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1207. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Si l’on pouvait supposer que l’auteur en a conçu un moment le projet, l’invention avec un but quelconque, on ne le supporterait pas.

1208. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Et qu’on me permette ici une réflexion générale qui s’applique à cette époque et à beaucoup d’autres : il y a, dans les divers états de la société et aux divers degrés de la civilisation, des facultés nécessaires et des talents qui, répandus par la nature sur certains hommes, diffèrent beaucoup moins qu’on ne suppose de ces mêmes talents, développés à des époques en apparence plus favorisées.

1209. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Vous devez naturellement supposer que Watt a été nommé pair. — On n’y a pas même pensé. — S’il faut parler net, tant pis pour la pairie que le nom de Watt eût honorée ! 

1210. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

C’est l’objet des vœux et des regrets du monde : des regrets supposent nécessairement une perte un changement, un ancien état détruit. » Il analyse ce qui pour chacun en particulier, à mesure qu’on avance dans la vie, peut s’appeler l’âge d’or : Qui ne regrette pas, s’écrie-t-il, le temps de sa jeunesse ?

1211. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il disait de la gravure des Moissonneurs, par Mercuri : D’après tout ce que j’avais entendu dire de la planche de Mercuri, je la supposais bien, mais j’y ai trouvé surtout ce qu’on ne trouve pas toujours dans les productions des arts : je veux parler du sentiment d’amour et de plaisir que l’on devrait toujours avoir pour l’exécution : c’est le véritable charme des arts.

1212. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

En parlant de ce monde-là, de la haute société dans les premières années du règne de Louis XVI, la vicomtesse de Noailles lui donne plus de vie qu’on ne lui en voit et qu’on ne lui en supposerait en lisant les lettres de Mme de Créqui ; elle lui prête peut-être un peu de ce rajeunissement qui était en elle, personne du xvie  siècle et qu’avaient caressée les souffles nouveaux.

1213. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Il en est un peu de cet art d’esprit comme de la toilette des personnages, desquels Bussy remarque volontiers qu’ils ont bien de la propreté ou qu’ils sont malpropres, ce qui ne veut pas toujours dire qu’ils se mettent bien ou mal ; cela veut dire qu’ils se soignent ou ne se soignent pas, et suppose qu’il y avait une certaine moyenne de propreté qui n’était pas alors en usage et de rigueur.

1214. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

dans cette maison de silence et de paix, un jeune homme obscur, timide, que Lamennais, distrait par ses visions sociales apocalyptiques, ne distingua jamais des autres, à qui il ne supposait que des facultés très ordinaires, et qui dans ce même temps où le maître forgeait sur son enclume ces foudres qu’on appelle les Paroles d’un croyant, écrivait, — lui —, des pages intimes beaucoup plus naturelles, plus fraîches, — tranchons le mot, plus belles —, et faites pour toucher à jamais les âmes éprises de cette vie universelle qui s’exhale et se respire au sein des bois, au bord des mers.

1215. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Il ne paraît pas supposer qu’il y ait des souverainetés qui recommencent, des dynasties nouvelles qui prennent racine, quand les anciennes dépérissent et sont rejetées.

1216. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Sayous suppose apparemment que nous savons tout cela, et il ne nous croit pas aussi ignorants que nous le sommes sur ces matières du dehors, même quand elles appartiendraient à un État plus considérable que celui de Genève.

1217. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Quoi qu’il en soit, il est difficile de supposer qu’un autre que Saint-Just ait exercé cette autorité durant le voyage et ait usurpé son nom au dernier moment.

1218. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Puis, lorsqu’en avançant dans sa lecture il en fut à l’autre passage sur Mme de Noailles et son joli cou qu’il supposait soumis à la guillotine, je laisse à penser si cela ne répandit pas un nuage sur le front de gens dont les proches y avaient en effet passé et avaient eu le cou coupé tout de bon.

1219. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

En toutes choses il faut traiter les hommes de la sorte et leur supposer les vertus qu’on veut leur inspirer. » Je suis extrêmement frappé, dans ces paroles venues de Sainte-Hélène, du point de vue auquel se place invariablement Napoléon.

1220. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Mais pourquoi supposer que la perte du voile et son effet sur le moral des Mercenaires, de ce ramas de bandits et de vieux routiers mécréants, sont pour quelque chose dans cette défaite ?

1221. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Il y a, me dit-on, en Italie à cette heure, à défaut d’un grand ministre dirigeant, une épidémie de bon sens et de sens commun dans toute ]a nation : heureuse et vraiment merveilleuse affection des esprits, qui suppose un peuple de rare qualité et déjà mûr !

1222. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Bouterwek avait commencé, et il attribuait à Cervantes une idée plus haute que celle d’avoir voulu décréditer les mauvais romans de chevalerie, bien qu’il lui reconnût aussi cette dernière intention, mais seulement comme occasionnelle et secondaire ; il la réduisait au point de la subordonner tout à fait à je ne sais quelle vue supérieure : « On ne saurait supposer, disait-il, que Cervantes ait eu l’absurde pensée de vouloir prouver l’influence fâcheuse des romans sur le public, par la folie d’un individu qui aurait pu tout aussi bien perdre la tête en lisant Platon ou Aristote.

1223. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Son Napoléon, tel qu’il l’avait conçu et qu’il l’avait vérifié par une longue étude, était d’un seul jet, et le Consulat, l’Empire, envisagés par lui dans leur continuité, offraient moins de déviations et d’écarts qu’on n’en suppose d’ordinaire.

1224. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Sa lutte avec Voltaire, j’en conviens, semble aujourd’hui, et à la voir d’un peu loin, son plus beau côté ; elle suppose un certain courage.

1225. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

À cette vue, le maréchal s’emporta : « Comment pouvez-vous supposer que des Français conduits par l’Empereur puissent reculer ?

1226. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Et c’est précisément le défaut général de tous les penseurs du temps, de ne point assurer suffisamment les principes de leurs raisonnements, d’ignorer, de mépriser, de mal voir les faits, de supposer constamment la réalité adéquate à leur idée.

1227. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Je ne suppose pas en effet que l’entrée triomphale sous la coupole du général Lyautey, de Monseigneur Tartempion et du Vaudevilliste auquel la Patrie reconnaissante est redevable de L’Institut de Beauté, ait panaché les lettres françaises d’un prestige éblouissant.

1228. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

On a parfois supposé que, la rédaction du Talmud étant postérieure à celle des Évangiles, des emprunts ont pu être faits par les compilateurs juifs à la morale chrétienne.

1229. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

On supposait que les Filles mêmes de l’Enfance avaient été façonnées à ce travail d’imprimerie.

1230. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Une telle expression suppose un âge assez avancé pour qu’il y ait eu déjà comme un recensement et un classement dans la littérature.

1231. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

À une question qui lui fut faite sur un piano qui était dans la chambre et qu’on supposait pouvoir la distraire : « Non, monsieur, répondit-elle, ce piano n’est pas à moi, c’est celui de la reine ; je n’y ai pas touché, et je n’y toucherai pas. » À une autre question sur sa bibliothèque, qui se composait de l’Imitation de Jésus-Christ et de quelques livres de piété, et qui était peut-être insuffisante pour la désennuyer : « Non, monsieur, répondit-elle encore ; ces livres sont précisément les seuls qui conviennent à ma situation. » Ce moment qui s’écoula entre le 9 Thermidor et la délivrance de la princesse aux derniers jours de l’année 1795, fut celui où toute une littérature royaliste essaya d’éclore autour d’elle.

1232. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Je ne suppose pas qu’elle puisse influer sur ma position d’une manière notable.

1233. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

L’affaire était si avancée, et même pour le point le plus délicat, pour la déclaration de catholicité, Madame la supposait si près de se conclure, qu’elle crut pouvoir avertir Cosnac d’un grand présent et d’une surprise qu’elle lui préparait.

1234. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Mais qu’il tombe : le soir même de la disgrâce, m’assure-t-on, subitement, rudement, avec une brutalité dont je n’ai jamais été témoin, le vide se fait autour de lui ; quand je dis le soir, ce n’est peut-être que le lendemain ; car je ne puis supposer que, pour la forme, quelques politesses au moins n’arrivent pas ; puis, la cérémonie faite, il ne reste que les amis.

1235. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

On a discuté sur l’exactitude de ce dernier fait, qui est devenu une sorte de légende ; j’incline à le croire exact, et à supposer que cet habit est le même que Mme Du Deffand a mentionné, quand elle écrivait en mars 1778 : « M. 

1236. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Barthélemy y a supposé Platon entouré de quelques disciples, et discourant sur la formation du monde.

1237. (1903) Zola pp. 3-31

On ne s’arrêta pas au non-sens de l’expression qui suppose que l’on peut faire des expériences sur les caractères des hommes, alors qu’on ne peut faire sur eux que des observations ; et l’on comprit que M. 

1238. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

On suppose ici l’exemple pourvu d’un pouvoir de suggestion.

1239. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Dans les deux cas, ces émotions sont celles-là mêmes qu’il importe de déterminer chez l’artiste qu’on étudie, et, de fait, la plupart des œuvres littéraires, qui appartiennent à ce genre sont autobiographiques ; dans les deux cas on peut conclure directement à l’existence permanente chez l’auteur des émotions de l’œuvre, et déduire de celle-ci les conditions mentales qu’elles supposent.

1240. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

L’expression exige une imagination forte, une verve brûlante, l’art de susciter des fantômes, de les animer[,] de les agrandir ; l’ordonnance, en poésie ainsi qu’en peinture, suppose un certain tempérament de jugement et de verve, de chaleur et de sagesse, d’ivresse et de sens froid dont les exemples ne sont pas communs en nature.

1241. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

On ne peut les résorber dans les éléments sans se contredire, puisque, par définition, ils supposent autre chose que ce que contiennent ces éléments.

1242. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Il faut faire grande attention aux entrées et aux sorties des acteurs, à leurs mouvements, indiqués quelquefois par le texte, à l’attitude que ce qu’ils disent suppose qu’ils doivent avoir, aux jeux de physionomie que leurs paroles permettent d’imaginer.

1243. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Le simple bon sens conseillait de ne pas s’arrêter à une étiquette un peu hardie et de ne pas nous supposer gratuitement absurde.

1244. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Gustave Droz, l’auteur d’Autour d’une source, a vu dans les derniers faits miraculeux qui ont réjoui les cœurs catholiques et que des plumes catholiques ont attestés, un prétexte, non pas à discussion, mais à roman, et il a fait le sien, d’un point de vue humain qui pourrait très bien être… Il a supposé que l’ardente Spéculation moderne, qui met ses mains avides sur tout, pouvait se servir d’un miracle, ou plutôt du mirage d’un miracle, pour faire ses affaires impudemment, malhonnêtement, abominablement, et il a construit un récit dans ce sens qui pourrait être vrai, qui ne l’est pas encore dans l’histoire de nos mœurs, mais qui pourrait l’être, et en construisant ce récit — rendons-lui cette justice ! 

1245. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

J’ai besoin de me le redire pour le croire, tant il me semblerait naturel de supposer que ce petit livre a paru en pleine Restauration. […] Carnot d’avoir adopté le point de vue qui suppose une direction unique chez tous les partis de la Révolution ; car il me semble y voir une pensée de conciliation, et j’aime à croire que chez lui la confusion n’est peut-être, après tout, que le désir de la fusion. […] Michel-Ange, on peut le supposer, nous eût donné des damnés robustes, musculeux, sublimes à coup sûr, mais ne rappelant en rien les âmes énigmatiques et symboliques de Dante. […] Mais voilà que des esprits scrupuleux dans le public ont soulevé une objection grave, — car on aurait tort de supposer qu’il n’y a que les académiciens qui prennent l’Académie au sérieux. […] Prospérité suppose capacité.

1246. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Supposé que les genres existent, et, même a priori, je ne vois guère comment on le nierait, — car enfin une Ode, qu’à la rigueur on peut confondre avec une Chanson, n’est pas une Comédie de caractères, par exemple ; et un Paysage n’est pas une Statue ; — supposé donc qu’ils existent, comment les genres se dégagent-ils de l’indétermination primitive ? […] L’impression même est un total, dont on suppose que les éléments sont nécessairement contenus dans l’œuvre qui la produit. […] Par exemple, est-il naturel d’être hydrocéphale, je suppose, bec-de-lièvre ou pied bot ? […] Vous avez tous lu, je le suppose, le Génie du christianisme, et si vous ne l’avez pas lu, je vous invite à vous empresser de le lire. […] Supposez un grand talent de moins, supposez le monde ou mieux le miroir magique d’un seul vrai poète brisé dans son berceau à sa naissance, il ne s’en rencontrera plus jamais un autre qui soit exactement le même ni qui en tienne lieu.

1247. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

« Je voudrais bien, lui écrit-elle, dans une lettre datée du mois de juin 1769, je voudrais bien qu’il me fût possible d’admettre cette Providence que vous supposez actuellement, parce que vous en avez besoin. […] Supposé qu’il ait emprunté à Bulwer le sujet de son drame, le coup de génie a été justement de le dépayser ou de le transporter. […] Mais n’aurait-il pas quelque chose de plus honteux que criminel, si nous pouvions supposer qu’il s’y mêle quelque pensée de lucre ; et qu’en essayant de séduire son beau-père, elle songeât à sa fortune autant qu’à sa passion ? […] Il eût trouvé honteux de réussir par de certains moyens ; et supposé qu’étant homme, il eût pu concevoir l’idée de rivaliser de « hardiesse » avec ses successeurs, c’est la qualité de son éducation, c’est la sûreté de son goût, c’est la noblesse de ses sentiments et la hauteur de son caractère qui l’en auraient encore préservé. […] Étant posé, ou supposé, si l’on veut, que la Bible soit un livre comme un autre, c’est-à-dire auquel on puisse appliquer, pour l’étudier, les mêmes moyens que, par exemple, au Bhagavata-Pourana, M. 

1248. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Elles supposent deux conceptions de la vie si différentes en elles-mêmes, et si diverses dans leurs conséquences ! […] Elle invective Alexandre ; elle prononce presque les seuls vers de la pièce qui puissent faire supposer qu’il s’agit, après tout, de vraies batailles, de batailles où des milliers d’hommes sont tués et où le sang coule à flots : Et que vous avaient fait tant de villes captives, Tant de morts dont l’Hydaspe a vu couvrir ses rives ? […] Il suppose que Titus devait épouser Domitie, mais que, tandis que Titus aime Bérénice, Domitie de son côté aime Domitian. […] Est-ce que ses façons ne sont pas de fort belles façons, et qui supposent délicatesse morale, respect de la femme, fierté disciplinée, maîtrise de soi ?  […] Il entendait montrer que nous ne pouvons rien, dans l’ordre du salut, sans la grâce de Dieu : c’était donc fortifier sa thèse que de supposer Phèdre « humainement » honnête, de lui prêter toutes les excuses, de multiplier autour d’elle les circonstances atténuantes ; bref, de ne pas la faire odieuse.

1249. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Ce sont des accidents humains et qui supposent certaines données, des effets et qui manifestent certaines causes. […] Si le roman est de la vie racontée, il suppose un narrateur. […] Le récit par témoin suppose un coup d’œil rétrospectif qui n’est guère favorable à cette qualité. […] Ne soyons pas dupes de la petite attitude byronienne qu’elle suppose et qui la date. […] Ne voyant pas fonctionner en elle ces causes intellectuelles auxquelles l’écrivain attribue sa corruption, il nous est loisible de supposer qu’elles furent seulement des occasions.

1250. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

On peut dire sans exagération mythologique que M. de Balzac a été, sa vie durant, le Tantale du succès de théâtre ; et ce trait suffirait, au besoin, pour fixer le niveau intellectuel et moral que suppose cette préoccupation constante de la question d’argent. […] Hugo a inscrites au bas de chacun de ces poëmes, grands et petits ; mais il est facile de supposer qu’il ait pu se tromper dans cette masse de dix mille vers, et qu’assis au bord de l’infini où il découvre des choses bien faites pour donner le vertige, il n’ait plus aperçu que confusément ce qui s’était passé derrière lui. […] On sourit en songeant au chiffre que suppose la dernière date. […] L’auteur se suppose enlevé par un spectre au haut d’un promontoire, et là, de sa bouche d’ombre, le spectre lui enseigne des choses qui sont, en effet, très ombrées. […] Ce cours, si familier qu’on le suppose, ne saurait exister sans un peu de critique, d’analyse, d’étude des ouvrages d’autrui, et c’est là ce qui manque le plus à l’illustre écrivain.

1251. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Sans se permettre de conclure définitivement, on peut cependant supposer que Sainte-Beuve, qui était tendrement aimé par Victor Hugo, qui vivait dans son intimité la plus absolue, dont la présence était devenue une nécessité pour lui, ne resta pas indifférent à la beauté et au charme de la femme de son illustre ami. […] Ce qui peut être supposé, c’est que madame Victor Hugo, ne trouvant pas la situation assez nettement établie par son mari, écrivit à Sainte-Beuve de faire en sorte qu’elle le fût. […] » Le surlendemain, quand je reparus devant la grille, elle me tendit la grammaire, afin de me permettre de suivre la récitation de ce qu’elle était supposée avoir appris par cœur. […] » — Et que tu invoques en disant ton Pater, » — Par suite, ce que nous pensons être la Vérité, la Vertu, la Pudeur, le Droit, l’Honneur… » — A beaucoup de chance pour ne rien moins être que cela, si l’on suppose, il est vrai, que n’importe quel mot ait en effet telle signification plutôt que telle autre, et, encore, qu’il ne faille pas croire que l’inverse soit précisément le Contraire. […] Avec une candeur qu’on ne saurait supposer à un homme qui avait assez vu de la vie pour la connaître, il déclaré, dans ses Mémoires qui viennent de paraître, qu’il avait pris toutes les précautions de langage pour adoucir sa pensée.

1252. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Supposez que ce lyrique cesse de composer des odes ou des élégies, et qu’il aborde d’autres genres, il y apportera les mêmes habitudes d’esprit. […] Supposons donc qu’une jeune aristocrate s’est éprise du bourreau, qu’une chaise de poste s’arrête sous les fenêtres d’un docteur, et que le docteur reçoit d’un homme masqué le soin d’élever l’enfant du mystère. […] De cette idée juste qu’une généralisation suppose d’abord la réunion d’un nombre considérable de petits faits, est issue la méthode du « document humain » connue surtout pour l’abus qu’on en a fait. […] L’individu n’accomplit que les actions qu’il aurait pu accomplir dans certaines conditions, à quelque moment de sa vie : l’acte commis dans l’état d’hypnotisme suppose déjà une prédisposition. […] Supposez qu’une lubie d’amour lui passe par la tête.

1253. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

En fait d’impressions fortes, je n’en ai éprouvé de vraies que deux : dans l’enfance à treize ans, le duc de H… Je le dis par souvenir, car je ne m’en souviens plus et suppose que dans cette passion il y avait beaucoup d’exaltation préparée d’avance, dont j’avais tout plein pour toutes choses et dont je ne savais que faire. […] Car je suppose que cela doit être approprié à la disposition des ornements intérieurs, et sans doute les principales images sont déjà commandées à des célébrités russes. […] Some… suppose few, were so wicked, and I feel unfortunately so deeply the antipathy ! […] Mais supposez qu’ils en aient. […] Supposez un écrivain qui a exprimé des sentiments républicains et qui se permet le lendemain de rendre justice à… au prince Napoléon, par exemple, de trouver qu’il a de l’esprit ou du talent.

1254. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Quoique d’ordinaire on ne sache jamais bien ces choses, une anecdote qui courut dans le temps, et qui est singulière72, empêche de croire qu’elle lui ait toujours résisté ; il y eut un moment où elle lui céda ; elle sut, malgré tout, ne pas trop s’abandonner et observer assez exactement les convenances, tant que vécut son mari ; et, après qu’elle l’eut perdu, elle tint bon plus qu’on ne l’aurait pu supposer ; elle résista à son penchant par devoir de mère et dévouement pour ses filles, et refusa de se remarier. […] Elles ajoutent peu à la connaissance de Mme de Verdelin ; mais, en ce qui est de Rousseau, elles m’ont prouvé qu’en certains endroits j’aurais pu accentuer davantage et marquer plus vivement sa reconnaissance bien sincère envers son ancienne voisine ; il s’y découvre chez lui un côté plus ouvert et plus habituellement attendri qu’on n’oserait le supposer d’après le résultat final.

1255. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Les grands poètes du règne de Louis XIV, et leur gloire solide, se prêtaient mal à la gentillesse de rôle que suppose ce titre raffiné. […] Delille vit la Révolution avec les sentiments qu’on peut aisément supposer, et tout d’abord il s’écarta.

1256. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Est-il même besoin de supposer qu’il y retourna, si l’on admet qu’il y était déjà allé au sortir de l’île de Cos ? […] Il y a une petite églogue, la neuvième, qui a fort occupé les commentateurs, et qui me paraîtrait avoir un sens assez simple, si l’on supposait que le poëte l’a écrite en revenant au genre pastoral après quelque infidélité et quelque distraction qu’il s’était permise ; un autre amour l’avait un moment séduit : c’est un retour, une sorte de réparation aux Muses bucoliques.

1257. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Edélestand Du Méril, qui a publié lui-même des ouvrages approfondis sur le moyen âge français et bas-latin, et qui a regardé de très-près à toutes ces questions d’origines, a exprimé des doutes, et soutenu que tenter d’appliquer à notre vieux français cette rigueur grammaticale, cette précision philologique, vouloir en traiter les textes manuscrits comme l’on a fait les livres venus de l’antiquité, c’était rapprocher des choses profondément dissemblables, c’était faire une création rétroactive, supposer aux monuments du vieux français une pureté systématique qui lui est le plus étrangère, et chercher, dans ce qui est de soi informe et variable à l’infini, un ordre et une règle qu’on peut y mettre à toute force, mais qui ne s’y trouvent point35. De telles objections, qui nous avertissent nous-mêmes de ne nous avancer en tout ceci qu’avec prudence, me feraient encore plus d’impression, je l’avoue, s’il ne me semblait qu’elles supposent entre d’aussi estimables hommes d’étude plus de dissidences qu’il n’en subsistera après éclaircissement, et je ne doute pas que les esprits sévères auxquels elles s’adressent ne soient disposés à tenir compte de tout ce qu’il y aura de fondé dans une opinion qui se fait plus contraire qu’elle ne peut l’être : car enfin on ne dit pas, d’un côté, qu’il n’y a, du xie au xiii e siècle, qu’une seule langue française uniforme, de même que, de l’autre côté, on ne peut pas vouloir dire qu’il y a autant de langues françaises différentes qu’il y a de manuscrits ou de clochers.

1258. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Mais supposez le cas inverse : admettez que dans la veille aussi bien que dans le sommeil, et par exemple dans l’extase ou dans la fougue de l’action, cette sensation, malgré l’ébranlement du nerf, soit absente ou comme absente, c’est-à-dire non remarquée, annulée par la présence et la prépondérance d’une autre idée, image ou sensation. […] Il m’est arrivé il y a quelques jours, dans un rêve parfaitement net et bien suivi, de faire une sottise ridicule et énorme ; impossible de l’écrire ; supposez à la place quelque chose de moindre, par exemple ôter gravement ses bottes et les poser sur la cheminée à la place de la pendule.

1259. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Il suppose que l’origine des gouvernements a été un traité après mûre délibération entre les premiers hommes déjà suffisamment philologistes et suffisamment citoyens pour connaître, définir et formuler savamment leurs droits et leurs devoirs réciproques. […] Évidemment la première société humaine instituée de Dieu avec la première famille n’a pas commencé par la république ; la république suppose des hommes égaux en force, en volonté, en droit, en fait, émancipés de toute tutelle préexistante et délibérant à titre égal sur le gouvernement.

1260. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Ces amis espéraient libérer ainsi, pour l’âge où l’on doit liquider sa vie comme sa fortune, mon patrimoine obéré par des causes tout à fait étrangères à celles que la malveillance ou l’ignorance supposent. […] Ces amis ont rencontré sous leurs pas ces embûches, ces impopularités, ces calomnies, ces inimitiés, dans les classes mêmes auxquelles ils supposaient la mémoire de quelques dévouements.

1261. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

— « Vous avez raison, lui dis-je ; mais supposez un moment qu’un jeune homme qui vous adore mette cette déclaration de tendresse sous votre main en vous conjurant de la signer de votre nom ; que feriez-vous ? […] Supposez-vous spectateur, mais spectateur à loisir, spectateur solitaire ; non devant une scène bruyante, mais devant votre livre et votre lampe, ayant le temps et le silence nécessaires aux impressions réfléchies, et mesurez l’étendue et la profondeur de cette œuvre incomparable du génie moderne en Allemagne.

1262. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Vous devriez imprimer les lettres que je vous écris ; ce serait un contraste piquant avec les desseins que l’on me suppose. […] « Quel misérable pays cependant que celui où un honnête homme ne peut être à l’abri même de sa pauvreté ; ces gens-là supposent que je me vends comme eux ! 

1263. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Je n’y revins plus de tout le jour, et, comme je ne les aperçus ni l’un ni l’autre aux environs, je supposai qu’ils devaient avoir passé la journée entière dans l’intérieur. […] Un jour que nous parlions d’oiseaux, celui-ci me demanda si j’avais vu les arbres où l’on supposait que les hirondelles passaient l’hiver, mais où, en réalité, elles n’entrent que pour s’abriter et faire leur nid.

1264. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Je suppose qu’il ne faut rien prendre au tragique, et que vous avez simplement saisi, pour cette enquête, l’occasion que vous offrait la boutade d’un de nos aimables dadaïstes… Il y a, dans l’histoire de la Littérature française, un siècle qui domine tous les autres, parce qu’il est essentiellement le siècle de la création : c’est celui de François Rabelais. […] Supposez qu’on eût demandé aux Français de 1820 : « Le xviiie  siècle fut-il un grand siècle ? 

1265. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Peu à peu le futur fait place au présent et au passé ; tout ce que Buffon supposait existe ; tout ce qui devra être a été. « Peu à peu, dit-il, les matières molles dont les éminences étaient d’abord composées ont fait ces énormes amas de rochers et de cailloux d’où l’on tire le cristal et les pierres précieuses… Toutes sont posées par lits… Les plus pesantes sont dans les argiles et dans les pierres, et elles sont remplies de la matière même des pierres et des terres où elles sont renfermées ; preuve incontestable qu’elles ont été transportées avec la matière qui les environne et qui les remplit… » Ainsi, Buffon crée ce qu’il suppose ; il assiste à ce qu’il prévoit, et ses raisonnements sont comme une suite de tableaux qui se déroulent sous ses yeux, plutôt attentifs à des faits qui s’accomplissent qu’éblouis par une vision.

1266. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

mon Dieu, on me dit aussi qu’on ne me comprend pas dans Le Roman de la momie, et cependant je me crois l’homme le plus platement clair du monde… Parce que je mets, je suppose, un mot comme pschent ou calasiris. […] Je suppose que M. 

1267. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

L’action, du moins l’action saine et morale, est en effet difficile aux déséquilibrés ; et précisément elle serait le grand remède à leur désordre intérieur, car l’action suppose la coordination de l’esprit tout entier vers le but à atteindre. […] C’est lui supposer véritablement le don de prescience que de lui demander de ressentir une impression poétique alors qu’il ne lui est rien dit de ce qui l’a fait naître ; car, en réalité, les impressions qui nous viennent des choses ont leur cause première en nous-mêmes, et, pour les faire partager à qui que ce soit, il faut commencer par lui découvrir l’état de conscience qui les a déterminées.

1268. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

… Non, non, je vous le jure encore devant celui qui lit dans les cœurs, je n’ai pas les vanités qu’on me suppose ; mais j’ai de moi-même et de ce monde les dégoûts qu’on ne me suppose pas !

1269. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Indigné contre le pape, son ennemi, qu’il suppose l’instigateur de ces proscriptions, Dante quitte Rome, se réfugie d’abord à Sienne, puis à Arezzo, où i ! […] Je me supposai assistant, comme un barde de Dieu, à la création des deux mondes matériel et moral.

1270. (1903) La renaissance classique pp. -

Ils ont oublié cette grande vérité : que l’art suppose la vie, dont il n’est que le reflet. […] Outre les qualités originales que l’artiste doit y apporter de lui-même, cela suppose une grande somme d’expérience, puis une grande somme de culture, non pas cette science indiscrète et chaotique des Allemands, mais une science à la fois étendue et précise, toujours guidée par un goût délicat, qui permet à l’écrivain, comme l’instinct permet à l’animal, de discerner sa pâture parmi les choses indifférentes et nuisibles.

1271. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Je suppose un cas horrible, imprévoyable, et possible pourtant à des tigres-singes, comme vous a appelés M. de Voltaire ; on peut culbuter un roi, mais jamais le trône… Êtes-vous faits pour être des hommes, mes enfants, les plus jolis enfants du monde ?

1272. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Mme de Maintenon avait fait venir de Strasbourg (et tout exprès pour la narguer, supposait Madame), deux filles d’une naissance équivoque qui se donnaient pour comtesses palatines et qu’elle plaça comme suivantes auprès de ses nièces.

1273. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Il signale les vices d’organisation dans l’armée des Impériaux ; il en reconnaît les éléments solides, la supériorité de la cavalerie sur l’infanterie, et par où pèche celle-ci : « Ils ont peu d’officiers ; et on ne voit point dans ceux qu’ils ont un certain désir de gloire qui est dans les officiers français. » Lorsqu’il en vient aux Turcs et à leur gouvernement, il donne aussi ses idées, ses pronostics ; il se livre à des considérations proprement dites, et tourne le tout à la plus grande gloire de Louis XIV qu’il se plaît à supposer voisin de l’Empire ottoman, pour lui faire faire de ce côté des conquêtes plus faciles à exécuter, prétend-il, que ne l’a été celle des Pays-Bas.

1274. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Bossuet a dit quelque part dans un de ses sermons : « S’il n’était mieux séant à la dignité de cette chaire de supposer comme indubitables les maximes de l’Évangile que de les prouver par raisonnement, avec quelle facilité pourrais-je vous faire voir, etc. » Là où Bossuet eût souffert de s’abaisser et de s’astreindre à une trop longue preuve et à une argumentation suivie, Bourdaloue, qui n’avait pas les mêmes impatiences de génie, était sans doute un ouvrier apostolique plus efficace à la longue et plus approprié dans sa constance.

1275. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Ces parties étudiées et brillantes, à la Tite-Live, prouvent une chose, c’est qu’il y avait en d’Aubigné beaucoup moins de hasard et de verve à bride abattue qu’on n’est habitué à le supposer : ce qui n’empêche pas que d’autres parties considérables de l’ouvrage ne portent le cachet de la précipitation et de l’incorrection.

1276. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Plusieurs s’y sont trompés : Gabriel Naudé, plus docte en latin qu’en français, paraît décerner à Charron une préférence qui supposerait en lui ce dont il manque le plus, c’est-à-dire l’originalité.

1277. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Il doit cependant au commerce de son maître et ami, et à son propre sens, bien de bonnes pensées qu’il exprime heureusement : dès le début de son second livre, où il en vient à exposer les instructions et règles générales de sagesse, il remarque combien, telle qu’il l’entend et qu’il la conçoit, elle est chose rare dans le monde, et il le dit avec bien de la vivacité (je suppose que l’expression dans ce qui suit est de lui et non de Montaigne, car je n’ai pas tout vérifié, et l’on a toujours à prendre garde, quand on loue Charron, d’avoir affaire à Montaigne lui-même) : Chacun, dit-il donc, se sent de l’air qu’il haleine et où il vit, suit le train de vivre suivi de tous : comment voulez-vous qu’il s’en avise d’un autre ?

1278. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Henri a de l’esprit, de la gaieté et de la familiarité dans l’esprit ; il appelle l’ennemi le nouveau marié, le beau danseur, toutes choses qui supposent le sourire sous la moustache déjà grisonnante.

1279. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Telle est l’esquisse très abrégée de cette grande bataille de collège, qui rendit peut-être Santeul au fond moins à plaindre qu’on ne croirait et que ne le supposaient ses adversaires ; car, après tout, une si bruyante tempête était une bien bonne fortune, et bien inespérée, pour six ou sept vers.

1280. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Costar aura bien pu supposer et fabriquer ledit billet, précisément pour réfuter le reproche qu’on faisait à Voiture de n’aimer pas à entendre parler de son père.

1281. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Mais dans cette lettre, sous prétexte que Lulli descendu aux Enfers est renvoyé par Proserpine pour être définitivement jugé par-devant le Bon Goût, on se met en marche du côté où l’on suppose qu’habite ce dieu ou demi-dieu : et ici Sénecé nous trace tout un itinéraire où il expose sa théorie littéraire et critique sous forme d’emblème.

1282. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

En cela le duc de Rohan payait encore la peine de son passé : il avait beau s’être conduit dans les dernières années avec tout l’éclat et toute la loyauté possible, il n’avait pas la conscience nette ni la mémoire libre ; il supposait aux autres des desseins que ces soupçons de sa part leur auraient suggérés peut-être, et il ne revoyait de loin la France qu’avec une sombre perspective de procès, de Bastille et d’échafaud.

1283. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Si vous pouviez préparer l’esprit des Français à s’expliquer envers vous des conditions de la paix, pour que l’on pût juger de leurs intentions et voir s’il y aurait quelque chose à faire avec eux ; si vous les priiez de vous confier leurs demandes, assurant de n’en point faire un mauvais usage, et leur répondant des bonnes dispositions dans lesquelles j’étais, peut-être verrait-on si ce traité est vrai, qu’on les suppose avoir fait avec les Autrichiens, et du moins pourrait-on juger par leurs propositions à quoi l’on peut s’attendre d’eux en cas de besoin.

1284. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Geffroy, et qui, à la rigueur, se peuvent suffire à elles-mêmes, ont surtout mis en lumière les commencements et les préliminaires de la mission de la princesse des Ursins en Espagne ; c’est le côté neuf de la publication (je suppose des lecteurs au courant et qui se souviennent de l’ancien recueil de 1826).

1285. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Qu’on lise, au début du volume, ces Conseils d’un homme qui a éprouvé la passion et qui en signale les périls et le malheur à un ami vrai ou supposé.

1286. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Je suppose qu’une ou deux de ces grandes séries aient paru, non pas arrangées, non pas triées et écourtées, mais telles quelles, par une de ces indiscrétions et de ces imprudences heureuses dont tout le monde profite ; que cette âme vive, émue, expansive, passionnée et généreuse, magnanime, pour tout dire, cette intelligence avide, empressée, ouverte de toutes parts, divinatrice et sympathique, touchant au génie, se soit montrée et comme versée devant tous dans une multitude de lettres familières, affectueuses, éloquentes, inachevées chacune, mais s’achevant l’une l’autre : les nouvelles générations auraient fait connaissance avec elle plus directement encore que par les livres ; elle ne serait pas restée une gloire aristocratique, la plus haute renommée de salon, mais s’y renfermant ; elle balancerait Chateaubriand non seulement de mérite et de nom, mais de fait ; elle serait lue et encore présente au milieu de nous ; on la discuterait.

1287. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Tertullien combattant l’hérétique Marcion qui suppose deux dieux, l’un bon d’où procède le Nouveau Testament, l’autre méchant et cruel de qui l’Ancien Testament est venu, s’efforce d’expliquer comme quoi c’est toujours le même Dieu, lequel était bon d’abord, mais qui, depuis que l’homme a péché, avait dû devenir plus sévère.

1288. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Il le supposait né dans une condition pareille, de parents tailleurs, à Weimar ou à Iéna, soumis à des traverses plus ou moins analogues, et il se demandait « quels fruits aurait portés ce même arbre, croissant dans un tel terrain, dans une autre atmosphère. » Gœthe rendait donc toute justice à l’air vif de Paris.

1289. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Les indications scéniques, les avis aux acteurs sont encore en latin, ce qui suppose qu’ils l’entendaient et qu’ils étaient clercs, plus ou moins prêtres.

1290. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Je n’appelle pas petites des libertés à l’usage de tout le public qui est bien aussi le peuple ; il en est une plus grosse et qui me paraît être l’essentielle en effet : c’est celle qui appelle à discuter et à voter le budget les représentants de la nation : et cette dernière en suppose d’autres avec elle ; elle amène comme conséquence la publicité, elle tend à amener la liberté plus ou moins directe de toucher aux éléments de cette même discussion par la presse.

1291. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Je suppose donc qu’on ait à lire quelque chose de Théophile Gautier devant Bernardin de Saint-Pierre, ce grand juge du pittoresque, et un juge difficile, aisément mécontent ; voici la page que je choisirais : « La route s’élevait en faisant de nombreux zigzags.

1292. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Elle se suppose déjà grand mère d’un Dauphin.

1293. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

dans un débat de cet ordre, je suppose qu’un des orateurs contendants, qu’un interlocuteur, apostrophant le rapporteur du budget, lui demande sur quoi il se fonde dans telle ou telle supputation qui aboutit à un nombre de millions ou de milliards : est-ce que le rapporteur parlant du haut de la tribune ne sera pas en droit de dire dans une langue parfaitement congrue et correcte : « Mon argumentation, messieurs, vous me demandez sur quoi elle repose : je la base sur une triple colonne de chiffres, tous exacts et vérifies… etc. » Est-ce que ce mot baser, avec son emphase, sa sonorité même qui remplit la bouche et qui porte jusque sur les derniers bancs de la Chambre, ne sera pas ici le mot oratoire plutôt que le mot plus sourd ou plus faible : je la fonde ou je l’établis ? 

1294. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

À tout moment l’auteur se suppose le même, et il ne l’est pas.

1295. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Certes, s’il ne s’agit que d’apprécier les ressources et la portée du génie individuel, l’étendue de ressort qu’on lui pouvait supposer, les applications plus ou moins larges qui s’en pouvaient faire, nous dirons que M. de La Mennais dans son ordre, et M. de Lamartine dans le sien, ont témoigné une flexibilité, une vigueur ou une grâce, une amplitude en divers sens, que leurs premières œuvres ne démontraient pas.

1296. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

« L’histoire se tait, dit-il sur l’origine du vainqueur de Cæsar ; mais, d’après la conformité des noms, j’éprouve quelque plaisir à supposer que ce Marius Egnatius était un fils du préteur de Téanum, battu de verges trente ans auparavant sous les yeux de ses concitoyens.

1297. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

C’est ce que les critiques du dernier siècle n’ont pas évité en parlant de La Fontaine : ils l’ont trop isolé et chargé dans leurs portraits ; ils lui ont supposé une personnalité beaucoup plus entière qu’il n’était besoin, eu égard à ses œuvres, et l’ont imaginé bonhomme et fablier outre mesure.

1298. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

La scolastique n’est pas une science, car une science suppose un corps de vérités de l’ordre physique ou de l’ordre intellectuel qui subsistent ; or, quelles vérités nous sont demeurées de la scolastique ?

1299. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Aux uns il prête des qualités morales qui supposeraient tout au moins un principe intérieur spirituel ; il charge les autres de défauts qui supposent une perversité calculée.

1300. (1890) L’avenir de la science « V »

Les Hébreux supposaient le ciel semblable à un miroir d’airain (Job, XXXVII, 18), soutenu par des colonnes (Job, XXVI, 11); au-dessus sont les eaux supérieures, qui en tombent par des soupapes ou fenêtres munies de barreaux, pour former la pluie (Ps., LXXVIII, 23 ; Gen.

1301. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

La Société des bibliophiles, fondée en 1820 par MM. de Châteaugiron, de Pixerécourt, Walckenaer, et autres gens de lettres ou amateurs distingués, est une institution essentiellement aristocratique, qui suppose de l’argent, du loisir, le goût des belles choses, des choses rares, de ces curieuses inutilités qui tiennent ou qui mènent aux études sérieuses.

1302. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Le fils de Robert Walpole, Horace, prenant en main la défense de son père contre les ennemis qui l’avaient tant insulté, s’écriait un jour : Chesterfield, Pulteney et Bolingbroke, voilà les saints qui ont vilipendé mon père… voilà les patriotes qui ont combattu cet excellent homme, reconnu par tous les partis comme incapable de vengeance autant que ministre l’a jamais été, mais à qui son expérience de l’espèce humaine arracha un jour cette mémorable parole : « Que très peu d’hommes doivent devenir premiers ministres, car il ne convient pas qu’un trop grand nombre sachent combien les hommes sont méchants. » On pourrait appliquer cette parole à Mazarin lui-même, sauf le mot excellent homme qui suppose une sorte de cordialité, et qu’il ne méritait pas ; mais il est vrai de dire que c’étaient de singuliers juges d’honneur que les Montrésor, les Saint-Ibar, les Retz et tant d’autres, pour venir faire la leçon à Mazarin.

1303. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Ajoutez un dernier inconvénient qui affecte l’ensemble de cette éducation tout à la moderne et sans contrepoids : le sentiment de l’Antiquité, le génie moral et littéraire qui en fait l’honneur, l’idéal élevé qu’il suppose, y est tout à fait absent, et n’y semble même pas soupçonné.

1304. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Droz, il rendait meilleurs ceux avec lesquels il conversait, parce qu’il les supposait bons comme lui ; parce qu’il avait une entière persuasion que la vérité se répandra sur la terre ; et parce que nul soin, pour la cause de l’humanité, ne pouvait lui paraître pénible.

1305. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

L’image d’un livre leur donne le frisson : parce qu’on a abusé des lumières, ils extermineraient tous ceux qu’ils supposent éclairés ; parce que des scélérats et des aveugles ont rendu la liberté horrible, ils voudraient gouverner le monde à coups de sabre et de bâton.

1306. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Non, les lettres si aimées et si consolantes n’ont pas cette vertu qu’on leur supposait ; cette vertu, l’éducation peut y aider sans doute, elle est avant tout dans une certaine nature première et dans le caractère même, qui ne se donne pas.

1307. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Ce château qu’elle comparait à l’Arche de Noé, et que d’autres de ses panégyristes comparaient au mont Thabor, tant ils supposaient à celle qui l’habitait des contemplations célestes, passait pour une Caprée et pour un repaire abominable auprès des ennemis qui n’y plongeaient de loin que des yeux de la haine.

1308. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Un des plus célèbres morceaux est au début du quatrième Mémoire, quand, par une prosopopée hardie, l’auteur, l’orateur se suppose dans un colloque avec Dieu, « avec l’Être bienfaisant qui veille à tout », comme on disait alors.

1309. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Cela tient, je suppose, à ce qu’il a toujours vécu trop près de sa pensée, n’ayant jamais eu l’occasion de la développer en public : en effet, sa santé délicate, sa voix faible et qui a besoin de l’oreille d’un ami, n’a jamais permis à ce riche talent de se produire dans l’enseignement ou dans les chaires.

1310. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Boileau Despréaux, fit une grotesque peinture de l’enterrement supposé du grand satirique, en qui il affectait de ne plus voir qu’un homme du Quartier latin et de l’Université.

1311. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

On le maudit pour son ambition, son despotisme, sa sévérité, pour le crime enfin, peut-être supposé, auquel il dut le trône.

1312. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Le beau existe tellement par lui-même qu’il n’a, certes, nul besoin d’orgueil ; mais qu’importe, la médiocrité humaine étant donnée, il humilie en même temps qu’il enchante ; il semble que naturellement la beauté soit un vase à orgueil, on l’en suppose remplie, on cherche à se venger du plaisir qu’elle vous fait, et ce mot, superbe, finit par avoir deux sens, dont l’un met en défiance contre l’autre.

1313. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Il ne faut pas connaître ce très galant homme et ce parfait écrivain, en qui notre profession s’honore, pour supposer un instant qu’il puisse rechercher le succès dans le scandale. […] Paul Hervieu le peint d’un trait : « Son esprit de conduite, écrit-il, sa célèbre habileté étaient fondés sur l’art, en tout, de suspecter tout le monde, et de toujours supposer le pire. […] Les moyens dont il se sert pour tirer des aveux de ceux-là qu’il suppose ou qu’il veut coupables, ne sont-ils pas, presque toujours, soit des délits caractérisés, soit même des crimes ? […] Jules Huret est un admirable interviewer, et j’entends que cet éloge ne soit pas un mince éloge, car il suppose l’existence de qualités intellectuelles de premier ordre, et la connaissance très profonde des sujets sur lesquels, avec une bonhomie terrible, l’enquêteur va poser des questions aux gens. […] — Il en est ainsi de tous les prix académiques, disais-je… Ils ne sont jamais donnés au mérite, mais toujours à l’intrigue… et à la servilité… Pour obtenir un prix, il faut d’abord être candidat, c’est-à-dire être bien décidé, à l’avance, à faire toutes les besognes répugnantes et basses que suppose et que nécessite cette condition même de candidat… Quelqu’un qui désire un prix de littérature ou de poésie… par exemple… je parle des choses que je connais le mieux… doit d’abord offrir à l’Académie un nombre déterminé d’exemplaires de ses livres, ornés, à la feuille de garde, des dédicaces les « plus agenouillées ».

1314. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Sur le Boulevard, — c’est-à-dire au Bois, aux Champs-Élysées, dans la plaine Monceau et ailleurs, — on supposait à un ancien ministre de la guerre d’autres délassements que l’étude de la mathématique. […] Et, secondement, aucun signe ne permet de supposer que l’analyse actuelle prépare une prochaine synthèse. […] … Être parfaitement naturel, cela suppose maintes vertus, et des plus jolies. Cela suppose, en outre, qu’on peut l’être sans rougir. […] Il suppose que l’un des matelots, Euphorion, ôta la cire de ses oreilles et se jeta résolument à l’eau.

1315. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Si naïf qu’on le suppose — et le fait est qu’il l’est terriblement, — Escobar a-t-il pu croire que les confesseurs eussent à eux seuls consommé quarante et une éditions de son livre ? […] Vous supposez premièrement que celui qui écrit les Lettres est de Port-Royal ; vous dites ensuite que le Port-Royal est déclaré hérétique, d’où vous concluez que celui qui écrit les Lettres est déclaré hérétique. Ce n’est donc pas sur moi, mes Pères, que tombe le fort de cette accusation, mais sur le Port-Royal, et vous ne m’en chargez que parce que vous supposez que j’en suis. […] Aussi les philosophes du xviiie  siècle n’en ont-ils point vu, ni d’ailleurs, supposé. […] Quelle est la loi pénale qui ne suppose la liberté de celui qu’elle frappe ?

1316. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Suppose-t-elle le désir, le dessein de la renverser ? […] Ce que lui et son ami Royer-Collard avaient tenté avant fructidor pour la réintégration de la justice dans les lois, ils le tentèrent après 1815 pour le maintien et l’accroissement de la liberté dans les institutions ; mais Camille, encore une fois, ne fut point de cette première Chambre, comme le supposait Mme de Staël, et Royer-Collard était déjà sur la brèche et en pleine lutte, que Camille attendait encore son moment. […] Mais je saurais mieux tout ce que je suppose, si je vous voyais. — Mes compliments à madame Camille.

1317. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

En un mot, une barrière assez marquée sépare à certaines pages le classique Daunou des grands et parfaits écrivains du xviie  siècle, je veux dire ce culte sans cesse proclamé de l’analyse, et tout ce qu’il suppose avec lui. […] Taillandier suppose (page 224 de son Écrit)que j’ai fait une confusion entre les opinions. de Daunou et celles de Rulhière ; que j’ai pris pour l’expression des sentiments de Daunou ce qui n’était sous sa plume qu’une analyse de ceux de Rulhière. […] Daunou s’aperçut de ce manége ; la peur le prit : il se dit que cet homme était capable de tout, qu’il était certes bien capable d’avoir machiné ce dîner pour le perdre, de supposer tout d’un coup qu’on lui manquait de respect, qu’on l’insultait, que sais-je ?

1318. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Supposez un amas de fumier couvrant dix lieues carrées de terrain ; quel que soit l’homme auquel appartiendrait cet amas de fumier, cet homme serait un des princes de la terre aujourd’hui, et il aurait le droit de faire passer à un autre, fût-ce un scélérat couvert de crimes, sa puissance. […] Mais remarquez combien ce mariage suppose le ciel pour correctif. […] Il est vrai ; entre nous et ceux que nous supposons les avoir écrits, quatre mille ans peut-être !

1319. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

» J’aime mieux supposer, comme l’indique sa pleine et solide tête213, qu’à force d’imagination ondoyante il a, comme Gœthe, échappé aux périls de l’imagination ondoyante ; qu’en se figurant la passion, il parvenait, comme Gœthe, à atténuer chez lui la passion ; que la fougue ne faisait point explosion dans sa conduite, parce qu’elle rencontrait un débouché dans ses vers ; que son théâtre a préservé sa vie, et qu’ayant traversé par sympathie toutes les folies et toutes les misères de la vie humaine, il pouvait s’asseoir au milieu d’elles avec un calme et mélancolique sourire, écoutant pour s’en distraire la musique aérienne des fantaisies dont il se jouait214. Je veux supposer enfin que, pour le corps comme pour le reste, il était de sa grande génération et de son grand siècle ; que chez lui, comme chez Rabelais, Titien, Michel-Ange et Rubens, la solidité des muscles faisait équilibre à la sensibilité des nerfs ; qu’en ce temps-là la machine humaine, plus rudement éprouvée et plus fermement bâtie, pouvait résister aux tempêtes de la passion et aux fougues de la verve ; que l’âme et le corps se faisaient encore contre-poids, que le génie était alors une floraison et non, comme aujourd’hui, une maladie. […] Supposez le logicien, moraliste, orateur, tel qu’un de nos grands tragiques du dix-septième siècle : il ne représentera que les mœurs nobles, il évitera les personnages bas ; il aura horreur des valets et de la canaille ; il gardera au plus fort des passions déchaînées les plus exactes bienséances ; il fuira comme un scandale tout mot ignoble et cru ; il mettra partout la raison, la grandeur et le bon goût ; il supprimera la familiarité, les enfantillages, les naïvetés, le badinage gai de la vie domestique ; il effacera les détails précis, les traits particuliers, et transportera la tragédie dans une région sereine et sublime où ses personnages abstraits, dégagés du temps et de l’espace, après avoir échangé d’éloquentes harangues et d’habiles dissertations, se tueront convenablement et comme pour finir une cérémonie. […] Elle insiste, et lui dit de supposer une femme véritablement parfaite. « Celle-là, dit Iago, n’est bonne que pour donner à téter à des bambins et débiter de la petite bière255. » — « Ô noble dame, dit-il ailleurs, ne me demandez pas de louer quelqu’un, car je ne suis rien quand je ne critique pas256. » Ce mot donne la clef de son caractère.

1320. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

D’identiques analogies nous invitent à conclure, dans l’ordre de la production poétique : la beauté d’un thème n’est pas seulement dans la richesse des développements que nous lui supposons ; elle est bien plus encore dans leur concordance avec notre intime sensibilité, et d’ailleurs comment les pourrions-nous même imaginer, si à quelque degré déjà cette concordance ne nous était suggérée ? […] Une minute seulement je la suppose Bretonne — hypothèse après tout qui n’a rien d’offensant. — De même qu’il n’est presque pas d’homme, un peu mécontent de son sort, qui ne se soit mille fois plu à s’imaginer une autre vie que celle dont il est redevable au destin, nous pouvons bien lui supposer d’autres origines, en reculant son lieu de naissance de quelques degrés vers l’ouest. […] Je veux supposer qu’il n’ait rien perdu de cette lucidité première qui fit son indépendance.

1321. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Le propre de l’esprit humain est de ne point s’arrêter au réel, et de passer de là au possible qu’il suppose. […] Toutes ces séries classifiées n’existent pas rigoureusement dans la nature ; mais on les suppose dans l’enseignement qu’elles facilitent, parce qu’elles secondent la marche de l’étude, autant que la démarcation des lieues dans les chemins sert à la mémoire et à la direction des voyageurs. […] Mais alors il est maître d’en imaginer les circonstances et d’y supposer tout ce qu’on en peut ignorer. […] Nous supposons des dieux ; leur volonté gouverne les actions des hommes, et les prodiges de ceux-ci, sans être vrais, ont néanmoins leur vraisemblance tragique, à qui l’opinion commune donne toute la croyance nécessaire. […] Jamais l’épouvante d’un meurtrier, à l’apparition d’un spectre supposé, ne choqua moins la raison : le parterre se leva tout entier, plein de terreur, et les marques de son suffrage confirmèrent ce que j’avais prévu.

1322. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

La conception me paraît vraiment bien puissante pour l’intelligence de Jeanne Mairet, et je suppose qu’elle a, sur épreuves, imposé à ses personnages un ingénieux échange de noms. […] Supposez que Molière, aussi bête que Coquelin, ait voulu son Arnolphe tragique. […] Et vous supposez bien que chacune de ces vérités nouvelles fournit quelques lignes attendries. […] Car il ne sait pas, lui, je suppose, que nous sommes là deux mille voyeurs à guetter ses cornes qui poussent et à désirer, comme à une course de taureaux, qu’il en fasse quelque usage meurtrier. […] Elle suppose une objection et elle y répond : « Alors vous faites du mariage un marché !

1323. (1903) Le problème de l’avenir latin

Hypertrophie suppose atrophie. […] A supposer que de semblables éventualités se produisent, que devrait contenir ce programme ?‌ […] C’est une mesure généreuse et féconde que celle qui assure la liberté d’enseigner le mensonge : mais cela suppose une société assez fortement constituée pour le supporter sans danger. […] À supposer le catholicisme proscrit, qui le remplacera ? […] Sans insister d’ailleurs sur ce point, que supposer au pouvoir cette dictature de l’intelligence, c’est admettre un peuple déjà réformé qui l’y aurait porté : à moins qu’elle ne se trouvât un jour eu possession du pouvoir par on ne sait quel hasard, auquel cas il semble difficile qu’elle s’y maintint, et que le « tyran » ne fût pas jeté à bas.

1324. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Pour prospérer, elle suppose plus de culture que n’en demandent toutes les autres formes littéraires. […] Je n’irai pas jusque-là ; mais il est vrai que le goût suppose la justesse de l’esprit, la délicatesse des sentiments et plusieurs fortes qualités dont il est la fleur. […] À supposer, d’ailleurs, que ceux qui viendront après nous soient plus intelligents que nous-mêmes, ce qui n’est pas impossible, est-ce une raison pour proclamer d’avance leur infaillibilité ? […] Qu’y a-t-il d’absurde à supposer leur existence ? […] Si le chevalier ne s’empressait pas d’épouser Mlle Le Sénéchal, il était facile de supposer à ses retards d’autres raisons que celle de la cupidité déçue.

1325. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

La vertu suppose forcément la faculté du sacrifice ; un être qui ne peut cesser d’être heureux est condamné à une perpétuelle médiocrité morale. […] « Et je suppose que l’historien a sous les yeux des témoignages certains, tandis qu’en réalité, il n’accorde sa confiance à tel ou tel témoin que par des raisons d’intérêt ou de sentiment. […] Pour prospérer, elle suppose plus de culture que n’en demandent toutes les autres formes littéraires. […] Elle suppose un affinement intellectuel que de longs siècles d’art ont pu seuls produire. […] Il est vrai qu’il suppose que son héroïne a découvert elle-même toute cette féerie chrétienne dans un vieux livre du xvie  siècle.

1326. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

… Mais alors vous supposez un historien de néant. […] Et le philologue est sans reproche, s’il a encadré de certains crochets sa conjecture ; pareillement, l’historien, s’il a dit : — Je n’affirme pas, je suppose. […] … Et pourquoi supposez-vous que l’enquête, méticuleuse, aboutisse au dénigrement ? […] L’abnégation volontaire suppose la connaissance de soi ; et elle est un principe de force. […] Nous n’en possédons pas de plus ancienne en cette langue ; mais sa fine perfection suppose un effort plus ancien, plus spontané, plus naïf.

1327. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Un autre nous décrit le régime intérieur de l’École polytechnique ou de l’École des mines : je suppose donc qu’il en sort, et quelques pères de famille le liront sans doute avec curiosité. […] Car, pour ceux-ci, supposé qu’ils aient quelque chose qu’ils croient intéressant à dire, ils voudront le dire eux-mêmes, trop honorés d’ailleurs de vos visites, et aussi trop polis pour abuser de votre complaisance. […] Supposé que je n’aie jamais vu le bal de la Boule-Noire ; je m’intéresse au tableau que vous m’en présentez comme à un document tout neuf et instructif pour moi ; supposé que je l’aie quelquefois visité, je m’amuse en ce cas de la fidélité de la représentation ; mais supposé qu’enfin j’en sois un habitué, alors je ne suis plus attentif qu’aux imperfections de détail dont mes yeux sont d’abord choqués. […] Il en est autrement de la Germinie de M. de Goncourt ; et je suppose qu’il le sait bien. […] Étant donné que Toupinel, en son vivant, comme le courrier de Strasbourg, avait deux femmes : l’une à Paris, la légitime, et l’autre à Toulouse, la préférée ; si l’on suppose, maintenant, que, la première s’étant remariée, les amis de son nouvel époux, M. 

1328. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Supposons que des érudits allemands un peu aventureux (la chose n’est pas rare) traitent la Bible comme un livre hindou ou persan, qu’ils lui demandent l’âge de ses diverses parties, le nom de tous ses auteurs, les preuves détaillées de son autorité. […] Quand on suppose, comme M.  […] C’était leur air natal ; ni l’un ni l’autre ne supposaient que des étrangers pussent s’y trouver mal à l’aise. […] Personne n’ignore assez l’histoire pour supposer que Joad soit un pontife juif ; il est trop bien élevé et trop peu féroce. […] Tous les êtres et tous les changements se supposent, et un fil ne peut se rompre sans remuer tout le réseau.

1329. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

L’anecdote de l’entrée des vivres dans Paris n’est qu’une hyperbole qui suppose un grand fonds de vérité.

1330. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Alors le roi dit aux nautoniers : « Je vous demande sur votre loyauté, supposé que la nef fût à vous et qu’elle fût chargée de vos marchandises, si vous en descendriez ? 

1331. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

— « Je n’ai qu’à l’adresser, cet arrêt, à tout ce qu’il y a dans cet auditoire d’âmes passionnées, pour les obliger à n’avoir plus ces désirs vastes et sans mesure qui les tourmentent toujours et qu’on ne remplit jamais… » Supposez en cet auditoire un Louvois, un Colbert, comme ils y étaient sans doute, et ressentez l’effet.

1332. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Il est pourtant un côté qu’il importe de bien mettre en vue et de reconnaître : Bourdaloue, vivant et parlant, eut beaucoup plus de variété et d’à-propos que l’on ne suppose, et, s’il ne semble appliqué qu’à semer le bon grain dans les âmes, il est à remarquer qu’il savait pénétrer dans ces âmes et ces esprits de ses auditeurs, et les entrouvrir, par des tranchants assez vifs et assez inattendus.

1333. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru pendant ces années d’administration et de guerre ; et en réunissant ainsi autour de lui tous les noms de ses amis, les littérateurs distingués de son époque, je voudrais, pour adoucir cette sévérité qu’on suppose à son front, lui en composer une couronne.

1334. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

On y suppose que l’Académie française, en apprenant la mort du célèbre poète latin, manifesta son deuil et ses regrets, et cela devient une occasion de tracer un léger crayon de chaque académicien.

1335. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Il supposa le dernier des centaures interrogé au haut d’un mont, au bord de son antre, et racontant dans sa mélancolique vieillesse les plaisirs de ses jeunes ans à un mortel curieux, à ce diminutif de centaure qu’on appelle homme ; car l’homme, à le prendre dans cette perspective fabuleuse, grandiose, ne serait qu’un centaure dégradé et mis à pied.

1336. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Rousset nous fait si heureusement profiter, me paraît être bien plus dans le vrai quand il nous montre Louis XIV, toutes les fois qu’il dicte ou qu’il écrit, « parlant en roi passionné pour la gloire, appliqué à ses affaires, qui agit par lui-même, qui prend connaissance et qui juge sainement de tout, et qui n’est pas tellement conduit par ses ministres qu’il n’influe beaucoup dans leurs résolutions, par son attention a les examiner et sa fermeté à les soutenir. » Cette conclusion mesurée est moins piquante que l’autre, qui suppose un Louis XIV. toujours maître et souverain en idée, et en réalité toujours dupe.

1337. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Delécluze, se rangeant du côté des littératures du Midi et se préoccupant à l’excès d’un grand danger qu’il supposait imminent du côté du Nord, écrivait : « Rien ne serait plus fatal à la langue française que si nos écrivains, entraînés à l’imitation des idiomes du Nord, transportaient la phraséologie de ces derniers dans le nôtre.

1338. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Est-ce, qu’il alla supposer un homme, tel qu’il est aujourd’hui, avec, les pensées, et les sentiments actuels, et doublé, seulement, d’une force de cheval pour galoper, et conquérir son gré d’espace, un cavalier bien monté, toujours en selle et à la suprême puissance, ayant sous lui à demeure un cheval parfait, correct et classique comme celui de Virgile ?

1339. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Ducis faisait une pièce comme il fait une scène, il serait notre premier tragique70. » Et dans ses moments de plus grande franchise La Harpe ajoutait encore : « C’est bien heureux que cet homme n’ait pas le sens commun, il nous écraserait tous. » Je voudrais insister sur les beautés de ces lettres de Ducis, dont la collection ferait un trésor moral et poétique ; on y joindrait les lettres de Thomas fort belles, fort douces et bien moins tendues de ton qu’on ne le suppose.

1340. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Que Fléchier fût lent, qu’il n’eût pas beaucoup de vivacité en causant ni de vives saillies, c’est possible, et c’est même certain ; mais que le fin auteur des Grands Jours d’Auvergne eût la conversation plate, je ne défère pas assez au goût de l’abbé Legendre pour lui accorder ce point, et j’aime mieux supposer qu’il a employé un mot impropre en matière si délicate.

1341. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Les lignes de communication, de Marchiennes à Denain, s’appelaient insolemment « le chemin de Paris. » Louis XIV, il faut lui rendre cette justice, écrivait de Fontainebleau, le 17 juillet, au maréchal de Villars, cette lettre qui en suppose une autre antérieure sur le même sujet : « Ma première pensée avait été, dans l’éloignement où se trouve Landrecies de toutes les autres places d’où les ennemis peuvent tirer leurs munitions et convois, d’interrompre leur communication en faisant attaquer les lignes de Marchiennes (ou de Denain), ce qui les mettrait dans l’impossibilité de continuer le siège ; mais, comme il m’a paru que vous ne jugez pas cette entreprise sur les lignes de Marchiennes praticable, je m’en remets à votre sentiment par la connaissance plus parfaite que vous avez étant sur les lieux… » Le ministre de la guerre, M. 

1342. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Il a en cela une vue plus sérieuse et plus lointaine qu’on ne le supposerait.

1343. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Il suppose, avec plus de subtilité sans doute que de fondement, et il a l’air de croire que Malherbe n’affectait ainsi en sa prose toutes ces phrases populaires que pour faire éclater davantage la magnificence de son style poétique par le contraste de deux genres si différents.

1344. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

On commence à le savoir assez bien à partir du XVIIIe siècle, qui ne s’est pas fait faute de révélations de tout genre ; mais on voudrait pourtant que des plumes légères aient plus souvent pris la peine de nous le dire et de fixer, à des moments et pour des sociétés distinctes, ce qui ne se ressemblait pas si uniformément qu’on le suppose.

1345. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Viardot, met la note que voici, au sujet des récompenses que les rois accordent aux poëtes vertueux : « Il faudrait supposer à Cervantes, pauvre et oublié, je ne dirai pas bien de la charité chrétienne, mais bien de la simplicité ou de la bassesse, pour que cette phrase ne fût pas sous sa plume une sanglante ironie », je ne puis entrer dans la vivacité de cette remarque et dans ce qu’elle a d’acerbe.

1346. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Ce goût, cette sensibilité si éveillée, si soudaine, suppose bien de l’imagination derrière.

1347. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Supposez Porcie infidèle de cœur à Brutus, elle ne parlerait pas autrement. — Mais je ne puis tout dire cette fois, et mieux vaut remettre que d’écourter une si riche matière.

1348. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

un homme qui a pu avoir l’audace de se prêter à cette sotte et infâme scène du bosquet, qui a supposé qu’il avait eu un rendez-vous de la reine de France, de la femme de son roi, que la reine avait reçu de lui une rose63 et avait souffert qu’il se jetât à ses pieds, ne serait pas, quand il y a un trône, un criminel de lèse-majesté ?

1349. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Je serais indigne du nom de notre mère, qui vous est aussi cher qu’à moi, si le danger me faisait fuir loin du roi et de mes enfants. » Et un autre jour, aux discours qu’on lui rapporte de Vienne, et qui feraient supposer que son frère la considère comme menée par La Fayette ou tel autre personnage du dedans, elle s’indigne, elle se révolte (20 janvier 1791) : « Nous sortons tous d’un sang trop noble, écrit-elle à M. de Mercy, pour qu’aucun de nous puisse soupçonner l’autre d’une telle bassesse ; mais il y a des moments où il faut savoir dissimuler, et ma position est telle et si unique que, pour le bien même, il faut que je change mon caractère franc et indépendant. » Elle chargeait le comte de Mercy de réfuter en bon lieu ces bruits malveillants que semaient les émigrés exaltés et la cabale du comte d’Artois, afin de donner prétexte et carrière à leurs plans aventureux.

1350. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Des parties de l’Odyssée ont dû sans doute être récitées séparément, mais si l’on donne à un rhapsode plusieurs journées de suite, ou si l’on suppose (ce qui avait lieu dans les assemblées et les fêtes publiques) une suite de rhapsodes qui se succédaient et se relayaient pour la récitation, rien n’empêche de concevoir que, même sans écriture aucune, l’Odyssée ait pu se transmettre en entier, dans toute son intégrité, sauf peut-être tel épisode à tiroir et tel passage ou telle scène qui aura pu s’y glisser après coup : mais l’agrégation première, la cristallisation, pour ainsi dire, du poëme doit dater de la période légendaire, de l’époque créatrice et inspirée, de l’âge même des rhapsodes.

1351. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Il est très vrai que depuis ce moment il n’a plus considéré le duc de Noailles que comme un abîme de perversité, une âme caverneuse et noire, un démon capable de tout ; pour avoir été trompé et abusé par lui comme il l’avait été, il le supposait plus malin, plus rusé et plus ténébreux que le serpent.

1352. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Mais enfin la défense n’est pas aussi victorieuse que le suppose l’avocat.

1353. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Fournier a cru en trouver une raison fine : ce serait le prénom d’un mari dont la veuve était fort amie de La Bruyère, et l’on pouvait supposer qu’il remplaçait le défunt.

1354. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il se joignait à ces raisons irritantes d’autres circonstances encore que le comte de Senfft nous fait entrevoir ; car les intrigues de divers genres à cette cour impériale étaient plus nombreuses et plus entrecroisées qu’on ne le suppose généralement : Napoléon voulut avertir et faire un exemple : « L’orage éclata sur M. de Talleyrand, qui perdit alors sa place de grand chambellan avec toutes les marques de la disgrâce.

1355. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Mounier, avec une douce gronderie, telle qu’on la peut supposer de sa part, ne put s’empêcher de le lui faire remarquer : « Voyez donc, comment cela se fait-il ? 

1356. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

il ne vous suffit pas qu’un poëte ait déjà subi ce premier retard, cette quarantaine obscure de vingt-cinq années de laquelle il est sorti jeune et encore très-contemporain ; vous voulez en plus lui en supposer, lui en imposer une seconde.

1357. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Christel s’était prêtée à l’illusion et en avait tiré parti pour tracer à Hervé, avec un détail rempli tout bas de vœux et de conseils, une vie de bonheur et de vertu, où lui, qui l’écoutait, la supposait active et présente en personne, mais où elle se savait d’avance absente, excepté d’en haut et pour le bénir : « Vous vivrez beaucoup dans vos terres, lui disait-elle ; Paris et le monde ne vous rappelleront pas trop ; il y a tant à faire autour de soi pour le bien le plus durable et le plus sûr !

1358. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

« Souviens-toi que tu vas commander ici à des hommes aussi incapables de supporter une entière liberté qu’une entière servitude. » L’invention d’une telle éloquence dans l’historien ne suppose-t-elle pas dans Tacite toutes les qualités d’homme d’État, de philosophe, de politique consommé, de vieillard expérimenté des choses et des caractères, et enfin d’orateur d’État, qualités que l’historien prête au vieux Galba ?

1359. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

En leur vrai sens, elles représentent le minimum de convention qu’on ne peut retrancher dans la représentation de la vie : on suppose que le plancher de la scène est un autre lieu quelconque du monde, mais toujours le même lieu, et que les deux heures du spectacle peuvent contenir les événements d’une journée : mais l’idéal où l’on tend, c’est de réduire la durée de l’action à la durée de la représentation.

1360. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

A les entendre, nul n’eût supposé que cette femme allait se mettre hors la loi, que tous deux allaient se mettre hors l’honneur  Que pèsent, à ces heures-là, les systèmes complets de morale à l’usage des esprits philosophiques ?

1361. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Car, — Tailhade n’en doute pas, ni vous non plus, je suppose, — « le surnaturel en fuite, la misère disparaîtra bientôt ».

1362. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

L’influence de ce dernier sur lui fut grande, plus grande qu’on ne le supposerait, à voir la différence des résultats.

1363. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

On ne trouve à reprendre dans ce simple et splendide résumé que ces fondements, désormais solides, qu’il suppose à la colonie d’Égypte.

1364. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Supposez que, dans le poème de l’Iliade, une syllabe soit douée, un moment, d’âme et de vie : cette syllabe, placée comme elle l’est, pourrait-elle comprendre le sens et le plan général du poème ?

1365. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

En lisant ces lettres de Mme de Staal à Mme Du Deffand, on ne peut s’empêcher pourtant de remarquer, au milieu de cette société la plus civilisée et la plus douce en apparence, de quelle nature triste est cette gaieté dénigrante de deux femmes qui s’ennuient, quel vide intellectuel et moral suppose une telle médisance plus désœuvrée encore que méchante, quelle sécheresse amère et stérile !

1366. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Est-ce sur ce que l’on suppose que nos vices et nos vertus sont des effets nécessaires de notre tempérament ?

1367. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

De ce qu’il appelle dans ses lettres d’Alembert mon cher Anaxagoras, on est allé jusqu’à supposer, par exemple, qu’il avait une certaine prédilection pour la philosophie d’Anaxagoras.

1368. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

D’Aguesseau, grand lecteur de Platon et nourri des antiques lectures, pense qu’il n’est pas besoin d’imputer à la philosophie païenne plus d’imperfections qu’elle n’en a eu en effet : « La véritable religion, dit-il, n’a pas besoin de supposer dans ses adversaires ou dans ses émules des-défauts qui n’y sont pas. » L’Évangile sera toujours assez hors de comparaison : laissons à la morale purement humaine la part légitime qui lui revient.

1369. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Qu’on essaie d’imaginer ce que suppose d’habileté de détail cette réserve savante qui entretient si longuement et sait contenir, sans l’étouffer, le désir !

1370. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rien ne prouve qu’il ait eu, avec cet homme de talent susceptible et ombrageux, les torts de sottise que suppose M. 

1371. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

On est même allé jusqu’à supposer que les vues de Mme des Ursins se portèrent plus loin : « l’âge et la santé de Mme de Maintenon la tentaient ».

1372. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Supposez Boileau revenant au monde au milieu ou vers la fin du xviiie  siècle, et demandez-vous ce qu’il penserait de la poésie de ce temps-là ?

1373. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Fouqué, à chaque présent dont il sent l’intention, est attendri ; il ne sait comment reconnaître cette amitié qui, depuis plus de trente ans, le cherche et l’honore, mais qui se multiplie surtout depuis que lui n’est plus bon à rien et n’est plus propre à y répondre que par ses sentiments : « Ce qui vous distingue, Sire, des autres princes, c’est que vous faites tant de bien à un homme qui ne peut, par le moindre service, vous en témoigner sa reconnaissance. » Quand il le voit étonné d’être l’objet de tant de soins, Frédéric le rassure simplement et par des mots naturels, puisés dans la meilleure et commune humanité : « Vous vous étonnez que je vous aime : vous devriez plutôt vous étonner si je n’aimais pas un officier de réputation, honnête homme, et de plus mon ancien ami. » Quoique Frédéric n’ait que cinquante-quatre ans lorsque Fouqué en a soixante-huit, il se fait exprès vieillard comme lui ; très brisé lui-même par les fatigues, il se suppose du même âge que son vieux compagnon : J’attends ici tranquillement dans mon trou le retour du printemps (9 février 1766) ; cette saison-ci n’est pas faite pour notre âge.

1374. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Puis j’entre en fureur de cette compromission de nos deux noms, par cet achat, qu’on peut supposer sollicité.

1375. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Aussi, pour lui épargner toute angoisse, pour ne pas troubler les derniers moments de leur parent par le spectacle de leur immense douleur, tous les membres de la famille s’étaient scrupuleusement abstenus de se montrer au chevet du mourant, tant qu’on avait pu supposer qu’il pouvait entendre et voir ce qui se passait autour de lui.

1376. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Supposez-moi de retour d’un voyage d’Italie, et l’imagination pleine des chefs-d’œuvre que la peinture ancienne a produits dans cette contrée.

1377. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Les classiques ne sont pas si peu instruits qu’on le suppose de la nature des facultés morales de l’homme, des besoins qu’elles éprouvent, et des moyens qu’on doit employer pour les satisfaire.

1378. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

J’ai toujours été, au contraire, beaucoup plus frappé de ce qu’il y a de fini, d’impatientant et de fini dans les facultés de l’homme, que de l’infini qu’on y suppose avec tant d’orgueil.

1379. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures, figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase, qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux ; et ceux-là, les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme : et vous avez la poésie de Baudelaire, cette poésie sinistre et violente, déchirante et meurtrière, dont rien n’approche dans les plus noirs ouvrages de ce temps qui se sent mourir.

1380. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

D’invention, il n’a pas la moindre originalité, et, socialement, il ne suppose aucun courage.

1381. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Ce qu’il y a du moins de commun à l’un et à l’autre, c’est ce principe que, quels que doivent être les meilleurs moyens de sauvegarder sa liberté, l’individu a sa valeur et ses droits propres, qu’il est respectable en soi, responsable de ses actes ; c’est en un mot l’individualisme, En ce sens, nous avons nous-même reconnu que l’idée de liberté est proche parente de l’idée d’égalité, puisque celle-ci nous a paru supposer le sentiment que les hommes, en tant qu’individus, ont une valeur ; nous avons fait entrer l’individualisme dans la définition de l’égalitarisme. — Force nous est donc de nous demander, non pas seulement si l’unification des sociétés est favorable à une politique de réglementation à outrance, mais si elle est essentiellement hostile à l’expansion du principe individualiste lui-même.

1382. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

En effet, qu’on suppose un orateur doué par la nature de cette magie puissante de la parole, qui a tant d’empire sur les âmes et les remue à son gré ; qu’il paraisse aux yeux de la nation assemblée pour rendre les derniers devoirs à Henri IV ; qu’il ait sous ses yeux le corps de ce malheureux prince ; que peut-être, le poignard, instrument du parricide, soit sur le cercueil et exposé à tous les regards ; que l’orateur alors élève sa voix, pour rappeler aux Français tous les malheurs que depuis cent ans leur ont causés leurs divisions et tous les crimes du fanatisme et de la politique mêlés ensemble ; qu’en commençant par la proscription des Vaudois et les arrêts qui firent consumer dans les flammes vingt-deux villages, et égorger ou brûler des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, il leur rappelle ensuite la conspiration d’Amboise, les batailles de Dreux, de Saint-Denis, de Jarnac, de Montcontour, de Coutras ; la nuit de la Saint-Barthélemi, l’assassinat du prince de Condé, l’assassinat de François de Guise, l’assassinat de Henri de Guise et de son frère, l’assassinat de Henri III ; plus de mille combats ou sièges, où toujours le sang français avait coulé par la main des Français ; le fanatisme et la vengeance faisant périr sur les échafauds ou dans les flammes, ceux qui avaient eu le malheur d’échapper à la guerre ; les meurtres, les empoisonnements, les incendies, les massacres de sang-froid, regardés comme des actions permises ou vertueuses ; les enfants qui n’avaient pas encore vu le jour, arrachés des entrailles palpitantes des mères, pour être écrasés ; qu’il termine enfin cet horrible tableau par l’assassinat de Henri IV, dont le corps sanglant est dans ce moment sous leurs yeux ; qu’alors attestant la religion et l’humanité, il conjure les Français de se réunir, de se regarder comme des concitoyens et des frères ; qu’à la vue de tant de malheurs et de crimes, à la vue de tant de sang versé, il les invite à renoncer à cet esprit de rage, à cette horrible démence qui, pendant un siècle, les a dénaturés, et a fait du peuple le plus doux un peuple de tigres ; que lui-même prononçant un serment à haute voix, il appelle tous les Français pour jurer avec lui sur le corps de Henri IV, sur ses blessures et le reste de son sang, que désormais ils seront unis et oublieront les affreuses querelles qui les divisent ; qu’ensuite, s’adressant à Henri IV même, il fasse, pour ainsi dire, amende honorable à son ombre, au nom de toute la France et de son siècle, et même au nom des siècles suivants, pour cet assassinat, prix si différent de celui que méritaient ses vertus ; qu’il lui annonce les hommages de tous les Français qui naîtront un jour ; qu’en finissant il se prosterne sur sa tombe et la baigne de ses larmes : quelle impression croit-on qu’un pareil discours aurait pu faire sur des milliers d’hommes assemblés, et dans un moment où le spectacle seul du corps de ce prince, sans être aidé de l’éloquence de l’orateur, suffisait pour émouvoir et attendrir ?

1383. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Cet aimable et vertueux génie fut enlevé au monde, à ses compatriotes, dont il adoucissait la puissance, à ces millions d’hommes qui, dans leur abaissement et leur ignorance, avaient appris à prononcer son nom, et supposaient vaguement quelque sainteté dans une religion dont il était l’apôtre.

1384. (1929) La société des grands esprits

Diès consiste à supposer implicitement que la terminologie philosophique doit correspondre à des acceptions usuelles. […] Devant l’entrée principale du sanctuaire il y avait une place où s’installaient des boutiques d’objets de piété, dont on peut seulement supposer qu’ils étaient plus jolis que ceux de notre style Saint-Sulpice. […] » En premier lieu, à supposer que l’accord soit fait réellement, c’est depuis si peu de temps qu’on peut juger expédient de l’affermir et de prévenir un nouveau retour d’opinion. […] Il suppose que Pascal, sans préférer les jésuites au fond, les a trouvés pratiquement plus habiles dans certaines controverses sur la liberté et la grâce. […] Même à supposer que l’aventure fût véritable, il n’aurait pas cru pour cela mériter le feu du ciel.

1385. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Mais, dans la version publiée en 1836, l’auteur suppose cette histoire connue, et Chactas ne commence son récit qu’à partir du moment où il a quitté le Père Aubry. […] Et sans doute cet étalage d’horreurs mélodramatiques suppose un désir un peu enfantin d’étonner et de frapper : mais il suppose aussi chez l’auteur, à cette époque, un fond sincère d’imagination sombre et maladive. […] Et ceci : Je suppose, Céluta, que le cœur de René s’ouvre maintenant devant toi : vois-tu le monde extraordinaire qu’il renferme ? […] Il est d’ailleurs remarquable que, jusqu’à la fin de sa vie et dans le temps même de ses plus beaux gestes de chevalier de la foi, Chateaubriand ait toujours eu des phrases qui supposaient un quasi nihilisme. […] Et pourtant, assure celui-ci, « mon plan adopté, les étrangers n’auraient point de nouveau ravagé la France, nos princes ne seraient point revenus avec les armées ennemies ; la légitimité eût été sauvée par elle-même… » Oui, si son plan avait réussi : il suppose avec intrépidité ce qui est en question.

1386. (1921) Esquisses critiques. Première série

Les analogies que pour notre part nous relevons entre ce personnage et son modèle supposé, ne sont point ces désobligeantes singularités extérieures, ces toquades (comme dit Edmond de Goncourt) qui font de des Esseintes un personnage un peu comique. […] On peut donc avancer que nul ne l’ignore, et supposer que c’est la masse de la bourgeoisie et des gens du monde qui constitue l’essentiel de ses lecteurs. […] Une écriture rapide, voluptueuse, moins confiante qu’on ne la supposerait à l’avance, sert de première traduction à son idée. […] Ce poète supposé n’atteint jamais le lyrisme. […] Le succès de Rostand par exemple suppose une foule enthousiaste, celui d’Anatole France une élite extrêmement cultivée.

1387. (1899) Arabesques pp. 1-223

Mais je ne suppose pas qu’on fasse un crime à quelqu’un qui se tient propre de haïr nos Maîtres et de les fouailler. […] Supposons, par exemple, que le transformisme, philosophie formulée pour la première fois complètement par l’Anglais Darwin, soit inconnu chez nous. […] Supposons que le rêve de Nietzsche se réalise, que les plus intelligents, les plus volontaires d’entre les hommes se donnent pour but la création de quelques types où s’absorberaient toutes les énergies de l’espèce au détriment absolu du grand nombre. […] Le temps étant infini et le nombre des forces, si considérable qu’on le suppose, étant limité, Nietzsche prétend qu’en vertu du déterminisme universel la série totale des combinaisons de forces doit produire, sans cesse, les mêmes causes et les mêmes effets. […] On peut tout supposer ; on peut même croire que ces divers sentiments ont contribué à le déterminer.

1388. (1888) Poètes et romanciers

» Je suppose qu’Hermann, sans la gêne de la rime, aurait mieux parlé ? […] Comme le peuple, dont il a les instincts, comme l’illustre Carnot, qui était bien un libéral, je suppose, quand l’heure de choisir fut venue, il subordonna toute doctrine politique à l’intérêt pressant du patriotisme. […] La liberté et la patrie ne sont pas d’aussi grandes dames qu’on le suppose : elles ne dédaignent le concours de rien de ce qui est populaire… Qu’on essaye donc de faire de la poésie pour le peuple, mais pour y parvenir, il faut l’étudier. […] À supposer que le jeune auteur n’ait pas réussi du premier coup dans son effort, c’est au moins là une œuvre de haut vol qui s’élève au-dessus de la plupart des productions contemporaines. […] Rien ne nous le fait supposer, tout nous fait croire le contraire.

1389. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Si le roman est de la vie racontée, il suppose un narrateur… Un témoin… n’est pas un miroir impassible, il est un regard qui s’émeut, et l’expression même de ce regard fait partie de ce témoignage. » Ainsi Balzac et Walter Scott. […] Il serait ridicule de supposer que Flaubert a voulu l’y mettre. […] Je suppose que M.  […] Nous pouvons supposer qu’un génie qui soit au roman ce que Platon fut au dialogue et qui y mette une puissance métaphysique aussi intense existe quelque jour. […] Il faut un effort pour s’en apercevoir : supposez le même thème traité par Fragonard et par Rembrandt, par Banville et par Baudelaire !

1390. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

. — Aucun commentateur des écrits du célèbre écrivain ne nous avait parlé des études qu’on va lire, et il est assez curieux de constater que depuis quarante ans que des milliers d’ouvrages et d’articles ont paru sur le penseur, l’ethnologue, l’orientaliste, le romancier, le conteur, le poète, et le sculpteur même, qu’il était, à peine le professeur Schemann dans sa biographie de l’auteur de l’Essai sur l’Inégalité des Races, — et plus récemment deux articles du Figaro littéraire laissaient supposer qu’il avait tenu d’une façon régulière une rubrique sur les œuvres de ses contemporains. […] On ose à peine le supposer ; un si joli petit être si fragile, si capricieux, n’a ni passion, ni violence ; s’il suit une pente, ce n’est pas qu’il y coure, c’est qu’il se laisse aller, c’est de l’eau qui coule. […] C’est un sentiment qui plaît à tout le monde, et ce mot si piquant dans la bouche des femmes : Comme cet auteur ressemble peu à ce qu’il écrit, montre combien il est naturel de supposer le livre confident de l’homme.

1391. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

On s’ingénie volontiers pour lui supposer des parents, et, le souvenir des vieilles allégories revenant à l’esprit, on s’arrête à l’hypothèse qu’un jour Chevalerie épousa Guignon, et que de cette union naquit le héros de la Manche. […] Supposez que son amour contrarié n’existe point, qu’il n’ait jamais connu Charlotte, et la tragédie sera la même. […] Il est permis en effet d’avoir quelques soupçons quand le malade s’appelle Byron, Chateaubriand ou Benjamin Constant ; on peut supposer qu’il tient à sa maladie comme à une partie de sa gloire. […] Rien cependant dans sa personne n’indiquait au premier abord qu’il fût en rapport avec d’aussi grandes puissances, ni qu’il lut honoré d’aussi illustres amitiés, rien si ce n’est une certaine tendance à s’isoler, qui pouvait faire supposer un mystère dans sa vie. […] Supposez un instant, je vous en prie, que c’est Lawrence Sterne avec sa sentimentalité bouffonne qui vous raconte cette histoire si bien faite pour réjouir ses mânes, et il vous sera facile de suppléer par l’imagination à l’inexpérience et à l’insuffisance de mon récit.

1392. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Il paroît aujourd’hui qu’on a disputé à Newton la découverte du calcul différentiel, comme on a contesté à leurs véritables auteurs celles de la circulation du sang, de la circulation de la sève, des petits vermisseaux dont nous sommes composés : mais il faut convenir, en même-temps, avec Fontenelle, que, si Léibnitz s’est approprié cette découverte, un tel vol suppose bien du génie, & le rend comparable à Promethée, « qui déroba le feu aux dieux, pour en faire part aux hommes. » Les sciences Servent-elles à épurer les mœurs ? […] Précisément dans ces articles : Jésus-Christ n’a pas fait profession de pauvreté évangélique, avant que de l’avoir enseignée : le baptême de Constantin, par le pape Silvestre, est une fable : les donations de ce même empereur à l’église Romaine, sont une pièce supposée : il n’est pas certain que la face de Jésus-Christ ait été imprimée sur le mouchoir de sainte Véronique, ni même qu’il y ait jamais eu une sainte de ce nom : saint Pierre n’a été que quinze ans à Rome : l’église d’Anvers est en possession de montrer le prépuce de Jésus-Christ ; mais cette église est-elle bien assurée de l’avoir ? […] Il est vrai que, pour l’honneur de sa majesté impériale, ils voulurent bien supposer que la lettre n’étoit pas d’elle. […] Les dominicains en font saint Thomas le père : mais, que ce soit ou ne soit pas un enfant supposé, la discussion est inutile. […] Il parut encore une lettre supposée de ce monarque(*) à M.

1393. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Permets, ma chère Eugénie, que je n’en dise pas davantage jusqu’à ce qu’il se soit un peu débrouillé et que je sois rentrée dans mon état ordinaire, supposé que j’y puisse rentrer. » En extrayant ces simples paroles, je ne puis m’empêcher de remarquer que je les emprunte précisément à l’exemplaire des Lettres Neuchâteloises qui a appartenu à Mme de Montolieu, et je songe au contraste de ce ton parfaitement uni et réel avec le genre romanesque, d’ailleurs fort touchant, de Caroline de Lichtfield. […] … Si je vous eusse parlé d’un de ces êtres comme j’en connais beaucoup, qui, même lorsqu’ils ne font pas de mal, ne font aucun bien, ou ne font que celui qui leur convient ; qui, n’ayant que leur intérêt pour guide, n’en supposent jamais aucun autre au cœur d’autrui, vous l’eussiez sûrement méprisé.

1394. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

La finesse d’ailleurs, la raillerie couverte, la sournoiserie même de l’auteur entre ces deux bons compères, Saint-Ange et Mascurat, va aussi loin qu’on peut supposer. […] C’est un discours supposé dans la bouche d’un Faune pour avertir les promeneurs à l’entrée d’un petit bois qui faisait partie de son domaine de Gentilly : Nunc animis linguisque viti, juvenesque favete, etc.

1395. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Remarquez les coups de grosse caisse, j’entends les grands moyens ; on appelle ainsi tout ce que dit un personnage qui veut délirer et ne délire pas ; par exemple, parler aux rocs et aux murailles, prier Abeilard absent de venir, s’imaginer qu’il est présent, apostropher la Grâce, la Vertu, « la fraîche Espérance, riante fille du ciel, et la Foi, notre immortalité anticipée1110 », entendre les morts qui lui parlent, dire aux anges de « préparer leurs bosquets de roses, leurs palmes célestes et leurs fleurs qui ne se flétrissent pas1111. » C’est ici la symphonie finale avec modulation de l’orgue céleste : je suppose qu’en l’écoutant Abeilard a crié bravo. […] Je suppose que sous Pope, Dryden et Boileau, les hommes avaient surtout besoin de mettre leurs idées en ordre, et de les voir bien claires en des phrases bien nettes.

1396. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Supposez que vous soyez égarés depuis des années et des années dans l’immensité de ces forêts qui nous entourent ; supposez que du haut d’une montagne vous aperceviez enfin, le soir, une légère vapeur bleue s’élever dans le ciel au-dessus du toit du château : que ne vous dirait pas au cœur cette petite colonne bleuâtre sortant de la cheminée de votre père et de votre mère ?

1397. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

On suppose donc que les inondations des barbares, suivies du bouleversement entier de la societé par tout où ils s’établirent, ôterent aux peuples conquis les commoditez necessaires pour cultiver les lettres et les arts, et même l’envie de le faire. […] Mais supposons que les lettres et les arts aïent pû souffrir par les guerres qui se firent entre les successeurs d’Alexandre, et par celles que firent les romains contre deux rois de Macedoine et contre les étoliens, les lettres et les arts auroient dû remonter vers la perfection, dès que la tranquillité de la Grece eut été renduë stable et permanente par sa soûmission aux romains.

1398. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Il juge de tout d’après lui-même, et suppose la volonté partout où il voit le mouvement. […] Ce n’est point ici un de ces romans où les philosophes exposent leurs idées dans une forme historique ; la route de Vico est trop sinueuse pour qu’on puisse la supposer tracée d’avance.

1399. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Ainsi supposez que je sois mort, et il ne s’en faut guère, je vous défie de me trouver un autre successeur que M. de Stainville tant que la paix ne sera pas faite.

1400. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Le bon Hardouin de Péréfixe, qui écrit l’Histoire de Henri le Grand pour l’instruction de Louis XIV, n’accorde à Sully qu’une place médiocre dans son ouvrage, et, préoccupé encore de l’idée d’impopularité qui s’attachait au nom de Rosny, il s’applique à justifier Henri de la faveur qu’il lui avait accordée, et à montrer qu’elle n’était pas ce que supposait l’envie.

1401. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Mirabeau s’emporte contre la personne qu’il suppose être Gibbon, et contre les discours qu’il dit avoir entendus de sa bouche.

1402. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

La Vie de Mozart est réellement tirée d’un ouvrage de Schlichtegroll, auteur très connu en Allemagne, et qu’on a eu le tort, en France, de prendre pour un nom supposé.

1403. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

C’est avec ce surveillant ignare, avec ce Brutus qui ne sait pas lire, qu’il se suppose en conversation et discutant lequel des deux est le plus heureux au sens du sage ; lequel est le plus libre.

1404. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Et, dans une comparaison spirituelle, elle suppose qu’Hélène, cette beauté sans pareille chez Homère, est morte en Égypte, qu’elle y a été embaumée avec tout l’art des Égyptiens, que son corps a été conservé jusqu’à notre temps et nous est apporté en France ; ce n’est qu’une momie sans doute : On n’y verra pas ces yeux, pleins de feu, ce teint animé des couleurs les plus naturelles et les plus vives, cette grâce, ce charme qui faisait naître tant d’amour et qui se faisait sentir aux glaces mêmes de la vieillesse ; mais on y reconnaîtra encore la justesse et la beauté de ses traits, on y démêlera la grandeur de ses yeux, la petitesse de sa bouche, l’arc de ses beaux sourcils, et l’on y découvrira sa taille noble et majestueuse… C’est en ces termes véridiques et modestes que Mme Dacier annonçait sa traduction, et elle n’a rien dit de trop à son avantage.

1405. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Laissons les comparaisons inutiles ; je me contenterai de supposer qu’on a une idée générale et suffisante de la manière et de la veine de l’abbé Delille, et je choisirai rapidement, dans le poème de La Tâche, les endroits qui indiquent chez le poète anglais d’autres sources et d’autres inspirations.

1406. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Les malins et satiriques dirent dans ce temps-là, en faisant allusion à son goût pour la faveur : « Vous verrez qu’il a pris le bon Dieu pour un homme en place. » — Il aurait prêté à ce mot, si lui-même, comme on l’assure, il avait dit plus gaiement qu’il ne convient, en parlant de la confession générale qu’il fit alors et qui dura longtemps : « On n’est jamais plus riche que lorsqu’on déménage. » Toutefois, les impressions premières qu’il avait anciennement reçues dans l’Oratoire, la compagnie de la pieuse reine Marie Leczinska dont il était devenu le surintendant, et, on peut dire, l’ami, et qu’il comparait un peu magnifiquement à la grande reine Blanche, une certaine disposition affectueuse et plus sensible qu’on ne suppose, qui lui faisait rechercher les consolations au-delà de la vie, tout contribua, en définitive, à lui donner, dans son retour, une sincérité selon sa nature et digne de respect.

1407. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Il supposa d’abord inexactement que M. de Girac avait blâmé Voiture de ce qu’il n’écrivait point du tout dans le goût de Balzac, nihil Balzacianum, ce que M. de Girac n’avait pas exprimé de la sorte ni dans ces termes absolus : Il dit (c’est Costar qui parle) que M. de Voiture n’écrit pas de votre manière ; qu’il ne parle pas Balzac ; qu’il ne tient rien de ce noble caractère qui relève si fort vos pensées et vos paroles.

1408. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Le fait est que la liaison entre l’impératrice Catherine et Frédéric n’était pas ce qu’on la supposerait quant à l’intimité, et le roi avait eu grand besoin de son frère pour prendre peu à peu toutes ses liaisons utiles avec cette grande puissance du Nord, qui lui avait fait jusque là l’effet d’un monde inconnu.

1409. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Or, le fabricateur des mémoires, qui ne le sait pas et qui ne s’en soucie guère, uniquement préoccupé qu’il est de satisfaire ses rancunes et ses aigreurs politiques et de donner cours à toutes les malignités qui, dans un certain coin du grand monde, s’attachaient depuis la Révolution à la personne de Mme de Staël et de ses parents, suppose que sa marquise en est aussi tout imbue ; il lui met sous la plume des pages impossibles de méchanceté et de diffamation.

1410. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Ma conclusion est qu’il faut acheter l’armistice à quelque prix que ce puisse être, supposé qu’on ne puisse pas finir les conditions du fond avant le commencement de la campagne. » Or, l’honneur de Villars est précisément, par des moyens qui étaient en lui et qu’il puisait dans sa nature assez peu fénelonienne, d’avoir su remédier à ce découragement universel, et d’avoir tiré des étincelles d’héroïsme là ou les plus pénétrants ne voyaient plus qu’une entière prostration.

1411. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

… » Comme Voltaire l’avait dénoncé d’emblée aux puissances et signalé comme un calomniateur de Louis XIV, de Louis XV et du roi de Prusse, La Beaumelle le rappelait à l’ordre et lui faisait toucher son inconséquence : « Apprenez qu’il est inouï que le même homme ait sans cesse réclamé la liberté de la presse, et sans cesse ait tâché de la ravir à ses confrères15. » Il y a même une lettre assez éloquente, la xiiie , dans laquelle l’auteur suppose un baron allemand de ses amis, qui s’indigne de l’espèce de défi porté par Voltaire, dans son enthousiasme pour le règne de Louis XIV : « Je défie qu’on me montre aucune monarchie sur la terre, dans laquelle les lois, la justice distributive, les droits de l’humanité, aient été moins foulés aux pieds… que pendant les cinquante-cinq années que Louis XIV régna par lui-même. » La réponse est d’un homme qui a souffert dans la personne de ses pères et qui sort d’une race odieusement violentée dans sa conscience, opprimée depuis près de quatre-vingts ans16 et traquée.

1412. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il suppose un souverain qui adopte tout ce qu’il a donné pour vrai et qui s’y conforme en tout : « Ses sujets seront plus heureux de jour en jour… Il serait aisé de démontrer, au contraire, que les sujets de tout souverain qui suivra en même temps des principes ou opposés, ou moins bien liés les uns avec les autres, seront moins heureux. » Il en conclut que les sujets de ce dernier souverain le quitteront, viendront en foule chez l’autre, et que celui-ci, sans tirer l’épée, dépeuplera avec le temps tous les États voisins au profit du sien. » II ne s’agit plus que de trouver ou de former le souverain modèle ; ainsi se réalisera l’utopie.

1413. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Ces deux passages allégués prouvent donc l’exactitude même de notre dire ; mais naturellement, tous les autres endroits de la correspondance que ces deux-ci supposent et où les plaintes de Mme Edling doivent être articulées, ont été passés sous silence et omis par M. 

1414. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Il suppose, d’après quelques mots confidentiels rapportés par deux amis de M. de Harlay, qu’il n’était pas si peu préparé à la mort qu’on l’avait cru généralement.

1415. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Feuillet, me remerciant une quinzaine de jours seulement après que ce premier article eut paru, supposait, dans sa lettre, que dans l’intervalle j’avais dû recevoir son Introduction ou Avertissement, ce qui n’était pas ; il m’écrivait : « Après huit jours de repos à Trouville, j’arrive et je trouve votre article dont je vous remercie, bien que vous ne me trouviez pas nouveau : mais je suis abondant pour confirmer vos idées… Je présume que ma plomberie (l’imprimeur Plon) vous aura envoyé de ses œuvres et que vous avez eu, la semaine dernière, mon Avertissement que je n’ai voulu appeler ni Préface, ni Introduction encore moins : tout cela est bien solennel, etc. » Or, à l’heure où je recevais cette lettre, je n’avais pas encore cet Avertissement et j’en étais à mon troisième article.

1416. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

On nous épluche trop pour ne pas être toujours sur ses gardes. (2 juin 1775.) » A propos de parure, il y a une histoire de bracelets qui préoccupe avec raison la très-sage souveraine : « Toutes les nouvelles de Paris annoncent que vous avez fait un achat de bracelets de 250 mille livres ; que, pour cet effet, vous avez dérangé vos finances et vous êtes chargée de dettes, et que vous avez, pour y remédier, donné de vos diamants à très-bas prix ; on suppose après que vous entraînez le roi à tant de profusions inutiles, qui depuis quelque temps augmentent de nouveau et mettent l’État dans la détresse où il se trouve.

1417. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Necker et de M. de Montmorin, qui forment à peu près tout le Conseil du roi ; je ne les aime ni l’un ni l’autre, et je ne suppose pas qu’ils aient du goût pour moi ; mais peu importe que nous nous aimions, si nous pouvons nous entendre.

1418. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Mollien. » Dans ce cercle de M. de Talleyrand, on avait beaucoup d’esprit, mais on ne faisait pas une si grande dépense d’idées qu’on pourrait de loin le supposer.

1419. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

s’écria l’Empereur42 ; ils supposent toujours que l’ennemi prendra les résolutions les plus habiles, les plus savantes ; mais, s’il en était ainsi, il ne faudrait jamais se coucher à la guerre, puisqu’il n’y a pas de chances plus favorables que de surprendre l’ennemi endormi, comme Daun a surpris Frédéric le Grand à Hochkirch.

1420. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Il revient longuement là-dessus en tête des Libres Méditations, et suppose que le  manuscrit de ce dernier ouvrage a été trouvé dans l’espèce de grotte où vécut cet ouvrier, nommé Lallemant, et qu’il a été écrit par un autre solitaire plus lettré, son successeur.

1421. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Telle est parmi nous la situation des femmes, et, malgré l’exception qu’a formée le nouveau récipiendaire de l’Académie, je crois que, généralement parlant, il est vrai de dire que, pour atteindre maintenant au degré d’intérêt dont elle est susceptible, l’Élégie doit parler par la bouche des femmes, ou du moins en leur nom ; elles seules, dit-on, savent donner de la grâce aux passions malheureuses : en vérité, on peut leur laisser cet avantage-là. » Nulle femme ne se trouva plus que Mme Valmore dans la situation supposée par Mme Guizot, et aucun poëte élégiaque n’a tiré en effet de son cœur des accents plus plaintifs et plus déchirants.

1422. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Je dis que cela est touchant, parce que cela est désintéressé ; et c’est l’honneur éternel des lettres, de ce que les Anciens appelaient studia, d’entretenir en ceux qui les aiment de ces piétés qu’on appellera, si l’on veut, des manies : les hommes qui ne visent qu’au présent et à user à leur profit des circonstances sont incapables, je l’avoue, de telles illusions, qui supposent le rêve d’immortalité, et c’est pourquoi, avec toute sorte de considération pour ces hommes utiles, je préfère les autres.

1423. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Elle en écrit assez séchement aux deux sœurs : décidément, c’est un homme occupé et qui se prodigue peu ; elle qui fait si volontiers les portraits de ses amis, elle ne se croit pas en droit d’entreprendre le sien ; il est, par rapport à elle, au bout d’une trop longue lunette, et rien n’empêche qu’elle ne le suppose encore en Italie.

1424. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

J’ai vu dans le dépôt de Rennes plusieurs maris arrêtés sur la seule dénonciation de leurs femmes, et autant de femmes sur celle de leurs maris ; plusieurs enfants du premier lit à la sollicitation de leur belle-mère ; beaucoup de servantes grosses des œuvres du maître qu’elles servaient, enfermées sur sa dénonciation, et des filles dans le même cas, sur la dénonciation de leur séducteur ; des enfants sur la dénonciation de leur père, et des pères sur la dénonciation de leurs enfants : tous sans la moindre preuve de vagabondage et de mendicité… Il n’existe pas un seul jugement prévôtal qui ait rendu la liberté aux détenus, malgré le nombre infini de ceux qui ont été arrêtés injustement. » — Supposons qu’un intendant humain, comme celui-ci, les élargisse : les voilà sur le pavé, mendiants par la faute de la loi qui poursuit la mendicité et qui ajoute aux misérables qu’elle poursuit les misérables qu’elle fait, aigris de plus, gâtés de corps et d’âme. « Il arrive presque toujours, dit encore l’intendant, que les détenus, arrêtés à vingt-cinq ou trente lieues du dépôt, n’y sont renfermés que trois ou quatre mois après leur arrestation, et quelquefois plus longtemps.

1425. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Ce furent les plus belles années de Fénelon ; il était loin de supposer que les foudres sortiraient bientôt pour lui de ce cénacle où il ne respirait que la paix, la modestie et le bonheur.

1426. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Il suppose une race un peu affaiblie, une diminution de la force musculaire et un raffinement du système nerveux, la persistance de l’esprit d’analyse au fort même des sensations les plus propres à vous faire perdre la tête, par suite une certaine incapacité de jouir pleinement et tranquillement de son corps, le sentiment de cette impuissance, un retour paradoxal, en pleine débauche, au mépris de la chair, et, dans la souillure même, une aspiration à la pureté, moitié feinte et moitié sincère, qui ravive la saveur du péché et le transforme en péché intellectuel, en péché de malice… De M. 

1427. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Or, si la science, supposée complète, entraîne la bonté, elle ne peut, incomplète, être malfaisante en soi, ni même parce qu’elle est incomplète, mais seulement par la faute des passions qui occupaient déjà avant elle le cœur des hommes.

1428. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Un être qui n’aurait pas de sens, une autre statue de Condillac supposée vivante, n’aurait pas une idée ; elle ne penserait pas.

1429. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Un être qui n’aurait pas de sens, une autre statue de Condillac supposée vivante, n’aurait pas une idée elle ne penserait pas.

1430. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Littré vous en préférez une autre, qui, vous le supposez, aurait ici « un dernier refuge ».

1431. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Peut-on supposer un instant que le Shakespeare atténué, affadi, édulcoré par la sage traduction de Letourneur, ait eu la même répercussion sur les âmes que le monstre en liberté qui crie et rugit dans celle de François-Victor Hugo ?

1432. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

On peut objecter encore que la cléricature, avec les mœurs qui l’entourent et les relations bornées qu’elle suppose, n’est pas un milieu propre à développer chez votre lionne pauvre cet appétit du luxe qui va jusqu’au crime et jusqu’au meurtre indirect.

1433. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

En présence de ces grandes et touchantes infortunes, Pétion ne semble occupé que d’une chose, du respect de sa propre vertu, du dessein qu’il suppose à tout le monde de la surprendre et de la corrompre, du soin qu’il a de la préserver et de la faire valoir.

1434. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

s’écrie-t-il, si vous êtes telles que mon cœur le suppose, puissiez-vous, pour l’honneur de votre sexe et pour le bonheur de votre vie, ne trouver jamais de Saint-Preux !

1435. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

» — « Mais je ne dis pas cela non plus, reprit Mlle d’Ette ; je prétends bien pour lui qu’il sera votre amant. » Mon premier mouvement fut d’être scandalisée, le second fut d’être bien aise qu’une fille de bonne réputation, telle que Mlle d’Ette, pût supposer qu’on pouvait avoir un amant sans crime ; non que je me sentisse aucune disposition à suivre ses conseils, au contraire, mais je pouvais au moins ne plus paraître devant elle si affligée de l’indifférence de mon mari.

1436. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

C’est un plaisir plus grand qu’on ne suppose, de relire ces auteurs du xviiie  siècle qu’on répute secondaires, et qui sont tout simplement excellents dans la prose modérée.

1437. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Supposez un moment un Saint-Simon non plus à Versailles, mais dans une de ces grandes assemblées modernes, et demandez-vous ce qu’il y verra.

1438. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Il suppose qu’au moment de commencer l’analyse de ces vues et marines de Vernet, il est obligé de partir pour la campagne, pour une campagne voisine de la mer, et que là il se dédommage de ce qu’il n’a pu voir au Salon, en contemplant plusieurs scènes de la réalité.

1439. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Je dis lecture, car je n’ose toutefois supposer que l’aimable troupe de société qui contribua si fort à mettre à la mode les proverbes de M. 

1440. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Supposez à ces simples paroles un rythme plein d’aisance et de douceur.

1441. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

On allégua des passages positifs, et Montaigne convint de bonne foi qu’il fallait en rabattre de cette exactitude de détail qu’il avait supposée.

1442. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Le Brun, que l’on supposait un des auteurs du journal et qui y était fort loué en même temps que ses ennemis y étaient bafoués, écrivit pour démentir le bruit de sa collaboration ; mais il avait certainement part à cette feuille, qui contenait d’ailleurs des morceaux critiques distingués.

1443. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Il est permis sans injure de lui supposer une telle ambition ; il avait contre la centralisation administrative et sur le gouvernement des Communes par elles-mêmes une doctrine qui allait naturellement à cette armée de gentilshommes de province.

1444. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Si l’on suppose un instant Fouquet restant au pouvoir et s’y établissant, et Louis XIV le laissant faire, on peut très bien distinguer les éléments et l’esprit de la littérature qui aurait prévalu : ç’aurait été une littérature plus libre en tous sens que sous Louis XIV, et le xviiie  siècle eût été en partie devancé.

1445. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Desservi auprès du cardinal Mazarin, à cause de l’influence qu’on lui supposait sur le prince de Conti, on vient un jour le chercher pour le mettre à la Bastille.

1446. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Cette campagne m’avait été favorable, dit Marmont ; on reconnaissait mes services, et on me supposait, avec raison, investi de la confiance du Premier consul.

1447. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Dans le dialogue original et vif qu’on supposerait de l’un à l’autre, ils ne seraient d’accord que sur le Jupiter Olympien et contre Napoléon ; tous deux hommes d’humeur et ne voyant qu’un côté des choses ; mais Quatremère de Quincy plus élevé, et, au nom même de l’art antique et de la religion du goût, faisant honte à Courier de sa popularité politique, de mettre ainsi un talent d’Athénien au service des gens de La Minerve, et d’avoir pu dire sérieusement, dans une lettre adressée au Drapeau blanc : « Le peuple m’aime ; et savez-vous, monsieur, ce que vaut cette amitié ?

1448. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

On a dit qu’il devait cette idée à Dufresny qui, dans un livre intitulé les Amusements sérieux et comiques, suppose, pour plus de variété, un Siamois à Paris, tombé des nues en pleine rue Saint-Honoré, et faisant ses réflexions à sa manière.

1449. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Mais comme il paraissait en plus d’un endroit du récit que le cardinal de Richelieu parlait en son nom et à la première personne, on imagina de supposer que Mézeray dans sa jeunesse, par reconnaissance pour les bienfaits du cardinal, avait voulu, cette fois, prendre son personnage et se masquer sous son nom, et l’on se flattait d’expliquer par ce déguisement toutes les circonstances disparates de l’ouvrage.

1450. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Grimm (disons-le à son honneur) n’était pas aussi insensible qu’on le supposerait à ce désaccord entre les mœurs et les préceptes, et il en souffrait : Une des choses, ma tendre amie, écrivait-il, qui vous rendent le plus chère à mes yeux, est la sévérité et la circonspection sur vous-même que vous avez surtout en présence de vos enfants… Les enfants sont bien pénétrants !

1451. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Supposez un univers fabriqué par des papillons, il ne sera peuplé que par des objets de couleur vive, il ne sera éclairé que par des rayons orangés ou rouges ; ainsi font les poètes.

1452. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Véron consiste à supposer à un homme admirant une œuvre, les facultés et la situation d’esprit d’un analyste.

1453. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Je suppose que c’est un scrupule de ce genre, et la remarque faite après coup, que, pour avoir voulu trop louer Bossuet, il ne l’avait pas assez loué, qui a déterminé M. 

1454. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Nombre de personnes, qui ne s’attendaient guère à trouver chez le noir une imagination aussi variée, m’ont demandé si j’étais bien certain que ces contes fussent vraiment populaires ou si l’on ne pouvait les supposer, au contraire, l’œuvre et l’apanage exclusif de relatifs lettrés.

1455. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Mme de Gasparin a marqué des signes d’un protestantisme trop ardent et trop déterminé les précédents écrits que nous avons d’elle pour qu’on ne suppose pas, dans une de ses publications, une intention de théologie au compte et au profit de son Église, et ici, qu’on le sache bien, cette intention n’existe pas.

1456. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Ainsi, il suppose pour un jour à l’homme la puissance de Dieu, déplaçant le miracle pour ne pas voir le miracle.

1457. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Il faudrait donc le supposer là tout à fait inférieur à lui-même, et croire que cette partie de son œuvre se serait, du vivant même de l’antiquité grecque, abaissée dans l’ombre et n’aurait pas duré même jusqu’aux lettrés romains, qui, dès le temps de Scipion et d’Ennius, s’étaient si fort occupés de la poésie de la Grèce, et ne cessaient de traduire et d’imiter son théâtre ?

1458. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Ce n’est pas en effet une seule imagination humaine, quelque riche qu’on la suppose, qui a pu construire ces idéales hiérarchies de douleurs, d’expiations et de béatitudes, où se complaît le poëte de la Divine Comédie ; c’est la pensée chrétienne qui travaillait, depuis des siècles, sur quelques versets de l’Évangile, sur quelques cantiques d’Isaïe ou de saint Jean.

1459. (1802) Études sur Molière pp. -355

Je suppose, qu’avant de lire la pièce française, on sera bien aise de voir un précis de l’italienne, ne fût-ce que pour avoir le plaisir de prendre notre auteur sur le fait, à mesure qu’il tentera quelques conquêtes sur les étrangers. […] Si l’on pouvait supposer qu’un ouvrage fait avant les Précieuses eût fourni à Molière l’idée de sa pièce, ce ne serait pas celui de l’abbé de Pure, ce serait plutôt un entretien comique en six entrées, dialogué, l’an 1656, par Chappuzeau, et intitulé Le Cercle des femmes. […] La contagion était poussée à un tel point, que les Précieuses, flattées de porter ce titre, convenaient cependant qu’on voyait des femmes, surtout dans la province, qui, voulant les imiter, les copiaient mal et devenaient ridicules : que fait Molière, il intitule sa pièce Les Précieuses ridicules ; il suppose ses héroïnes arrivées à Paris depuis peu, et, en feignant de peindre les Précieuses de province, il peint traits pour traits celles de l’hôtel de Rambouillet, du Marais, et leurs adorateurs ; il fait mieux, il force ses modèles à se reconnaître, même à se corriger, sans leur laisser la consolation d’oser se plaindre. […] Je félicite aussi le valet qui, le premier, a pesé la boîte d’or dans sa main, et s’est dépêché d’en enrichir sa poche ; mais que dire des valets qui l’ouvrent, cette boîte, feignent d’y prendre du tabac, et d’en offrir aux personnes dont ils se supposent entourés ! […] C’est à tort que divers éditeurs l’ont imprimée après La Princesse d’Élide ; c’est encore à tort qu’on la suppose faite d’après une aventure arrivée au comte de Grammont, en Angleterre39.

1460. (1896) Écrivains étrangers. Première série

À supposer même que les Maîtres Chanteurs et Parsifal fussent l’œuvre d’un acteur manqué, leur immortelle beauté n’en reste pas moins ce qu’elle est. […] Walter Scott, si dédaigné du public français, est resté dans sa patrie infiniment plus populaire qu’on ne serait porté à le supposer. […] Ni lui-même ni personne autour de lui n’aurait alors supposé qu’il dût être bientôt l’une des gloires d’Oxford. […] Car de dire qu’il éclaire, c’est supposer la compréhension de notions telles que la matière, le temps, l’espace, la force, que M.  […] Scandalisés d’apprendre qu’il ne les avait pas admirés aussi profondément qu’ils l’avaient supposé, ses amis ont fait le silence autour de son nom.

1461. (1929) Amiel ou la part du rêve

Le fils, pas plus que le père, ne devait jamais trouver irréfutables les raisons de vivre qui avaient cours, supposons-le, dans la bonne rue Verdaine. « Quand je pense à la solitude morale dans laquelle il m’a fallu grandir depuis mon enfance, écrira-t-il à trente ans, sauf les rencontres précieuses, mais épisodiques, de l’amitié ; quand je réfléchis à ce que je serais sans les distractions de l’étude, sans l’oubli de moi-même, sans la vie de la pensée, sans le refuge tranquille de la science, je ne puis m’empêcher de voir que le fond de ma vie est la tristesse, parce que j’ai vécu seul, dans l’abandon, refoulé sur moi-même. » Le père préposé à ce refoulement, comme la mère à la tendresse et à l’expansion, cela n’a rien d’exceptionnel : « L’ironie, dit Amiel, a de bonne heure atteint mon enfance. » Une ironie qui desséchait ou faisait pleurer. […] On n’est libre que par la critique et l’énergie, c’est-à-dire par le détachement et le gouvernement de son moi ; ce qui suppose plusieurs sphères concentriques dans le moi, la plus centrale étant supérieure au moi, étant l’espèce la plus pure, la forme superindividuelle de notre être, notre forme future sans doute, notre type divin. […] Les lignes de Scherer feraient supposer une lune miel. […] La justice suppose la noblesse de l’âme et le désintéressement. — Une fédération de petits peuples libres, qui ne demandent que l’indépendance, semble la patrie naturelle des idées historiques plus humaines, le sol des théories épurées de civilisation.

1462. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Je suppose qu’on veuille vérifier cette maxime et en mesurer la portée. […] Car supposez un homme qui sente trop : pourra-t-il s’astreindre à suivre en logicien et en narrateur le fil des événements, à les exposer eux-mêmes tels qu’ils se sont passés, à réfléchir le passé comme fait une glace pure, à n’y rien ajouter de son émotion personnelle, à faire abstraction de soi-même, à ne pas paraître dans son récit ? […] Madame de la Fayette et ses hôtes ne supposaient pas qu’il y eût au monde des confiseurs ni des oies. […] Je me suppose grand amateur d’aristocratie, de démocratie, ou de toute autre sorte de gouvernement. […] Supposez qu’un général anglais se fasse maître absolu dans l’Inde, réduise les colons anglais à l’obéissance et améliore la condition des Hindous ; supposez qu’un général américain dans la Virginie fasse des Américains ses sujets et affranchisse les nègres ; supposez qu’un colon de Londonderry, au xviiie  siècle, se soit établi roi d’Irlande et ait aboli les lois odieuses qui opprimaient les Irlandais : le colon de Londonderry, le général anglais et le général américain auront fait une action fort semblable à celle de César, et leur action, pour cela, ne sera pas meilleure.

1463. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

« Le bien que nous avons reçu de quelqu’un veut que nous respections le mal qu’il nous fait. » — Je suppose que cette fois la bonté d’âme de La Rochefoucauld éclate pleinement. […] C’est une littérature personnelle qui suppose derrière elle et qui contient encore toute une littérature impersonnelle qu’on n’a pas voulu qui se répandît. […] Toute religion suppose une foi, des mystères, une tradition. […] Supposez un peuple où la grande poésie épique ait été très florissante, puis, brusquement, ait disparu. […] Il ne verra rien sans le rattacher à une cause ; il supposera une force à l’origine de tout mouvement ; il lui sera impossible de comprendre un mouvement sans but ; et impossible d’imaginer, au-delà de tout ce qu’il voit, ou suppose, un je ne sais quoi qui soit rien.

1464. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

D’ailleurs, le génie même qu’il a déployé dans la peinture de ses tristesses, ne suppose-t-il pas qu’elles avaient des répits et des intervalles ? […] Toujours mêmes couleurs éparses, mêmes complaintes égarées, même affreuse catastrophe. » La principale part d’invention dans cet écrit consiste à supposer que son auteur inconnu s’est tué d’un coup de lime au cœur. […] Qui empêche de supposer que ce modèle ait été emprunté à quelque autre souvenir de la vie de Benjamin Constant ? […] Mais supposons, je le veux bien, cette disposition innée en lui. […] On peut supposer qu’il n’y avait là qu’un jeu d’imagination bizarre, et, en effet, cette fantaisie satisfaite, Théophile Gauthier est rentré dans des habitudes bien différentes.

1465. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

On peut supposer que Molière avait cette pièce dans un de ses portefeuilles et assurément il l’avait dans l’esprit en revenant de province à Paris. […] Ce qui prouve encore que Molière est toujours avec la nature, même vicieuse et honteuse, ce sont les paroles d’Angélique dans George Dandin : « Je veux jouir, s’il vous plaît, de quelque nombre de beaux jours que m’offre la jeunesse et prendre les douces libertés que l’âge me permet. » Le voilà, dit-on, cri de la nature, le voilà bien. « Suivons donc la nature, voilà pour Molière la règle des règles, j’entends celle qui règle les autres et à laquelle, donc, il faut qu’on les rapporte toutes. » Il y a peut-être quelque exagération ou quelque écart à supposer que Molière a choisi Angélique pour être l’interprète le plus fidèle et truchement le plus exact de sa philosophie et pour formuler la règle des règles. […] J’ajoute qu’Angélique ne plaide point du tout une thèse générale, qui serait le seul cas où l’on serait — très peu mais quelque peu — autorisé à supposer que Molière parle par sa jolie bouche ; elle plaide son cas qui est celui-ci : on l’a épousée sans qu’elle y consentît, et avant les paroles qu’on nous cite et qu’on nous cite comme la pensée centrale de la philosophie de Molière elle dit : « La foi que je vous ai donnée ! […] Dans l’Impromptu de Versailles, Molière suppose un marquis qui se demande si Molière ne va pas être à court de sujet et il lui fait répondre : « Plus de matière ? […] Un regard de pitié jeté sur les turbulents et un regard au ciel comme pour implorer grâce pour eux, serait très bien ; ce serait pour l’assistance, ce serait dans le rôle ; mais la méditation intérieure, où il se félicite d’être meilleur que d’autres, ne fait rien pour le rôle et suppose une vie intérieure ; or il n’a pas de vie intérieure et il joue toujours un personnage : « Il évite une église déserte et solitaire, où il pourrait entendre deux messes de suite, le sermon, vêpres et compiles, tout cela entre Dieu et lui et sans que personne lui en sût gré : il aime la paroisse ; il fréquente les temples où se fait un grand concours ; on n’y manque point son coup, on y est vu.

1466. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Supposé que ce discours fût encore plus parlant qu’il ne l’est, si je puis ainsi dire, c’est nous, modestes écrivains, et non pas un Pascal, qui ne saurions analyser ou peindre que les passions que nous avons vécues. […] On ne supposera pas, au contraire, que Balzac — l’auteur du Père Goriot et d’Eugénie Grandet — ait beaucoup lu le Spectateur français. […] Je suppose que Prévost, n’ayant aucune raison d’en vouloir au grand-duc de Toscane, eût aussi bien mis à sa place, ici, le shah de Perse ou le prêtre Jean ; mais le grand-duc de Toscane ! […] Serait-il téméraire de supposer que, s’il n’en avait qu’un, ce tome des tragédies de Racine ne devait pas être celui des deux qui contenait Esther et Athalie ? […] Supposé que le moment ne soit pas venu de bâtir, avant de bâtir ne faudra-t-il pas toujours dessiner, et pourquoi ne commencerait-on pas ?

1467. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Supposez un homme qui, les yeux fermés, voit distinctement le visage adoré de sa maîtresse, qui l’a présent tout le jour, qui se trouble et tressaille en imaginant tour à tour son front, ses yeux, ses lèvres, qui ne peut pas et ne veut pas se détacher de sa vision, qui chaque jour s’enfonce davantage dans cette contemplation véhémente, qui à chaque instant est brisé par des anxiétés mortelles ou jeté hors de lui par des ravissements de bonheur ; il perdra la notion exacte des choses. […] Quand on ne peut penser à un objet sans éblouissement et sans larmes, on l’agrandit et on lui suppose une nature qu’il n’a pas. […] Dans cette attente et dans cette émotion, sa curiosité se prend à tout ; à propos du moindre fait, du plus spécial, du plus archaïque, du plus chimérique, il conçoit une file d’investigations compliquées, calculant comment l’arche a pu contenir toutes les créatures avec leur provision d’aliments ; comment Perpenna, dans son festin, rangea les invités afin de pouvoir frapper Sertorius, son hôte ; quels arbres ont pu bien pousser au bord de l’Achéron, à supposer qu’il y en ait eu ; si les plantations en quinconce n’ont pas leur origine dans le paradis terrestre, et si les nombres et les figures géométriques contenues dans le losange ne se rencontrent pas dans tous les produits de la nature et de l’art. […] Les demi-preuves lui suffisaient ; au fond, elle ne s’occupait pas d’établir une vérité, mais d’arracher une conviction, et son instrument, le syllogisme, n’était bon que pour les réfutations, non pour les découvertes ; il prenait les lois générales pour point de départ au lieu de les prendre pour point d’arrivée ; au lieu d’aller les trouver, il les supposait trouvées ; il servait dans les écoles, non dans la nature, et faisait des disputeurs, non des inventeurs. […] Il faut, comme dans les industries, observer, essayer, tâtonner, vérifier, tenir son esprit fixé « sur des choses sensibles et particulières », n’avancer que pas à pas vers les règles générales, « ne point anticiper » sur l’expérience, mais la suivre, ne point supposer la nature, mais « l’interpréter. » Il faut, pour chaque effet général, comme la chaleur, la blancheur, la dureté, la liquidité, chercher une condition générale, en telle façon qu’en produisant la condition on puisse produire l’effet.

1468. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Supposez chez les tenants de ce défi poétique une sorte de furie, semblable à celle qui fait chanter tous à la fois les oiseaux d’une volière, non pour exprimer leurs petites passions, mais pour s’imiter et se surpasser, vous aurez une idée assez juste de cette poésie. […] Louis XIV lui-même assista à plusieurs représentations de Dom Japhet, ce qui suppose qu’il s’y amusait. […] Il s’agit de ces paroles prononcées par l’acteur, qu’on suppose n’être pas entendues des autres personnages, quoiqu’elles le soient du public.

1469. (1925) Dissociations

Je le croirais assez volontiers, mais cela m’est, et quasi à tout le monde, je suppose, parfaitement égal. […] On peut très bien supposer qu’un jour viendra où les hommes seront aussi honteux d’avoir condamné dans les formes tant d’impulsifs sanguinaires, qu’ils le sont en retrouvant la trace de quelques porcs féroces et quelques chiens enragés qu’on jugea solennellement avant de les pendre ou de les assommer. […] Elle suppose un tas de connaissances qu’elle ne contient point et dont il faut se munir d’avance.

1470. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Quand on l’a connu, il est évident qu’il n’aurait jamais consenti à assembler les notables, et encore moins les États généraux ; et que, si l’on suppose des circonstances critiques, il n’aurait pas balancé, pour le rétablissement de l’ordre, à prendre les plus violents partis et à y persévérer.

1471. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Le propre de l’âme de l’homme, tant elle a conservé de royales marques de sa hauteur première, est de ne vivre que d’admiration, « et ce besoin d’admiration dans l’homme suppose au-dessus de nous une source inépuisable de cette même admiration qui est notre aliment de première nécessité ».

1472. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

quels étaient au juste les longs desseins qu’il avait formés sur l’Europe, et de quelle manière cette grande guerre renaissante, et supposée heureuse, les aurait-elle fait tourner ?

1473. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Cette doctrine suppose un grand fonds de confiance dans la nature humaine.

1474. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Si on parlait devant lui (je suppose) de quelqu’un qui avait de l’esprit sans doute, mais encore plus de prétention et d’affiche, beaucoup de faste et d’ébouriffure, si on risquait à son sujet le mot de sot, de sottise : « Ce n’est pas un sot, répliquait M. 

1475. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

J’appelle inventer en pareil cas, venir supposer, après coup, à un vieil auteur de qui l’on n’avait jamais entendu parler, un talent dont les preuves, tardivement produites, sont plus que douteuses, et une signification, une importance qu’il n’a jamais eue à aucun moment parmi ses contemporains.

1476. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Supposons donc que l’on soit devant une suite de tableaux que le poète décrit et s’attache à caractériser l’un après l’autre, comme étant l’expression vivante des personnages représentés ; on arrive ainsi devant un tableau de Philoctète à Lemnos.

1477. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Je suppose donc que j’ouvre le Dictionnaire, non plus du Mobilier, mais des Ustensiles, au mot Tressoir, — ce dernier Dictionnaire n’a point encore paru, mais il est sous presse, et, comme on dit, en préparation : — qu’y trouvé-je ?

1478. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Après cela, je dirai que Mme Roland n’est pas si loin qu’il le suppose des dames du juste-milieu, ni de la classe moyenne qui s’élève, et ce n’est au désavantage de personne que j’en fais la remarque.

1479. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Il est bon et obligeant, mais, comme tous les hommes d’un grand talent littéraire, impossible à cultiver : il appartient à trop de monde, à tous les mondes. » Avec le seul Musset, il n’y avait jamais eu d’occasion, de rencontre, et partant de sympathie établie, pas le moindre petit fil tendu à travers l’air, et elle le supposait de loin plus avantageux certainement, plus plein de lui-même qu’il ne l’était, lui, l’indifférent passionné, éperdument livré au torrent de la vie ; elle avait à son sujet de la prévention, faute de l’avoir connu à une heure propice.

1480. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

On supposait les textes connus, et l’on marchait sur un terrain établi.

1481. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Ce qui la caractérise en ce moment cette littérature, et la rend un phénomène tout à fait propre à ce temps-ci, c’est la naïveté et souvent l’audace de sa requête, d’être nécessiteuse et de passer en demande toutes les bornes du nécessaire, de se mêler avec une passion effrénée de la gloire ou plutôt de la célébrité, de s’amalgamer intimement avec l’orgueil littéraire, de se donner à lui pour mesure et de le prendre pour mesure lui-même dans l’émulation de leurs exigences accumulées ; c’est de se rencontrer là où on la supposerait et où on l’excuse le moins, dans les branches les plus fleuries de l’imagination, dans celles qui sembleraient tenir aux parties les plus délicates et les plus fines du talent.

1482. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

au degré de mérite qu’ils vous supposent.

1483. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Et l’entreprise que je propose en ce moment et que je suppose, cette espèce de rêve au pot au lait que j’achève en face de mon écritoire, cette histoire de journaux donc, dans son incomplet même et son inexact inévitable, se fera-t-elle ?

1484. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Entre ce double antagonisme, tel que je le suppose, plus à distance avec M. de Tocqueville et plus rapproché avec M.

1485. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Promettez que rien n’est accompli, supposez que rien n’est commencé.

1486. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Mais aussi il désarçonne parfois cette âme, cet esprit, ce cavalier intraitable, et alors il vit des mois entiers en bête (il nous l’assure), sans penser, couché sur sa litière : « Vous voyez, poursuit-il, que mon existence ne ressemble pas tout à fait à la béatitude et aux ravissements où vous me supposez plongé.

1487. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Le poëte suppose que le jeune Télémaque, fils d’Ulysse et de Pénélope, conduit par la Sagesse sous la forme d’un vieillard nommé Mentor, navigue sur toutes les mers de l’Orient à la recherche d’Ulysse, son père, que la colère des dieux repousse pendant dix ans de la petite île d’Ithaque, son royaume.

1488. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Pour nous mettre sous les yeux toute une série d’études de femmes, qu’il avait en portefeuille, il imagina de haranguer un ami fictif, supposé enclin à se marier ; il se donna un caractère déplaisant de célibataire grincheux : mais au moins, d’une suite de portraits, il avait fait un sermon et une Satire.

1489. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

De telles absurdités, évidemment, détruisent le sujet, et supposent une absolue méconnaissance des conditions esthétiques selon lesquelles, par sa constitution même, il peut être traité.

1490. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Faut-il supposer chez ce Méridional une lointaine survivance du vieil esprit d’hérésie qui avait causé trois siècles plus tôt la ruine du Midi ?

1491. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

S’il lui faut supposer parfois des faits multiples ou des coïncidences trop arrangées, c’est qu’il médite des cas de conscience raffinés, des conflits héroïques de sentiments.

1492. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Si bien que d’Eblis se croit obligé d’expier et s’en va… Sacrifices sur sacrifices : en voilà quatre bien comptés, et qui tous supposent le courage le plus héroïque dans la plus haute délicatesse morale.

1493. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Or, cela ne suppose qu’une aptitude particulière qui peut d’ailleurs s’allier à une foncière médiocrité d’esprit.

1494. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

La graisse m’en fige encore sur le cœur. » Ces parades, analogues à celles des tréteaux du Pont-Neuf, supposaient évidemment plus ou moins d’impromptu.

1495. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Il la suppose instruite de ce grand mystere, & par-là lui fait soûtenir avec grandeur le spectacle de cette mort.

1496. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et si l’on remarque, d’autre part, qu’une semblable complexité mentale, — outre qu’elle suppose que l’on est relatif par tempérament et absolu par éducation, très perspicace et d’autant moins éclairé ; que l’on n’échappe à la torture de l’idée que par le renoncement ; qu’en d’autres termes, l’on n’a au cœur rien de proprement viril, nous ne disons pas d’humain, ni la force d’être sceptique avec décision, ni le pouvoir de se passionner avec constance, — entraîne, pour l’alimentation vitale de l’esprit, la nécessité d’une transposition indéfinie de la perspective, l’on achèvera de comprendre que M. 

1497. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

On peut supposer encore qu’il a risqué cet esclandre pour s’attirer — comme il arrive en effet, — une provocation de Champlion, et se débarrasser de lui par le coup d’épée d’une rencontre.

1498. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Le soir de ce jour-là ou le lendemain, Bettina revit Goethe chez Wieland, et, comme elle faisait la jalouse d’un bouquet de violettes qu’il tenait à la main et qu’elle supposait qu’une femme lui avait donné, il le lui jeta en disant : « Ne peux-tu te contenter que je te les donne ? 

1499. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Dès les premiers jours, il sait tous les termes en usage à bord : « Il faut bien s’y accoutumer, écrit-il ; je dis à mon valet-de-chambre : Amarrez mon collet. » On prêche, et il trouve tout le monde éloquent : Il n’y a pas un mousse sur notre vaisseau qui ne veuille aller en paradis : cela supposé, le moyen que les sermons ne soient pas bons ?

1500. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

La reine, épouse de Louis XIV, avait été très sensible en effet à cette faveur de Mme de La Vallière, qui datait de si peu de temps après son mariage, et elle en avait versé plus de larmes qu’on ne le supposait généralement de son apparente froideur : « Voyez-vous cette fille qui a des pendants de diamants ?

1501. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Supposez un instant Mirabeau ministre, défenseur avoué du trône constitutionnel, et s’honorant de l’être, il eût fait ce sacrifice sans nul doute, ou plutôt il n’eût pas eu de sacrifice à faire : l’orateur se serait simplement retourné, et aurait fait face à l’attaque sur la brèche même ouverte par lui.

1502. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Dans ce portrait et cette histoire de Sapho, qui se lit vers la fin du Grand Cyrus, elle marque à quel point elle en était pénétrée, et elle y apporte plus de nuances et de tact que de loin, d’après sa réputation, on ne lui en suppose.

1503. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Un peu plus loin, je lis cette autre pensée : Je connais quelques esprits métaphysiques auxquels je ne parlerai jamais des beautés de la nature ; ils ont franchi depuis longtemps les idées intermédiaires qui lient les sensations avec les pensées, et leur esprit s’occupe trop d’abstractions pour qu’on puisse leur faire partager les jouissances qui supposent toujours les rapports de l’âme avec des objets réels et extérieurs.

1504. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

L’abbé Maury, à cette date, n’avait que vingt-cinq ans et non point quarante, comme le suppose La Harpe, qui veut faire de Maury un talent tout d’effort et de labeur.

1505. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Ainsi, lorsqu’en janvier 1760, sortant de la Bastille, où il avait été détenu onze jours pour avoir récité en société une satire contre le duc d’Aumont, il va trouver le ministre, le duc de Choiseul, et qu’il essaie de l’émouvoir, d’obtenir qu’on lui laisse le privilège du Mercure avec lequel il soutient sa famille, ses tantes, ses sœurs, le discours qu’il se suppose en cette occasion et qu’il refait de mémoire est faux et presque ridicule : Sachez, monsieur le duc, qu’à l’âge de seize ans, ayant perdu mon père, et me voyant environné d’orphelins comme moi et d’une pauvre et nombreuse famille, je leur promis à tous de leur servir de père.

1506. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

[NdA] Je le suppose né en 1757.

1507. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Le général Canuel, ancien jacobin devenu ultra, peu scrupuleux en moyens, homme ambitieux et sanguinaire, avait tiré parti de quelque conspiration pour en supposer d’autres et pour organiser la terreur dans le département.

1508. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

* * * — Une femme du monde disait d’un amoureux ridicule : « Je ne supposais pas que ce monsieur eût un cœur ! 

1509. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

En effet, on est à l’aise dans l’imbécillité apparente pour couver un grand dessein ; l’idiot supposé vise à loisir.

1510. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Comme donc ce n’est point une chose bizarre d’entendre s’élever de tout un amphithéâtre un ris universel sur quelque endroit d’une comédie, et que cela suppose au contraire qu’il est plaisant et très naïvement exécuté, aussi l’extrême violence que chacun se fait à contraindre ses larmes, et le mauvais ris dont on veut les couvrir prouvent clairement que l’effet naturel du grand tragique serait de pleurer tous franchement et de concert à la vue l’un de l’autre, et sans autre embarras que d’essuyer ses larmes, outre qu’après être convenu de s’y abandonner, on éprouverait encore qu’il y a souvent moins lieu de craindre de pleurer au théâtre que de s’y morfondre.

1511. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

 » En ce cas, je répondrai que les loups vivent ainsi, et que ce n’est pas une société qu’un assemblage de barbares anthropophages, tels que vous les supposez : et je vous demanderai toujours si, quand vous avez prêté votre argent à quelqu’un de votre société, vous voudriez que ni votre débiteur, ni votre procureur, ni votre notaire, ni votre juge, ne crussent en Dieu ? 

1512. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Il y a, comme on voit, deux manières d’ordonner une bataille, ou en pyramidant par le centre de l’action ou de la toile auquel correspond le sommet de la pyramide, et d’où les branches ou différens plans de cette pyramide vont en s’étendant sur le fond à mesure qu’ils s’enfoncent dans le tableau, magie qui ne suppose qu’une intelligence commune de la perspective et de la distribution des ombres et des lumières ; ou en embrassant un grand espace, en regardant toute l’étendue de sa toile comme un vaste champ de bataille, ménageant sur ce champ des inégalités, y répandant les différents incidens, les actions diverses, les masses, les groupes liés par une longue ligne qui serpente, ainsi qu’on le voit dans les compositions de Le Brun.

1513. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Thierry suppose ne se fît pas exactement comme il le dit, dans cette tête déformée de kalmouck, ivrogne et superstitieux, dont les hordes ne devaient colporter ni dieux, ni morale, ni gouvernements à l’ancien monde, mais il n’est pas douteux que la bête humaine qui pataugeait au fond d’Attila n’eût flairé la jouissance romaine, et que l’envie d’y toucher ne se fût éveillée !

1514. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Supposez que M. 

1515. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Cet homme, accident bouffon plus commun qu’on ne le suppose dans les castes excentriques, était très-mélancolique et possédé de la rage de l’amitié.

1516. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

individualité suppose volonté et le prêtre ne peut avoir une volonté personnelle, celle de l’Église en tenant lieu.

1517. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Constant sur la liberté des anciens comparée à celle des modernes sont justes, le seul accroissement des sociétés, par cela même qu’il rendait difficile à leurs membres l’exercice du gouvernement direct, est bien loin de s’opposer au progrès des idées égalitaires ; il y contribue au contraire, s’il est vrai qu’il aide, indirectement, à la constitution de l’individualisme que ces idées supposent.

1518. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Tous ces secrets supposent déjà une foule d’expériences et d’observations fines ou profondes.

1519. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Mais, messieurs, nous ne sommes encore ici que sur des roses, leur dis-je, d’un air persuadé ; car enfin, supposons un auteur rempli de connoissances & de goût ; enfin un homme qui peut passer sa vie, soit en prose, soit en poésie avec célébrité. […] Nous supposions un mal de tête pour une heure ; mais une femme coquette saura faire la malade trois mois s’il le faut, soit pour conclure un mariage qu’elle desire, soit pour avoir une femme-de-chambre qu’on lui refuse. […] Il reste immobile à la vue de ce joli chef-d’œuvre qui suppose le petit-maître le plus douillet & le plus manieré, tandis qu’il n’offre qu’un visage refrogné, & que des mœurs austeres, à ceux qui se présentent pour visiter son manoir. […] Je pense qu’il en est de même des assemblées de Londres, supposé qu’il y en ait, les dimanches étant strictement observés chez vous, & les fêtes n’y étant pas connues….. […] Pour moi je n’en sais rien, & je ne prononce point sur cet article ; il faut bien qu’un grand homme ait quelque défaut, supposé qu’il eût celui-là.

1520. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

À la suite du livre de Ruth, traduit avec une gravité et une onction bibliques, M. de Belloy a placé la légende d’Orpha, la seconde bru de Noëmi, dont il a supposé les aventures, puisque le silence du texte permettait l’invention au conteur. […] Melænis est écrite dans cette stance de six vers à rime triplée qu’a employée souvent l’auteur de Namouna, et nous le regrettons, car cette ressemblance purement métrique a fait supposer chez Bouilhet l’imitation volontaire ou involontaire d’Alfred de Musset, et jamais poëtes ne se ressemblèrent moins. […] Supposez qu’après être sorti de la ville pour rêver plus librement, on entre dans un petit bois dont les premiers arbres apparaissaient au bout de la plaine. […] Supposez que vous n’êtes pas au théâtre, mais dans la vérité des choses et la réalité de la vie ; supposez qu’un hasard, une porte ouverte par erreur, vous mette tout à coup en face de cette douleur sans bornes, jugez si vous vous excuseriez de l’avoir surprise et de lui avoir manqué de respect en la voyant ! […] Quand il s’agit des mœurs parlementaires, on est mieux préparé à saisir les allusions ; on les cherche, on les devine, on les suppose.

1521. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Ils le blâmerent de leur avoir supposé des connaissances qu’ils n’avaient pas. Il les blâma, de son côté, de n’avoir pas eu les connaissances qu’il leur supposait a-2. […] Le Sylphe, l’heureuse Epreuve, le Rival supposé en sont un témoignage durable. […] Qui a le plus est supposé avoir le moins.

1522. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Cette déviation, si simple qu’on la suppose à son origine, renferme néanmoins des éléments de transmissibilité d’une telle nature, que celui qui en porte le germe devient de plus en plus incapable de remplir sa fonction dans l’humanité, et que le progrès intellectuel déjà enrayé dans sa personne se trouve encore menacé dans celle de ses descendants ». […] On peut supposer l’histoire de ce mouvement connue, au moins dans ses traits essentiels, et nous n’en rappellerons ici que les principaux. […] Elle a même bon air, car elle laisse supposer la soif de la vérité et la noble préoccupation des grandes questions.

1523. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Tous les peuples de l’histoire ayant eu leur religion propre, il était absurde de leur supposer des divinités qui n’eussent pas été les leurs. […] Supposez qu’Hélène lui fût apparue à travers les chocs des armes et dans la première émotion de sa vengeance, quand son cœur était emporté par les spectacles du meurtre ; le bandeau, qui eût aveuglé sa fureur, eût dérobé ses appas à sa vue, et l’eût rendu peut-être inflexible. […] Fussions-nous même réduits à n’avoir d’autres titres à fournir dans les deux genres de l’épopée que les poèmes d’Adonis et de Philémon, et que notre Lutrin, la preuve serait complètement donnée ; car ces chefs-d’œuvre de narration, de description, et de dialogue, comportent toutes les beautés du style applicable aux épopées ; et supposez que de longs ouvrages reçussent leur exécution aussi parfaitement que ces poèmes très courts, on croirait dans notre langue lire Homère, Virgile, ou Catulle. […] Supposer que le génie peut monter de progrès en progrès à un plus haut point, c’est s’imaginer que la création n’a point limité la justesse des proportions qui composent l’ensemble des êtres parfaits en leur espèce, et que le plus beau des hommes du temps passé ne put atteindre à la perfection des formes qui embelliront les hommes à venir. […] Leurs chantres et leurs prêtres ayant réglé leur hiérarchie selon leur influence présumée, on s’en forma l’idée sur les attributs de leurs puissances ; et l’opinion courante adoptant leur image et leur culte, autorisa le docte Homère à supposer les dieux en commerce avec les héros.

1524. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Supposons que l’éducation publique et commune pour tous les enfants du peuple, égale pour tous virtuellement, mais variée suivant leurs aptitudes constatées, vienne à s’établir… Ne voyez-vous pas que, si les idées synthétiques (l’y voilà !) […] Je vous suppose un homme de caractère, à qui une scène conjugale est parfaitement indifférente. […] J’ai supposé un cas pur, et il n’y a pas de cas pur. […] Dès lors, sur quoi voulez-vous qu’on me consulte, sur quoi voulez-vous que je suppose qu’on me consulte, et sur quoi voulez-vous que je donne ma consultation ? […] On trouva, à peu près encore, un alibi à la principale coupable et on la relâcha, ainsi que sa supposée complice.

1525. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

À l’époque de nos agitations et de nos anxiétés politiques (on doit les supposer finies), j’ai eu la naïveté de l’inviter gravement et périodiquement à écrire la comédie ou la satire des mœurs républicaines et des excès démagogiques : M. de Musset a dû bien rire de mes articles, s’il les a lus. […] Vaut-il mieux, supposer que le faux Démétrius était un jeune homme élevé par les jésuites tout exprès pour ce rôle dont il s’est si bien acquitté, et dans l’espoir qu’une fois maître de la Russie il y installerait la religion catholique sur les ruines du schisme grec ? […] Ponsard ; d’une part, il s’abandonnait à l’influence d’un homme illustre, qui nous a tous plus ou moins enivrés des charmes divins de ses premiers vers ou des capiteuses séductions de ses derniers livres, mais qui possède trop mal l’art de se conduire lui-même pour qu’on puisse le supposer habile à conduire les autres ; il se laissait entraîner après lui dans ce tourbillon révolutionnaire où devait nécessairement s’estomper et disparaître les chastes et sérieux contours de sa pensée ; d’autre part (ceci est plus délicat à indiquer), il devenait décidément trop païen, non pas dans le sens classique et autorisé, mais par ce côté un peu profane, un peu libertin, que toute la grâce et tout l’atticisme d’Horace ne parviennent pas à déguiser. […] Cousin publie cette première partie de ses leçons avec ces mille perfectionnements de détail qu’apportent à un esprit supérieur la réflexion et le temps, j’ai presque envie de faire pour sa parole écrite ce que nous faisions alors pour son œuvre parlée ; j’ai presque envie de supposer, et il ne me faudra pas pour cela un grand effort d’imagination, — que je ne comprends pas parfaitement la partie scientifique de son livre, et que d’ailleurs mon métier de causeur n’est pas de m’appesantir sur le moi et le non moi, sur la cause et la substance, sur le fini et l’infini, sur toutes ces questions spéciales où M.  […] Supposez que M. 

1526. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

C’est assez de mon parentage ; la vanité n’habite point aux lieux où je suis. » Au contraire, aux paroles que suppose Malherbe, on dirait qu’elle y habite. […] Traitons-le comme un Ancien ; supposons que le temps a ravagé son œuvre, l’a détruite en grande partie, et n’en a laissé subsister que quelques grandes strophes : on croirait que ce sont des restes, des débris de temple ; ce n’en sont que des commencements et des pierres d’attente ; mais qu’elles sont fières et d’un beau jet !

1527. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Il se suppose couché dans ce lit, comme il devrait y être, et au bout d’un instant il s’y voit. […] Il voit si bien tous les effets du vent, il se met si complétement à sa place, il lui suppose une volonté si passionnée et si précise, il tourne et retourne si fort et si longtemps les habits du pauvre homme, il change le coup de vent en une tempête et en une persécution si grandes, qu’on est pris de vertige, et que tout en riant on se trouve en soi-même trop de trouble et trop de compassion pour rire de bon cœur.

1528. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Il me suppose l’ambition, très avouable si je l’avais eue, de la présidence, et il attribue au déboire que j’aurais eu de ne pas réussir dans cette candidature mon ressentiment contre le roi et contre la majorité, que j’avais accusés d’ingratitude pour leur résistance à mon ambition. […] Aura-t-il pour la monarchie le danger que vous lui supposez ?

1529. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Doisy nous faisait crédit, il nous supposait à tous des sœurs ou des tantes qui approuvent le point d’honneur des écoliers et payent leurs dettes. […] M. de Chessel me supposait donc le pouvoir de l’intéresser, n’était-ce pas me le donner ?

1530. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Il suppose une ordonnance quelconque. […] Vague, si vous voulez, inconséquente, aussi mince elle-même que vous pouvez la supposer, cette philosophie, involontaire et inévitable, ne peut pas ne pas être.

1531. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Hochet ; mais trois jours après, comme revenu de cette surprise, il publia, sous le titre de Variétés, un article sans signature où Mme de Staël n’est pas nommée, mais où le système de perfectibilité et les désastreuses conséquences qu’on lui suppose sont vivement et même violemment combattus. « Le génie qui préside maintenant aux destinées de la France, y est-il dit, est un génie de sagesse. […] Comme les rapides et infatigables généraux, ils allument des feux sur les hauteurs, et on les suppose campés derrière, quand ils sont déjà à bien des lieues de marche et qu’ils vous prennent par les flancs. […] La beauté du site, les bois qui l’ombragent, le sexe du poëte, l’enthousiasme qu’on y respire, l’élégance de la compagnie, la gloire des noms, les promenades du lac, les matinées du parc, les mystères et les orages inévitables qu’on suppose, tout contribue à enchanter pour nous l’image de ce séjour.

1532. (1925) Portraits et souvenirs

Est-il donc besoin d’y voir un moyen de piquer la curiosité publique en laissant supposer, sinon que de telles lettres eussent été réellement échangées, du moins qu’il y avait dans ce qu’elles révélaient un « fond de vrai » et que, derrière le voile, on pouvait reconnaître des figures véritables et dissimulées ? […] Le poète s’y suppose autant qu’il s’y raconte. […] On peut donc supposer que les inquisiteur, ne pouvant parvenir à abolir ces modes subversives, aient pensé les cacher en obligeant la noblesse à l’usage de la « baüta » traditionnelle. […] Il n’a pas la mine de quelqu’un qui a dû beaucoup abuser des privilèges de sa qualité, mais il est à supposer que cette qualité seule suffît à ce que les patriotes de Vigneux lui en voulussent.

1533. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Je suppose que, moins influencé par la vie que par la pensée, il réfléchit plus volontiers sur une phrase que sur un fait, sur un aphorisme que sur une sensation. […] Tout jeune encore, plus jeune même qu’on ne le supposerait raisonnablement, il se veut, non le mentor, sans doute, mais le frère aîné et le conseiller indulgent de la Jeunesse ; cette charge lui convient, mais il l’exercera mieux quand son intelligence, moins avide de toutes les idées, de toutes les fleurs, se tiendra plus volontiers dans la forteresse de la ruche. […] Il y a de l’imprudence dans cette expression absurde, mais qui frappe et séduit, les vacheries hystériques ; il y a trop de prudence dans le mot argémone, car on suppose que si nous découvrons, par hasard, que cette plante est un vague pavot épineux, nous accepterons volontiers la somnifère douceur de ses baisers. […] Ignorant, il est crédule : ne l’ayant pas lu, il suppose que l’admirable Darwin est un farceur dans le genre de Voltaire.

1534. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Je ne pense pas qu’un homme, quel qu’il soit, si habile et pourvu de poumons d’airain qu’on le suppose, puisse jamais s’imposer à la foule de façon durable, je veux dire au-delà de quelques minutes. […] La création en plus de quelque chose, à chaque passage, est plus difficile à supposer que la perte de quelque chose à chaque degré correspondant. […] Quand cette idée consiste en une image normale ou pathologique, appliquée à tel ou tel organe, il n’est pas téméraire de supposer qu’elle devienne motrice, et susceptible d’impressionner les tissus. […] Du moins, je suppose que c’est ainsi que les choses se sont passées. […] Ce qui est sûr, c’est que les gens mouraient comme des mouches, exactement comme s’il n’y avait pas eu d’Institut Pasteur, et que ceux qui se frappaient, et prenaient le plus de précautions contre le bacille supposé, étaient aussi les premiers et les plus gravement atteints.

1535. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Supposez plusieurs jours d’intervalle comme dans la pièce espagnole, cela n’a plus rien d’excessif ni d’invraisemblable : l’invraisemblance, et le peu de convenance à l’égard du Roi, naissent de cette règle absurde ; ce n’est pas la faute de Corneille. […] Or l’Espagne ne la reprit aux Maures que deux cents ans après. — Il a donc supposé que les Maures venaient essayer de reprendre cette ville qui en réalité n’avait pas encore cessé de leur appartenir, et qu’ils faisaient cette tentative par un débarquement nocturne. Afin que ce débarquement parût possible, il a supposé d’autre part que le flux de la mer, par l’embouchure du Guadalquivir, pouvait monter jusqu’à Séville, qui en est à dix-neuf lieues. […] — Mais ses confidences littéraires non plus, je suppose ? […] Mais il y a lieu de remarquer qu’il ne fut pas imprimé du vivant de Corneille, et que, à supposer qu’il soit de lui, il ne fut transmis que par la mémoire de quelques contemporains, puis dans des copies peu exactes, qui ne sont pas d’accord entre elles.

1536. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

À moins que l’on ne suppose peut-être que l’auteur des Satires ait écrit pour ramener le bon goût dans Clermont-Ferrand ? […] Supposez donc qu’il veuille tracer un tableau de la mort du pécheur66. […] Supposez qu’il s’agisse de prêcher pour la Toussaint. […] Ne peut-on pas supposer que c’est alors aussi qu’il aura tempéré par les adoucissements que l’on vient de voir la première âpreté de sa prédication janséniste ? […] Certainement cette peinture psychologique, ou, comme on l’a nommée, philosophique, suppose les plus rares qualités d’esprit et de réflexion, de composition et de science.

1537. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Ils étaient contents, je suppose, dans le monde extérieur, contents de lui. […] Tout cela suppose la préméditation, l’adresse abominable et une bande organisée. […] Mais nous pouvons le supposer : il suffit. […] Nous supposons que Mme de Wolmar n’est pas morte ; et le roman continue. […] … Je suppose que, pour les philologues, la tentation est à peu près irrésistible.

1538. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Si on vous disait : « Pendant le siège de Mons, la jeune noblesse en quittant Paris laissa bien des aventures galantes et des liaisons de cœur ; il y eut de belles affligées qui bientôt se consolèrent ; on s’écrivait des billets avant et après le siège, mais le retour pour plusieurs ne fut point aussi heureux que l’avait été le départ » ; si on vous disait cela, on ne vous apprendrait rien qui ne soit facile à supposer et qui n’ait dû être ; mais si l’on ajoutait : « Il existe une trentaine de lettres écrites par l’un de ces cavaliers de l’état-major du roi à une jeune dame de la Cour, qui fut persuadée, touchée, tendre à son égard, puis volage », on voudrait lire ces lettres : eh bien, le marquis de Lassay nous les a conservées.

1539. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Son esprit que je suppose supérieur, en plaçant des idées centrales parmi les idées isolées et traînantes de la société où elle se trouve, fera éprouver le charme de ce que j’appelle harmonie à toutes les personnes qui l’écoutent.

1540. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Toutes les nations qui se sont détachées successivement du point central, du cœur de l’Asie, sont reconnues aujourd’hui pour des frères et sœurs de la même famille, et d’une famille empreinte au front d’un air de noblesse ; mais, dans cette famille nombreuse, il y a eu un front choisi entre tous, une vierge de prédilection sur laquelle la grâce incomparable a été versée, qui avait reçu, dès le berceau, le don du chant, de l’harmonie, de la mesure, de la perfection (Nausicaa, Hélène, Antigone, Électre, Iphigénie, toutes les nobles Vénus) ; et cette charmante enfant de génie, cette muse de la noble maison, si on la suppose retranchée et immolée avant l’âge, n’est-il pas vrai ?

1541. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Vous vous occupez, je suppose, de Mme de Maintenon, vous cherchez les témoignages pour ou contre cette vertu tant controversée ; vous ouvrez le recueil des pensées et dires de Sorbière, le Sorberiana, à l’article Scarron ; vous y trouvez ce charmant éloge de Mme de Maintenon jeune et sous sa première forme d’épouse vierge et immaculée d’un mari impotent : « L’histoire du mariage de M. 

1542. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Si nous disions aux Américains qu’il n’y a pas cent personnes en France qui sachent au juste ce que c’est que le système pénitentiaire, et que le Gouvernement français est tellement innocent des grandes vues qu’on lui suppose, qu’à l’heure qu’il est il ignore probablement qu’il a des commissaires en Amérique, ils seraient bien étonnés sans doute.

1543. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Un jugement, même implicite, même privé des motifs particuliers qu’il suppose, mais porté en plein sur un point de caractère par un proche témoin circonspect et véridique, peut démentir décidément et ruiner bien des anecdotes futures, que de gauches récits voudraient autoriser.

1544. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

1834 Il est temps d’en venir, dans cette galerie qui sans cela resterait trop incomplète, au plus fécond, au plus en vogue des romanciers contemporains, au romancier du moment par excellence, à celui qui réunit en si grand nombre les qualités ou les défauts de vitesse, d’abondance, d’intérêt, de hasard et de prestige, que ce titre de conteur et de romancier suppose.

1545. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Dante l’a bien senti, lorsqu’il le place, non pas dans le groupe des poëtes païens au chant IV de l’Enfer, mais à titre de chrétien (ce qu’il suppose), dans deux chants à part du Purgatoire (XXI et XXII), plus seul alors en face de Virgile, nommant Virgile avec amour, sans savoir que c’est à lui qu’il parle, souhaitant de l’avoir vu au prix même d’une journée de plus dans les limbes, tombant à ses pieds dès qu’il l’entend nommer, et oubliant, dans cet élan d’embrassement, qu’il n’est qu’une ombre devant une ombre !

1546. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Daunou, qui en rendit compte dans le Journal des Savants (mai 1822), reconnaissait que les vues par lesquelles l’auteur avait étendu son sujet et en avait éclairci les préliminaires « supposaient une étude profonde de l’histoire de France ; » il trouvait que l’ouvrage « se recommandait moins par l’exactitude rigoureuse des détails que par l’importance et la justesse des considérations générales ; » mais il insistait sur cette importance des résultats généraux, et notait « la profondeur et quelquefois la hardiesse des pensées, la précision et souvent l’énergie du style. » Nous aimons à reproduire les propres paroles du plus scrupuleux des critiques, de celui qui, en rédigeant ses jugements, en pesait le plus chaque mot.

1547. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Un voyage dans le Dauphiné, aux bords du Lignon, une visite à Vaucluse, rentrent davantage dans le genre d’existence bocagère qu’on lui suppose.

1548. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Et quant à la ressemblance avec l’Arcadie et le pays de Céladon, que l’écrivain anglais signale avec quelque malice, lui, il ne s’en effarouche aucunement, car il est persuadé, dit-il, « que dans l’Arcadie et dans le pays de Forez, avec des principes de justice et de charité, tels que la fiction les y représente, et des mœurs aussi pures qu’on les suppose aux habitants, il ne leur manquoit que les idées de religion plus justes pour en faire des gens très-agréables au Ciel100. » Après six années d’exil environ, Prévost eut la permission de rentrer en France sous l’habit ecclésiastique séculier.

1549. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Je n’accepte pas aussi couramment qu’on semble le supposer cette jurisprudence sommaire qui consiste à étrangler une question et à supprimer un homme en 48 heures.

1550. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Le jour de l’exécution de ce dessein fut fixé au 7 novembre, qu’on supposait être l’anniversaire non seulement de la naissance, mais aussi de la mort de Platon.

1551. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Aucun mensonge ne lui coûte pour se faire valoir : il fausse les dates, dénature ou suppose les faits.

1552. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Les mots importants, significatifs, doivent se détacher, être comme « lancés », non seulement par l’acteur, mais d’abord par l’écrivain, de façon à passer la rampe. « Il y a un style de théâtre comme il y a un style d’oraison funèbre, un style de traité de philosophie, un style de journal. » Souvent la situation initiale suppose des événements antérieurs qui ont quelque chose d’extraordinaire et d’invraisemblable.

1553. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

L’ensemble d’idées et de sentiments que suppose leur profession agit toujours en eux, fût-ce à leur insu ; c’est un élément secret dont il faut toujours tenir compte dans l’appréciation de leurs actes, car il y est toujours présent, même quand ils agissent en apparence comme les autres hommes.

1554. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

La taxe, légère, prélevée sur les rééditions même scolaires, suppose la comptabilité d’un bureau spécial annexé, s’il faut, au Dépôt des Livres que possède le ministère de l’Intérieur.

1555. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Je suppose un habile homme ne sachant pas qui a écrit ces réflexions sur le monarque, « lequel peut faire des hommes des bêtes et des bêtes des hommes, qui doit être exorable à la prière, ferme contre les demandes ; à qui la raillerie piquante est bien moins permise qu’au dernier de ses sujets, parce que les rois sont les seuls qui blessent toujours mortellement82 » ; risquerait-il sa réputation de connaisseur en les croyant de Fénelon ?

1556. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Jean de Tînan l’éprouve, qui suppose : « Il n’y a sans doute que la débauche de vraie, parce que c’est elle qui laisse le moins de rancœur. » Il en vient à « souhaiter le charme des sens… de l’ivresse bestiale quand la pensée ne s’y mêle plus ».

1557. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

La réparation suppose une séduction ; or, il n’a fait à mademoiselle Letellier qu’une cour malheureuse.

1558. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Le poète ne donnait à son ami que des conseils de paresseux et de sage, et Bussy y substitue des conseils chrétiens ; là où Racan avait dit : Qu’Amour soit désormais la fin de nos désirs ; Car pour eux seulement les Dieux ont fait la gloire,           Et pour nous les plaisirs ; Bussy, dans sa version corrigée et tout édifiante, suppose qu’il faut lire : Que Dieu soit désormais l’objet de nos désirs ; Il forma les mortels pour jouir de sa gloire,           Et non pas des plaisirs.

1559. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Il déroule lentement un long rouleau de papier, dont il tire, avec toutes sortes de précautions, trois flèches japonaises, et il me confesse qu’il tire de l’arc, et commence une dissertation sur la différence de l’arc du nord et l’arc japonais, dont le lancement se fait tout en bas, pour obtenir, suppose-t-il, une hausse.

1560. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Les uns supposèrent un livre anglais, les autres un livre américain.

1561. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Quelle intensité de vie intérieure suppose un tel billet, et encore cette exclamation que je détache d’une autre lettre :‌ Terre d’Alsace que j’adore à l’égal de notre Dauphiné !‌

1562. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

La multiplicité en même temps que la diversité de ces groupements nous permet de supposer qu’un même individu appartenait à plusieurs d’entre eux.

1563. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

L’action d’Horace qui tue sa sœur pour avoir pleuré Curiace, devient plus vraisemblable si l’on suppose qu’il était non son fiancé, mais son ravisseur76.

1564. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Une période de transition est une période où la pensée littéraire se cherche elle-même, s’essaye, et marche vers un but qu’elle ignore : ce qui suppose que tantôt elle hésite, tantôt pousse des pointes audacieuses vers l’avenir, tantôt rebrousse. […] Il n’a pas cru — du moins je voudrais le supposer — être plus grand poète que Ronsard ; il a cru être versificateur plus harmonieux, plus clair et plus ramassé, et il a cru surtout qu’il fallait l’être. […] Votre égoïsme lui-même, si je puis vous en supposer, y trouvera son compte. […] On trahit un romancier ou un dramatiste quand on le juge sur des idées qu’on lui suppose, et même quand on le juge sur les idées qu’il mêle réellement à sa fiction. […] On ne s’arrêta pas au non-sens de l’expression qui suppose que l’on peut faire des expériences sur les caractères des hommes, alors qu’on ne peut faire sur eux que des observations ; et l’on comprit que M. 

1565. (1890) Nouvelles questions de critique

Cela pourtant est bon à savoir, parce que cela donne lieu de supposer qu’il y en a, comme l’on dit, une famille, à laquelle Montesquieu n’eut point de part. […] Supposé qu’il s’y fût tenu, son Histoire naturelle n’en aurait pas moins opéré son effet, qui, semble avoir été surtout, au xviiie  siècle, de détacher l’homme de la superstition de lui-même, de son espèce, et de lui donner pour la première fois la claire conscience du peu de place qu’il occupe dans l’espace comme du peu de durée qu’il remplit dans le temps. […] Personne de nous — c’est la loi du genre ou la règle du jeu, si je puis ainsi dire, — n’a le droit de supposer que, lorsqu’il promet de parler de Molière ou de Racine, ce soit à lui, qui en parle, et non pas à l’auteur d’Andromaque ou à celui de l’École des femmes que l’on coure. […] Si, par exemple, on supposait que M.  […] Au lieu d’être tiré des œuvres de Victor Hugo, et si seulement on en ôtait quelques grossièretés extraites des Châtiments ou de Napoléon le Petit, supposé que ce Dictionnaire fût une anthologie de Lamartine ou de Musset, on ne discerne pas bien quelle y serait la différence.

1566. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Supposez-les de douze lieues, vous n’aurez guère plus de soixante-douze lieues à découvrir entre les deux points indiqués. […] Supposons un homme sauvage, ayant tous ses sens, mais point encore la parole. […] Dans un autre endroit l’auteur suppose que la société primitive étant devenue trop nombreuse, on s’assembla et l’on convint. […] L’imagination et l’esprit ne sont point, comme on le suppose, les bases du véritable talent ; c’est le bon sens, je le répète, le bon sens, avec l’expression heureuse. […] Au reste, je suis si loin d’avoir pour les lettres le mépris qu’on me suppose, que je ne céderais pas facilement la faible portion de renommée qu’elles semblent quelquefois promettre à mes efforts.

1567. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Supposé que vous hésitiez un peu entre le dix-huitième siècle et le dix-septième, supposition bien gratuite et que je fais pour être beau joueur, cet autre passage un peu plus loin ne fera-t-il pas cesser votre hésitation ?       […] Il est bien vrai que beaucoup de circonstances nous éloignaient toujours les uns des autres, et la répétition indiscrète des discours tenus réciproquement par les uns sur les autres a été, je le suppose, la principale cause qui a empêché toute réconciliation. […] Ce voile léger est d’or chez Paul Véronèse et chez le Titien ; chez le Guide, il est d’argent et d’azur… » Seulement il faut se garder de croire, comme les paroles de Stendhal pourraient le faire supposer, que ce ton général soit choisi de sang-froid et adopté par délibération. […] Repas idéaliste, vraiment digne du convive, qui est Jésus. — Ceux qui riraient de cette idée sont libres de supposer que le repas est fini, ou n’est pas encore commencé. […] De sorte qu’à cette époque, le réalisme, supposé qu’on eût connu le mot et la chose, eût été encore de l’idéal.

1568. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Le malheur est que, des diverses façons de sentir, l’aristocratique est celle qui suppose le plus de conditions extérieures, et ces conditions ont manqué à l’auteur de Brummel. […] C’est nous qui supposons gratuitement, que l’esprit pourrait penser d’une autre manière, comme nous supposons que le corps pourrait s’accommoder d’un autre régime. […] Cette formule suppose, en effet, qu’il y a une langue poétique spéciale, laquelle a sa beauté propre, comme la langue de la musique et comme celle de la peinture. […] Supposez que ce visiteur soit un psychologue de l’école allemande, un disciple de Fechner, il y a là pour lui un problème des plus curieux. […] Tout arrêt suppose une affirmation de cet ordre.

1569. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

On pourrait supposer avec une apparence de raison que ce livre qui fait le fond de la réputation de Restif est son meilleur ouvrage, il n’en est rien ; c’est celui qu’il a le plus travaillé, c’est celui qu’il a le moins réussi. […] La tendresse supposée de son âge couvrait ainsi d’un voile menteur sa brusque franchise. […] Je suppose que beaucoup de gens s’assemblent et conviennent de faire un jeu d’esprit avec certaines règles matérielles qui le rendent mécanique, puis, qu’afin d’avoir quelque agrément facile en ce monde, ils feignent que jouer adroitement à ce jeu est quelque chose de sublime, de sorte qu’ils puissent se donner hautement des éloges sans qu’il soit pénible de travailler pour les mériter, ce jeu étant accessible au grand nombre : le fait présenté de cette manière paraîtra une escobarderie. […] Je suppose qu’il fait ses romans en deux temps, d’abord raisonnablement, puis il les habille en beau style néologique. […] L’idéaliste, au contraire, est l’ennemi juré de tout ce qui est petit et plat, et il se réconciliera même avec l’extravagant et le monstrueux, pourvu que cela fasse supposer une grande richesse de fonds.

1570. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Si je prenais maintenant une femme, et je me suppose de la chance, je suppose que ma femme soit excellente, bonne ménagère et tout ce qui s’ensuit, eh bien !

1571. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

D’ailleurs, vous n’êtes pas assez naïfs pour supposer un seul instant qu’un acte de haute justice accompli par vous de temps à autre sous les impérieuses pressions de l’opinion publique, désarmera nos colères. […] Car vous supposez que les lettrés n’attendirent pas la mise en littérature du transformisme ou de l’évolutisme pour créer des courants d’idées nouvelles.

1572. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

À supposer même que ces conditions soient sujettes à varier, leur variation, aussi lente que celle de l’espèce et de la race, ne lui semble pas affecter notre littérature poétique. » M.  […] Le jour où l’on pourra offrir aux hommes, dans une société économiquement mieux organisée, des solennités d’art et de pensée aussi somptueuses et aussi grandioses que celles de la Grèce antique, ce jour-là il sera inutile de chercher des ministres à poigne pour fermer les temples et les églises : les sanctuaires particularistes se cloront d’eux-mêmes, faute de fidèles… Mais nous sommes encore loin de compte, et ce ne sont pas, je suppose, les « fêtes civiques » telles qu’on nous les a présentées jusqu’ici qui atteindront ce résultat.

1573. (1888) Études sur le XIXe siècle

En vers et en prose, il décrit « ce sauvage bourg natal » sous les traits les plus noirs, avec la sourde rancune que peut éprouver un homme pour un milieu où il est forcé de vivre et où tout le blesse, la grossièreté des gens, leur indifférence pour le savoir, l’antipathie qu’ils lui témoignent à lui-même, « non certes par envie, car ils ne me jugent pas supérieur à eux, mais parce qu’ils supposent que je m’estime ainsi en mon cœur, bien qu’au dehors je ne l’aie jamais laissé voir à personne (les Souvenirs) » ; où il souffre d’un isolement absolu, car les choses qui l’intéressent paraissent ridicules à ses compatriotes, gens aux cerveaux déprimés par la mesquinerie des intérêts et les commérages des petits endroits ; où lui, qui aurait besoin de distractions continuelles pour éviter de penser à ses maux, n’en trouve aucune et se voit forcé de se replier toujours sur lui-même ; où les livres lui manquent pour son travail autant que la conversation désirée des lettrés ; où il est si loin du reste du monde, que ses rêves d’ambition et de gloire littéraire ne lui semblent plus que d’irréalisables chimères : « Qui vit enterré dans un pays comme celui-ci ne peut jamais espérer de se rendre, je ne dirai pas célèbre, mais connu, dans aucune autre partie de la terre. » Remarquez que ses frères et sœurs partagent ses sentiments. […] Il se plut à garder une attitude jusqu’à son dernier moment : « Quand il vit que sa fin approchait, raconte Paolina, il nous appela autour de lui, nous adressa de sérieux avertissements, puis nous exhorta à apprendre comment on meurt en conversation, car il parla toujours avec la plus grande présence d’esprit, en nous étonnant tous par tant de paix et tant de calme. » Dernier descendant des chefs du parti guelfe de Recanati, il écrivit plusieurs ouvrages de polémique politique et religieuse, inspirés par l’esprit le plus conservateur ; aussi, les idées de son fils l’inquiétaient-elles beaucoup ; une fois, il intercepta sa correspondance ; ou peut supposer qu’il finit par se désintéresser complètement de ce qu’écrivait Giacomo, car, peu de temps après la mort du poète, il demandait à Ranieri de le renseigner, non seulement sur les choses que Giacomo avait composées, mais sur celles qu’il avait publiées depuis son départ de Recanati. […] Paolina a supposé que l’héroïne de ce nouvel amour, — probablement le plus réel de tous — était la princesse Charlotte Bonaparte, qui avait fait grand accueil à Leopardi, et dont Leopardi parlait avec sympathie. […] Rien ne peut me faire supposer qu’elle ait voulu me tromper, il n’y aurait aucun motif pour justifier un tel soupçon. […] On ne sait ; un jour elle lui écrit cette phrase ambiguë qui laisse le champ ouvert à toutes les supposions : « Je ne vous engage pas à m’écrire, mais je vous remercie de l’avoir fait.

1574. (1932) Les idées politiques de la France

Sur cette idée de la séparation de l’Église et de l’État, conçue par Faguet (et par l’éventuel d’Haussonville que j’ai supposé) comme une pierre de touche du libéralisme, on ferait cette autre remarque. […] Qu’est-ce que le capitalisme, sinon la transformation de la richesse en moyens de production, en moyens d’action future, alors que le prolétaire, qui vit en dehors de la catégorie d’héritage, la suppose seulement chez les riches, la sent seulement chez lui, comme un moyen de jouissance présente ? […] L’idée radicale Cette société de pensée qu’est le comité politique, ces réseaux de sociétés de pensées qui fonctionnent à gauche, qui sont le pays de gauche, quelle pensée supposent-ils donc ? […] Supposons qu’entre le radical et le socialiste, entre l’infanterie et les chasseurs, un nouveau Benoist demande quelle est la différence, où est la césure.

1575. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Si habile qu’on la suppose, une telle restauration n’est qu’une hypothèse d’archéologues. […] à l’œuvre qu’on a tort de supposer commune ? […] Il n’a pas négligé les Scolastiques et, dans notre moyen âge, il a distingué plusieurs hérétiques qui, pour le satisfaire, avaient leur impiété supposée, au moins leur désobéissance et leur façon de risquer, sous les symboles de la foi, l’audace de leurs hypothèses. […] Chacun de ces ouvrages lui demanda beaucoup de temps : je suppose que, maître de ses documents, il écrivait assez vite (et fort bien), sans doute avec cet élan de pensée qui donne à ses récits leur bel entrain ; mais il avait longuement cherché, trouvé enfin, le détail authentique de son roman. […] » Tous ces Prussiens tués, cela suppose des munitions : nous étions prêts !

1576. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Je ferai même plus, Monsieur, en vous offrant une chose à laquelle vous n’aviez, je suppose bien, nullement songé : c’est de faire graver mon portrait pour le placer en tête de ce volume. […] Je supposai qu’elle avait 38 ans, et mon cicérone me confirma dans cette opinion. […] Paul de Kock ne vous aurait pas fait supposer, mon cher Monsieur, c’est que cet écrivain est un homme d’un aspect sombre et de mœurs tristes.

1577. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Imaginez le désagrément et la peine pour un honnête homme comme Kestner, heureux d’épouser celle qu’il aime depuis des années, l’emmenant comme en triomphe de Wetzlar à Hanovre, la présentant avec orgueil à tous les siens, et remplissant avec considération un emploi honorable, imaginez-le, après dix-huit mois de mariage, recevant de son meilleur ami, en cadeau, ce petit volume, où il est crayonné d’une manière assez reconnaissable sous les traits d’Albert ; où sa fiancée paraît à bien des moments près de lui échapper ; où elle n’est guère retenue que parce qu’elle est supposée déjà liée à lui par un engagement positif.

1578. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Ces grandes conversations intérieures, où, tout en y prenant sa petite part, on aime encore mieux se supposer un moment spectateur, sont de ces journées qui laissent la meilleure idée du mérite et même du charme qu’on retrouve toujours dans l’illustre Compagnie.

1579. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

A la place de Diderot, Horace (je le suppose assez goutteux déjà pour être sage), Horace lui-même n’aurait pas donné d’autres préceptes, des conseils mieux pris dans le réel, dans le possible, dans l’humanité ; et certes il ne les eût pas assaisonnés de maximes plus saines, d’indications plus fines sur l’art du comédien.

1580. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Je suppose qu’à défaut de police Cartouche se fût rétabli plus solidement sur un grand chemin ; aurait-il acquis un véritable droit de péage ?

1581. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Supposons que dans le premier tel groupe d’images, dans le second tel autre groupe d’images puisse seul se réveiller, ce qui doit se produire si dans les deux états la disposition organique générale est différente, et si cette différence est nettement tranchée.

1582. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

On pourrait nous supposer la joie maligne de la république surgissant contre un trône écroulé.

1583. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

On exige des vers, parce que c’est le langage de la poésie, ou plutôt même celui des passions portées au degré d’enthousiasme que la tragédie suppose, exaltées par les situations critiques et fortes où elle les place, et qui excluent également la platitude et l’emphase.

1584. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Quand les hommes parlent de Beauté, ils entendent, non pas précisément une qualité, comme on le suppose, mais une impression ; bref, ils ont justement en vue cette violence et pure élévation de l’âme — non pas de l’intellect, non plus que du cœur — qui est le résultat de la contemplation du Beau ».

1585. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Par exemple s’il y a de l’excès à supposer le duc de Mayenne se vantant ouvertement et mots découverts de sa lâcheté, de son avarice et de tous ses manques de foi, il n’est que vraisemblable de lui faire dire qu’il n’a jamais voulu engager son armée contre le Béarnais, pour se réserver, ni le serrer de trop près, de peur d’être excommunié.

1586. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

L’étude, la comparaison, toute cette intervention de la volonté que suppose le goût, ne font que dégager ce que nous sommes réellement de ce que nous a faits d’abord, soit l’imitation du tour d’esprit de notre temps, soit une mauvaise éducation.

1587. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Vous avez à subir un sortilège, pour l’accomplissement duquel ce n’est trop d’aucun moyen d’enchantement impliqué par la magie musicale, afin de violenter votre raison aux prises avec un simulacre, et d’emblée on proclame : Supposez que cela a lieu véritablement et que vous y êtes !

1588. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Nous ne pouvons entrer dans une analyse détaillée de l’œuvre, que nous devons supposer connue.

1589. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Je ne puis entrer ici dans une étude approfondie des rapports qu’il y a entre la pensée de Wagner et celle de Schopenhauer : mais si on me permet de l’indiquer aussi brièvement que possible, on verra que l’influence du philosophe sur l’artiste a été tout autre qu’on ne le suppose vulgairement ; on verra aussi combien il est oiseux de vouloir trouver dans Tristan ce qui ne saurait y être.

1590. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Enfin ces descriptions perpétuelles, supposé même qu’elles fussent moins fausses, ne sont-elles pas une marque de stérilité chez un homme qui se croit inventeur ?

1591. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

On commencera par supposer que ces deux compagnons d’école, Carlin et Ganganelli, s’étant liés de la plus étroite amitié dans leur jeunesse, se sont promis de s’écrire au moins une fois tous les deux ans, et de se rendre compte de leur état.

1592. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Puis cette négation, ce doute de tout, choque les illusions de tous, ou du moins celles que tous affichent : le contentement de l’humanité qui suppose le contentement de soi, — cette paix de la conscience humaine, que le bourgeois affecte de donner comme la paix de sa conscience particulière.

1593. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Son nom est cependant clair ; du moins, malgré la phonétique, il est permis de supposer que cloporte est une altération de claus-porc (clausus-porcus).

1594. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Un fils couvert du sang de sa mère, et ne songeant qu’à sa maîtresse, aurait produit un effet révoltant ; Racine l’a senti, et, pour éviter plus sûrement cet écueil, il a supposé qu’Oreste n’était allé en Tauride qu’afin de se délivrer par la mort de sa passion malheureuse.

1595. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Supposez que le point d’histoire aperçu eût été plus vaste, son cadre moins déterminé et moins circonscrit, Sainte-Beuve l’eût manqué ; il se serait perdu dans un grand horizon.

1596. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

L’inconséquence entre les opinions qu’on a et la vie qu’on mène est bien plus commune que l’hypocrisie, ce vice des sociétés fortes, qui gêne comme un masque et suppose une volonté et un caractère inconnus aux sociétés faibles, lâchement et cyniquement sincères, mais cette inconséquence ne fausse pas la vérité des principes, parce qu’en pratique elle les viole, et tout au contraire, elle la proclame de plus haut !

1597. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Lorsque nous sommes en présence d’un spectacle, même le plus admirable, du paysage de la plaine de Grenade, je suppose, ou du Bosphore, ou des ruines de Taormina, ou de tel autre, nous n’en recevons pas une impression détaillée, qui ne peut s’exprimer qu’en une feuille d’imprimerie, mais bien une surprise émue, un coup, une envie de pleurer ou de nous écrier : « Comme c’est beau ! 

1598. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Mais à supposer même qu’en effet l’homme ne soit rien qu’un animal, et que nos sentiments, nos désirs, nos pensées mêmes et nos convictions soient uniquement les résultats nécessaires du jeu de nos organes, de notre constitution, je répondrai que la physiologie doit être laissée aux physiologistes ; méfions-nous de la physiologie littéraire autant que de la musique d’amateurs.

1599. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Supposons que ma méthode soit juste, dans ses grandes lignes ; jusqu’ici je n’ai fait que l’appliquer sommairement, par un groupement nouveau de faits bien connus ; et je n’en ai donné qu’une seule explication, en insistant sur les rapports intimes qu’il y a contre l’évolution littéraire d’une part, l’évolution d’un principe et celle d’un groupe d’hommes (nation) d’autre part.

1600. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Un détail lui suffisait, comme à Cuvier le moindre fragment d’os, pour supposer et reconstituer juste une personnalité entrevue en passant. […] Le salon semi-circulaire et matelassé de la rue des Batailles, dont nous avons cité la description placée par l’auteur dans la Fille aux yeux d’or, ne resta donc pas complètement virginal, comme plusieurs de nous le supposèrent. […] Méry avait une force d’intuition qui lui permettait de supposer avec une merveilleuse exactitude la flore et la faune d’un pays qu’il n’avait jamais vu. […] Les anciens Grecs supposaient l’existence de divinités envieuses qu’ils appelaient les Moires, et dont les yeux jaloux étaient blessés par le spectacle du bonheur qu’elles se plaisaient à troubler. […] Melænis est écrite dans cette stance de six vers à rime triplée qu’a employée souvent l’auteur de Namouna, et nous le regrettons, car cette ressemblance purement métrique a fait supposer chez Bouilhet l’imitation volontaire ou involontaire d’Alfred de Musset, et jamais poëtes ne se ressemblèrent moins.

1601. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Pour expliquer cette réaction acide, on a supposé qu’il existe dans la bouche deux espèces de sécrétions : 1° une sécrétion propre à la membrane muqueuse de la bouche et ordinairement acide ; 2° la sécrétion salivaire normalement alcaline. […] Ainsi, si chez l’homme on se croyait en droit de supposer que la salive peut agir pour transformer la fécule en sucre, au moment de son passage dans la bouche, à raison de l’activité plus grande de sa salive mixte sur l’empois d’amidon, on ne saurait tirer la même conclusion relativement à celle des animaux, pour plusieurs motifs : d’abord parce que l’action de la salive est très lente et très faible ; ensuite parce que, dans tous les cas, cette action ne s’exerce ici que sur la fécule cuite ou hydratée, et que beaucoup d’animaux, le cheval, par exemple, ne mangent pas ordinairement leurs aliments à cet état, et parce qu’enfin cette propriété transformatrice de l’amidon en glucose ne pourrait s’opérer qu’entre la bouche et l’estomac ; car, une fois arrivés dans cette dernière cavité, les féculents, à cause de la présence du suc gastrique, ne se trouvent plus dans des conditions favorables à la saccharification, sous l’influence de la salive. […] L’éther a dissous une quantité assez forte de matière grasse qui se retrouve surtout dans les premières parties du traitement ; il a dû, de plus, dissoudre les sels à base alcaline, à supposer que le corps gras précédemment isolé en contînt ; enfin, il a dû enlever la plus grande partie de l’oléate de strontiane, composé qui a paru se trouver, en effet, dans les derniers traitements.

1602. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

La nature de certains hommes suppose une assez grande facilité à réagir contre leurs habitudes, ou, si l’on veut (ce qui d’ailleurs ne serait pas la même chose), à contracter des habitudes nouvelles, rapides, momentanées : les Anciens louaient Alcibiade, le plus Athénien des Athéniens, d’être vite devenue Spartiate à Lacédémone, asiatique chez les Perses. […] Il est même inutile de supposer un calcul là où il n’y a, en réalité, que l’association ingénue d’un mot et d’un sentiment… Tout mot, toute locution, les proverbes mêmes, les clichés, vont devenir pour l’écrivain émotif des noyaux de cristallisation sentimentale. » Voilà exactement ce qui se passe chez Voltaire poète tragique, précisément parce qu’il est un émotif, quand il fait des tragédies, alors qu’il est le contraire quand il écrit l’Essai sur les Mœurs ou Candide. […] Il y a chez les Méridionaux beaucoup plus de sens critique, d’esprit d’observation et de froideur que ne le suppose la légende parisienne. […] Pierre (à supposer, ce que j’ignore, que M.  […] Ou plutôt je suppose le problème résolu, je suppose une critique littéraire (qui n’existe pas encore, ou du moins qui n’a point acquis son aisance et sa bonne conscience) formée chez des philosophes, préparée par une culture philosophique, exactement comme l’ancienne critique et une partie de la nouvelle critique sont formées et préparées par l’humanisme et les disciplines littéraires.

1603. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

C’est un roman (L’Atelier Chantorel) où sous un nom supposé, il raconte son enfance, sa jeunesse, son passage à l’École des Beaux-Arts, son apprentissage du métier d’architecte ; et l’intéressant bouquin est presque, tout le temps, soutenu par de la vie vécue. […] Jeudi 27 octobre Daudet contait, qu’à sept ou huit ans, ayant perdu, un soir, sa bonne à Nîmes, il avait battu les rues, dans un désespoir qu’on peut supposer, et lorsqu’il avait retrouvé sa maison, revu les fenêtres éclairées de la fabrique, avant de rentrer, il avait embrassé, dans son bonheur, le marteau, le heurtoir de la porte, disant : « J’étais déjà un poète ! 

1604. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Cet ouvrage a séduit beaucoup de gens, dit le Président de Montesquieu, parce qu’il est écrit avec beaucoup d’art ; parce qu’on y suppose éternellement ce qui est en question ; parce que plus on y manque de preuves, plus on y multiplie les probabilités. […] Lacombe dans cet ouvrage, où il a fallu rapprocher laborieusement toutes les branches ; ce qui suppose bien des recherches.

1605. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Il la clôt en disant : « Les dépouillements que j’ai faits de divers auteurs sont si considérables, que pour les seuls livres des Francs et des Gaules j’ai rassemblé les matériaux de deux gros volumes. » En conséquence, ajoute-t-il, je prie le lecteur, « quand il rencontrera quelque chose qui l’arrêtera, de vouloir bien supposer que cette chose n’est pas de mon invention, et que je n’ai eu d’autre vue que de rappeler un trait de mœurs curieux, un monument remarquable, un fait ignoré ». […] À supposer qu’il en jouisse, peut-il prévoir les accidents, les surprises, les fausses manœuvres ?

1606. (1914) Une année de critique

Émile Faguet, qui n’est pas sans tendresse, je suppose, pour le citoyen de Genève, n’a pas cru pour cela devoir déformer l’image que d’autres avant lui ont tracée ; il s’est borné à l’enrichir de quelques traits. […] Il a bien compris l’hypocrisie de nos politiciens qui ne cessent de parler d’art et de beauté, tandis qu’ils laissent accomplir, à supposer qu’ils ne s’y emploient pas, la destruction des églises, des jardins et des vieilles demeures. […] Il a contribué à propager cette idée salutaire qu’il ne suffit point de porter les cheveux longs pour cesser d’avoir les idées courtes ; si bien qu’aujourd’hui, les jeunes écrivains supposent qu’en portant les cheveux courts, ils auront sûrement des idées longues. […] Supposez maintenant ce jeune homme occupé à s’analyser sans relâche.

1607. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin prenait occasion de tracer tout un tableau magistral et d’exposer une histoire abrégée de l’art (architecture et sculpture) pendant plusieurs siècles ; il en déroulait les transformations graduelles et en décrivait les manières successives avec une science, un goût, une précision qui supposaient vraiment une longue pratique : c’était à faire illusion.

1608. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Mais, pour un livre déjà lu, dans lequel (comme je le suppose) on reprend, on relit sans cesse ; dans lequel le frère, déjà étudiant, ou la sœur aînée choisit les morceaux à lire à haute voix, le soir, autour de la table à ouvrage, cette abondance, cette richesse extrême, qui laisse au choix tant de liberté heureuse, et qui rassemble en chaque endroit tant de genres de beautés, a bien aussi ses avantages.

1609. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

On a gardé celui des brillantes excursions du professeur dans la littérature italienne, dans les jardins du Tasse, et, entre autres leçons, d’un dialogue supposé entre deux Italiens, dont l’un était académicien de la Crusca.

1610. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Nous n’en ferons pas tout à fait une Jeanne d’Arc ni une Clorinde, non plus que nous n’écouterons Calvin, qui abuse du souvenir de cette aventure pour supposer qu’elle s’habillait continuellement en homme, et qu’elle était reçue dans ce costume chez Saconay, l’un des dignitaires de l’église de Lyon.

1611. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Voici la pièce de Hadloub, traduite en vers, avec cette dernière idée de plus, et dans un style légèrement rajeuni du seizième siècle, où l’on peut supposer que quelque Clotilde de Surville, voisine de Ronsard et de Baïf, ou mieux quelque Marie Stuart la rima : Vite me quittant pour Elle, Le jeune enfant qu’elle appelle Proche son sein se plaça : Elle prit sa tête blonde, Serra sa bouchette ronde, O malheur !

1612. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Dans l’Ile-de-France, « soit un habitant taillable de village, propriétaire de vingt arpents de terre qu’il exploite lui-même et qui sont évalués à 10 livres de revenu par arpent ; on le suppose aussi propriétaire de la maison qu’il habite et dont le prix de location est évalué à 40 livres661 ».

1613. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Souberbielle savait tous ses secrets et partageait, même à quarante ans de distance, tout le fanatisme de son maître pour les grandes pensées populaires et vertueuses qu’il lui supposait encore.

1614. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

IV J’ai toujours aimé Victor Hugo, et je crois qu’il m’a toujours aimé lui-même, malgré quelques sérieuses divergences de doctrines, de caractère, d’opinions fugitives, comme tout ce qui est humain dans l’homme ; mais, par le côté divin de notre nature, nous nous sommes aimés quand même et nous nous aimerons jusqu’à la fin sincèrement, sans jalousie, malgré l’absurde rivalité que les hommes à esprit court de notre temps se sont plu à supposer entre nous.

1615. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Il expliqua ce qu’il entendait par les principaux : c’étaient les plus versés dans les questions théologiques, comme il ressortait de l’antithèse qu’il fit en disant au cardinal di Pietro, à qui s’adressaient ces paroles : “Faites que dans ce nombre se trouve le cardinal Consalvi, qui, s’il ignore la théologie, comme je le suppose, connaît bien, sait bien la science de la politique.”

1616. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Maintenant supposons que Berbiguier, quand il monta à Paris, eût laissé la flûte pour jouer du violon : ne serait-ce pas folie de croire qu’il eût réussi comme il réussit ?

1617. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Et puis, tenez : supposez que vous puissiez supprimer le prix Goncourt celui de la Vie Heureuse, d’autres encore.

1618. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Bien que nous fussions trop inexpérimentés pour rien voir de ce qui suppose la connaissance de la vie, il y avait parmi les pauvres de l’hôpital une personne devant laquelle nous ne passions jamais sans quelque étonnement.

1619. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Quant à Grimhilde, elle est supposée vivre encore, et c’est elle qui s’ingénie à faire tomber Sigurd dans le piège.

1620. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

L’itinéraire platonicien du poème pourrait faire supposer une œuvre de noblesse hautaine et un peu froide.

1621. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Cette vérité utile et glorieuse, il la démontre par de jolis raisonnements ingénus, par des exemples aussi : « Nous ne voyons, se pâme-t-il, que poètes doués du sens critique le plus exquis. » Parmi ces « poètes doués du sens critique le plus exquis », il cite, pour le choix de ses gendres, je suppose, M. de Heredia.

1622. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Or une dentale s’intercale normalement entre s et r au passage du latin en français ; c’est ainsi que se sont formés, par l’adjonction d’un t ou d’un d, nombre de mots qui, dans l’original latin, n’ont aucune dentale : Croistre, Croître : Crescere Ancestre, Ancêtre : Antecessor, ancessor Estre, Etre : Essere Cousdre, Coudre : Consuere Le latin faisait ces intercalations de dentales ; on trouve dans les graffiti de Pompéi sudit pour suit, ce qui suppose sudere et consudere pour suere et consuere.

1623. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Que l’on suppose jointe à la faculté verbale qui l’a produite, les facultés analytiques et réalistes d’un Balzac, la grâce d’un Heine, ce serait Shakespeare ; que l’on joigne encore à cette intelligence reine, la pensée encyclopédique d’un Goethe, l’on aurait un poète transcendant, qui porterait en sa large cervelle toutes les choses et tous les mots.

1624. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Vergniaud, le plus sublime lyrique d’éloquence qui ait jamais prophétisé sa propre mort et la mort de ses ennemis sur une tribune les pieds dans le sang ; orateur pathétique de la pitié, de la justice, de la modération, des remords, de la supplication à un peuple charmé mais sourd, chant du cygne de la littérature et de l’éloquence françaises expirantes, fait pour parler en présence de la mort, et à qui on ne peut supposer une autre tribune que l’échafaud.

1625. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

On a cru pouvoir dire que notre croyance « à la réalité d’une chose effective cachée sous les apparences » n’était pas plus indestructible que « celle du mouvement de la sphère céleste autour de la terre. » On a dit encore que le raisonnement de Spencer « revenait au fond à supposer l’absolu », qu’on lui déniait.

1626. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Jannart et M. de Châteauneuf à l’auberge du Cheval Blanc, je suppose, et, après s’être promené, c’est à l’auberge du Lion d’Or qu’il se rend et où il est tout à fait chez lui.

1627. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Et ce n’est pas ici, comme on pourrait le supposer, le résultat d’une de ces violentes passions combattues qui donnent une attitude intéressante à l’homme, même quand il est vaincu par elles.

1628. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Elle va me permettre de me présenter avec plus d’assurance devant la vie, si Dieu me la laisse… Je vous embrasse, mon cher papa, très ému à la pensée de votre fierté paternelle et bien reconnaissant de l’honneur que me vaut, sans doute, votre vie entière… » Je m’arrête, je ne puis, pour ma part, rien supposer qui aille plus haut.

1629. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Sinon, et à supposer qu’ils l’extorquent, ils auront tort ; car l’injustice est une semence impérissable de guerre ; à cet égard, l’histoire, à défaut du cœur, parle assez haut ; ils n’ont qu’à consulter leurs souvenirs de 1807 et de 1813, pour savoir que leur oppression a produit leur révolte, et que Wagrani, léna, ont eu pour fruits Leipsig et Waterloo. […] Supposez la France mutilée, malade pour un demi-siècle, telle enfin que les journaux prussiens le souhaitent, et toujours sur le point de tomber en convulsions. […] — Supposez une assemblée de cinq cents représentants : de l’avis de tous les bons juges, il ne faut pas qu’elle soit plus nombreuse ; sinon elle n’est qu’une foule. […] A présent, dans un ordre quelconque d’existence, prenez des choses homogènes, toutes semblables les unes aux autres, et supposez qu’en un point seulement, par une cause ou par une autre, une différence, aussi légère qu’on voudra, s’introduise, et qu’une des portions du tout cesse d’être absolument semblable aux autres portions. […] L’humanité n’est pas aussi égoïste ni aussi grossière qu’on le suppose ; un instinct secret la porte vers les figures idéales ; quand elle croit en apercevoir une, elle tombe à genoux.

1630. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

On n’a voulu tenir nul compte de la somme de bon travail que supposent deux grands spectacles et dix-huit tableaux donnés en huit jours, ni, par exemple, de ce fait extraordinaire, qu’aucun des entractes de Don Carlos n’a dépassé dix minutes. […] Supposez que le bourgeois-gentilhomme soit homme de lettres, et vous aurez à peu près le principal personnage de M.  […] Mais là encore, dans l’incapacité où nous sommes d’en faire le partage exact, force nous est bien de supposer les griefs égaux. […] On s’avise que les théories de Darwin sont en germe dans Diderot (le Rêve de d’Alembert), mais que Diderot est dans le poète Lucrèce, qui fut lui-même, je suppose, dans le philosophe Héraclite. […] Il s’est aussi ressouvenu, je suppose, des diverses révoltées, norvégiennes ou françaises, qu’on nous a montrées ces années-ci.

1631. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Il suppose qu’on le devine. […] Nous y supposons naturellement une hiérarchie d’êtres analogue à celle qui occupe notre planète, et nous sommes conduits à penser que l’homme ou son analogue est partout à la tête de la création… Théodore. — Admettez-vous cela ? […] Il faudrait supposer un public composé de métaphysiciens et de philosophes, assistant à la première représentation d’Hamlet ou de Macbeth. […] Comme il n’apercevait pas le caporal qui me tenait par mon habit, il me supposa libre ! […] À n’en supposer que cinq par roman, nous verrions arriver un chiffre d’environ cinq cents ; or, certains romans en contiennent et en développent trente.

1632. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

L’école dictatoriale et impérialiste (je la suppose éclairée) a pour principe de tout prendre sur soi et de se croire suffisamment justifiée à faire administrativement ce qui est de l’intérêt d’État, dans le sens de l’ordre et de la société. […] Homme et nation, on suppose volontiers qu’on se convertit du tout au tout.

1633. (1927) André Gide pp. 8-126

C’est un peu étonnant, et l’on aurait supposé que l’ouïe, le toucher et l’intuition permettaient aux aveugles de discerner un jeune homme d’un homme mûr ou d’un vieillard. […] Dès que les guichets sont ouverts pour l’une et que l’autre se trouve à l’étal des libraires, la critique n’a qu’à payer sa place au parterre ou son exemplaire du livre, si elle suppose que cela en vaut la peine, et elle reprend tous ses droits.

1634. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Supposons qu’un ami vienne nous demander si nous lui conseillons de risquer toute sa fortune dans une loterie où il n’a qu’une chance contre dix, nous ferions de notre mieux pour l’empêcher de courir un pareil risque. […] Mais Walter Scott, Gœthe, Robertson, Addison, eurent le bon sens et la générosité de supposer à leurs conseillers des intentions pures.

1635. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Un des rapporteurs, Morellet, n’osant pas attaquer en face les éloges donnés au catholicisme, suppose qu’ils ont été donnés à la philosophie ; et moyennant ce changement de noms, il attaque toute la donnée du livre de M. de Chateaubriand sur les grandeurs intellectuelles de la religion chrétienne, et sur les services pratiques qu’elle a rendus aux sociétés humaines. […] Mais les vues qui terminent ce chapitre sont profondément vraies, parce qu’elles sont profondément chrétiennes : la paix universelle et perpétuelle suppose l’humanité restée dans un état d’innocence primitive ; l’humanité déchue suppose la guerre, car elle suppose dans tous les sens le combat, la lutte, la souffrance. […] C’est la grande philosophie qui, au lieu de chicaner la Providence, s’efforce de s’élever à l’intelligence de ses desseins, et prend l’humanité telle qu’elle est, au lieu de supposer qu’elle est ce qu’on voudrait qu’elle fût. […] À son arrivée dans cette ville, M. de Bonald eut la curiosité de connaître par lui-même la destinée de son livre, et se présenta à la police sous un nom supposé ; un des employés supérieurs de cette administration le conduisit dans une vaste salle, espèce de nécropole littéraire, où étaient entassés les débris des ouvrages condamnés à cette lamentable destinée. […] et ce genre d’explication, s’il doit s’arrêter quelque part, ne suppose-t-il pas des faits inexplicables ?

1636. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Il est un cas où il n’y aurait aucun risque à courir, le génie, d’ailleurs, étant toujours supposé. […] Supposez qu’un être céleste, par amour pour une mortelle, se fasse mortel lui-même, vienne vivre parmi les hommes. […] Supposez-le moins inconstant, moins entraîné. […] Elle suppose que penser et sentir ne sont pas des vanités : « Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse. » Mais l’homme étant vain et lâche, dans le temps même où il est le plus convaincu de sa lâcheté. […] Pourrait-on supposer un livre sur Mirabeau où il ne fût pas question des idées de Mirabeau sur la constitution politique de la France ?

1637. (1887) George Sand

Je veux bien le croire, puisqu’elle-même nous le laisse supposer. […] Je suppose ces obstacles vaincus et les deux âmes mises en contact l’une avec l’autre par une destinée propice, tout sera-t-il dit pour cela, et ne verra-t-on pas s’élever tout à coup, par le seul effet d’une connaissance plus longue, des obstacles imprévus et cette fois invincibles ? […] Ils se quitteraient dès qu’ils ne s’aimeraient plus, à supposer pourtant qu’ils puissent vivre l’un sans l’autre. […] S’ils se portent vers les profondeurs sans limites du ciel, on nous y fait supposer des peuples d’âmes inconnues, animant de leurs joies ou de leurs souffrances la bleue immensité.

1638. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Supposez dans la Leçon un cadavre aussi réaliste, aussi soigneusement construit que les corps vivants du professeur et de ses élèves, une vraie « anatomie ». Supposez dans la Ronde une sortie de vrais gardes dans une lumière neutre, expulsez cette figure au coq qui vous choque, si vague en dehors de son être lumineux que les uns y voient une fillette, les autres une vieille naine. […] L’emportement qu’on lui suppose est une façon de sentir plutôt qu’un désordre dans la façon de peindre. » Et par une analyse raisonnable et précise, il montre que la maîtrise de Rubens, vue dans son principe élémentaire, a pour secret le mouvement de cette main, la qualité et le rythme de ce mouvement. […] Il constate que son œuvre, comme celle de la plupart de ses contemporains, est dépourvue de « ce rare, absolu et indubitable caractère auquel on reconnaît toute création divine et humaine, de pouvoir être limitée, mais non suppléée, et de manquer aux besoins du monde si on la suppose absente ».

1639. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Supposez le portrait d’un Washington par un Lawrence, et vous aurez des défauts approchants.

1640. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Il faut voir la même idée rendue comme les anciens savaient faire, c’est-à-dire en des termes magnifiques, au xiie chapitre du Traité du Sublime qui a pour titre : « Suppose-toi en présence des plus éminents écrivains. » Longin (ou l’auteur, quel qu’il soit) y fait admirablement sentir, et par une gradation majestueuse, le rapport qui unit le tribunal de la postérité à celui des grands prédécesseurs. — Ne pas s’en tenir à la traduction de Boileau. — Racine, dans sa préface de Britannicus, a usé aussi, en se l’appliquant, de la pensée de Longin : « Que diraient Homère et Virgile s’ils lisaient ces vers ?

1641. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

L’une des plus belles strophes de Souvenir est presque transcrite (involontairement, je suppose) du dialogue sur Otaïti.

1642. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Supposez qu’un peuple s’arrête à cette idée et rie définisse pas la mort autrement.

1643. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Il plaide pour eux, il les aime ; il allègue vingt exemples : le cerf poursuivi qui en « suppose un plus jeune », la perdrix qui, pour préserver ses petits, contrefait la boiteuse, la société des castors architectes, la stratégie des renards polonais, les perplexités, les inventions, les réflexions des deux rats qui veulent sauver leur oeuf.

1644. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

À présent supposez que cet élément commun reçoive du milieu, du moment ou de la race des caractères propres, il est clair que tous les groupes où il entre seront modifiés à proportion.

1645. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

» On peut supposer entre ce vers et celui qui va suivre un long repos rempli par un gémissement en refrain de sa harpe, gémissement interrompu tout à coup par ce cri de défi à ses persécuteurs et d’assurance dans son Dieu : « Mais toi, Jéhovah !

1646. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Impossible à savoir, téméraire à dire, absurde à supposer.

1647. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Pour que cette communauté des biens soit juste, il faut supposer à tous les hommes la même conscience, la même application au travail, la même vertu.

1648. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

La chicane suppose la loi souveraine.

1649. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Bref, la morale évangélique poussée à ses plus extrêmes conséquences, et en même temps vidée de la métaphysique qu’elle suppose.

1650. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

On y voit au vrai les dispositions de Bernardin au moment où il quitte la Russie, ses préoccupations bien moins romanesques qu’on ne l’a supposé ; les premiers symptômes de l’écrivain encore inexpérimenté et qui veut poindre ; l’utopiste et l’homme à systèmes qui se trahit çà et là ; l’amoureux, assez peu enthousiaste d’ailleurs ; l’ami reconnaissant et fidèle ; le bonhomme qui rêve en tout temps une chaumière et le bonheur de la famille ; le délicat blessé et le misanthrope qui va s’ouvrir aux aigreurs ; puis, à la fin, l’écrivain tout d’un coup célèbre, mais qui garde de ses susceptibilités, et qui porte jusque dans ses scrupules de probité et dans le paiement de ses dettes d’honneur une application et une affectation minutieuses, un coin de maladie.

1651. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

On lui supposa des amours contre nature ; on lui trouva, comme à Shakespeare, un lord Southampton.

1652. (1772) Éloge de Racine pp. -

Il en vient jusqu’à y chercher des défauts, jusqu’à en supposer même.

1653. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Ils vinrent en aide à sa timidité ; ils lui parlèrent d’un mariage qui concilierait, dans une demi-publicité, sa religion, sa délicatesse de père et de roi futur ; ils lui désignèrent la personne pour laquelle des yeux intelligents avaient deviné son attrait ; ils lui en firent un éloge qu’ils supposaient déjà gravé en traits plus profonds dans son cœur.

1654. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Car il serait évidemment contradictoire de supposer que l’esprit humain, si disposé à l’unité de méthode, conservât indéfiniment, pour une seule classe de phénomènes, sa manière primitive de philosopher, lorsqu’une fois il est arrivé à adopter pour tout le reste une nouvelle marche philosophique d’un caractère absolument opposé.

1655. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Roche, donc, a trouvé des documents assez curieux qui dérivent de Furetière et qui lui font croire — oui, il le croit, mais j’aimerais mieux : supposer — que La Fontaine dut faire une partie de ses études à Paris, dans un collège d’Oratoriens ; car Furetière dit, dans des actes d’une certaine gravité, qu’il a fait toutes ses études, ou au moins une grande partie de ses études, avec La Fontaine.

1656. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Le procédé de son second volume sur la Révolution est le procédé du premier, qui surprit tant quand il parut et dont l’application désintéressée, laborieuse et soutenue, suppose un véritable enflammement de recherches et cet effacement de soi prodigieux qui fait la supériorité de l’observateur scientifique.

1657. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Franchement, pendant que ses amis parlaient de ce livre, si dur d’extraction, et l’annonçaient comme un chef-d’œuvre, je faisais involontairement à Flaubert l’honneur de lui supposer une pensée.

1658. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Au lieu de supposer ce qui n’existait pas, comme Balzac a fait dans la préface de ses Contes, il fallait simplement rappeler l’intention de l’auteur et bien déterminer l’effet et l’influence de son livre.

1659. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Et à supposer, ce que je ne conseillerai jamais à personne, que, six mois plus tard, on veuille reprendre et terminer sur nouveaux frais ce qu’on a laissé imparfait, ressaisira-t-on, pour ce nouveau travail, la trace lumineuse et féconde de ses premières pensées, ne sera-t-on pas frappé de satiété dès les premières heures de cette expiation ? […] Au lieu de perdre son temps à conjecturer et à reconstruire des faits ignorés, il eût mieux fait de les supposer hardiment, de les créer de toutes pièces. […] Quant à la question historique qu’il a soulevée, je déclare que la polémique engagée à cet égard ne me paraît pas avoir réfuté la solution qu’il propose dans les formes les plus modestes, puisqu’il clôt sa théorie par le plus sceptique de tous les vers de don Juan, en nous priant seulement de « supposer cette supposition ». […] Et c’est pourquoi le massacre des janissaires est peut-être une faute moins grave que le renvoi de lord Grey ; car on peut raisonnablement supposer que Guillaume IV est plus éclairé que Mahmoud. […] Mais je crois qu’en de certaines circonstances, l’homme importe à l’explication de l’artiste ; et, par exemple, à moins de supposer à Sainte-Beuve un caractère spécial, choisi, exceptionnel, il est impossible de comprendre ses pèlerinages et ses dévotions.

1660. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

On suppose tout possible, dans le mal, on veut le supposer, et une voix secrète plaide en nous, qui nous murmure : « Si tu te trompais, pourtant !  […] C’est là, j’ose dire, beaucoup trop accorder à la science constituée et supposer gratuitement que nous connaissons toutes les lois de l’univers. […] Le point important, c’est que l’άθηρηλοιγός homérique est maintenant expliqué, à supposer qu’il ne l’était point déjà par quelque commentateur, car j’avoue que je n’y suis pas allé voir. […] Cela seul m’embarrasse, que le moi suppose le non moi, car enfin, si le monde se reflète en moi, il faut bien que le monde ait tout de même une espèce de vague réalité. […] Il n’est pas probable que Julien les ait prononcées telles que l’historien les rapporte, et le discours est peut-être entièrement supposé.

1661. (1908) Après le naturalisme

On s’est trouvé devant une misère plus grande qu’on ne la supposait. […] L’erreur, le mal, nous nous en éloignons naturellement car leur connaissance suppose une intelligence supérieure à eux et le vrai a cette vertu de nous obliger à nous y soumettre.

1662. (1927) Des romantiques à nous

Mais ces mouvements supposent entre l’âme et les choses un large commerce qui ne peut être précisément procuré à l’âme que par l’étendue des visions de l’intelligence. […] On peut supposer d’ailleurs qu’une tête aussi méditative n’avait pas tardé à tirer de cette expérience passagèrement cuisante, une juste leçon sur la philosophie des concours. […] Il avait cette richesse affective supérieure qui suppose l’ordre naturel des affections.

1663. (1886) Le naturalisme

Si en principe on admet la liberté, il faut la supposer relative et sans cesse combattue, limitée par tous les obstacles qu’elle rencontre dans la vie. […] Je fais plutôt allusion au caractère, à la vie et aux actes de l’écrivain naturaliste, totalement dépourvus de ce que les Français appellent rêverie, et je fais allusion, en somme, à la proscription du lyrisme, à la réhabilitation du pratique, que suppose la conduite de Zola. […] Supposons qu’il n’ait pas besoin pour vivre du produit du roman ; l’argent n’est-il pas à apprécier, puisqu’il est la marque évidente qu’il a un public ?

1664. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Qu’ils écrivent pour le théâtre, comme Gresset, dont Le Méchant est daté de 1747, ou qu’ils se piquent d’être philosophes, comme Duclos, dont les Considérations sur les mœurs vont paraître en 1750, leur observation n’atteint que l’homme social, et de cet homme-là même n’essaie point d’atteindre, le fond, qu’elle suppose en tout et partout identique. […] Cet esprit philosophique, si à la mode aujourd’hui, qui veut tout voir et ne rien supposer, s’est répandu jusque dans les belles-lettres : on prétend même qu’il est nuisible à leurs progrès, et il est difficile de se le dissimuler. […] De l’éducation des enfants, Paris, 1721]. — Le grand défaut de l’Émile ; — et qu’ayant formé le dessein de composer un traité d’éducation, — il est fâcheux que l’auteur ait débuté par poser ou supposer un enfant sans père ni mère ; — un enfant riche ; — un enfant sans hérédité, tempérament ni caractère ; — et d’autre part un précepteur dont toute la vie soit subordonnée à celle dudit enfant ; — ce qui fait deux suppositions également contraires à la vérité de la nature, — et de la société. — Que sous cette réserve, dont on ne saurait exagérer l’importance, — trois grandes raisons expliquent le succès de l’Émile, à savoir : — l’exaltation du sentiment moral [Cf. en particulier la Profession de foi du vicaire savoyard] ; — une ardeur de spiritualisme qu’on était heureux d’opposer au lourd matérialisme de l’Encyclopédie ; — et une confiance entière dans la possibilité du progrès moral par l’éducation. — Comparaison à cet égard de l’Émile et du livre De l’esprit ; — et de quelques idées communes à Helvétius et à Rousseau. — L’Émile est d’ailleurs le chef-d’œuvre littéraire de Rousseau ; — moins guindé que La Nouvelle Héloïse ; — plus souple, plus varié que le Contrat social ; — et toujours oratoire, mais moins déclamatoire que les Discours de 1750 et 1755. — De quelques idées secondaires de l’Émile ; — sur l’allaitement maternel ; — sur l’importance de l’éducation physique ; — sur l’utilité d’un métier manuel ; — sur ce que l’on a depuis lors appelé les « leçons de choses » ; — et qu’elles n’ont pas moins fait pour le succès du livre, — que les idées générales qui en sont l’armature, — et que les persécutions dont il allait être l’objet.

/ 1858