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1103. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

On raconte que la poésie idyllique ou bucolique, comme on l’a entendue depuis, fut inventée en Sicile par un berger poète, Daphnis : c’est le beau bouvier Daphnis qui, chez Théocrite, remporte le prix du chant et gagne contre Ménalque la flûte à neuf tuyaux ; c’est lui qui chante ce ravissant couplet où se résume tout le thème, où respire toute la félicité et la douceur du genre : « Que ce ne soit point la terre de Pélops, que ce ne soient point des talents d’or que j’aie à cœur de posséder, ni, au jeu de la course, d’aller plus vite que les vents !

1104. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Après une année de séjour, nous étions arrivé, comme tant d’autres avant nous, à vénérer les plus humbles pierres de la grande cité, à les considérer avec amour, à trouver à toute chose un parfum d’art, une poésie enfin que nulle autre ville ne possède… » Nuremberg, en effet, ne saurait tenir, ne fût-ce qu’un instant, devant Rome.

1105. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Tous les faits sont à la fois présents à la mémoire de Bossuet : il n’en cherche aucun ; il sait, il possède tous les détails de son livre avant de commencer à l’écrire.

1106. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Thiers fut annoncée et vint, en quelque sorte, déboucher, défiler comme une grande armée, à dater de 1845, et pendant près de vingt ans occuper le devant de la scène, envahir et posséder l’attention publique : lui, l’historien diplomatique, qui avait puisé aux mêmes sources, qui en avait par endroits creusé plus avant quelques-unes, qui y avait réfléchi bien longtemps avant d’oser en tirer les inductions, les conséquences essentielles, mais qui, une fois les résultats obtenus, y tenait comme à un ensemble de vérités, il se trouvait du coup distancé, effacé, jeté de côté avec son noyau de forces.

1107. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Hors de là il est terre à terre : il broche et publie ses feuilles moins pour dire la vérité qui le possède et l’enflamme, moins pour satisfaire à une passion de bon sens et de raison, que pour s’en faire un moyen de subsistance ou de fortune.

1108. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Sa correspondance peut-être, et les papiers que possède sa famille, parleront un jour.

1109. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Luzel a déjà dû s’impatienter, s’il nous lit, et je suis sûr que, s’il était à portée de voix, il aurait demandé plus d’une fois la parole ; car, lui, il a la prétention d’être dans un cas tout différent : « Nous autres Bretons, dit-il dans sa préface, nous avons l’avantage précieux de posséder une langue à nous : je dis langue et je repousse vigoureusement le mot flétrissant de patois. » Loin de moi l’idée de le contredire et de porter atteinte à sa patriotique pensée !

1110. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Il possédait ce qui a manqué bien longtemps à la plupart des Français de tout rang : il connaissait l’étranger, et il avait par devers lui des termes exacts de comparaison.

1111. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Ce jeune auteur possède à un remarquable degré la faculté du détail ; il est armé d’un instrument d’investigation très-fin, et il a poussé plus d’une fois la précision jusqu’au piquant.

1112. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Il possédait la confiance entière du ministre Lanther.

1113. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Donne, donne aux vivants ce que les morts possèdent ; De frères nouveau-nés qui l’un l’autre s’entr’aident Remplis les états dépeuplés.

1114. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Les nations du Nord, en faisant disparaître pendant quelque temps les lettres et les arts qui régnaient dans le Midi, acquirent néanmoins quelques-unes des connaissances que possédaient les vaincus ; et les habitants de plus de la moitié de l’Europe, étrangers jusqu’alors à la société civilisée, participèrent à ses avantages.

1115. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

L’Italie possédait les monuments anciens, et avait des rapports immédiats avec les Grecs de Constantinople ; elle tira de l’Espagne le genre oriental, que les Maures y avaient porté, et que négligeaient les Espagnols.

1116. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Les goûts font mettre un nouveau prix à ce qu’on possède ou à ce qu’on peut obtenir ; mais les passions ne s’attachent dans toute leur force qu’à l’objet qu’on a perdu, qu’aux avantages qu’on s’efforce en vain d’acquérir.

1117. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

nous ne possédons pas l’organe intellectuel, nous n’avons même pas apparemment le rudiment de cet organe, qui nous permettrait de passer par le raisonnement d’un phénomène à l’autre.

1118. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Je jouissais de fouler ces gazons semés autrefois par un grand homme et possédés aujourd’hui par le plus vertueux des hommes.

1119. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

De cette idée vient la facilité avec laquelle Mme de Staël a passé de la monarchie à la république : elle fait de la conservation sociale, identifiée à l’intérêt des propriétaires, l’objet principal du gouvernement ; et ainsi, roi ou président, peu importe ce que sera l’exécutif, pourvu que ceux qui possèdent soient protégés contre la masse des « hommes qui veulent une proie », et que « tous leurs intérêts portent au crime », dès qu’on leur permet d’agir.

1120. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Dostoïevski (1821-1881) : Crime et Châtiment, 2 vol. in-18, tr. 1884 ; Souvenir de la maison des morts, 1 vol. in-18, tr. 1886 ; Krotkaïa, 1 vol. in-18, tr. 1886 ; les Possédés, 2 vol. in-18, tr. 1886.

1121. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Mais passons, car ces mérites, d’autres artistes les possèdent au même degré.

1122. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Mais, si son impression du moment le pénètre et le possède au point d’opprimer et de chasser presque ses souvenirs ; si toutes ses admirations sont, ou peu s’en faut, égales, étant toutes sans limites, il en est du moins quelques-unes qui le ressaisissent plus fréquemment et qui nous révèlent certaines préférences décidées et foncières.

1123. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Cette personnalité exaltée n’est pas l’égoïsme ; car de tels hommes, possédés de leur idée, donnent leur vie de grand cœur pour sceller leur œuvre : c’est l’identification du moi avec l’objet qu’il a embrassé, poussée à sa dernière limite.

1124. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Toutes les muses qu’il courtise, tous les démons qui le possèdent revivent en lui.

1125. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Si la France en possède deux ou trois, qu’elle en garde les bustes, en attendant les statues.

1126. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Il fait tout d’abord, en arrivant dans son monde de Philadelphie, la différence des deux sociétés et des deux cultures ; il écrivait à l’aimable miss Mary Stevenson, sa gracieuse et sérieuse élève, et dans la famille de laquelle il était logé à Londres (mars 1763) : De toutes les enviables choses que l’Angleterre possède, ce que je lui envie le plus, c’est sa société.

1127. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Mais cet Amour veut se connaître, ne pouvant se posséder qu’en se sachant, et c’est par le désir d’un fruit né des deux désirs créateurs et en lequel il se définisse, qu’il se connaîtra : et ce troisième désir est ce qui détermine la sortie hors du cercle, en l’elliptique mouvement.

1128. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Vous possédez les règles de la composition ; vous connaissez tous les accords et leurs renversemens ; les modulations s’enchaînent à votre gré sous vos doigts ; vous avez l’art de lier, de rapprocher les cordes les plus disparates ; vous produisez, quand il vous plaît, les effets d’harmonie les plus rares et les plus piquans ; c’est beaucoup.

1129. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Sans doute, le rêve d’un écrivain sera d’être compris, jusqu’aux nuances les plus secrètes de sa pensée, par une intelligence sœur de la sienne ; mais ce rêve n’est point incompatible avec celui d’être lu par la foule, de parler à l’âme d’un pays, ne fût-ce que par une page, par une phrase reproduite dans les journaux, citée dans des discours, traduite dans une chanson, et possédée et gardée ensuite par des milliers d’êtres humains dans le trésor des vérités acquises.

1130. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Voici une page écrite sans légèreté et sans emphase, noble ; mesurée, et pourtant pressante, d’un style ample et grave, sans rien de monotone ou d’académique, qui semble du dix-septième siècle et qui n’est point une copie, qu’on peut relire dix fois, et qu’on trouvera toujours plus belle, et qui, certainement, donne une idée de la perfection : Depuis les premiers jours des sociétés humaines jusqu’à la venue de Jésus-Christ, tandis que dans un coin du monde une race privilégiée gardait le dépôt de la doctrine révélée, qui, je vous prie, a enseigné aux hommes, sous l’empire de religions extravagantes et de cultes souvent monstrueux, qui leur a enseigné qu’ils possèdent une âme, et une âme libre, capable de faire le mal, mais capable aussi de faire le bien ?

1131. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Elle possédait, je ne puis en douter en regardant les portraits authentiques qui sont sous mes yeux, le genre d’attraits qu’on prisait si fort au dix-huitième siècle, et qui avec de belles mains avait fait la réputation d’Anne d’Autriche.

1132. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Puis, à part ce souffle méridional, nous savons combien, par l’esprit de secte et de méditation, par la controverse et la lecture de la Bible, l’Orient a possédé l’imagination anglaise, mais tout cela, sous une première loi de formation du langage et des mœurs, très marquée dans le type anglais.

1133. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Oui, ç’a été une faute affreuse, mais instinctive, une faute inspirée, peut-être, par l’esprit de l’Enfer qui me possède. […] L’âme continue à être pleine de Dieu, lorsqu’une fois elle l’a possédé. […] L’Ogre et la Passion d’un possédé, — que M.  […] Il en est possédé, comme Fanette de son amour. […] — Laissez-moi, tonnerre de Dieu, jure le possédé, repoussant Mian et Beaumont.

1134. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

À ses yeux le grand livre, le livre par excellence que possèdent les Allemands et qu’ils peuvent opposer aux chefs-d’œuvre des autres langues, c’est Werther. […] On connaît l’histoire de cette petite maison presqu’en ruines que Balzac possédait, je crois, près de Ville d’Avray, et qu’il vantait comme un château merveilleux, orné des objets d’art les plus rares. […] Comme tous les jeunes poètes qui ont, au début de leur carrière, remporté de nombreux prix académiques, il possédait une grande facilité pour exprimer en vers des lieux communs, et en même temps une rare fécondité d’imagination. […] Aucune nation ne possède au même degré la réunion des qualités diverses indispensables à la forme dramatique. […] la salle ne se possédait déjà plus.

1135. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Avant la révolution de 1789, beaucoup d’abbayes possédaient encore dans leurs archives, des manuscrits contenant des sortes de drames de cette espèce, joués dans les églises avec chant, déclamation et gestes. […] Et chacun est plus flatté des éloges non mérités qu’on lui donnera sur la vertu qu’il veut avoir et qu’il n’a pas, que de ceux qu’il méritera par les qualités qu’il possède réellement. […] Tour à tour grammairien, humaniste, poëte, antiquaire, prédicateur et romancier, il possédait le caractère le plus hautain, le plus difficile, et trouvait le moyen de se brouiller avec tout le monde. […] Pour payer, il vendit tout ce qu’il possédait, ce dont il eut quatorze mille francs. […] Elle possédait beaucoup de tableaux de grands maîtres, mais il y en avait un dont elle ne pouvait parvenir à comprendre le sujet.

1136. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

L’étranger ne déteste pas être libertin sans qu’on le sache ; le Français aimerait mieux se priver de voluptés de toute sa vie et passer pour un mauvais sujet, que posséder toutes les femmes et être aimé d’elles et être tenu pour coquebin. — Il y aurait un joli sujet de comédie : Don Juan blanc. […] Elle permet à une Église catholique de se former et de se développer en France en autorisant des « associations cultuelles », à organiser le culte, à recueillir des cotisations et des offrandes, à percevoir des fonds par quêtes et location de bancs et chaises, en un mot, à posséder et à administrer, même en s’aidant les uns les autres, ce qui établit une cohésion et un organisme de l’Église catholique française. […] Car ce qui reste à reconquérir pour les catholiques, à les considérer comme libéraux, le voici : C’est la liberté d’association pour les religieux, lesquels ont parfaitement le droit de vivre en commun et de posséder en commun, sous réserve de précautions à prendre contre l’accroissement des biens de mainmorte. […] Rien ne donne force individuelle comme le désintéressement, et celui-là est une personnalité très forte qui n’est l’esclave ni du désir de posséder, ni du désir de commander personnellement, ni du désir de jouir. […] Car on n’a une idée, on ne la possède vraiment, on ne la voit avec clarté, que quand on a fait le tour de toutes les idées et quand on en a choisi une.

1137. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Ainsi, la Belgique, — d’après le droit positif, le droit écrit, — possède l’État du Congo. […] Et, lorsque ce volume s’écrivait, l’ennemi tenait nos départements du Nord, possédait Lille, Mézières, Saint-Quentin, Laon, vingt autres de nos villes et des vingtaines de villages. […] Nous possédons trois épisodes de cette chronique ; et, d’abord, l’Histoire de M.  […] Or, les manuscrits, tels que la Bibliothèque nationale les possède, sont en parfait désordre. […] Il possède et il tient ses résolutions de consentement.

1138. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

L’avocat parle dans du mérinos, et il possède, en plus de l’encre et du papier, des meubles à lui. […] Posséder son xvie , son xviie , son xviiie , bientôt son xixe  siècle, à la fois comme un historien possède le temps et un romancier les personnages qu’ils font vivre, mettre de la logique et du « discours » dans le hasard littéraire, voilà la carrière et l’honneur de cette critique, telle qu’elle a progressé pendant tout le xixe  siècle français. […] Le constructeur, s’il ne possède pas le goût, n’est qu’un maçon. […] Ce secret de familiarité, de divination, de création, qui s’emploie à copier un auteur comme un graveur copie une peinture, je dirais qu’il date du xixe  siècle et surtout de Sainte-Beuve, si la littérature anglaise ne possédait pas, dès le xviiie  siècle, la Vie du Docteur Johnson. […] Montaigne le possédait en puissance, et on imagine avec vraisemblance ce qu’il en eût écrit, s’il s’était voulu homme de lettres.

1139. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Nous ferons remarquer combien cet écrivain, nourri de la lecture de Virgile et d’Horace, a souvent mis d’adresse, de goût, de grâce et d’esprit, en louant Napoléon et Marie-Louise ; il possédait au plus haut degré l’art de passer des critiques légères à de hautes considérations de morale et de politique. […] Il se fit souvent un malin plaisir de troubler les triomphes littéraires de ceux dont il n’aimait point les opinions politiques ; mais les vastes connaissances qu’il possédait dans l’art dramatique et théâtral, lui fournissaient du moins l’apparence d’un juge qui ne prononce ses arrêts qu’après un examen attentif. […] Balzac appelait Émilie une furie adorable, une sainte possédée  : en effet, elle a le diable au corps, et n’en est que plus théâtrale. […] Un scélérat espagnol, possédé du démon de la jalousie et de la vengeance, qui devient tout à coup un saint au moment où on l’assassine ; qui pousse la perfection évangélique et l’héroïsme de la religion jusqu’à pardonner à son assassin, et même lui céder sa femme, est assurément un prodige mille fois plus étrange et plus incroyable que la conversion du père de Pauline. […] Voltaire, possédé du démon de l’orgueil et de la jalousie, abjure sa propre raison et les règles de l’art qu’il connaît si bien !

1140. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

On le croirait possédé par le démon de la gamme, hanté par des hautbois, des cors, des flûtes, des violoncelles, toute la famille des instruments. […] Personne, plus que lui, ne possède les mots de notre langue ; il a dans la tête tout le dictionnaire français, et probablement d’autres encore. […] Voyez si cet écrivain est possédé (possédé, c’est le mot) de son sujet, et à quel point ! […] Elle se tua, épouvantée par cet amour qu’elle ne pouvait renvoyer. — Quant au romancier, qui sent profondément les lugubres et fantastiques beautés de la poésie catholique, il croit et dit Jeanne possédée. […] La Nature l’enivre, il ne se possède plus, et ses vers se précipitent avec la fougue d’une déclaration passionnée.

1141. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Elle est fausse, à mon avis, mais elle est haute et belle et ne peut qu’attirer l’estime à celui qui en fut possédé jusqu’à une manière de superstition. […] Il plaint un peuple condamné à être triste par le souci ou la prétention de se posséder. […] Il y a là empiètement, conquête, invasion de la part de celui qui possède ; réduction, rétrécissement, sujétion et en définitive esclavage pour celui qui ne possède pas. Et sur quoi celui qui possède fonde-t-il son droit ? […] Mais vous n’êtes pas le premier occupant de la chose que vous possédez.

1142. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Ajoutez que M. d’Annunzio possède deux facultés qui ne sont pas incompatibles, mais qu’on n’a pas coutume de trouver réunies. […] Il vient de prouver qu’il possède ce don si rare de la vision objective. […] Et là, possédé par son rêve, hanté par la vision matérielle de ses personnages, ne connaissant plus d’autres vivants que les êtres nés de son imagination, il écrit de verve des ouvrages jetés d’un seul jet et coulés d’un bloc. […] Il s’entourait de fleurs dont aucune ne semblait réelle ; il possédait des livres imprimés spécialement pour lui sur des papiers à poils et des papiers reps. […] Ce que M. de Montesquiou possède en propre et ce qu’il ne viendra à l’esprit de personne de lui contester, c’est une admirable fertilité.

1143. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Est-ce à dire cependant que ces croyances aient dominé l’esprit de Goethe au point de le posséder sans partage ? […] En quelque extrémité que sa nature le jette, il garde le don d’analyser et de recomposer à l’instant toutes les sensations qu’il éprouve ; il observe encore quand déjà il ne se possède plus ; son âme est double, pour ainsi dire, et la moitié de lui-même est constamment occupée à contempler et à décrire l’autre moitié. […] Or, je le demande, une telle définition de la divinité, difficile à entendre même pour un esprit qui possède déjà la notion de Dieu, ne devient-elle pas, sans cette notion, une énigme insoluble ? […] Il possède, à l’instar de Werther, un ami discret et complaisant qui n’écrit jamais lui-même, mais à qui l’on peut écrire sans craindre de troubler sa mansuétude, et notre amoureux en abuse : « Qu’ai-je vu ?  […] Il le possédait à fond22, et c’était l’un des livres qu’il avait emportés avec lui en Égypte.

1144. (1929) Dialogues critiques

L’assassin désintéressé est un médiocre, qui veut à tout prix avoir raison et n’en possède pas d’autre moyen. […] Le père La Pudeur possédait une étonnante collection de bouquins et de gravures obscènes.

1145. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Le pauvre Stagyrite ne possédait qu’un os, la comédie grecque ; au lieu que nous, par notre vaste connaissance de la comédie chinoise, grecque, latine, espagnole, anglaise, française, allemande, italienne, etc., nous sommes en mesure de composer bien plus facilement l’idée totale de la comédie. […] La beauté n’est point saisissable pour l’entendement, point définissable ; mais l’âme peut aspirer à la posséder, et chercher la beauté, vivre avec les choses belles, c’est établir sa demeure dans une sphère qui est au-dessus des sens et même de l’intelligence ; c’est communiquer avec ce Dieu inconnu qui échappe à la pensée, et que le sentiment moral peut seul atteindre316.

1146. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

La terre ne se doutait pas de ce qu’elle perdait : il fallut trente ans à son nom pour mûrir à la gloire que ce nom possède aujourd’hui. […] Hier, elle était comme possédée.

1147. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Sa physionomie, simple, modeste et douce, n’avait rien de cette tension orgueilleuse des traits ou de cette évaporation des yeux qui caractérise trop souvent ces hommes de vanité, plus que de génie, qu’on appelle les poètes populaires : ce que la nature a donné, on le possède sans prétention et sans jactance. […] Pourtant les mille cavales sauvages qu’il possède sont peintes par le poète avec des couleurs de Salvator Rosa.

1148. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Si chaque homme aimait tous les hommes, il posséderait le monde entier !  […] Nous la possédons tout entière en deux volumes ; cette correspondance étincelle plus qu’elle ne touche ; c’est un feu éblouissant, mais c’est un feu d’artifice ; une lettre d’Héloïse à Abélard contient plus de chaleur de passion que ces deux volumes de lettres entre Bettina et l’auteur de Werther.

1149. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Il avait passé sa jeunesse dans les camps ; il passait son âge mûr dans sa douce retraite, qui servait de halte et d’asile à tous les parents, et là il savourait l’amour d’une cousine adorée et adorable qu’il avait épousée tard et qu’il possédait avec délices, comme les bonheurs longtemps suspendus. […] Quelle que fût sa partialité pour la maison de Savoie, le comte de Maistre avait trop de sens pour imaginer que l’Autriche permettrait jamais à un roi de Sardaigne, avec sa brave mais petite armée savoyarde, sarde et piémontaise, de se substituer à l’empire et de conquérir l’Italie, que l’empire lui-même, avec ses six cent mille hommes sous les armes, n’avait jamais pu posséder.

1150. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Une femme anonyme, mais évidemment aussi spirituelle que personnellement bien informée, nous écrit ceci : « Monsieur, « En lisant votre dernier Entretien l’idée me vient de vous envoyer un des billets que je possède de M. de Chateaubriand ; il est de l’époque où il écrivait des lettres si affectueuses à madame Récamier. […] En s’éloignant peut-être pour toujours on revient sur le passé, on regrette de ne pas en avoir apprécié les douceurs ; on voudrait revenir, plus jeunes de cœur et d’années à ces jours où l’on avait des années à dépenser et des cœurs à posséder sans remords de les avoir contristés ; il y a des fidélités rétrospectives qu’on retrouve tout à coup dans sa mémoire dans un coin de la vie et qu’on croit n’avoir jamais violées, tant on regrette les distractions fugitives à ces amitiés éternelles.

1151. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Ce nom de chanoine lui venait sans doute d’un prieuré ou d’un canonicat qu’il possédait aux environs de Padoue. […] L’Arioste abuse de la complaisance de l’imagination qui le possède, et risque d’impatienter la complaisance de son lecteur.

1152. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Ce sont les Phéaciens qui possèdent cette ville et cette terre ; et moi, je suis la fille du magnanime Alcinoüs qui reçoit des Phéaciens la force et la puissance.” […] Je la possède ; je l’ai sous la main, mais je me garderai de la donner à mes lecteurs, c’est trop poignant !

1153. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

IV Le château du Cayla était de père en fils possédé et habité par la famille de M. de Guérin, dont la jeune femme était née dans le bourg de Cahuzac. […] On voit combien la pensée de son frère la possède.

1154. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Cela fait, il n’y eut plus d’hésitation, car les peuples tiennent plus à ce qu’ils imaginent qu’à ce qu’ils possèdent. […] En outre, possédé du désir de voyager au-delà des monts, j’évitais avec soin de me laisser surprendre dans quelque lien d’amour.

1155. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Aristote prend un exemple des plus ordinaires ; et, considérant que, quand une pierre est mue par un bâton, c’est la main qui meut le bâton et l’homme qui meut la main, il en conclut que, dans tout mouvement, il faut toujours remonter à un premier moteur, lequel est lui-même nécessairement immobile, tout en communiquant au dehors le mouvement qu’il possède et qu’il crée. […] Il est bien clair que le phénomène a précédé la notion, et si le philosophe n’avait mille fois senti le mouvement dans le monde extérieur, il est à croire qu’il n’aurait jamais songé à l’analyse d’une notion qu’il n’eût point possédée.

1156. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

VII Le sculpteur David, homme de grande main, mais d’intelligence systématique, avait fait de moi-même un magnifique buste, possédé depuis par M.  […] …” « Mon père, enthousiasmé des Chinois (peut-être à cause de leur longévité comme peuple), lisait alors les gros livres des jésuites missionnaires qui ont décrit la Chine les premiers ; il annotait aussi de précieuses éditions de la Bible qu’il possédait, livre qui, en tout temps, causa son admiration.

1157. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Dans un dénoûment découvert depuis peu d’années22, il possède la rose, et Beauté lui promet que s’il a le cœur bon et entier, sa possession ne sera pas troublée. […] La rose est évidemment la femme qu’on aspire à posséder ; et ces personnages allégoriques qui en favorisent ou en contrarient la conquête, représentent assez exactement les divers incidents de l’amour, ainsi que les passions que met en jeu la passion principale.

1158. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Un directeur de l’Opéra de Paris avait coutume de dire qu’il fallait avant tout s’occuper de la pièce, en choisir une qui eût réussi et possédât par avance la faveur du public, puis la confier à un arrangeur habile chargé de la découper en scènes à effet ; après quoi l’on pouvait jeter dessus n’importe quelle musique ; le succès était sûr. — Recette douteuse où le musicien est ravalé au rang du cuisinier qui se charge de faire passer, à l’aide d’une sauce affriolante, la fraîcheur douteuse d’un poisson ! […] La poésie possède une faculté de précision qui manque à la pensée musicale ; elle est donc appelée à formuler l’idée mère du drame, à combiner les événements et les passions dont la rencontre et le conflit amèneront des situations terribles ou plaisantes ; elle détermine ainsi la voie où doit s’engager après elle l’inspiration du compositeur.

1159. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

L’Empire serait incomplet tant qu’il ne posséderait pas ce jardin du monde. […] Ce trésor unique était une des grandes convoitises de l’armée persane ; sa renommée éblouissait le monde comme le dieu qui le possédait.

1160. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

— Merci, si je buvais… j’aurais des fibrilles bleues dans le nez… les folles courtisanes ne m’aimeraient plus… je serais obligé de posséder des femmes à vingt sous… je deviendrais abject et repoussant, et alors… » * * * — Jamais siècle n’a plus blagué, même dans le domaine de la science. […] Elle envahit la société, elle gouverne les mœurs, elle éclabousse l’opinion publique, et elle possède déjà à elle les Courses et les Bouffes.

1161. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Sur quoi, il s’écrie qu’il n’a jamais possédé vraiment une femme, qu’il est vierge, que toutes les femmes qu’il a eues, n’ont jamais été que les matelas d’une autre femme rêvée. […] Ses parents la croyaient possédée.

1162. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Le sens de l’Extrême-Orient qu’a la jeune femme, l’intuition qu’elle possède des grandes époques historiques, sa devination de la Chine, du Japon, de l’Inde sous Alexandre, de Rome sous Adrien, le remplissent d’un ravissement qu’il me verse dans l’oreille. […] Il achète quatre chevaux, il entretient la plus belle des Grecques, que possédait alors Nice.

1163. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Le collectionneur chinois le possède, pour en jouir, et s’en délecter, lui tout seul, la porte fermée, dans une heure de repos, de tranquillité, de recueillement amoureux. […] Il y a là, certes, une qualité délicate de dévouement particulière à la femme, et que l’homme ne possède jamais d’une manière si réglée, si continue, si persistante.

1164. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Il faudrait énumérer le combat de Schœngraben, suivi de la sinistre chevauchée du prince André au milieu de la débâcle des caissons et des voitures chargées de blessés, la bataille d’Austerlitz, l’entrevue de Tilsitt, le passage du Niémen, la description mémorable de la bataille de Borodino, où tandis que pleuvent les boulets, dans le va-et-vient des servants, sur le crépitement de la fusillade et le choc horrible des corps à corps, rayonne paisiblement le beau soleil d’une journée d’automne illuminant l’herbe mouillée de givre et de gouttelettes de sang, quand, tout auprès, au milieu des rangs pressés d’un régiment misérablement décimé à distance par les obus, succombe le prince André déchiré au ventre par un biscaïen et emporté à l’affreux et fade charnier qui est devenu l’ambulance ; d’autres tableaux apparaissent et le récit de cette grandiose rencontre de deux peuples se déroule en aspects tracés avec une si évidente véracité qu’on s’imagine posséder enfin l’exacte représentation de la guerre. […] Pour remonter enfin de cette connaissance des dehors essentiels et subjectifs, de cette connaissance des corps, des physionomies, des actes, des situations, des conditions, à la sorte de mouvements psychiques qu’ils causent ou dont ils sont causés, Tolstoï dut posséder tout d’abord une notion absolument exacte du seul rapport d’homme à âme qui lui était accessible, du sien, — et compléter cette intuition par des aptitudes miraculeuses au raisonnement par analogie pour autrui, par la divination des variations de la relation entre le monde et les êtres selon la variété de ces derniers, par d’audacieuses, sagaces et instinctives hypothèses, par une souveraine imagination psychologique qui lui ouvrit le cœur des simples et des femmes, comme l’esprit des méchants et des penseurs.

1165. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Elle recevait une pension de l’Angleterre, elle ne pouvait quitter son nom ; mais elle était maîtresse de sa main ; elle la donna au poète qui possédait depuis longtemps son cœur. […] Je la possède encore, avec une feuille du laurier de Virgile au Pausilippe et un grain de la brique rouge du cachot du Tasse à Ferrare ; monuments pieux de mes nombreux pèlerinages aux tombeaux des grands esprits.

1166. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Le goût, en effet, n’est que le choix sous un autre nom ; c’est une des facultés du génie national les plus précieuses, et qu’aucun peuple peut-être, ni parmi les anciens, ni parmi les modernes, n’a possédé avec autant d’infaillibilité et de délicatesse que le Français ; c’est même par cette qualité qu’il est en littérature et en idées l’oracle de l’Europe. […] Retiré souvent dans sa petite maison de campagne d’Auteuil, dont il avait fait son Lucretile à l’exemple d’Horace, il y cultivait à la fois ses plantes et ses livres ; il y recevait, pendant l’été, à sa table frugale, mais décente, tout ce que la France possédait d’hommes vénérés par la vertu, illustres par le génie.

1167. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Je possédais dans ma pensée le fil conducteur à travers ces ébauches, et je comptais les relier à la fin les unes aux autres par cette unité des deux mêmes âmes, toujours égarées, toujours retrouvées, toujours suivies de l’œil et de l’intérêt, dans leur Divine Comédie, à travers la vie, la mort, jusqu’à l’éternelle vie ! […] Là, comme un voyageur attendu à l’arrivée, il rencontrait Béatrice, qui l’avait précédé de quelques jours ; il la voyait telle qu’il se l’était faite dans ses plus beaux rêves ; il la possédait dans son triomphe.

1168. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Ce travail accompli, on devra s’efforcer de découvrir la cause de tous ces faits, « car c’est ainsi qu’on peut se faire une méthode conforme à la nature, une fois qu’on possède l’histoire de chaque animal en particulier, puisqu’alors on voit aussi évidemment que possible à quoi il faut appliquer sa démonstration et sur quelle base elle s’appuie. » Il déclare formellement que l’observation mérite plus de confiance que la théorie ; non qu’il professe le pur empirisme, mais parce que la spéculation doit être vérifiée, aussi loin que possible, par la perception des sens. […] Après les êtres inanimés, viennent les plantes, qui diffèrent entre elles par l’inégalité de la quantité de vie qu’elles possèdent.

1169. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

J’avais lu ses premiers vers (Mme Bartet les possède). […] Par la séduction fatale de la Sirène, dans l’illusion qui emplit ses yeux, le possédé voit d’illusoires paysages et les carènes des vaisseaux et la princesse d’Orient devenue humble gardienne de chèvres.

1170. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

D’où résulterait que cela seul lui appartient en droit qu’elle possède en fait, et que, dans le domaine de la conscience, tout réel est actuel. […] Il est vrai que nous la possédons ainsi en abrégé seulement, et que nos anciennes perceptions, considérées comme des individualités distinctes, nous font l’effet ou d’avoir totalement disparu ou de ne reparaître qu’au gré de leur fantaisie.

1171. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Elle nous le montre libertin, même dans les choses de l’esprit, même dans les choses de science, c’est-à-dire curieux et amoureux de tout ce qu’il voyait, et dégoûté de tout ce qu’il possédait : « Quoiqu’il parle de choses savantes, on voit pourtant bien qu’au lieu de lui faire plaisir, elles l’ennuient.

1172. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Sachez, au lieu d’obtenir par des sollicitations un rang dans la société, y prendre votre place de plein droit et honorer ceux qui sont honorables, quoiqu’ils ne possèdent ni titres ni richesses.

1173. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Tu arrêtes cette eau d’un côté, elle pénètre de l’autre, elle bouillonne même par-dessous la terre… Après tout, Bossuet est un orateur ; si peu qu’il cherche son art, il en possède et en connaît toute la pratique comme un Démosthène ; ce beau morceau, qui a l’air d’être brusque et soudain, il sait bien qu’il est beau, il le garde et le met en réserve pour le répéter dans l’occasion. — On remarque aussi, jusque dans ses sermons de la grande époque, des expressions non pas surannées, mais d’une énergie propre et qui n’est pas de l’acception commune : « Notre siècle délicieux, qui ne peut souffrir la dureté de la croix » ; pour notre siècle ami des délices. — « C’est vouloir en quelque sorte déserter la Cour que de combattre l’ambition. » Déserter, c’est-à-dire dévaster, rendre déserte (solitudinem facere). — « Il y a cette différence entre la raison et les sens, que les sens font d’abord leur impression : leur opération est prompte, leur attaque brusque et surprenante. » Surprenante est pris ici au sens propre et physique, et non dans le sens plus réfléchi d’étonner et d’émerveiller.

1174. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Chéruel établit et entoure de preuves dans sa récente et louable Histoire de l’administration monarchique en France, on ne voit rien à désirer d’essentiel : on possède un Henri IV vrai, dans l’équilibre de ses qualités et dans son ensemble ; on a fait, pour ainsi dire, le tour du personnage.

1175. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

L’héroïsme militaire, d’ailleurs, vient surtout du sang et de la nature : ces cœurs de lion s’embrasent à l’approche du danger ; ils ne se possèdent plus, ils se sentent dans leur élément.

1176. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

MM. du May et Moreau, qui ne faisaient que de le quitter, rapportèrent qu’il souffrait des douleurs épouvantables et qu’il se démenait comme un possédé ; on crut que c’était une colique, et que ce ne serait rien.

1177. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Travail, art, nature, foyer intérieur, sentiment, éclat et flamme, c’est de tous ces éléments combinés et pressés, que se compose à des degrés différents et variés à l’infini ce charme que la muse seule possède, dont elle seule livre le secret au petit nombre, et qui fait que l’agrément du premier jour est aussi l’agrément qui ne périt pas.

1178. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

. — Mme de Sévigné nous a montré également la marquise de Villars dans sa vieillesse, et jouissant discrètement de la renommée victorieuse de son fils : « Sa mère est charmante par ses mines, et par les petits discours qu’elle commence et qui ne sont entendus que des personnes qui la connaissent. » On possède donc maintenant les doubles Relations du marquis et de la marquise de Villars, de l’ambassadeur et de l’ambassadrice de France à Madrid en 1679 ; toutes deux se complètent et nous offrent de cette monarchie en décadence et en ruine le plus curieux, le plus instructif tableau.

1179. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Dans sa vie de montagnes, le poëte a dû plus d’une fois vérifier la pensée exprimée dans deux autres sonnets de Wordsworth, lorsque le soir, du haut d’un mont, on voit le couchant figurer, avec ses nuées fantastiques, mille visions lointaines, et que cependant on se dit, en redescendant par le sentier déjà sombre, que ces jeux du ciel ne sont rien en eux-mêmes auprès des nobles et durables pensées qu’on possède en soi et qui nous ouvrent le ciel invisible.

1180. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan est un peu plus grande que lui, et dans ce cadre limité, sur cet échiquier que je possède à fond, j’aperçois quelques-uns des défauts de la méthode employée et de cette interprétation trop idéale des faits.

1181. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

. — Poésie modérée, bien que depuis lors nous en connaissions une autre, grande, magnifique, souveraine, et que nous nous inclinions devant, et que nous l’admirions en ses sublimes endroits ; — poésie d’entre-deux, moins vive, moins imaginative, restée plus purement gauloise ou française, plus conforme à ce que nous étions et avant Malherbe et après ; — poésie qui n’es pas pour cela la poésie académique ni le lieu commun, et qui as en toi ton inspiration bien présente ; qui, à défaut d’images continues, possèdes et as pour ressources, à ton usage, le juste et ferme emploi des mots, la vigueur du tour, la fierté du mouvement ou la naïveté du jet ; poésie qui te composes de raison et de sensibilité unies, combinées, exprimées avec émotion, rendues avec harmonie ; puisses-tu, à ton degré et à ton heure, à côté de la poésie éclatante et suprême, te maintenir toujours, ne cesser jamais d’exister parmi nous, et d’être honorée chez ceux qui t’ont cultivée avec amour et candeur !

1182. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Mais aussi, que le présent, que l’avenir le plus prochain, ne nous possèdent point tout entiers ; que l’orgueil et l’abondance de la vie ne nous enivrent pas ; que le passé, là où il a offert de parfaits modèles et exemplaires, ne cesse d’être considéré de nous et compris.

1183. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Je ne sais quel don, quelle supériorité de nature et de caractère, ce qu’il lui aurait fallu d’énergie poursuivre le conseil de Villars qui lui disait dès le lendemain de son arrivée à Fontainebleau : « Madame, la satisfaction est générale du mariage et des commencements, et tout ce qui connaît les grandes qualités qui sont en vous désire que vous preniez empire sur l’esprit du roi. » Ambition, génie, éclair, étincelle, feu d’enfer ou feu sacré, de quelque nom qu’on vous appelle, quand des particulières qui ne savent qu’en faire vous possèdent, on est en droit de vous réclamer chez les reines !

1184. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Pour la décrire, je voudrais posséder le burin d’un Albert Durer et rendre l’allégorie sensible aux yeux.

1185. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Il possédait au plus haut degré le genre d’éloquence ou plutôt d’élocution propre au Conseil d’État, le langage des affaires avec facilité, élégance, et même une nuance d’agrément, mais sans rien de la fausse rhétorique.

1186. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Le flair merveilleux des événements, l’art de l’à-propos, la justesse et, au besoin, la résolution dans le conseil, M. de Talleyrand les possédait à un degré éminent ; mais cela dit et reconnu, il ne songeait, après tout, qu’à réussir personnellement, à tirer son profit des circonstances : l’amour du bien public, la grandeur de l’État et son bon renom dans le monde ne le préoccupaient que médiocrement durant ses veilles.

1187. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Le propre de cette faculté, d’ordinaire, en ceux qui la possèdent à quelque degré, est de ne pas se limiter, comme la faculté lyrique, aux années de la jeunesse, et de récidiver bien avant, moyennant les acquisitions variées de l’expérience.

1188. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Or il arrive que chacun d’eux possède précisément une des principales qualités qu’on regrette chez l’autre : celui-ci, la tournure d’esprit rêveuse et les extases choisies ; celui-là, le sentiment profond et l’expression vivante de la réalité : comparés avec intelligence, rapprochés avec art, ils tendent ainsi à se compléter réciproquement.

1189. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Il possédait, dit M. de Vigny, une qualité bien rare, et que Mazarin exigeait de ceux qu’il employait : il était heureux.

1190. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Lorsqu’on possède une telle acuité personnelle, il serait — pour tout ce qui est susceptible d’observation directe — injustifiable de s’adresser à la vision des autres, aussi l’observation médiate est-elle en son œuvre aiguë d’emploi très limité.

1191. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Avant Ennius, les Romains possédaient des orateurs célèbres, dont Cicéron parle avec admiration, les Gracques, les Appius, etc.

1192. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Tout homme de goût et d’une certaine élévation d’âme doit avoir le besoin de demander presque pardon du pouvoir qu’il possède.

1193. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

Pareillement, et par une autre série d’expériences, la tendance qui produisait le mot ta, définitivement précisée, correspondra non seulement à la possession, mais encore à cette circonstance supplémentaire que la chose possédée appartient à quelqu’un à qui l’on parle.

1194. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Il n’a pas le sens de l’art, si l’on entend par là l’adoration des formes harmonieuses et fines : la grâce souveraine de l’être équilibré dans sa perfection, la calme aisance dont il se possède en jouissant de soi, ne semblent pas l’avoir touché.

1195. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Mais les circonstances de cette passion, les actes des êtres qui en sont possédés, font de cette rare passion une réalité.

1196. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Pierre Loti s’est trouvé posséder ce don suprême de l’expression.

1197. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Ce Touranien possède tous les bons auteurs aryas.

1198. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Élever l’espèce humaine à ses propres yeux par l’idée que seule elle possède le privilège de n’être exotique nulle part, et que le premier homme a été à un certain moment l’œuvre unique du divin artisan, est un des effets toujours agissants de la vérité trouvée par Buffon.

1199. (1886) De la littérature comparée

Et à chaque instant, quand nous voulons exprimer dans toute sa force quelque sentiment qui nous préoccupe, ne le trouvons-nous pas formulé tel que nous l’éprouvons par un de ces hommes de génie qui ont possédé le don si rare de l’expression ?...

1200. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Cette édition, publiée sous les auspices de la Société de l’histoire de France, n’est pas seulement meilleure que celle qu’on possédait jusqu’ici, elle est la seule tout à fait bonne, digne d’être réputée classique et pour le texte que l’éditeur a restitué d’après une comparaison attentive des manuscrits, et pour les noms propres dont un grand nombre avaient été défigurés et qu’il a fallu rétablir, et pour les notes exactes et sobres qui éclaircissent les endroits essentiels, enfin pour la biographie de Commynes lui-même, laquelle se trouve pour la première fois complétée et éclaircie dans ses points les plus importants.

1201. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Savant médecin et anatomiste, Vicq d’Azyr possédait, de plus, un riche et flexible talent d’écrivain et de peintre, qu’il appliquait non seulement aux sujets à proprement parler littéraires et académiques, mais même aux descriptions purement scientifiques ; c’est dire que, de sa part, il y avait quelque abus.

1202. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Je ne sais si Mme d’Aligre mena La Bruyère plus loin que l’amitié ; quant à Chaulieu, qui la posséda, la perdit et la reconquit tour à tour, il l’a célébrée elle et sa grâce, son esprit de saillie, ses vivacités brillantes et ses infidélités même, d’une manière qui fait un contraste piquant, mais non pas un désaccord avec le portrait nuancé de La Bruyère.

1203. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Cigongne, par exemple, qui possède le plus complet et le plus beau cabinet en fait d’ancienne poésie française.

1204. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Lui, l’observateur intègre et rigoureux, qui excellait à approfondir, à analyser et à décrire une situation politique, et à chercher les racines des choses bien au-dessous des surfaces, il n’est pas douteux que, s’il avait vécu jusque-là et s’il eût conservé jusqu’à la fin sa fermeté de pensée, il eût plus d’une fois froncé le sourcil et remué la tête aux discours de ceux qui se seraient félicités devant lui d’avoir à jamais conquis et de posséder pleinement et sûrement le régime tant souhaité.

1205. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Ici, toutefois, ils avaient affaire dans l’abbé Gerbet à un homme qui connaissait les Pères, qui les lisait et les possédait à fond selon l’esprit, et ne manquait pas à son tour de textes puisés aux sources pour appuyer cette méthode plus libre et plus généreuse.

1206. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

il ne mérite pas de la posséder, et il a mérité au contraire de la perdre, non point tant encore pour avoir mis le portrait de sa maîtresse en gage que parce que, le pouvant et averti par son valet, il a refusé de le dégager et a répondu : Nous verrons !

1207. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Mon seul vœu, c’est qu’en avançant, et sûr désormais de lui et de tous, comme il l’est et le doit être, il se méfie moins, qu’il s’abandonne parfois à l’essor, et qu’il ose tout ce qu’il sent ; voyageur, qu’il laisse étinceler cette larme amoureuse du beau, qui lui échappe en présence du Parthénon ou des marbres ioniens de l’Asie Mineure ; romancier, qu’il continue d’appliquer ses burins sévères et qu’il craigne moins, jusque dans la passion ou dans l’ironie, de laisser percer quelque attendrissement ; historien, qu’il laisse arriver quelque chose aussi de l’éloquence jusque dans la fermeté de ses récits ; que, dans la grande et maîtresse histoire qu’il prépare, il réunisse tous ces dons, et comme toutes ces parties séparées de lui-même, qu’il a perfectionnées avec tant de soin une à une ; qu’il les fonde et les rassemble désormais, et qu’il accomplisse avec toutes les forces qu’il possède, et avec ce feu qui unit le cœur à la volonté, cette belle histoire de Jules César, du plus ami de l’esprit entre les conquérants, du plus aimable entre les grands mortels.

1208. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Ce sont des lyriques, des coloristes, des enthousiastes, des fascinateurs, des possédés, des exaltés, des « enragés », nous avons lu le mot, des êtres, qui, lorsque tout le monde est petit, ont la manie de « faire grand ».

1209. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Le propre du génie est de se posséder lui-même, et non d’être entraîné par une force aveugle et fatale, de gouverner ses idées, et non d’être subjugué par des images, d’avoir la conscience nette et distincte de ce qu’il veut et de ce qu’il voit, et non de se perdre dans une extase vide et absurde, semblable à celle des fakirs de l’Inde.

1210. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

L’art de faire les lois est un art difficile que les sociétés démocratiques ne possèdent que rarement.

1211. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Dans les genres qui possèdent un nombre d’espèces au-dessus de la moyenne, en quelque contrée que ce soit, les espèces de ces genres renferment un nombre de variétés aussi supérieur à la moyenne.

1212. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Elle en possédera un, par exemple, le jour où elle aura prouvé que la perception extérieure est une hallucination vraie.

1213. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Le point de départ de cette transformation a été sans doute le contraste qui l’a choqué, dans le conte de Pierre Alphonse, entre la beauté du jardin verdoyant, arrosé par des eaux fraîches, habité par des oiseaux au chant délicieux, et le paysan, le vilain (rusticus) qui le possède. […] Le monde, pour un « gentil » clerc ou chevalier de cette époque, se divisait en deux classes, les « courtois » et les « vilains », et on avait beau proclamer que nul n’est vilain s’il ne fait vilenie, on déclarait d’ordinaire les vilains par naissance incapables de posséder jamais le fonds moral de la courtoisie autant que d’en acquérir les formes. […] Par une idée singulièrement poétique, le conteur français imagina, en faisant du verger une merveille toute féerique, d’en attacher la beauté, la durée et la constante fraîcheur au chant même de l’oiselet : lui envolé, les eaux se tarissent, les arbres s’effeuillent, les fleurs se flétrissent, et le rustre qui n’a vu dans le délicieux chanteur qu’un objet de lucre ou de gloutonnerie est puni par la perte, non seulement de l’oiseau qu’il a voulu prendre, mais de tout ce qu’il n’aurait jamais dû posséder. […] Il esquive les difficultés graves qu’aurait soulevées cette alliance pour des moralistes plus sérieux, et insiste sur la ressemblance des qualités que doit posséder un bon chrétien et un « fin amant ». […] La Salade a été imprimée au xvie  siècle, mais avec bien des erreurs ; nous n’en possédons qu’un manuscrit, conservé à Bruxelles, et il se trouve malheureusement que l’imprimé et le manuscrit ont la même source, une copie déjà assez fautive, en sorte que le texte est par endroits altéré sans qu’on puisse le corriger avec certitude.

1214. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Mais quels sont les partis qui ont l’insolente et absurde prétention de posséder en propre et exclusivement le bien et le juste, et qui ne veulent pas même qu’on examine jusqu’à quel point ils ont tort ou raison ? […] Parmi les hommes qui avaient possédé l’autorité, aucun n’avait montré un de ces grands caractères qui changent le sort des royaumes. […] Alors il s’est résigné à en posséder une faible part, où personne ne pût venir le troubler. […] En effet, pour bien posséder les livres et les travaux des temps passés, il faut avoir pour eux quelque amour et quelque estime ; il faut se complaire dans tous leurs détails et prendre confiance en leur mérite. […] Ne faut-il pas être partial pour ou contre, louer trop, blâmer trop, enfin posséder en soi-même un mouvement et une volonté assez forte pour la communiquer aux autres ?

1215. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Mardi 15 août Eugène Giraud nous mène à la maison rustique qu’il possède à Saint-Gratien, une maison inventée dans une grange, et bâtie et décorée de débris moyenâgeux, et où les lierres, la vigne folle, toutes les plantes de liberté, jettent leurs lianes et leur verdure zigzaguante sur le bric-à-brac de l’architecture de l’intérieur. […] En regardant, en écoutant ce monde aller, dire votre prose, jouer la vie de votre création ; en voyant cette scène à vous, et sentant tout vous appartenir là, le bruit, le remuement, la musique, les acteurs, les figurants, tout, jusqu’aux machinistes et aux pompiers, je ne sais quelle joie orgueilleuse vous remplit de posséder tout cela… Comme public il y avait un curieux public, et tout d’abord Worth et sa femme, sans l’inspection desquels Mme Plessy ne joue jamais, et avec eux tout le monde des modistes et des tailleuses célèbres… L’effet de la pièce croît de répétition en répétition. […] 14 décembre C’est étonnant que deux souffreteux, comme nous, possèdent une force nerveuse qui ait pu résister à cette vie de dix jours, force qui étonne autour de nous, nos amis, les acteurs, et Thierry, nous disant un de ces soirs : « Vous passez des soirées bien cruelles ! 

1216. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Ces sentiments précèdent d’ailleurs, dans l’existence de la plupart des hommes, les sentiments qui dérivent du besoin ou du désir de se conserver, de posséder, de dominer. […] La vérité d’ailleurs possède un tel pouvoir Que, pour la reconnaître, il suffit de la voir ! […] Car, que la vérité « possède un tel pouvoir qu’il suffise de la voir pour la reconnaître », rien n’est moins sûr, hélas ! […] Il possède, à un degré tout à fait éminent, la curiosité et le don de sympathie. […] Elle est orpheline, sans un sou de dot, et vit, dans la banlieue de Paris, avec une tante, Mme Harquenier, qui ne possède elle-même que quelques petites rentes viagères.

1217. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Platon a raison : « Celui qui aime est quelque chose de plus divin que celui qui est aimé ; car il est possédé d’un dieu. » Et puis il faut subir l’ordre de l’univers, et Louise Labé a fort bien dit : Tel n’ayme point, qu’une Dame aymera, Tel ayme aussi, qui aymé ne sera. […] Desportes posséda l’abbaye de Vaux-Cernay. […] Mais s’il ne possède pas toujours la petite perfection du détail, il ne faut pas se figurer que la grande perfection du vrai génie poétique vient à son aide à tous coups. […] Lebrun exaltait les aspirations de l’homme libre, et il pensait sans doute mériter le plectre d’or du vieil Alcée, sans posséder, hélas ! […] Mais un mauvais exemple que Buffon donna à Lebrun, ce fut cette habitude de retoucher et de corriger à satiété, que l’illustre auteur des Époques possédait à un haut degré, en vertu de cette patience qu’il appelait génie.

1218. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Mais, puisqu’il ne saurait être exclusif, sous peine de n’être plus digne du nom de critique, puisqu’il doit être par suite un esprit équilibré, bilatéral, je veux dire apte et accoutumé à voir les deux faces des œuvres et des doctrines, chacune des facultés qu’il possède appelle un complément et un correctif. […] Ne possède-t-il pas en effet la clef d’or qui ouvre les cœurs ? […] Il laisse entendre qu’il est seul ou presque seul à posséder certains secrets. […] Le fameux Scanderbeg possédait, dit la légende, un sabre qui, d’un seul coup, abattait la tête d’un taureau. […] Bourget n’est point sans doute possédé du regret de l’ancien régime : il est bien trop moderne pour cela ; mais il s’effarouche des innovations qui changent trop vite à son gré la face de la France ; il s’extasie sur les vieilles choses, les vieux usages et les vieilles lois, qui jettent comme un antique manteau de lierre sur les assises vermoulues de la société anglaise.

1219. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Oreille tiraillée de vieux docteur sadducéen possédé de l’esprit de dispute et à moitié sourd. […] Il aurait fallu pour cela un ensemble d’énergies morales et intellectuelles que le malheureux ne possédait guère. […] En tant que peintre ou dessinateur, Willette semble toujours avoir ceci présent : l’amour charnel sans le sou, l’amère douleur de ne pouvoir posséder sans argent les femmes qui ne se donnent que pour de l’argent et qui ont un louis à la place du cœur. […] Il y avait aussi quelques vierges navrées d’amour, et tout ce monde avait cessé de se posséder. […] Le Père Didon a le ridicule terrible de posséder une âme de pédant comme il ne s’en trouve plus en Europe, depuis deux siècles, sinon en Allemagne.

1220. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Il n’a pas encore toutes les qualités que possédera plus tard le style de Jean-Jacques. […] Or, le désir de durer, celui de ne pas souffrir, celui de vivre en société, celui même d’étendre son être, de posséder, de se distinguer et de dominer sont apparemment et ont été de tous temps parmi ces instincts. […] Il faut que Jean-Jacques soit aimé de ce qu’il appelle dans les Confessions la « demoiselle du château » ; et il faut qu’il la possède. […] Et pourtant les deux bonshommes de Flaubert possèdent leur Rousseau. […] Son père était riche ; il est à demi ruiné : mais il possède encore la jolie maison aux contrevents verts, un beau jardin, des prés, des champs.

1221. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Cela a dû être très sensible aux Allemands ; car ils ont des prétentions à l’humour, et non seulement à savoir la définir, mais à la posséder et à en faire usage ; et pour moi ces prétentions sont parfaitement justifiées. […] C’est la façon personnelle de parler qui marque que l’on est un tel et non pas un autre : « Shakespeare ne possède pas le moyen principal, sinon unique, de la peinture des caractères : la langue, l’appropriation du langage à chaque caractère. […] Il s’est retiré en m’adressant mille remerciements. » Il eut un gros déboire, en 1839, quand il fut forcé de se débarrasser de sa propriété de « la Madeleine », qu’il possédait depuis une douzaine d’années, qu’il aimait beaucoup et où il avait passé les meilleures saisons de sa vie. […] ce doux rêve est passé Qu’un plus riche, qui te possède, Soit heureux où nous l’étions tant. […] Elle est l’imprescriptible ; elle est le saint domaine Que possède en commun toute la race humaine !

1222. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Vous savez sans doute que, de cette correspondance, le public ne possédait que la moitié juste, c’est-à-dire les seules lettres de Comte à Stuart Mill et non les lettres de Stuart Mill à Comte. […] L’individu ne prend décidément conscience de sa personne que dans le fait de posséder quelque chose. […] Mettons que je l’aie écrit surtout par gratitude envers un des philosophes les plus instructifs et les plus limpides que nous possédions. […] On sent ici l’influence de Royer-Collard, laquelle fut immense et du reste très salutaire, ou plutôt qui eût été aussi salutaire qu’elle fut profonde, si tous ceux qui la subissaient eussent possédé un esprit philosophique de la même force, ou approchant, que leur illustre chef. […] Assez sottement, à mon avis, une grande partie de la Chambre de 1874 rit de tout son cœur de ce mot de Beulé : « Nous possédons le système parlementaire dans toute sa beauté » ; et toute la France suivit, ou à peu près.

1223. (1876) Romanciers contemporains

Il en possédait désormais les héros. […] Avant tout il a été possédé de la passion des voyages, et cette passion a dominé et caractérisé sa carrière littéraire. […] Flaubert ne possède le talent de faire vivre les personnages par leur aspect matériel. […] Fabre est certain de posséder les cinq cents lecteurs qui étaient l’unique but de l’ambition de Stendhal. […] Il lirait d’un roman judiciaire de Gaboriau assez de pages pour posséder tous les éléments de l’affaire.

1224. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Après cette lecture commença le singulier débat de servitude et d’hypocrisie si énergiquement dépeint par Tacite, et où Tibère, qui possédait la réalité du pouvoir, le palais, la garde, le trésor, se fit supplier d’accepter l’empire. […] Au moment où il prenait congé du prince, qui séjournait alors près de Misène, dans une maison de campagne qu’avait possédée Lucullus, en serrant sa main pour la baiser, il lui tâta le pouls. […] Il possédait, en outre, plusieurs petits domaines, vergers, jardins, non seulement à Stratford, mais à Bushaxton et à Welcombe, villages du comté de Warwick. […] De même que l’on peut remarquer dans Homère une connaissance singulière de tous les objets naturels, Milton possédait au plus haut degré la science des livres ; et il y puise quelquefois sans réserve et sans goût. […] Il apprit lui-même à écrire, en imitant d’abord les caractères des livres imprimés ; et il garda toute sa vie cette petite science, qu’il possédait dans une singulière perfection, quoique son écriture vulgaire, si l’on peut parler ainsi, fut assez mauvaise.

1225. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Cela serait supportable à un jeune homme qui n’aurait jamais rendu preuve de son courage, et qui désirerait commencer sa fortune ; mais, la vôtre étant déjà si avancée que vous possédez les deux plus importantes et utiles charges du royaume, vos actions passées vous ayant acquis envers moi toute confiance de valeur, et ayant plusieurs braves hommes dans l’armée où vous commandez maintenant, vous leur deviez commettre ces choses remplies de tant de dangers : partant, avisez à vous mieux ménager à l’avenir ; car, si vous m’êtes utile en la charge de l’artillerie, j’ai encore plus besoin de vous en celle des finances.

1226. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

« Circé, est-il dit d’Ulysse dans Homère, retient ce héros malheureux et gémissant, et sans cesse par de douces et trompeuses paroles elle le flatte, pour lui faire oublier Ithaque : mais Ulysse, dont l’unique désir est au moins de voir la fumée s’élever de sa terre natale, voudrait mourir. » — Citant ce passage de Joinville, qui m’a rappelé celui d’Homère, Chateaubriand, au début de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, où il a la prétention d’aller en pèlerin aussi et presque comme le dernier des croisés, tandis qu’il n’y va que comme le premier des touristes, a dit : « En quittant de nouveau ma patrie, le 13 juillet 1806, je ne craignis point de tourner la tête, comme le sénéchal de Champagne : presque étranger dans mon pays, je n’abandonnais après moi ni château, ni chaumière. » Ici l’illustre auteur avec son raisonnement me touche moins qu’il ne voudrait : il est bien vrai que, de posséder ou château ou simple maison et chaumière, cela dispose, au départ, à pleurer : mais, même en ne possédant rien sur la terre natale, il est des lieux dont la vue touche et pénètre au moment où l’on s’en sépare et dans le regard d’adieu.

1227. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Répandez donc sur sa personne la plénitude de vos lumières et de vos grâces… Le vœu de Bourdaloue fut rempli : peu de temps après ce discours, le prince de Condé se convertit sincèrement, il s’approcha des autels ; cet esprit si brillant, si curieux, si altier, que les impies s’étaient flattés de posséder, leur échappa et se rangea humblement à la voie commune.

1228. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

La Bruyère a très finement touché ce coin singulier, et ce travers d’être en tout l’opposé du commun des mortels, dans le portrait qu’il a donné de Tréville sous le nom d’Arsène (chapitre « Des ouvrages de l’esprit ») : Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et, dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loué, exalté et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire… À l’heure dont nous parlons, Tréville n’avait point encore eu d’inconstance proprement dite, mais une simple conversion ; seulement il l’avait faite avec plus d’éclat et de singularité peut-être qu’il n’eût fallu et qu’il ne put le soutenir : il avait couru se loger avec ses amis du faubourg Saint-Jacques, il avait rompu avec tous ses autres amis ; il allait refuser de faire la campagne suivante sous les ordres de Louis XIV : « Je trouve que Tréville a eu raison de ne pas faire la campagne, écrivait un peu ironiquement Bussy : après le pas qu’il a fait du côté de la dévotion, il ne faut plus s’armer que pour les croisades. » Et il ajoutait malignement : « Je l’attends à la persévérance. » Tel était l’homme dont la retraite occupait fort alors le beau monde, lorsque Bourdaloue monta en chaire un dimanche de décembre 1671 et se mit à prêcher Sur la sévérité évangélique : il posait en principe qu’il faut être sévère, mais que la sévérité véritablement chrétienne doit consister, 1º dans un plein désintéressement, un désintéressement même spirituel et pur de toute ambition, de toute affectation même désintéressée ; — 2º qu’elle doit consister dans une sincère humilité, et 3º dans une charité patiente et compatissante.

1229. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Depuis Les Marionnettes, je suis possédé d’un amour de travail qui m’enchante : je crois, soit dit sans vanité ou avec vanité, que je peux faire de bonnes comédies.

1230. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Le charme de poésie posséda tout à fait Cowper en ces années (1782-1784).

1231. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Partout vous faites voir d’heureuses applications de l’Écriture, de doctes citations des pères ; vous les possédez tous, et s’il y en a quelqu’un qui se présente à vous plus ordinairement que les autres (Tertullien sans doute), c’est par la sympathie des imaginations sublimes que la nature n’accorde qu’à ses favoris.

1232. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Je suis d’opinion que cette qualité ne consiste qu’à résister aux tentations ; comme je n’y suis point exposée, et que je possède l’attribut de n’en point être susceptible, je ne puis tirer vanité d’un mérite inné avec moi.

1233. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Taine, dans sa théorie de la fable et dans la théorie du beau qu’il y adapte, montre combien il l’a lu et le possède, combien il applique et imite son procédé d’abstraction quand il le veut.

1234. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Mais l’homme dur et rigide, l’homme tout d’une pièce, plein de maximes sévères, enivré de sa vertu, esclave des vieilles idées qu’il n’a point approfondies, ennemi de la liberté, je le fuis et je le déteste… Un homme haut et ardent, inflexible dans le malheur, facile dans le commerce, extrême dans ses passions, humain par-dessus toutes choses, avec une liberté sans bornes dans l’esprit et dans le cœur, me plaît par-dessus tout ; j’y joins, par réflexion, un esprit souple et flexible, et la force de se vaincre quand cela est nécessaire : car il ne dépend pas de nous d’être paisible et modéré, de n’être pas violent, de n’être pas extrême, mais il faut tâcher d’être bon, d’adoucir son caractère, de calmer ses passions, de posséder son âme, d’écarter les haines injustes, d’attendrir son humeur autant que cela est en nous, et, quand on ne le peut pas, de sauver du moins son esprit du désordre de son cœur, d’affranchir ses jugements de la tyrannie des passions, d’être libre dans ses idées, lors même qu’on est esclave dans sa conduite.

1235. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Ces grandes organisations primitives auxquelles ne croyait pas Lucrèce et auxquelles Guérin nous fait presque croire ; en qui le génie de l’homme s’alliait à la puissance animale encore indomptée et ne faisait qu’un avec elle ; par qui la nature, à peine émergée des eaux, était parcourue, possédée ou du moins embrassée dans des courses effrénées, interminables, lui parurent mériter un sculpteur, et aussi un auditeur capable d’en redire le mystère.

1236. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Tel est, avec Pétrone, le seul romancier latin que nous possédions. — Le genre du roman a donc son passé, et un assez beau passé sans doute, si surtout on le fait remonter jusqu’à l’Odyssée ; il a encore plus d’avenir.

1237. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Tous ont changé depuis et ont dû changer : l’un irrité et emporté, dans sa fièvre d’impatience, a passé d’un bond à la démocratie extrême ; l’autre, tout vertueux, sans ambition et sans colère, est arrivé par une douce pente aux honneurs mérités de l’épiscopat, vérifiant ainsi en sa personne le mot du Maître : « Heureux les doux parce qu’ils posséderont la terre ! 

1238. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Tant de vertus, aussi modestes que manifestes, dans les derniers archevêques que Paris a possédés, seraient la plus grande des accusations qui s’élèveraient contre lui, et il y aurait ce bonheur dans un tel sujet, même aux endroits les plus périlleux, qu’aucune allusion maligne ne trouverait place ni prétexte.

1239. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

É. de Barthélémy de posséder quelques mois plus tôt qu’on ne l’aurait eu sans lui.

1240. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

MM. de Goncourt possèdent de ce Vireloque un portrait aquarelle d’une touche singulièrement vigoureuse et qui a tout l’aspect de l’huile.

1241. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Catinat, à la tête d’une petite armée, reparaît en Piémont en 1690 : c’est l’homme que Louvois aime à opposer de ce côté aux ennemis de la France et qui possède le mieux cet échiquier.

1242. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Il s’est allé prendre au piège ; il a aimé un jour, ou bien il n’a pu posséder qu’en faisant semblant d’aimer ; il s’est lié, il s’est rangé à son tour dans la classe des époux, et le voilà lui-même sujet à toutes les vicissitudes qu’il a fait tant de fois subir aux autres.

1243. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Supprimez d’un seul coup toute la poésie en vers, ce sera plus expéditif ; sinon, parlez avec estime de ceux qui en ont possédé les secrets.

1244. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Courtois, fils du conventionnel et de qui je tiens le fait, possédait cet exemplaire annoté, que son père avait trouvé dans les papiers de Robespierre.

1245. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

S’ils demandent des détachements, il doit les fournir sans autres ordres, sauf à lui d’en rendre compte au général ; mais pas un ne lui en demandera s’il possède sa confiance78… » Cette définition que nous donne Catinat, me fait revenir encore sur le mot du duc de la Feuillade à son sujet, et elle achève pour moi de l’éclairer d’une manière plus particulière.

1246. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

La terre n’étant point une exception dans notre système planétaire, rien ne peut forcer à croire qu’elle possède seule ce privilège d’être habitée et que ce ne soit pas une condition commune qu’elle partage, sauf variété, avec les autres planètes, ses compagnes et ses sœurs.

1247. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

« Mademoiselle de Sens, disait-il, possédait une île de la Seine près Puteaux ; elle y passait quelques semaines dans la belle saison, et aimait à se baigner pendant les chaleurs.

1248. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Ce qu’il y a de vrai dans cette perspective de lointain ne saurait faire qu’en tout temps, même aux âges le plus naïvement poétiques, la poésie, telle qu’elle s’y réalisait, n’ait été en définitive produite par le talent singulier de quelques individus ; la masse ne la possédait qu’alors seulement, et elle se l’appropriait par l’usage, par la jouissance.

1249. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Même en prose, j’ai peine à reconnaître en lui ce trait distinctif du bon sens qu’il a trop peu dans ses vers : cette qualité-là, quand on la possède, on la porte partout.

1250. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy qui souligne le mot daignez, et il poursuit durant une demi-page en notant, dans le premier de ces deux vers, un peu de pédanterie, car Philétas, dit-il, n’est plus qu’un nom, et on ne possède aucun de ses ouvrages.

1251. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Le couvent, pour elle, c’est quelque chose de gai, d’aimable, de gémissant comme Saint-Cyr ; c’est une volière de colombes amies, ce sont d’ordinaire les curiosités et les babils d’une volage innocence. « La partie du jardin, qu’on nommait pompeusement le bois, n’était qu’un bouquet d’arbres placés devant une très-petite maison tout à fait séparée du couvent, quoique renfermée dans ses murs ; mais c’est une habitude des religieuses de se plaire à donner de grands noms au peu qu’elles possèdent ; accoutumées aux privations, les moindres choses leur paraissent considérables. » Le couvent de Blanche, le couvent d’Eugénie sont ainsi faits.

1252. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

La petite bibliothèque de Christel possédait quelques livres favoris, venus de là-bas pour sa mère ; il leur en lisait parfois, une ode de Klopstock, quelque poëme de Matthisson, une littérature allemande déjà un peu vieillie, mais élevée et cordiale toujours.

1253. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Le jus de citron a une saveur acide ; cela signifie que le jus de citron possède une propriété inconnue capable d’éveiller en nous une sensation bien connue, celle de la saveur acide.

1254. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Il fit publier par toute la Grèce que ceux qui possédaient des vers d’Homère recevraient une récompense déterminée par chaque vers qu’ils apporteraient.

1255. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

« Le corps de Galba, longtemps abandonné et devenu le jouet des profanateurs, pendant les ténèbres, fut enfin enseveli par les soins d’Argius, un de ses anciens esclaves, dans les jardins d’un domaine privé que possédait Galba.

1256. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

monsieur, dans ce silence de tout un peuple qui retient son haleine en attendant la voix qui doit commander la mort d’un homme, vous me croirez si vous voulez, mais je ne crois pas avoir pâli ; la joie de l’idée qu’en mourant je mourais pour lui me possédait seule, et j’attendais le commandement de feu avec plus d’impatience que de peur !

1257. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Et, si vous répondez que la colère l’emporte, je m’étonne donc qu’elle se possède si bien dans tout le reste du livre.

1258. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Mais encore une fois ce n’est pas son but ; et quand il arrive au génie, il oublie ses deux images, il brise ses deux miroirs, et, au lieu de contempler son objet spirituel dans un emblème physique, il change d’inspiration, il se sert d’expressions abstraites ; il parle des accès d’une sainte manie , de l’ardeur qui le possède  ; il prend ses figures à toutes sources : rien n’est suivi ; c’est une manière fragmentaire et hachée.

1259. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il possède l’éloquence militante appropriée à des générations qui ont eu Chateaubriand pour catéchiste et qu’a évangélisées Jocelyn après René.

1260. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Il unit en lui ces deux esprits, ou plutôt il les possède et les contient chacun dans sa sphère, sans combat, sans lutte, sans les mettre aux prises, sans que rien vienne avertir du désaccord, et c’est un grand charme.

1261. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Quand il traite de la grandeur d’âme, comme on sent l’homme qui en a le modèle en lui et qui en possède la noble réalité !

1262. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Ce serait ne pas tout rendre à sa mémoire que de ne pas remarquer que cette qualité du judicieux, si essentielle en lui, et qu’il possédait avec tant de plénitude et d’étendue, est celle aussi qui a reparu comme un trait distinctif et comme une ressemblance de famille chez le dernier et le plus illustre de ses descendants.

1263. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

M. de Laprade possède au plus haut degré ce qui manque trop à des poètes de ce temps, distingués, mais courts ; il a l’abondance, l’harmonie, le fleuve de l’expression ; il est en vers comme un Ballanche plus clair et sans bégayement, comme un Jouffroy qui aurait reçu le verbe de poésie.

1264. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Athènes par-delà l’appelle ; il y aspire comme le dévot musulman au pèlerinage de La Mecque ; mais, en attendant, Rome et Naples, avec leurs monuments, leur ciel et leur petite société d’élite, lui suffisent, le possèdent et lui tiennent lieu de tout ; grands souvenirs, beautés naturelles, c’est pour lui tout ensemble « ce qu’il y a de mieux dans le rêve et dans la réalité ».

1265. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Quel autre a jamais possédé le talent de narrer avec plus de grâce, de naturel et de facilité ?

1266. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Et le cardinal Du Perron, le grand controversiste, disait également, quand on proposait de lui amener des calvinistes à combattre : « S’il ne s’agit que de les convaincre, je crois posséder assez de savoir pour cela ; mais, s’il est question de les convertir, conduisez-les à M. de Genève, qui a reçu de Dieu ce talent. » C’est à la fin de ce voyage de Paris que François de Sales apprit la mort de l’évêque de Genève dont il était le successeur désigné, et il s’empressa aussitôt de revenir en son diocèse.

1267. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Il fut, dès 1736, un des fidèles de ce petit monde de Remusberg, où l’on regrettait tant que M. de Suhm ne pût être plus souvent ; où l’on espérait Gresset ; où l’on possédait Algarotti pendant huit jours ; où Voltaire ne fit qu’une première et rapide apparition au début du règne.

1268. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Cette Italie qu’il croyait, après sa rénovation, reprendre un élan, et redevenir quelque peu l’Italie du xvie  siècle, il constate tristement qu’elle imite maintenant les États-Unis, et est obligé de déclarer que les vrais et désintéressés savants qu’elle possède encore, sont des savants de la vieille génération : « On sait très bien, dit-il, comment se fait une vocation, c’est par l’action sur l’imagination des enfants, des jeunes gens, du rôle que joue dans les conversations autour d’eux, un individu de leur famille ou de leur connaissance.

1269. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Cinq cents ans avant Jésus-Christ, il était parfaitement scientifique, quand un roi de Mésopotamie avait une fille possédée du diable, d’envoyer, pour la guérir, chercher un dieu à Thèbes ; on n’a plus recours à cette façon de soigner l’épilepsie.

1270. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

L’auteur des Mémoires eu chercha laborieusement la raison avec cet art des inductions et des interprétations qu’il possédait mieux que personne et qui le rend un historien si séduisant, si éblouissant et si dangereux, et il la trouva, nous dit-il, dans l’opposition et l’influence de Mme de Maintenon, la vieille fée, — de Mme de Maintenon, sa seconde haine ; la seconde raison de la popularité actuelle de son livre, et pour nous la seconde tache de ces admirables et adorables Mémoires, que nous voudrions effacer.

1271. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

III Ainsi, vous le voyez, quoiqu’il ne s’agisse ici que des Œuvres diverses de Lord Macaulay et non de ses travaux spécialement historiques, il n’est pas cependant possible d’écarter cette idée d’Histoire qui revient toujours dans Macaulay, qui le hante, le tente, le possède, et a fini un jour, comme un démon, par l’emporter !

1272. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Mais il faut rentrer dans l’Infini sans s’y confondre, et cependant il faut en avoir la nature, pour en posséder le bonheur.

1273. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Mais les Fragments sur la Russie, qui ont suivi la Correspondance diplomatique datée de Turin, nous redonnèrent, eux, du de Maistre pur, dans la radicale beauté de sa pensée et dans la simplicité de ce style, unique de transparence, qui est comme la vue immédiate de l’idée elle-même… Enfin, voici une publication, — qui n’est peut-être pas encore la dernière, — et qui prouve autant que toutes les autres l’inépuisabilité de ce génie qu’on croyait posséder tout entier, et qui repart en jets inattendus de publicité quand on se disait qu’il n’y avait plus rien à attendre de la source cachée, semblable à un puits artésien qui se remettrait à jaillir à mesure qu’on ôterait les pierres qui le couvrent.

1274. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Mais avec le talent qu’il possède il ne devait faire hausser les épaules à personne, même à ceux qui respectent le plus tout ce qu’il outrage.

1275. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Beaucoup de soldats, même bons catholiques, possèdent-ils l’instruction suffisante pour participer pleinement au sacrifice d’un Dieu sur l’autel ?

1276. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Et cette tendance entraîne non pas seulement ceux qui possèdent le pouvoir, mais encore ceux qui, vivant dans des sociétés unifiées, aspireraient à les réformer.

1277. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Quand Beaumarchais écrivit le Mariage de Figaro, il était riche à millions ; il possédait à Paris plusieurs immeubles. […] Jamais homme ne posséda mieux le génie de la réclame et ce charlatanisme qui est plus nécessaire au succès que le mérite. […] Doué au degré le plus rare de délicatesse, de pureté et du sens de l’exquis, il possède aussi le sens de la beauté, j’entends la beauté noble, grande, dont M.  […] Il semble manquer de ce que l’école contemporaine possède à un si haut degré : l’oreille musicale. […] Gustave Flaubert, parce qu’il possède une qualité qui devient de plus en plus rare aujourd’hui : le soin, le sérieux, la conscience littéraire, la religion de l’art et du style.

1278. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Il a un beau-frère qui possède une très belle propriété à Neuilly. […] Le gouvernement quitte les mains de ceux qui possèdent, pour aller aux mains de ceux qui ne possèdent pas, de ceux qui ont un intérêt matériel à la conservation de la société, à ceux qui sont complètement désintéressés d’ordre, de stabilité, de conservation. […] Ce soir, le Paris du dimanche qui ne possède plus de banlieue ; qui n’a plus de cafés-concerts en plein air, passe sa soirée au bas de l’avenue des Champs-Élysées, assistant à la canonnade, comme à un feu d’artifice. […] On cause de la triste actualité, et on ne voit de résurrection pour la France, que grâce à cette admirable faculté de travail qu’elle possède, cette faculté de travail diurne et nocturne, que n’ont pas les autres pays, que n’a pas l’Angleterre, où il est presque impossible d’obtenir un travail de nuit : une faculté peut-être due à la supériorité de la force nerveuse des Français, attestée par les travaux de Dumont d’Urville.

1279. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Rimbaud, au contraire des gamins de cet âge préférait les livres à tout et possédait, à quatorze ans, toute l’antiquité, tout le moyen âge, toute la Renaissance, savait par cœur les poètes modernes, les plus raffinés comme les plus ingénus de notre époque, de Desbordes-Valmore à Baudelaire, par exemple, et cet exemple montre bien le goût déjà comme infaillible de ce jeune garçon (ce n’était même pas un jeune homme alors). […] C’est une vieille ville qui possède une superbe église dont la tour rappelle l’une de celles de la cathédrale de Rouen ; elle s’enorgueillit encore d’une blanche statue de M.  […] Nous habitions dans une rue nommée Main Ridge, chez des gens qui possédaient une grotte faite de cailloux, d’écailles d’huîtres, de coquillages, etc., laquelle me rappelait, en caricature, ces vers des Fêtes Galantes : Chaque coquillage incrusté Dans la grotte où nous nous aimâmes. […] Il ne possédait les classiques, Plutarque, etc…, que traduits, du Français le plus souvent. […] Mais félicitons-la de l’hommage, tardif à la vérité, rendu à Shakespeare dans Leicester Square, naguère si sordide avec son gazon grillé et son cheval de zinc, d’où l’un des Georges était tombé, et que des joyeux plaisants barbouillaient chaque nuit d’une couleur différente, parfois même avec des substances nauséabondes, aujourd’hui, après avoir dessiné un joli jardin dans le square, elle l’a orné d’une belle statue en marbre blanc de son premier poète et de son plus grand homme… Mais félicitons notre Paris, parfois si blâmable, si frivole, et sans cesse calomnié, de posséder une rue Milton, et une statue de Shakespeare.

1280. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

L’autre entend par libertés des privilèges possédés par certaines collections d’individus, et qui soient pouvoirs limitateurs du côté du pouvoir central. […] Unité, continuité : le monde est une pensée unique, parce que c’est la pensée de Dieu, altérée, corrompue chez les gentils, qui ont le châtiment de posséder le christianisme sans le savoir, mais qui le possèdent pourtant, qui ne peuvent pas ne point le posséder, « car l’erreur n’est que la vérité corrompue » ; — et c’est la pensée de Dieu encore, mais achevée et lumineuse chez les chrétiens, qui possèdent le christianisme en sa pureté, et ne retombent dans le paganisme que par leurs erreurs. […] On peut lire deux à trois cents pages de lui, et le prendre pour un athée ; on peut même le posséder en entier, et être un peu trop frappé de ce qui, dans son œuvre, conduirait à une conclusion athéistique, s’il était dit par un autre. […] « Cette inamovibilité les charges, les mœurs l’avaient étendue à presque tous les emplois ; … tout était possédé à titre d’office (encore une fois, il y a du vrai, mais c’est trop dire), tout était propriété. […] Encore est-il que pendant près d’un siècle elle avait existé en fait et en droit, consacrée par un édit solennel, et n’avait été détruite, contre possession et droit, que par un véritable coup d’État. — Il ne parle nullement, pour ce qui est du présent et de l’avenir, de libertés locales et de décentralisation administrative ; et ces libertés individuelles conférées à l’homme par sa fonction qu’il possède « à titre d’office », ce n’est aussi que dans le passé qu’il les révère.

1281. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Cette puissance d’observation de l’être, de sa forme, de son mouvement, l’art de traduire, M. de Maupassant le possède aussi dans l’ordre psychologique, et cela sans s’armer de mots soi-disant nouveaux, uniquement par l’usage intelligent, rationnel, de notre belle langue. […] Enfin, un jour que j’étais probablement au bout de la somme de patience que je possède, peut-être aussi parce que je voyais des femmes et de jolies femmes dans le wagon où j’allais monter, mon homme vint encore me prendre par le coude, pour me hisser sur le marchepied. […] Il avait beaucoup connu la charmante comédienne et possédait sur elle, et par elle, une foule d’anecdotes qu’il se plaisait à nous raconter et qui devaient figurer dans sa biographie. […] Je n’ai pas de préface à faire pour présenter l’auteur ; outre le très grand comédien qu’il est, l’observateur constant de toutes choses, Coquelin possède un véritable talent d’écrivain qui, quand la situation s’élève, sait monter jusqu’à l’éloquence. […] Les Arabes de la ville se sont joints à eux et ont pillé les israélites qui, seuls, possédaient quelque chose ici.

1282. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Gustave Toudouze n’a interdit à aucun romancier le droit de décrire la Bretagne ; le fond de cette générosité c’est qu’il la possède mieux que personne et que c’est avec la supériorité d’un homme qui a vu, qu’il sait parler de sa terre, de ses prés, de ses rivages, de ceux qui l’habitent, de son ciel merveilleux ou des terribles tempêtes qui viennent s’y déchaîner. […] Saint-Simon, parfaitement incapable d’action, est possédé par la curiosité, et malgré toute sa pénétration, malgré tout son génie, qui n’est pas ici en cause, reste toujours extérieur aux choses dont il est témoin. […] Geffroy en général, mais on ne peut nier qu’il les défende avec l’arme la plus persuasive que possède le critique, c’est-à-dire la conviction qui a fait de lui un écrivain comme elle a fait un peintre de M.  […] Cette fraîcheur, cette âme d’enfant éprise du merveilleux, Froissart les posséda en perfection, et nul en même temps n’a eu le regard plus clair, l’oreille plus fine, l’esprit plus net et plus juste. […] Edmond Lepelletier est un écrivain de grand talent, mais aussi un romancier qui possède un rare don : l’intérêt.

1283. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Ardemment croyante, elle a cette fièvre de tout l’être, qui donne aux croyants qu’elle possède une soif et une faim du martyre. […] Mais ces batteurs d’estrade, qui mangent des chenilles dans des tasses de rhododendron, qu’ils lèchent après chaque repas, sont humblement soumis à ceux qui possèdent le pouvoir sacerdotal, à ceux qui lisent dans l’avenir et qui peuvent délier les âmes des punitions méritées. […] Arthur Lévy, qui possèdent les clefs des serrures à secret, nous ont emmenés, par des escaliers dérobés, dans les mystérieux corridors de Saint-Cloud et des Tuileries, et ils nous ont invités, malgré la surveillance du mameluck Roustan, à passer dans les appartements particuliers de Sa Majesté17. […] Lévy entreprend de démontrer que Napoléon Bonaparte posséda toutes les qualités que les pères de famille avisés exigent de leurs enfants : 1º Il fut bon élève. […] Mais cette histoire, nous ne la possédons pas.

1284. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Le texte en a été scrupuleusement revu sur les vingt-trois pièces originales imprimées du vivant de Molière que possède la Bibliothèque impériale, et sur l’édition non cartonnée de 1682. […] Se méprenant sur le titre que nous avions transcrit et y incorporant la phrase de Conrart qui le suit, il déclara même avoir possédé ce volume, sur le frontispice duquel on lisait, assurait-il : Le Roy glorieux au monde, contre la comédie de l’Hypocrite que Molière a faite et que S.  […] La pièce et les comédiens obtinrent un succès complet, et les Lyonnais oublièrent bientôt un autre théâtre que leur ville possédait depuis quelque temps, et dont les principaux acteurs prirent le parti de passer au nouveau. […] Mais deux autres de ces bluettes que nous possédons, Le Médecin volant et La Jalousie du Barbouillé, ne laissent pas de grands regrets pour la perte des premières. […] Rencontrant un jour dans l’antichambre de Madame mademoiselle de La Vallière, il voulut lui faire comprendre qu’il connaissait celui qui possédait son cœur.

1285. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

« Rassasié des plaisirs de mon âge, je ne voyais rien de mieux dans l’avenir, et mon imagination ardente me privait encore du peu que je possédais. » — A quoi bon les affections ? […] Les premiers livres sont écrits dans la manière d’une épopée en prose, ton que l’auteur ne possédait pas encore. […] C’est pour cela qu’elle assure à celui qui en est possédé un manque absolu de tact. […] Je conviens à genoux que vous seul, père auguste, Possédez l’infini, le réel, ! […] Il possède la faculté de penser en lieux communs, d’avoir d’instinct, naïvement, et avec cette joie intime que donne à d’autre une découverte ou un paradoxe, la pensée de tout le monde sur un sujet donné.

1286. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Trop étranger que je suis habituellement à l’étude approfondie des littératures étrangères, persuadé d’ailleurs que la critique littéraire n’a toute sa valeur et son originalité que lorsqu’elle s’applique à des sujets dont on possède de près et de longue main le fond, les alentours et toutes les circonstances, il semble que je n’aie aucun titre spécial pour venir parler ici de Leopardi, et je m’en abstiendrais en effet si le hasard ou plutôt la bienveillance ne m’avait fait arriver entre les mains des pièces manuscrites, tout à fait intéressantes et décisives, sur l’homme éminent dont il s’agit, et ne m’avait encouragé à une excursion inaccoutumée, pour laquelle je vais redoubler d’attention en même temps que je réclame toute indulgence. […] L’Allemagne, toujours si au courant, possède, depuis plusieurs années, des traductions en vers du poëte.

1287. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Une préoccupation unique possédait tous les hommes et le poème jaillissait d’eux nécessairement dans un double et simultané désir de conquête et de délivrance. […] Il y a quelques quinze ans Banville l’observait déjà : « Ce n’est plus un duel courtois, c’est un combat sérieux que le poète doit soutenir contre l’Isis éternelle ; il ne veut plus seulement soulever ses voiles, il veut les déchirer, les anéantir à jamais, et, privé de ses dieux évanouis, posséder du moins l’immuable nature : car il sent que les dieux renaîtront d’elle et de nouveau peupleront les solitudes du vaste azur et les jardins mystérieux où fleurissent les étoiles. » Ainsi l’art et la science restent en présence et à eux deux se proposent de rendre à l’humanité tous les biens dont les religions mortes l’ont déshéritée.

1288. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Si l’on combat à ce point de vue l’influence de l’esprit français sur les Allemands, on ne combat point pour cela l’esprit français ; mais on met naturellement en lumière ce qui est, dans l’esprit français, en contradiction avec les qualités propres de l’esprit allemand, et ce dont l’imitation serait funeste pour nos qualités nationales… » Nouvelles de l’opéra Les compositeurs et les librettistes, qui possèdent dans leurs cartons des opéras terminés, peuvent s’en servir pour allumer leur feu cet hiver ; à moins qu’ils ne préfèrent s’armer de patience et attendre des temps meilleurs pour la musique et le drame lyrique. […] Nuitter possède, par son contrat, le droit exclusif de la traduction de lohengrin, et ne veut pas renoncer à son titre : une pétition a été adressée de Paris à Madame Wagner en faveur ce M. 

1289. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Nous possédons des documents très complets à ce sujet, car, outre le livret d’opéra, la Mort de Siegfried, il exista, de la même année, une esquisse d’un drame : les Nibelungen. […] Comme la maison Schott n’autorise la publication d’aucune traduction des œuvres wagnériennes qu’elle possède (hors celle de M. 

1290. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Et les regardant aujourd’hui, et les voyant : l’une arrêtée à 6 heures et quart ; une autre à 9 heures ; une autre à midi et demie : ces heures m’intriguent ; je me demande, si ces heures sont des heures tragiques dans la vie de celles qui les ont possédées, et si elles racontent un peu de la malheureuse histoire intime de ces femmes. […] Et pour les êtres, dont Flaubert a peuplé le monde de ses livres, ce monde fictif à l’apparence réelle, l’auteur s’est trouvé posséder cette faculté créatrice, donnée seulement à quelques-uns, la faculté de les créer, un peu à l’instar de Dieu.

1291. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

La ville possède encore le bourgeois qui dit : Ma meute ! […] Cet art tout féminin de cacher sa pensée sous la perfection du langage, Marivaux l’a possédé, à ce point qu’il pourrait en remontrer aux femmes les plus habiles.

1292. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Il faut qu’un Socrate, un Descartes, viennent lui demander de quel droit il les possède, et que les attaques opiniâtres d’un impitoyable scepticisme l’obligent de se les approprier en les défendant. […] Il croyait avoir remarqué que ceux qui savent tant de langues, n’en possèdent jamais une parfaitement.

1293. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Et au moment de la chute ou de la retraite contrainte, il dit encore : « La disgrâce de cet homme était plainte de peu de personnes à cause de sa gloire (de son orgueil). » Chose singulière, l’homme le plus éloigné à tous égards de L’Estoile, le cardinal de Richelieu, en ses Mémoires, parlant de Sully et de sa chute qui fut toute personnelle, dit à peu près la même chose : On a vu peu de grands hommes déchoir du haut degré de la fortune sans tirer après eux beaucoup de gens ; mais, la chute de ce colosse n’ayant été suivie d’aucune autre, je ne puis que je ne remarque la différence qu’il y a entre ceux qui possèdent les cœurs des hommes par un procédé obligeant et leur mérite, et ceux qui les contraignent par leur autorité.

1294. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Le comte de Jaffa seul laisse entrevoir un avis différent ; mais il y est trop intéressé, et lui-même en convient, à cause des terres et châteaux qu’il possède en Syrie.

1295. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Durant les six années suivantes (1774-1780), l’esprit de Cowper et ses facultés effrayées vont se recueillir et se relever peu à peu, jusqu’à ce qu’il arrive insensiblement à les posséder dans toute leur force et dans toute leur grâce, et à trouver pour la première fois (phénomène singulier !)

1296. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Monmerqué possède d’autres mémoires du président Hénault, qui sont d’un intérêt sérieux en ce qu’ils traitent des affaires du Parlement dans lesquelles le président fut très mêlé comme négociateur officieux pour le ministère et pour la Cour.

1297. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Un jour que Frédéric lui avait envoyé un écrit de sa façon, un Essai sur les formes de gouvernement et sur les devoirs des rois (1777), le prince Henri, en remerciant son frère, lui disait : Vous avez fait le plus beau portrait des devoirs d’un souverain ; ce tableau cependant ne peut guère être imité : il faudrait toujours des princes doués de votre génie, et qui eussent vos connaissances ; la nature n’en produit pas de cette espèce : je désirerais donc encore un chapitre utile pour un homme que la naissance place sur le trône, mais auquel la nature a refusé les dons que vous possédez.

1298. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Il était réellement sous le charme : il l’admirait, il la proclamait sublimée, il la trouvait belle ; il se plaît, dans ses lettres à Falkener, à donner son adresse chez elle, au château de Cirey : « Là, disait-il, vit une jeune dame, la marquise du Châtelet, à qui j’ai appris l’anglais, etc. » Trois choses pourtant me gâtent Cirey, a dit un fin observateur : — d’abord, cette manie de géométrie et de physique qui allait très peu à Voltaire, qui n’était chez lui qu’une imitation de la marquise, et par laquelle il se détournait de sa vocation vraie et des heureux domaines où il était maître ; — en second lieu ces scènes orageuses, ces querelles de ménage soudaines, rapides mais burlesques, dont nous sommes, bon gré mal gré, informés, et qui faisaient dire à un critique de nos jours qu’il n’aurait jamais cru que l’expression à couteaux tirés fût si près de n’être pas une métaphore ; — en troisième lieu, cette impossibilité pour Voltaire, même châtelain, même amoureux, même physicien et géomètre de rencontre, de n’être pas un homme de lettres depuis le bout des nerfs jusqu’à la moelle des os ; et dès lors ses démêlés avec les libraires, ses insomnies et ses agitations extraordinaires au sujet des copies de La Pucelle (voir là-dessus les lettres de Mme de Grafigny), ses fureurs et ses cris de possédé contre Desfontaines et les pamphlets de Paris.

1299. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Villars la possédait.

1300. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Il faut l’entendre parler de cette source de curiosité aimable : « J’ai parfaitement aimé ces choses-là, dit-il, et je les aime encore… Ceux qui ont été une fois touchés de cette sorte d’affection ne la sauraient presque abandonner, tant elle a de charmes par son admirable variété. » Il avait la mémoire présente de tout ce qu’il possédait en ce genre : on pouvait lui montrer une pièce quelconque ou antique ou moderne, il disait à l’instant s’il l’avait ou non parmi les siennes, et, dans ce dernier cas, il indiquait l’endroit juste où elle était classée : « Ce serait peut-être malaisé à croire d’un nombre aussi prodigieux que l’est celui des estampes que j’ai assemblées, si je ne l’avais éprouvé plusieurs fois.

1301. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Après avoir dompté et décapité les grands, maté les protestants comme parti dans l’État, déconcerté et abattu les factions dans la famille royale, tenant tête par toute l’Europe à la maison d’Autriche, faisant échec à sa prédominance par plusieurs armées à la fois sur terre et sur mer, il eut l’esprit de comprendre qu’il y avait quelque chose à faire pour la langue française, pour la polir, l’orner, l’autoriser, la rendre la plus parfaite des langues modernes, lui transporter cet empire, cet ascendant universel qu’avait eu autrefois la langue latine et que, depuis, d’autres langues avaient paru usurper passagèrement plutôt qu’elles ne l’avaient possédé.

1302. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Ce genre de beauté est aussi celui des plaines toscanes, et elles le possèdent au plus haut degré : « Mais, ajoute l’agronome amateur, les collines qui s’élèvent autour d’elles unissent les grâces à l’opulence et étalent les trésors de la campagne comme un accessoire seulement des charmes de la perspective.

1303. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Fromentin a un privilège que je n’ai encore vu personne posséder à un degré égal : il a deux muses ; il est peintre en deux langues ; il n’est pas amateur dans l’une ou dans l’autre, il est artiste consciencieux, sévère et fin dans toutes deux.

1304. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Qu’on ait possédé Madeleine ou qu’on y ait renoncé, après vingt ans écoulés, hélas !

1305. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Les ambassadeurs suisses firent alors un dernier et suprême effort de médiation ; dans une lettre des plus pressantes qui fut lue en chaire par toutes les paroisses vaudoises, ils disaient81 : « Nous avons vu que vous avez beaucoup de peine à vous résoudre de quitter votre patrie, qui vous est d’autant plus chère que vos ancêtres l’ont possédée par plusieurs siècles et défendue valeureusement avec la perte de leur sang ; que vous vous confiez que Dieu, qui les a soutenus plusieurs fois, vous assistera aussi et que vous appréhendez même qu’une déclaration pour la sortie ne soit qu’un piège pour vous surprendre et accabler : nous vous dirons pour réponse que nous convenons avec vous que la loi qui oblige à quitter une chère patrie est fort dure ; vous avouerez que celle qui oblige à quitter l’Éternel et son culte est encore plus rude, et que de pouvoir faire le choix de l’un avec l’autre est un bonheur qui, en France, est refusé à des personnes de haute naissance et d’un éminent mérite, et qui s’estimeraient heureuses si elles pouvaient préférer une retraite à l’idolâtrie. » Quelle tache et quelle honte pour la France de Louis le Grand qu’une atroce injustice comme celle-ci trouve presque à se glorifier et à s’absoudre par l’exemple d’une injustice plus abominable encore, dont elle offrait alors au monde l’odieux et parfait modèle !

1306. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Comme le livre n’est destiné qu’à ceux de sa nationalité qui lisent le français et qu’il s’adresse, en revanche, à tous les lecteurs français dont la majorité est loin de posséder l’allemand, il eût été de meilleure grâce à M. d’Arneth d’en faire une publication toute française.

1307. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Le Musée britannique possède la lettre autographe qu’il écrivit à cette occasion à l’abbé Raynal, et qui est datée d’Ajaccio, l’an 1er de la liberté (1790) : « Monsieur, il vous sera difficile de vous ressouvenir, parmi le grand nombre d’étrangers qui vous importunent de leur admiration, d’une personne à laquelle vous avez bien voulu faire des honnêtetés.

1308. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Il y a deux sortes de poëtes : ceux qui sont capables d’invention, d’art à proprement parler, doués d’imagination, de conception en sus de leur sensibilité ; qui possèdent cet organe applicable à divers sujets, qu’on nomme le talent : et il y a ceux en qui ce talent n’est nullement distinct de la sensibilité personnelle, et qui, par une confusion un peu débile mais touchante, ne sont poëtes qu’en tant qu’amants et présentement affectés.

1309. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Confiné et, pour tout dire, confit dans les solennités provinciales, dans la coterie littéraire du lieu et dans les admirations bourgeoises, il put encore avoir de bons, d’aimables instants en petit comité, entre le digne évêque M. de la Motte, qui le dirigeait, et MM. de Chauvelin, gens d’esprit, dont l’un était intendant de Picardie ; mais il ne retrouva plus désormais, il ne posséda plus son talent ; il eût été incapable, à sa manière, d’un grand et vivant réveil, comme en eut Racine.

1310. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Quand on écrit ainsi le mot propre, c’est qu’on est frappé et comme possédé par l’objet ; on le voit intérieurement, tel qu’il est, grossier ou sale, et on ne peut pas s’empêcher de l’exprimer tel qu’on le voit.

1311. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Le désintéressement est une qualité que mes compatriotes possèdent éminemment au-dessus des autres nations de l’Europe.

1312. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Mais, sans la récente publication de quelques opuscules inédits, on ne verrait pas bien l’importance réelle de cette période scientifique de la vie de Montesquieu ; on ne se douterait pas de l’absolue domination possédée pendant un temps sur son intelligence, par l’esprit et les principes des sciences physiques et qu’une sorte de déterminisme naturaliste a précédé chez lui le mécanisme sociologique.

1313. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

« Tu concevras de Zeus le noir Épaphos qui possédera toute la terre qu’abreuvent les larges torrents du Nil.

1314. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

En politique, il avait certainement ce coup d’œil lointain et ces vues d’avenir qui tiennent à l’étendue de l’esprit, mais il possédait bien plus ces qualités sans doute que la patience persévérante et la fermeté pratique de chaque jour, qui sont si nécessaires aux hommes de gouvernement.

1315. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Horace Walpole que j’aime à citer, bon juge et peu suspect, avait beaucoup vu Mme Geoffrin avant d’être à Mme Du Deffand ; il la goûtait extrêmement et n’en parle jamais que comme d’une des meilleures têtes, un des meilleurs entendements qu’il ait rencontrés, et comme de la personne qui possède la plus grande connaissance du monde.

1316. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Encore une fois, je crois entrevoir là une Jeanne d’Arc primitive, possédée de son démon ou génie (nommez-le comme vous voudrez), mais de son génie accoutré à la mode du temps, la vraie Pucelle en personne, sans rien de fade ni de doucereux, gaie, fière, un peu rude, jurant par son bâton et en usant au besoin, un peu exaltée et enivrée de son rôle, ne doutant de rien, disant : Moi, c’est la voix de Dieu, parlant et écrivant de par le Dieu du ciel aux princes, aux seigneurs, aux bourgeois des villes, aux hérétiques des pays lointains, disposée à trancher dans les questions d’orthodoxie et de chrétienté pour peu qu’on lui laissât le temps d’écouter ses voix.

1317. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

. — Jamais, reprit-elle avec infiniment de grâce, je ne me suis trouvée si parée ; il me semble que je possède des trésors inestimables ».

1318. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

À tout le mal qu’il dit des passions, on peut lui opposer cependant une seule, chose : « Mais vous-même, pourrait-on lui dire, auriez-vous échappé à cet ennui, à cette langueur de l’âme qui suit l’âge des passions, si vous n’aviez pas été soutenu et possédé de cette passion fixe de la gloire ? 

1319. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Possédé de l’ardeur de faire parler de lui, et d’arriver au grand, à l’extraordinaire ; en même temps qu’il entrait dans le monde sous le règne d’un ministre despotique, il n’avait de ressource que dans l’idée de conspiration, et il tourna de ce côté ses prédilections premières, comme, en d’autres temps, il les eût peut-être inclinées autre part.

1320. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Il n’eut en rien la religion des anciens ni celle des classiques ; il se piquerait plutôt de les ignorer ou de les avoir oubliés que de les posséder ; une citation latine lui fait l’effet d’une incongruité.

1321. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Il est né heureux, il a une étoile ; mais ce bonheur, on le sait, se compose toujours, chez ceux qui le possèdent, de mille finesses et adresses, de mille précautions imperceptibles dont les gens malencontreux ne se doutent pas.

1322. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Il avait fait une grande étude du cœur humain : cette science est d’ailleurs pour ainsi dire l’apanage des peuples demi-barbares, où les familles sont dans un état constant de guerre entre elles, et, à ces titres, tous les Corses la possèdent.

1323. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Le judicieux et louable historien n’a pas été en cela un artiste : mais même eût-il tout possédé sous sa main dès l’abord, il n’avait pas en lui la force de le devenir.

1324. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Elle, ou son mari, possède dans la forêt de Montmorency une petite maison appelée l’Ermitage.

1325. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Même à nos propres états de conscience nous attribuons une vérité intrinsèque, qu’ils conserveront dans le passé quand nous nous en souviendrons, et qu’ils possédaient d’avance dans l’avenir, alors qu’ils n’existaient pas encore.

1326. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Inversement, la sympathie que nous éprouvons pour un personnage dominé par nos propres sentiments ou par ceux qui nous semblent le plus désirables à éprouver, peut lui donner à nos propres yeux une vie qu’il ne possède réellement pas dans l’œuvre d’art et exciter notre admiration alors même que l’artiste n’aurait pas bien su rendre la vie.

1327. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Ses femmes passent par toutes les dégradations variables de leur nature, et chacune, de la jeune fille à l’aïeule, possède quelque particularité originale et illogique, quelque trait réellement vivant, qu’aucune classification ne peut saisir, M. 

1328. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Un théâtre riche, qui fit faire son inventaire en 1598, possédait « des membres de maures, un dragon, un grand cheval avec ses jambes, une cage, un rocher, quatre têtes de turcs et celle du vieux Méhémet, une roue pour le siège de Londres et une bouche d’enfer. » Un autre avait « un soleil, une cible, les trois plumes du prince de Galles avec la devise : ICH DIEN, plus six diables, et le pape sur sa mule. » Un acteur barbouillé de plâtre et immobile signifiait une muraille ; s’il écartait les doigts, c’est que la muraille avait des lézardes.

1329. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Dans une science qui a pour objet l’absolu, il n’y a pas de milieu, à ce qu’il semble, entre la vérité et l’erreur : dans cette science, on ne prétend pas seulement découvrir des vérités, mais on croit atteindre et posséder la vérité.

1330. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Ses Institutions oratoires que nous possédons, sont une Rhétorique complette que l’on vante avec raison, & qui n’a d’autre défaut que d’être trop prolixe.

1331. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Linné a calculé que, si une plante annuelle produit seulement deux graines, et il n’est point de plante qui soit si peu féconde, si ces deux graines, venant à germer et à croître, en produisent chacune deux autres l’année suivante, et ainsi de suite, en vingt années seulement l’espèce possédera un million d’individus.

1332. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Le groupe des deux figures dont l’une se déchire les flancs (quoiqu’il y ait peut-être dans Rubens ou ailleurs un possédé que Doyen ait regardé), sera toujours d’un grand maître ; que s’il a pris cette figure, c’est ut conditor et non ut interpres, et que ce Greuze qui lui en fait le reproche n’a qu’à se taire, car il ne serait pas difficile de lui cogner le nez sur certains tableaux flamands où l’on retrouve des attitudes, des incidents, des expressions, trente accessoires dont il a su profiter, sans que ses ouvrages en perdent rien de leur mérite.

1333. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Mais aujourd’hui que, grâce à notre approfondissement de la matière, nous savons faire cette distinction et possédons les qualités qu’elle implique, nous pouvons nous aventurer sans crainte dans le domaine à peine exploré des réalités psychologiques.

1334. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Faugère : « La dignité royale n’est-elle pas assez grande d’elle-même, pour celui qui la possède, pour le rendre heureux par la seule vue de ce qu’il est ? […] Molière n’a jamais possédé la faveur du roi comme l’ont possédée Racine ou Boileau. […] Il a d’ailleurs des qualités d’ampleur que Racine ne possède pas, comme Racine a des qualités qui manquent à Molière ; la question n’est pas là. […] Lui reprocher ce soin de sa fortune serait une pure sottise : il hérita de son père 5 000 ou 6 000 livres de rente ; il en possédait 80 000 vers 1740 ; il en laissa près de 160 000 à sa mort : les dieux en soient loués ! […] Mais comment le juger, si, possédé de cette rage de tout détruire sans rien édifier, qui exaspérait Rousseau, il n’a su qu’accumuler des ruines, en laissant aux générations suivantes le soin de reconstruire ce qu’il avait imprudemment jeté bas ?

1335. (1901) Figures et caractères

  Vraiment, il la possède, cette terre de France. […] Il va sans dire que Hugo possède d’abord, et au plus haut point, ce sens premier et fondamental du mot sans lequel il n’y a pas d’écrivain durable et qui est la base commune de tout beau style. […] Il ne posséda jamais ce Combourg où il est né. […] Que valent donc toutes ces choses qu’on s’acharne avec passion à conquérir au prix d’aveugles efforts puisque celui-là qui les possédait toutes, sans les avoir dû rechercher, et comme d’avance en quelque sorte, n’en put supporter l’héréditaire fardeau ? […] J’ai toujours pensé que la possession de quelqu’une de ces reliques créait à qui les possédait un devoir envers elle.

1336. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Je possède, dans ma petite collection de documents historiques et pittoresques, un de ces calendriers séditieux. […] Nos Archives nationales possèdent notamment un décret ainsi conçu : « Le nom de Marseille, que porte cette cité criminelle, sera changé. […] Elle possède un secrétaire à glace, un piano-forte, un buste de Socrate en marbre blanc, une harpe. […] Car elle possède, au plus haut degré, la vertu coutumière de ses pareilles : la bonté. […] C’est pour des étrangers et non pour des autochtones, que la province de Coquimbo a donné, jusqu’à l’épuisement, tout le cuivre qu’elle possédait.

1337. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Puis, nous nous passionnons pour les objets qui de tout temps ont sollicité les hommes à l’action, et nous voulons, nous aussi, posséder des biens pour lesquels on lutte si âprement. […] Aux religions, aux philosophies, aux découvertes scientifiques il emprunte ce dont il a besoin pour traduire l’émotion dont il est actuellement possédé. […] Ceux qui, de tout temps, ont su parler aux foules et les manier, en appliquaient d’instinct les règles ; les orateurs, les chefs d’État et aussi les auteurs dramatiques en possédaient les secrets ; Shakespeare, dans une scène fameuse de Jules César, les mettait en action avec une sûreté qui ne laisse rien à désirer ; et les écrivains de notre littérature classique si profondément sociale, ont par avance réuni pour elle une riche provision de matériaux. […] Une femme que j’ai tenue dans ces bras que voici n’est pas désormais possédée par mon image et pour toujours vibrante du plaisir qu’elle me doit ! […] Les Barbey n’étaient de petits propriétaires terriens qui n’avaient jamais possédé ni titres, ni charges, ni offices, jamais paru à la cour et jamais frayé avec la noblesse de la contrée.

1338. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Si elle a eu la chance de trancher selon les articulations naturelles, ainsi que le bon cuisinier dont parle Platon, peu importe le nombre des morceaux qu’elle aura faits : comme le découpage en parties aura préparé l’analyse en éléments, on possédera finalement une représentation simplifiée de l’ensemble. […] Ne nous étonnons donc pas de rencontrer chez les non-civilisés des interdictions qui sont des résistances semi-physiques et semi-morales à certains actes individuels : l’objet qui occupe le centre d’un champ de résistance sera dit, tout à la fois, « sacré » et « dangereux », quand se seront constituées ces deux notions précises, quand la distinction sera nette entre une force de répulsion physique et une inhibition morale ; jusque-là il possède les deux propriétés fondues en une seule ; il est tabou, pour employer le terme polynésien que la science des religions nous a rendu familier. […] Ce ne serait utile que si l’on possédait déjà une science capable d’en profiter. […] posséder l’essence de la chose quand on s’est mis d’accord sur le sens conventionnel du mot.

1339. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

L’Angleterre possède un admirable linguiste : Max Müller. […] Je possède, à la campagne, une maison qui a fait partie du domaine de la famille du Plessis de Richelieu. […] Il y a une politesse du style, que Mignet possédait d’une façon singulière, et dont M.  […] Tous les auteurs grecs traînent ainsi à leur suite un homunculus qui les parodie et qui parfois possède si bien l’art des « imitations », qu’on ne distingue plus la voix du maître de celle du valet. […] Certes, ils connurent eux aussi des tiraillements, et leurs orateurs — les journalistes de ce temps-là — ne manquaient pas de le leur dire, comme Démosthène : « Vous êtes dans une grande illusion, si vous croyez posséder quelque chose d’assuré dans la vie.

1340. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Nous sommes vraiment de singuliers instruments, montés aujourd’hui sur un ton, demain sur un autre ; et surtout qui changent d’idées et de goût selon le vent qu’il fait et le plus ou moins d’élasticité de l’air. » Lamartine possédait une jolie édition, en petits volumes, des sonnets de Pétrarque. […] Je possède la dernière lettre, je crois, que Théodore de Banville ait écrite. […] L’harmonie continue, la variété, le charme aérien, l’expression vive ; l’instinct, le sentiment intime, la manière la plus animée ; la justesse, la solidité, la netteté ; le bon sens dans le feu et dans la véhémence ; le brillant, le piquant sans l’artifice : — la Muse de Ponchon possède tout cela. […] voici : « Posséder, disait-il, vers l’âge de trente-cinq à quarante ans, et ne fût-ce qu’une seule fois, une femme qu’on connaît depuis longtemps et qu’on a aimée, c’est ce que j’appelle planter ensemble le clou d’or de l’amitié. » Sainte-Beuve risque une pareille aventure en pleine quarantaine, avec une femme qui s’en approchait. […] Lorsqu’on le compare à ses contemporains, on s’étonne de la mesure et de l’ordre que possédait son esprit.

1341. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

La société a pour fondement le drap. « Car, comment sans habits pourrions-nous posséder la faculté maîtresse, le siége de l’âme, la vraie glande pinéale du corps social, je veux dire une bourse ?  […] Nulle nation et nul âge ne l’a possédée à un si haut degré que ces Allemands. […] Malheureux pileur de mots et découpeur de motifs, qui, dans ton moulin logique, possèdes un mécanisme pour le divin lui-même et voudrais m’extraire la vertu des écorces du plaisir ; je te dis non1437 ! 

1342. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Disertus, chez les Latins, signifiait toujours, ou presque toujours, ce que nous entendons par éloquent, c’est-à-dire, celui qui possède dans un souverain degré le talent de la parole, et qui par ce talent sait frapper, émouvoir, attendrir, intéresser, persuader. […]   Disertus est donc celui qui a le talent de persuader par le discours, c’est-à-dire, qui possède ce que les anciens appelaient eloquentia. […] Concluons de ces réflexions, que le secrétaire d’une Académie doit non seulement avoir une connaissance étendue des différentes matières dont l’Académie s’occupe, mais posséder encore le talent d’écrire, perfectionné par l’étude des belles-lettres, la finesse de l’esprit, la facilité de saisir les objets et de les présenter, enfin l’éloquence même.

1343. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

L’observation et l’expérience sont sans doute nécessaires ici pour arriver au principe, c’est-à-dire pour découvrir l’aspect sous lequel il fallait envisager les choses ; mais, à la rigueur, avec beaucoup de chance, on eût pu le trouver tout de suite ; et, dès qu’on possède ce principe, on en tire assez loin des conséquences que l’expérience vérifiera toujours. […] L’idée n’en subsiste pas moins qu’il pourrait ne pas y avoir d’ordre du tout, et que l’ordre mathématique des choses, étant une conquête sur le désordre, possède une réalité positive. […] Jourdain demandait à son professeur de philosophie comment la forme prose et la forme poésie se sont surajoutées à ce qui ne possédait ni l’une ni l’autre, et s’il voulait qu’on lui fît la théorie, en quelque sorte, de l’imposition de ces deux formes à cette simple matière.

1344. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Belin, médecin de Troyes ; c’est une curiosité d’amateur qui lui dicte sa première lettre (20 avril 1630) : il s’est mis depuis quelques années à rechercher les antiquités de la faculté de Paris, à faire collection de toutes les thèses qu’on y a soutenues ; il en a déjà ramassé plus de cinq cents, mais ce sont surtout celles des vingt dernières années qu’il possède, à partir de 1609 : quant à celles qui remontent plus haut, elles sont plus rares, et il s’adresse à M. 

1345. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

On a lieu de le craindre, en effet, si en présence de cet homme on parle inexactement et à la légère de ce qu’il possède à fond et qu’il a étudié de longue main : il n’a qu’un mot à dire pour dénoncer votre erreur et pour la révéler.

1346. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Lui qui a si bien démêlé les ruses, les tours et retours de l’amour-propre, ne s’apercevait-il donc pas qu’en plaçant si haut le mérite d’une sagacité fine, il dressait à l’avance un autel à la qualité que lui-même possédait à un si remarquable degré, et que par conséquent il prisait le plus ?

1347. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Aladin a un vif désir de savoir et de connaître ; la morale a surtout un grand attrait pour son esprit vif et observateur ; il en voudrait posséder la clef : « Ne pourriez-vous pas, dit-il au Kalender, m’apprendre à connaître les hommes ? 

1348. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Il disait : « Tous les hommes peuvent m’être utiles, il n’y en a aucun qui puisse me suffire ; il me faut Dieu. » Son second besoin était de communiquer ce qu’il croyait si bien posséder, et de tout diviniser autour de lui.

1349. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Au milieu de la rigueur nécessaire, il s’y montre assez humain, bon politique, observateur éclairé et curieux des cerveaux en délire, nullement présomptueux : « Quand on a, dit-il, à ramener un peuple qui a la tête renversée, on ne peut répondre de rien que tout ne soit consommé. » Témoin des phénomènes physiologiques les plus bizarres, des tremblements convulsifs des prophètes et prophétesses, il est un de ceux dont la science invoquera un jour le témoignage : J’ai vu dans ce genre des choses que je n’aurais jamais crues si elles ne s’étaient passées sous mes yeux : une ville entière, dont toutes les femmes et les filles, sans exception, paraissaient possédées du diable.

1350. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle en était venue à dire, elle que nous avons vue si légère et toute propre au cortège de la reine des fées dans ce voyage de Plombières : Il n’y a point d’autre jeunesse que la parfaite santé et la vigueur d’esprit : quand on possède ces avantages, on est toujours jeune, lors même qu’on aurait cent ans.

1351. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Je connais vos souffrances ; je sais que souvent, pour vous procurer du pain, vous avez vendu les objets précieux que vous possédiez, ceux même que vous teniez des mains les plus chères.

1352. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Ç’a été enfin, pour lui, une manière ingénieuse d’encadrer ce qu’il possédait plus à coup sûr, ses pièces de vers, même les plus étrangères à cette idée de testament.

1353. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Benjamin Constant, quoi qu’il en dît, savait très bien où placer cet enthousiasme que, d’ailleurs, dès ce temps-là, il n’avait plus du tout et qu’il n’avait même jamais eu ; mais il possédait des lumières, de l’activité, des talents à produire, il avait des préférences libérales (je ne le conteste pas) ; il jugea que ce gouvernement du Directoire était bon à appuyer ; il s’y rallia publiquement ; il le défendit par des brochures, par des discours dans des cercles politiques, avant et après le 18 fructidor : preuve que Benjamin Constant, n’en déplaise à son commentateur, admettait très bien qu’il y a des moments et des cas où, à la rigueur, les principes absolus doivent fléchir devant la nécessité et le salut de l’État.

1354. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Mme la comtesse de Boigne que nous possédons encore, mais que son âge et sa santé affaiblie ne laissent plus vivre tout entière que de près et pour l’intimité (1864).

1355. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Cet acte qu’on possède témoigne, de sa part, de sentiments honorables et meilleurs que ses actions : ce n’étaient pas les bons mouvements qui manquaient à ce malheureux prince, mais c’était la suite, la force de les régler, de tempérer ses impatiences et de réprimer ses penchants vicieux : il était en tout d’une organisation instable, défectueuse.

1356. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Faugère, je pus rectifier et compléter en bien des endroits le texte imprimé et posséder un exemplaire des Mémoires authentiques de Mme Roland.

1357. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

« L’Empereur, parlant de Catinat, disait l’avoir trouvé fort au-dessous de sa réputation, à l’inspection des lieux où il avait opéré en Italie et à la lecture de sa Correspondance avec Louvois. » Napoléon ne le trouvait nullement comparable à Vendôme ; il eût dit de Catinat, servant sous ses ordres, ce qu’il disait de Saint-Cyr : « Saint-Cyr, général très-prudent. » Toute la manière de voir et d’agir de Catinat a été exposée au long par lui-même dans ses lettres confidentielles à son frère Croisilles ; il le fait dans une langue naïve et forte, un peu enveloppée, médiocrement polie, grosse de raisons, et qui sent son fonds d’esprit solide ; il faut en passer par là, si on veut le comprendre, et bien posséder son Catinat, nature originale et compliquée, un peu difficile à déchiffrer, et qui ne se laisse pas lire couramment : « Si je t’entretenais au coin du feu de notre campagne, disait-il à ce frère qui était un autre lui-même (31 octobre 1691), j’aurais bien du plaisir à te faire toucher au doigt et à l’œil ma conduite et les prévoyances que j’ai eues sur ce qui pouvait arriver, et comme il a fallu charrier droit pour faire aller la campagne aussi loin qu’elle a été, sans exposer tout le gros des affaires.

1358. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Le Louvre possède un pastel de la dauphine par La Tour ; et quel pastel !

1359. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le Dépôt de la Guerre possède sur lui le dossier le plus complet, d’où l’on tirerait une notice d’un caractère tout à fait neuf et original.

1360. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

possédions-nous le trésor de cent épopées que nous enviaient toutes les autres nations chrétiennes ?

1361. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Scribe possède à la fois la fertilité dramatique et une forme qui n’est qu’à lui.

1362. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

M. de Saint-Priest possède à un haut degré les qualités littéraires : il en faisait déjà preuve dans sa jeunesse, et, quoiqu’il l’ait sans doute oublié lui-même aujourd’hui, d’autres que l’inexorable Quérard se souviennent encore de gracieux essais par lesquels il préludait avec aisance et goût dans la mêlée, alors si vive.

1363. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

« La dévotion, a dit Montesquieu, est une croyance qu’on vaut mieux qu’un autre ; — ou du moins qu’on possède ce qui vaut mieux, qu’on est plus heureux, qu’on peut indiquer aux autres le chemin du plus gras pâturage.

1364. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

La discipline de l’Église ne vous impose que neuf mois de résidence dans votre diocèse ; vous donnerez vos trois autres mois à vos élèves ici : et vous surveillerez de Cambrai leur éducation pendant le reste de l’année, comme si vous étiez à la cour. » XXII Fénelon se dépouilla contre l’usage d’une abbaye qu’il possédait et résista aux instances et aux exemples qui l’encourageaient à garder ces richesses de l’Église.

1365. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Rien de plus hétérogène et de plus inégal que les vingt-sept branches de Renart que nous possédons.

1366. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Il la possède à fond, et la manie avec une aisance, une habileté uniques, comme il maniait le vers : c’est un des plus étonnants écrivains en vers que nous ayons ; il semble que cette forme lui soit plus naturelle que la prose.

1367. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Mais il a eu pourtant l’intelligence la plus alerte, la plus curieuse : une intelligence toujours en éveil, débrouillarde, lucide, merveilleux filtre d’idées ; personne n’a possédé plus que cet homme-là le don de réduire un gros système à une courte phrase, et de choisir le petit échantillon sur lequel on peut juger d’une vaste doctrine.

1368. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Comme elles n’ont que des apparences d’âmes dans leurs corps de jeunes possédées, comme elles ne sont presque jamais poussées que par la détente de leurs nerfs, on ne saurait dire qu’elles soient bonnes ou mauvaises.

1369. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Ce qui fait la grandeur d’un général en chef, outre l’intelligence calculatrice et organisatrice qu’il doit posséder à un degré remarquable, c’est qu’il doit agir, et dans les conditions les plus terribles, les plus propres à paralyser la volonté.

1370. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

C’est encore une convention de langage qui est parfaitement claire pour ceux qui connaissent la Mécanique Céleste ou simplement pour ceux qui possèdent les tables calculées par les Astronomes.

1371. (1890) L’avenir de la science « II »

Ces premiers penseurs, au contraire, sont bien autrement possédés par leur curiosité spontanée.

1372. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Elle lui demande si elle croit être la première qui ait possédé et rempli son cœur.

1373. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

» à deux pas de ce corps meurtri que tu as adoré et possédé tout à l’heure, et qui peut-être palpite encore !

1374. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

La touche de Lesage est toute française, et si notre littérature possède un livre qu’il soit bon de relire après chaque invasion, après chaque trouble dans l’ordre de la morale, de la politique et du goût, pour se calmer l’humeur, se remettre l’esprit au point de vue et se rafraîchir le langage, c’est Gil Blas.

1375. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Tant est surprenante la force, ou plutôt la magie d’une femme qui possède de véritables charmes !

1376. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Élevé d’abord chez les Jésuites de Reims, puis au collège de Navarre à Paris, il s’y distingua dans toutes les branches, et y donna surtout des témoignages précoces de cette faculté mathématique qui, chez ceux qui la possèdent, n’attend jamais le nombre des années.

1377. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

[NdA] On m’avertit que la bibliothèque du Louvre possède un exemplaire des Réflexions sur la miséricorde de Dieu (5e édition, 1688) corrigé à la main, et dont les corrections sont attribuées à Bossuet lui-même.

1378. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Mais s’il fallait prononcer entre les deux erreurs, entre l’opinion de ceux qui le considèrent comme dès lors établi légitimement à l’état de dynastie, et ceux qui ne veulent voir en lui qu’un aventurier coupable, M. de Maistre trouverait que la plus fausse des deux opinions est encore la dernière : Un usurpateur qu’on arrête aujourd’hui pour le pendre demain, ne peut être comparé à un homme extraordinaire qui possède les trois quarts de l’Europe, qui s’est fait reconnaître par tous les souverains, qui a mêlé son sang à celui de trois ou quatre maisons souveraines, et qui a pris plus de capitales en quinze ans que les plus grands capitaines n’ont pris de villes en leur vie.

1379. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Son père, maître des comptes, était de Troyes, et le nom de Courcelles est celui d’un petit fief qu’il possédait tout près de cette ville.

1380. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Il les montre possédés d’une manie d’analyse qui ne s’arrête et ne recule devant rien, qui porte en toute matière sociale les dissolvants et la décomposition : Dans la physique, ils n’ont trouvé que des objections contre l’Auteur de la nature ; dans la métaphysique, que doute et subtilités ; la morale et la logique ne leur ont fourni que des déclamations contre l’ordre politique, contre les idées religieuses et contre les lois de la propriété ; ils n’ont pas aspiré à moins qu’à la reconstruction du tout, par la révolte contre tout ; et, sans songer qu’ils étaient eux-mêmes dans le monde, ils ont renversé les colonnes du monde… Que dire d’un architecte qui, chargé d’élever un édifice, briserait les pierres, pour y trouver des sels, de l’air et une base terreuse, et qui nous offrirait ainsi une analyse au lieu d’une maison ?

1381. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Il faut que M. de La Harpe ait un secret particulier pour se faire plus d’ennemis qu’un autre. » En tête de sa seconde tragédie, Timoléon, lorsqu’il l’imprima, La Harpe se crut obligé de mettre une justification expresse sur les couplets de collège qui lui étaient imputés à crime, et il ajouta quelques réflexions sensées qui nous peignent très bien le moment où il parut : La mode dominante, disait-il, est aujourd’hui d’avoir de l’esprit… Tandis qu’un petit nombre d’écrivains illustres honore et éclaire la nation, un bien plus grand nombre d’écrivains obscurs, possédés de la manie d’être littérateurs, sans titres et sans études, ont fait une espèce de ligue pour se venger du public qui les oublie, et des véritables gens de lettres qui ne les connaissent pas.

1382. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Adressons nos remerciements en second lieu à M. le comte Jules de Cosnac, de l’illustre famille du prélat, et qui, en préparant l’édition du manuscrit qu’il possédait, en y adjoignant dans une introduction étendue tous les éclaircissements et toutes les notices désirables sur l’auteur, n’a reculé en rien devant certaines parties de ces Mémoires qu’une plume moins vouée à la vérité aurait pu rayer discrètement et vouloir dérober à la connaissance du public.

1383. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

On déjeune gaiement, et l’on va après déjeuner, dans l’île, dont il possède cinquante arpents, et où il fait bâtir un chalet, auquel travaillent encore les peintres, et qui contient une grande pièce, tout en sapin, au monumental poêle de faïence, d’une belle simplicité et d’un grand goût.

1384. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Shakespeare possède cette grâce, qui est tout le contraire de la grâce maladive, bien qu’elle lui ressemble, émanant, elle aussi, de la tombe.

1385. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Pour Cambyse, Sennachérib, et Gengiskhan, et leurs pareils, avoir mangé, c’est posséder toute la terre.

1386. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

De même qu’en politique le vrai libéral veut la liberté non-seulement pour lui-même, mais encore pour ses adversaires, de même dans l’ordre de la pensée et de la foi on ne peut être assuré de posséder la vérité qu’à la condition de lui avoir fait subir toutes les épreuves de la critique.

1387. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Arsène , du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loüé, exalté, et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire ; il n’y a point d’autre ouvrage d’esprit si bien reçu dans le monde, et si universellement goûté des honnêtes gens, je ne dis pas qu’il veuille approuver, mais qu’il daigne lire : incapable d’être corrigé par cette peinture qu’il ne lira point.

1388. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

« C’est étrange, mais il me semble que vous, — le vieux, — vous m’avez offert des couteaux à Châtellerault, il n’y a pas bien longtemps. » Et en effet, après avoir provoqué l’expansion du chef de bande par l’achat d’un poignard que j’avais marchandé jadis au buffet de Châtellerault, j’appris : Que ces Espagnols n’étaient que des Espagnols en strass ; Que ces Castillans étaient nés natifs de la Vienne ; Qu’au lieu de guérilleros sans emploi faisant trafic de bonnes lames de Tolède, j’avais levé trois Français en rupture — de nationalité ; Que le chef Pedro Bobinardino avait été, dans une existence antérieure, coutelier à Châtellerault — et s’appelait Pierre Bobinard ; Que ledit Bobinard avait vu sombrer son industrie à l’époque de la grande débâcle des diligences Laffitte et Gaillard ; Que, sur le point de se jeter sous les roues de la locomotive qui le ruinait, une idée lumineuse lui avait représenté le suicide comme un acte profondément immoral ; Que cette idée consistait à courir les Pyrénées en costume espagnol, pour écouler, sous prétexte de Vieille-Castille, le fonds de Châtellerault ; Que l’idée était une Californie : le touriste se faisant une joie de posséder un couteau espagnol qui ferait, l’hiver prochain, l’admiration et la jalousie de Castelnaudary ; Que les adolescents de dix-huit ans, en bonne fortune à Luchon avec quelque baronne de hasard, donnaient particulièrement dans le couteau espagnol : vu qu’on ne peut, décemment, aux heures des grandes colères passionnées, menacer sa folle maîtresse du couteau français, qui n’a rien de dramatique ; Que le matin même M. 

1389. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

C’est de la sympathie critique, mais de la sympathie qui se possède et qui n’est jamais entraînée ; c’est de la vérité flatteuse, mais ce n’est pas de la flatterie ; c’est enfin un milieu pris, avec une sûreté et sur un si petit espace qu’il est inouï, et presque incroyable, que l’écrivain engagé sur ce rebord y garde sa solidité !

1390. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

— À quoi il faut répondre qu’il manque justement à la société hindoue de posséder ces puissants multiplicateurs des contacts sociaux qui sont les villes.

1391. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

» À ces demandes le poëte répond comme un inspiré : « Le Seigneur a étendu sa main toute-puissante ; il a revêtu de nuées ta lumière ; il a donné sa voix à tes flots déchaînés, et paré de son arc ton front terrible. » Après ces grandeurs de la nature, après le soleil de Cuba, les forêts de la Virginie, ce qui possède l’âme d’Heredia, ce qui la fortifie et l’élève, c’est l’amour de la liberté, mais aussi de la justice, de la modération, de tout ce qui manquait aux révolutions du Mexique, tour à tour célébrées et maudites par le poëte.

1392. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Fauriel, qui possède l’arabe comme le grec moderne et toutes les littératures du Midi, nous entrerions avec joie dans ces mines d’Orient, où se cachent tant de trésors d’imagination et de poésie. […] Il est dit que Gerbert, devenu pape, et tenant à Rome les clefs de Saint-Pierre, possédait encore ces secrets merveilleux, qu’il avait appris en Espagne des sages d’Orient. […] Un roi d’Angleterre, par exemple, était vassal d’un roi de France ; et en même temps il s’avançait jusqu’au cœur de la France, il possédait la Normandie, la Guienne et l’Anjou. […] Il y mourut vers l’an 1215 ; et sa famille, alliée aux empereurs français de Constantinople, subsista longtemps après lui dans l’Orient, et posséda les principautés de Corinthe et d’Argos. […] C’est à faire aux riches abbés et aux prélats qui, voués au service du ciel, possèdent tous les biens de ce monde.

1393. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

J’ai lu et je possède la plupart de ses ouvrages ; mais je n’ai pas Riche et pauvre qui vient de paraître : puis-je vous prier de me l’envoyer68 ? […] Nous ne croyons pas faire injure à l’un des écrivains les plus naturellement riches, les plus sincèrement substantiels (color verus, corpus solidum et succi plenum), en assurant qu’il doit beaucoup de sa richesse à la connaissance qu’il possède et à l’usage qu’il fait du christianisme. […] Il y aurait un Esprit du genre humain, inhérent et propre à l’espèce, absolument étranger aux individus, qui n’en possèdent pas même le germe, puisque d’aucune façon le surnaturel ne peut émaner du naturel, pas plus que la perle, cette fleur de*, mers, ne saurait s’épanouir sur la tige de la rose. […] Après cela, vous ne trouverez néanmoins que ce que la terre possède, et qui a déjà tant embarrassé vos ancêtres, à savoir : les inquiétudes, les sueurs amères, le néant des choses finies, le temps qui dévore tout, et, pour couronnement, la mort, l’inévitable mort. […] Pensez-vous être les premiers qui aient voulu lier le genre humain tout vivant au cadavre du globe, et qui, possédant la terre, aient cru posséder le ciel ?

1394. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Cette veuve d’Hector, dans ses entretiens avec Hermione, est une espèce de duègne qui remontre ses devoirs à cette petite folle : entre autres leçons, elle lui apprend qu’elle ne doit pas s’attendre à posséder seule un homme. […] Disons cependant que l’héroïsme de Titus, qui renonce à sa maîtresse lorsqu’il peut la posséder, est bien moins théâtral que celui d’Auguste, qui pardonne à son assassin lorsqu’il peut se venger. […] Le roi de Pont n’est pas colossal comme les Romains de Corneille, il est de grandeur naturelle ; il a des vices et n’a point de vertus ; mais il possède ces qualités brillantes et dangereuses qu’on est convenu de prendre pour des vertus, dans le monde et surtout au théâtre. […] Il vaut beaucoup mieux n’avoir point de tragédies que d’en applaudir de mauvaises ; les chefs-d’œuvre que nous possédons nous rendent difficiles, et nous empêcheront d’être dupes du charlatanisme des novateurs. […] Oui, sans doute, il est fou comme le sont tous les hommes possédés d’une passion violente.

1395. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

« Aimer de si loin, c’est aimer sans jouir, c’est aimer sans posséder, c’est apprendre à n’aimer plus pour soi. […] Le musée possède, vous le savez, le Sposalizio du Pérugin et une bonne copie de l’École d’Athènes.

1396. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

On ne possède aucune des lettres qu’Aïssé lui adressa ; nous n’avons l’image de cette passion, à la fois violente et délicate, que réfléchie dans le sein de l’amitié et déjà voilée par les larmes de la religion et du repentir. […] On ne sauroit commencer trop tôt : on ne la possède bien que quand on l’apprend dans la première enfance.

1397. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Veuillot lui accorde « toutes les latitudes du droit commun », le droit de posséder, d’acquérir, d’hériter ; l’usage de son droit particulier, de ses tribunaux intérieurs, la liberté de la charité, la liberté d’enseignement à tous les degrés ; le droit de fonder des universités canoniques, une au moins par province. […] J’ai défendu le capital sans avoir eu jamais un sou d’économies, la propriété sans posséder un pouce de terrain, l’aristocratie, et j’ai à peine pu rencontrer deux aristocrates ; la royauté, dans un siècle qui n’a pas vu et ne verra pas un roi.

1398. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

. — Au second, Zaza et Dufresne se possèdent avec frénésie. […] En dépit des poètes, des romanciers et des dramaturges, je n’ai jamais clairement conçu pourquoi l’amour jouissait, entre toutes les passions humaines, d’un privilège honorifique, ni comment il confère, à ceux qui en sont possédés, une supériorité morale, ni en quoi c’est une façon plus relevée et plus estimable que les autres d’aller fatalement à son plaisir.

1399. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Puis Saint-Victor épanche son admiration pour Montaigne, dans le sein de Charles Blanc, qui raconte drôlement, comme il a possédé le divin livre. […] Une autre voix. — Oh, la séductrice famille que cette famille Sarah Bernhardt… Vous n’avez pas connu la charmante petite Régina, morte à dix-neuf ans… Une autre voix. — Oui, on estime à quatre-vingts millions de rente, la fortune que les jésuites possèdent en France, et cela est établi par une enquête secrète, faite tout dernièrement… C’était assez difficile, ils n’ont que des actions au porteur… le gouvernement a fait des recherches, pour arriver à savoir quelles étaient les personnes qui touchaient ces titres.

1400. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Mais il n’a pris aucune note, et ses souvenirs, seront plutôt des commentaires autour des lettres autographes qu’il possède : lettres très nombreuses, très curieuses, de Veuillot, de Proudhon, de Baudelaire, etc. […] Cet homme qui possédait deux cent cinquante pendules, peut-être les deux cent cinquante pendules les plus admirables, qui aient été jamais fabriquées au monde, n’avait dans la vie qu’une préoccupation, c’était l’accord simultané de la marche de toutes ces pendules, auquel il n’a jamais pu arriver.

1401. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Si l’excitation intérieure continue à croître, l’état de l’âme doit s’exprimer par un phénomène qui lui soit égal en intensité ; alors la parole intérieure vive ne suffit plus ; l’âme a besoin de sensations fortes, de bruit et de mouvement ; la parole extérieure, qui ébranle fortement les nerfs du toucher comme ceux de l’ouïe, jaillit des lèvres ; aux mouvements de la phonation se joignent ceux de la physionomie, des bras, des jambes : on gesticule, on se promène sans but, uniquement pour se sentir vivre, comme si le degré maximum de la sensation était pour l’état mental le plus intense un complément esthétique à l’attrait irrésistible ; l’âme envahie par un sentiment violent ou par une conception vive de l’imagination n’a plus de conscience pour le milieu qui l’entoure ; elle l’oublie, elle l’ignore momentanément, et, avec lui, les convenances, la réserve, les habitudes sociales qu’il impose ; par les sensations qu’elle se donne, elle se crée un milieu artificiel en accord avec le phénomène dominant et exclusif qui la possède ; elle est tout à son rêve ou à sa passion, et ce qui s’est emparé d’elle tout entière est par là même maître absolu du corps comme de l’âme220. […]  » On passe en souriant, non sans pitié pour « ces inconscients possédés d’une idée fixe, que le rêve conduit, tirés par une laisse invisible. » « Un matin que notre imaginaire avait quitté sa maison à l’heure habituelle, il commença au détour de la rue Saint-Ferdinand un de ses petits romans intimes.

1402. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

La charité subsisterait chez celui qui la possède, lors même qu’il n’y aurait plus d’autre vivant sur la terre. […] Si la richesse est un mal, ne nuirons-nous pas aux pauvres en leur abandonnant ce que nous possédons ? […] Socrate va plus loin encore ; de la vertu même il fait une science ; il identifie la pratique du bien avec la connaissance qu’on en possède ; il prépare ainsi la doctrine qui absorbera la vie morale dans l’exercice rationnel de la pensée.

1403. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Elle mettait l’inepte dissertation dans la « bouche de colibri » d’une jeune fille idéale qui débutait ainsi : « L’absolu, du latin absolutus… » Un certain Fernand Hauser, lamentable journaleux, connu de quelques-uns pour son ignorance encyclopédique, fut ébloui et attribua à l’heureux auteur qui possédait un Larousse une « érudition de bénédictin. » Et, en effet, le bas-bleu sait tout, latin, droit, philosophie, médecine surtout, un peu comme les filles du quartier des Écoles, pour des raisons qui peuvent être différentes, qui peuvent aussi être les mêmes. […] Cette Cassot possède, à un degré éminent, toutes les admirables qualités du bas-bleu. […] Sachez encore qu’elle « possédait un immense orgueil, prêt à damer le pion » même à l’orgueil nobiliaire, et que « le comte avait en elle à la fois un camarade, un ami, un bouffon, une fille et une compagne ». […] Jean et Odette, innocents au milieu d’un baiser coupable, se posséderont-ils en frères qui ne croient pas à leur fraternité ? […] Tu m’en accables comme les Romains accablèrent cette pauvre Tatia de leurs boucliers. » Je possède un seul autographe de Mme de Witt, douze lignes datées de 1897 : les virgules les plus nécessaires y sont absentes.

1404. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Nous avons, en effet, dans les Opuscules de Lessius, sous la date de 1613, un traité dont le titre tout seul est assez caractéristique : — de Providentia numinis, et anima immortalitate libri duo, adversus atheos et politicos ; — et peut-être, à ce propos, n’est-il pas superflu de noter que Bossuet possédait les Opuscules de Lessius, sous le numéro 131 du catalogue de sa bibliothèque. Il possédait aussi, sous le numéro 314, la Politique d’un autre jésuite, le père Adam Contzen. […] « Je ne sais ce que c’est que de méditer régulièrement sur une chose ; je prends le change fort aisément, je m’écarte, souvent de mon sujet ; je saute dans des lieux dont on aurait bien de la peine à deviner les chemins ; et je suis fort propre à faire perdre patience à un docteur qui veut de la méthode et de la régularité partout. » Ainsi s’exprime-t-il, tout au début de ses Pensées sur la comète ; et comme d’ailleurs il est de ces gens adroits qui excellent à se faire une parure de leurs défauts, l’aveu s’aiguise en épigramme contre ceux qui possèdent les qualités dont il manque. […] Intolérants et orgueilleux, difficiles à manier, chagrins et moroses, méprisants et austères, affectant la religion jusque dans leur costume, les protestants possédaient, en revanche, les vertus dont ces défauts étaient comme l’enveloppe, et, grâce à elles, on peut dire que depuis plus d’un siècle, ils représentaient la substance morale de la France. […] Car, à feuilleter ses Mémoires, et à voir quels furent ses amis, Fontenelle, et ce vieux Chaulieu, qui lui adressait, à plus de quatre-vingts ans, les vers que l’on connaît :           Launay, qui souverainement           Possèdes le talent de plaire,   Qui sais de tes défauts te faire un agrément.

1405. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Du reste, une des qualités d’André Chénier, qualité qu’il possédait à l’égal des plus grands esprits, était une rectitude de jugement remarquable. […] Et, si elles écrivent ainsi, c’est justement parce qu’elles sentent très rapidement, parce que pour elles une perception (ou un groupe de perceptions) se transforme tout de suite en sentiment et que le sentiment est ce qui les intéresse le plus, qu’elles en sont possédées, qu’elles ne vivent que par lui. […] Thiers, on remplirait des pages d’antithèses ; et par contre, il serait aussi aisé de citer les qualités qu’il possédait, en employant des expressions banales : audace, vigueur, ce qui captive, séduit, fascine… (mots identiques). […] Personne n’a mieux possédé l’art de faire heurter ses pensées.

1406. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Heureusement Mallarmé possédait un Villiers unique alors, complet, fait de volumes épuisés, et de pages de revues découpées, que j’emportais avec un Bertrand, et un Dierx que, selon Mallarmé, il fallait non seulement aimer mais savoir par cœur, au même titre que dans Verlaine, au moins les Fêtes Galantes. […] Ginisty et Le Roux à adapter le fameux roman ; les lettrés le possèdent et point ne serait besoin de parler d’autre chose que de l’habileté scénique des adaptateurs, si les opinions soulevées sur Crime et Châtiment et les idées sociales contingentes à sa fabulation ne nous paraissaient erronées, et si le caractère de Raskolnikoff ressortait nettement de l’adaptation scénique qu’en de suffisants décors et quelque musique l’Odéon a représentée. […] Chez les gens de sa caste à qui il parle de cette misère, il rencontre de l’indifférence et presqu’une fierté que Moscou possède une aussi belle misère, aussi complète. […] Tandis que le vers classique ou romantique n’existe qu’à la condition d’être suivi d’un second vers ou d’y correspondre à brève distance, ce vers pris comme exemple possède son existence propre et intérieure. […] Car tu possèdes l’être réel de toutes choses en ta pure volonté, et tu es le dieu que tu peux devenir.

1407. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Les uns, avec J. de Maistre, ont soutenu qu’il n’y avait en cela aucune règle à suivre, que celui qui faisait des découvertes possédait quelque chose d’instinctif, un quid proprium, et que le hasard se chargeait du reste. […] Rapprocher les faits pour en tirer des lois, c’est la méthode suivant laquelle toute science se constitue ; de même que le procédé logique qui consiste à partir de ces lois formulées pour y faire rentrer les recherches nouvelles, est le seul moyen que cette science possède pour avancer réellement. […]   Le foie, comme vous le savez, possède deux ordres de veines, la veine porte, formant le système afférent, et les veines hépatiques, formant le système efférent. […] De plus, en faisant des expériences spéciales pour nous rendre compte de la destructibilité du sucre au contact de différents gaz, nous avons trouvé que l’oxygène ne possède rien de particulier à ce sujet. […] Et ce qui prouve que cette matière sucrée est bien en rapport avec les phénomènes de développement, c’est que cette propriété, que possèdent les poumons et les muscles de produire de la matière sucrée, n’existe que dans l’état embryonnaire, c’est-à-dire au moment où les tissus se forment, car, lorsque leur évolution est achevée, les mêmes phénomènes n’ont plus lieu.

1408. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Béranger en 1832 Dans ces esquisses, où nous tâchons de nous prendre à des œuvres d’hier et à des auteurs vivants, où la biographie de l’homme empiète, aussi loin qu’elle le peut, sur le jugement littéraire ; où ce jugement toutefois s’entremêle et supplée au besoin à une biographie nécessairement inachevée ; dans cette espèce de genre intermédiaire, qui, en allant au delà du livre, touche aussitôt à des sensibilités mystérieuses, inégales, non encore sondées, et s’arrête de toutes parts à mille difficultés de morale et de convenance, nous reconnaissons aussi vivement que personne, et avec bien du regret, combien notre travail se produit incomplet et fautif, lors même que notre pensée en possède par devers elle les plus exacts éléments.

1409. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

., et les Progrès de la Révolution), possède au plus haut degré la beauté propre, je dirai presque la vertu inhérente au sujet ; grave et nerveux, régulier et véhément, sans fausse parure ni grâce mondaine, style sérieux, convaincu, pressant, s’oubliant lui-même, qui n’obéit qu’à la pensée, y mesure paroles et couleurs, ne retentit que de l’enchaînement de son objet, ne reluit que d’une chaleur intérieure et sans cesse active.

1410. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Nous adressons ces chicanes de détail à M. de Balzac, parce que nous savons qu’elles ne sont pas perdues avec lui, et que, malgré toutes les incorrections par nous signalées, il soigne son style, corrige et remanie sans cesse, demande jusqu’à sept et huit épreuves aux imprimeurs, retouche et refond ses secondes et troisièmes éditions, et se sent possédé du louable besoin d’une perfection presque chimérique.

1411. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Monnard, dans lequel il discute les avantages qu’il y aurait à étudier et à analyser la langue et la littérature maternelles comme on étudie les langues anciennes, est tout d’abord propre à faire ressortir les qualités de grammairien analytique et de rhéteur, de Quintilieu et de Rollin accompli, que possède M.

1412. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Les qualités qu’il possède en effet, instruction, dignité, conscience, honnêteté, il sait les mettre en dehors dans ses écrits, et ne les laisse pas à deviner.

1413. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Quant à la partie si délicate et si ondoyante des intentions, M.Mignet pense que, pour les trois derniers siècles, on peut arriver à la presque certitude, même de ce côté ; car on a pour cet effet des instruments directs : ce sont les correspondances et les papiers d’État, pièces difficiles sans doute à posséder, à étudier et à extraire ; mais, lorsqu’on y parvient, on surprend là les intentions des acteurs principaux, dans les préparatifs ou dans le cours de l’action et lorsqu’ils sont le moins en veine de tromper, puisqu’ils s’adressent à leurs agents mêmes, ou ceux-ci à eux, et au sujet des faits ou des desseins qu’il leur importe le plus, à tous, de bien connaître.

1414. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Non pas que, durant le cours de sa longue et laborieuse carrière, il ait jamais positivement obtenu ce quelque chose qui, à un moment déterminé, éclate de la plénitude d’un disque éblouissant, et qu’on appelle la gloire ; plutôt que la gloire, il eut de la célébrité diffuse, et posséda les honneurs du talent, sans monter jusqu’au génie.

1415. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Cette affaire, d’ailleurs, est claire comme le jour, et tous en possèdent les éléments ; elle est de celles qui me paraissent devoir se traiter uniquement par voie de discussion, d’opinion librement contradictoire et de publicité.

1416. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Avant d’aller plus loin l’on demanderait, peut-être, une définition du bonheur ; le bonheur, tel qu’on le souhaite, est la réunion de tous les contraires, c’est pour les individus, l’espoir sans la crainte, l’activité sans l’inquiétude, la gloire sans la calomnie, l’amour sans l’inconstance, l’imagination qui embellirait à nos yeux ce qu’on possède, et flétrirait le souvenir de ce qu’on aurait perdu ; enfin, l’inverse de la nature morale, le bien de tous les états, de tous les talents, de tous les plaisirs, séparé du mal qui les accompagne ; le bonheur des nations serait aussi de concilier ensemble la liberté des républiques et le calme des monarchies, l’émulation des talents et le silence des factions, l’esprit militaire au-dehors et le respect des lois au-dedans : le bonheur, tel que l’homme le conçoit, c’est ce qui est impossible en tout genre ; et le bonheur, tel qu’on peut l’obtenir, le bonheur sur lequel la réflexion et la volonté de l’homme peuvent agir, ne s’acquiert que par l’étude de tous les moyens les plus sûrs pour éviter les grandes peines.

1417. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

On sent tout de suite qu’à une pareille poésie il n’y a d’autres règles que l’inspiration, le délire et le génie ; le plus grand poète lyrique sera précisément celui qui sera possédé de plus d’ivresse.

1418. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Vous jouissez sans envie du peu que vous possédez ; vous vivez heureux dans une douce indolence.

1419. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Gringore compose une Vie de saint Louis pour la corporation des maçons et des charpentiers, qui possède la chapelle de saint Blaise et de saint Louis : le mystère se jouera le 25 août, pour honorer le patron des maçons et des charpentiers, lit ainsi toute sorte de saints locaux auront leurs mystères, comme patrons de villes et de confréries ; ou bien une paroisse, un couvent voudront accréditer des reliques, recommander un pèlerinage : cela se fera par une représentation dramatique, comme trois siècles plus tôt par une épopée.

1420. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

En un mot, elle est artiste, et comme telle, sa personne n’est pas la mesure de son œuvre ; par cette riche faculté de représentation qu’elle possède, elle se donne des émotions que la simple affection ne ferait pas naître, et elle émeut plus qu’elle n’a elle-même d’émotion.

1421. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Il a le sens de la scène, l’instinct des combinaisons qui font effet : cet art très particulier du théâtre, qui n’a rien de commun avec la littérature, qui n’a besoin ni de la poésie ni du style pour valoir, aucun romantique ne l’a possédé comme Dumas.

1422. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Il y a chez elle comme un gonflement d’orgueil… Elle possède les traditions de la Comédie française, elle parle comme Molière.

1423. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Un de mes amis possède le manuscrit du drame de Boris Godounov, annoté au crayon par l’empereur, qui s’est borné à quelques critiques littéraires, la plupart fort justes.

1424. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Si sa personnalité n’a pas un dur relief, il s’en faut qu’il n’en possède aucune !

1425. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

A quel âge cesse-t-on d’être « tourmenté et comme possédé par le démon de son cœur ? 

1426. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

La prière était impuissante à conjurer le démon qui le possédait.

1427. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Tous les maîtres de l’école française d’alors tirent le portrait de Mme de Pompadour : on a celui de Boucher, celui de Drouais que Grimm préférait à tous ; mais le plus admirable est certainement le pastel de La Tour, que possède le Musée.

1428. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Républicain et philanthrope axiomatique comme Sancho Pança, rustique et aimant la campagne comme un Parisien, industrieux comme un sauvage et, avant de posséder une centaine de mètres à Créteil, habitant un wagon de marchandises monté sur un mur dans un terrain vague.

1429. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Ici aussi ne prenez-vous pas un homme à ceux qui le possèdent ?

1430. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Ce symbolisme reste forcément assez obscur car les interprètes qui traduisent les termes abstraits de la langue indigène ne possèdent que rarement le français d’une façon suffisante pour rendre exactement l’idée.

1431. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Elle peut être racontée, cette histoire, comme un conte psychologique, comme un conte philosophique qui serait un conte psychologique ; ce serait alors une analyse, non pas didactique, bien entendu, mais une analyse présentée sous forme de récit, de la curiosité humaine qui ne se satisfait jamais de ce qu’elle a, de ce qu’elle possède et qui veut toujours chercher, au-delà des apparences, le dessous, au-delà du masque le visage, au-delà de tout ce qui est mystérieux l’essence du mystère, ne se contentant point de ce monde des apparences que l’esprit supérieur a voulu qui fût le nôtre.

1432. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Les officiers ont une technique, possèdent des recettes dont chacun peut faire son profit.

1433. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

possèdent-ils donc la force de l’aimant pour entraîner le char derrière eux sans traits et sans harnais ?

1434. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

La farine dans le quartaut ; le lait dans la terrine ; la chanson dans la rue ; les nouvelles du bateau ; l’éclair de l’œil ; la forme et la démarche du corps — montrez-moi l’ultime raison de ces choses, montrez-moi la présence sublime de la cause spirituelle se cachant, comme elle se cache toujours, dans ces alentours et ces extrémités de la nature ; que je voie chaque bagatelle se hérisser de la polarité qui la range instantanément sous une loi éternelle ; l’échoppe, la charrue et le registre rapportés à cette même cause par laquelle la lumière ondule et les poètes chantent : — et le monde ne reste pas plus longtemps un mélange grossier et une chambre de débarras, mais possède la forme et l’ordre ; il n’y a pas de bagatelle ; il n’y a pas d’énigme, mais un seul dessin unit et anime le sommet le plus lointain et le fossé le plus profond41 ».

1435. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Nos voisins les Anglais me paraissent posséder une littérature populaire plus abondante que la nôtre et plus saine, et, de même, les Russes.

1436. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Saint-Simon, parfaitement incapable d’action, est possédé par la curiosité, et malgré toute sa pénétration, malgré tout son génie, qui n’est pas ici en cause, reste toujours extérieur aux choses dont il est témoin. […] Cela ne prouvait rien, comme il le dit plus tard, et un lettré peut posséder des livres qu’il condamne. […] C’est une arme terrible aux mains des sophistes, des sceptiques, ou simplement de ceux qui voient un danger à ce que les hommes soient trop convaincus de ce qu’ils croient et trop surs de posséder le vrai. […] Cette idée extraordinaire, cette idée violente, par laquelle l’homme cherche à se dépasser lui-même, et à sortir de ses moyens propres de connaître et de penser, est parfaitement étrangère à l’humanité moyenne en tous les temps ; mais elle peut s’emparer de certains hommes, et quand elle les possède, elle ne les lâche plus. […] On attache du prix aux choses, et même aux personnes, en raison de la peine qu’on s’est donnée pour les posséder.

1437. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Georges Monval, le plus fervent et le mieux outillé des moliéristes, possède un exemplaire des Précieuses que cet acteur avait arrangé lui-même. […] Il est possédé de l’idée fixe. […] Mais il faut, pour sauver les hardiesses de ce dialogue, une placidité superbe que ne saurait posséder encore Mlle Rosa Bruck. […] Le public semble donner raison à Cadet, qui possède sur lui une action que je ne conteste pas. […] C’est une merveille de voir jouer ainsi un rôle de l’ancien répertoire par une femme qui en possède toutes les traditions et qui, de plus, est une comédienne excellente.

1438. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

La grande guerre ne se conçoit que comme un fait historique, et un fait n’est historique vraiment que s’il a un avant et un après, s’il possède ses trois dimensions. […] C’est presque un lieu commun que de dire que l’Anglais est un homme et l’Angleterre une nation pour lesquels la durée existe, possède une vertu propre, crée un droit, une vérité, une beauté. […] Et je me demandais, en suivant ces filiations qui en somme sont assez justes, pourquoi nous ne possédons pas une histoire du roman français, ou plutôt pourquoi nous l’avons laissé écrire par un critique anglais, d’ailleurs fort distingué, M.  […] Le Français, surtout s’il vit à Paris, possède une faculté d’observation critique et de psychologie remarquable : ce genre de roman moyen fournit à cette capacité de psychologie son domaine naturel. […] Je suis loin de posséder le répertoire du théâtre contemporain ;

1439. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Tout de suite, cette idée s’éveille que la Renaissance, par qui l’Antiquité nous pénétrera et nous possédera, est responsable de ce non-accomplissement de notre instinct poétique national ; pour préciser ma pensée par des noms, que Ronsard a supprimé Thurold. […] Après la turbulence de sa victoire, vers le milieu du xvie  siècle, turbulence qui fut seulement réglée par de Malherbe, c’est la Renaissance qui tient, qui possède, qui assujettit tout l’âge littéraire appelé le siècle de Louis XIV ; quoi qu’en ait pu penser et écrire Boileau, c’est Ronsard qui persiste et triomphe non seulement dans les cent poètes lyriques, bizarres, burlesques, que, en un récent volume, M.  […] Il est si grand dans ce siècle, qu’il le tient, le domine, le possède tout entier ; du point où nous sommes, c’est lui que nous voyons luire au commencement et qui à la fin rayonne encore ; tel est l’éblouissement de sa lumière, que nous ne pouvons concevoir d’autre aurore, ni admettre d’autre couchant. […] Et la preuve, l’incontestable preuve que, toujours, nous voulûmes nous rapprocher de la Foule, pénétrer en elle, la conquérir, la posséder, dans notre conviction qu’elle seule, en qui l’instinct comprend, peut, en échange de la beauté, donner la véritable gloire, c’est que les lectures publiques de vers furent inventées et fondées par les jeunes parnassiens — en dépit des hésitations et même des moqueries de leurs aînés. […] L’une, d’autant plus empiétante que s’étendrait l’instruction, serait le roman, le poème passionné, le drame, la farce, le drame musical aussi (car, par sa sensualité, la musique, même infiniment subtile, conquiert et possède les foules) ; elle exprimerait, et magnifierait, cette littérature, l’immense instinct unanime ; et c’est en elle, par elle que se manifesteraient les hommes de génie ; tandis que, loin d’elle, plus haut, ou plus bas (car sait-on ce qui est au-dessus, ou au-dessous, et de quoi ?)

1440. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

On entrevoyait le temps béni où « les doux posséderont la terre ». […] Il a vécu pour cette œuvre, dominé et possédé par le ferme espoir que la conception rationnelle finirait par avoir raison du mystère dans le domaine des sciences morales comme elle en avait eu raison dans le domaine des sciences positives. […] Sans doute on ne se résigne pas, comme ce grand saint, à ne posséder que trois robes, une ceinture, une sébile pour recevoir les aumônes, un rasoir, des aiguilles et un filtre. […] Il réussit, par des maléfices dont il possède le secret, à ranimer d’un semblant de vie des âmes qui sont mortes. […] Elle possède d’admirables tableaux, où l’attrait de la dévotion s’associe à un certain relent de perversité.

1441. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Quelle diable d’idée possède le vieux rebbe, de vouloir marier tout le monde ! […] et qu’il retomba d’aplomb après ce tour de force ; et qu’au même instant Schoûltz, levant sa jambe droite, la fit passer, sans manquer la mesure, au-dessus de la tête de sa petite rousse, et que d’une voix rauque, en tournant comme un véritable possédé, il se mit à crier : « You !

1442. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Un sentiment vif d’indépendance et de dignité rendit sa probité si sûre, qu’un jour il vendit tout ce qu’il possédait, ses meubles, ses habits, son linge, pour acquitter une dette contractée en Pologne2. […] Ainsi ses richesses mêmes achevèrent sa perte ; et comme elles avaient endurci le cœur de celle qui les possédait, elles dénaturèrent de même le cœur de ceux qui les désiraient.

1443. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Ceux même qui avaient trouvé un moment leur compte à l’effacement du roi, sous le règne d’un premier ministre, s’étaient enfin convaincus qu’il vaut mieux qu’un seul possède ce qui ne peut se partager sans dommage entre plusieurs. […] Après Bossuet, parut, comme à propos, pour accommoder la parole chrétienne à l’attention plus forte du roi entrant dans l’âge viril, un prédicateur doué du talent de raisonnement et d’analyse au même degré que Bossuet possédait le talent de peindre.

1444. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

2 juin … « Vous voyez ce monsieur-là, si entouré, … c’est un grand nom de France qui possède des eaux dans un département du Centre, et qui écrit toutes les semaines au médecin imposé par lui, qu’il ne donne pas assez de douches à 40 sous… Ah ! […] Quand on va chez lui on le trouve assis sur une chaise de paille, tournant ses pouces, en face d’un Gudin accroché à son mur, l’unique objet d’art qu’il possède.

1445. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

» Ou encore, et de même que dans un alliage ou dans une combinaison de la nature un corps possède et développe des propriétés que n’avaient pas ses éléments, c’est ainsi que l’alliance de la morale et de la religion leur donne à toutes les deux un prix et une portée sociale qu’aucune des deux ne pourrait avoir dans son isolement. […] Mais je crois d’autre part les avoir assez loués ; « Intolérants et orgueilleux, — disais-je encore, il n’y a pas trois ans, — difficiles à manier, chagrins et moroses, méprisants et austères, affectant la religion jusque dans leur costume, les protestants, en revanche, possédaient la vertu dont ces défauts étaient comme l’enveloppe, et grâce à elle on peut dire qu’en 1685 et depuis plus d’un siècle, ils représentaient la substance morale de la France… Écartés des tentations par les mesures mêmes qui les éloignaient des emplois, ils se dressaient, dans la société du temps de Louis XIV, comme un enseignement vivant par l’ardeur de leur foi, par leur constante préoccupation du salut, parleuréloignement des plaisirs faciles, par la dignité de leurs mœurs, par la raideur même enfin et la fierté de leur attitude. » Ne pouvant pas abuser ici du droit de me citer moi-même, je renvoie le lecteur à l’étude, Sur la formation de l’idée de progrès dont je tire ces lignes.

1446. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

A côté de la question de l’hérédité, sur laquelle s’appuie l’auteur de Nana, il y a la question de l’idéal au sujet de laquelle il met en avant la science qu’il ne possède pas. […] Et quand on se vante de posséder la science, le premier soin doit être de suivre la marche de la nature.

1447. (1896) Études et portraits littéraires

À l’École normale, il se révélait observateur, curieux de faits, et, au témoignage de ses amis, il possédait sur fiches une encyclopédie. […] Puis, quand il possède une somme de faits significatifs, il synthétise. […] Pour extraire de la vie et élaborer les ridicules, force est de posséder la clairvoyance de la malice. […] Qu’il travaille à développer, actuer, avons-nous dit, ce qu’il possède en puissance. […] Si bien que le jour où je pus enfin posséder les objets souhaités, je n’en jouissais plus, ayant épuisé à l’avance, en les rêvant, tous les plaisirs qu’ils m’auraient pu donner ».

1448. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Il plante et jardine, sur un sol fertile, dans un pays dont l’air lui convient, parmi des plates-bandes régulières, au bord d’un canal bien droit et flanqué d’une terrasse bien correcte, et il se loue en bons termes, avec toute la discrétion convenable, du caractère qu’il possède et du parti qu’il a pris. « Je me suis souvent étonné, dit-il, qu’Épicure ait trouvé tant d’âpres et amers censeurs dans les âges qui l’ont suivi, lorsque la beauté de son esprit, l’excellence de son naturel, le bonheur de sa diction, l’agrément de son entretien, la tempérance de sa vie et la constance de sa mort l’ont fait tant aimer de ses amis, admirer de ses disciples et honorer par les Athéniens605. » Il a raison de défendre Épicure, car il a suivi ses préceptes, évitant les grands bouleversements d’esprit, et s’installant comme un des dieux de Lucrèce dans un des interstices des mondes. « Quand les philosophes ont vu les passions entrer et s’enraciner dans l’État, ils ont cru que c’était folie pour les honnêtes gens que de se mêler des affaires publiques606… Le vrai service du public est une entreprise d’un si grand labeur et d’un si grand souci, qu’un homme bon et sage, quoiqu’il puisse ne point la refuser s’il y est appelé par son prince ou par son pays, et s’il croit pouvoir y rendre des services plus qu’ordinaires, doit pourtant ne la rechercher que rarement ou jamais, et la laisser le plus communément à ces hommes, qui, sous le couvert du bien public, poursuivent leurs propres visées de richesse, de pouvoir et d’honneurs illégitimes607. » Voilà de quel air il s’annonce. […] Un jour l’entreprise tourna mal ; ayant voulu prendre part à une querelle littéraire, et réclamer la supériorité pour les anciens contre les modernes, il se crut helléniste, antiquaire, raconta les voyages de Pythagore et l’éducation d’Orphée, fit remarquer que les anciens sages de la Grèce « étaient communément d’excellents poëtes et de grands médecins ; si versés dans la philosophie naturelle, qu’ils prédisaient non-seulement les éclipses dans le ciel, mais les tremblements de terre et les tempêtes, les grandes sécheresses et les grandes pestes, l’abondance ou la rareté de telles sortes de fruits ou de grains609 », talents admirables et que nous ne possédons plus aujourd’hui. […] Une telle diversité de passions dans une telle variété d’actions et de circonstances de la vie et du gouvernement, une telle liberté de pensée, une telle hardiesse d’expression, une telle libéralité envers ses amis, un tel dédain de ses ennemis, une telle considération pour les hommes savants, une telle estime pour les gens de bien, une telle connaissance de la vie, un tel mépris de la mort, en même temps qu’une telle âpreté de naturel et une telle cruauté dans la vengeance, n’ont pu être jamais manifestés que par celui qui les a possédés ; et j’estime Lucien auquel on les attribue aussi incapable de les écrire que de faire ce que Phalaris a osé612. » Très-belle rhétorique ; il est fâcheux qu’une phrase si bien faite couvre de telles sottises. […] « Ne raillons pas : c’est ce que je répète constamment à ma cousine Ogle, et vous savez qu’elle se croit arbitre en fait de beauté. —  Très-justement, car elle possède elle-même une collection de traits empruntés à toutes les nations du monde

1449. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Il affirmait posséder à fond son Rabelais et son Chateaubriand. […] « On me présenta à cette pieuse femme comme un malade possédé de très méchants esprits. […] Notre démocratie possède de plus anciens titres de noblesse que les monarchies absolues. […] Il est, selon toute apparence, l’homme du monde qui possède la plus belle et la plus riche collection de manuscrits autographes des grands écrivains contemporains.

1450. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Les œuvres que nous possédons forment tout au plus le tiers des manuscrits que l’auteur avait achevés ; et peut-être le voyage en Suisse d’André Chénier a-t-il servi à préparer des œuvres ignorées. […] Quant au dialogue sur la Liberté, outre le mérite d’expression qui le caractérise aussi bien que les deux autres pièces, il possède un mérite moins évident au premier aspect, mais, à mon avis, beaucoup plus précieux, je veux parler de l’enchaînement des idées. […] Il est vrai que s’il possédait cette faculté précieuse, il abandonnerait Manon dès qu’elle s’avilit ; et, dès lors, le roman de Prévost deviendrait impossible. […] Il possède aujourd’hui un admirable instrument ; il a prouvé depuis vingt ans, dans des œuvres nombreuses, mais incomplètes, toute l’étendue, toutes les ressources de son habileté : le temps est venu pour lui d’employer cet admirable instrument autrement qu’il n’a fait jusqu’ici.

1451. (1902) La poésie nouvelle

Les plus anciens poèmes qu’on possède de lui datent de ses quinze ans.

1452. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Nous voyons en lui le type accompli d’une espèce d’âmes très singulière, et très noble après tout, le type du croyant exalté, de l’apôtre, du fanatique si vous voulez, de l’homme qui, possédé d’une idée et d’une foi, ne vit, ne respire absolument que pour elle, est toujours prêt à s’y sacrifier, — et à y sacrifier les autres. […] Je sais à quel point cette manie est inoffensive ou même bienfaisante : je sais qu’elle occupe et qu’elle enchante ceux qui en sont possédés, qu’elle les sauve de l’ennui, qu’elle les rend réfractaires au pessimisme et qu’elle les détourne de mal faire. […] Car, à côté d’Andromaque, cette blanche figure voilée, à la fois antique et moderne, voici deux amoureux comme on n’en avait point vu auparavant, ni dans Corneille, ni dans Quinault, ni dans les romans de la Calprenède ou de Mlle de Scudéry : Hermione et Oreste, les possédés de l’amour, les grands passionnés qui aiment comme on est malade, qui aiment jusqu’au crime et jusqu’à la mort. […] Si nous voulions… Et pendant ce temps-là, à travers la forme bizarre et dépourvue pour nous de beauté proprement littéraire, à travers la singularité et parfois l’obscurité de tournures et d’images probablement intraduisibles, subitement l’âme de Tolstoï m’ébranlait d’une secousse, s’emparait de moi et bientôt me possédait tout entier. […] On a l’impression que cet être si borné, si infime, possède la vérité éternelle, connaît seul le sens et le but de l’univers.

1453. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Il possède tout. […] Et, en effet, c’est une très grande et très heureuse prérogative par-dessus tant de nations d’être sûr en vous couchant que vous vous réveillerez le lendemain avec la même fortune que vous possédiez la veille ; que vous ne serez pas enlevé des bras de votre femme au milieu de la nuit pour être conduit dans un donjon ou dans un désert ; que vous aurez, en sortant du sommeil, le pouvoir de publier tout ce que vous pensez ; que, si vous êtes accusé, soit pour avoir mal agi ou mal parlé ou mal écrit, vous ne serez jugé que selon la loi. […] Dans le fait, les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien : d’où suit que l’État social n’est avantageux aux hommes qu’autant qu’ils ont tous quelque chose et qu’aucun d’eux n’a rien de trop. » Donc dans Rousseau, tendances socialistes, dérivant tant de l’amour de l’égalité et de la simplicité primitives que de la doctrine de la toute-puissance de l’État et de la souveraineté nationale en prenant le mot dans tout son sens ; tendances restées à l’état de penchants et d’aspirations, et dont Rousseau n’a pas voulu ou osé tirer toutes les conséquences ; tendances enfin qui peuvent aboutir également soit au collectivisme, soit au partagisme, soit à l’anarchie. […] Il en inquiète les éditeurs de Kehl, qui ne, peuvent s’empêcher de dire qu’il ne faut pas que cette inégalité aille trop loin ; que moins cette inégalité est grande, plus la société est heureuse, et qu’il faut donc que les lois, en laissant à chacun la faculté d’acquérir des richesses et de jouir de celles qu’il possède, tendent à diminuer l’inégalité par le partage égal des successions, la limitation de la liberté de tester, l’abolition des traitants, la suppression des gros traitements, etc. […] Il y est surtout au temps où il écrit et où moines inutiles, ignorants, ne rendant aucun service à l’Etat, possédant trop et ne cultivant pas ce qu’ils possédaient, et encore soustraits en une large mesure aux charges de l’impôt au lieu d’y être triplement soumis, étaient, comme il le dit fort bien, un fléau pour la société et un gouffre au sein de l’Etat.

1454. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Si Flaubert eut tant d’amertume et d’ironie, ce n’est donc pas parce qu’il fut « froissé, impuissant ou en désaccord » avec son milieu, mais parce qu’il avait la tournure d’esprit de Chateaubriand, c’est-à-dire cette conviction, cette évidence absolue de la misère des choses que possèdent les écrivains d’observation et les moralistes de tous les temps. […] Zola sera d’avoir fait triompher une esthétique diamétralement contraire et d’avoir possédé ce qui manque à l’auteur de Germinal, M.  […] Les qualités historiques qu’il possédait ont empêché son œuvre de vieillir, tandis que des théories trop personnelles risquaient de contrarier les goûts de la postérité. […] Dix paroles échangées suffisent à des esprits doués de ce sens mystérieux de l’art pour se comprendre comme s’ils se servaient d’un langage ignoré des autres. » On ne peut aimer Loti que si l’on possède ce don mystérieux dont parle avec tant de justesse l’auteur de Notre-cœur et de la Vie errante. […] C’est pour cela qu’en dehors même de l’extraordinaire, cause de détachement que nous signalons, ses passions l’enivrèrent sans le posséder et tarirent avant qu’il en eût touché le fond.

1455. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Nous possédons les éléments du problème ; nous savons, d’une connaissance abstraite, comment il sera résolu, car le portrait ressemblera sûrement au modèle et sûrement aussi à l’artiste ; mais la solution concrète apporte avec elle cet imprévisible rien qui est le tout de l’œuvre d’art. […] Et quand elle possède ainsi la pièce d’or, elle tient éminemment cette menue monnaie qu’est le changement. […] Quand un Platon, un Aristote ou un Plotin fondent tous les concepts de leur science en un seul, ils embrassent ainsi la totalité du réel, car les concepts représentent les choses mêmes et possèdent au moins autant de contenu positif qu’elles.

1456. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Il faudrait posséder le talent du plus grand poète pour rendre l’expression de ses gestes, l’harmonie de sa voix et le feu de ses regards.

1457. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

J’évitais de toutes mes forces d’être confondu avec la nation dont je parle la langue, pendant ses triomphes ; mais je sens vivement, dans ses revers, combien je lui suis attaché, combien je souffre de sa souffrance, combien je suis humilié de son humiliation… Mille intérêts communs, mille souvenirs d’enfance, mille rapports d’opinion, lient ceux qui parlent une même langue, qui possèdent une même littérature, qui défendent un même honneur national.

1458. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

En traitant de l’Éloquence, il parlait de ce qu’il ne possédait pas essentiellement.

1459. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

On est, comme le frère d’Amélie, égaré et possédé du démon de son cœur.

1460. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Le jugement que porte Mme Roland des hommes politiques de la seconde époque révolutionnaire, de ceux qu’elle a connus et éprouvés, est aussi distinct et décisif que son mépris des hommes de 89 a pu paraître confus et aveugle : c’est qu’à partir de 91 elle vit de près la scène et posséda tous les éléments de situation et de conduite.

1461. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

M. de Feletz, bon juge et vif interprète des traditions pures, a écrit : « La Bruyère qui possède si bien sa langue, qui la maîtrise, qui l’orne, qui l’enrichit, l’altère aussi quelquefois et en viole les règles. » (Jugements historiques et littéraires sur quelques Écrivains… 1840, page 250.)

1462. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Enfermée d’abord dans le réservoir aristocratique, la doctrine a filtré par tous les interstices comme une eau glissante, et se répand insensiblement dans tout l’étage inférieur  Déjà en 1727, Barbier, qui est un bourgeois de l’ancienne roche et ne connaît guère que de nom la philosophie et les philosophes, écrit dans son journal : « On retranche à cent pauvres familles des rentes viagères qui les faisaient subsister, acquises avec des effets dont le roi était débiteur et dont le fonds est éteint ; on donne cinquante-six mille livres de pension à des gens qui ont été dans les grands postes où ils ont amassé des biens considérables, toujours aux dépens du peuple, et cela pour se reposer et ne rien faire578 »  Une à une, les idées de réforme pénètrent dans son cabinet d’avocat consultant ; il a suffi de la conversation pour les propager, et le gros sens commun n’a pas besoin de philosophie pour les admettre. « La taxe des impositions sur les biens, dit-il en 1750, doit être proportionnelle et répartie également sur tous les sujets du roi et membres de l’État, à proportion des biens que chacun possède réellement dans le royaume ; en Angleterre, les terres de la noblesse, du clergé et du Tiers-état payent également sans distinction ; rien n’est plus juste. » — Dans les dix années qui suivent, le flot grossit ; on parle en mal du gouvernement dans les cafés, aux promenades, et la police n’ose arrêter les frondeurs, « parce qu’il faudrait arrêter tout le monde ».

1463. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Il ne possédait au monde que ses cinq francs : il les prend et les met dans la main d’Éponine.

1464. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Je lui répondis que je connaissais, en effet, auprès de Mâcon et de Pont-de-Veyle, en Bresse, la terre de Genou possédée par un gentilhomme de bonne maison et de médiocre fortune qui serait peut-être heureux de la vendre à l’amiable pour cet usage.

1465. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

La mort de sa mère (1798), celle d’une sœur, le refont chrétien : il n’a pas besoin de raisons pour croire ; il lui suffit que la religion soit un beau, un doux rêve ; elle participera au privilège que tous les rêves de M. de Chateaubriand possèdent, d’être à ses yeux des réalités.

1466. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

À moins de posséder l’âme du pharisien, nous reconnaîtrons que toute notre tendresse instinctive envers la chère vieille langue ne nous assure pas toujours contre les fautes.

1467. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Cette simplicité du discours, cette suite et cette logique que nous voulons dans nos écrivains contre notre propre naturel en quelque sorte, lequel n’est ni si austère, ni si conséquent, ni si ennemi de toute parure et coquetterie que notre langue, ne témoignent-elles pas que nous ne la possédons pas pour nous seuls, et que c’est une langue à l’usage de tous, dont nous n’avons que le dépôt ?

1468. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Duperron ne les avait vues qu’en manuscrit, quand il en porta le jugement que j’ai rappelé, et qu’il s’avoua surpassé par un jeune homme de vingt ans, dans la seule chose qu’il pensât posséder du consentement de tous.

1469. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Tous les deux sont admirables, toute proportion gardée, par tout ce qu’ils ont tiré de subtilité, d’émotion et de force, de la pensée qui les possédait.

1470. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Souvent, Wagner a ressenti le besoin de s’expliquer à lui-même cet ouvrage ; ses explications, les contradictions qu’elles renferment, l’étude approfondie de l’œuvre telle que nous la possédons sur le théâtre, tout concourt pour nous démontrer que — du point de vue qui nous occupe actuellement, celui de l’état d’âme du Maître pendant cette période de la genèse de Lohengrin — c’est le doute qui caractérisa sa pensée.

1471. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

On possède tous ses manuscrits de cette époque de Saint-Sulpice ou des années qui suivirent, et l’on conçoit aisément que ses supérieurs, en parcourant de telles ébauches hardies, en aient pris quelque ombrage.

1472. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

James Sully nous dit qu’il possède lui-même le pouvoir, quand il considère un objet nouveau, de se le représenter comme familier.

1473. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Passionnée pour monter à cheval, pour conduire un panier, elle se trouve mal à la vue d’une goutte de sang, a la terreur enfantine du vendredi, du nombre treize, possède tout l’assemblage des superstitions et des faiblesses humaines et aimables chez une femme : faiblesses mêlées à d’originales coquetteries, celle du pied par exemple qu’elle a le plus petit du monde, et qu’elle porte toujours chaussé d’un soulier découvert à talon… Mal jugée et décriée par les femmes et les petites âmes qui ont l’horreur de la franchise d’une nature, elle est faite pour être aimée d’une amitié amoureuse par des contempteurs comme nous des âmes viles et hypocrites du monde.

1474. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

La délicatesse d’esprit est une corruption, longue, longue à acquérir, et que ne possèdent jamais les peuples jeunes.

1475. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Déjà, dans René, Chateaubriand avait dit des poètes : — « Ces chantres sont de race divine : ils possèdent le seul talent incontestable dont le ciel ait fait présent à la terre.

1476. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Il assure que le nom d’Ignace étoit redoutable aux puissances de l’enfer, & qu’on a entendu quelquefois les possédés s’écrier au milieu des exorcismes à la vue d’une image du serviteur de Dieu : Où est ton pouvoir, Lucifer, puisqu’un peu de papier avec la figure d’un Prêtre nous fait fuir sans que nous puissions résister ?

1477. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Je crois avoir transporté dans son caractère sa douceur, sa sensibilité, son amour, sa mélancolie ; mais tout le reste m’a paru trop directement opposé à nos habitudes, trop empreint de ce que le très-petit nombre de littérateurs français qui possèdent la langue allemande appellent le mysticisme allemand.

1478. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Cette idée, du reste, de chercher des rapports autres que des contrastes entre Mme de Maintenon et Mme Du Barry possède tellement M. 

1479. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan ce talent de style qu’il ne possède, selon moi, que dans une mesure, au bout du compte, assez commune.

1480. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Il ne leur a pas suffi de comparer les masses et les époques entre elles et de signaler le pas de géant fait par les idées catholiques, dans ce pays où un pas à faire, en toutes choses, est si difficile, tant les mœurs, les croyances et les préjugés possèdent fortement ces esprits anglais, énergiques et persévérants.

1481. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Ainsi, il tombe comme un milan sur la femme de son meilleur ami, laquelle ne lui fait pas ombre de résistance, et après l’avoir possédée, il lui crache son mépris à la figure.

1482. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

La vérité est que si nous pouvions, à travers le crâne, voir ce qui se passe dans le cerveau qui travaille, si nous disposions, pour en observer l’intérieur, d’instruments capables de grossir des millions de millions de fois autant que ceux de nos microscopes qui grossissent le plus, si nous assistions ainsi à la danse des molécules, atomes et électrons dont l’écorce cérébrale est faite, et si, d’autre part, nous possédions la table de correspondance entre le cérébral et le mental, je veux dire le dictionnaire permettant de traduire chaque figure de la danse en langage de pensée et de sentiment, nous saurions aussi bien que la prétendue « âme » tout ce qu’elle pense, sent et veut, tout ce qu’elle croit faire librement alors qu’elle le fait mécaniquement.

1483. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Si cinq crânes de Patagons possédés par le laboratoire de Broca sont identiques, trois cerveaux de Fuégiens décrits, l’un par Manouvrier et les deux autres par Seitz, diffèrent entre eux autant que trois cerveaux d’Européens pris au hasard132.

1484. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Si je ne cherchais pas, dans ces conclusions, le « pourquoi » psychologique de la loi, ma méthode ne serait qu’une classification nouvelle, plus ou moins ingénieuse ; elle aiderait à mieux comprendre certains cas individuels ; mais, ne disant pas pourquoi la réalisation d’un principe est si intimement liée à la vie d’un groupe, ni comment la littérature est à la fois un effet et une cause dans l’ascension de l’humanité vers la liberté, elle ne montrerait pas assez que l’histoire littéraire est le moyen le plus sûr que nous possédions pour prendre conscience de notre passé et de notre mission.

1485. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

À la mort de Ronsard, Malherbe avait trente ans ; et il était déjà maître de ce pur et nerveux langage dont il usait avec épargne et qu’il posséda jusqu’à la fin de ses jours.

1486. (1864) Le roman contemporain

Sa bourse était légère, mais son cœur était plus léger encore : n’avait-il pas la fortune que possédait Alexandre partant pour la conquête du monde, l’espérance ? […] Il est la beauté, l’intelligence, la science, l’éloquence, il est le génie ; et, quoiqu’il possède le secret de certain coup de pouce qui fait passer en un instant de vie à trépas ceux qui gênent ses desseins et qu’il en use peut-être contre les obstacles qu’il rencontre, M.  […] Mais avant tout il était superlativement Français, c’est-à-dire possédé du besoin de paraître, amoureux de l’effet, passionné pour le bruit, et désireux d’étonner ses contemporains, coûte que coûte. » Est-ce qu’en retraçant ce portrait du duc d’Armagne, un des personnages de Madelon, M.  […] Suivre son instinct, ouvrir son esprit et son cœur au souffle de la passion, sans plus de scrupules que les navires ouvrent leurs voiles au vent qui les pousse, se donner la plus grande somme de sensations possible, se réfugier dans l’art quand le plaisir vous échappe, et faire servir les épreuves qu’on rencontre sur sa route au développement de son imagination et de ses facultés littéraires et artistiques, si l’on en possède, voilà la vie telle que le roman de mœurs de M.  […] La société ne possède aucun moyen de faire d’un forçat un honnête homme, elle le sait ; la religion sait qu’elle a avec elle la grâce de Dieu, qui a changé les bourreaux en martyrs, et qu’elle peut faire d’un forçat un saint, comme le Christ sur le Calvaire fit du larron crucifié à côté de lui le cohéritier de son royaume éternel.

1487. (1900) La culture des idées

Cependant quelques-uns de ces pauvres se glorifient de leur indigence ; ils déclarent que leurs idées sont assez belles pour se passer de vêtement, que les images les plus neuves et les plus riches ne sont que des voiles de vanité jetés sur le néant de la pensée, que ce qui importe, après tout, c’est le fond et non la forme, l’esprit et non la lettre, la chose et non le mot, et ils peuvent parler ainsi très longtemps, car ils possèdent une meute de clichés nombreuse et docile, mais pas méchante. […] Cette expression, débris d’un vieux terme de rhétorique, loci communes sermonis , a pris, surtout depuis les développements de l’individualisme intellectuel, un sens péjoratif qu’elle était loin de posséder à l’origine, et encore au dix-septième siècle. […] Ni Sidoine Apollinaire ni Mallarmé ne sont des décadents, puisqu’ils possèdent l’un et l’autre, à des degrés divers, une originalité propre ; mais c’est pour cela même que le mot fut justement appliqué au poète de l’Après-midi d’un Faune, car il signifiait, très obscurément, dans l’esprit de ceux-là mêmes qui en abusaient : quelque chose de mal connu, de difficile, de rare, de précieux, d’inattendu, de nouveau. […] Vous trouverez, disséminées dans les paragraphes suivants, quelques autres notions touchant la pacotille, — laquelle, en somme, se composera de tout ce que vous pourrez voler subtilement aux riches et aux pauvres, aux arbres et aux ronces ; — car je ne suppose pas que vous possédiez naturellement autre chose qu’une intelligence pratique et rusée ; en ce cas, vous ne m’auriez pas demandé de conseils et vous n’en auriez pas besoin. […] Aucune d’elles, d’ailleurs, ne possède une littérature qui puisse ou retarder ou même faire regretter beaucoup leur disparition ; on peut dès maintenant les considérer comme des phénomènes passagers, et avec un peu d’application déterminer, à un siècle près, tout cataclysme écarté, la date de l’extinction totale.

1488. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Il n’en a pas été ainsi de Scott, qui, pour être de la même famille, ne possédait d’ailleurs ni leur vigueur de combinaison, ni leur portée philosophique, ni leur génie de style. […] C’est pour cela que les grands génies dramatiques doivent unir tous les éléments de l’âme humaine à un plus haut degré, mais dans les mêmes proportions que le commun des hommes ; qu’ils doivent posséder un équilibre moyen entre des doses plus fortes d’imagination, de sensibilité, de raison.

1489. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Dès lors, on comprend à quoi servent les cinq cents millions de cellules et les deux milliards de fibres de notre écorce cérébrale ; grâce à leur multitude, notre mémoire est pleine de clichés ; c’est pour cela qu’un cerveau humain peut posséder une ou plusieurs sciences complètes, cinq ou six langues et davantage, se rappeler des myriades de sons, de formes et de faits. […] Landry, Paralysies, 47. « On peut diviser la moelle perpendiculairement à son axe en deux, trois, quatre, ou en un plus grand nombre de segments, sans apporter de modification dans les phénomènes auxquels elle participe. — Chacune de ces parties, anatomiquement constituée comme l’organe entier, possède isolément les mêmes facultés.

1490. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Il en possède les motifs, l’espèce, les suites, comme un naturaliste ses classifications. […] Avoir possédé un tel amour est la bénédiction unique.

1491. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Lundi 9 février Une chose providentielle, chez l’homme — et surtout chez l’homme intelligent — c’est le mépris qu’il a pour les facultés qu’il ne possède pas. […] Là dedans, entre un lit, une chaise et une table, trois uniques objets : 1º une malle, où sont collectionnés tous les articles, où on le traite de drôle, et qu’il relit pour s’exalter ; — 2º une forme pour ses souliers que déforment ses monstrueux oignons, et qu’un cordonnier charitable lui a donnée ; — 3º une petite boîte en fer-blanc, dans laquelle il va chercher son manger chez un rôtisseur du quartier, selon le jour — et il possède parfaitement cette notion — selon le jour, où le rôtisseur d’à côté sert une plus grosse portion, que le rôtisseur de la rue voisine.

1492. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Sans doute, les enfants « ont des images avant d’avoir des idées35 », et le langage visible se développe avant le langage des sons ; sans doute aussi, puisque « la vue est le sens de l’imagination et des corps, l’ouïe celui de l’entendement et des idées36 » les sourds-muets « ne pensent que par images » et « n’ont point d’idées37 » ; les aveugles n’ont point d’images, ne pensent que des idées, au moyen de la seule parole intérieure, et ne peuvent arriver à bien connaître les corps38 ; mais l’homme adulte et pourvu de tous ses sens, « sain d’esprit et de corps » possède un double langage intérieur, qui devient simple lorsque sa pensée se détache des objets sensibles et particuliers pour s’élever jusqu’aux idées. […] I, Ed. du Cerf, 1984, p. 739 : l’article 7 de la question 84 cité par Egger porte sur la question suivante : « l’intellect peut-il avoir une connaissance en acte, au moyen des espèces intelligibles qu’il possède, sans recourir aux images ? 

1493. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Ce dernier extrait, si saisissant, si terrible, offre comme le verront ceux qui ont lu le livre achevé quelques variantes avec le texte définitif ; nous en possédons l’autographe, qui présente cette particularité que M.  […] J’ai vraiment bien mérité de posséder ce bijou qui peut compter parmi les chefs-d’œuvre de Greuze. […] Le brave garçon n’avait nul besoin de permission, puisque la toque du professeur, comme celle de l’avocat, jouit d’une immunité que ne possède point le chapeau. […] Mais posséder les vernis, ce n’est rien ! […] Enfin, nous possédons deux journaux dont les rédacteurs s’injurient dans le style le plus provençal, et qui, de temps en temps, quittent la plume pour se donner des coups de canne.

1494. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

À côté d’elle, Paüra, son inséparable amie, type charmant de la sauvagesse, avec son étrange laideur ou son étrange beauté, — tête à manger du poisson cru et de la chair humaine, singulière fille qui vit au milieu des bois dans un district lointain, — qui possède l’éducation d’une miss anglaise, et valse comme une Espagnole… Titaüa, qui charma le prince Alfred d’Angleterre, type unique de la Tahitienne restée belle dans l’âge mûr ; constellée de perles fines, la tête surchargée de reva-reva flottants. […] Même ses crimes lui donnaient tout à coup sur mes sens un charme ténébreux, et ce souvenir de l’avoir possédée devenait une chose absolument troublante. […] Octave Feuillet est un de ces rares écrivains que les engouements passagers pour telle ou telle forme n’ont jamais fait broncher de leur chemin ; il a eu le bonheur, en naissant romancier, d’avoir des idées saines et de posséder la langue qui convenait le mieux à les exprimer ; chose rare aujourd’hui où la plupart de ceux qui croient avoir des idées les émettent dans un incroyable argot, et où ceux qui n’en ont pas font des professions de foi et rejettent leur indigence sur le souci de la forme et de la vérité. […] Écoute ce qu’il dit : il parle de la société qu’il représente et qui a des milliards maintenant ; il parle des acquisitions qu’elle a faites récemment à grands frais et qui lui deviendraient inutiles si elle ne possédait pas le canon de Claude pour les défendre et en faire de nouvelles ; il dit : Nous ne sommes pas des barbares, et il promet de remercier la Providence, publiquement en temps et lieu […] L’idée de cette mort, qui m’avait tant de fois fait frémir quand nous la possédions, me parut un rêve quand elle fut arrivée.

1495. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Non, ce n’était pas du Voltaire, parce que Voltaire était sincère, passionné, possédé jusqu’à son dernier soupir du désir de changer, d’améliorer, de perfectionner les choses autour de lui ; parce qu’il avait le prosélytisme du bon sens ; parce que, jusqu’à sa dernière heure, et tant que son intelligence fut présente, il repoussait avec horreur ce qui lui semblait faux et mensonger ; parce que, dans sa noble fièvre perpétuelle, il était de ceux qui ont droit de dire d’eux-mêmes : Est deus in nobis  ; parce que, tant qu’un souffle de vie l’anima, il eut en lui ce que j’appelle le bon démon, l’indignation et l’ardeur.

1496. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Marot, dans sa jeunesse, était le meneur et l’âme de cette société des Enfants sans souci ; folle bande directement organisée pour le vaudeville et les chansons ; mais c’est à partir de 1733 qu’on peut suivre presque sans interruption la série des dîners joyeux, et qu’on possède les annales à peu près complètes de la gastronomie en belle humeur.

1497. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

pourquoi tous nous considèrent-ils comme des dieux, et à quel titre, aux rives du Xanthe, possédons-nous notre grand domaine, riche en vergers et en terres fécondes ?

1498. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Dans une génération où chacun presque possède à un haut degré la facilité de saisir et de comprendre ce qui s’offre, son caractère distinctif, à lui par-dessus tous, est encore la compréhension, l’intelligence.

1499. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

D’autres auront possédé l’empire plus longtemps, aucun ne l’aura résigné avec plus de stoïcisme.

1500. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

L’envie n’est autre chose que le sentiment de quelque qualité qu’un autre possède et qui manque en nous.

1501. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Mais, toi, Seigneur, tu possèdes Ta propre immortalité ; Tout le bonheur que tu cèdes Accroît ta félicité.

1502. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Le domaine paternel, détaché des immenses domaines de mon grand-père, n’était pas considérable par son étendue, mais nous possédions en réalité tout le pays circonvoisin et toutes les familles rurales par la vieille affection qu’on portait au nom de mon père, aux vertus de ma mère, aux grâces naissantes de mes sœurs.

1503. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il est de plus possédé d’un éternel ennui.

1504. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Chacun arrive avec sa liste, ses candidats, et il serait impossible de ne pas tomber d’accord parce que le meilleur livre n’est pas celui qui vous plaît ou flatte vos manies ; c’est celui qui s’impose et vous hante malgré vous, celui qui possède le don, vous subjugue, celui dans lequel un dieu passe !

1505. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Enfin, à tous ces avantages du caractère de la condition, du spectacle d’un siècle laborieux et agité, qui vécut de toutes les vies, Montaigne joignait une qualité qu’aucun autre écrivain de son temps n’a possédée à ce degré où elle est la marque même du génie, je veux dire la modération.

1506. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Tout ce qui mérite l’estime des hommes s’y trouve réuni : unité, consistance, fierté sans morgue ; un homme qui n’a pas toute l’ambition de ses talents ; pauvre et gardant un grand air ; l’agent d’un roi sans royaume, qui fait respecter dans son maître la dignité du malheur par la façon dont il fait respecter sa propre gêne ; aimable, civil, mêlé aux affaires sans en être possédé ; ayant, lui aussi, ses retraites et sa solitude, mais dans sa pensée tranquille, dans sa conscience de chrétien, dans les affections de la famille, si favorables à la recherche et à l’expression de la vérité.

1507. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

On croyait que, comme chef, il était dépositaire de la force de son sang, qu’il possédait éminemment les dons de sa race, et qu’il pouvait, avec sa salive et ses attouchements, la relever quand elle était affaiblie.

1508. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

S’il connaît une branche de la civilisation en un moment et en un pays donnés, il possède là de quoi prévoir et retrouver les caractères principaux des autres branches en ce moment et en ce pays.

1509. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Il dépense des millions tous les ans en achats de tableaux et de sculptures et en créations et dotations de musées, et toujours on nous ressasse les oreilles de l’influence sur le goût et sur la culture du peuple que ces choses doivent exercer ; il n’en est rien cependant, — « lorsque l’art allemand se releva de sa profonde décadence à la fin du siècle passé, il n’y avait point de musées ; aujourd’hui que chaque ville en possède, la peinture allemande tombe dans la plus absolue inanité… Pourquoi du reste l’état n’achète-t-il pas des romans, et ne commande-t-il pas des valses ? 

1510. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Le segment cérébral possède les organes de la parole et les traits du visage, par lesquels il peut communiquer ses sensations aux autres ; tandis que le segment spinal n’a aucun moyen semblable de communiquer ses sensations.

1511. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Alors, l’actrice démasque subitement, comme une batterie de réserve, deux millions représentés par des terrains qu’elle possède aux Champs-Elysées.

1512. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Ce que nous possédons, ce que nous avons ou, pour mieux dire, ce que nous sommes n’est pas primitivement un but.

1513. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Elle possédait toutes nos manies.

1514. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Nous ne possédons aucun autre critère qui puisse, même partiellement, suspendre les effets du précédent.

1515. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Seulement, cette imagination verbale, qu’il possède à un si étonnant degré, est comme toutes les grandes puissances, qui tournent à mal et à vice.

1516. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Mais, à ce moment, la farouche Gunhild, qui écoutait derrière la porte, apparaît et dit : « Jamais Erhart ne portera ce nom… Et je ne lui veux pas d’autre mère que moi… Seule je posséderai le cœur de mon fils. […] Il possède, au plus haut point, le don de nous intéresser à d’humbles existences, humblement tourmentées ; cela, sans nulle sensiblerie, même sans aucune sensibilité avouée, et aussi sans « effets » de style, et enfin sans combinaison artificielle d’événements, rien que par la minutieuse, lucide et imperturbable accumulation de très humbles détails familiers. […] C’est que, explique-t-il à Henriette, s’il n’avait pas opéré le sauvetage, « il ne se serait pas cru digne de la posséder !  […] Vautour est à la fois de celles qu’une âme vraiment bourgeoise admet le moins (si elle possède elle-même des immeubles), et qu’elle est le plus capable de comprendre. […] Enfin, Geoffroy, qui ne possède que peu la sensibilité inventive des critiques impressionnistes, n’a pas non plus l’imagination constructive des critiques philosophes.

1517. (1890) Nouvelles questions de critique

Gaston Paris, trop aisément satisfait des plaisirs que procure au véritable érudit « l’investigation en elle-même », ou, comme l’a dit quelqu’un, « la pensée du travail que les autres feront plus tard », ne s’est pas assez soucié de justifier aux yeux du grand public l’incontestable autorité qu’il possède. […] Voilà donc des pièces capitales dont le manque s’y fait chaque jour sentir ; et voilà des travaux dont l’achèvement importerait un peu plus à l’objet qu’ils poursuivent, que le point de savoir à quel endroit précis d’une rue de Paris est né Molière, ou même si c’est sa vraie mâchoire que possède le musée de Cluny. […] C’est là qu’il s’en trouvera qui possèdent enfin la littérature du moyen âge, langue d’oc et langue d’oil, comme à l’Académie française la littérature classique ; et qui seuls en sauront tirer ce qu’elle peut rendre de services à l’histoire de la langue. […] Pellissier, quand il vient au détail, et tout en faisant honneur à Chateaubriand de quelques qualités que notre prose possédait peut-être avant lui, ne lui ferait pas tort aussi de quelques-uns de ses défauts. […] Nous sommes à la veille aujourd’hui d’une transformation nouvelle ; et l’on dirait qu’après s’être approprié les moyens de la peinture, jusqu’à les posséder aussi bien ou mieux que les peintres eux-mêmes, la littérature veuille s’emparer maintenant de ceux de la musique.

1518. (1895) Hommes et livres

On n’étudie l’évolution de la tragédie, que parce qu’il y a certaines tragédies qui possèdent un caractère éminent de beauté : pour les mieux connaître et comprendre, nous nous intéressons à cent autres qui les ont précédées, reliées ou suivies, et qui, directement, par elles-mêmes, seraient absolument dénuées d’intérêt. […] Félix et Thomas Platter à Montpellier (1552-1537 — 1595-1599) On ne se doute guère à Paris des passions qu’a déchaînées en province le projet de loi sur la constitution des Universités, de l’anxiété avec laquelle les villes qui possèdent actuellement des Facultés attendent le vote des Chambres, des efforts qu’elles tentent chacune de son côté, pour trouver leur avantage particulier dans ce vote. […] Il me fit cadeau d’un écu valaisan, frappé sous le cardinal Mathieu Schinner ; je le rapportai à la maison plusieurs années après ; manière me donna aussi une couronne Enfin mon père me fit les recommandations les plus sévères ; je ne devais pas me faire illusion sur ma qualité de fils unique ; il avait beaucoup de dettes, quoique son bien en couvrît le montant : je devais étudier avec zèle, afin d’arriver à bien posséder mon art… Il me promettait, d’ailleurs, de ne pas m’abandonner. […] Celui qui se sent né pour chercher la vérité par sa raison se débarrasse de la croyance comme d’une entrave, et celui qui croit posséder la vérité par la foi n’ose manier hardiment le dangereux outil de la critique. […] Le meilleur moyen d’éviter la tentation d’avoir une « enseigne », c’est assurément de ne posséder point de marchandise.

1519. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Nul autant que lui n’a su la propriété des termes, n’a possédé les ressources et les nuances de la synonymie. […] Nul pourtant, ce premier moment passé, n’aurait été plus désigné que lui pour le travail du Dictionnaire ; de la lignée de Girard, Beauzée et Dumarsais, il les résumait en les étendant ; il avait, on l’a dit, la balance d’un honnête joaillier d’Amsterdam pour peser les moindres mots ; il en possédait l’exacte valeur, l’acception définitive dans la durée des deux grands siècles, et surtout du xviiie  ; précisément ce que Nodier, qui savait tant de choses d’avant et d’après, savait le moins.

1520. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Je vous assure, mon ami cher et vénéré, que je suis plus malheureux que je ne l’ai jamais été. » Nous saisissons l’aveu : La Fayette, avant tout, possède à un haut degré l’amour de l’estime, le besoin de l’approbation, le respect de soi-même ; ce qui est bien à lui, c’est, dans cette affaire du Canada et dans plusieurs autres, d’avoir sacrifié son désir de noble gloire personnelle à un sentiment d’intérêt public. […] Il la sacrifia dans certains cas à ce qu’il crut de son devoir et de ses serments (ce qui est très-méritoire)  ; mais, par une sorte d’illusion propre aux amants, il ne crut jamais la sacrifier tout entière ni la perdre sans retour ; il mourut bien moins en la regrettant qu’en la croyant posséder encore.

1521. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

J’aime encore mieux le comparer à un musicien : de même que l’auteur d’un opéra-comique répète sur différents tons avec des instruments divers un motif favori, Molière reproduit ses mélodies en style sérieux, en style bouffon, jusqu’à ce que l’esprit pleinement satisfait les possède tout entières dans leurs plus petits détails. […] 416 l’honnête homme possède d’instinct la tactique et la diplomatie des salons.

1522. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Non-seulement il saisit familièrement et vigoureusement chaque objet, mais encore il le décompose et possède l’inventaire de ses détails. […] Quand il rencontre le ridicule, il ne s’amuse pas à l’effleurer, il l’étudie ; il y pénètre gravement, il le possède à fond, il en sait toutes les subdivisions et toutes les preuves.

1523. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Graux : « la traduction d’Amyot possède une véritable valeur philologique ». — Que ce point est d’ailleurs ici secondaire ; — et que ce qui nous importe, c’est la forme du Plutarque d’Amyot. — Naïveté, naturel, grâce et force de la traduction d’Amyot. — Comparaison de quelques endroits d’Amyot avec les endroits correspondants de Rabelais [dans son Pantagruel, III, chap.  […] 2º Le Pamphlet ; — et qu’il n’en faut exagérer ni le mérite, qui est tout à fait secondaire, ni la hardiesse, ni les conséquences. — La Satire n’a point « donné la France à Henri IV », puisqu’elle a paru en 1594, et que la guerre civile n’a été pacifiée qu’en 1598 ; — il n’y a point de hardiesse : 1º à se mettre cinq pour écrire un livre, et nous savons assez que la division des risques est le principe même de l’assurance ; — il n’y en a pas non plus : 2º à garder l’anonyme ; — et 3º à avoir publié un pamphlet de cette nature neuf mois après la conversion, et trois mois après la rentrée d’Henri IV à Paris. — Toute la bravoure des auteurs ne consiste donc qu’à avoir royalement injurié des gens à terre et que d’ailleurs ils n’avaient pas eux-mêmes renversés. — Les auteurs de la Ménippée : Pierre le Roy, Gillot, Nicolas Rapin, Jean Passerat, Florent Crestien et Pierre Pithou : — et qu’ils n’ont pas fait preuve en se coalisant d’un talent qu’aucun d’eux ne possédait personnellement. — Il y a d’ailleurs dans quelques passages de la Satire une certaine verve de caricature ; — de satire même ; — et presque d’éloquence [Cf. la Harangue, souvent citée, du lieutenant civil Dreux d’Aubray]. — Mais on n’y trouve pas ombre d’élévation ni de noblesse ; — ce sont des bourgeois furieux d’être gênés dans leurs plaisirs ; — ce sont aussi de grands ennemis des Jésuites ; — et ils ont sans doute aimé leur patrie ; — mais la Satire Ménippée n’en est pas moins à rayer du nombre des « grands monuments de l’esprit français ».

1524. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Il possède les secrets du père, jusques et y compris ceux qu’un homme prudent ne confie qu’à lui-même ; il médite, il combine les moyens de chasser et de déshériter le fils de la maison ; il a promesse d’épouser la fille ; il cajole, et je pense qu’il croit déjà tenir la femme elle-même ; et chaque tentative que l’on fait pour le démasquer ou pour le déloger ne réussit qu’à l’ancrer davantage, plus profondément et plus solidement, dans l’affection d’Orgon. […] Pareillement, celui-là seul est un ambitieux, qui tend de tout son effort vers la gloire ou vers le pouvoir, qui rêve de faire voler son nom dans les bouches des hommes, ou de posséder quelque fonction qui le constitue en autorité par-dessus ses semblables, — ne fût-ce qu’à titre de maire de son village ou de juge de paix. […] Les Grecs et lui ont seuls possédé le grand secret de l’art de Melpomène.

1525. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Un travail compliqué se faisait aussi dans ma tête ; sans doute, on avait tâché de me faire comprendre ce qu’était d’être riche ou pauvre, de posséder un jardin, des maisons, un chat jaune, ou de ne rien posséder du tout. […] Elle est possédée du démon. […] Nous ne soupçonnions pas que, sous cet air inoffensif, elle cachait de redoutables qualités, qu’elle était très savante, possédait des diplômes, et avait déjà été institutrice.

1526. (1887) George Sand

La volupté et l’ambition l’ont touché, elles le posséderont à jamais. […] On la voyait vivement préoccupée d’une idée de roman, possédée par son sujet, à tel point que tous ceux qu’elle avait traités auparavant semblaient ne plus exister pour elle, et, quelque temps après, elle avait hâte de dire adieu à ses personnages les plus chers d’un jour. […] On échappait difficilement, quand on venait à Nohant, à cette douce manie dont toute la maison était possédée. […] D’autres fois, c’était la botanique qui la possédait : « Ce que j’aimerais, ce serait de m’y livrer absolument ; ce serait pour moi le paradis sur la terre. » N’était-ce pas encore un travail de ce genre que ces excursions annuelles qu’elle entreprenait à travers la France ?

1527. (1802) Études sur Molière pp. -355

Honneur aux comédiens qui la possèdent, honneur à ceux qui l’ont embellie ; mais je demanderai si l’amour-propre de quelques acteurs, la manie d’avoir plus d’esprit que l’auteur, le désir de vouloir être original, la fureur d’être applaudi par la multitude, nous l’ont conservé bien pur, ce dépôt précieux ? […] — Réflexion à perte de vue. — Pour qui ne l’a pas bonne. — Vous devez au moins avoir été content de Cléante ; on voit qu’il possède bien les rôles de raisonneur. — Oui, s’il savait les diversifier, et sentir que le raisonneur du Tartuffe, très différent de tous ceux de Molière, est plus noble et plus fort en raisonnements. — Vous êtes difficile. — Quelquefois moins que vous, puisque vous avez paru mécontent de la manière dont Tartuffe a fait sa déclaration. — Oui ; il ne m’a pas fait rire. — À la vérité, ses pieds n’ont pas disparu sous les jupons d’Elmire ; il n’a pas pressé ses doigts, son genou, et manié son fichu avec la maladresse d’un insolent qui veut brusquer, et non séduire ; et madame Préville n’aurait point été forcée de lui dire tout bas, comme à Augé : « Si nous n’étions pas sur la scène, je t’appliquerais le plus beau des soufflets !  […] Vous devez des éloges au seul de nos Orgon qui possède son Molière ; il a non seulement varié avec intelligence ces quatre exclamations, le pauvre homme ! […] Molière possédait si bien l’art de s’approprier tout ce qu’il trouvait digne de lui !

1528. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Nous retrouvons là très visibles et dans leur lustre des qualités et des avantages que Fléchier contribua certainement à développer et qu’il possédait lui-même avec modestie. — C’est dans les conversations de ce M. de Caumartin devenu vieux, et pendant un voyage qu’il fit chez lui au château de Saint-Ange, que Voltaire jeune se prit d’un goût vif pour Henri IV et pour Sully, dont le vieillard ne parlait qu’avec passion ; il en rapporta l’idée et même des parties commencées de sa Henriade.

1529. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

1835 Autrefois dans les temps antiques, ou même en tout temps, à un certain état de société commençante, la poésie, loin d’être une espèce de rêverie singulière et de noble maladie, comme on le voit dans les sociétés avancées, a été une faculté humaine, générale, populaire, aussi peu individuelle que possible, une œuvre sentie par tous, chantée par tous, inventée par quelques-uns sans doute, mais inspirée d’abord et bien vite possédée et remaniée par la masse de la tribu, de la nation.

1530. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Mme de Longueville le pleura comme si elle l’eût encore possédé.

1531. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Ce qui la règle dans un corps vivant, c’est d’abord sa tendance à manifester un certain type primordial, ensuite la nécessité où il est de posséder des organes qui puissent fournir à ses besoins et de se trouver d’accord avec lui-même afin de vivre.

1532. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

La puissance de résignation qu’il possédait lui donnait cette puissance d’impartialité, sous le fer même du parti qui le sacrifiait.

1533. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Il possédait plusieurs langues.

1534. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

— Est-ce que vous ne possédez aucun objet de petit prix à faire vendre pour vous procurer un petit adoucissement de plus pour le petit qui est si maigre ?

1535. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Hyeronimo me dit à son aise que le moine ne m’avait pas blâmée de ma ruse, qu’il ne la trahirait pas jusqu’après sa mort ; qu’il avait un faible espoir d’obtenir, non sa liberté, mais sa vie de monseigneur le duc, si ce prince, qui était à Vienne en Autriche, revenait à Lucques avant le jour marqué dans le jugement pour l’exécution ; mais que si, malheureusement, retardait son retour dans ses États, personne autre que le souverain ne possédait le droit de grâce, et qu’il n’y avait qu’à accepter la mort de Dieu, comme il en avait accepté la vie ; que, dans cette éventualité terrible, le père Hilario le confesserait au dernier moment, lui donnerait le sacrement et ne le quitterait pas même sur l’échafaud, jusqu’à ce qu’il l’eût remis pardonné, sanctifié et sans tache entre les mains de Dieu.

1536. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie, ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon cœur.

1537. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Ils ont vécu, ce Raoul qui, se faisant adjuger par le roi Louis l’héritage de Herbert de Vermandois, envahit le pays qu’il veut posséder, saccage et brûle, un vendredi saint, la ville d’Origny, avec son monastère et ses nonnes, qu’il promettait tout à l’heure d’épargner, qui, tout échauffé de cette atroce exécution, tout joyeux et de grand appétit, n’ose manger de la viande, quand son sénéchal en se signant lui remémore qu’« il est carême » ; ce Bernier, écuyer de Raoul, fils d’un des quatre fils de Herbert, qui, fidèle à la loi féodale, suit son maître contre son frère et ses oncles, voit sa mère brûlée sous ses yeux dans le monastère où elle s’est retirée, et renonce seulement son hommage quand Raoul, échauffe par le vin, l’a à demi assommé pour avoir trop haut regretté l’incendie de son pays et la mort de sa mère.

1538. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Tandis que la poésie chevaleresque devient chaque jour plus froide, ou plus extravagante, un homme lui donne sur son déclin une perfection fugitive et la grâce exquise des choses frêles : c’est le prince Charles d’Orléans121, le fils de Valentine de Milan, demi-italien de naissance, et qui, du privilège de sa race plus que par une studieuse assimilation, posséda l’art des formes sobres et charmantes.

1539. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

L’artiste, habitué à regarder, et pour qui toutes choses semblent « se transposer » et n’être plus, à un certain moment, « qu’une illusion à décrire »36, observe malgré lui ce qu’il sent, n’en est pas possédé, démêle et se définit son propre état, trouve peut-être quelque « divertissement »37 dans cette étude, et tantôt accueille la pensée que tout est nuance et spectacle et que tout, par conséquent, est vanité, tantôt songe qu’il y a dans son cas quelque chose de commun à tous les hommes et aussi quelque chose d’original et de particulier qui, traduit, transformé par le travail de l’art, pourrait intéresser les autres comme un curieux échantillon d’humanité.

1540. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Ces trois éléments doivent rester dans une dépendance réciproque et rigoureuse sans se nuire ; mais l’unité qui les assemble possède une élasticité plus grande qui permet au poète de les faire plus sûrement converger vers leur but de Beauté.

1541. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Il possédait à fond la doctrine de Gesenius et d’Ewald, et la discutait savamment sur plusieurs points.

1542. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

On y lisait en toutes lettres : « Aime-moi, et ne t’afflige pas si quelque autre me possède. » Ce qui choquerait plus encore si l’émotion, à ce moment palpitant du drame, vous permettait de juger, c’est le moyen qu’emploie Marguerite pour tenir la promesse qu’elle a faite à M. 

1543. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Un ami à moi, est très énamouré d’une juive de la grande société, désirant posséder un de ces chênes nains de cent cinquante ans, qui tiendrait dans le pot de terre d’un rosier.

1544. (1772) Éloge de Racine pp. -

C’est là sans doute posséder la science des couleurs locales, et l’art de marquer tous les sujets d’une teinte particulière qui avertit toujours le spectateur du lieu où le transporte l’illusion dramatique.

1545. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

De plus, madame Gay, après avoir possédé une opulente fortune, était tombée dans une médiocrité d’existence qu’elle ne soutenait que par le travail littéraire, souvent si mal rémunéré ; elle craignait la pauvreté après elle pour cette enfant : elle pouvait penser que le double talent de la mère et de la fille, et leur double travail, apporteraient un peu plus d’aisance à la maison, que sa fille se ferait avec ses vers une propre dot de sa gloire.

1546. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Baudelaire, profondément imagée, vivace et vivante, possède à un haut degré ces qualités d’intensité et de spontanéité que je demande au poète moderne.

1547. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

C’est que, prise dans son ensemble, la France est toujours la reine des nations ; c’est que, nulle part, les succès ne font autant de bruit ; c’est qu’une jeunesse ardente et instruite fermente suries bancs de ses universités ; c’est enfin qu’au milieu même de ce monde si prosaïque et si superficiel, se trouvent peut-être cinq cents personnes, femmes et hommes, dont l’âme est aussi poétique et aussi rêveuse que dans les montagnes de l’Écosse ou sur les bords de l’Arno, et qui ne possèdent pas moins cette promptitude de conception, ce jugement sain, cette délicatesse de tact que rien n’égale et ne remplace chez les autres peuples.

1548. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

C’est nous, les derniers venus d’ici-bas, qui avons blanchi sous le faix de la science et des sensations de la vie, c’est nous qui pouvons posséder dans toute sa force et sa plénitude cette vertu de bonhomie, inhérente à tous les talents, qui nous prend le plus à la poitrine et qui rend humain l’idéal !

1549. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Mais encore faut-il que nous possédions ces images motrices.

1550. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Celui qu’un peu trop tôt peut-être j’avais nommé Basile, mais qui s’est empressé de faire tout ce qu’il fallait pour mériter ce nom, possédait une assez jolie gloire. […] La critique est un art, au service duquel toute la science du monde est appelée ; mais elle est si peu une science qu’elle ne possède pas même une méthode ayant des règles sûres pour la garantir de l’erreur. […] Ce n’est pas le témoignage logique et concluant qui engendre la conviction dans l’esprit, c’est d’entendre parler le langage naturel à la conviction48. » Et de là vient que l’autorité ne se perd pas, quelques preuves d’ignorance, d’erreur ou d’ineptie qu’ait données l’homme qui la possède. […] Elle doit être « bête », c’est-à-dire outrée, sans nuance, sans mesure, sans esprit, sans pudeur, hyperbolique, énorme : « L’ouvrage le plus curieux qui ait paru depuis une trentaine d’années, c’est… (ici le titre en caractères gras) ; tout le public lettré voudra lire et posséder ce chef-d’œuvre d’érudition, de philosophie et d’humour. […] Mais sur cette sainte on ne possède aucun document, et pour cause : durant les premiers siècles du christianisme, on figurait souvent, dans les églises, une tête de Christ peinte sur une draperie que tenait déployée une femme, symbole de la Foi.

1551. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Il y a déjà longtemps que les exactions de la cour romaine ont provoqué les réclamations publiques161 et que le haut clergé est impopulaire ; on se plaint que les plus grands bénéfices soient livrés par le pape à des étrangers qui ne résident pas ; que tel Italien inconnu en Angleterre possède à lui seul cinquante à soixante bénéfices en Angleterre ; que l’argent anglais coule à flots vers Rome, et que les clercs, n’étant plus jugés que par les clercs, se livrent à leurs vices et abusent de l’impunité. […] Quels jugements ces esprits sérieux et neufs en portèrent, avec quelle promptitude ils s’élancèrent jusqu’à la vraie religion de leur race, c’est ce qu’on peut voir dans leur pétition au Parlement173 : Cent trente ans avant Luther, ils disaient que le pape n’est point établi par le Christ, que les pèlerinages et le culte des images sont voisins de l’idolâtrie, que les rites extérieurs sont sans importance, que les prêtres ne doivent point posséder de biens temporels, que la doctrine de la transsubstantiation rend le peuple idolâtre, que les prêtres n’ont point le pouvoir d’absoudre les péchés.

1552. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Ils veulent bien accorder que votre compère Jean et votre compère Jacques parlent selon leur état ; mais ils ne s’amusent point de leurs pots à bière et de leurs guenilles701. » C’est pour eux maintenant qu’on doit écrire, et surtout pour les plus instruits702 ; car ce n’est pas assez d’avoir de l’esprit ou d’aimer la tragédie pour être bon juge : il faut encore posséder une solide science et une haute raison, connaître Aristote, Horace, Longin, et prononcer d’après leurs règles. […] Une sorte de vision possédait l’artiste ; les paysages et les événements se déroulaient dans son esprit comme dans la nature ; il concentrait dans un éclair tous les détails et toutes les forces qui composent un être, et cette image agissait et se développait en lui comme l’objet hors de lui ; il imitait ses personnages, il entendait leurs paroles ; il trouvait plus aisé de les répéter toutes palpitantes que de raconter ou d’expliquer leurs sentiments ; il ne jugeait pas, il voyait ; il était involontairement acteur et mime ; le drame était son œuvre naturelle, parce que les personnages y parlent et que l’auteur n’y parle pas.

1553. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Il posséda surtout, dans un degré supérieur, cette qualité qu’on croit vulgaire, et qui est si rare, cette qualité non moins utile au gouvernement des États qu’à la conduite de la vie, qui donne plus de tranquillité que de mouvement à l’âme, et plus de bonheur que de gloire à ceux qui la possèdent, ou à ceux qui en ressentent les effets : c’est le bon sens dont je veux parler ; le bon sens, dont l’orgueil a trop rejeté les anciennes règles, et qu’il est temps de réhabiliter dans tous ses droits. […] Il faut nécessairement que la philosophie ou madame de Staël se trompe : il faut que l’esprit humain, malgré la philosophie, puisse rester encore dans l’enfance avec une langue parfaitement analytique, ou qu’il se soit très développé, malgré madame de Staël, chez un peuple qui possédait une langue aussi parfaite.

1554. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Il n’y a pas d’idées qu’il ne puisse comprendre et s’assimiler aussitôt ; il les revêt immédiatement avec une élégance suprême ; elles semblent toutes mesurées à sa taille : il y a là un sortilège singulier ; on dirait qu’il possède, comme la marraine de Cendrillon, le don de transformer les choses en objets immédiatement utilisables ; il a touché à tout et tiré parti de tout ce qu’il a touché. […] Vallette eût manié supérieurement ce don, mais nous savons qu’il le possède : en écrivant de littérature, il faut regretter que la Vie soit intervenue et, d’un geste un peu satanique, ait renversé l’encrier sur la page commencée. […] Il est cependant une certaine dextérité manuelle qu’il faut posséder ; il faut être à la fois l’artisan et l’artiste, manier le ciseau et l’ébauchoir, et que la main qui a dessiné les rinceaux puisse les marteler sur l’enclume.

1555. (1930) Le roman français pp. 1-197

Tout cela, d’ailleurs, ne prouve rien, sinon que les hommes, à toutes les époques et dans toutes les sociétés, ont toujours possédé la même somme à peu près d’instincts bons ou mauvais ; mais cela ne doit pas faire oublier que — c’est incontestable — le xviie  siècle a été traversé par un vigoureux et fertile courant de rénovation religieuse, aussi bien en France que dans les pays protestants. […] … Saint-Preux, c’est Rousseau lui-même, Rousseau à la fois ingénu et bas, qui dit à Mme d’Houdetot — car le personnage de Julie est une synthèse de toutes les femmes qu’il a aimées et très peu possédées, Mlle Galley, Mlle de Graffenried, Mme Bazile, Mme de Larnage, Mme de Warens, mais surtout Sophie d’Houdetot : « Je ne vous demande pas d’abandonner votre amant Saint-Lambert (Wolmar, dans le roman), loin de moi cette pensée déshonorante, contraire à la “vertu” : mais aimez-moi aussi d’une autre manière : platonique tout en ne l’étant pas, éthérée mais sensuelle. » Tout cela est en somme assez plat, assez banal, et même écœurant. […] Une petite amie, Rarahu, qui n’est qu’une enfant, qui joue avec l’existence, et avec son amant, comme avec le chat qu’elle possède… Elle meurt, elle meurt comme Aziyadé, et c’est le seul fait notoire dans les deux romans. […] « Je voudrais posséder un beau jardin, et vivre à l’orée d’un bois. » Cette phrase de Sylvestre Bonnard est peut-être la seule, dans toute son œuvre, qui fasse allusion à la nature, et elle est d’un « homme des villes ».

1556. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Rome, la capitale du monde, possède, par la religion, ce qu’elle n’a pas soumis par ses armes (*). […] L’un faisoit saint François supérieur à Jesus-Christ même, parce qu’il avoit éclairé plus d’aveugles, redressé plus de boiteux, tant hommes que bêtes, chassé plus de diables des corps des possédés, & ressuscité plus de morts. […] Possédé de l’amour d’une femme, il s’enfuit à Genève. […] Il regardoit, comme un crime capital, dans le père Papebroch, d’avoir eu raison sur certains points, avec des écrivains tels que Gérard Vossius & Claude Saumaise ; d’avoir oublié, dans son Vestibule du mois de mai, l’année de l’impression ; d’avoir contesté aux carmes qu’ils se soient trouvés aux conciles tenus depuis l’an 448, & qu’ils aient possédé des couvens en Europe avant le quatorzième siècle.

1557. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

. — Le sentiment de la nature ; — et comment Lamartine n’a pas eu besoin de l’acquérir pour le posséder ; — en ayant été pénétré dès l’enfance. — Le sentiment religieux ; — et combien il est plus sincère chez Lamartine que chez Chateaubriand ; — ou du moins plus « natif » ; — et peut-être ainsi d’autant plus favorable à la poésie. — Noblesse naturelle de l’imagination de Lamartine. — Ses premiers vers [Cf. sa Correspondance] ; — et leur ressemblance avec ceux de Chênedollé ; — mais surtout de Parny. — L’Elvire des Méditations [Cf.  […] Les dernières années d’Hugo ; — et de la très grande influence politique et sociale qu’il a effectivement exercée, — non comme pair de France ; — ni comme député aux Assemblées de 1848 et 1850 ; — mais comme écrivain ; — par ses Châtiments, 1852 ; — par son Napoléon le Petit, 1853 ; — par ses Misérables, 1862 ; — ou, en d’autres termes, par la persistance de ses haines ; — et son habileté, peut-être inconsciente, à les identifier avec la cause du « progrès social ». ; — Des Misérables ; — et que l’idée première en est sans doute née du désir de passer en popularité les maîtres du « roman » feuilleton ; — l’auteur des Mémoires du Diable et celui des Mystères de Paris. — De l’esprit du roman ; — de l’art avec lequel y sont flattés les pires préjugés populaires ; — et, à ce propos, que si Victor Hugo n’est pas ce qu’on appelle un « penseur », — ses idées ont cependant plus de portée qu’on ne leur en attribue. — William Shakespeare, 1864 ; — et qu’en plus d’un point la critique n’a rien trouvé de mieux que quelques jugements ou quelques intuitions littéraires d’Hugo. — Les Travailleurs de la mer, 1566 ; — et qu’il s’y trouve des choses « profondes » ; — ce qui d’ailleurs est assez naturel ; — si, quand on possède au degré où il l’a possédé le don de l’« invention verbale », — on ne saurait associer diversement les mots, — sans associer diversement aussi les idées qu’ils expriment. — On ne saurait non plus traiter le « lieu commun » — sans toucher aux questions les plus générales qui intéressent l’humanité ; — et par exemple, on ne saurait développer le contenu des mots d’indépendance, — de liberté, — de patrie, avec les moyens d’Hugo, — sans mettre en lumière quelques aspects nouveaux des choses [Cf.  […] Cette observation nous ramène à la comparaison du rôle de Victor Hugo avec celui de Voltaire ; — et, sans insister sur ce « déisme — dont ils ont cru l’un et l’autre assurer d’autant plus solidement la fortune, — qu’ils traitaient l’un et l’autre plus injurieusement les religions positives, — on voit apparaître trois grandes différences. — La première est tout à l’avantage d’Hugo, qui est comme poète le plus « extraordinaire » de nos lyriques ; — et, dans ses chefs-d’œuvre, le plus grand écrivain que nous ayons en vers ; — tandis que de nombreux prosateurs sont au-dessus de Voltaire. — Mais en revanche Voltaire a possédé deux choses qui ont manqué à Victor Hugo, c’est à savoir : — une culture étendue, variée, solide, voisine en quelques points de l’érudition même ; — et, d’autre part, il ne s’est désintéressé d’aucune des manifestations de l’esprit de son temps ; — tandis que la curiosité de Victor Hugo est demeurée entièrement étrangère au mouvement « scientifique » et philosophique de son temps. — Et que c’est peut-être en cela qu’il est poète ; — si tous les grands poètes ont eu en général leurs regards tournés vers le passé ; — mais c’est aussi pour cela qu’ayant joué en apparence le même rôle que Voltaire, — il n’est cependant pas au même degré que Voltaire la « représentation » de son temps.

1558. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Elle savait à merveille la littérature anglaise et en possédait les poètes, les philosophes ; on la pourrait rapprocher elle-même d’Addison et de Johnson, ces grands critiques moralistes.

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