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1230. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Si idéal, si divin que soit le tableau, il garde encore du réel de la vie.

1231. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

C’est un défaut réel dont les écrivains doivent se préserver.

1232. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Cette certitude, cette confiance, si douce à la faiblesse, est souvent importune à la force ; la faiblesse se repose, la force s’enchaîne ; et dans la réunion des contrastes dont l’homme veut former son bonheur, plus la nature l’a fait pour régner, plus il aime à trouver d’obstacles : les femmes, au contraire, se défiant d’un empire sans fondement réel, cherchent un maître, et se plaisent à s’abandonner à sa protection ; c’est donc presque une conséquence de cet ordre fatal, que les femmes détachent en se livrant, et perdent par l’excès même de leur dévouement.

1233. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Elles ne supposent d’ailleurs, chez ceux qui s’y sont voués, que de la patience, une sagacité moyenne et le goût d’une certaine activité sans invention, qui peut fort bien s’allier à une réelle paresse d’esprit.

1234. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Rochefort déploie, à développer l’absurde, de remarquables qualités d’ordre et de méthode et une très réelle puissance d’imagination.

1235. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Il me semble pourtant que les sonnets antiques et épigraphiques sont les plus prestigieux, et que cette apparence correspond à quelque réelle qualité.

1236. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

On y voit une Marie-Antoinette réelle et naturelle, non exagérée.

1237. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Dès les premières semaines, on peut voir l’idée qu’il se faisait de l’état réel du parti par les conversations très belles et très sérieuses qu’il tint avec le duc de Bouillon, le frère aîné de Turenne, et la meilleure tête entre tous ces grands qui s’étaient mis de la faction.

1238. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Nul rapport, nul besoin réel entre les êtres qu’elle rassemble ; et l’esprit la rejette comme absurde.

1239. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Cette prétendue simplicité de l’anglais cache, relativement à notre idiome, une réelle indigence de formes.

1240. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Telle est la saillie du misantrope qui, rendant un compte serieux des raisons qui l’empêchent de s’établir à la cour, ajoute après une déduction des contraintes réelles et gênantes qu’on s’épargne en n’y vivant point.

1241. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Le cinique fut obligé de tomber d’accord que l’art du pantomime étoit un art réel.

1242. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Cet avantage serait, ce me semble, plus réel que celui que leur attribuait le fameux satirique du dernier siècle, admirateur aussi passionné des anciens, que juge sévère et quelquefois injuste des modernes1.

1243. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

On s’était battu dans une chambre avec la furie irlandaise, et le père de Sterne fut cloué au mur par l’épée de son adversaire, qui perça le mur et s’y enfonça…, si bien qu’embroché de cette rude manière, il demanda le plus poliment du monde à celui qui l’avait embroché, d’ôter le plâtre attaché à l’épée avant de le débrocher… Histoire réelle, qui enfile — comme l’épée enfila son père — toutes les histoires inventées par Sterne et racontées par l’oncle Toby et le caporal Trim dans le Shandy !

1244. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

« Le Dieu de la conscience n’est pas un Dieu abstrait, un roi solitaire, relégué par-delà la création sur le trône désert d’une éternité silencieuse et d’une existence absolue qui ressemble au néant même de l’existence ; c’est un Dieu à la fois vrai et réel, un et plusieurs, éternité et temps, espace et nombre, essence et vie, indivisibilité et totalité, principe, fin et milieu, au sommet de l’Être et à son plus humble degré, infini et fini tout ensemble, triple enfin, c’est-à-dire à la fois Dieu, nature et humanité. » Cours de 1828, p. 123. « L’unité en soi, comme cause absolue, contient la puissance de la variété et de la différence.

1245. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Camille Mauclair a écrit la transposition mystique : « Si chacun de ces frêles personnages errant dans un paysage d’or rose figurait un état du rêve, où allaient-ils tous, et qu’est-ce qui les incitait à tourner ainsi le dos, avec une obstination douce, à l’existence réelle d’où je les contemplais, pour s’aller perdre de mirage en mirage dans les zones successives de cette vaporeuse bleuité ?

1246. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

D’après ces principes, qu’on juge de la félicité réelle des peuples dans un règne de soixante-douze ans, où il y eut quarante-six ans de guerre.

1247. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Enfin, tout en se mêlant surtout aux choses réelles, à la majesté du culte, aux devoirs de la piété domestique, l’art des Grecs introduisit à Rome ces œuvres de l’esprit qui faisaient partie des fêtes de la Grèce, la mythologie dramatique, et jusqu’à la mélopée du théâtre d’Athènes, mais bien déchues de leur poétique grandeur.

1248. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

De la beauté épanouie et heureuse, nul souci ; ses corps nus ne sont que des corps déshabillés : épaules étroites, ventres proéminents, jambes grêles, pieds alourdis par la chaussure, ceux de son voisin le charpentier ou de sa commère la marchande de saucisses ; les têtes font saillie sur le cuivre infatigablement rayé et fouillé, sauvages ou bourgeoises, souvent ridées par la fatigue du métier, ordinairement tristes, anxieuses et patientes, âprement et misérablement déformées par les nécessités de la vie réelle. […] Un chaudronnier a nié la présence réelle. […] Il est familier, parfois plaisant, et toujours si précis, si imbu des événements réels et des particularités de la vie anglaise, qu’on peut tirer de ses sermons une description presque complète des mœurs de son temps et de son pays. […] Chez le prédicateur comme chez le poëte, comme chez tous les cavaliers et tous les artistes de l’époque, l’imagination est si complète qu’elle atteint le réel jusque dans sa fange, et l’idéal jusque dans son ciel. […] Le géant Désespoir, simple abstraction, devient aussi réel entre ses mains qu’un geôlier ou un fermier d’Angleterre.

1249. (1929) Amiel ou la part du rêve

Ma timidité extraordinaire, ma gêne avec les femmes, mes violents désirs, les ardeurs d’imagination dans la première adolescence, puis l’éternelle disproportion entre la vie rêvée et la vie réelle, ma funeste pente à me séparer des goûts, des passions, des habitudes de ceux de mon âge et de mon sexe… Et voilà ! […] À l’étroitesse réelle du pays et du milieu genevois, se joignit pour lui celle de la cloche pneumatique où il se croyait enfermé (Töpffer eût montré dans une caricature le Journal de Genève à la pompe). […] C’est le dessous que leur font ceux qui ont réussi. « Le Livre d’Or, dit Amiel, ne contient qu’une partie des génies réels ; il ne nomme que ceux qui ont fait volontairement l’effraction de la gloire. » Teste va plus loin.. […] Ce serait étrange et contradictoire si Teste n’était géomètre et mécanicien, si, à cette précision de l’œuvre extérieure et construite, son génie n’avait substitué une autre précision, celle d’une pensée qui est arrivée à ne rien penser de vague, d’une langue qui est censée ne rien dire de vague, si l’action enfin n’était remplacée chez lui par une algèbre de l’action, l’œuvre réelle par une mécanique abstraite de l’œuvre, la technique par une caractéristique. « Je n’apprécie en toutes choses, dit Teste, que la facilité et la difficulté de les connaître, de les accomplir. […] Léon Brunschvicg, en son Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale, appelle le Problème d’Amiel, auquel il donne le nom de problème de l’achronie intérieure, et qu’il engage dans une opposition avec le problème bergsonien de la durée réelle.

1250. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

D’autres, par exemple Victor Hugo, voient intérieurement, avec une netteté parfaite et un relief étonnant, les couleurs et les formes : les objets réels qui subsistent dans la nature n’ont point de traits plus marqués ni de détails plus achevés que les objets fantastiques qui traversent leur cerveau. […] Il affirme la chose comme si elle était réelle et présente ; pour lui, en effet, elle est réelle et présente ; et il ne la verrait pas mieux, si elle était en ce moment devant ses yeux. […] Ils n’ont rien vu dans le monde réel ni dans le monde imaginaire qui les opprimât de sa grandeur. […] Saint-Simon est un poète épique ; le pour, le contre, les partis mitoyens, l’inextricable entrelacement et les prolongations infinies des conséquences, il a tout embrassé, mesuré, sondé, prévu, discuté ; le plan exact du labyrinthe est tout entier dans sa tête, sans que le moindre petit sentier réel et imaginaire ait échappé à sa vision. […] La vie réelle semblait un songe.

1251. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Une telle manière de faire a des avantages qui me paraissent très réels. […] Il faut donc soustraire 4 centimètres cubes des 169 centimètres cubes que nous avions tout à l’heure, ce qui réduit à 165 centimètres cubes la quantité réelle de liquide sucré pour 20 grammes de tissu frais du foie. […] Les phénomènes de l’hibernation chez les marmottes s’annoncent cinq ou six jours avant le sommeil réel par une perte complète d’appétit. […] En vous faisant suivre ainsi les variations que subissent nos manières de voir sur les phénomènes physiologiques, à mesure qu’il s’en présente de nouveaux, vous comprendrez mieux l’espèce de rapport que nous avons voulu établir au commencement de ce cours entre les théories toujours subjectives, et les faits qui sont seuls réels. […] Tantôt cette idée à priori reposera sur un certain nombre de faits réels, tantôt sur des conceptions purement métaphysiques.

1252. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Peu de gens aujourd’hui voudront donner à ce mot un sens réel et positif ; oseront-ils cependant affirmer qu’une génération consent à livrer une bataille de plusieurs années pour un drapeau qui n’est pas un symbole ? […] Il faut supposer qu’il s’occupe davantage de la nature dans les sujets qui font sa spécialité ; car ses études de chiens courants sont plus réelles et plus solides. […] Ce tableau dénotait une science réelle de composition et une connaissance approfondie de tous les maîtres italiens. […] Arondel, dont le mérite principal est une bonhomie réelle.

1253. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Ainsi, chevalerie sentimentale, esprit armé en guerre, placage mondain : telles sont les trois phases par où madame de Girardin a passé, et qui ont tour à tour marqué, dans son talent très réel d’ailleurs, leur date et leur trace. […] Joseph Autran avait mieux fait que révéler un progrès très réel dans sa manière. […] Ce qui en résulterait, dans la vie et dans la société réelles, je vais vous le dire. […] En dehors des caractères, des situations et du style, il y a dans l’Honneur et l’Argent une originalité réelle : cette originalité, quelle est-elle ? […] Non, le rêveur dont je parle n’a pas pied dans la vie réelle ; il se renferme et s’isole en lui-même, dans l’idée de Dieu, dans la possession de l’infini, dans le sentiment de cette vérité mystique dont il se croit seul dépositaire : ce n’est plus un homme assujetti à tous les devoirs, c’est un être immatériel doué de tous les privilèges.

1254. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Le réalisme de l’une et l’autre école est intense ; les analyses d’Adolphe sont aussi réelles que les analyses de l’Assommoir, les sujets d’expérience diffèrent, voilà tout. […] (J’ai exprès choisi une danseuse hiératique dont les attitudes ont un sens afin de faire comprendre la valeur réelle du symbole et faire aussi passer la gravité de l’enseignement sous une apparente frivolité.) […] Mais aux premiers mots de littérature, consultation, etc., il prend un air désagréable, migraine, et m’apparaît alors dans une disgrâce réelle. […] car les madame Bovary réelles ne se suicident guère) et, bien davantage encore, dans Germinal. […] — Le mouvement symbolique… — Il n’y a pas de mouvement, une simple petite poussée de talents, de très réels talents, mais disparates, sans cohésion.

1255. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Désormais, l’objet du roman sera l’imitation de la vie réelle, de la vie commune même, aristocratique ou bourgeoise, il n’importe ; il sera la représentation, plus ou moins embellie et idéalisée, des mœurs environnantes ; il sera la peinture de ce qu’il y a d’humain, sans doute, en chacun de nous, mais surtout de ce qu’il y a de plus analogue aux idées, aux usages, aux modes, et aux façons de vivre de notre temps. […] Nous répondons qu’autant la question est curieuse pour les historiens de la philosophie, autant est-elle indifférente à ceux qui ne veulent étudier dans l’histoire que les suites effectives et les conséquences réelles du kantisme. […] Car, pour exercer sur son temps une action réelle, il ne suffit pas, comme on le croit, d’avoir beaucoup écrit ni même d’avoir été beaucoup lu, comme ils le furent tous les deux, mais encore faut-il nous donner à lire des choses qui se gravent, qui s’enfoncent dans les esprits, qui en prennent possession, si je puis ainsi dire ; — et c’est ce que n’ont fait ni les Arnauld ni les Nicole. […] Sans doute, pour agir, pour exercer une influence réelle sur la direction des esprits, il fallait que le cartésianisme se fût dégagé ou libéré du système particulier qui l’enveloppait. […] la loi politique dont un accord fictif ou réel des volontés ne soit l’origine, le principe, et la sanction ?

1256. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Corneille et Greco altèrent les rapports réels des choses ! […] Parce que la vie réelle chez le bourgeois lui était insupportable, il a voulu vivre chez eux sa vie littéraire. […] L’enseignement du Collège de France ne permet à peu près aucune action réelle. […] Kohler nous indiquent cependant une voie où les travaux de la psychanalyse peuvent rendre à la critique des services réels. […] Et il n’y a nul inconvénient à passer capricieusement d’un sens statique et assez réel à un sens dynamique et assez conventionnel.

1257. (1930) Le roman français pp. 1-197

Et il est certain qu’il apparut, sous Louis XVIII et Charles X, en plus grand nombre qu’à d’autres moments de notre histoire, des écrivains qui avaient un réel talent, d’autres qui en avaient moins, toutefois se faisaient imprimer et lire. […] « Ce que nous n’avons pas eu à éclaircir nous-mêmes, ce qui était clair avant nous (par exemple des idées logiques) cela n’est vraiment pas nôtre, nous ne savons pas si c’est le réel. […] La vie réelle, quotidienne, se manifeste à lui, homme pauvre, et artiste qui souhaite passionnément la beauté, la splendeur, même en clinquant, — comme abominablement plate, pauvre et vide. […] Emmanuel Bove, Pierre Bost et d’autres, l’intérêt subsiste, l’écrivain sachant quand même inspirer l’impression du réel. Cela n’est pas inexact : mais c’est du « réel » dans une sorte de grisaille, dans une ambiance triste.

1258. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

On lui disoit que son plagiat n’étoit que trop manifeste, que c’étoit assez pour lui d’être le second des géomètres, qu’il abandonnât des prétentions chimériques ; mais il voulut prouver qu’il avoit des droits réels. […] Le mal fut-il aussi réel que M. […] Les anti-bouffonistes passoient de l’existence réelle à la possibilité d’une bonne musique Françoise. […] Rien ne montre mieux la différence réelle du jansénisme au thomisme, que la réflexion mal-adroite de Pascal. […] Trop de zèle pour la religion a pu leur offrir des dangers imaginaires, ou leur faire exagérer les dangers réels.

1259. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Quoique plus à plaindre, il n’en est guère plus malheureux : car ce malheur de l’état d’ignorance, quelque réel qu’il soit, n’est ni apprécié ni senti que par ceux qui s’élèvent au-dessus. […] Temps heureux, où pour entrer dans les charges, pour parvenir aux premières dignités & commander aux autres, il falloit un mérite réel & des talens reconnus ! […] Que l’on jugeoit mieux autrefois des avantages réels & de l’utilité de ces deux langues !

1260. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Ces drames de la vie, offerts à ses oreilles, avec les paroles de la vie réelle, ça l’étonne, ça change ses habitudes. […] Vendredi 1er mai Avec ces coucheries, ces sommeils dans la journée, dont j’ai pris l’habitude, la vie réelle ressemble à un grand rêve, où les choses qui se passent aux heures vraiment éveillées, laissent en vous des réminiscences plus accentuées, plus nettement formulées, mais des réminiscences ayant tout de même un peu du caractère des songes. […] Vendredi 24 juillet La perfection de l’art, c’est le dosage dans une proportion juste du réel et de l’imaginé.

1261. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Voilà le La Rochefoucauld réel, et tel que Mme de La Fayette le réforma. […] En achevant leur roman idéal, il est clair que les deux amis, — que M. de La Rochefoucauld et elle, — en venaient à douter de ce qu’il y aurait eu de félicité imaginable pour leurs chers personnages, et qu’ils se reprenaient encore à leur douce liaison réelle comme au bien le plus consolant et le plus sûr.

1262. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

« Ainsi la musique a quitté son état d’innocence sublime ; elle a perdu son pouvoir, le pouvoir qui rachetait l’homme du Péché de l’Apparence ; elle a cessé d’être la révélatrice de la Nature réelle, et s’est jetée dans cette illusion de la Représentation, dont elle devait nous sauver (p. 100). […] Mais voici que Beethoven reproduit le même sujet dans le silence de la nuit ; voici qu’il place son tableau entre le monde de l’Apparence, et l’univers intérieur de son âme, l’univers profond où gît l’Être réel des choses ; et dans cet univers il prend la lumière qui illumine son tableau, ce clair voyant : et voilà que ce tableau vit devant nous et que nous vivons en lui, extraordinairement, et que nous habitons un deuxième univers, dont les plus immenses chefs-d’œuvre d’un Raphaël ne donnent point l’idée !

1263. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

On lui avait attribué une personnalité complète, avec toutes les manies d’un caractère réel, compliqué de toutes sortes de bêtises bourgeoises. […] Je ne sais si c’est réel ou une imagination des sens, mais sans cesse il nous faut nous laver les mains.

1264. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

On se perd dans un abîme de conséquences absurdes, toutes les fois qu’on sort du réel et qu’on veut substituer au plan incompréhensible, mais visible, de Dieu les vanités et les imaginations de l’homme. […] Il fallait donc que l’homme eût cet instinct de l’utilité et de la sainteté de son sacrifice : seulement quelques-uns croient se sacrifier à un perfectionnement et à un bonheur indéfinis sur la terre, quelques autres croient se sacrifier à un perfectionnement relatif, local et temporaire ici-bas ; c’est là le secret de cet instinct qui nous travaille pour l’amélioration de notre espèce, instinct illusoire chez les uns, réel chez les autres, méritoire chez tous.

1265. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

La pensée cesse, pour ainsi dire, d’être pensée, c’est-à-dire immatérielle, en montant sur le théâtre ; elle est obligée de prendre un corps réel et de s’adresser aux sens autant qu’à l’âme. […] L’élégance de la versification et les allusions adulatrices à Louis XIV, héros toujours réel de ces pièces héroïques, donnèrent à l’ouvrage un succès qu’il était loin de mériter par lui-même.

1266. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Il faut attendre ; et, en attendant, toutes leurs Chansons, où il y a de réelles qualités sinon d’art, au moins de grâce, d’élégance et de mièvrerie, continuent toutes ou presque toutes de se ressembler. […] 2º Moralités, Farces et Soties. — Que l’examen des Moralités confirme les observations précédentes sur la « littérature allégorique », directement et indirectement : — directement, si les moralités ne sont qu’une forme de cette littérature : — par la nature des personnages qui en sont les héros : Mal-Avisé, Bien-Avisé, Rébellion, Malefin, etc. ; — par l’intention de « moraliser » dont leur seul nom témoigne ; — et par ce qu’elles contiennent de satire enveloppée. — Les mêmes observations sont indirectement confirmées : — par la supériorité des Farces sur les Moralités ; — et par la nature de cette supériorité, — qui consiste essentiellement en ce que les personnages n’y sont point des allégories, — mais des personnages réels.

1267. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Il les faisait, le cœur saignant, quitte à les faire payer plus tard aux hommes ou à la destinée, courbé dans ses intrigues de cour comme un géant enchaîné sous une porte basse, descendant aux plus vils procédés avec une nature héroïque, amant réel ou joué des reines qui l’avaient en mépris, pourvoyeur de favoris afin de tenir mieux contre les pourvoyeuses de maîtresses, vivant avec ce roi ennuyé qui le détestait, comme on vit en tête-à-tête avec un tigre, quand on n’a pas de pistolets, mais acceptant tout cela, et ces indignités, et ces ravalements, et ces abaissements, et ces étouffements pour le service de son idée et de la France, et pour donner à un pays qui s’en allait à l’anarchie par toutes ses pentes, la solidité d’un État ! […] Michelet, le professeur élégant, coloré, svelte, magnétique, a dépravé des facultés plus charmantes que puissantes, il est vrai, mais réelles, et a sacrifié ce qu’on doit respecter jusqu’à la dernière heure, l’austère vérité de l’histoire, l’impartialité de l’enseignement !

1268. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Je tâcherai de le faire ici, non pas en zigzag, mais avec suite et méthode, de manière à montrer à tous en quoi consistent l’innovation et l’espèce de découverte réelle du charmant artiste genevois.

1269. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

» C’est qu’il y a un fonds chez Marivaux ; il a sa forme à lui, singulière en effet, et dont il abuse ; mais comme cette forme porte sur un coin réel et vrai de la nature humaine, c’est assez pour qu’il vive et pour qu’il reste de lui mieux qu’un nom.

1270. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Si l’exemple d’Arago nous preuve que des esprits ingénieux et fins en matière de science ne sont souvent que robustes en littérature, il nous montre aussi qu’il y a une puissance réelle à ne parler que de ce qu’on sait à fond, et qu’il entre tout autre chose que le goût dans cette prise qu’on a sur les hommes.

1271. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Chamfort, dans une analyse, d’ailleurs très bienveillante, qu’il donne du livre, faisait à l’auteur cette objection, qui est devenue bien autrement réelle depuis.

1272. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

En même temps qu’il admet que le souvenir du Déluge se montre partout comme un fait historique conservé par la tradition et dont l’idée funeste ne serait point venue naturellement à l’homme, il reconnaît que le souvenir de l’âge d’or peut être le produit d’une imagination heureuse et complaisante qui jette des reflets sur le passé, et pourtant il répugne à y voir une pure fiction : « J’y vois les embellissements de l’imagination, dit-il, mais j’y crois découvrir un fond réel.

1273. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il se joignait donc en lui à toutes les causes réelles, ou qu’il se figurait, une prédisposition héréditaire.

1274. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Il suffit donc que Dangeau, quelques plaisanteries qu’on fasse de lui, soit d’une utilité réelle à la postérité et qu’il la serve, pour qu’elle lui en tienne compte et ne souffre pas qu’on le sacrifie.

1275. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Mais nous autres que la philosophie du Moyen Âge intéresse moins que ce qui y perce d’imagination gracieuse et d’éternelle sensibilité humaine, ce sera toujours à un point de vue plus réel et plus ému que nous nous plairons, au milieu de toutes les difficultés et des énigmes du voyage, à noter des endroits comme ceux-ci, où le poète, guidé par Béatrix dans les cercles du ciel, et approchant de la dernière béatitude, se montre ingénument suspendu à son regard, et nous la montre, elle, dans l’attitude de la vigilance et de la plus tendre maternité : Comme l’oiseau, au-dedans de son feuillage chéri, posé sur le nid de ses doux nouveau-nés, la nuit, quand toutes choses se dérobent ; qui, pour voir l’aspect des lieux désirés, et pour trouver la nourriture qu’il y va chercher pour les siens et qui le paiera de toutes ses peines, prévient le moment sur la branche entr’ouverte, et d’une ardente affection attend le soleil, regardant fixement jusqu’à ce que l’aube paraisse : ainsi ma dame se tenait droite et attentive, tournée vers l’horizon, etc., etc.

1276. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Le bon gros Saint-Amant comme il s’appelait lui-même en riant tout le premier de sa bedaine, ne réussit plus qu’à être un franc poète de la race pantagruélique ; il chanta La Vigne, Le Melon, Le Fromage, celui de Brie, celui du Cantal, l’« orgie », la « crevaille », comme il dit ; il y mit sa verve, une verve réelle, copieuse, rabelaisienne, grotesque avec feu, mais souvent repoussante et avec des odeurs de taverne ou de fond de cale.

1277. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Guérin, sous forme de centaure, a fait là son René et raconté sa propre histoire, sa source réelle d’impressions, en la projetant dans les horizons fabuleux.

1278. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le bonheur presque constant qui l’accompagna ne saurait se séparer du mérite réel et des parties de capitaine que Saint-Simon lui-même est bien forcé de lui reconnaître.

1279. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Le père et le fils furent incarcérés pendant cette imitation trop réelle de la Terreur.

1280. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

On a ensuite, il est vrai, l’admirable seconde guerre punique, les guerres de Macédoine et la première guerre d’Asie ; mais tout ce qui suit et ce qui eût été d’un si haut intérêt, manque, les luttes de Marius et de Sylla, la rivalité de Pompée et de César, la vraie histoire politique réelle, ces époques récentes que Tite-Live savait dans leur esprit et dans leur détail par les mémoires du temps, par les récits d’une tradition prochaine, par cette transmission animée et vivante qui est comme un souffle fécondant.

1281. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Lorsqu’on lui érigea de son vivant cette statue à laquelle il consentit sans l’avoir désirée, et qu’il aurait souhaité qu’on ne fît placer qu’après sa mort : « J’ai toujours pensé, écrivait-il à son vieil ami le président de Ruffey, qu’un homme sage doit plus craindre l’envie que faire cas de la gloire, et tout cela s’est fait sans qu’on m’ait consulté. » Cette statue, notez-le bien, lui fut érigée en manière de consolation et de dédommagement honorifique par ceux qui lui avaient fait un tort réel en obtenant sous main la survivance de sa charge d’intendant du Jardin du roi.

1282. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Ce livre dégage et illumine un sens que nous avons tous, mais voilé, vague et privé presque de toute activité, le sens qui recueille les beautés physiques et les livre à l’âme. » Et il insiste sur ce second travail de réflexion qui spiritualise, qui fond et harmonise dans un ensemble et sous un même sentiment les traits réels une fois recueillis.

1283. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Seul, sans mission réelle, jeté avec ce titre de ministre à l’extrême Nord par une royauté qui s’est réfugiée à Cagliari et qui se soucie très peu de lui, n’en recevant ni instructions ni directions, et à peine quelque traitement, n’ayant pas toujours de quoi prendre une voiture, n’ayant pas même de quoi payer un secrétaire, il a su par la noblesse de son attitude, par sa dignité naturelle, par sa probité parfaite, par l’éclat et les lumières de sa parole sitôt qu’il se montre, se faire estimer, considérer au plus haut point, pénétrer dans l’intimité des premiers personnages de l’empire, y compris l’empereur lui-même qui le goûte, qui l’écoute, qui lui demande des mémoires et des notes, et qui certainement a dû penser un moment à se l’acquérir.

1284. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

— Dépendance, erreurs, vains désirs, indigence, infirmités de toute espèce, de courts plaisirs et de longues douleurs, beaucoup de maux réels et quelques biens en fumée.

1285. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Partout où je les rencontre sincères et fortes, je les respecte et j’en tiens grand compte ; mais je ne me crois point tenu d’abdiquer ma raison pour les partager, ni de déserter, pour leur plaire, l’intérêt réel et permanent du pays. » Il n’a pas la vibration populaire ; le courant atmosphérique des masses ne l’atteint pas : jusque dans ses passions, il est et restera rationnel.

1286. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Sa mère quitte la Russie après la célébration du mariage : quoiqu’elle ait bien peu à se louer de cette mère tracassière et mesquine, Catherine nous dit « que son départ l’affligea sincèrement, et qu’elle pleura beaucoup. » Elle pleure de même son père dont elle apprend la mort (1746), jusqu’à ce qu’elle soit obligée, au bout de huit jours, de cacher ses larmes, l’Impératrice lui ayant signifié par ordre « d’en finir, et que son père, pour le tant pleurer, n’était pas un roi. » Elle nous dit que, cette même année, à l’entrée du grand carême, elle se sentait des dispositions réelles à la dévotion, dont la politique seule lui eût conseillé les minutieuses pratiques.

1287. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Raoul-Rochette avait beaucoup de mérite réel, beaucoup de savoir et plus solide qu’on ne l’a pensé (quelques légèretés à ses débuts, des fatuités lui avaient fait tort, il avait bien réparé cela depuis).

1288. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

L’intérêt réel est tout entier dans le sujet même, pleinement et sincèrement compris et aimé, et traité franchement et grassement, si je puis dire.

1289. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Ce serait moins que jamais aujourd’hui le moyen de se débarrasser des difficultés, puisqu’elles ont surgi et qu’elles ont éclaté ; de toutes parts puisque des attaques, des négations philosophiques radicales ont eu lieu, telles que celle de Strauss en première ligne ; la meilleure manière pour se retracer l’image de la personne réelle et vivante de celui dont la venue a changé le monde est d’en revenir avec bonne foi et réflexion aux récits originaux qui nous ont conservé la suite de ses actes et de ses paroles.

1290. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

il y a toujours de l’Opéra dans tout ce que font les Français, même ceux qui se piquent de réel ; il y a la décoration, et aussi les coulasses ; du solennel, et un peu de libertin. » Nous venons de voir le solennel dans tout son beau et son radieux.

1291. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Ce sont les deux beautés en contraste, en attendant qu’elles soient en guerre : la beauté idéale, spirituelle, psychique, et la beauté réelle, terrestre, un peu matérielle.

1292. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Moïse n’est pas seulement un homme, un personnage réel, c’est une figure : en même temps qu’il prédit le Christ et le Messie, il le reproduit par avance dans quelques-unes de ses souffrances, de ses stations et de ses agonies douloureuses.

1293. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Le poëte vieillissant a mis ses goûts à la raison ; il s’efforce d’accepter la loi du temps, de s’y soumettre sans murmure ; lui si fier de sa chevelure de jais, si épris dans sa jeunesse de la beauté réelle et sensuelle, il en est venu aux délicatesses morales, aux subtilités mortifiées ; il célèbre, il a l’air d’aimer les cheveux blancs ; il dira, par exemple : L’AMOUR PUR.

1294. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Mais à côté de ces points minutieux qui aujourd’hui nous font sourire (comme peut-être on sourira de nous un jour pour des travers qui ne pèchent point par la minutie), on lit de beaux vers et bien sentis sur le bonheur de l’étude, sur les goûts du poète, d’élégantes imitations de Catulle, de Tibulle, et une ode intitulée le Jeune poète au lit de mort, écrite à une heure de maladie trop réelle et dans un pressentiment trop vrai qui ne faisait que devancer de bien peu le terme fatal.

1295. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve est mort cependant, ignorant la cause de son mal, la soupçonnant peut-être, l’indiquant même par de certaines comparaisons et images réelles, basées sur ses sensations douloureuses, dont la médecine et la chirurgie (qui se croient plus positives) ne tiennent pas assez de compte dans la bouche d’un littérateur, et disant un jour : « Vous verrez qu’on ne saura ce que j’ai que lorsqu’on m’ouvrira… après moi… » — Que si la recherche de la vérité a besoin d’excuse, la catastrophe du 13 octobre dernier pourrait en être une suffisante : mais je renverrai ces délicats, qui me reprocheraient la crudité trop pathologique de ces détails, en tête du premier livre posthume d’un écrivain mort peut-être pour n’avoir pas été assez exa miné à fond, au tome V, page 523 de Port-Royal, où M. 

1296. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Il complétait ainsi la stratégie du grand Frédéric (côté moindre du héros) en la rapprochant de celle de Bonaparte, et par là il sortait tout à fait des détails de tactique secondaire et des discussions stériles où s’était perdu Guibert, pour arriver à la conception réelle des grands mouvements militaires se dessinant avec netteté dans des applications lumineuses.

1297. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Pas un mot de politique, ceci seulement : quand on est bien persuadé (et c’est peut-être fort triste) que l’art de gouverner les hommes n’a pas dû changer malgré nos grands progrès, et que, moyennant ou nonobstant les divers appareils plus ou moins représentatifs et soi-disant vrais, au fond cet art, ce grand art, et le premier de tous, de mener la société à bien, de la conserver d’abord, de l’améliorer et de l’agrandir s’il se peut, ne se pratique jamais directement avec succès qu’en vertu de certains résultats secrets d’expérience, très-rigoureux, très-sévères dans leur équité, très-peu optimistes enfin, on en vient à être, non pas indifférent, mais assez indulgent pour les oppositions de systèmes plus apparentes que réelles, et à accorder beaucoup, au moins quand on n’est que simple amateur, à la façon : je rentre, on le voit, en pleine littérature.

1298. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Je ne sais si c’est réel ou une imagination des sens, mais sans cesse il nous faut nous laver les mains.

1299. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Il s’ensuit que tous les ouvrages des Italiens, excepté ceux qui traitent des sciences physiques, n’ont jamais pour but l’utilité ; et dans quelque genre que ce soit, ce but est nécessaire pour donner aux pensées une force réelle.

1300. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Il a manié toutes ces formes avec un réel instinct du rythme : s’il n’a pas semblé avoir une conscience nette du rôle des accents dans les vers, s’il n’en parle jamais, non plus que Du Bellay dans sa théorie, en fait il les distribue souvent avec un très juste sentiment.

1301. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Le soin de la forme, l’idée de la beauté furent maintenus par le respect des modèles grecs ou romains : grâce à cette influence, la littérature resta un art : et l’idée d’une vérité artistique, concrète et sensible, l’idée du vrai naturel et réel se superposa à l’idée de la vérité scientifique, nécessairement abstraite.

1302. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Ce Théâtre a été fondé pour établir l’art réaliste : grossièreté allant jusqu’à l’obscénité, puisque c’est notre erreur favorite, à nous autres Français, de croire que plus le modèle est dégoûtant, plus l’imitation est réelle, et, d’autre part, minutieuse exactitude du décor, de la mise en scène, du jeu et du débit des acteurs, voilà les deux caractères apparents que présente d’abord le Théâtre Libre.

1303. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Il voit comment un homme qui a vu et rendu le réel d’une certaine façon est à son tour compris et traduit par un autre homme.

1304. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Mon fils, attache-toi aux saisies réelles, aux préférences de deniers.

1305. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Il serait curieux de retrouver les positions d’origine des chefs de, ce mouvement vague, falot et si réel : il y a des chrétiens, des catholiques, le parti de Mun ; il y a des philosophes, les néokantiens, les néo-thomistes ; il y a des politiques : les adversaires d’un régime républicain de nuance maçonnique ; il y a des artistes : les successeurs des naturalistes, donc leurs adversaires en esthétique, en morale, en politique, en [sociologie. — Ce pieux mouvement n’est pas sans danger.

1306. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Albert Trachsel, l’architecte des Fêtes réelles, y ouvrait dans l’imagination de ses auditeurs des horizons de songe, multipliés par la féerie des perspectives.

1307. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

C’est l’histoire de cet espionnage, ce sont les ruses et manèges des personnages réels ou supposés qu’on y emploie, qui font les frais de la relation de Reboulet.

1308. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

On a fort discuté sur la vie et sur le caractère réel de Rabelais.

1309. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Les scènes, elle en avait trop vu et de trop affreusement réelles pour en supporter l’image.

1310. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Mais quand l’homme se trouve en face d’une difficulté réelle, disproportionnée avec ses forces, il se résigne ; et si l’expérience lui a enseigné que le temps et un effort réglé et continu sont les seuls moyens du succès, il prend alors l’habitude de la patience, et cette habitude passe dans sa nature.

1311. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Un esprit bien fait, qui saura ces choses, et qui y joindra assez de latin pour goûter seulement Virgile, Horace et Tacite (je ne prends que ces trois-là), vaudra tout autant pour la société actuelle et prochaine que des esprits qui ne sauraient rien que par les livres, par les auteurs, et qui ne communiqueraient avec les choses réelles que par de belles citations littéraires.

1312. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Depuis quelque temps une autre Grèce est redevenue de mode, plus franche, assure-t-on, plus réelle et mieux calquée sur les originaux, souvent aussi trop peu élégante.

1313. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Plongé dans cette atmosphère du devenir qui enveloppe tout le réel, l’homme obéit à la loi du changement : il devient autre.

1314. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

C’est de même une difficulté plus apparente que réelle que semble présenter l’étude des artistes qui en imitent d’autres.

1315. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Le plus véridique des artistes, le plus réaliste, — dans le sens de voisin du réel, — sera l’écrivain qui donnera l’impression constante de la présence des choses, qui les mêlera à la vie, et qui ne confisquera pas à leur profit l’attention qui ne doit pas cesser de voir les âmes et de les suivre.

1316. (1887) La banqueroute du naturalisme

D’autant qu’ils parleraient un langage plus conforme à la réalité, ils paraîtraient d’autant moins réels et moins vrais, puisque c’est eux, et non point leur incapacité de s’analyser eux-mêmes qu’il s’agit de nous montrer.

1317. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Shakspeare n’a pas fait un seul discours concluant et éloquent, et toutes ses figures ont le relief, la vérité, l’animation, l’originalité, l’expression des physionomies réelles.

1318. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Je ne parle pas de Spinoza qui sans doute eut sur le panthéisme de Diderot la plus réelle influence. […] Or ce monde artificiel où elles vivent est bien moins étendu que le monde réel. […] Chez le premier c’est la défaillance d’une grande âme blessée au contact de la société, chez le second ce n’est qu’une maladie passagère, plus imaginaire que réelle. […] Il y faudrait des situations vraies et des caractères vrais, réels même, se groupant autour d’un type destiné à résumer le sentiment ou l’idée principale du livre. […] Mais comme il dédaigna de donner par la méditation sérieuse un fond réel à ce talent, comme il s’en tint spécialement à l’étude de la partie technique, l’artifice se substitua chez lui à l’art.

1319. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Voilà un argument réel, voilà un argument de bon sens et de conviction, et l’argument inverse est celui de quelqu’un qui n’avait qu’une conviction de circonstance et une conviction sous condition. […] Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas le sens du réel, qui ne l’ont absolument pas. […] Rien n’est plus rare que le sens du réel, c’est-à-dire que la pensée en chiffres. […] Vous obtenez de très peu d’hommes qu’ils parlent en chiffres et selon le chiffre réel. […] Cela devait amener une réaction et en a amené une, mais toute légale et peu réelle.

1320. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Peu lui importe que ce héros soit chimérique ou réel, qu’il s’éloigne ou approche de la vérité ; son unique préoccupation est de le rendre tel qu’il l’a conçu. […] L’accomplissement réel, absolu, parfait, c’est le moment intérieur que nous avons éprouvé l’un et l’autre, dans la splendeur funèbre de ce caveau. […] J’ai cru remarquer qu’elles manquaient de souffle et de réelle grandeur. […] Veux-tu loucher le but, regarder l’invisible, L’innommé, l’idéal, le réel, l’inouï ? […] Mais il jouit d’une réelle notoriété, et ses œuvres aimables, élégantes et faciles, sont devenues populaires.

1321. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

* * * Georges Rodenbach connut tôt la gloire parisienne : elle ne lui survécut guère… Pour réelle qu’ait été sur lui l’influence de Baudelaire et de François Coppée, gardons-nous de l’exagérer : son émotion porte une marque originale et nous rencontrerons dans cette étude peu de natures aussi affinées que la sienne. […] Les bonshommes falots du drame symbolisent l’humanité. « Ils sont réels à force d’irréalité147. » En eux, nous nous reconnaissons. […] Quant au doux Charles van Lerberghe, il confie son paganisme à une comédie satirique, Pan, où de réelles beautés voisinent avec des bouffonneries si grotesques, des inconvenances si folles qu’on ne reconnaît plus en cet étrange pamphlétaire le poète de La Chanson d’Ève. […] L’une s’adresse à notre imagination et peut nous faire du bien dans son domaine, mais l’autre intéresse directement notre vie réelle. […] Pour n’avoir jamais canalisé son ardeur vers une fin unique, il exerça une influence réelle sur un grand nombre de ses compatriotes, les futurs docteurs en droit ayant partagé avec bien des débutants ès-lettres l’honneur de solliciter ses conseils.

1322. (1914) Une année de critique

Chacun se cantonne dans ses droits, se retranche derrière les griefs qu’il a ou croit avoir contre l’autre ; et nul ne fera le premier pas sur le terrain adverse, ni n’essaiera de quitter son point de vue habituel afin d’adopter pour un instant celui de l’ennemi et de s’entendre, chacun regardant tour à tour par les deux bouts de la lorgnette, sur les dimensions réelles de l’objet du litige. […] Dans le moment que nous cherchons ce que nous sommes nous-mêmes, nos voisins l’ont déjà cru trouver, et notre existence réelle, notre existence personnelle n’est rien, auprès du retentissement qu’elle a chez autrui. […] Assez d’obstacles se présentent à notre conscience quand elle veut appréhender le réel, pour qu’on n’y ajoute point à plaisir les embûches du style indirect. […] Benda laisse entrevoir l’objet réel. […] Nous sommes loin, on le voit, d’un conflit réel, vivant.

1323. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Or, Molière croyait que ce dont nos jeunes pessimistes ont fait à peu près la règle du langage humain n’y est, en somme, que l’exception ; il lui semblait que les hommes ne passent pas tout leur temps à être ignobles avec candeur, qu’ils reprennent haleine quelquefois, et que, au surplus, cette contradiction ininterrompue entre l’immoralité réelle des personnages et l’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes serait fatigante à la longue, finirait par paraître un peu artificielle et mécanique. […] Le cercle d’adoration qui l’isole du monde réel achève de lui en faire perdre la notion exacte ; et ce sont ses fervents eux-mêmes qui le tuent en lui persuadant qu’il a les ailes surhumaines de Dédale. […] « Tu songes à quelque chose, dit la voix de Palomides. — Ce n’étaient pas des pierreries, là-bas, dans la grotte, dit la voix d’Alladine. — Et les fleurs n’étaient pas réelles […] Oui, sans doute, la gloire des grands peintres et des grands statuaires, de qui les œuvres survivent, et celle des grands écrivains que l’on continue de lire un peu, est plus solide et plus réelle que celle des histrions. […] Sa bonté, très réelle, est une bonté de pilier d’estaminet et de tarisseur de chopes.

1324. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

La curiosité se déplace ; et de la connaissance ou de la méditation des œuvres des anciens elle se porte tout entière vers l’observation des choses voisines, réelles, et contemporaines. […] Mais il faudrait pour cela que le seul homme d’un réel talent qui témoigne de cette influence, — c’est le romancier Le Sage, — ne fût pas aussi le seul à s’être moqué de cette nouvelle préciosité. […] sur l’amour, 74, 76, 77, 136, ou sur la fortune, 53, 57, 58, 60, 165, 470]. — Absence de composition et d’ordre dans les Maximes. — Le style des Maximes et sa conformité avec l’idée du style précieux [Cf. 4, 115, 175, 252, 355, etc.]. — Si cette préciosité ne va pas jusqu’au galimatias [Cf. 69, 78, 97]. — Mais il en reste quelques-unes qui méritent la réputation qu’on leur a faite : — de réelle ingéniosité [Cf. 165, 182, 218] ; — de vivacité [Cf. 19, 367, 370] — et surtout de netteté. — Comment cette dernière qualité, tout à fait rare jusqu’alors, a sans doute assuré le succès du livre. […] — Ses qualités réelles de vivacité, de souplesse et d’éclat ; — et qu’autant ou plus que les siennes, elles sont les qualités de la langue de son temps ; — celles que l’on retrouve dans le Crispin ou dans Le Diable boiteux de Le Sage, 1707 — ou dans les Mémoires de Gramont, 1713. […] De la comédie de mœurs dans le théâtre de Dancourt ; — et ce qu’elle conserve encore de la tradition de Molière. — Les sujets consacrés et d’ailleurs plus ou moins réels : le tuteur berné [Cf. 

1325. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Qu’y a-t-il de réel dans le bonheur, sauf peut-être les déceptions dont il s’accompagne ? […] C’est que le Mal est au fond de tout, seul réel et seul vrai, tandis que le Bien n’est qu’une conception de notre esprit. […] Huysmans : elle est réelle. […] Le théâtre d’alors rend fidèlement l’image de la vie réelle. […] Dans une poésie de rêve le point de vue général se substitue au point de vue particulier, et le sentiment du réel disparaît pour faire place à l’artificiel.

1326. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Alfred Vallette en est devenu, par la suite, le fondateur réel, puisque toutes les pierres au-dessus de la première ont été touchées par ses seules mains, et puisque seul il y représente, depuis le premier couple marteau, le principe de continuité, qui est le principe même de la vie. […] J’aime que les poètes aient le goût de la beauté extérieure et qu’ils vêtent de grâces réelles leurs grâces rêvées : mais que nul ne veuille la pureté d’art des Six chansons de Pauvre homme ; il ne saurait, ― car la semaine est finie, et A présent c’est encore Dimanche, et le soleil, et le matin, et les oiseaux dans les jardins, à présent c’est encore Dimanche, et les enfants en robes blanches et les villes dans les lointains, et, sous les arbres des chemins, Flandre et la mer entre les branches… Les idées se présentent presque toujours à M.  […] Du réel au possible, il y a la distance d’un nom ; le possible, qui n’a pas de nom, pourrait en avoir un et le réel souvent s’est aboli sous l’anonyme. […] Ainsi donc, en haut, des esprits cultivés croient à la venue de plus de justice, de plus de bonté, de plus d’amour, de plus d’intelligence ; en bas, des esprits simples croient à la venue d’un bonheur tangible, réel, corporel : jamais un milieu plus favorable ne s’est offert à un poète décidé à chanter les joies de l’avenir.

1327. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

D’ailleurs, jamais aucun écrit ne donnera la moindre idée de la vie réelle. […] Posons comme principe indéniable qu’il n’y a pas de vilenie dans la personne aimée qu’on ne tâche de s’expliquer favorablement ; qu’il n’y a pas au monde de chose qu’on ne fasse pour la personne aimée en éprouvant un réel contentement ; qu’il n’y a pas de ce qu’on appelle sacrifice qu’on ne s’impose avec joie. […] Ceux qui se moquent des talents féminins ne sauront jamais combien de dispositions sérieuses, de tempéraments réels et remarquables ont été découragés et atrophiés par une éducation vicieuse ou incomplète. […] Je suis froissée comme si l’offense était réelle, c’est absurde. […] La vérité, c’est que j’ai toujours éprouvé et que j’éprouve de plus en plus l’impérieux besoin d’écrire, j’invente des histoires, je vois des faits réels et imaginaires.

1328. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

L’esprit de M. de Vigny ressemblait à ces sources : on n’y introduisait impunément aucun fait, aucune particularité positive, aucune anecdote réelle : elles en ressortaient tout autres et méconnaissables pour celui même qui les y avait fait entrer. […] Cependant il n’y eut pas moyen pour lui de se méprendre plus longtemps sur l’impression générale, lorsque des amis l’eurent éclairé de toutes parts, comme on avait éclairé autrefois M. de Noyon ; mais ici il n’y avait rien eu de prémédité, comme cela avait eu lieu pour M. de Noyon, raillé et joué par l’abbé de Caumartin75 : la seule opposition sérieuse et réelle avait été dans la contradiction nécessaire et, s’il faut le dire, l’incompatibilité d’un esprit fin, net, positif, pratique, tel que celui de M. 

1329. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Enfin, grâce aux tourmentes publiques et à l’impression qui en resta sur son cœur, une inspiration réelle lui vint ; il se fit le poëte du passé, des infortunes royales, le poëte du malheur et de la pitié. […] C’est chose convenue d’en faire une seconde Thérèse Le Vasseur… Je l’ai bien connue, et jusqu’à sa mort, moi qui vous parle ici, monsieur, et dans ma vie entière déjà longue, je n’ai jamais rencontré son égale, cœur et âme ; ses dernières années se sont éteintes dans les plus amères épreuves, sans qu’un seul jour elle ait démenti le noble nom confié à son honneur ; mais, je l’avoue, elle avait les inconvénients de ses qualités, une franchise indomptable surtout, qui lui a valu la plupart de ses ennemis : l’ingratitude a fait les autres. — Je n’ai nul intérêt, monsieur, dans cette protestation posthume ; mais vous me paraissez digne de la vérité, et je viens de la dire. — Au reste, si vous teniez aux détails réels de la vie intime de Delille, je vous offre le manuscrit laissé par sa veuve… » Ce manuscrit nous a été communiqué, en effet, par la confiance de la personne qui l’a entre les mains, et nous en avons tenu compte dans cette réimpression.

1330. (1929) Dialogues critiques

On ne se fabrique une espèce de pouvoir, artificiel dans ses origines mais réel en fait, que pour monnayer ses faveurs et placer des services à gros intérêts. […] Pierre Il n’y a pas d’âge, ou, en tout ras, même à celui que j’ai, il y a le fluide, beaucoup plus agréable et plus réel que celui de l’abbé Brémond.

1331. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

un demi-siècle après cet anathème la Prusse balançait l’empire en Allemagne et prospérait insolemment malgré les vices très réels de son origine, et malgré, qui sait ? […] Il rêvait un rôle plus conforme à sa stature ; il n’aspirait à rien moins qu’à rendre à son ombre de gouvernement un trône réel sur le continent, per fas et nefas.

1332. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

J’avouerai ici que j’éprouvai alors deux mortifications bien distinctes, mais également méritées : l’une, de ce refus que j’étais allé chercher volontairement ; l’autre, de me voir forcé à m’estimer moi-même beaucoup moins que le pape, car j’avais eu la lâcheté, ou la faiblesse, ou la duplicité (ce fut, certes, dans cette occasion, une de ces trois choses qui me fît agir, si ce n’est même toutes trois) d’offrir une de mes œuvres, comme une marque de mon estime, à un homme que je regardais comme fort inférieur à moi, en fait de vrai mérite ; mais je dois également, sinon pour me justifier, au moins pour éclaircir simplement cette contradiction apparente ou réelle entre ma conduite et ma manière de penser et de sentir, je dois exposer avec candeur la seule et véritable raison qui me fit prostituer ainsi le cothurne à la tiare. […] Il n’a pas réfléchi que son intérêt réel était au contraire de faire disparaître cet adorateur postiche de l’attention d’une cour sévère et puritaine, justement offensée d’une cohabitation si expressive ; et quand on sait, du reste, que la comtesse rapporta de Londres la pension considérable que lui fit cette cour, on ne peut raisonnablement douter que cette pension, si offensante pour la mémoire de son premier mari, le Prétendant, n’ait été l’objet et le prix du voyage.

1333. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Un procédé de cette nature, incroyable sans doute, mais réel, et que je ne me permets pas de caractériser, — la chose d’ailleurs parle d’elle-même, — un semblable procédé me paralysa la main prête à signer. […] « Cette fureur de Napoléon contre moi était si réelle, que dans le premier accès, quand il sortit de la chapelle, le jour du mariage ecclésiastique, il ordonna d’abord de fusiller trois des cardinaux absents, Opizzoni, Consalvi et un troisième dont on ne sait pas le nom avec certitude, mais que l’on croit être Litta ou di Pietro.

1334. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Ces petits poëmes sont variés, parce que les incidents sont des faits réels, fidèlement observés et naïvement sentis ; et la langue en est relativement riche, parce qu’elle suffit à exprimer tout ce que pouvaient concevoir les esprits les plus ingénieux de l’époque. […] Au reste, après la perte de cette maîtresse réelle ou imaginaire, Charles d’Orléans ne voulut plus aimer.

1335. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Mais je maintiens que quand un sceptique prêche au pauvre ce dogme consolateur sans y croire, afin de le faire tenir tranquille, cela doit s’appeler une escroquerie ; c’est payer en billets qu’on sait faux, c’est détourner le simple par une chimère de la poursuite du réel. […] Elle n’aboutit qu’à favoriser l’anarchie et n’est d’aucun usage pour le progrès réel de l’humanité.

1336. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

C’est ici que se place un incident très connu, mais dont on n’a jamais, que je sache, apprécié la valeur réelle. […] Et en prenant pour exemple la symphonie du Dante de Liszt, il démontre comment un auditoire qui n’existe que dans l’imagination de l’artiste peut l’influencer pour créer une œuvre qu’il lui aurait été impossible de faire, si jamais l’idée d’un public réel avait traversé son esprit.

1337. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Quoi que l’on pense de cette Revue Wagnérienne, de son évolution et de son influence spéciale, très limitée mais très réelle, on doit reconnaître qu’elle forme un précieux recueil de documents et de faits wagnériens. […] Je veux que les auditions de fragments de Wagner en de généreuses exécutions d’initiative privée, ou dans les concerts publics, aient eu une réelle utilité, qu’elles aient révélé le génie du maître à tels individus qui ne pouvaient, par de coûteux voyages en Allemagne, acquérir une idée plus complète du drame musical.

1338. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Nous sommes convaincu que les progrès épars, souvent interrompus par des rechutes, mais très réels et très méritoires, qui ont eu lieu depuis cette mystérieuse dégradation de la première humanité, ne sont que des efforts généreux et saints pour reconquérir ce qui a été perdu, pour rentrer dans notre innocence, dans notre science et dans notre félicité primitive. […] Nous ne nous rencontrons que dans nos vœux communs pour la félicité et pour la sainteté de l’homme, et dans nos efforts pour le faire avancer d’un pas, eux vers un progrès indéfini et continu, nous vers un progrès réel, mais relatif.

1339. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Il n’y a là d’autre fait que le songe d’un homme éveillé, qui est enlevé au monde réel par sa vision et qui se transporte imaginairement dans les mondes surnaturels : voyage à travers l’infini. […] XXIII Un retour de l’esprit du poète vers l’ingrate Florence, au dix-septième chant, ramène enfin à quelque chose d’humain et de réel l’esprit du lecteur.

1340. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

J’étais comme un musicien inné à qui l’on ferait entendre pour la première fois un instrument à vent ou à cordes, où ses mélodies intérieures prennent tout à coup une voix réelle. […] Parce qu’indépendamment des beautés réelles de ce style, ce style était neuf, et qu’il y a dans la nouveauté une primeur de sensations qui est à elle seule une beauté littéraire.

1341. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Le Zézère, la Sarabande ou les Sortilèges, font évoluer dans un décor de lumière des êtres heureux de vivre, même au fort des plus réelles souffrances sociales ou amoureuses. […] D’où ses contradictions plus apparentes que réelles.

1342. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

La première, c’est que les sujets réels sont infiniment plus difficiles à traiter, et qu’ils exigent un goût étonnant de vérité ; la seconde, c’est que les jeunes élèves préferent et doivent préférer les scènes où ils peuvent transporter les figures d’après lesquelles ils ont fait leurs premières études. […] C’est-à-dire une autre sorte de luxe ; et c’est celui-là qui dégrade et anéantit les beaux-arts, parce que les beaux-arts, leur progrès et leur durée demandent une opulence réelle, et que ce luxe-ci n’est que le masque fatal d’une misère presque générale, qu’il accélère et qu’il aggrave.

1343. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

C’est moins en chroniqueur et en peintre de mœurs locales qu’il envisage son sujet qu’en publiciste : l’intérêt lent, mais réel et qui tend au dénouement, est dans la réunion finale.

1344. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Mignet, en publiant les Négociations relatives à la succession d’Espagne, a montré par une suite de dépêches que M. de Lionne était un très habile secrétaire d’État des Affaires étrangères, voilà que vous en faites un homme qui retarde l’avènement réel de Louis XIV, et qui provisoirement le détrône dans votre esprit !

1345. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

On a remarqué qu’il en voulut toute sa vie aux Girondins qu’il avait eus pour adversaires directs ; je le crois bien : il leur en voulait pour leurs torts réels, pour leur esprit de sédition et d’anarchie, pour leurs manœuvres imprudentes et fatales, et aussi pour ses propres fautes dont ils avaient tiré parti et qu’ils avaient tournées plus d’une fois à leur avantage.

1346. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Longtemps encore après l’installation intime et sous le règne réel de Mme de Maintenon, Mme de Montespan avait le même pied et quelque chose de la même attitude en cour.

1347. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

La valeur du chef moderne, pour être moins d’homme à homme, n’en est pas moins réelle ni moins virile : elle participe davantage de l’intelligence et relève de la Minerve-Pallas plus que de Mars.

1348. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

On l’envoya d’abord dans la Haute Alsace, où il fit tête au duc Charles de Lorraine ; mais la destination réelle, qu’il importait de masquer jusqu’au bout, était la prise de possession de la Valteline.

1349. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

parmi tous ces personnages très réels et très vivants, il n’en est pas un seul qui puisse être supposé celui que l’auteur voudrait être ; aucun n’a été soigné par lui à d’autre fin que pour être décrit en toute précision et crudité, aucun n’a été ménagé comme on ménage un ami ; il s’est complètement abstenu, il n’y est que pour tout voir, tout montrer et tout dire ; mais dans aucun coin du roman on n’aperçoit même son profil.

1350. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

C’est un homme d’un mérite réel, instruit, qui a de la conscience, de l’application.

1351. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

C’est une étrange manière que de faire des accaparements de tout, même d’infortune. » Ceci se rapporte à ce malheur exagéré sans doute, mais si réel puisqu’il était moralement ressenti, à ce mal de Paris et de l’exil qui agitait et torturait Mme de Staël, même dans un beau lieu et sous de magnifiques ombrages.

1352. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Le mot Dieu est toujours pour lui le signe représentatif de toutes les belles et suprêmes idées que l’humanité conçoit, pour lesquelles elle s’exalte et qu’elle adore ; mais il semble que ce soit quelque chose de plus encore à ses yeux qu’une expression ; il semble prêter décidément à l’intelligence, à la justice indéfectible et sans bornes, une existence indéfinissable, inconnue, mais réelle.

1353. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Le mot est tiré de l’espagnol et de l’arabe, et il en est venu à exprimer un simulacre, une démonstration d’attaque, d’incursion, une insulte brusque, plus fastueuse que réelle, et où il entre, malgré tout, une nuance de ridicule.

1354. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Ce dont il faudrait plutôt s’étonner, c’est de la force, de l’habileté, des ressources qu’il a déployées dans l’exécution d’une entreprise impossible et comme désespérée ; mais il a eu beau faire appel de toutes parts à l’érudition et aux descriptions, il a eu beau, en fait d’inventions personnelles, entasser Ossa sur Pélion, Pélion sur Ossa, il n’a pu communiquer à son œuvre l’intérêt réel et la vie.

1355. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Il n’est pas moins vrai que d’autres plus calmes, plus purement politiques, étaient obligés de conformer leur langage au ton que commandaient les circonstances, et de faire aux passions déchaînées quelques concessions apparentes, ou même réelles, pour tenter de les désarmer et de les réduire.

1356. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Louvois écrivait donc à l’intendant, pour ne pas rester démuni de pièces dans son dire : « Il est important que si vous n’avez point fait d’impositions sur ce lieu, ou que vous n’en ayez pas gardé de copies, vous ne laissiez pas de m’envoyer des copies d’ordres et d’impositions faites sur la seigneurie de Traerbach et sur quelques autres lieux de la seigneurie de Sponheim, dont le roi est en possession, lesquelles vous daterez d’entre le Ier mai 1681 et le 10 juillet, et me les enverrez par le retour de ce courrier, avec cette lettre que vous me renverrez aussi en même temps, observant de faire en sorte que personne ne puisse avoir connaissance de ce que je vous mande. » Cela fait et les pièces réelles ou fictives obtenues, il était tout naturel que Louvois pût écrire à M. de Croissy, son collègue des Affaires étrangères, et qui ne voyait, de tout ce manège, que la surface : « Vous trouverez dans ce paquet les pièces nécessaires pour mettre M. de Crécy (le ministre qui représentait la France près de la Diète) en état de faire voir aux députés à la Diète de Ratisbonne que le roi a été en possession de Traerbach auparavant le 1er août 1681.

1357. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Mais cette part, pour être inappréciable et pour se dérober au calcul, n’en est pas moins réelle.

1358. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Nul exemple ne me paraît plus propre à montrer à quel point des hommes, même énergiques de trempe et de volonté, sont assujettis et soumis au milieu où ils vivent, dépendant des circonstances, changeant de face sans changer de caractère ; combien il est juste, même après des excès et des torts, de ne pas désespérer de ceux qui ont une valeur réelle et un vertueux principe d’énergie ; comment le malheur éprouve et épure, même à leur insu, certaines natures restées saines au fond ; et ce que peuvent devenir d’honorable et d’utile pour la société et pour la patrie ceux qui, hors des cadres réguliers et durant l’orage des interrègnes, dans la convulsion des mouvements révolutionnaires, cherchaient vainement leur niveau et leur emploi.

1359. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

À la ville, comme aux champs, il y avait place pour bien des libertés locales et réelles dans les interstices de l’immense réseau d’alors.

1360. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

: la tête me tourne, et mon cœur est depuis longtemps déjà entièrement anéanti. » Pour l’aider à sortir de sa détresse, elle implore de Louis XVI non des secours réels (elle sent bien l’impossibilité), mais de simples démonstrations de troupes, des ostentations, comme elle dit ; elle ne les obtient pas.

1361. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

On peut trouver, d’ailleurs, en ce qui est de l’explication individuelle et de la psychologie du héros, que l’historien lui-même a hésité, a varié en plus d’un endroit ; il a introduit des divisions plus commodes sans doute que réelles dans l’analyse du génie et du caractère : il semble tout accorder d’abord au Consul, même à l’Empereur, et ensuite, dans quelques-uns des avant-derniers volumes, il paraît vouloir revenir sur ses premiers jugements ; il lui retire beaucoup, pour tout lui rendre encore une fois au dernier moment, aux heures du suprême effort et de l’adversité.

1362. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Il n’y a aucune parité réelle entre ces deux existences, et ce n’était pas la peine à Chateaubriand d’imiter pour si peu.

1363. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Vous savez, mieux que personne, qu’elle n’a jamais été qu’un douzième tout au plus de ma vie réelle.

1364. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Venu dans les premiers moments de l’innovation romantique en France, il semble n’avoir voulu, pour son compte, en accepter et en aider que la part vigoureuse, énergique, toute réelle et observée : à d’autres la théorie ou le chant, la vapeur et le nuage ; lui, ennemi du convenu, se méfiant de la phrase, pratiquant à la fois le positif et le distingué, il s’attacha tout d’abord à circonscrire ses essais pour mieux les creuser et les asseoir.

1365. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Ainsi la monarchie de Louis XIV, d’abord admirée pour l’apparente et fastueuse régularité qu’y afficha le monarque et que célébra Voltaire, puis trahie dans son infirmité réelle par les Mémoires de Dangeau, de la princesse Palatine, et rapetissée à dessein par Lemontey, nous reparaît chez Saint-Simon vaste, encombrée et flottante, dans une confusion qui n’est pas sans grandeur et sans beauté, avec tous les rouages de plus en plus inutiles de l’antique constitution abolie, avec tout ce que l’habitude conserve de formes et de mouvements, même après que l’esprit et le sens des choses ont disparu ; déjà sujette au bon plaisir despotique, mais mal disciplinée encore à l’étiquette suprême qui finira par triompher.

1366. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Dès qu’on écarte une illusion, il faut y substituer une qualité réelle ; dès qu’on détruit un ancien préjugé, l’on a besoin d’une nouvelle vertu : loin que la république doive donner plus de liberté dans les rapports habituels de la société, comme toutes les distinctions sont uniquement fondées sur les qualités personnelles, il faut se préserver avec bien plus de scrupule de tous les genres de fautes.

1367. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

En joignant à ce calcul la connaissance éprouvée des effets de telle ou telle institution, l’on pourrait fonder les pouvoirs politiques sur des bases à peu près certaines, mesurer la résistance qu’ils doivent rencontrer, et les balancer entre eux, d’après leur action réelle, et l’influence des obstacles sur cette action.

1368. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Une fraîcheur réelle de sentiment s’épanouit à travers toutes les niaiseries de ce rococo.

1369. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

C’est un des mensonges primordiaux de la morale que de nous voiler l’antagonisme irréductible et perpétuel qui fait de chaque individu l’ennemi de tous les autres, pour déployer à nos yeux la solidarité tout aussi réelle, qui les relie et les contraint à se rendre, même sans le vouloir et sans le savoir, même contre leur gré, des services réciproques.

1370. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Il s’agit de faits réels, dûment constatés et enregistrés, dont force est aux esprits les plus méfiants de tenir compte et, alors, se crée la Société psychique de Londres qui se propose de soumettre tous les phénomènes d’apparitions spectrales et de matérialisation au contrôle rigoureux du jugement et de la raison.

1371. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Il faut résolument en exclure le réel parce que vil et se méfier de toute affirmation précise comme d’une négation imprudente.

1372. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Il s’enquiert de ceux qui l’ont retenu par force dans le premier moment, et les chasse tous de sa maison, moins par colère réelle que par feinte, et pour servir d’exemple à ceux qui seraient tentés dans la suite d’user de sa faiblesse pour empiéter en quoi que ce soit : « Car il étoit maître, dit Commynes, avec lequel il falloit charrier droit. » Avant même d’avoir retrouvé toute sa tête, il fait semblant de comprendre les dépêches qu’on lui apporte et qu’on lui lit ; il les prend en main, et fait mine de les lire à son tour, bien qu’il soit encore hors d’état d’y rien voir : c’est le roi qui se réveille en lui avant l’homme.

1373. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

C’est là une veine de mauvais goût chez Vicq d’Azyr, et qui compromet l’intérêt très réel, le mérite solide et orné de l’ensemble.

1374. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Trois boutons de roses blanches, qui devaient être offerts à Lina pour sa fête, n’ont fleuri que pour orner son cercueil : « Si je voyais de jeunes femmes, disait l’auteur, placer dans leurs cheveux trois boutons de roses blanches, en mémoire d’un événement réel que j’ai retracé, je le déclare, je serais plus fier que si toutes les Académies de l’Empire décidaient que mon ouvrage est sans défaut. » On m’assure que son vœu fut accompli, et que les roses à la Lina eurent leur mode d’une saison.

1375. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

J’aurais pourtant besoin que quelqu’un d’un talent moindre m’assurât que la ressemblance est réelle.

1376. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Mais si la société a changé et s’est améliorée dans quelques-unes de ses conditions réelles, le caractère de la nation n’a point changé, et ce caractère a été parfaitement connu et décrit par Mallet du Pan, qui, en sa qualité d’étranger, était plus sensible qu’un autre aux légèretés, aux imprévoyances et aux inconstances françaises.

1377. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

L’ouvrage, d’ailleurs, à le bien voir en lui-même, a son originalité réelle.

1378. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

En un mot, il croit que la femme maigre était assez bonne pour les héros de Rossbach et pour les philosophes sensualistes du xviiie  siècle, tandis que les héros de Rocroi et les contemporains spiritualistes de Descartes avaient droit à des beautés plus réelles, et à plus de solidité comme dirait Mme de Sévigné ; et, comme dit encore le proverbe, « Tant moins ils en voulaient, tant plus ils en avaient. » Le buste de Mme Du Barry protesterait au besoin contre cette théorie dont M. 

1379. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Cette beauté si réelle et si solide, et qui avait si peu besoin d’emprunt, avait, comme toute sa personne, ses bizarreries et ses superstitions.

1380. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Au lieu de chercher la preuve du christianisme dans tel ou tel texte particulier des Écritures, ou dans une argumentation personnelle qui s’adresse à la raison de chacun, M. de Lamennais soutenait qu’il faut la chercher avant tout dans la tradition universelle et dans le témoignage historique des peuples : et pour cela il croyait voir, même avant la venue de Jésus-Christ et l’établissement du christianisme, une sorte de témoignage confus, mais concordant et réel, à travers les traditions des anciens peuples et jusque dans les pressentiments des principaux sages.

1381. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Gaugiran-Nanteuil, on distinguait une intention morale, un effort vers un genre plus vrai, vers la peinture de mœurs réelles ; il y a dans plus d’une scène comme un premier tracé de bonne comédie.

1382. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Lui, l’habile et le spirituel crayonneur, le brillant et savant aquafortiste, le maître au cochon, affecte doctoralement de répudier toutes les habiletés, les adresses, les procédés, tout ce dont est fait son petit, mais très réel talent, pour n’estimer que les maîtres primitifs, les maîtres spiritualistes, et ne reconnaître dans toute l’école moderne qu’un seul homme : M. 

1383. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Quant aux bizarreries réelles des hommes supérieurs, il faut d’abord s’assurer si elles sont spontanées et naturelles, ou si elles ne sont pas reflet d’une sorte de charlatanisme très-ordinaire chez les grands hommes : « Girodet, dit-on, se levait au milieu de la nuit, faisait allumer des lustres dans son atelier, plaçait sur sa tête un énorme chapeau couvert de bougies, et dans ce costume il peignait des heures entières. » J’ai peine à croire que ce soit là autre chose qu’une plaisanterie : en tout cas, c’est une bizarrerie tellement arrangée et si peu naturelle que je n’y puis voir qu’une mystification du bourgeois.

1384. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

L’humble religieuse lui aurait pour toujours engravé dans l’âme ce Christianisme fécondant sans lequel il n’y a dans la vie intellectuelle ni consistance, ni force réelle, ni grandeur, ni même gravité, et il aurait plus tard retrouvé, à coup sûr, toutes ces puissances-là, à l’heure où se déclara son ardente vocation littéraire.

1385. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Je la crois très vraie, très observée sur le vif, réelle enfin, mais la manière de l’auteur y est inférieure, enfantine et lakiste.

1386. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Chaigneau64, et comment d’un simple acte de foi le cléricalisme arrive à fabriquer le plus autoritaire des instruments de domination… Il est un point d’une évidence incontestable, c’est combien le texte de la loi diffère profondément du texte qui exprime le symbole réel de l’œuvre… Il y a là une restriction mentale qui est un véritable escamotage, et qui, pour toute conscience droite, entache le vote de nullité. » Qu’y a-t-il au fond de tout cela ?

1387. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

L’ode chante l’éternité, l’épopée solennise l’histoire, le drame peint la vie… L’ode vit de l’idéal, l’épopée du grandiose, le drame du réel.

1388. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Jouffroy parmi les monades de M. de Biran, l’a conduit à considérer les facultés comme des choses réelles, véritables objets de la psychologie ; à emprisonner la psychologie dans une question de mots scolastique et oiseuse ; à exprimer les faits par des notations vagues, inexactes en elles-mêmes et grosses d’erreurs.

1389. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Vous avez d’abord supprimé les êtres métaphysiques ; maintenant vous multipliez les êtres réels.

1390. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

La décadence n’est qu’apparente, le progrès est réel. […] Les talents ont un âge idéal qui souvent ne concorde pas avec les années réelles du poëte. […] Cela n’a rien d’injurieux pour leur talent très réel et qui à une autre époque eût attiré bien vite l’attention. […] Leur lance perce tous les monstres imaginaires ou réels, les endriagues et les traîtres. […] L’œil visionnaire du poëte sait dégager le fantôme de l’objet, et mêler le chimérique au réel dans une proportion qui est la poésie même.

1391. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Necker, auteur de l’Importance des Opinions religieuses en 1788, et M. de Chateaubriand, auteur du Génie du Christianisme en 1802, se rapprochant au fond du premier plus que du second, plus ami de la liberté réelle de tous les cultes que partisan de la domination d’un seul, éloquent et convaincu, donnant de haut et le premier un signal de clémence et d’apaisement, mais le donnant à la veille d’une journée mauvaise, en face d’ennemis encore ardents, d’adversaires haineux, et ne faisant par là qu’irriter et hâter les méchants desseins d’un pouvoir central corrompu qui va être réduit, pour durer, à se faire conspirateur. […] « Voilà ce qui fut, avec notre intention expresse, l’intention moins développée, mais réelle, de la majorité du peuple, ce qui forme de ce vote un contrat tacite entre la nation et son chef, ce qui seul, aux yeux d’une raison sévère, peut justifier le don que nous lui fîmes… » L’écrit de Camille Jordan est donc l’œuvre d’une haute raison restée libérale. […] Le réel, le sincère est dans ces odes.

1392. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Passé, présent, avenir de l’Humanité ; Adam, Jésus, le règne de Dieu, voilà les termes d’une série où tout est clair, lié, enchaîné ; série où le monde réel d’alors, le monde de l’inégalité et du malheur, se trouve expliqué, entre un passé qui l’a produit, et un avenir réparateur. […] Paul, ni aucune sanction, n’est-ce pas parce que le Christianisme avait consacré l’esclavage réel de la femme, et que nous qui avons rejeté le Christianisme de nos lois comme de notre cœur, nous trouvons bon néanmoins d’accepter en cela son héritage, faisant profit (misérable profit !) […] Elle était faite de toi et pour toi, toi dont les perfections excellaient si fort au-dessus d’elle en réelle dignité.

1393. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Causerait-il un tort réel à une catégorie de commerçants : les marchands d’autographes ? […] Leur désillusion est le fait d’esprits faussés, qui vivent dans un monde tellement artificiel qu’ils ne parviennent plus à rejoindre le monde réel. […] J’ai expliqué dans l’Introduction de ce petit livre quels sont les services réels qu’ont rendus et que rendent toujours, par de nombreux aspects de leur activité, les libraires marchands d’autographes.

1394. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

. — Enfin, et 3º, la Pléiade s’est trompée sur ses forces réelles, en ne connaissant pas assez ce qui lui manquait du côté de l’expérience de la vie et de l’observation de l’homme. […] Que son rôle philosophique n’a pas été non plus sans réelle importance. — De sa traduction du Manuel d’Épictète et de son Traité de la philosophie des Stoïques. — Comment son œuvre est connexe de celle de Charron, qu’elle éclaire ; — mais, de plus que Charron, il a été mêlé aux grandes affaires, et de là sa supériorité d’expérience ; — le champ de l’observation psychologique et morale s’en élargit d’autant. — Il se fait aussi de la dignité de la raison et du pouvoir de la volonté une idée plus « stoïcienne » ; — et plus haute, par conséquent, de la hauteur dont le point de vue stoïque dépasse le point de vue épicurien. — Enfin, dans son Traité de la sainte philosophie, il accomplit le dernier pas : — après avoir essayé de séculariser la morale, il y renonce ; — et ne voyant plus de remède à la corruption que dans le retour à la morale chrétienne, il en proclame la nécessité. — Analogie de cette évolution avec celle de la pensée de Pascal. — Les Traités philosophiques de Du Vair sont aussi nécessaires que la Sagesse à l’intelligence du mouvement d’où va sortir le jansénisme. […] — Sévérité réelle de sa doctrine ; — et que, s’il la présentait d’une autre manière, elle ne serait plus le christianisme, mais le stoïcisme. — Le Traité de l’amour de Dieu.

1395. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Tous deux, sans que jamais aucun lien apparent les unisse dans la vie réelle, ils sont unis d’un lien idéal et que rien ne saurait rompre dans la mémoire des siècles. — Neuf années s’écoulent. […] Elle rappelle un vertueux effort vers la perfection spirituelle, un desideratum beaucoup plus qu’un précepte qui n’aurait pu être scrupuleusement observé par personne dans la vie réelle. […] Je l’admire pour la merveilleuse puissance de son génie qui, dans ce monde d’abstractions, dans ces régions d’un surnaturel qui n’a plus aucune prise sur notre imagination, fait palpiter la douleur, la haine, la vengeance, la joie, l’amour, toutes les passions de la vie réelle, et l’éternelle jeunesse d’un cœur héroïque. […] Il y a cependant un inconvénient réel à cette culture des idiomes étrangers : c’est que, à force de parler et d’écrire en d’autres langues, on parlera et on écrira beaucoup moins bien dans la sienne. […] Rien de plus réel et rien qui s’explique mieux.

1396. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Car ce triomphe, quoique réel, quoique très grand, n’était, en partie, qu’apparent. […] En un mot, il a vu qu’il y a un domaine de la prévoyance qui est réel mais petit, et un domaine de la fortune qui est immense. […] Il les tient pour choses réelles, et il ne portera jamais jusqu’à elles ni l’analyse dissolvante de Montaigne, ni son qu’importe à lui. […] Cette entrevue réelle a quelque chose de symbolique. […] C’est un roman très réel, et très réaliste, où la part de fantaisie est très restreinte.

1397. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Mais elles ont des points communs : perversité réelle et pose de perversité ; imagination amusante parfois, souvent absurde ; romantisme fougueux dans le mot, dans la phrase, dans la composition. […] Il y a entre les idées des différences, des distances inégales, mais réelles, et ce sont précisément ces distances, ces différences entre les idées que la ponctuation et les divers signes de la ponctuation ont pour objet de marquer. […] Pourquoi, ayant une personnalité réelle, s’abaisse-t-elle à imiter ? […] Mais il est ridicule de réclamer des droits apparents, dont on ne saura rien faire, tant qu’on laisse entre quelques mains les capitaux et par conséquent toutes les puissances réelles. […] Cette fois, des sentiments violents, presque fous, soulèvent des gestes amples chez des êtres puissamment harmonieux ; et les détails, parfois réels, mais un peu soulignés, sont disposés habilement, pour un effet.

1398. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Ce mélodrame a quelque chose d’aussi abstrait, d’aussi éloigné de la vie réelle que le plus artificieusement combiné des vaudevilles. […] Ce malheur est réel, songez-y bien. […] Un des plus sûrs moyens de moins souffrir, c’est de se réfugier souvent dans le rêve, c’est de se figurer, en dehors et au-dessus de la vie réelle, une vie meilleure, une vie idéale. […] C’est une scène de carnaval, une descente de la Courtille, moitié réelle, moitié symbolique. […] Le tableau de la revue, celui de la bataille, celui de la retraite, d’autres encore, sont d’une réelle et je dirais presque d’une sérieuse beauté.

1399. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Un philosophe a écrit : « L’essence métaphysique et réelle de la vie est la douleur » ; ce philosophe, un Allemand. […] Pourquoi ne plaçaient-ils pas dans la lune ou ailleurs, n’importe où, leurs personnages si peu humains, leurs anecdotes si peu réelles ? […] L’anarchie est plus apparente que réelle. Réelle, ce serait trop beau : nous aurions autant d’écrivains originaux que d’écrivains. […] Andréas, si réel, et individuel avec une si fière désinvolture, s’agrandit jusqu’au plus magnifique symbole et le plus concluant.

1400. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Son indépendance, d’ailleurs, luttait en lui avec une très réelle avarice, comme nous l’avons vu de nos jours dans l’exemple de l’historien libéral Lémontey.

1401. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

À travers cette sévérité apparente et en partie réelle, il s’attachait à reconnaître ceux qu’il appelait des esprits superbes, ceux « qui se regardaient et se faisaient un secret plaisir d’être regardés comme les justes, comme les parfaits, comme les irrépréhensibles ; … qui de là prétendaient avoir droit de mépriser tout le genre humain, ne trouvant que chez eux la sainteté et la perfection, et n’en pouvant goûter d’autre ; … qui, dans cette vue, ne rougissaient point, non seulement de l’insolente distinction, mais de l’extravagante singularité dont ils se flattaient, jusqu’à rendre des actions de grâces à Dieu de ce qu’ils n’étaient pas comme le reste des hommes : Gratias tibi ago, quia non sum sicut cœteri hominum ».

1402. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Celui-ci a tout simplement parlé de Beyle romancier comme il aurait aimé à ce qu’on parlât de lui-même : mais lui du moins, il avait la faculté de concevoir d’un jet et de faire vivre certains êtres qu’il lançait ensuite dans son monde réel ou fantastique et qu’on n’oubliait plus.

1403. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

C’est l’inconvénient qui dérive de l’insuffisance réelle des fortunes, ou des besoins que nous nous sommes faits, ou de notre ambition.

1404. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Il établit bien d’abord qu’il n’aspire point à améliorer la condition de l’homme ou la morale de la vie ; il estime que chacun a en soi, c’est-à-dire dans son tempérament, les principes du bien et du mal qu’il fait, et que les conseils de la philosophie servent de peu : « Celui-là seul est capable d’en profiter, dit-il, dont les dispositions se trouvent heureusement conformes à ces préceptes ; et l’homme qui a des dispositions contraires agit contre la raison avec plus de plaisir que l’autre n’en a de lui obéir. » Ce qu’il veut faire, c’est donc de présenter un tableau de la vie telle qu’elle est, telle qu’il l’a vue et observée : « Tous les livres ne sont que trop pleins d’idées ; il est question de présenter des objets réels, où chacun puisse se reconnaître et reconnaître les autres. » Les premiers chapitres des Mémoires de La Fare, et qui semblent ne s’y rattacher qu’à peine, tant il prend les choses de loin et dans leurs principes, sont toute sa philosophie et sa théorie physique et morale.

1405. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Il ne faut point s’attendre à y trouver rien de la nature ni d’une description réelle.

1406. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Malgré son mérite réel comme officier général, et quoique ensuite, en poussant de tout son crédit au ministère de la guerre M. de Ségur, il ait travaillé indirectement à remettre sur un meilleur pied l’armée française, Besenval n’était pas un de ces militaires ardents qui le sont corps et âme et avant toute chose.

1407. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Cette œuvre était de reprendre les grands desseins de Henri IV, de Richelieu, d’imprimer à sa politique un caractère autrement auguste que ne l’avait pu faire l’adroit et habile Mazarin, de marquer par des guerres glorieuses et fructueuses son avènement réel et sa prise de possession comme roi.

1408. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Rousset a, dès l’origine, une théorie du caractère et de la fonction de Louis XIV, qui est celle des opposant et des mécontents, et que je ne crois pas très justifiée, si on y regarde de près : « Louis XIV, nous dit-il, avait, comme Philippe II, le goût des détails ; ses ministres encouragèrent ce goût et le poussèrent même à l’excès ; en trompant par la multiplicité des affaires un appétit de travail qui était réel et sérieux, ils l’assouvissaient d’abord par les petites et tenaient les grandes en réserve ; mais toutes lui étaient présentées.

1409. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Delécluze a préféré le côté laid et réel, jusqu’à supprimer, à dissimuler tout à fait l’autre aspect de profil ; je prends encore une fois notre homme en flagrant délit de contradiction pratique avec ses doctrines.

1410. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Mais d’autre part, depuis qu’on a pu lire les lettres nombreuses écrites en ce même temps par les personnes de l’entourage de Charles-Quint, les consultations à lui adressées sur toutes les affaires politiques de l’Europe et les réponses, on a un double jour ouvert sur la pensée du grand solitaire ; il n’a plus été possible de dire avec Robertson : « Les pensées et les vues ambitieuses qui l’avaient si longtemps occupé et agité étaient entièrement effacées de son esprit ; loin de reprendre aucune part aux événements politiques de l’Europe, il n’avait pas même la curiosité de s’en informer. » Et sans faire de lui le moins du monde un ambitieux qui se repent, ni sans accuser les bons moines d’avoir falsifié la vérité parce qu’ils en ont ignoré la moitié, on est arrivé à voir le Charles-Quint réel, naturel, non légendaire, partagé entre les soins qu’il devait encore au monde et à sa famille, traité et considéré par elle comme une sorte d’empereur consultant, et en même temps catholique fervent, Espagnol dévot et sombre, tourné d’imagination et en esprit de pénitence aux visions de purgatoire ou d’enfer, et aux perspectives funèbres.

1411. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

L’histoire ecclésiastique du règne de Louis XIV est à faire, et M. de Harlay en paraîtrait, pendant des années, le centre principal, le directeur le plus réel et le plus apparent : Bossuet n’était que pour la confirmation, pour le couronnement de la doctrine, et pour un complément d’autorité et de grandeur.

1412. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Le monde réel, le présent n’est pas si désenchanté que vous voulez le voir, allez !

1413. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Villars avait des ennemis ; il les méritait par son bonheur à la guerre, qui ne s’était démenti et ne devait se démentir que cette fois, et par cet air de jactance qui accusait des défauts en partie réels, et qui recouvrait des qualités dont les malveillants se gardaient bien de convenir ; mais il est certain qu’il valait infiniment mieux que n’affectaient de le montrer les mauvais propos des courtisans et des jaloux.

1414. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

La politique de Mazarin et de Lionne, qui était d’exercer sur le Piémont une influence habile et encore plus réelle qu’apparente, était dépassée ; Louis XIV et Louvois voulaient plus : ils entendaient avoir le Piémont dans leur main, à leur dévotion, pour leurs projets sur la Péninsule et contre le Milanais.

1415. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Je crois peu à la guérison des passions quand elles sont réelles, profondes, et qu’elles se sont logées plus avant encore que dans le tempérament, je veux dire dans l’esprit et dans l’imagination.

1416. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Si l’Écossais Robert Burns est fortement senti et dignement classé, William Cowper n’obtient pas, ce me semble, une part suffisante et proportionnée dans cette renaissance du goût naturel, de l’expression réelle et poétique.

1417. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Il nous la montre « aimable dans ses reparties, ingénieuse dans le détail de ses réponses et de ses propos ; ayant le cœur droit, excellent », très aimée, populaire même ; digne fille d’un vertueux père « qui avait répandu en elle toute la bonté et la candeur d’un monarque honnête homme ; ennemie de la dépense, souffrant des tourments réels et des supplices quand elle apprenait quelque calamité publique » ; une vraie mère des Français ; adoptant et admirant tout des grandeurs de la nation ; ne se considérant d’ailleurs que comme la première sujette de son époux : « Véridique avec le cardinal Fleury, hardie même auprès de lui plutôt que fausse, elle sortait, mais rarement, de cet état d’indifférence où elle s’était mise, et lui reprochait avec esprit et doucement les petites tracasseries qu’il lui faisait auprès du roi ; elle souriait un peu malignement, le déconcertait quelquefois et prenait alors le ton de reine de France ; elle lui disait que c’était à lui qu’elle était redevable d’une telle parole du roi.

1418. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

On aura beau dire qu’il est difficile que des faits réels et positifs ne soient pas cachés sous ces fables, qu’il n’y a jamais tant de fumée sans feu ; qu’il est presque impossible qu’il n’y ait pas eu quelque expédition nautique qui ait donné prétexte à la fable des Argonautes ; que certainement quelque grande expédition de la Grèce aux côtes d’Asie a donné naissance à la légende de Troie : quand on aura accordé le fait général et vague, en sera-t-on plus avancé pour l’histoire proprement dite ?

1419. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Malgré tout l’art et la complaisance qu’y peuvent mettre en effet les plus élevés d’entre les vulgarisateurs, une difficulté réelle qu’impliquent ces notices sur des savants, écrites à l’usage des gens du monde, ne saurait être supprimée ni écartée ; ce point délicat et insurmontable, c’est que, pour celui qui n’a pas étudié la langue mathématique et fait les calculs, l’expression des principales découvertes demeure nécessairement obscure et comme une lettre close.

1420. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

J’aurais mieux aimé toutefois, je l’avoue, un peu plus d’impartialité ou de curiosité à sa rencontre, une information plus complète, et que l’éditeur, au lieu de considérer comme réfutées par la présente Correspondance les différentes accusations dont ce guerrier courtisan a été l’objet, daignât les discuter davantage, qu’il opposât le pour et le contre, maintînt en présence les contradictions réelles ; qu’il s’appliquât enfin à combiner les différents traits qui sont transmis à son sujet, et qui contrastent sans se détruire.

1421. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Ne forcent-ils pas le réel en le découpant de la sorte ?

1422. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Sa persévérance si remarquable et cette force réelle dont j’ai parlé consistaient plutôt à suivre sa ligne en tenant compte habilement des obstacles, et même à s’en faire au besoin des points d’appui, des occasions de diversité.

1423. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

On crut à André Chénier comme à un poëte authentique et réel… » Tout cela veut dire, en style embarrassé, que, lorsque M.

1424. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

En 1820 seulement, ayant un soir raconté avec détail l’anecdote réelle d’une jeune négresse élevée chez la maréchale de Beauvau, ses amis, charmés de ce récit (car elle excellait à raconter), lui dirent : « Mais pourquoi n’écririez-vous pas cette histoire ? 

1425. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

— Tantôt il est couvert par un traité récent, par sa qualité d’étranger, par son origine presque royale. « En Alsace, les princes possessionnés étrangers, les ordres de Malte et Teutonique jouissent de l’exemption de toute contribution personnelle et réelle. » — « En Lorraine, le chapitre de Remiremont a le privilège de se cotiser lui-même dans toutes les impositions de l’État31. » Tantôt il a été protégé par le maintien des États provinciaux et par l’incorporation de la noblesse à la terre : en Languedoc et en Bretagne, les biens roturiers payent seuls la taille. — Partout d’ailleurs, sa qualité l’en a préservé, lui, son château et les dépendances de son château ; la taille ne l’atteint que dans ses fermiers.

1426. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Il y en a un pourtant ; mais il nous échappe ; notre vue intérieure a des limites ; au-delà de ces limites, nos événements intérieurs, quoique réels, sont pour nous comme s’ils n’étaient pas.

1427. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

En général, les figures servent à rendre ce qui échappe à la prise brutale et matérielle des mots : on ne s’étonnera donc pas qu’elles servent surtout à traduire ce qui est sentiment ou passion ; les pures idées intellectuelles et les objets du monde réel sont en général directement touchés par les mots et par l’application littérale des lois communes de la grammaire et de la syntaxe.

1428. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Bédier, voyez se succéder, s’agiter, tourbillonner, autour de ces bourgeois, un « fisicien », qui diagnostique les maux de l’âme et ceux du corps, un moine quêteur et porteur de reliques, un fou qu’on mène tour à tour au « fisicien » et au moine, le cortège diabolique d’Hellequin, et les trois fées Morgue, Arsile et Maglore ; voyez s’entremêler le banquet fantastique des fées, où l’on punit par une menace traditionnelle un oubli légendaire, et la très réelle « beuverie » où l’on amène le moine à mettre en gage chez le tavernier les reliques de son saint.

1429. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Ils évoquent des cavaliers beaux, spirituels, habiles à tous les exercices du corps, aisés, victorieux, sûrs de plaire, qui jouissent de tout leur être et dont l’occupation est de cueillir toutes les fleurs des plaisirs les plus réels.

1430. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Alphonse Daudet à conspuer l’Académie ; car elle pourrait lui apporter quelque chose à lui, et, la repoussant, il repousserait de réels avantages.

1431. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Ce sont des symboles véritables, une vision réelle, une prédiction obscure de l’avenir : c’est l’allégorie même.

1432. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Il y a l’idéologie solidariste qui consiste à voiler l’antagonisme foncier qui fait de chaque individu l’ennemi de tous les autres, pour déployer à nos yeux la solidarité qui les relie ; solidarité réelle assurément, mais qui n’est qu’un des côtés du tableau : côté qu’on se plaît à mettre seul en lumière, en laissant l’autre côté dans une ombre prudente.

1433. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Je trouve même supérieurs à tous les harmonieux, ceux qui ont une unité réelle dont le principe est intérieur.

1434. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Vous savez quels sont les vrais biens ; vous connaissez l’emplacement réel du paradis et le chemin qui y conduit.

1435. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

On y cherche un honnête homme, — fût-il un fanatique, — qui en représente les vertus réelles et les croyances respectables.

1436. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Les seconds, délicats surtout, et qui sentent leur idée supérieure à leur exécution, leur intelligence plus grande encore que leur talent, même quand celui-ci est très réel.

1437. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Malgré ses défauts et même ses vices, Geoffroy était un critique d’une valeur réelle, d’une grande force de sens, d’une fermeté un peu lourde, mais qui frappait bien quand elle tombait juste, d’une solidité de jugement remarquable quand la passion ou le calcul ne venait pas à la traverse.

1438. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Le jugement sérieux, profond, véritable, sur Mme Du Deffand, c’est dans les Lettres de Walpole qu’il le faut chercher ; car Walpole, malgré ses rigueurs plus apparentes que réelles, appréciait sa vieille amie à tout son prix et l’admirait extrêmement.

1439. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

La mort du duc de Beauvilliers (31 août 1714) acheva de briser les derniers liens étroits qui rattachaient Fénelon à l’avenir : « Les vrais amis, écrivait-il en cette occasion à Destouches, font toute la douceur et toute l’amertume de la vie. » C’est à Destouches aussi qu’il écrivait cette admirable lettre, déjà citée par M. de Bausset, sur ce qu’il serait à désirer « que tous les bons amis s’entendissent pour mourir ensemble le même jour », et il cite à ce sujet Philémon et Baucis ; tant il est vrai qu’il y a un rapport réel, et que nous n’avons pas rêvé, entre l’âme de Fénelon et celle de La Fontaine.

1440. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Lui qui a tant souffert et si peu réussi, il croit que le plus sûr moyen de faire sa fortune, c’est encore de la mériter ; qu’il n’y a que le mérite réel pour aller directement à la gloire !

1441. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Quand il en vient aux époques de la Réforme, de la guerre de Trente Ans, l’historien-roi définit en peu de mots ces grands événements par leurs traits généraux et dans leurs principes réels ; toujours et partout il démêle le fond d’avec les accessoires.

1442. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Son style est de robe longue, même dans ses lettres où il ne vise point à être pompeux ; mais, à tout moment, il rachète ces défauts réels, ces longueurs de phrase, par des expressions heureuses qui honoreraient Montaigne ; il joint à sa gravité habituelle, à la justesse et à la prud’homie de ses pensées, un agrément qui sent le poète dans la prose.

1443. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rulhière a sa physionomie à part ; il a un talent réel, un style ; c’est un écrivain non seulement spirituel, mais savant et habile, qui, après avoir longtemps disséminé ses finesses et ses élégances sur des sujets de société, a essayé de rassembler finalement ses forces, de les appliquer aux grands sujets de l’histoire, et y a, jusqu’à un certain point, réussi.

1444. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

« Il n’avait pas dix ans quand son père mourut (6 mai 1749) : il en avait un peu plus de seize lorsqu’il perdit sa mère (16 février 1756) morte à l’Hôtel-Dieu. » La Harpe ne parla qu’assez tard de sa naissance ; soit mépris réel pour des propos à demi calomnieux, soit difficulté d’aborder ce point délicat, il ne s’expliqua pour la première fois qu’en 1790, et il le fit sur un ton qui nous montre assez son caractère.

1445. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Elle mérita que Bolingbroke, qui connaissait son faible et ce qu’on pouvait tirer d’elle en lui donnant de l’Altesse, pût dire pendant les négociations de ce temps : « Il y a pour nous un avantage réel à flatter l’orgueil de cette vieille femme, puisque nous n’avons pas les moyens de flatter son avarice. » Cette affaire de souveraineté acheva de rompre l’accord entre elle et Mme de Maintenon.

1446. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Les plus sages même agissent comme s’il n’y avait rien de réel que ce monde, comme s’il n’y en avait pas un autre invisible plus certain et permanent.

1447. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Énonçant les motifs, réels ou non, qu’il avait eus pour entrer dans la discussion, il alla droit, avant tout, à l’adversaire, et le frappant de l’épée au visage, selon le conseil de César, il le raillait sur cette prétention au patriotisme, au désintéressement et au bien public, de laquelle Beaumarchais aimait (et assez sincèrement, je le crois) à recouvrir ses propres affaires et ses spéculations d’intérêt : Tels furent mes motifs, s’écriait-il déjà en orateur, en maître puissant dans la réplique et dans l’invective ; et peut-être ne sont-ils pas dignes du siècle où tout se fait pour l’honneur, pour la gloire, et rien pour l’argent ; où les chevaliers d’industrie, les charlatans, les baladins, les proxénètes n’eurent jamais d’autre ambition que la gloire sans la moindre considération de profit ; où le trafic à la ville, l’agiotage à la Cour, l’intrigue qui vit d’exactions et de prodigalités, n’ont d’autre but que l’honneur sans aucune vue d’intérêt ; où l’on arme pour l’Amérique trente vaisseaux chargés de fournitures avariées, de munitions éventées, de vieux fusils que l’on revend pour neufs, le tout pour la gloire de contribuer à rendre libre un des mondes, et nullement pour les retours de cette expédition désintéressée… ; où l’on profane les chefs-d’œuvre d’un grand homme (allusion à l’édition de Voltaire par Beaumarchais), en leur associant tous les juvenilia, tous les senilia, toutes les rêveries qui, dans sa longue carrière, lui sont échappées ; le tout pour la gloire et nullement pour le profit d’être l’éditeur de cette collection monstrueuse ; où pour faire un peu de bruit, et, par conséquent, par amour de la gloire et haine du profit, on change le Théâtre-Français en tréteaux, et la scène comique en école de mauvaises mœurs ; on déchire, on insulte, on outrage tous les ordres de l’État, toutes les classes de citoyens, toutes les lois, toutes les règles, toutes les bienséances… Voilà donc Mirabeau devenu le vengeur des bienséances et des bonnes mœurs contre Beaumarchais, et Figaro passant mal son temps entre les mains du puissant athlète, qui le retourne et l’enlève de terre au premier choc.

1448. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

» Il y a des moments pourtant où, voyant tant de choses réelles et mémorables se faire alentour, l’artiste en lui s’éveille et se dit : Je suis peintre aussi !

1449. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Pourtant Luynes et Richelieu étaient incompatibles, et ce dernier n’avait alors de garantie réelle que la bonne volonté et la confiance de la reine mère.

1450. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Et dire, qu’au milieu du vague de tout rêve, il est tellement réel, il est tellement présent, que dans le cauchemar, je resouffre de ce que j’ai souffert.

1451. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

En tous il y a une grande richesse d’images, la preuve d’une réelle force de création, des variations heureuses sur des thèmes variés, et le souci de rendre sa pensée poétique à la fois comme spectacle et comme musique ; les images chantent et les musiques se dessinent.

1452. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Le vers obtient ainsi une valeur résumante, analogue à celle du dernier vers de la terza rima, mais plus réel, plus obtenu au moyen du vers même, sans ressource empruntée à la typographie, ou au point d’orgue de la terminaison de poème.

1453. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

La voix du sang — cette voix du sang dont le mélodrame a tant abusé — parle éloquemment au cœur des jeunes noirs, si l’on en croit le conte intitulé « L’épreuve de la paternité », où les fils adultérins, bien qu’ignorant leur origine réelle, font franchir délibérément à leurs chevaux le corps du mari de leur mère, alors que les véritables fils se refusent à cette épreuve, malgré tous leurs efforts pour obéir à l’ordre formel de leur père.

1454. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Comme les autres philosophes de son sexe qui renoncent à leur sexe, elle jabote contre le catholicisme, parce qu’elle est sortie de la catholicité, qui traduit ces relations dans la vie réelle et pratique.

1455. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Enseveli à présent, lui et ses œuvres qu’on ne lit plus et que les éditeurs mêmes ignorent, dans les catacombes de cette Revue funéraire, Gustave Planche eut une minute de puissance réelle.

1456. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Et notez bien que j’ai dit : « l’homme littéraire », en parlant de Macaulay et de sa plus réelle supériorité, et que je n’ai pas dit : « le critique littéraire ».

1457. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

— le sens réel des Livres Saints, que l’Église éclaire de la lumière fixe de son flambeau tout à l’heure depuis dix-neuf siècles !

1458. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

un voyage des bourgs de Bretagne aux villes d’Italie ; « double voyage idéal et réel », dit le Breton, devenu Revue des Deux Mondes.

1459. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Pierre le Grand a pu superposer une armée de fonctionnaires au peuple qu’il voulait transformer ; mais toute sa volonté n’était pas capable de suppléer aux circonstances sociales qui seules pouvaient donner, aux masses immenses disséminées dans cet immense territoire, une unité réelle.

1460. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Elle s’obscurcit au lieu de s’éclaircir, lorsqu’on en veut trop subtiliser les règles et les applications : mais ce danger, que nous avons déjà prévu, n’est pas si réel que celui d’un silence trop longtemps gardé sur des matières qu’il faut remanier en tout sens, reproduire et commenter sans relâche, pour les pénétrer en détail et les faire bien comprendre. […] Elle ne peint point tel individu, tel vice, ou tel travers particulier : elle peint une ville, un gouvernement, une magistrature, une secte, un abus général : ces êtres collectifs n’ayant pas de figure réelle, et n’existant que dans la pensée, elle les travestit en personnages pour les faire agir, marcher sous les yeux, et leur prêter un langage après leur avoir donné un masque. […] Ce n’est plus la parodie des choses réelles, des événements arrivés, ni la caricature des personnes connues et vivantes : c’est la fidèle peinture du vrai, la représentation exacte des penchants de l’homme, et les portraits ressemblants des vices et des manies de tous les temps et de tous les lieux, abstraction faite des individus. […] La comédie étant un miroir où tout le monde doit se reconnaître, faites, en disposant votre sujet, soit réel, soit fictif, qu’il ressemble à la vérité la plus familière aux hommes, et qu’il s’accorde à ce que vous voulez traiter. […] Ce n’est pas qu’on ne fasse une distinction entre le vraisemblable réel, qui n’est pas partout nécessaire, et le vraisemblable théâtral, qui l’est toujours ; d’ailleurs il a deux espèces, la vraisemblance ordinaire, et l’extraordinaire.

1461. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Le terrible comédien réussissait à coup sûr : sa supériorité dans les tragédies de la vie réelle lui assurait le premier rang dans tous les genres de l’art dramatique. […] Ce mot est un jugement ; il définit ce règne théâtral qui n’eut, à vrai dire, rien de réel, rien d’historique, et ne fut qu’un drame romanesque joué par un homme pour sa propre gloire. […] Ses Mémoires, écrits dans ses dernières années, sont ceux d’un Orlando furioso de la vie réelle. […] La plus tragique fantasmagorie du plus grand des poètes est surpassée par cette scène de l’histoire réelle.

1462. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Ils avaient choisi l’antiquité pour le moment idéal de leur humanité quasi réelle et quasi fausse, j’entends historiquement fausse et humainement réelle. […] Mais enfin, ces diverses tentatives concordent et aboutissent toutes à renier ou à mépriser le réel. […] C’est donc la vie réelle, en sa réalité supérieure. […] Mais, comme il y a, dans ces romans, beaucoup de vérité, l’on est, en les lisant, mené à conclure, de même qu’en examinant la vie réelle. […] Voici le châtiment réel et ironique de Don Juan : Don Juan ne connaît pas les femmes !

1463. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

En un mot, ou Me D n’a pas rendu Homere, ou je l’entends comme elle, eu égard au fond des choses ; et quand même elle ne l’auroit pas rendu, mes remarques auroient encore un objet réel, puisqu’elles tomberoient du moins sur sa traduction dont je m’appuye toûjours. […] Je ne les appelle point grossiers, par l’innocente simplicité des moeurs qui seroit en effet très-respectable, mais par l’ignorance des arts et de la véritable morale ; ce qui est sans doute une imperfection bien réelle. […] La bonne vûë consiste à appercevoir la grandeur réelle des objets, et les véritables raports qu’ils ont entr’eux. […] Il a peint ce qu’il voyoit, c’est tout ce qu’il pouvoit faire ; mais ce qu’il a peint est devenu choquant, non pas seulement par caprice et par une révolution d’idées arbitraires, mais par une connoissance réelle de ce qui fait la véritable dignité de l’homme. […] Entend-on par nature, tout ce qui existe, tous les objets, tous les caracteres particuliers des hommes, et leur diverse maniere de penser : si on l’entendoit ainsi, et que toute poësie fût bonne dès qu’elle imite un objet réel, on seroit autorisé par-là à peindre les objets les plus rebutans, les caracteres les plus froids et les plus bizarres.

1464. (1922) Gustave Flaubert

Son éducation sentimentale est réelle, mais elle n’est pas seulement son œuvre à lui ; sa maîtresse, une vraie femme, sensuelle et intelligente, y collabore. […] En présence réelle, Flaubert ne l’eût pas supportée deux mois. […] Flaubert s’imagine qu’il pourra réagir contre cette tendance d’un genre, produire quelque chose qui donne autant l’impression du réel que les Martyrs donnent celle d’idéal. […] Il est bien vrai néanmoins qu’autant Emma Bovary donne l’impression d’une réalité vivante et solide, autant Salammbô nous paraît d’abord peu réelle. […] Les œuvres posthumes ont permis d’apprécier la précocité et la fécondité réelles d’un écrivain que ses scrupules d’artiste contraignirent à publier tard et peu.

1465. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

La littérature de ces dernières années s’est plu à nous faire croire à l’existence bien réelle de tous ces emphatiques impotents ; c’est donc un droit de la critique d’aller les troubler dans le dédaigneux isolement où ils cherchent à se renfermer. […] La ressemblance avec Brutus, quelquefois invoquée dans l’ouvrage, n’a rien de réel ; Brutus était menacé de mort ; Lorenzaccio tout au contraire est le favori du maître. […] C’est de nos jours, bien certainement, que se sont publiés et que se publient les livres les plus hostiles aux vertus réelles du cœur.

1466. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Et là-dessus Daudet s’élève contre la fausseté des femmes, représentées par le roman français contemporain, comme des possédées d’éréthisme, s’élève contre la fausseté des femmes françaises décrites par le romantisme, ces femmes rugissantes, ces femmes affolées par des passions tropicales, — et nous disons qu’il y aurait un intelligent et spirituel article à faire, pour remettre la femme française de la littérature, au point réel. […] Non, je ne suis plus intéressé que par les dévoilements d’âme d’un être réel, et non de l’être chimérique qu’est toujours un héros de roman, par son amalgame avec la convention et le mensonge. […] Non, jamais je ne fus aussi absent de la vie réelle, pour appartenir si complètement à la fiction, — sauf cependant une autre fois, la fois, où plus petit encore, j’avais lu, échoué dans une vieille bergère de la chambre à four de Breuvannes, j’avais lu Robinson Crusoé, que mon père avait acheté pour moi, à un colporteur de la campagne.

1467. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

De ces trois états le premier est vraissemblable, le second est réel, le troisieme est possible. […] Il n’en est pas ainsi d’un malheur réel, comme l’exil & l’infortune ; le sentiment en est fixe dans l’ame : c’est une douleur que chaque instant, que chaque objet reproduit, & dont l’imagination n’est ni le siége ni la source. […] Son caractere de naïveté une fois établi, nous devons trouver possible qu’il ajoûte foi à ce qu’il raconte ; & de-là vient la regle de suivre les moeurs ou réelles ou supposées. […] Il y a deux sortes de fausse gloire ; l’une est fondée sur un faux merveilleux ; l’autre sur un merveilleux réel, mais funeste. […] L’espace réel n’est pour vous qu’un point, comme la durée réelle.

1468. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Infiniment autre, infiniment plus grave et plus réel est le débat et en même temps la déliaison et en même temps la liaison. […] Mais réduite à la figure, et au sens de la figure, elle est profonde et réelle et vraie. […] La question est de savoir si c’est ça le réel. […] En psychologie, en métaphysique nous sacrifions le vrai présent, le présent réel à l’instant de tout à l’heure, à l’être de tout à l’heure, et ainsi nous réduisons le vrai présent, l’être réel à l’état de passé. […] C’est une bataille réelle.

1469. (1813) Réflexions sur le suicide

Je n’avais jusqu’à ce jour dédié mes ouvrages qu’à la mémoire de mon Père ; je Vous ai demandé, Monseigneur, l’honneur de Vous rendre hommage, parce que Votre vie publique signale à tous les yeux les vertus réelles, qui seules méritent l’admiration des penseurs. […] La vieillesse et la mort devraient mettre tous les hommes au désespoir bien plus que leurs chagrins particuliers ; mais on se soumet facilement à la condition universelle, et l’on se révolte contre son propre partage, sans réfléchir, que la condition universelle se retrouve dans chaque lot, et que les différences sont plus apparentes que réelles.

1470. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Voyant « certains jeunes gens d’une délicatesse insipide », Ambroise Philips par exemple, qui écrivait des pastorales élégantes et tendres, dans le goût de notre Fontenelle, il s’amusa à les contrefaire et à les contredire, et, dans la Semaine du Berger, fit entrer les mœurs réelles dans le mètre et dans la forme de la poésie d’apparat. « Courtois lecteur, dit-il dans sa préface, tu trouveras mes bergères occupées, non pas à souffler dans des chalumeaux, mais à lier les gerbes, à traire les vaches, ou à ramener les porcs à leur auge ; mon berger ne dort point sous des myrtes, mais sous une haie ; il ne veille pas diligemment à préserver son troupeau des loups, car il n’y en a point1128. » Figurez-vous un pâtre de Théocrite ou de Virgile à qui l’on met de force les souliers ferrés et l’attirail d’un vacher du Devonshire ; ce sera un grotesque qui nous divertira par le contraste de sa personne et de ses habits. […] Il est amateur du réel ; il a l’imagination précise, il n’aperçoit pas les objets en gros par des vues générales, mais un à un, chacun avec tous ses contours et tous ses alentours, quel qu’il soit, beau ou laid, sale ou propre.

1471. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Les exploits réels ou fabuleux des compagnons de Charlemagne, convertis par des ermites à une religion de douceur et d’ascétisme, avaient laissé dans les imaginations populaires des traditions tout à la fois héroïques et saintes, où la lance et la croix s’entrelaçaient dans un contresens pittoresque. […] « Priez Dieu pour moi, et soyez assuré que, de même que je vous ai toujours chéri et honoré dans le présent, maintenant, dans cette vie plus réelle que je vais commencer, je ferai pour vous tout ce qui me sera inspiré par la plus tendre et la plus parfaite charité du cœur ; et dans ces sentiments je recommande vous et moi à la divine miséricorde.

1472. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

On aurait en vain parlé raison à ce public, on aurait en vain représenté à cet enthousiasme socialiste que la société ne doit à personne, et surtout à un enfant de dix-huit ans comme Chatterton, que le prix réel de ses services, et non le prix auquel il évalue ses rêves ; qu’il n’y a rien d’humiliant dans un emploi servile bien rétribué, quand cet emploi, qui est celui des dix-neuf vingtièmes de la population, est honorable ; que le cri de haine contre la société étayée ainsi est le cri d’un fou qui veut avoir raison contre la nature des choses, et que le suicide à dix-huit ans par impatience est l’acte d’un frénétique. […] Ces considérations sont très belles ; les voici : à défaut de la vertu réelle qui descend de Dieu, et qui remonte à lui, l’honneur est un semblant de vertu, une échelle du néant posée contre le vide, et conduisant au vide et au néant.

1473. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Il ne développe qu’avec ménagement un tel paradoxe ; qu’on ne croie pas surtout qu’il s’agisse de ce christianisme réel qui serait le renversement de la société anglaise et comme un retour à l’état de nature, mais bien de ce christianisme nominal qui fait partie de la société politique20. […] L’astrologue Bickerstaff, qui, en 1708, prédisait comme « une bagatelle51 » la mort de son rival Partridge, et soutenait, au point d’embarrasser le vivant lui-même, que sa prédiction s’était accomplie ; le valet-secrétaire de Prior, qui, en 1713, racontait avec tant de naturel le voyage de Prior en France et ses entretiens avec Madame de Maintenon52 ; le drapier, enfin, qui voulait échanger marchandises contre marchandises et qui n’eût pas voulu de Wood pour garçon de boutique : tous ces êtres imaginaires, si vivants et si réels, le cèdent encore au parfait naturel et à la véracité ingénue de Gulliver.

1474. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Or, admettre une pareille manière de voir, c’est, ce me semble, rejeter une cause réelle très simple, très naturelle et appuyée sur des faits, pour une cause sans réalité ou du moins entièrement hypothétique. […] L’auteur ne paraît pas ici accorder toute sa valeur réelle à l’action locale des conditions de vie ou du milieu ambiant dont Geoffroy Saint-Hilaire et Lamarck ont les premiers reconnu la puissante influence.

1475. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Il est incontestable que les notes aiguës nous paraissent produire des effets de résonance dans la tête, et les notes graves dans la cage thoracique ; cette perception, réelle ou illusoire, a contribué sans doute à nous faire compter verticalement les intervalles. […] Or, non seulement vous ne sauriez expliquer en quel sens ce passage est une quantité, mais vous vous apercevrez, en y réfléchissant, que ce n’est même pas une réalité ; il n’y a de réels que les états S et S′ par lesquels on passe.

1476. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Jusque-là il était abbé comme on l’était volontiers alors, ayant le titre et quelques bénéfices ; mais il n’était point lié à son état, il n’était prêtre à aucun degré ; et en 1755, à l’âge de quarante ans, on le voit hésiter beaucoup avant de franchir ce pas dont il sent le péril, et d’où sa délicatesse d’honnête homme l’avait tenu éloigné jusque-là : « Je me suis lié à mon état, écrit-il à Pâris-Duverney (le 19 avril 1755), et j’ai mis moi-même dans cette démarche tant de réflexions que j’espère ne m’en repentir jamais1. » Quant aux petits vers galants, ils sont de sa première jeunesse ; il cessa d’en faire à l’âge de trente-cinq ans : J’ai abandonné totalement la poésie depuis onze ans, écrit-il à Voltaire en décembre 1761 ; je savais que mon petit talent me nuisait dans mon état et à la Cour ; je cessai de l’exercer sans peine, parce que je n’en faisais pas un certain cas, et que je n’ai jamais aimé ce qui était médiocre ; je ne fais donc plus de vers et je n’en lis guère, à moins que, comme les vôtres, ils ne soient pleins d’âme, de force et d’harmonie ; j’aime l’histoire… Il y a donc, avant tout, quand on parle de Bernis, à bien marquer les époques, si l’on veut être juste envers un des esprits les plus gracieux et les plus polis du dernier siècle, envers un homme d’une capacité réelle, plus étendue qu’on ne pense, et qui sut corriger ses faiblesses littéraires ou ses complaisances politiques par une maturité décente et utile, et par une fin honorable.

1477. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

En ce moment, Bernis en était venu lui-même à un état tout à fait maladif, à une exaltation nerveuse réelle, infiniment honorable dans son principe, mais qui devait le rendre médiocrement propre au rôle qu’au fond il n’ambitionne même plus : « Ne parlez plus de moi pour la première influence, écrit-il d’un ton sincère à Choiseul ; vous me faites tort ; j’ai l’air de vous pousser et de n’être qu’un ambitieux, lorsque je ne suis que citoyen et homme de bon sens. » Dès août 1758, il s’ouvre nettement à Choiseul pour lui offrir sa succession : Réfléchissez mûrement sur une idée que j’ai depuis longtemps : je crois que vous seriez plus propre que moi aux Affaires étrangères en les considérant sous le point de vue de l’alliance.

1478. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Une tentation dont on a d’abord à se garder quand on se débarrasse ainsi du Sully de convention pour vouloir retrouver le réel, c’est d’aller à l’extrémité contraire, c’est de lui chercher un défaut précisément à la place de la qualité dont on l’avait loué, c’est de diminuer sa grandeur, parce qu’elle n’est pas tout à fait celle qu’on avait, dans les derniers temps, préconisée.

1479. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Faut-il croire que, durant ces années, Gibbon ne se contentait pas d’être amoureux de Fanny Lausanne, et qu’il ait songé encore à adresser ses hommages à quelque objet plus réel ?

1480. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Le sujet est une passion pour une vestale, et l’auteur, qui appelle cette pièce un accident de l’amour, avait dû y peindre quelque ardeur réelle qu’il éprouvait alors, et à travers peut-être une grille de couvent.

1481. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Mignet, à qui il a dû l’idée et en partie les éléments de son travail, s’est inscrit en faux contre le mot de Napoléon en l’honneur de Villars, et s’est appliqué à montrer que du moment que la paix se faisait avec l’Angleterre, il n’y avait plus de danger réel pour la France.

1482. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Stapfer, pour la Biographie Michaud : Cependant, il y a des compensations, écrivait-il ; si je me tourmente aux heures de travail, quand j’ai en tête une composition de quelque étendue, je sens aussi plus d’énergie, plus d’aplomb au dedans de moi, plus de sérénité dans ma journée, quand j’ai travaillé avec un succès réel ou apparent, mais dont j’ai l’idée… Voilà ce que j’éprouve en terminant mon article « Leibnitz » le 1er juillet (1819).

1483. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Feuillet de Conches, après collation exacte : La correspondance réelle de Frédéric et de Maupertuis reste tout entière à publier.

1484. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Pour les curieux et ceux qui tiennent à savoir par le menu ce qu’il y a de réel dans une métaphore, je dirai même que dans nos séances particulières il n’y a pas de fauteuils, mais seulement de bons sièges.

1485. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

J’étais tenu plus qu’un autre peut-être de m’apercevoir et de faire apercevoir le public de la différence qu’il y a entre le d’Argenson réel et celui qu’on nous avait présenté d’abord : j’avais en effet, dans un article du Globe du 16 juillet 1825, rendu compte des Mémoires publiés en cette même année, et en le faisant avec un sentiment d’estime que je n’ai pas à rétracter, j’avais été un peu dupe comme tout le monde, et comme l’est encore plus aisément la jeunesse, du portrait arrangé, repeint et vernissé à la moderne que l’éditeur nous avait présenté.

1486. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Ce fut un autre malheur et très réel pour la jeune Dauphine que le renvoi et l’exil de M. de Choiseul : c’était pour elle un ami et le meilleur des guides.

1487. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

« Tous les deux détestaient Mirabeau et ne le craignaient pas encore. » M. de Montmorin révèle ses secrets griefs, trop réels, contre un homme qu’il estime peu et dont il a déjà eu à se plaindre dans une de ces circonstances qui ne s’oublient pas.

1488. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Des écrivains d’un talent réel, mais secondaire, et qui ne visent pas à le perfectionner ni à le mûrir, le poussent de vitesse, pour toute conduite, et le montent comme en une orgie.

1489. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

De très-bonne heure, à Brunswick et depuis, on peut remarquer que l’émotion et le malin plaisir de sa sensibilité consistaient à se partager, à se jeter dans des complications trop réelles, dont les embarras, les tiraillements et les déchirements même ravivaient pour lui l’ennui de l’existence ; il affectionna en un mot, de tout temps, cette situation entre les trois déesses, comme la définissait très-heureusement madame de Charrière.

1490. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Aussi je ne serais pas étonné que, malgré l’intérêt réel et de fond qui s’attache à la Correspondance qu’on publie, certains lecteurs la jugeassent fastidieuse, monotone.

1491. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Ce sont des médecins empiriques ; ils s’attaquent à des vices réels, mais extérieurs, à des symptômes d’une poésie déjà corrompue au fond ; et, pour la régénérer, ils ne remontent pas au cœur du mal.

1492. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Les véritables convenances, dans un état libre, ne peuvent être blessées que par les défauts réels de l’esprit ou du caractère.

1493. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste.

1494. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

A vrai dire, il n’est pas moraliste, mais peintre, voilà sa vraie vocation et son réel talent.

1495. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

L’aristocratie intellectuelle a pour rançon une sensibilité douloureuse à toutes les vulgarités de la vie réelle.

1496. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

À cette indispensable condition, la représentation sur la scène d’une action fictivement empruntée au réel suscitera l’émotion complémentaire, dans la communion de tous les spectateurs, voyant, en eux et devant eux, la double image d’une vie de représentation et de la représentation de cette vie.

1497. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Les jours où elle n’était pas trop envahie par les duchesses et par les personnes de bel air, Mlle Le Couvreur se plaisait à recevoir ses amis : Ma vanité, disait-elle, ne trouve point que le grand nombre dédommage du mérite réel des personnes ; je ne me soucie point de briller ; j’ai plus de plaisir cent fois à ne rien dire, mais à entendre de bonnes choses, à me trouver dans une société de gens sages et vertueux, qu’à être étourdie de toutes les louanges fades que l’on me prodigue à tort et à travers.

1498. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Comme caractère et comme homme, il semble avoir eu plus de qualités réelles et positives qu’aimables ; mais gardons-nous de le juger d’après Rousseau.

1499. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Cette affectation singulière, tout à fait petite dans un mérite si réel et si solide, a choqué dès longtemps un critique qui fait de M. 

1500. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Il nous montre le chemin et l’exemple : être ou n’être pas des académies, mais écrire pour le public, s’adresser à tous, improviser, se hâter sans cesse, aller au réel, au fait, même quand on a le culte de la rêverie ; donner, donner, donner encore, sauf à ne recueillir jamais ; plutôt s’user que se rouiller, c’est sa devise.

1501. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

On a remarqué que, dans sa première manière, il y avait une sorte de contradiction et d’antithèse entre le ton, qui était mesquin et précieux, et le fond de la pensée, qui allait au réel et au solide ; il en résultait une disproportion et un manque de concert qui faisait du tissu de son style comme une épigramme continuelle.

1502. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Cet épuisement de la nation était réel et sensible en 1814, épuisement physique plutôt encore que moral, et qui ne venait que d’une perte de sang trop abondante.

1503. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Saint-Évremond, averti à temps, quitta la France, se réfugia en Hollande, puis en Angleterre, et vécut quarante-deux ans encore d’une vie de curieux et de philosophe, très goûté, très recherché dans la plus haute société, voyant ce qu’il y avait de mieux dans les pays étrangers, et supportant avec une fierté réelle et une nonchalance apparente sa disgrâce.

1504. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Mais, à côté de ces travers tout à fait désagréables du dialecticien, on aime à dégager de belles et justes pensées comme celle-ci, qu’il ne faut pas que la loi conspire avec les passions de l’homme contre sa raison  : « Ainsi, du côté que l’homme penche, la loi le redresse, et elle doit interdire aujourd’hui la dissolution à des hommes dissolus, comme elle interdit, il y a quelques siècles, la vengeance privée à des hommes féroces et vindicatifs. » La conclusion de ce traité Du divorce, adressée sous forme d’allocution aux législateurs du Code civil, est d’une grave et réelle éloquence ; l’âme de l’homme de bien et du bon citoyen s’y fait jour par des accents qui ne se laissent pas méconnaître ; on y entend ce cri vertueux et ce vœu de réparation qui s’élève de la société après chaque grand désordre, et qui ne demande qu’à être régulièrement dirigé : Commandez-nous d’être bons, et nous le serons.

1505. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Raynouard était réel en partie, mais sec et borné : il eut le bon sens de le sentir.

1506. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Ce sage et juste milieu qui, en France, a toujours été plutôt à l’état de vœu, de regret ou d’espérance, qu’à l’état de pratique réelle, avait pourtant quelque ombre d’effet et de coutume dans le pouvoir attribué au Parlement, et Retz montre tous les rois sages, saint Louis, Charles V, Louis XII, Henri IV, empressés à se modérer eux-mêmes et à s’environner d’une limite de justice.

1507. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Fréron, dans L’Année littéraire, ne manqua pas cette occasion de critique ; il y raillait l’enthousiasme lyrique du jeune poète, méconnaissait les beautés réelles de son ode, et disait en propres termes : « Il m’est passé bien des odes par les mains ; je n’en ai point encore lu d’aussi mauvaise que celle de M. 

1508. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Le moment où Mme de Senneterre se voit munie de cette lettre de recommandation, son étonnement involontaire en la retournant machinalement entre ses mains, sa préoccupation de l’accueil qui lui sera fait, son inquiétude pour sa toilette qu’il faut proportionner à la modestie de sa condition nouvelle, tout cela est pris dans la nature et devait rappeler à plus d’une lectrice des circonstances trop réelles et trop récentes : Extrêmement fatiguée de ne pouvoir m’arrêter à rien, racontait Mme de Senneterre, je me couchai.

1509. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Il est une chose pourtant que Louis XIV n’eut à emprunter à personne et qui lui est bien originale, ce fut cet état, cette fonction réelle de souverain dont personne alors n’avait l’idée autour de lui, que les troubles de la Fronde avaient laissé dégrader et dépérir dans les esprits, et que Mazarin, même dans la restauration du pouvoir, n’avait que médiocrement relevée dans la révérence publique.

1510. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

La première est qu’il est un de ces hommes qu’on n’aborde qu’avec crainte, à cause du respect réel qu’ils inspirent et de l’espèce de religion qui s’est faite autour d’eux.

1511. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Ce défaut de Montesquieu est infiniment honorable, mais n’en est pas moins très réel.

1512. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

À cette probité réelle et fondamentale, Franklin tenait aussi à joindre le profit social légitime qui en revient ; mais, en remarquant les petites adresses et les petites industries qu’il mettait à se rendre de plus en plus vertueux au-dedans et à être de plus en plus considéré au-dehors, on ne saurait jamais séparer chez lui l’apparence d’avec la réalité.

1513. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Les services qu’il rendit par ses notices et ses livres agréables sur les sciences, par l’esprit philosophique qu’il y mit avec art et mesure, furent réels et se répandirent utilement dans la société de son temps : son style et son faux goût littéraire faillirent produire un mal durable.

1514. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Je suis loin d’avoir épuisé l’ami en Frédéric : ses correspondances avec Jordan, avec La Motte-Fouqué, sont des témoignages non moins réels, non moins touchants peut-être que sa correspondance avec M. de Suhm ; mais celle-ci a cet avantage qu’elle est constamment élevée et pure, qu’elle ne contient ni plaisanteries littéraires ou morales d’un goût équivoque, ni mauvais vers.

1515. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

La vocation réelle de Rivarol était peut-être cette rareté, — un métaphysicien pittoresque !

1516. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Ni préoccupation d’historien séduit par les qualités très réelles d’Innocent, ni sophisme de parti pris, ni même intelligence plus profonde des nécessités de ce temps n’y feront rien.

1517. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

VII Ôtez, en effet, l’athéisme, — l’athéisme masqué et la haine de la tradition chrétienne — qui font le sens réel de ce livre et de tous livres écrits jusqu’ici par M. 

1518. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

J’aurais voulu que vous puissiez voir notre joie, à nous juifs qui, d’après vous, Monsieur, n’ont pas l’amour réel de leur patrie ou ne l’ont que par reconnaissance pour un pays où ils n’ont pas été martyrisés… Je me souviens de ce samedi soir, lorsque mes parents m’ont accompagné au Paris-Lyon-Méditerranée.

1519. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Il aura, dans son langage habilement extrait de tous les dialectes vulgaires de l’Italie, l’énergie populaire et la sublimité, ou la douceur mystique ; il empruntera sans cesse à la riche nature dont il est entouré, au spectacle des champs, au souvenir de ses fuites à travers tous les lieux et parmi toutes les conditions humaines, à ses combats, à ses souffrances, bien des images de la vie réelle et des mœurs de son temps et il sera pourtant, à certaines heures de son inspiration, le plus idéal et le plus recueilli des poëtes religieux.

1520. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Dans cette innovation consiste, suivant nous, le grand mérite, la réelle originalité d’Alexis Pisemsky. » M.  […] Ce bon Bobinet et ce digne Gardefeu ont si bien l’aimable veulerie morale mêlée de blague, et l’indulgence et la réelle bonhomie des Parisiens de Paris ! […] La cause de Dieu étant commune à tous et en même temps supérieure aux intérêts particuliers, la solidarité est réelle entre les combattants ; les liens de fidélité et d’hommage ou de protection réciproques doivent être respectés absolument. […] Ils peuvent se découvrir par induction, se fabriquer mécaniquement et sans qu’il soit nécessaire pour cela d’avoir observé la vie de très près, puisqu’il s’agit d’exprimer toujours la même contradiction entre l’immoralité réelle des personnages et l’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes. […] Jure-le-moi, j’en ai besoin. » Dans la vie réelle, Marguerite jurerait tout de suite, Mirelet ferait un effort pour la croire et la croirait.

1521. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Ce fut longtemps lieu commun historique que de présenter Bonaparte brisant d’un revers de son épée une légalité réelle et étouffant sous le roulement de ses tambours, dans l’orangerie de Saint-Cloud, les derniers soupirs de la liberté française. […] Je ne connais guère de récit qui atteigne, avec moins d’apparence de recherche, à une plus réelle intensité d’effet, nous faisant passer par toutes les émotions qui furent celles des acteurs eux-mêmes, et, pour ainsi dire, nous tenant, jusqu’à la dernière minute, incertains de l’issue. […] Tous deux répondaient à des besoins réels et tous deux avaient des racines dans la nature de l’esprit. […] Il n’était pas l’un des plus profonds parmi les « écrivains penseurs » de son temps, il n’était à aucun degré un « écrivain artiste », et pourtant c’est l’un de ceux dont l’influence a été le plus réelle. […] On parle de soulèvements spontanés ; mais il faut toujours que quelqu’un ait donné le signal, et, pour obscure qu’elle soit, l’existence d’un ou de plusieurs meneurs n’en est pas moins réelle.

1522. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Son savoir, tout en étant aussi réel, a moins de pédanterie et déguise mieux le labeur et la recherche. […] J’ai assisté à deux nouvelles auditions de l’œuvre de Verdi : elles sont tout à fait favorables à ce maître, et je n’hésite pas à croire que le brouillard, qui en voile encore les réelles beautés, ne soit le fait d’une exécution insuffisante. […] Cette définition est admirable, sans contredit par malheur, nous n’aurions pas achevé le troisième vers, que le convoi serait arrivé au Havre : sans compter que chacun des trente mille promeneurs du dimanche, étant dans l’obligation de répéter la formule à tour de rôle, je crois (je ne l’affirme pas) qu’il y aurait avantage réel à voyager en coucou. […] … Je ne veux rien retenir des bravos que l’auditoire a fait entendre, mais dégager d’un succès réel la part dont l’actrice peut et doit faire son profit.

1523. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Ces grands anatomistes ont-ils donné à ce sujet autre chose que des opinions, déduites des comparaisons les plus grossières, mais sans aucune espèce de valeur réelle ? […] Chez l’homme et les mammifères, la structure des glandes mucipares et des glandes salivaires proprement dites n’offre aucune différence réelle. […] Pour avoir l’action réelle de la salive mixte des animaux sur l’amidon, il fallait se procurer de cette salive mixte, et nous avons vu ailleurs comment on opère. […] Le rôle réel des fluides salivaires, celui qu’avaient, du reste, déjà adopté les anciens, est d’ordre purement mécanique, et sert à la mastication, à la gustation et à la déglutition. […] L’expérience de Brunner ne peut donc pas passer pour une extirpation réelle du pancréas.

1524. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Sardou, au lieu d’emprunter au spiritisme un simple « truc » pour son dénouement, n’ait pas fait du spiritisme le fond même de sa pièce, et qu’il n’ait point établi toute sa fable sur des communications supposées réelles entre les vivants et les morts. […] Et, pour comble de plaisir, c’est une scène à « revirement », une scène « bien faite », car une scène bien faite n’est qu’une scène qui met de l’ordre dans une scène réelle. […] Il ne faut pas trop faire fi de ce qu’il y a d’indulgence et de réelle bonhomie dans ce que j’appellerai, parce que cela m’est commode, l’esprit de Paris. […] Car le ressentiment devrait être en raison du mal qu’on a voulu nous faire : et je n’ai jamais pensé ni voulu causer une douleur réelle à ceux dont je goûtais peu les productions écrites. […] … Mais je m’aperçois que je perds mon temps à débattre un cas de conscience qui ne se peut concevoir même par hypothèse, puisque la confession réelle d’un crime prémédité impliquerait à toute force, chez le pénitent, le renoncement à ce crime et, par suite, la licence accordée par lui à son confesseur d’en conjurer, s’il peut, l’exécution.

1525. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Qu’un acteur ait reçu un affront dans le premier acte, et qu’il vînt dire en commençant l’autre, que deux ou trois jours se sont passez depuis son injure, mais qu’il les a bien employez à préparer sa vengeance ; qu’une bataille se donnât entre deux actes, et qu’on n’en pût savoir le succès que le lendemain ; je sais qu’on courreroit de grands risques à prendre de pareilles libertés, mais je sais aussi que ce ne seroient pas défauts bien réels. […] Bien déterminés d’abord à trouver des défauts, n’y en eût-il point, ce qui à la vérité n’arrive gueres, non seulement ils vont relever des fautes réelles, mais ils en vont grossir les moindres apparences ; et n’espérez pas qu’ils fassent grace à ce qu’ils sentiroient eux-mêmes de plus raisonnable, s’ils sont assez heureux pour pouvoir, à force de déguisemens, l’offrir sous un aspect ridicule. […] Ne seroit-il pas plus raisonnable de dédaigner des plaisanteries qui ne sauroient jamais valoir l’attendrissement et l’émotion qu’elles lui font perdre. à l’égard des traits critiques dont on s’efforce d’orner ces parodies, il faut convenir que s’ils tomboient sur de vrais défauts, comme il arrive quelquefois, il faudroit les loüer et en profiter, plûtôt que de s’en plaindre : mais comme les auteurs songent beaucoup plus à faire rire qu’à bien juger, tout leur est également bon pour leur dessein, autant la plus legere apparence d’un défaut, que le défaut le plus réel. […] Je crois au contraire qu’il seroit plus raisonnable et plus utile de bien démêler pourquoi une tragedie plaît, que de chercher subtilement les défauts qui devoient l’empêcher de plaire ; car plus même ces défauts seroient réels, plus il faudroit qu’il y eût eu d’ailleurs de grandes beautés pour les couvrir ; et ce sont ces beautés qu’il importeroit de bien connoître. […] Par le langage ordinaire, les personnages et les sentimens n’en paroîtroient-ils pas plus réels ; et par cela même, l’action n’en deviendroit-elle pas plus vraye ?

1526. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

II Quand on veut dégager les causes de l’influence sociale d’un philosophe, une première question s’impose : quelles qualités prisait-il d’abord chez l’homme et souffrait-il de ne pas rencontrer dans le monde réel ? […] Il n’admet pas seulement, comme Taine, que la religion est bienfaisante, il estime qu’elle est la vérité profonde, essentielle, et qu’elle constitue le grand principe explicateur du réel. « J’écris » proclame-t-il « à la lueur de deux vérités éternelles, la religion et la monarchie, deux nécessités que les événements contemporains proclament et vers lesquelles tout écrivain de bon sens doit essayer de ramener notre pays. » IV Telle est la doctrine qui anime d’un bout à l’autre la Comédie humaine. […] Une force de stabilité avait reparu après un quart de siècle d’improvisations toutes condamnées par l’épreuve du réel. […] Feuillet eut d’ailleurs, au suprême degré, le don d’animer des créatures féminines d’une délicatesse d’autant plus prenante qu’elles sont réelles, plus mêlées au quotidien de l’existence mondaine et sachant y garder un sanctuaire de mysticisme intérieur qui les défend et les ennoblit. […] Par un abus du langage, on entend par impérialisme aujourd’hui, la volonté de puissance, au lieu que, ramené à son sens réel, celui des Romains, affirmé par Virgile dans un vers célèbre ; Tu regere imperio populos, Romane, memento… il signifie exactement la politique qui consiste, pour un peuple fort et qui considère sa civilisation, comme supérieure, à l’imposer militairement à des peuples moins forts et d’après lui moins civilisés.

1527. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Sainte-Beuve pouvait être plus utile, plus actuel, d’une application plus réelle et plus directe, en un mot plus moral, sans cesser pour cela d’être catholique. […] En effet, Jacquemont vit bien aux empressements de la foule, aux félicitations qui l’accueillirent, et surtout à l’attention grave et respectueuse dont il devint l’objet de la part de ses hôtes de la Grande-Bretagne, que la révolution de juillet l’avait grandi de plusieurs pieds, et que toute l’importance politique de ce prodigieux événement se résumait en quelque sorte dans sa personne : « Je défie M. de La Fayette lui-même, écrit-il à son père, d’avoir donné en un jour plus de poignées de main. » Jacquemont en conçut un légitime orgueil ; mais en même temps il eut le bon esprit de comprendre que l’enthousiasme, assurément très réel, de ses hôtes pour la nouvelle révolution, couvrait je ne sais quelle anxiété tout anglaise qui avait besoin d’être calmée. […] Car, il faut bien le dire, l’immobilité du peuple indien dans ses habitudes et dans ses croyances, sa résistance à épouser les mœurs de l’Angleterre, quoiqu’il accepte ou qu’il subisse patiemment tous les bienfaits de son administration éclairée, c’est là, si nous en croyons un observateur judicieux, Victor Jacquemont, le seul danger réel qui menace la puissance anglaise dans l’Inde.

1528. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Il est, si j’en ose parler d’après ceux qui le connaissent, de ces natures élevées, originales, qui ont besoin d’admirer, d’aimer, et qui, même dans l’ordre intellectuel, n’ont de satisfaction réelle que de se dévouer exclusivement à ce qu’ils aiment, à la mémoire illustre en qui leur sentiment de vénération et d’idéal s’est une fois logé.

1529. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Là où la veille il n’y avait rien, le lendemain il y a un monde : que ce monde soit celui de Shakespeare ou d’Homère, de Molière ou d’Aristophane, de Sophocle ou de Corneille, d’Archimède ou de Pascal ; que ce soit, dans l’ordre réel, l’enchaînement des hauts faits d’un héros ou ces autres bienfaits publics émanés d’un législateur et d’un sage, il n’importe : la médiocrité de la foule, en ajoutant petit à petit tout son effort durant des années, n’aurait pu y atteindre ; tous les ingénieux Marivaux en tout genre, tous les distingués et les habiles, tous les grands médiocres (comme Marivaux lui-même les appelle), entasseraient grain sur grain pendant des siècles pour s’élever et se guinder en se concertant jusqu’à cette sphère supérieure, ils n’en sauraient venir à bout : ce sont des facultés distinctes et diversement royales, don de la nature et du ciel, qui destinent et vouent quelques mortels fortunés à ces rôles, tout aisés pour eux, d’enchanteurs de l’humanité, de conducteurs vaillants et de guides.

1530. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’objet de M. de Meilhan est de présenter un tableau général exact du gouvernement de la France et de la société avant la Révolution, et de montrer qu’il n’y avait pas lieu ni motif à la révolte, qu’il y aurait eu moyen de la conjurer si on l’avait su craindre, et que lorsque la crainte est venue après l’extrême confiance, elle a, par son excès même, paralysé les moyens : « La légèreté d’esprit dans les classes supérieures a commencé la Révolution, la faiblesse du gouvernement l’a laissée faire des progrès, et la terreur a consommé l’ouvrage. » La description que donne l’auteur de l’ancien gouvernement de la France, de cette Constitution non écrite, éparse et flottante, mais réelle toutefois, est des plus fidèles ; il fait parfaitement sentir en quoi la France d’avant 89 ne pouvait nullement être considérée comme, un État despotique proprement dit ; il parle du roi et de la reine, du clergé, de la noblesse, du tiers état et du rapprochement des diverses conditions, des parlements, du mécanisme de l’administration, des lettres de cachet, de la dette, de l’influence des gens de lettres sous Louis XVI, avec une justesse et une précision qui me font considérer cet ouvrage comme la meilleure production de M. de Meilhan, après ses Considérations sur l’esprit et les mœurs, et comme pouvant se joindre à titre de supplément utile à l’Abrégé chronologique du président Hénault.

1531. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

La seule vérité historique que je tiens à marquerk, c’est que les deux frères appartiennent à des familles d’hommes politiques toutes différentes et même opposées, l’un étant de ceux qui vont au fond des objets et aspirent à un but réel et constant, l’autre de ceux qui s’en tiennent en tout aux expédients, et s’inspirent uniquement de la circonstance.

1532. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Il est bon d’exercer son esprit pour se procurer des plaisirs à tous les âges ; il est bon de se former des plaisirs intellectuels qui servent d’entractes aux plaisirs des sens, qui sont les seuls réels… Il faut croire assez à l’amitié pour avoir de douces illusions, mais jamais ne s’abandonner assez fortement pour être surpris de n’avoir embrassé qu’un nuage.

1533. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Malgré le charme, elle éprouvait des difficultés réelles, comme l’on peut croire.

1534. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

[NdA] Les attaques de Mayenne se prolongèrent même après le 27 septembre et jusque dans les premiers jours d’octobre : mais il y eut le 21 septembre une bataille ou action principale bien réelle, qui est ce qu’on nomme proprement le combat d’Arques.

1535. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

À le voir et à l’étudier de près, son originalité bien réelle était-elle autre part que dans son talent ?

1536. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Napoléon n’a ni colère ni rancune ; il prend les hommes pour ce qu’ils sont, selon leur utilité réelle et leur aptitude à la chose présente, selon qu’ils peuvent se prêter et servir à son dessein du moment.

1537. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Il marqua, dès les premières discussions, par un genre de talent alors fort rare, celui d’une improvisation réelle, d’une faculté de réplique immédiate, abondante et juste.

1538. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Il serait bon de revenir de temps en temps sur les diverses époques littéraires, même celles qui ont été déjà très explorées et qui sont censées les mieux connues, pour y constater les changements introduits par le cours des études, pour enregistrer les acquisitions réelles, et faire justice des prétentions peu fondées.

1539. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Malgré sa répugnance pour le réel proprement dit et son habitude de tout voir à travers un certain cristal et dans un certain miroir, je le prendrai, pour commencer, dans la réalité et le positif.

1540. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Ainsi notre combat est une victoire, et la plus belle que nous puissions remporter, puisqu’elle assure la subsistance du peuple… » Ce n’était une victoire que dans ce sens-là : autrement la défaite, bien que des plus disputées, était trop réelle ; mais il s’agissait de maintenir le moral de la nation à la hauteur nécessaire. — Dans la Réponse qu’il fit à la dénonciation venue de Brest en mai 1795, et où on l’accusait d’en avoir imposé à la France dans son Rapport sur le combat du 13 prairial, Jean-Bon n’opposait sur ce point que deux mots dignes et nets qui sentent l’homme vrai, sûr de lui-même ; on ne devrait pas omettre non plus cette partie de la Réponse dans les pièces du procès. — Le petit recueil que nous réclamons, avec un résumé sensé et simple, sans exagération ni faveur, aurait pour avantage, toutes dépositions entendues, de clore le débat sur une question déjà bien avancée ; le fait de la glorieuse bataille du 1er juin et de la part honorable qu’y prit Jean-Bon se présenterait désormais aussi entouré d’explications et aussi appuyé de témoignages qu’un fait de guerre peut l’être32.

1541. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

L’on en tirera le profit que Sa Majesté connaîtra l’attention que mérite cette frontière et qu’il ne sera pas si aisément détourné de ce qui lui est proposé pour sa sûreté, par le sentiment de ceux qui ne la connaissent point, et qui ont pu lui faire concevoir là-dessus des facilités qui n’y sont point. » Catinat ne croyait pas cette utilité réelle pour l’avenir trop payée d’un léger désagrément personnel.

1542. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

» Mme Duchambge avait eu l’idée de demander un service réel à l’un de leurs visiteurs les plus agréables et les plus gentils de façons ; Mme Valmore lui répondait : « (10 février 1843)… Ton idée sur M. 

1543. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Je le crois susceptible de devenir un militaire très distingué… » Et le 8 brumaire an xiv (30 octobre 1805), il écrivait de Landsberg, dix jours après la capitulation d’Ulm : « … Je désire vivement m’attacher cet officier qui a un mérite réel, et qui, m’ayant suivi comme volontaire depuis un an, n’a cessé de donner des preuves de talent et de courage. » Ce courage, il en avait fait preuve dans les combats qui avaient précédé la capitulation d’Ulm.

1544. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Il sentait tout le premier le besoin d’aller au-devant des objections qu’on n’exprimait pas, de rectifier votre idée à son sujet et, au lieu du Jomini de prévention qu’on se figurait peut-être, d’expliquer le Jomini véritable et réel qu’il était.

1545. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Eugène surtout (à qui nous devons bien, puisque nous l’avons nommé, ce triste et religieux souvenir), adolescent mélancolique, plus en proie à la lutte, plus obsédé et moins triomphant de la vision qui saisit toutes les âmes au seuil du génie et les penche, échevelées, à la limite du réel sur l’abîme de l’invisible, Eugène a exprimé dans le recueil cette pensée pénible, cet antagonisme désespéré, ce Duel du précipice ; la poésie soi-disant erse, qu’il a composée sous ce nom, est tout un symbole de sa lugubre destinée.

1546. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

La simple, la réelle, la pieuse et vaillante jeune fille, Prascovie, périt tout à fait dans cette sentimentalité de Mme Cottin, plus encore que le Lépreux de tout à l’heure dans la spiritualité de Mme Cottu.

1547. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Quels témoins, quels arbitres Vous feront reconnaître à mes yeux incertains Pour de réels objets ou des fantômes vains ?

1548. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Il résultait de là, souvent de simples contradictions enjouées, parfois aussi des tiraillements réels et des froideurs, à la suite desquelles, au milieu de leurs entraves, se ménageaient bientôt des raccommodements passionnés.

1549. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

A côté des exemples à la Plutarque dont il l’autorise, et qui feraient un peu trop lieu-commun en se prolongeant, arrive un souvenir d’hier, un mot de Catherine, une de ces anecdotes de xviiie  siècle que M. de Ségur conte si bien ; on passe avec lui d’Épaminondas à l’abbé de Breteuil, et le tout s’assaisonne, et l’on rentre en souriant dans le réel de la vie.

1550. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

XIV M. de Fontanes était un littérateur d’un talent réel et hardi.

1551. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Cependant, même là, bien que Boileau s’ingénie à imiter le mouvement rapide d’une argumentation serrée, la verve, qui est réelle, n’est pas continue.

1552. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Les études littéraires refleurissaient depuis la fin du xive  siècle : les humanités faisaient une concurrence, modeste encore, mais réelle, à la logique.

1553. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

« La suite est connue… « Mais il convient d’ajouter à ces notes biographiques sommaires que Baju, indépendamment de son très réel mérite personnel, de son intelligence et de son énergie des plus remarquables, existe littérairement surtout par le journal le Décadent (second semestre de 1886) et la brochure l’École décadente (juillet 1887).

1554. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Il a pu nourrir des enthousiasmes à ses débuts, mais comme chacun en éprouve au pressentiment de choses neuves, sans qu’une sécurité réelle du cœur lui ait cependant jamais permis de s’en griser.

1555. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Or ne serait-il pas plus utile et plus agréable d’exercer durant deux ou trois heures le métier de menuisier ou de jardinier, en le prenant au sérieux, c’est-à-dire avec un intérêt réel, que de se fatiguer ainsi à des mouvements insignifiants et sans but ?

1556. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Le bien est tout aussi réel que le mal ; les dossiers que vous m’avez chargé de lire renferment autant de vérité que les abominables peintures dont malheureusement nous ne pouvons contester l’exactitude.

1557. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Il a beau être, à son origine et dans son essence, un élan spontané de ceux qui souffrent vers le mieux-être, vers une répartition plus équitable des jouissances matérielles et spirituelles entre tous les membres de la société ; il a beau être, à ce titre, une aspiration vers une cité future qui n’existe qu’en idée dans le cerveau d’un petit nombre de penseurs ; sous l’inspiration de Marx et de ses disciples, il change de figure ; il se pique de renoncer aux chimères, de ne relever que de la science ; il raille les visées humanitaires ; il affiche la haine du sentiment ; il se moque de la fraternité et autres « fariboles » ; il met tout son espoir dans la force, cette accoucheuse des sociétés en travail ; il bannit l’idéalisme de l’histoire comme de la formation de l’avenir ; il déclare que l’intérêt est le point de départ réel de tous nos actes.

1558. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Descartes n’est, pas sûr que la nature existe ; il se défie là-dessus du témoignage de ses sens ; il a besoin de se prouver à lui-même que le monde — tel qu’il le voit, tel qu’il le touche — n’est pas une illusion, et c’est par un long raisonnement qu’il arrive à établir que la terre, les arbres, les autres hommes sont bien des êtres réels.

1559. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Quelle idée bizarre que celle d’incarner l’espionnage prussien, si cruellement réel et pratique, dans cet épouvantail grotesque qui n’a pas même le sens d’un symbole ?

1560. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

C’est là un faible essentiel chez l’homme excellent dont nous parlons, un trait par lequel le Béranger véritable et réel diffère du Béranger de convention et de légende qui court les rues et qu’on voit sur les vignettes.

1561. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Toutes les formes de la vie et de l’humaine nature se rencontrent dans Gil Blas, — toutes, excepté une certaine élévation idéale et morale, qui est rare sans doute, qui est jouée souvent, mais qui se trouve assez réelle en quelques rencontres pour ne pas devoir être tout à fait omise dans un tableau complet de l’humanité.

1562. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Galiani n’avait pas attendu l’éveil et le coup de tocsin de la Révolution française pour se méfier des hommes d’État optimistes et rationalistes, de ces honnêtes gens comme on en a vu sous Louis XVI et depuis, qui oublient trop les vraies, les réelles et toujours périlleuses conditions de toute société politique : Croyez-moi, disait-il, ne craignez pas les fripons, ni les méchants, tôt ou tard ils se démasquent : craignez l’honnête homme trompé ; il est de bonne foi avec lui-même ; il veut le bien, et tout le monde s’y fie ; mais malheureusement il se trompe sur les moyens de le procurer aux hommes.

1563. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Déjà pourtant, dans le premier Condorcet, un trait distinctif perçait sous cette apparente bonhomie et jusque dans cette bonté réelle : « Il a le tact le plus sûr et le plus délié pour saisir les ridicules et pour démêler toutes les nuances de la vanité ; il a même une sorte de malignité pour les peindre », disait Mlle de Lespinasse.

1564. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Plus tard, et seulement après son retour, Choisy s’aperçut qu’il n’avait joué là-bas qu’un rôle de parade, et que le père Tachard, jésuite, était celui qui avait noué avec Constance la négociation secrète et réelle.

1565. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Cette beauté à laquelle elle est la première à rendre une si haute justice était réelle, en effet, à cet âge de première jeunesse.

1566. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Un peu plus loin, je lis cette autre pensée : Je connais quelques esprits métaphysiques auxquels je ne parlerai jamais des beautés de la nature ; ils ont franchi depuis longtemps les idées intermédiaires qui lient les sensations avec les pensées, et leur esprit s’occupe trop d’abstractions pour qu’on puisse leur faire partager les jouissances qui supposent toujours les rapports de l’âme avec des objets réels et extérieurs.

1567. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Parvenu à sa soixante-dixième année, il écrivait au marquis de Bonneval, son frère, avec qui il avait eu souvent contestation, mais sans jamais rompre : « Je suis souvent bien loin de moi par des réflexions fatigantes ; de fréquentes attaques de goutte, d’autres infirmités réelles, me forcent à vous demander conseil, comme au chef de la maison, sur un parti à prendre. » Le marquis lui répondit cette fois en frère, l’engageant à prendre le parti le meilleur et lui promettant de tout son pouvoir de lui aider.

1568. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Il dut croire en avoir rendu un bien réel pour cet acte de vigueur qui avait empêché la dispersion et le sacrifice inutile de braves gens.

1569. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

C’était, à propos d’une fable, tout un échafaudage réel et moral.

1570. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Sans vouloir déprécier cette modestie et sans prétendre nier que, chez quelques natures délicates, un sentiment de réserve et de pudeur excessive ne fasse tort au mérite et aux facultés réelles dont ces natures sont pourvues, je dirai pourtant qu’une habitude de modestie et d’humilité, au degré où l’avait Rollin, suppose toujours aussi un sentiment d’une secrète faiblesse qui évite le développement où elle se trahirait.

1571. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Le côté faux de certaines de ses opinions choquait peu alors ; son mérite réel et positif était dans tout son jour.

1572. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Le style de Mallarmé doit précisément son obscurité, parfois réelle, à l’absence quasi totale de clichés, de ces petites phrases ou locutions ou mots accouplés que tout le monde comprend dans un sens abstrait, c’est-à-dire unique.

1573. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Les choses de l’inconnu, les problèmes métaphysiques reculant devant la sonde, les énigmes de l’âme et de la nature, qui est aussi une âme ; les intuitions lointaines de l’éventuel inclus dans la destinée, les amalgames de la pensée et de l’événement, peuvent se traduire en figurations délicates, et remplir la poésie de types mystérieux et exquis, d’autant plus ravissants qu’ils sont un peu douloureux, à demi adhérents à l’invisible, et en même temps très réels, préoccupés de l’ombre qui est derrière eux, et tâchant de vous plaire cependant.

1574. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

On a affaire aux questions réelles ; au progrès dans l’intelligence et par l’intelligence.

1575. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Ces vues de Kant, renouvelées du stoïcisme, seront éternellement admirées, et représentent sans doute un des progrès les plus réels de la philosophie morale ; mais, tout en éclaircissant certains points, elles laissent planer sur beaucoup d’autres une très-grande obscurité.

1576. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Ces enfans sont beaucoup trop grands pour une scène aussi puérile, si elle est réelle ; si c’est une allégorie, elle est plate.

1577. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Les objets seraient isolés, hors de la toile, ce serait une scène réelle.

1578. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Mais il y a toujours une empreinte qui, quoique effacée par le temps, n’en est pas moins réelle : sans cela nos langues seraient inhabiles à la poésie.

1579. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

pas écrit, dans les Études d’histoire et de littérature, les pages sur Bossuet, Bourdaloue, Massillon, les plus belles pages, sans aucun doute, qu’aient encore inspirées ces grands hommes, car qui n’est que littéraire n’aura jamais le sens réel et profond d’hommes pareils.

1580. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

La force des choses, cette irresponsabilité du destin, ce joug d’une mathématique inconnue jeté sur le cou de la pauvre créature humaine, a remplacé, dans l’Histoire, l’action réelle et très explicable de l’homme tout-puissant de volonté, de liberté, quand il s’agit des événements qui paraissent le moins à sa charge, et même tout puissant de faiblesse.

1581. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Sans vérité, sans science réelle, sans profondeur d’accent, il doit périr sous le poids de son titre, car les situations équivoques sont mauvaises aux livres comme aux hommes et tueraient dix fois des talents plus mâles et plus vigoureux que celui de M. 

1582. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

N’est-il pas vraisemblable, dès lors, que l’élargissement réel des formes sociales favorise cet élargissement idéal des concepts sociaux ?

1583. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Les Français alors n’étaient pas assez instruits pour embrasser d’un coup d’œil la nature, et comparer tous les signes de leur langage à l’univers réel, que ces signes devaient représenter.

1584. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Là, plus qu’ailleurs, se sont marqués les rapides contrecoups de la France sur l’imagination et la pensée des hommes : d’abord, l’action des lettres françaises et de cette liberté spéculative reçue avec tant d’ardeur par les Italiens, depuis le noble philanthrope Beccaria jusqu’au noble poëte Alfieri ; bientôt après, un sentiment tout opposé, l’inquiétude, la résistance, soulevées dans quelques âmes du moins par les instincts de liberté et de justice contre le despotisme de la conquête et de l’opinion ; enfin, comme un dédommagement de tout, l’association plus ou moins apparente ou réelle du peuple assujetti dans les grandeurs du peuple conquérant assujetti lui-même.

1585. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

J’ai pu réaliser ce projet le 10 avril, et je voudrais donner ici le résumé de ce que cette visite, jointe à l’étude des textes et des documents, m’a permis, sinon de conclure, au moins de proposer sur la topographie réelle de la bataille du 15 août 778 et sur les rapports, en ce point, de la poésie avec l’histoire. […] Les modifications faites par Dudulaeus, que ce nom soit réel ou fictif, au récit de Matthieu Paris, rendaient Ahasvérus si différent de Cartaphilus, au moins en apparence, que des « critiques » en firent expressément deux personnages : une brochure parue en 1645, sous le titre de Relatio oder Kurtzer Bericht von zweien Zeugen der Leyden Jesu Christi, s’efforce doctement de prouver qu’il existe encore dans le monde des vivants deux témoins de la Passion, un Juif et un Romain. […] Une épopée du Juif Errant ne sera jamais qu’une série de tableaux historiques, auxquels manquera un lien réel. […] Voici comment le romancier rapporte le conte, qui, dans sa version prolixe, est visiblement altéré en plus d’un point, mais qui cependant paraît indépendant des sources des deux autres versions, ce qui lui donne pour la comparaison une réelle valeur : Quelques jours après (sa première mésaventure), ce même moineau becquetait l’herbe quelque part, lorsqu’un derviche le prit et l’enferma dans une cage. […] Il y a là une fine ironie qui n’est pas sans une réelle portée morale.

1586. (1888) Poètes et romanciers

Ses tentatives sont plutôt littéraires que dramatiques ; elles sont faites pour ce théâtre imaginaire que chacun se construit à sa guise dans sa pensée à la lecture d’une page émouvante bien plutôt que pour ce théâtre réel dont certaines exigences ne s’accommodent que médiocrement des qualités les plus exquises de M. de Vigny. […] « Le Brun tentait l’œuvre d’après Buffon ; Fontanes, dans sa première jeunesse, s’y essayait sérieusement, comme l’attestent deux fragments dont l’un surtout est d’une réelle beauté. […] Et, sans qu’elle prétende imposer aux formules une langue rebelle, ne peut-elle s’inspirer de la grandeur et de l’harmonie du vrai cosmos entrevu à travers les travaux des savants, de ce spectacle réel mille fois plus grand que toutes les fictions et plus beau que toutes les mythologies ? […] Ceux qui ont eu le plaisir de le rencontrer souvent dans les mêmes régions seraient à même, s’ils le voulaient bien, de décrire exactement le travail par lequel l’imagination de l’artiste a transformé les matériaux vivants de son expérience de chaque jour ou de chaque soir, et de marquer au juste le degré d’idéalisation qu’il lui a plu de donner à certains types très réels, très humains de sa connaissance intime.

1587. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Tout est relatif ; on reconnaît une réelle décence extérieure dans la société de la comtesse de Rochefort, lorsqu’on la compare à d’autres sociétés de la même époque. […] La séparation entre le monde réel et le monde idéal, entre la vie de la nation et les œuvres de l’art, qui a toujours été plus ou moins le vice et l’erreur de la poésie française, est particulièrement profonde aujourd’hui. […] Quelle volupté de dieu que de créer par la poésie de petits êtres, qui ne sont pas des moralités personnifiées, mais qui sont aussi vivants, aussi réels que s’ils étaient en chair et en os ! […] Les monuments moraux sont là en face des faits brutaux ; le contraste est choquant, mais réel. […] Que la prose ne soit pas aussi belle que la poésie, c’est dans l’ordre ; le Lamartine réel devait désenchanter un peu les admirateurs du Lamartine idéal.

1588. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Tous mes personnages sont réels, sont ou ont été mes amis. […] Je dois constater la grande somme de talent d’observation dépensée, bien que l’action, réelle et forte, piétine un peu sur place. […] Je n’ai pas à cacher l’intérêt du livre qui est réel, mais j’ai dû signaler ses tendances au lecteur. […] Il n’y a qu’à comparer le personnage du roman et l’homme réel pour constater qu’on ne peut s’y tromper que bien volontairement. […] Mais la vérité est entière et fidèle dans la peinture du milieu où se déroule cette action : c’est celle des mœurs réelles de l’Angleterre.

1589. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Elle ne renonce pas à « unifier le réel », si tel est le but de la philosophie. […] Il s’agit d’une préférence, et non pas d’un besoin réel, comme Bernhardi l’affirmait d’abord. […] Potterat, si bien vivant, si réel, n’est point un symbole ; ni ses tribulations, des emblèmes. […] Mais toute vie, réelle ou inventée, contient une philosophie. […] Mais il n’est rien de plus capricieux ou complaisant que la logique, avec son air d’austérité, avec sa réelle facilité.

1590. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

L’autorité civile commandait ; la pensée ne la contredisait pas ; le pouvoir des gouvernements s’appuyait au fond sur les idées des masses ; comme toujours, la force réelle était dans ces idées elles-mêmes. […] C’était la religion moins la morale, l’arbre moins la sève ; il y avait distinction profonde, séparation réelle entre le rite et la morale ; le peuple, habitué à croire en ses conducteurs spirituels, avait conservé un certain respect pour l’échafaudage de pratiques arbitraires, parfois même ridicules, qu’on lui offrait sous le nom de christianisme, et chacun espérait y trouver un refuge à la mort. […] Il a prétendu donner à son œuvre une forme systématique, et quoique cette régularité soit plus apparente que réelle, elle suffit pour faire contraste avec la causerie sans règle de Montaigne. […] Ainsi tout est jeu, tout est feinte, rien n’est réel ; et, à part les sentiments de la nature, auxquels vous n’avez pas osé attenter, il ne reste aucune affection, aucun sentiment moral au milieu de tous ces intérêts. […] C’est ainsi que, dans la personne de Montaigne, nous avons vu réalisé l’épicurisme de tous les temps, modifié par le caractère de l’écrivain et par son époque : athéisme bien réel, mais pacifique, sans hostilité, peut-être sans conscience de soi-même ; conduit dans la route de la vie par un aveugle et par un myope (l’aveugle, c’est la nature, le myope, c’est le bon sens) ; poussé par son système dans une contradiction manifeste, puisque, d’un côté, pour se défaire de toutes les convictions, il est obligé de montrer la nature sans uniformité, sans constance, se démentant elle-même à tous les instants, et que, de l’autre, il lui convient, pour se soustraire à une règle plus rigoureuse, de n’accepter pour guide que cette même nature ; système enfin qui, serré de près et sommé de répondre, se réduit en philosophie à zéro, et en morale à l’individualité pure et simple.

1591. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Il est intéressant de voir, dans une histoire toute réelle et où la fiction n’a point de part, comment une personne qui semblait destinée par le sort à n’être qu’une adorable Manon Lescaut redevient une Virginie : il fallait que cette Circassienne, sortie des bazars d’Asie, fût amenée dans ce monde de France pour y relever comme la statue de l’Amour fidèle et de la Pudeur repentante. […] Indépendamment d’un contrat de 4, 000 livres de rentes viagères, ce Turc, qui avait du bon, et dont l’affection pour celle qu’il nommait sa fille était réelle, bien que mélangée, lui avait laissé en dernier lieu un billet d’une somme assez forte, payable par ses héritiers.

1592. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Mais si, dans la suite, nous renouons ces entretiens, nous nous occuperons de ces divergences entre les philosophes qui soutiennent des doctrines si opposées sur les biens ou sur les maux réels : voilà les sujets qui méritent de nous occuper plutôt que les vanités et les erreurs de la vie, etc. […] « Car l’homme, ajoute-t-il, doit se souvenir qu’il n’est pas seulement pour lui seul, mais pour les siens, pour sa patrie, et que c’est de la moindre partie de lui-même qu’il lui est permis de s’occuper ; et, comme la nature nous a doués d’un invincible attrait pour la vérité, inspirés que nous sommes par ce noble instinct, nous aimons forcément tout ce qui est vrai et réel, comme la bonne foi, la fidélité, la candeur, la constance, et nous haïssons tout ce qui est faux et trompeur, comme la fraude, le parjure, la méchanceté, l’injustice.

1593. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

« Dieu donc et toutes ses conséquences ; Dieu, l’immortalité, la rémunération et la peine ; dès ici-bas le devoir et l’interprétation du visible par l’invisible : ce sont les consolations les plus réelles après le malheur, et l’âme, qui une fois y a pris goût, peut bien souffrir encore, mais non plus retomber. […] Les symptômes sont alarmants ; vos paisibles amis de Paris, qui font de la politique avec leur encre et leur papier dans la liberté des théories, verront à quels éléments réels ils vont avoir affaire.

1594. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Les particularités de cette scène pleine d’observations et de couleurs locales ne peuvent être appréciées qu’entre les buttes de Montmartre et les hauteurs de Montrouge, dans cette illustre vallée de plâtras incessamment près de tomber, et de ruisseaux noirs de boue ; vallée remplie de souffrances réelles, de joies souvent fausses, et si terriblement agitée, qu’il faut je ne sais quoi d’exorbitant pour y produire une sensation de quelque durée. […] Deux sentiments me dominèrent, la haine et la peur : une haine qui ne connaissait aucun obstacle et les mesurait tous sans les craindre ; une peur vague, mais réelle du combat, de son issue, et d’ELLE surtout.

1595. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Ici apparaît un des plus graves inconvénients du « romanesque », qui, étant une déformation optimiste du monde réel, ne peut absolument pas souffrir que la vertu soit longtemps malheureuse, et qui, dans son désir de la récompenser, ne s’aperçoit pas toujours qu’il lui communique trop à elle-même ce besoin de récompense et qu’il lui ôte quelques-unes des marques auxquelles précisément on la reconnaît. […] (Ajoutez que, dans la vie réelle, un conseil municipal peut bien être uniquement composé d’âmes médiocres et viles, mais est composé aussi de pères de famille dont le fils est astreint au service militaire, et qu’ainsi, la salubrité des casernes ne saurait être tout à fait indifférente à leur égoïsme.)

1596. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Sous une fable brillante et populaire, il vient de reconnaître des événements de la vie réelle. […] Pour les personnages d’invention, nous voulons qu’ils soient réels, qu’ils vivent comme les personnages historiques.

1597. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

» est déjà bien touchante ; mais si, au lieu de mettre, conception protestante, le christianisme uniquement dans les pratiques extérieures, Gœthe l’eût mis où il est, c’est-à-dire dans le fond même de son adorable essence, vous auriez vu la différence du Gœthe réel au Gœthe possible. […] Nous allons voir à présent s’il est davantage dans l’écrivain lyrique, où le poète — quand il y est — se juge mieux, parce qu’il ne s’inspire que de lui seul, parce que le lyrisme est le cri ou l’épanchement de la personnalité humaine dans sa plus intense énergie, et qu’où il n’est point il n’est pas, poétiquement, de réelle personnalité.

1598. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Les triomphes de Bossuet sur Jurieu130, la plus impétueuse plume du parti, et d’un savoir réel, quoique faussé par l’emportement et la mauvaise foi, aujourd’hui paraissent à peine dignes de ce grand homme. […] Il faut à Bossuet « des expériences solennelles et authentiques, celles des prophètes, des apôtres et des saints Pères qui les ont suivis, et non pas des expériences particulières qu’il est difficile ni d’attribuer ni de contester à personne par des principes certains. » C’est ainsi que, dans cette matière, si au-dessus du sens commun, il reste, comme en toute autre, attaché au sens commun, discernant ce que ces subtilités cachaient de réel, et s’arrêtant toujours à la limite de l’intelligible. […] Ce fut peut-être le fruit le plus réel de sa victoire ; car je doute que le quiétisme de Molinos se fût établi en France, et qu’à défaut même des bulles du pape, il n’eût pas suffi du ridicule pour détruire une secte de cyniques de dévotion.

1599. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

La perte de cet homme, auteur de tant de désordres, parut une calamité réelle ; et quand on songe à ses indignes successeurs, on conçoit ces regrets qui furent presque universels. […] Comparez alors les idées du barde, privé de ce grand ressort du pathétique et du merveilleux, aux mythologies vivantes et animées des autres peuples, vous verrez que, malgré la douleur dont son âme paraît pleine, il n’a qu’une forme pour l’exprimer ; qu’il est contraint à chaque instant de se copier lui-même ; qu’il ne fait que se lamenter sans espérance, et que, ne mêlant jamais à la mort les perspectives heureuses d’un monde futur, il n’a nul moyen réel d’embellir et d’élever les destinées de l’homme à ses propres yeux. […] Il a du moins un avantage réel sur ceux qui décrivent ordinairement la nature. […] Mais, en reconnaissant les désavantages de ces éloges académiques, on n’en doit que plus d’estime à ceux qui ont su répandre des beautés réelles dans un genre équivoque, qui ne peut avoir, ce me semble, au même degré, ni les grands mouvements de l’éloquence funèbre, ni les développements instructifs de l’histoire.

1600. (1910) Rousseau contre Molière

Chose étrange, que l’homme qui n’a guère vu dans le monde réel que des scélérats, et qui a assez dit qu’il n’y voyait que cela, soit désobligé de ce qu’un dramatiste lui montre une maison où il n’y a que des coquins. […] La littérature n’est pas pour lui un des moyens de montrer le vrai aux hommes, elle est un moyen d’échapper au réel, de s’évader de la vérité dans l’idéal. […] Votre devoir est de les inventer merveilleux, pour qu’ils servent de modèles aux hommes réels. — Mais ce sont les hommes réels qui sont mon modèle et que je peins. […] ce sont les hommes que vous inventez qui doivent être les modèles des hommes réels.

1601. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

« Le fabliau, dit un nouvel éditeur, est le récit, plutôt comique, d’une aventure réelle ou possible, même avec des exagérations, qui se passe dans les données de la vie humaine moyenne29. » La langue des fabliaux est en général plus claire, plus souple surtout que la langue des chansons de geste ; elle a souvent des rencontres heureuses et des trouvailles d’expression ; la gloire lui revient d’avoir frappé nombre de proverbes dont on use encore dans le style bas et dans la liberté de la conversation démocratique30. […] Rien ne nous autorise à supposer — pas même cette perspective de l’histoire qui passe pour mettre toutes les choses à leur vrai point, mais qui ne laisse pas toutefois d’altérer souvent aussi les justes proportions des choses et leurs rapports réels — que nous discernions mieux, dans notre siècle de rationalisme, que Port-Royal en 1670, le vrai sens des intentions de Pascal. […] Le profit qu’il en devait tirer, nul ne l’ignore : dans aucune littérature peut-être on ne trouverait un autre exemple d’une éducation puisée plus directement à l’école de la vie réelle. […] Ne serait-il donc pas possible que la commission fût délivrée par le juge de Nîmes, parce que le débiteur, ou sa caution encore, avait son domicile à Nîmes, domicile réel ou domicile élu ?

1602. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Pourtant l’opposition existe entre les deux familles d’esprits, bien réelle et profonde.

1603. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Les sottises mystiques s’emparent de ces douleurs-là ; elles prouvent le peu de confiance réelle qu’on a dans la sagesse suprême si cruellement avilie par les fous de toutes les sectes 95. 

1604. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

La supériorité réelle de M. 

1605. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

En France, dans le pays de la sociabilité, il est tout simple, je le répète, que la plus aimable, la plus bienfaisante des vertus soit couronnée ; mais la vertu, sous ses formes réelles, elle est à chaque pas ; elle échappe aux couronnes, de même qu’elle se rencontre à qui la cherche, à qui sait l’observer, virile, courageuse, terrestre, travailleuse, contribuant à la civilisation et à la richesse générale, à la sueur de son front et par ses peines ; s’appliquant à tout, vaillante au progrès, servant la société dans l’humilité, la docilité et le silence, parfois aussi dans la lutte et le combat ; — oui, parfois (si l’on se transporte dans l’ordre de la pensée et des idées), sachant et osant protester contre la société même, lui résister en face, et résignée dès lors à tous les sacrifices, à toutes les privations et aux ignominies peut-être, en vue de la vérité.

1606. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Ce goût du simple et du réel le conduisit à un genre d’idylle qu’il mit à exécution, et dans lequel il visait à reproduire les mœurs pastorales, modernes et chrétiennes, en les reportant vers le xvie siècle, et sans intervention de fausse mythologie.

1607. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Une grande confusion, à cette époque, couvrait l’état réel des doctrines ; l’émotion tumultueuse des partis pouvait donner le change sur le fond même de la société.

1608. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

— Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie  siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin.

1609. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Bolingbroke, parlant d’un écrit de Pope (son Essai sur l’Homme, je crois) et du bien qui pouvait en résulter pour le genre humain, écrivait à Swift (6 mai 1730) : « J’ai pensé quelquefois que si les prédicateurs, les bourreaux et les auteurs qui écrivent sur la morale, arrêtent ou même retardent un peu les progrès du vice, ils font tout ce dont la nature humaine est capable ; une réformation réelle ne saurait être produite par des moyens ordinaires : elle en exige qui puissent servir à la fois de châtiments et de leçons ; c’est par des calamités nationales qu’une corruption nationale doit se guérir. » Voilà encore une de ces paroles qui serviraient bien d’épigraphe et de devise à une histoire de la Révolution française.

1610. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

L’opinion, si vacillante sur les événements réels de la vie, prend un caractère de fixité quand on lui présente à juger des tableaux d’imagination.

1611. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

L’homme qui se vouerait à la poursuite de la félicité parfaite, serait le plus infortuné des êtres ; la nation qui n’aurait en vue que d’obtenir le dernier terme abstrait de la liberté métaphysique, serait la nation la plus misérable ; les législateurs doivent donc compter et diriger les circonstances, et les individus chercher à s’en rendre indépendants ; les gouvernements doivent tendre au bonheur réel de tous, et les moralistes doivent apprendre aux individus à se passer de bonheur.

1612. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Le nouveau contrat n’est point un pacte historique, comme la Déclaration des Droits de 1688 en Angleterre, comme la Fédération de 1579 en Hollande, conclu entre des hommes réels et vivants, admettant des situations acquises, des groupes formés et des institutions établies, rédigé pour reconnaître, préciser, garantir et compléter un droit antérieur.

1613. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Aussi lui sera-t-il beaucoup pardonné, pour avoir écrit çà et là quelques vives pages, où le conteur de choses folles a montré quelque sens de la vie réelle et quelque intuition de ce qui se passe dans les âmes moyennes.

1614. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Quant à la critique littéraire proprement dite, j’estime qu’elle devrait s’exercer d’abord dans le sens d’un renfort scrupuleux de ce merveilleux instrument de précision et de probité qu’est la langue française ; elle devrait en outre, ou plutôt en conséquence, s’attacher à identifier exactement les tendances et inspirations réelles des œuvres, en d’autres termes à remettre de l’ordre dans le Dictionnaire, bouleversé par un siècle et plus de romantisme.

1615. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

« Je n’atteindrai pas l’idéal et je ne puis retourner : vers le réel », déclare Jules Tellier et il se compare aux crabes, retombés sur le dos, qui s’agitent désespérément sans pouvoir se redresser et contemplent avec effarement le ciel lointain qui n’est pas fait pour eux.

1616. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Il est impossible à la société de trouver le calme dans un état où elle souffre d’une plaie réelle, comme celle qu’elle porte de nos jours.

1617. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Il y a des époques où toute la question est dans la politique : ainsi, par exemple, à la limite du Moyen Âge et des temps modernes, à l’époque de Philippe le Bel, de Louis XI, les docteurs et les penseurs étaient peu de chose, ou n’avaient de valeur réelle qu’en tant qu’ils servaient la politique.

1618. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Le mari invoque bien la loi pour forcer sa femme à réintégrer le domicile conjugal, mais c’est d’une façon si timide, avec une contrainte si piteuse, qu’aucun effet d’angoisse réelle, de terreur sincère n’en peut résulter.

1619. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Elle a aussi un mari réel, Yankee errant et intermittent, qui exploite des mines, fabuleusement lucratives, au fond du Far West.

1620. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Mme de Pompadour représente, par d’autres côtés encore, la classe moyenne à la Cour, et en signale en quelque sorte l’avènement, — avènement très irrégulier, mais très significatif et très réel.

1621. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

J’aime mieux y reconnaître, pour mon compte, une attention délicate, et qui, même en prenant le change sur son objet apparent, avait sa consolation réelle.

1622. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Mais ce qui restera surtout à Saint-Just, ce sera l’habitude et l’usage des comparaisons, qu’il transportera plus tard dans sa prose oratoire avec concision et sobriété, et qui y seront parfois d’un effet réel.

1623. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

À l’âge où l’esprit est capable de s’observer lui-même, l’intervalle étant généralement réduit à un mininum indiscernable, le signe et l’idée paraissent simultanés ; mais cette simultanéité n’est ni réelle, ni primitive, ni constante ; elle n’est qu’une apparence acquise et plus fréquente que les faits qui permettent de la rectifier ; l’intervalle reparaît de temps à autre dans des faits qui nous révèlent et la nature primitive et la loi véritable des rapports temporels du signe et de l’idée245.

1624. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

À cette source principale du plaisir, réel ou supposé, que nous procure l’harmonie latine, on peut encore en ajouter une seconde, mais à la vérité beaucoup plus légère et plus imparfaite.

1625. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

                          Leur existence étrange est le réel du rêve !

1626. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Trop souvent, quand il arrive devant le problème de l’origine, de la nature et de la destinée de l’homme, il passe outre pour se transporter à des questions qu’il juge plus hautes et d’où la solution de celle-là dépendrait . il spécule sur l’existence en général, sur le possible et sur le réel, sur le temps et sur l’espace, sur la spiritualité et sur la matérialité ; puis il descend, de degré en degré, à la conscience et à la vie, dont il voudrait pénétrer l’essence.

1627. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Qui vit au contraire dans la complication de notre civilisation moderne, habitué à rencontrer les individus les plus nombreux et les plus divers dans les mêmes associations, et inversement les mêmes individus dans les associations les plus nombreuses et les plus variées, est porté à se représenter ce nombre et cette variété comme susceptibles de s’accroître indéfiniment, se figure aisément, au-dessus de ces groupements réels, les groupements possibles, et arrive ainsi à concevoir sans répugnance une sorte de vaste société idéale dont tous les hommes, à quelque société partielle qu’ils pussent appartenir par ailleurs, seraient également les membres.

1628. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

19 » La gloire même des temps où il vécut, cette gloire si réelle et si célébrée de Platée, de Mycale, de Salamine, cet amour d’une liberté si bien défendue contre les barbares d’Asie, et dont le triomphe, enlevé surtout par le courage des matelots d’Athènes, accroissait si puissamment l’orgueil démocratique, le laissa fidèle à sa préférence pour des Institutions plus paisibles.

1629. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

La chevalerie n’est point une chimère : Bayard est un héros très réel, François Ier avait le caractère chevaleresque, Henri IV était aussi un véritable preux ; mais ces deux princes avaient en amour une morale un peu relâchée. […] Voltaire est persuadé qu’on ne peut pas le craindre, que le danger d’Horace n’est pas réel : cependant Horace fut condamné par les duumvirs ; l’arrêt de mort était rendu ; déjà le licteur s’avançait pour saisir le coupable ; il commençait à lui lier les mains. Pourquoi donc un danger si réel dans l’histoire serait-il un danger illusoire sur la scène ? […] Voltaire a voulu donner mal à propos à Corneille un ridicule qu’il n’a point : si malheureusement il en avait eu un réel, Voltaire, en fils respectueux, aurait dû couvrir la nudité de ce père du théâtre. […] Félix, à la vérité, est un personnage bas, mais c’est un caractère vrai : il est quelquefois plus instructif et plus utile de dévoiler la turpitude trop réelle de la nature humaine, que d’exalter des vertus romanesques et chimériques.

1630. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Le Dieu décida même que si le génie s’était souvent passé des secours du goût, jamais le goût, sans le génie, n’avait produit de beautés réelles. […] Le Dieu accueillait avec distinction Lagrange Chancel qui ne fut Poëte que dans ses libelles ; mais qui sçut être intéressant dans Ino & Mélicerte ; & l’Auteur de Gustave, Drame où les incidens sont un peu prodigués ; mais où chaque personnage ne dit que ce qu’il doit dire : & l’Auteur de Philodete, Ouvrage où le Poëte ne sacrifie qu’à des beautés réelles & susceptibles d’examen : & celui d’Iphigénie en Tauride, tableau où l’on reconnaît la touche d’un pinceau quelquefois dur ; mais toujours plein de chaleur & d’énergie : & celui de Venise sauvée, imitation qui peut servir de modèle, & qui en est un d’action théatrale : & le Peintre du Siege de Calais, monument de patriotisme ; & d’autres émules d’un âge peu avancé ; mais dont les premiers pas dans cette arène furent marqués par des succès. […] Il servit à prouver que cette carriere n’était pas encore sans ressources, & qu’avec des talens réels, on trouverait toujours des sujets favorables. […] Qu’est-ce qu’un amour purement métaphysique, dégagé de tout intérêt des sens & auquel on sacrifie une passion réelle & réciproque ?

1631. (1894) Critique de combat

J’ai loué encore les œuvres qui osent être originales et françaises, quand il est de bon ton de se faire une âme étrangère postiche ; Celles qui ont richesse d’idées vêtues simplement, quand la mode est aux pauvretés richement habillées ; Celles qui ne se croient pas obligées de ramper dans la boue sous prétexte de réalisme ou de s’envoler dans les nuages sous prétexte d’idéalisme, mais qui, considérant le réel comme la base de l’idéal et l’idéal comme le prolongement du réel, marchent, ainsi que l’homme, les pieds solidement appuyés sur la terre et la tête fièrement dressée vers le ciel. […] Il demeure le robuste et glorieux représentant de l’art d’hier, mais il ne peut plus prétendre à guider l’art d’aujourd’hui et de demain ; un art qui sans doute ne renonce point à la recherche de la vérité, à l’observation précise du réel, mais qui entend n’être plus le peintre indifférent ou vaguement fraternel de la misère humaine, ne plus garder « l’attitude impersonnelle du démonstrateur » ; un art qui veut produire au grand soleil ses sympathies, ses colères, ses rêves, ses idées d’avenir ; qui veut marcher ainsi les pieds sur la terre, mais les yeux levés et fixés sur l’horizon lointain, au risque d’avoir parfois la tête dans les nuages. […] Il reconnaît que partout, dans les littératures primitives, on semble être allé du rêve au réel, en passant par l’épopée, qui a servi de pont entre l’un et l’autre. […] Pertes réelles et gains illusoires, tel est à peu près le bilan du siècle tel qu’il le dresse. […] Quand on parle du corps social, on ne fait point une métaphore : on exprime en termes précis une chose réelle.

1632. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Remarquez que La Fontaine est obligé d’inventer tout dans cette peinture de la société réelle ; ses modèles ne lui fournissent rien ; il transforme ses originaux pour les compléter, Voici par exemple dans Pilpay le discours des canards à la tortue : « Ce n’est pas sans peine que nous nous éloignons de vous, mais nous y sommes obligés. […] Boileau n’en sait rien, il se contente d’un mot général, il ne voit pas le détail réel de leurs journées. « Jamais de repos » : ils se lèvent avant le jour, à trois heures du matin souvent, dans l’aube froide et humide. « Point de pain quelquefois : « rappelez-vous que souvent ils sont morts de faim sous Louis XIV, et que Mme de Maintenon en 1700 mangea du pain bis.

1633. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Cependant, autant que j’en puis juger, je crois que le plus grand nombre ne sont qu’apparentes ; et même celles qui sont réelles ne me paraissent pas absolument inconciliables avec ma théorie. […] Ces faits que j’expose ici, beaucoup trop brièvement, montrent cependant combien il existe de degrés divers dans la structure des yeux de nos crustacés vivants ; et si l’on se rappelle combien le nombre des espèces vivantes est peu de chose par rapport au nombre des espèces éteintes, je ne puis trouver de difficulté réelle, je ne puis trouver surtout une difficulté plus grande qu’à l’égard de tout autre organe, à croire que la sélection naturelle a pu transformer un simple appareil, formé d’un nerf optique revêtu de pigment et recouvert d’une membrane transparente, en un instrument optique aussi parfait que puisse le posséder un représentant quelconque de la grande famille des articulés.

1634. (1911) Nos directions

Empiriste, d’abord, le roman des Goncourt qui fut, qui plus qu’il ne fut encore, voulut être une notation successive d’instants, une sorte de cinématographe littéraire, et dont le souci d’art réel resta extérieur, à fleur de peau, tout pittoresque. […] Les jeunes combattants ne pouvaient se tromper sur la valeur des forces ennemies… Car il est temps de rendre à la poussée lyrique dont la clameur emplit ces vingt-cinq dernières années, son sens réel et sa juste physionomie. […] Un moment devait arriver où le lyrisme pur ne lui suffirait plus, où le drame seul serait capable de recueillir sa fièvre, de la multiplier, de la communiquer à des êtres fictifs — bientôt réels. […] J’y discerne un même souci de style au double sens du mot (langue et tenue), une même tendance à généraliser les conflits, à grandir les personnages sans attenter à leur complexité, une même ambition d’exalter le réel, sans que l’exaltation lui soit un masque, une même volonté de vie et de construction. […] Robert de Souza, auquel il nous faut toujours revenir dans ces questions de technique, car il aura été le premier, presque le seul, à les vouloir étudier de près, en philologue, la règle conventionnelle du numérisme77 a créé peu à peu chez nous une habitude d’oreille et de prononciation poétique, qui lui confère une valeur réelle, auprès de la règle organique, inéluctable, d’accentuation.

1635. (1893) Alfred de Musset

Elle est toujours la même, et toujours diverse ; ainsi l’homme réel se modifie et se renouvelle incessamment. […] Il en est souvent de même chez Victor Hugo ; mais souvent aussi l’épithète y est symbolique, traduisant beaucoup moins l’aspect réel des choses que ce qu’elles évoquent en nous d’idées, d’impressions, d’images étrangères et lointaines. […] Le Cœlio de la vie réelle était continuellement assassiné par Octave, qui exhalait aussi ses remords en lamentations poétiques, comme il le fait dans la pièce : « Moi seul au monde je l’ai connu… Pour moi seul, cette vie silencieuse n’a point été un mystère. […] Des arbres de carton et un soleil électrique sont encore beaucoup trop réels pour Fantasio.

1636. (1885) L’Art romantique

J’ai plus d’une fois déjà expliqué ces choses ; ces lignes en disent assez pour ceux qui aiment ces jeux de la pensée abstraite ; mais je sais que les lecteurs français, pour la plupart, ne s’y complaisent guère, et j’ai hâte moi-même d’entrer dans la partie positive et réelle de mon sujet. […] Pour la plupart d’entre nous, surtout pour les gens d’affaires, aux yeux de qui la nature n’existe pas, si ce n’est dans ses rapports d’utilité avec leurs affaires, le fantastique réel de la vie est singulièrement émoussé. […] Le sauvage et le baby témoignent, par leur aspiration naïve vers le brillant, vers les plumages bariolés, les étoffes chatoyantes, vers la majesté superlative des formes artificielles, de leur dégoût pour le réel, et prouvent ainsi, à leur insu, l’immatérialité de leur âme. […] Toute la vie en miniature ne s’y trouve-t-elle pas, et beaucoup plus colorée, nettoyée et luisante que la vie réelle ? […] Il ne nous le fait point apercevoir dans son imposante et réelle structure, mais, comme ménageant nos faibles sens, il nous le montre d’abord reflété dans quelque onde azurée ou reproduit par quelque nuage irisé.

1637. (1929) La société des grands esprits

C’est peut-être que sa beauté — réelle, certaine, incontestable — ne s’imposait pas avec la même évidence que la beauté grecque, faute d’avoir possédé les mêmes qualités rationnelles, et exigeant ainsi pour être pénétrée un sens du relativisme historique qui est en effet une innovation du siècle dernier, inconnue des trois siècles précédents. […] » Les philosophies étant donc incapables, selon Pascal, d’expliquer l’énigme (réelle ou prétendue) de notre nature, (d’ailleurs c’est faux, ce mélange de bon et de mauvais s’explique fort bien par l’évolution, et déjà dans Lucrèce), restent les religions : « une foison de religions ». […] Le patriotisme de Voltaire est non seulement très réel et très vif, mais très analogue au nôtre. […] Son rationalisme, très réel, mais incomplet, ne joue guère qu’un rôle négatif ou éliminateur. […] Il n’est pas nécessaire de charger ce philosophe, dont les torts réels sont assez lourds.

1638. (1888) Impressions de théâtre. Première série

La sagesse de Philinte, sagesse d’épicurien, faite de beaucoup d’expérience et de scepticisme et d’un peu de mépris des hommes, faite aussi d’indulgence et de bonté réelle, est proprement la sagesse de Molière. […] Nous sommes ici en plein monde réel. […] Notez qu’à ce moment-là nous commençons à en avoir assez d’Hamlet et de sa faiblesse, et de ses emportements, et de son pessimisme, et de sa démence feinte ou réelle. […] Et cependant les personnages du Marquis de Villemer ressemblent, par le costume et par le langage, à des personnages réels ; ce sont, en apparence, des gens d’aujourd’hui, et tous les détails de l’action où ils sont mêlés sont vrais ou vraisemblables. […] Et, en effet, dès qu’elle sort de l’ombre du cloître pour entrer dans le monde réel, elle redevient une femme, et tout ce qu’elle a appris est oublié.

1639. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Le mérite moral de Gresset, c’est d’avoir montré — pas assez fortement, à mon avis, — que ce vernis brillant et amusant peut recouvrir une méchanceté réelle. […] A l’origine, les Grecs n’admettaient dans les fictions de leurs livres ou de leur théâtre que des dieux, des demi-dieux, des rois, ou des hommes supérieurs par quelque côté à l’humanité réelle. […] Un souci plus exact de la mise en scène et, dans le dialogue, un tour, un accent, une résonnance plus approchants de la vie réelle, voilà, après tout, des gains dont nous sommes en partie redevables au Théâtre-Libre. […] Et comme le duc, comme la duchesse, comme Robert, elle se sacrifie à sa race. « Sauver le nom… Oui, mon père, je vous comprends… Vous voulez qu’il y ait toujours chez nous quelqu’un pour soutenir les causes légitimes et désespérées. — C’est cela même. » Elle est d’ailleurs convaincue que « toute naissance distinguée entraîne forcément des vertus réelles ». […] Si les personnages du théâtre — et ceux de la vie réelle — étaient toujours à peu près raisonnables, s’ils disaient ce que le bon sens conseille de dire et s’ils admettaient ce qu’il consei

1640. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

« Tous ses sujets, nous dit-il, sont pris dans le vif de la vie réelle ; cela est si vrai, que la comédie de nos jours les a traités de nouveau, et que les drames de La Chaussée touchent tous par quelque côté aux œuvres les plus fameuses du théâtre contemporain. » Oh ! […] Les nuances multiples de son rôle, les origines faubouriennes corrigées par le sang de l’honorable M. de L’Espinoy ; ce qu’ont ajouté à cela la vie de théâtre et la vie galante ; puis, parmi ce laisser-aller et ces vulgarités, la grâce d’une expérience malicieuse et d’un esprit de tous les diables, et, à travers la gentillesse un peu canaille des façons, la bonté réelle et la parfaite loyauté de l’excellente fille… Mlle Réjane a rendu tout cela avec une extrême justesse, et cependant sans minutie inutile, clairement, largement, avec un naturel, une franchise, une vérité, dont je ne sais, à l’heure qu’il est, aucune autre actrice capable, du moins à ce degré. […] Il y a je ne sais quoi d’irréel et d’hoffmannesque dans ce dernier croyant de la lyre, qui se nourrit de belles images et de beaux sons, comme les cigales sacrées se nourrissent de leur chant ; dans ce poète d’apothéoses dont le regard divinise tout ce qu’il effleure, et qui, portant un nez railleur dans un visage olympien, a inventé (ou peu s’en faut) cette ironie lyrique et hyperbolique que l’on connaît, et n’a point voulu d’autre arme pour se venger du monde réel : en sorte que cet enfant des dieux n’a jamais écrit une parole vraiment amère ni exprimé directement une laideur. […] Cela est à remarquer : toute forme du rêve destinée à devenir populaire ; — en d’autres termes, le rêve bourgeois ou, si vous préférez, le romanesque, — est toujours à cent lieues du monde réel. […] La manœuvre du rideau, toutes les cinq minutes, était insupportable, et puis, malgré les demi-ténèbres, les interprètes ressemblaient à des créatures trop grossièrement réelles.

1641. (1923) Nouvelles études et autres figures

Mais elle emporte les spectateurs au-delà du monde réel. […] Ils se fréquentèrent assidûment, sans que l’admiration qu’ils ressentaient l’un pour l’autre aboutît à une réelle amitié. […] Je viens de relire Un Été dans le Sahara, et je crois que Fromentin n’a pris une réelle conscience de ce qu’il voulait et pouvait faire que plus tard, en écrivant Une Année dans le Sahel. […] Il préfère à la réalité crue la forme qui s’est altérée dans le souvenir et qui devient « moitié réelle, moitié imaginaire ». […] L’ardente et taciturne Julie qui se consume d’amour devant sa cruelle indifférence, il m’importe peu de savoir si elle est réelle ou imaginaire : elle vit.

1642. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Il a eu le mérite d’y puiser, l’un des premiers, avant les systèmes modernes et tant de découvertes réelles ou prétendues.

1643. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ayant une fois éprouvé sa bonté réelle, elle ne se faisait pas faute de recourir à lui en toute rencontre.

1644. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Bien que de loin, de très loin, et pour la postérité dernière, il ne subsiste que les grandes œuvres et les grands noms auxquels le temps va ajoutant sans cesse ce qu’il retire de plus en plus aux autres, c’est plaisir et devoir pour le critique et l’historien littéraire de rendre justice de près à ces talents réels et distingués, interceptés trop tôt, dans quelque ordre que ce soit, les Vauvenargues, les André Chénier, les Joachim Du Bellay, à ces esprits de plus de générosité que de fortune, qui ont eu à leur jour leur part d’originalité, et qui ont servi dans une noble mesure le progrès de la pensée ou de l’art117.

1645. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Ici commence toute une vie de René autre que celle que nous connaissons, avec le même fonds pourtant d’inquiétude et de rêve ; un René plus réel et non moins idéal, aussi romanesque, aussi attachant sans catastrophe et sans le malheur d’Amélie.

1646. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Ceux qui, par une certaine disposition trop rare de l’esprit et du cœur, sont en état, comme il dit, de se livrer au plaisir que donne la perfection d’un ouvrage, ceux-là éprouvent une émotion, d’eux seuls concevable, en ouvrant la petite édition in-12, d’un seul volume, année 1688, de trois cent soixante pages, en fort gros caractères, desquelles Théophraste, avec le discours préliminaire, occupe cent quarante-neuf, et en songeant que, sauf les perfectionnements réels et nombreux que reçurent les éditions suivantes, tout La Bruyère est déjà là.

1647. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Ce que je tiens à faire observer ici, c’est que, dans la pratique, ce point de vue qui sépare le livre du journal est plus apparent que réel ; la ligne de démarcation est toute fictive ; le livre est presque forcément impliqué et compris dans la situation qu’on fait à la presse périodique.

1648. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

. — Incessamment, en vertu de cette double loi, des groupes d’aptitudes efficaces deviennent inefficaces, et les images retombent de l’existence réelle dans l’existence possible.

1649. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Il avait compris de bonne heure dans l’histoire que les infortunes, la pauvreté, l’exil, la fidélité réelle ou apparente aux causes perdues, forment devant la postérité un contraste pathétique avec le génie qui donne le plus sublime de ces rôles à la vie du grand citoyen, ou du grand poète, ou du grand politique.

1650. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

La conception du roman symbolique est polymorphe : tantôt un personnage unique se meut dans des milieux déformés par ses hallucinations propres, son tempérament : en cette déformation gît le seul réel.

1651. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

On y a été plus favorable à la liberté, qui est pleine de périls et d’égarements, qu’à la discipline, qui ajoute à la force réelle tout ce qu’elle ôte de forces capricieuses et factices.

1652. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Je préfère pourtant, même à cette brièveté sublime, la fougue du pinceau de Saint-Simon ; cette abondance négligée qui n’est jamais vaine ; ces portraits qui peignent et qui racontent, qui nous montrent la physionomie des gens, le tour de leur visage et jusqu’à leur démarche, et qui nous introduisent dans leur vie cachée ; cette succession, sur la même toile, des qualités et des défauts, se suivant, se démentant, comme dans la vie réelle ; enfin ce pêle-mêle de la peinture et du récit, dans lequel surnage le trait principal du héros, le trait qui domine toutes les contradictions de son caractère et de son humeur, et qui est comme le mot de sa bonne ou de sa mauvaise renommée.

1653. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Quoique les Divinités du Paganisme eussent une existence réelle dans l'opinion des Grecs & des Latins, Homere & Virgile les représentent sous des images visibles & connues, toutes les fois qu'ils les introduisent sur la Scene pour leur faire jouer un rôle.

1654. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Il dit cela, remuant un paquet de cartes hautes d’un pied où sur chacune est une représentation d’une femme, d’un épisode de l’existence : toutes ces allégories dessinées par une main ignare du dessin, mais burlesquement fantastiques, mais bourgeoisement monstrueuses, et peinturlurées brutalement de noir et de vilain rouge, et mettant à ces images de la vie réelle, je ne sais quoi du sauvage et du macabre des figurations d’idoles des peuples primitifs et anthropophages.

1655. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Remarquez, tout d’abord, les lacunes de sa sensibilité ; je parlerai ensuite des points réels de sa sensibilité.

1656. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

, « c’est que la science pourrait avoir à sa disposition l’enfer, et non pas l’enfer chimérique duquel il n’y a aucune preuve, mais l’enfer réel », devant lequel le voilà qui se met à trembler, esprit décousu, tête inconsistante, comme s’il n’avait pas dit d’abord que la science serait infaillible et la rébellion impossible !

1657. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Lisez Fromentin : il a le tact ; il a eu l’habitude, dès l’enfance, d’un certain confortable dont on se détache en littérature lorsque, précisément, on n’en est pas privé dans la vie réelle.

1658. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Cet heureux ensemble a ses difficultés sans doute, & il n’appartient qu’au talent réel de les vaincre.

1659. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Cette adulation même prend un accent élevé, pour décrire la puissance réelle du roi d’Égypte : « Il règne sur une vaste contrée154, sur une vaste mer, sur de nombreux continents.

1660. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Mais quand j’y échouerais encore plus qu’à moitié, ce que je crois que j’aurais pourtant fait, ce serait d’avoir animé d’une vie propre, indépendante et réelle, une histoire qu’en vérité la plupart de nos historiens n’ont traitée jusqu’ici que comme quelque chose d’inorganique et de mort. […] Mais ce que nous verrons mieux et plus prochainement encore, c’est qu’elle ne saurait désormais s’écarter tout à fait de ce qu’elle est déjà dans le Cid, non seulement sans dommage, mais sans un réel danger pour son existence même. […] Et ce que la vie contenait en soi, — la vie réelle, la vôtre, la mienne, celle du bourgeois que nous sommes, — ce qu’elle contenait de poétique ou de ridicule, bien loin de savoir l’en dégager, on ne savait pas seulement l’y voir, et d’ailleurs on ne s’en souciait pas.

1661. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Il n’est pas possible de contester sa sincérité quand il dit : « Je voudrais qu’il n’y eût jamais eu dans la vie réelle de personnages semblables, de près ou de loin, au malheureux disciple qui donne son nom à ce roman. » D’ailleurs, je viens de montrer que ces idées sont portées dans son esprit depuis très longtemps. […] Je vois les périls réels qu’il a beaucoup grossis. […] Maurice Spronck nous le montre « non content d’avoir construit des univers fantaisistes à côté du nôtre, s’ingéniant encore à détruire le réel, tout au moins à le modifier autant qu’il le pourra dans le sens de ses principes », déclarant que « la femme est naturelle, donc abominable », élucubrant avec un goût singulier une théorie du maquillage auquel il désigne pour objet « non pas de corriger les rides d’un visage flétri et de le faire rivaliser avec la jeunesse, mais de donner à la beauté le charme de l’extraordinaire, l’attrait des choses contre nature ».

1662. (1903) Propos de théâtre. Première série

Au fond il en est exactement de même dans la vie réelle. […] » — Un reste de petite amitié de pensionnaire, un peu de pitié, un peu de diplomatie féminine, inconsciente, mais réelle ; voilà, à la représentation, ce que nous voyons dans l’âme de Pauline rencontrant Sévère ; et diplomatie, coquetterie bienveillante, reste d’affection, pitié, comme dit Montaiglon, mettez tous les mots que vous voudrez, cela ne fait pas de l’amour, et cela ne fait rien de comparable à ce que nous avons vu que Pauline éprouvait pour Polyeucte au premier acte. […] Pauline est très sensée, très équilibrée, très peu sensuelle, quoiqu’elle parle de ses « sens », ce qui est une bonne naïveté de Corneille, laquelle, pour avoir été prise à la lettre par Taine, lui a fait dire une énormité, Pauline est éminemment raisonnable, et c’est-à-dire qu’elle a un sens très net du réel, du possible et des conditions de la vie telles qu’elles sont au temps où elle vit. […] La hardiesse réelle et en même temps la timidité apparente des Précieuses ridicules est que le poète de salon, dans Les Précieuses, est un valet qui se donne pour un poète mondain et qui le fait croire à des provinciales. […] Elle est séduisante au point de faire oublier la réalité et de faire peu à peu perdre le sens du réel.

1663. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Perte réelle, l’ouvrage ne paroissant point à propos, soit à raison des matieres dont on ne s’occupera plus, soit par rapport à la saison qui ne sera pas propre à la vente. […] On soutint qu’il n’y avoit point de géans réels, & je prouvai le contraire, d’autant plus que j’ai vu à Cracovie, [ville, diront les plaisans, qu’on ne doit pas citer quand on veut être cru] j’ai vu, à la porte de la cathédrale, l’os d’un bras qui paroît monstrueux, & qui sûrement n’est pas postiche. […] Les mauvais écrivains ne cessent de faire des breches à la littérature, disoit Bayle, & les journalistes les réparent : je sais qu’il ne faut point entrer en guerre avec eux, & que Malebranche disoit raisonnablement, qu’il ne se battoit point avec des personnes qui font un livre toutes les semaines, ou tous les mois… Un avantage réel des journaux, dis-je à mon tour, c’est qu’ils sont du plus grand secours pour ceux qui n’ont pas le temps de lire les ouvrages nouveaux, ou le moyen de se les procurer. […] Il est sans doute une beauté réelle indépendante de ces considérations ; mais il est si rare de la rencontrer, qu’il n’y a presque dans tous les écrits, que des beautés factices, soumises conséquemment aux opinions, comme aux préjugés. […] Je vois, s’écria-t-il d’un ton fâché, que tous les Royaumes sont en combustion ; que l’Angleterre souffre encore des suites de la derniere guerre ; que ses continuelles motions, tantôt à la chambre haute, tantôt à la chambre des communes, tiennent cette isle fameuse dans une perpétuelle agitation ; je vois que la Hollande se dévore elle-même par ses mésintelligences & par ses différens partis, que la France, malgré ses ressources infinies, se trouve maintenant dans une cruelle crise, & à laquelle il faut promptement remédier, que les états de l’empereur & de l’impératrice de Russie, ont à peine de quoi suffire aux énormes dépenses qu’entraînent les préparatifs d’une guerre formidable, qu’enfin l’Europe entiere, & presque toutes les parties du monde, referment plus d’hommes infortunés que de personnes heureuses ; & d’après ce coup-d’œil jeté sur le globe, j’imagine qu’il n’y a que le secret dont j’ai le mot fin, capable de remettre tout à sa place, & d’opérer un bien réel dans les différentes classes des citoyens.

1664. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Il y avait donc là de réelles promesses de gloire car, parmi les jeunes gens, aucun n’était mieux armé de bonheur et de talent que M.  […] Mais son crédit est plus apparent que réel, et il n’ose pas l’user pour les autres, parce qu’il peut en avoir besoin pour lui-même. […] Et de bas en haut, du grotesque au sublime, le monument s’élève, semblable à la cathédrale gothique, dont la forêt de piliers et de colonnettes abrite tout un monde chimérique et réel, angélique et démoniaque, dans l’enchevêtrement des feuillages de pierre. […] Je ne connais de lui que ses œuvres, dont je n’aime ni l’esprit philosophique, ni les tendances littéraires, mais qui, parfois, au milieu de grâces superficielles, me charment par de réelles qualités d’élégance et des accents de véritable tendresse. […] C’est par là que ces animaux — les Belges me pardonnent ce terme scientifique — se montrent réels et redoutables, en tant que singes, et parfaitement irréels et redoutables, en tant qu’hommes.

1665. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

S’ils répètent un drame de Victor Hugo, l’élément absurde saute aux yeux tout de suite et repousse dans l’ombre des beautés réelles. […] C’est un recueil d’articles où coulent librement : la gaminerie satirique, la gaîté, un peu forcée, la bonhomie, très réelle, le sentimentalisme assez romance — ma foi !  […] Plus tard l’harmonie résonne profondément, mais les cordes de la lyre laissent tomber des gouttes de sang réel, qui, peut-être, font horreur aux Muses. […] Songez pourtant que la fille de Necker avait dans son talent, qui fut réel, quelque chose de genevois. […] c’est le phare d’Hydra. — Je regarde ce phare — qui guide le nocher — et me souviens, Hydra, — des jours de mon enfance ; — je n’avais pas quinze ans — lorsque je vins passer — sur ta montagne haute — au milieu de parents — les jours chauds de l’été. — Jamais je n’oublierai — cette course nocturne — qu’avec les domestiques — de mon oncle je fis ; nous étions tous montés — sur de tout petits ânes — et nous allions au pas — tout le long du rivage. — Aux rayons de la lune — les flots se doraient — les algues chargeaient — la brise d’amertume… — Nous venons à passer — devant une fontaine — ombragée d’un figuier. — Alors un vieux farceur — dont la famille était — chez mon oncle en service — de père en fils, je crois, — se mit à raconter — pour occuper le temps — ou pour me faire peur — comment la Néréide, — sorte de Mélusine, — arrête les passants — près des blanches fontaines… — Hydra je me souviens, — je me souviens aussi — de choses plus réelles ; — je veux parler des cailles — qu’une vieille servante — rôtissait en plein air — sur un doux feu de branches — et que je dévorais — d’un si bon appétit.

1666. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

c’est la représentation réelle d’une chose arrivée. […] Il y a à vingt pas d’ici, une crémerie qui, d’après des photographies, qu’on ferait peindre par un peintre de charcutier, donnerait un décor cent fois plus réel.

1667. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Il en est de même quand nous écrivons : il n’y a pas d’écriture sans parole ; la parole dicte, la main obéit ; or, la plupart du temps, quand nous écrivons, il n’y a d’autre bruit perçu que celui de la plume qui court sur le papier ; la parole qui dicte ne s’entend pas ; elle est réelle pourtant ; mais le bruit qu’elle fait, ce n’est pas l’oreille qui l’entend, c’est la conscience qui le connaît ; il n’agite pas l’air qui nous entoure, il reste immobile en nous ; ce n’est pas la vibration d’un corps, c’est un mode de moi-même. […] L’âme n’est jamais sans entendre un son ; lorsque le son n’est pas extérieur et réel, il est remplacé par une image qui lui ressemble.

1668. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Delatouche est bien oublié comme écrivain ; et si, depuis quelque temps, on rappelle son ombre dédaignée, c’est à propos de ses amours, prétendues ou réelles, avec la poétesse Marceline Desbordes-Valmore. […] Il y avait là un Polin que vous auriez été presque tenté d’engager à part entière, et une danseuse si jolie et si charmante et réelle, qu’un des assistants, vieil abonné des trois jours à l’Opéra, voulait à toute force l’attendre à la sortie. […] Sainte-Beuve disait aussi : que la souffrance réelle de Mme d’Arbouville était sa laideur, mais qu’elle la recouvrait d’un voile éblouissant d’esprit, de bienveillance, d’agrément. […] Malgré cela, Mérope, Mahomet et surtout Zaïre, contiennent des beautés réelles.

1669. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Lier l’existence réelle de son propre corps avec la sensation, n’est point une chose facile. […] « Les animaux sont privés des vertus et des vices de l’homme… » Je n’en crois rien, pas plus que l’homme soit privé des vices et des vertus de l’animal ; il n’y a de différence réelle que dans les vêtements. […] Il prononce décidément que la compassion est un défaut réel ; que la cruauté et la compassion sont deux extrêmes, l’une de la sévérité, l’autre de la clémence : ce qui m’inclinait d’abord à croire qu’en passant du latin dans notre langue, le mot compatir avait changé d’acception  ; ou que l’influence des mœurs générales sur les notions du vice et de la vertu faisait traiter de faiblesse à Rome ce que nous regardons comme un sentiment d’humanité. […] 11° « Qu’il existe de nos jours une confédération philosophique…369 » Nous ne savons ce que c’est que cette confédération, et nous sommes porté à croire que, loin d’être réelle, elle n’existe pas même dans la tête des critiques. Réelle, on serait trop honoré d’y être admis.

1670. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

disait-il, je n’ai plus nulle part de présence réelle. » Quand on lui demandait des nouvelles de sa santé, il répondait avec son sourire désabusé  : « Toujours la même chose… Je suis las de moi… Parlons de vous. » Et il s’informait de votre vie, vous donnait des conseils, vous faisait raconter vos occupations. […] Il y trouvait une sensibilité réelle, malgré le légendaire mélange de prosaïsme qu’il raillait lui-même avec bonhomie, « Dernièrement, nous dit-il, j’ai assisté à un enterrement d’un bourgeois de Neuilly. […] L’imitation Racinienne lui inspira l’Iphigénie ; l’imitation Lamartinienne lui inspira les Stances, C’est ainsi qu’à l’exemple de Chénier, transposant la Grèce en France, Moréas confirmait les vieilles doctrines d’assimilation littéraire et se créait une réelle originalité personnelle. […] Maupassant fut un écrivain de puissance et d’audace, un de ceux qui, à l’exemple de Zola, poussèrent jusqu’à la brutalité la copie de la vie réelle. […] Son intransigeant réalisme ne pardonnait pas les retouches qu’un artiste consciencieux croit pouvoir ajouter à la transposition du réel.

1671. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

J’ai connu, lorsque j’étudiais dans Port-Royal les actes sincères du vieux christianisme français et gallican, des confesseurs et directeurs de conscience qui, au chevet d’anciens ministres prévaricateurs et repentants, exigeaient une réelle et effective pénitence, une pénitence de bon aloi, la restitution des sommes mal acquises, une réparation en beaux deniers comptants à ceux à qui l’on avait fait tort.

1672. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Le Brun tentait l’œuvre d’après Buffon ; Fontanes, dans sa première jeunesse, s’y essayait sérieusement, comme l’attestent deux fragments, dont l’un surtout (tome I de ses >OEuvres, p. 381) est d’une réelle beauté.

1673. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy (et nous savons qu’il en a déjà projeté), ce serait un lieu sûr pour toute sa psychologie réelle, qui consiste, selon nous, en observations détachées plutôt qu’en système ; ce serait un refuge brillant pour toutes les facultés poétiques de sa nature qui n’ont pas donné.

1674. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Quoi de plus indiqué par l’état réel du reste du monde ?

1675. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

On doit justice même à ce que l’on réprouve, et, s’il y a une vertu mêlée par hasard au crime dans un homme justement abhorré de ses ennemis ou de ses victimes, il ne faut point nier cet amalgame monstrueux, mais souvent réel ; il faut séparer, avec une sincérité loyale, cette vertu du crime, et dire à l’histoire : Ceci était vertu, ceci était crime ; et ceci, crime et vertu, était l’homme.

1676. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Le cardinal d’York, frère du prétendant au trône des Stuarts en Angleterre, l’aimait avec une réelle prédilection ; il lui légua en mourant une somme considérable à titre d’exécuteur testamentaire.

1677. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Wollaston a trouvé que la lumière de Sirius est, pour nous, 20 000 millions de fois plus faible que celle du Soleil : son éclat réel, absolu, serait donc 63 fois plus grand que celui du Soleil, si, comme on le croit, la parallaxe de Sirius doit être réduite à 0″, 230.

1678. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Je l’écrivis alors en note dans mes souvenirs de poète pour faire peut-être un jour un sujet vrai de poème d’une aventure réelle, telle que Graziella, qu’on a tant aimée, ou que Geneviève, qui a fait verser tant de larmes aux cœurs simples.

1679. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Dites de lui tout ce que vous voudrez, mais vous ne lui contesterez pas d’avoir été l’Ossian de la France dans ses conceptions américaines, telles qu’Atala ; d’avoir apporté au vieux continent quelque chose de la sève, sinon réelle, du moins imaginaire, du nouveau monde, et enfin d’avoir été grand comme ses déserts, ses forêts, ses fleuves, et d’avoir retrouvé pour ainsi dire la solitude de l’âme humaine, cette puissance de sentir et de penser seul devant la nature et devant Dieu !

1680. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Ce qu’il y a de réel pour moi, c’est la poésie de Byron, poésie ironique et désolante, qui soulève des abîmes où notre esprit se perd, et qui, comme les harpies, salit, à l’instant même, tous les mets qui couvrent la table du festin..

/ 1874