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1715. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

Les lointains se peuplaient pour lui d’un défilé sans fin d’hommes et de bannières ; comme un vague tambour, le vent bourdonnait dans les branches sèches, — si sèches, que celle où il s’accrochait cassa, et il tomba — la tête la première à — à rebours. » Lutèce vécut jusqu’en 1886.

1716. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IX »

C’est ainsi qu’il faut que la langue dévore tous les mots étrangers qui lui sont nécessaires, qu’elle les rende méconnaissables : qui, sans un tel hasard, en supposant que le mot eût vécu, aurait jamais retrouvé early dans lirlie ?

1717. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

Le même Baillet observe que dieu, qui pouvoit faire succomber ce critique épouvantable à ses veilles continuelles, au travail excessif de ses études, permit qu’il vécut une vingtaine d’olympiades, & davantage, pour l’exécution de quelque grand dessein, & l’expiation des péchés des hommes.

1718. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Un auteur qui a trente ans quand il produit ses bons ouvrages, ne sçauroit vivre les années dont le public a besoin pour juger, non-seulement que ses ouvrages sont excellens, mais qu’ils sont encore du même ordre que ceux des ouvrages des grecs et des romains toujours vantez par les hommes qui les ont entendus.

1719. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Il est permis de supposer que sa compréhension de tant de parties de la science auxquelles il était étranger par des recherches personnelles lui vint de la familiarité où il vécut dès ce temps avec M. 

1720. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Saint-Marc Girardin, en louant La Fayette dans les Débats (preuve qu’il est bien mort), a conjecturé que, s’il avait vécu au Moyen Age, il aurait fondé quelque ordre religieux avec la puissance d’une idée morale fixe. […] Il est vraiment bien dur que cette portion de mon bonheur, sans laquelle je ne puis vivre, se trouve dépendre de projets que j’ai connus seulement lorsqu’il n’était plus temps de les exécuter. […] Quand on demandait à Sieyès ce qu’il avait fait pendant la Terreur, il répondait : J’ai vécu. […] « Sieyès a vécu plusieurs années dans l’intimité de Diderot et de la plupart des philosophes du xviiie  siècle. […] Exilé, il vécut à la lettre, comme le rat de la fable, dans son fromage de Hollande.

1721. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Ils vivent en rois tombés, toujours insultants et blessés, ayant toutes les misères de l’orgueil, n’ayant aucune des consolations de l’orgueil, incapables de goûter ni la société ni la solitude, trop ambitieux pour se contenter du silence, trop hautains pour se servir du monde, nés pour la rébellion et la défaite, destinés par leur passion et leur impuissance au désespoir et au talent. […] Il vivait seul, morne, ne pouvant plus lire. […] Il amène « des témoins, des questions de fait, des sentences avec dépens. » On crie si fort que la déesse craint de tomber en discrédit, d’être chassée de l’Olympe, renvoyée dans la mer, sa patrie, « pour y vivre parquée avec les sirènes crottées, réduite au poisson, dans un carême perpétuel. » Quand ailleurs il raconte la touchante légende de Philémon et Baucis, il l’avilit par un travestissement. […] madame, dit-il, si vous donnez de tels dîners, —  vous ne manquerez jamais de curés, si longtemps que vous viviez. —  Je n’ai jamais vu de curé qui n’eût un bon flair. —  Mais le diable serait partout mieux venu qu’eux. —  Dieu me damne ! […] Les trois frères obéirent quelque temps et voyagèrent honnêtement, tuant « un nombre raisonnable de géants et de dragons1003. » Malheureusement, étant venus à la ville, ils en prirent les mœurs, devinrent amoureux de plusieurs grandes dames à la mode, la duchesse of Money, milady Great-Titles, la comtesse of Pride, et, pour gagner leurs faveurs, se mirent à vivre en galants, fumant, jurant, faisant des vers et des dettes, ayant des chevaux, des duels, des filles et des recors.

1722. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

La préoccupation de l’art, dans laquelle nous vivons, le trouble, l’inquiète, le tente. […] On voit qu’il ne faut mourir pour aucune cause, vivre avec tout gouvernement qui est, quelque antipathique qu’il vous soit, et ne croire rien qu’à l’art, et ne confesser que la littérature. […] Enfin la seule œuvre pour laquelle il mérite de vivre, son fameux Candide, c’est du La Fontaine en prose, du Rabelais écouillé… Que valent ces 80 volumes auprès d’un Neveu de Rameau, auprès de Ceci n’est pas un conte, — ce roman et cette nouvelle, qui portent, dans leurs flancs, tous les romans et toutes les nouvelles du xixe  siècle. […] Car le salaire des femmes… Voilà une chose à laquelle jamais les gens, comme Thiers, ne penseront… Il faut renouveler l’État par là… Ce sont des questions… Veyne. — C’est-à-dire que s’il y avait une Convention… Saint-Victor. — Non, il n’y a pas moyen de vivre pour une femme. […] Un quelconque. — Vivent les épouses, vivent les maîtresses stériles.

1723. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Il vécut jusqu’à quatrevingt-dix-neuf ans, toujours content, toujours enjoué, n’ayant point connu les chagrins qui abbatent l’ame ni les maladies qui détruisent le corps. […] je réponds que ceux qui veulent vivre par la mendicité deviennent flatteurs, médisans, menteurs ; & si l’on dit que c’est une perfection de tout quitter pour J.C. […] Qu’il plaise donc à votre sainteté me permettre de porter cette forme d’habit, de vivre dans quelque hermitage, & d’aller par le monde prêcher la parole de Dieu ». […] Il ordonna très-sagement aux deux partis de vivre en paix & de s’abstenir d’injures, se réservant le droit de publier la décision du fond de ces disputes, quand il le jugeroit à propos. […] Il y vécut dans la solitude, dans la pauvreté, dans des craintes continuelles de tomber entre les mains de ses ennemis, mais consolé de tout par l’ambition d’être chef d’un parti redoutable.

1724. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

« Les hommes sont faits pour vivre ensemble et pour former des corps et des sociétés civiles. […] Nous devons donc vivre comme si nous devions vivre éternellement dans l’humanité. Et quand nous ne vivons pas ainsi, nous sommes blessé d’une façon éternelle dans notre vie présente, ce qui revient à dire que nous sommes vicié dans notre vie éternelle » [Cf.  […] Telle est en premier lieu l’influence de ce Schopenhauer, dont le pessimisme idéaliste a différé si profondément, et si heureusement, de ce pessimisme vulgaire qui n’est que le déguisement de l’orgueil de vivre et de l’avidité de jouir insatisfaits. […] Namouna] ; — pour ne rien dire d’une phraséologie qui sent encore son dix-huitième siècle ; — si d’ailleurs elles n’étaient belles de l’« orgueil de vivre » qui s’y trahit ; — et de l’ardeur de passion sans objet [Cf. 

1725. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Rossetti nous dit que cette invocation est un solécisme palpable, ou palpaple (sic) de logique, « attendu que les hommes vivent plus longtemps que les rossignols ». […] Je crois que ce fut l’Abbesse Juliana Berners, qui vécut au quinzième siècle, mais je ne doute point que M.  […] Presque toutes vivent chez leurs parents et aident à faire marcher le ménage. […] « Vous ne sauriez vivre en Irlande sans enfreindre les lois dans un sens ou dans l’autre. […] Cela vient-il de ce que parmi tous les poètes qui ont jamais vécu, M. 

1726. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Ou bien, si l’on essaye de les ramener en des voies plus chrétiennes et plus austères, doit-on dès lors renoncer au suffrage des gens de goût, se résigner à perdre ou à affadir tout ce qui fait vivre les ouvrages de l’esprit, et se contenter d’écrire pour une petite église qui ne représente en rien le mouvement intellectuel d’une époque ou d’un pays ? […] Vous vivez pourtant, et le travail vous sauve ; mais le travail est aride : renfermé dans sa condition humaine, il a ses heures de révolte et de lassitude ; le sol qu’il remue est ingrat et stérile si Dieu n’est pas là pour le féconder, si l’ange gardien de vos jeunes années n’étanche jamais sur votre front la sueur des soirées brûlantes. […] Au fond, ce ne fut pas lui qui défendit ou vengea Calas, Sirven et la Barre ; car il n’y eût pas seulement songé s’il eût vécu alors à la cour de Louis XV, de Frédéric ou de Catherine ; ce furent les Génevois, et je me rencontre ici avec M.  […] Noblesse détachée du sol, bourgeoisie ambitieuse et inutile, paysans propriétaires et opprimés, se rapprochaient de plus en plus en se haïssant davantage, et cette similitude, dans ces diversités officielles, indiquait exactement les points où la Révolution avait à toucher pour détruire, et ceux qu’elle devait conserver pour vivre. […] Ce corps gigantesque vivait en lui, par lui, pour lui.

1727. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

. — Chez nous, tout simplement, c’est la forme et c’est l’esprit, mêlé de courage et de probité, qui font vivre un journal ! […] — Je le veux bien, dit Plutus ; mais crois-moi, nous n’aurons pas vécu ensemble, deux ou trois jours, que tu ne vaudras pas grand-chose ! […]  » Le roi (au marquis de Montespan). — « Le décorum exige votre bannissement ; laissez votre femme en paix et vivez seul. — Allez ! […] De mon temps, les honnêtes gens qui, comme moi, pouvaient soutirer à l’État une aisance, vivaient tranquilles. […] — qui, diable, peut vivre avec 2 pour 100 ?

1728. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

s’écriait-il, vous dites que je ne sais pas vivre, je suis cependant reçu dans tous les salons. […] Bovary avait vécu à cette époque, le poëme des Osanores aurait pu lui fournir une magnifique clientèle. […] Je vivais cependant si toutefois c’est vivre que vivre sans vous. […] Ce n’est pas cependant qu’il ne possède, comme tous les humains bien organisés, la petite dose d’amour-propre qui est nécessaire à l’homme pour vivre, — comme l’air et le soleil. […] À bord du steamer l’Anglais retrouve la gaieté qu’il n’avait pas au bal. — C’est l’Antée de l’eau, il faut qu’il soit dessus pour qu’il paraisse vivre.

1729. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Et Max Lyan, qui écrit d’ordinaire avec une précision éloquente ou souriante, fait d’une de ces fermes du Midi dont les habitants ne vivent guère qu’au dehors un « home aimé » ou un « home protecteur ». […] Ne vous désintéressez pas de votre propre joie. » Il faut « vivre dans une atmosphère de joie ». […] J’ai lu d’elle deux volumes : Pour le bonheur, Aimer ou vivre. […] Les chapitres d’Aimer ou Vivre sont encore des sandwichs, non plus à l’histoire, mais à la médecine. […] La trouvaille procure à Nicole des vivres d’abord et bientôt deux millions.

1730. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Il vivait riche, mondain, très poli, ne fuyant nullement la compagnie des personnes du sexe, et ne s’interdisant pas les honnêtes divertissements de la société.

1731. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

Ce petit roi de France, fils posthume de Louis le Hutin, ne vécut que peu de jours ; lui mort, le trône appartenait naturellement à Philippe le Long, l’aîné de ses deux oncles.

1732. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Victor Hugo a peint cet abus dans des vers pittoresques : La langue était l’état avant quatre-vingt-neuf : Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ; Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes, Les Méropes, ayant le décorum pour loi, Et montant à Versailles aux carrosses du roi ; Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires.

1733. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

Et tout à coup il ajoute : « Cependant, quelque féroce que soit le caractère des naturels, rétive leur disposition et bestiale leur façon de vivre, il n’en est pas qui ne décèlent des germes de progrès (vous n’aviez pas prévu cette conclusion !)

1734. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

Quand vous pourriez démontrer au parti que tous ses chefs vivent comme des bourgeois luxurieux, il ne s’en scandaliserait point.

1735. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Là, et dans ses sonnets de couleur, il faisait montre d’une belle virtuosité où l’on retrouvait à la fois Banville et Coppée, mais il exagérait dans ses vers d’amour, lorsqu’il affectait les langueurs d’un amant éconduit, accablé de sa disgrâce, et quand, pour apitoyer les âmes sensibles il présageait sa fin prochaine : Et je ne vivrai pas du reste bien longtemps.

1736. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Le marquis d’Urfé, né à Marseille, était un homme de qualité, d’origine allemande, dont la famille habitait le Forez : il était allié de la maison de Savoie, et vivait à la cour de Turin où il était bien venu.

1737. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

Ici, au contraire, tout obéit à une loi invariable ; un Dieu semble vivre en tout.

1738. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Ce n’est pas que l’auteur de Phèdre n’eût été capable de trouver cette sorte de mélodie des soupirs ; le rôle d’Andromaque, Bérénice tout entière, quelques stances des cantiques imités de l’Écriture, plusieurs strophes des chœurs d’Esther et d’Athalie, montrent ce qu’il aurait pu faire dans ce genre ; mais il vécut trop à la ville, pas assez dans la solitude.

1739. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

Nous avons remarqué qu’à l’exception de Pascal, de Bossuet, de Massillon, de La Fontaine, les écrivains du siècle de Louis XIV, faute d’avoir assez vécu dans la retraite, ont ignoré cette espèce de sentiment mélancolique, dont on fait aujourd’hui un si étrange abus.

1740. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

——— Or, il est bien vrai que Zola semble excessivement préoccupé (et ceux d’entre nous qui l’ont entendu causer ne l’ignorent pas) de la question de vente ; mais il est notoire aussi qu’il a vécu de bonne heure à l’écart et qu’il a exagéré la continence, d’abord par nécessité, ensuite par principe.

1741. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — S’il est plus aisé, de faire une belle action, qu’une belle page. » pp. 539-539

Je conçois mille circonstances où la vie et la fortune ne me seraient pas d’un fétu, et j’ai assez vécu pour savoir que je ne m’en impose pas… » Tous les hommes et toutes les femmes vous en diront autant, et si vous y réfléchissez, vous trouverez qu’un sauvage, un paysan, un homme, une femme du peuple, une bête est plus voisine d’une action héroïque qu’un D’Alembert, un Buffon ou quelque autre membre illustre d’une académie.

1742. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

Ces hommes nez plus industrieux que laborieux, et qui veulent toujours subsister d’un travail qui ne soit point pénible, ne pouvant plus vivre des profits du théatre qui les avoit nourris jusqu’alors, ou moururent de faim ou changerent de métier, et les personnes du même caractere qui vinrent après eux exercerent leurs talens dans d’autres professions.

1743. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Molière et Bourdaloue ont vécu dans des milieux si différents, ils appartiennent à des ordres d’idées si dissemblables, que tout rapprochement entre eux ne saurait être qu’artificiel. […] Louis Veuillot y tient, je ferai cette restriction : selon le monde particulier où il vécut. […] Après avoir prouvé que Molière n’avait point vécu comme Bourdaloue, ni Bourdaloue comme Molière, M.  […] Non, Alceste est le représentant d’une classe d’hommes qui a vécu de tous les temps, qui durera tant que le monde sera monde, et qui restera éternellement l’honneur de la nature humaine. […] Ils vivent libres de toute convention, de tout préjugé, de toute formule absurde, et vont hardiment tout droit devant eux, jusqu’au bout de leurs idées.

1744. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

La nature lui départit le don de paraître toujours jeune, mais évidemment, en 1658, elle était loin d’avoir déjà besoin de ce privilège, car elle put rester au théâtre jusqu’en 1685, et elle vécut jusqu’en 1706. […] Quand on porte ses regards sur l’intérieur du ménage de Molière, on doute qu’il ait vécu un seul instant heureux. […] messieurs, leur dit-il, épargnez du moins un pauvre vieillard de soixante-quinze ans, qui n’a plus que quelques jours à vivre. » La présence d’esprit de cet acteur calma leur fureur. […] Je pris dès lors la résolution de vivre avec elle comme un honnête homme qui a une femme coquette et qui en est bien persuadé, quoiqu’il puisse dire que sa méchante conduite ne doive point contribuer à lui ôter sa réputation. […] Je me suis donc déterminé à vivre avec elle comme si elle n’était point ma femme ; mais, si vous saviez ce que je souffre, vous auriez pitié de moi.

1745. (1774) Correspondance générale

J’y ajoute peu de chose ; mais vous pouvez y compter tant que je vivrai. […] Je vous demande pardon de ce que je vous dis sur la solitude où vous vivez. […] Les frères n’ont pas vécu un jour sans le marquer par quelque acte de violence, de débauche et d’extravagance. […] À les entendre, je suis trop heureux d’avoir vécu. […] On dit : Vivre, et philosopher ensuite ; je dis tout au contraire : Philosopher d’abord, et vivre après, si l’on peut.

1746. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Il faut faire ici comme les Anglais, vivre pour soi, ne se soucier de personne, n’aimer personne et ne compter sur personne. […] Ils sont recueillis, vivent beaucoup en eux-mêmes et pensent tout seuls. […] Stillingfleet réfute Locke, qui pensait que l’âme, à la résurrection, quoique ayant un corps, n’aura peut-être pas précisément le corps dans lequel elle aura vécu. […] Les hommes vivront et mourront isolés comme les mouches d’un été884. » Nous répudions cette raison courte et grossière qui sépare l’homme de ses attaches et ne voit en lui que le présent, qui sépare l’homme de la société et ne le compte que pour une tête dans un troupeau. […] Ainsi préparés ils se mettent à voyager ; mais comme ils manquent de dextérité, qu’ils sont extrêmement honteux et timides et qu’ils n’ont point l’usage des langues étrangères, ils vivent entre eux et mangent ensemble dans les auberges. » (Lettres de lord Chesterfield.

1747. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Il leur fallait vivre en chasseurs et en porchers, devenir, comme auparavant, athlétiques, féroces et sombres. […] À voir leurs coups de main, leur férocité, leurs ricanements de cannibales, on devine qu’ils n’avaient pas beaucoup de chemin à faire pour redevenir rois de la mer et parents de ces sectateurs d’Odin qui mangeaient la chair crue, pendaient des hommes aux arbres sacrés d’Upsal en guise de victimes, et se tuaient eux-mêmes pour mourir dans le sang comme ils avaient vécu. […] Ils vivent solitairement, chacun près de la source ou du bois qui lui a plu33. […] —  À moi seul est confié maintenant —  tout le trésor caché, —  toute la richesse des Niflungs. —  Car Högni n’est plus parmi les vivants. —  Je n’étais point rassuré —  tant que nous vivions tous deux. —  Mais maintenant je suis tranquille,  —  car je survis seul. » Suprême insulte de l’homme sûr de soi, à qui rien ne coûte pour s’assouvir, ni sa vie ni celle d’autrui. […] Alcuin vivait sous Charlemagne, Érigène sous Charles le Chauve.

1748. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

» Et il répondit : « Cresside, ma dame,  Vivez-vous encore ?  […] Elle apprit que les serviteurs de la Feuille avaient vécu en braves chevaliers, et que ceux de la Fleur avaient aimé l’oisiveté et le plaisir. […] … Christ a parlé pour ceux qui veulent vivre parfaitement. […] C’est que nous vivons dans l’abstinence et la pauvreté, et les laïques dans la richesse et la dépense. Lazare et le riche vivaient différemment ; et aussi ils eurent des récompenses différentes. »  — Là-dessus il lâche tout un sermon en style nauséabond avec des intentions visibles.

1749. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Cependant, il ne faut, pour écrire le Conscrit de 1813, qu’avoir vécu et se souvenir. […] Si un homme a vécu soixante et quelques années, et qu’il soit né écrivain, il y a à admirer sans doute, mais il n’y a pas à s’émerveiller de voir sortir de ses mains un pareil livre. […] Fritz avait avec chacun d’eux un grand air de ressemblance, c’est-à-dire les yeux bleus, le nez épaté, le menton rond frappé d’une fossette, la bouche bien fendue et l’air content de vivre. […] » Est-ce que ce n’est pas une folie que de vouloir aller contre Dieu, de vouloir vivre… » Mais alors Fritz se mit tellement à rire, que le vieux rebbe en devint tout pâle d’indignation : « Tu ris ! […] — Père Christel, répondit alors Fritz avec une sorte d’éloquence, si vous ne m’accordez pas la main de Sûzel, ou si Sûzel ne m’aime pas, je ne puis plus vivre.

1750. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Ils regardent vivre. […] * * * — Combien vivons-nous peu, les uns et les autres ! […] Ainsi, n’ayant pas vécu de la vie humaine, ne s’étant point mêlée à l’homme et à la femme, et ayant cherché à tout deviner par les livres, cette génération a fait et devait faire surtout des critiques. […] * * * — Les bâtards de gentilshommes et d’abbés qui vivent encore en province, sont tous braconniers. […] Les maisons de ce temps durent si peu, gardent si peu longtemps la mémoire de ceux qui y ont vécu !

1751. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

L’Odéon, avec une si faible somme, ne peut donc pas vivre ; il ne peut que lutter contre la mort. […] Dans quelque temps que vécût le héros, il pouvait tracer pour le costumier un dessin exact des vêtements qu’il portait ; dans quelque lieu que se passât l’action, il pouvait donner au décorateur un croquis fidèle du lieu où s’accomplissait la scène. […] Dix ans, vous l’avez aidé à faire sa fortune littéraire et politique, dix ans il a été contraint par intérêt à dire du bien de vous ; dix ans, si nous le laissons vivre dix ans, il va être occupé à en dire du mal ; il y a des gens qui ne sauraient pardonner ni le bien qu’on leur a fait, ni les services qu’on leur a rendus. […] Buloz, ayant, en outre, quand j’avais affaire à eux, l’avantage d’avoir affaire à des gens qui savent vivre, lorsque je revins de Florence avec les quatre volumes du Chevalier d’Harmental. […] Buloz a été non pas élu, mais choisi entre tous pour accomplir l’œuvre qu’il accomplit ; c’est une de ces anomalies comme notre époque seule en présente, et un jour ou se dira comme une des choses les plus curieuses qu’ait enfantées le chaos dans lequel nous vivons, qu’il y a eu un petit-fils de Louis XIV et un successeur de Colbert qui ont mis à la tête de l’art dramatique en France, un homme qui ne savait pas que Cinna fût de Corneille.

1752. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Montesquieu dit quelque part que s’il avait été forcé de vivre en professant, il n’aurait pu. […] Bazin, il étoit loin encore d’avoir vu tout ce qui pouvait y arriver. — Un moraliste de l’école de La Rochefoucauld a dit : « Il n’est que de vivre ; on voit tout et le contraire de tout. » 139. […] Un descendant de l’auteur des Maximes, le duc de La Rochefoucauld, l’ami de Condorcet qui était son oracle, et nourri de toutes les idées et les illusions du dix-huitième siècle (voir son Portrait au tome III des Œuvres de Rœderer, et au tome I des Mémoires de Dampmartin), a écrit une lettre à Adam Smith (mai 1778) sur les Maximes de son aïeul ; cette lettre où, tout en cherchant à l’excuser sur les circonstances où il a vécu, il lui donne tort sur l’ensemble, est d’un homme qui lui-même, à cette date, n’avait encore vu les hommes que par le meilleur côté.

1753. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Trop faible pour se soutenir dans sa vieillesse par ses seuls souvenirs, elle ne crut pas qu’il fallût cesser d’aimer avant de cesser de vivre. […] Je me hâte d’en sortir, car je vois d’ici les vrais témoins, les seuls qui ont vécu et qui savent, et ils sourient. […] Au milieu des divers rôles, si bien remplis, de critiques, d’historiens littéraires et de biographes, il m’a semblé que c’en était encore un à prendre et à garder que celui qui aurait pour devise : introduire le plus possible et fixer pour la première fois dans la littérature ce qui n’en était pas tout à fait auparavant, c’est-à-dire ce qui se tenait surtout dans la société et qui y a vécu.

1754. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

XXV J’aurais, moi, humble poète d’un temps de décadence et de silence, j’aurais, si j’avais vécu à Jérusalem, choisi le lieu de mon séjour et la pierre de mon repos précisément où David choisit le sien à Sion. […] Non, c’est vivre Plus vivant dans tous les vivants ! […] pourquoi vivons-nous ?

1755. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Oui, Marceline a vécu d’un souvenir. […] Au surplus, si, considérant surtout Marceline, comédienne retirée, dans ses rapports avec son mari, tragédien en exercice, j’ai pu sourire un peu tout en l’aimant bien, — absolvant aujourd’hui en bloc les candides exagérations de langage d’une femme qui vécut eu des temps emphatiques et qui, pour sa part, n’eut jamais, jamais, à aucun degré, le sentiment débilitant du ridicule, c’est sans l’ombre d’un sourire, cette fois, que je la déclare admirable, vénérable, presque sainte. […] Avec toi surtout, j’ai vécu de silences forcés.

1756. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Tant qu’Eschyle vécut, il fut contesté. […] Le soleil, habitué au Parthénon, n’était pas fait pour entrer dans les forêts diluviennes de la Grande-Tartarie, sous la moisissure gigantesque des monocotylédones, sous les fougères hautes de cinq cents coudées où fourmillaient tous les premiers modèles horribles de la nature, et où vivaient dans l’ombre on ne sait quelles cités difformes telles que cette fabuleuse Anarodgurro dont l’existence fut niée jusqu’au jour où elle envoya une ambassade à Claude. […] Dans l’île de Sardaigne, que les grecs nommaient Ichnusa à cause de sa ressemblance avec la plante du pied, Calaris, qui est Cagliari, était en quelque sorte sous la griffe punique ; Cibalis, en Mysie, avait à craindre les triballes ; Aspalathon, les illyriens ; Tomis, futur tombeau d’Ovide, les scordisques ; Milet, en Anatolie, les massagètes ; Dénia, en Espagne, les cantabres ; Salmydessus, les molosses ; Carsine, les tauro-scythes ; Gélonus, les sarmates arymphées, qui vivaient de glands ; Apollonia, les hamaxobiens rôdants sur leurs chariots ; Abdère, patrie de Démocrite, les thraces, hommes tatoués.

1757. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Au surplus, Voltaire a vécu au milieu d’une civilisation trop avancée pour composer un bon poème épique, quand bien même il en aurait eu la puissance en lui-même. […] Racine et Corneille ont exploité magnifiquement ces trois antiquités, en les arrangeant, sans les dénaturer, selon le goût de leur siècle ; car les poètes dramatiques (et c’est ce qui nuit beaucoup à la durée de leurs ouvrages) ne peuvent pas toujours pousser très loin la fidélité des mœurs et la vérité du langage ; ils sont obligés, pour être entendus et goûtés, de prendre, dans leur style et dans leurs caractères, une moyenne proportionnelle entre le siècle qu’ils mettent sur la scène et le siècle dans lequel ils vivent. […] Les arts libéraux, ainsi que l’indique assez leur nom, ne vivent que de liberté.

1758. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

L’homme n’étant point un individu isolé et solitaire, et devant toujours vivre au sein de la société, il en résulte que sa puissance et ses développements possibles sont dans la société ; il en résulte encore que la société est souvent un supplément à l’imperfection de ses organes ; il en résulte enfin que la plupart des instincts mêmes de l’homme, si une telle expression est permise, sont placés hors de lui, se trouvent dans la société, ce qui nous ramène encore une fois à cette doctrine de la solidarité, doctrine qui serait ici susceptible de sortir de l’ordre des vérités spéculatives pour entrer dans l’ordre des vérités d’expérience, pour prendre rang parmi les faits historiques. […] Il y aurait beaucoup de choses à dire encore sur ce désir que chacun a de donner une signification à son nom, afin de vivre chez les races futures, car nul ne peut espérer de vivre sans, un nom qui ait une signification ; sur l’impossibilité où l’on fut toujours d’acclimater un nom en poésie, quand il n’est pas déjà lui-même de la poésie.

1759. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Grâce à cet ordre inusité, les vivres abondent dans le camp d’Amiens, les munitions ne manquent jamais ; Rosny y a fait organiser un hôpital pour les malades et les blessés, et l’on y est si bien que les gens de qualité eux-mêmes s’y font traiter plutôt que de venir à Paris. […] Mais, puisque vous avez si peu d’égard à mon contentement et que vous préférez vos fantaisies à mes prières, je ne vous en parlerai plus, vous laisserai vivre à votre mode, comme je ferai aussi moi à la mienne.

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