Pascal, devenue la sœur Euphémie, à le célébrer en vers : et elle fut grondée pour avoir pris sur elle de lui donner ce conseil à demi littéraire et profane. […] Il gardait d’abord des habitudes de luxe, de l’argenterie, un carrosse ; il se dépouilla peu à peu et s’accoutuma à tout mettre au service du monastère pour lequel il s’était pris d’un saint enthousiasme. […] Il faut savoir qu’autrefois du temps de ses guerres, au sac d’une ville, il avait trouvé un enfant abandonné sur un fumier, une petite fille ; il l’avait emportée dans son manteau et en avait pris soin depuis, la faisant élever dans un couvent.

/ 3738