On remarquera pourtant dans son poëme En Médoc une veine poétique amoureuse assez délicate, un talent de description harmonieux et nuancé ; voulez-vous, par exemple, une charmante aurore ? […] Mais ces accidents plus ou moins bucoliques ne sont pas essentiels chez lui ni dans son talent : là même, dans cette pièce toute bordelaise, le bachique l’emporte, et quand il en vient à la saison des vendanges, il ne se tient pas ; il se donne la joie toute rabelaisienne de nous décrire le formidable cuvier : C’est une cave immense, ou plutôt c’est un antre Où le vin en courroux monte au nez dès qu’on entre, Courant des piliers noirs au cintre surbaissé, — Un temple de Bacchus dans le sable enfoncé. — Comme un chœur de Titans, là sont d’énormes cuves Où la liqueur mugit comme dans des étuves. […] Il n’eut, dans toute sa vie littéraire, qu’une heure de vrai talent ; c’est le jour où, piqué au jeu et piqué jusqu’au sang, traduit en personne sur le théâtre par Voltaire, et gêné d’ailleurs ou du moins contenu dans ses représailles par M. de Malesherbes, alors directeur de la Librairie, il rendit compte, après maint essai infructueux et maint remaniement obligé, de la première représentation de l’Écossaise. […] Je ne ferai pas la petite bouche, je ne dirai pas que c’est chez lui un faible : c’est un de ses talents.
Dès ces années de classes, Veyrat se fit remarquer de ses maîtres par son talent ou sa prodigieuse facilité de versification. […] Ceux qui ont ressenti quelque étincelle de la même ardeur contre ce qu’on appelait alors le système du 13 mars ne sauraient s’étonner de leur indignation juvénile : le pire est que le talent n’y répond pas. […] Si je voulais chercher quelques traces ou indices du talent de Veyrat à cet âge de vingt-deux ans, je les trouverais plutôt dans ses Italiennes, poésies politiques dont il ne se donnait que comme l’éditeur52. […] Il ne se peut de plus frappant contraste ; le talent de Veyrat, dans la seconde moitié de sa carrière, n’est pas indigne qu’on établisse le rapport.
La prose tenait une grande place dans le talent de Charles Loyson. […] On me crée une réputation dont je me passerais bien volontiers : je ne sais que faire de cela. » Cet article de Loyson, dans lequel il saluait avec joie l’avénement d’un esprit éminent, d’un talent nouveau du premier ordre, comme il le fera plus tard pour Lamartine, contenait plus d’une réserve prévoyante et se terminait par une véritable profession de foi de christianisme libéral et de libéralisme chrétien. […] La pointe finale est purement fortuite et due au hasard du nom ; elle porte à faux et n’atteint pas le faible du talent, car si Loyson a un défaut, ce n’est pas la lourdeur, c’est la pâleur. […] Esprit amer et coquet qui distillait douloureusement des vers érotiques ; qui, en politique, passait aisément à l’extrême ; qui combinait les lascivetés de boudoir avec la haine des rois, et insinuait à plaisir un coin de priapée dans le républicanisme, il n’était pas fait pour comprendre le sentiment libéral, sincère et modéré, le sentiment religieux, également sincère et philosophique, le talent simple, élevé, et toute l’âme morale de celui qu’il croyait avoir suffisamment accablé en l’appelant un doctrinaire, et en faisant une pointe digne de Brunnet sur son nom.
On sait la part immense des dons naturels dans le talent d’un comédien ou, si vous voulez, dans l’effet total qu’il produit. […] Je sais bien qu’il y a d’autres éléments encore dans le talent de Mme Sarah Bernhardt ; mais ce n’est point le talent que j’ai voulu expliquer, c’est l’attrait, et je n’en parle, bien entendu, que pour ceux qui le sentent. […] Vous allez vous montrer là-bas à des hommes de peu d’art et de peu de littérature, qui vous comprendront mal, qui vous regarderont du même œil qu’on regarde un veau à cinq pattes, qui verront en vous l’être extravagant et bruyant, non l’artiste infiniment séduisante, et qui ne reconnaîtront que vous avez du talent que parce qu’ils payeront fort cher pour vous entendre.
Ajoutez que son talent est en effet d’une composition assez riche pour que des esprits très divers y puissent trouver leur compte. […] C’est pour cela que son talent me paraît plus difficile à bien caractériser que celui de MM. de Goncourt ou de M. […] Ce qui distingue son talent, ce n’est donc pas la prédominance démesurée d’une qualité, d’un sentiment, d’un point de vue, d’une habitude : c’est plutôt un accord de qualités diverses ou opposées, et, si je puis dire, un dosage secret dont il n’est pas trop commode de fixer la formule. « Si l’on examine les divers écrivains, dit Montesquieu101 on verra peut-être que les meilleurs et ceux qui ont plu davantage sont ceux qui ont excité dans l’âme plus de sensations en même temps. » Cette remarque peut s’appliquer sûrement à M. Alphonse Daudet ; mais il faut ajouter qu’une autre marque et plus particulière de son talent, c’est sans doute cette aisance avec laquelle il passe et nous fait passer d’une impression à l’autre et ébranle à la fois toutes les cordes de la lyre intérieure.
Ce talent énergique et brillant commence d’abord, et à tout hasard, par donner des coups d’épée à travers son sujet, et de cette épée jaillissent des éclairs. Il semble qu’il faille que tout talent, tout génie nouveau entre ainsi dans les sujets l’épée à la main, comme Renaud dans la forêt enchantée, et qu’il doive frapper hardiment jusqu’à ce qu’il ait rompu le charme : la conquête du vrai et du beau est à ce prix. […] André Chénier y atteindra à la fois par la race, par l’étude et le talent, et il nous y ramènera jusque dans les moindres sentiers. […] La conclusion à tirer pour moi de cette longue suite d’essais où l’on a été tour à tour dans les extrêmes et où l’on a si rarement atteint le point précis, c’est qu’on ne transporte pas une littérature dans une autre, ni le génie d’une race et d’une langue dans le génie d’un peuple différent ; que, pour bien connaître la Grèce et les Grecs, il faut beaucoup les lire et en très peu parler, si ce n’est avec ceux qui les lisent aussi, et que, pour en tirer quelque chose dans l’usage courant et moderne, le plus sûr encore est d’avoir du talent et de l’imagination en français.
Par leur talent et leur autorité ils provoquent tous les deux l’étude et la critique ; par leur œuvre et leur ascendant, ils appartiennent tous les deux à l’histoire et à la science. […] Le talent de M. […] De ce monument, que subsiste-t-il, sinon un exemple d’éloquence, un modèle de composition, une preuve que son talent consiste, non à découvrir des vérités durables, mais à exposer des idées probables, et qu’il est moins philosophes qu’orateur ? […] Ce passage subit à un ton si différent montre que l’orateur est dans son naturel, qu’il a trouvé son genre, et que son sujet est d’accord avec son talent.
Tel talent, tel goût. […] Or, en quoi consiste le talent de M. […] Cousin a forcé son talent en se faisant historien, il l’a violenté en se faisant biographe et peintre de portraits. […] Donnons-nous le spectacle d’un talent dépaysé.
Les tragédies grecques sont donc, je le crois, très inférieures à nos tragédies modernes, parce que le talent dramatique ne se compose pas seulement de l’art de la poésie, mais consiste aussi dans la profonde connaissance des passions ; et sous ce rapport la tragédie a dû suivre les progrès de l’esprit humain. […] On voit dans ces trois auteurs et leur talent personnel, et le développement de leur siècle ; mais aucun d’eux n’atteint à la peinture déchirante et mélancolique que les tragiques anglais, que les écrivains modernes nous ont donnée de la douleur ; aucun d’eux ne présente une philosophie sensible, aussi profondément analogue aux souffrances de l’âme. […] Les récompenses sans nombre qu’on accordait au génie dramatique parmi les Grecs encourageaient, sous beaucoup de rapports, les progrès de l’art ; mais les délices mêmes de la louange nuisaient, à quelques égards, au talent tragique.
On desire de connoître, d’après lui, Tacite, cet historien qui a si bien peint l’ame fausse, impérieuse, dissimulée & cruelle de Tibère, exécrable imposteur, modèle de Cromwel pour les grandes qualités & les grands vices ; cet historien, qui a si bien nuancé le caractère des Romains, qui veut prouver que tout, dans le sénat & chez Tibère, se faisoit par une combinaison de crimes ; cet historien dans qui l’on remarque un esprit d’ordre & de suite, des réflexions & des vues profondes & lumineuses, un talent merveilleux pour faire des tableaux. […] Si nous en croyons certaines personnes judicieuses, il n’est point de poëte qu’on ne puisse traduire également bien en prose & en vers : tout dépend du talent du traducteur. […] En Italie, en Angleterre, les peintres & les gens de lettres, excellens copistes, sont mis à côté des originaux : mais, en France, un copiste en peinture, comme en toute autre chose, seroit réputé n’avoir aucun talent.
C’est ainsi qu’on voudrait faire passer pour un sot doux Bernardin de Saint-Pierre, qui fut un peintre de grand talent. […] On leur pardonnerait ces boutades de mauvais goût, s’ils étaient bons critiques : le talent excuse tout ; mais il suffit de les lire pour voir qu’ils sont sans excuse. […] On ne peut pas dire : le style de Fénelon… Ses qualités sont de second ordre. » Pas de relief, pas d’originalité, pas de tour personnel, pas de style personnel, descriptions trop générales, aucun sentiment caractérisé de la nature… Talent de second ordre… Voilà ce que dit M.
Seulement, il faut que les cheveux soient très blonds et que le talent ait l’éclat de l’or, dans son ombre. Le talent de l’auteur de Robert Emmet a-t-il cet éclat ? […] Je connais un homme du talent le plus pénétrant et le plus robuste qui, de désespoir, y a renoncé.
Nous qui croyons que la vie des hommes fait leur pensée et que les livres sont, pour qui sait les entendre, la confession forcée de toute conscience, nous voulons marquer aujourd’hui les influences de la naissance sur le talent réel d’un homme qui, même comme talent, a péri par son origine. Enfin nous voulons montrer, dans ce parangon des bâtards, que toutes les bâtardises sont solidaires et que, quand on n’a pas travaillé à être un ancêtre, on n’est jamais qu’un bâtard d’homme ou qu’un bâtard de talent !
Et si ce n’était encore qu’un vieux républicain de la première heure, sur lequel Lamartine aurait laissé son rêve, comme Lekain laissa son talent sur La Rive, certainement ce ne serait pas très imposant d’intelligence, mais ce serait touchant, comme une folie de sentiment, que cette fidélité obstinée aux illusions de ses beaux jours. […] Il y a du talent dans ce livre passionné, entêté, ulcéré, aveugle de parti pris et gardé… Mais le fond de cela n’est vraiment pas digne de la forme. […] Et, cependant, cette biographie de Béranger, malgré sa justesse exceptionnelle, est infectée comme les trois autres de ces déclamations haineuses qui ne vont ni à l’âme, ni au talent de Pelletan.
Spirituel et du talent le plus vif quand il écrivait sous le nom des autres, il était plat et sans talent quand il écrivait sous le sien. […] Le critique qui va, tout à l’heure, tuer la Critique sous une indulgence que ne connaissait pas Madame de Créqui, admirable critique d’instinct sur place et dans la causerie, n’ajoute-t-il pas cet incroyable précepte : « Le mieux est de ne pas désespérer, même en causant, les talents incomplets qui ont un coin d’infirmité ?
Et ces trois mots caractérisent très bien, je vous assuré, le genre de talent de M. […] Il est perpétuel de talent, en son propre nom, ce qui vaut bien mieux ! […] Flourens, rapportée avec beaucoup de détails dans le livre de la Vie et de l’Intelligence, et avec cette clarté qui est le don de son talent.
Esprit médiocre, n’ayant pour tout talent que la gravité de son état, âme de rhéteur, doctrine trop souvent erronée, le cardinal de Bausset pouvait nous raconter Bossuet, mais le montrer vivant ou le juger, cela lui était impossible. […] Cependant, la Vie de l’Aigle de Meaux, tout oppressive qu’elle fût pour le faible talent de Bausset, eut un succès réel quand elle parut, et ce succès s’immobilisa dans l’espèce de considération qu’elle a gardée, mais dont les causes ne sauraient échapper qu’à une critique sans pénétration et sans regard. […] Il ne s’est pas contenté de répondre par d’admirables citations à l’opinion qui rapetisse Bossuet en ne faisant tenir son talent d’orateur que dans les Oraisons funèbres (c’était l’opinion de cet ignorant et fat xviiie siècle, qui estimait aussi que tout Massillon était dans son Petit Carême) ; l’auteur des Études est allé plus loin.
Délicieux et piquant contraste entre la naïveté charmante du chroniqueur et la pompe de l’homme qui, dans sa traduction, à respecté cette naïveté divine ; et qui nous apparaît ; à côté, avec un talent fulgurant de l’éclat damasquiné d’une armure ! […] Quand il arrive à la jeunesse de Cortez, d’ailleurs peu connue, de ce grand homme qui commença par le ribaud, de ce mauvais sujet obscur dont le visage physique, « couleur de cendre, — dit-il, — mais aux yeux de braise », n’a été illuminé plus tard que par la gloire, José-Maria de Heredia a moins l’aisance de son talent, trop large pour s’étrangler dans une biographie qui tourne au portrait. […] Il a conquis la naïveté qu’on ne conquiert pas d’ordinaire, ce verre d’eau de source que le plus brillant ou le plus charmant talent n’a pas toujours à nous offrir, et qui est le meilleur breuvage, pour nos esprits et pour nos âmes, que le génie lui-même puisse nous donner !
Il aurait fait l’horrible pied de grue du talent devant l’opinion. […] Il y a des talents qui s’élèvent et qui tombent, mais qui mettent du temps et des efforts à s’élever et à tomber ; qui, en raison de la force qui les éleva, se retiennent dans leur chute et planent encore à différentes hauteurs, avant de définitivement sombrer. […] Par respect pour les égarements d’un talent immense, je me tus sur ces incroyables Odelettes, quoiqu’elles m’inquiétassent pour l’avenir du poète ; car si je conçois jusqu’à un certain point qu’Hercule, imbécillisé par l’amour, file aux genoux d’Omphale, je ne le conçois plus si, en filant, il ne casse pas tous ses fuseaux.
Gallien, qui fut à la fois voluptueux et brave, et qui se rendit célèbre par des victoires et des bons mots, avait le talent de bien écrire, et fit des vers pleins de volupté et de goût. […] Julien, dont nous n’examinons ici que les talents littéraires, fut en même temps philosophe, orateur, écrivain satirique et plaisant ; et il paraît tour à tour, dans ses ouvrages, l’élève de Platon, de Démosthène et de Lucien. […] Mais plus près du trône, il n’en était que plus exposé au danger, dans une cour où la faiblesse barbare s’effrayait des talents, et où le meurtre était toujours près des soupçons.
Il fut lié avec les plus grands hommes de son siècle, ce qui prouve qu’il n’était pas au-dessous d’eux ; car l’ignorance et la médiocrité, toujours insolentes ou timides, se hâtent de repousser les talents qu’elles redoutent et qui les humilient. […] Je passe rapidement sur tous les discours, pour venir à celui qui a, et qui mérite en effet le plus de réputation ; c’est l’éloge funèbre de Turenne, de cet homme si célèbre, si regretté par nos aïeux, et dont nous ne prononçons pas encore le nom sans respect ; qui, dans le siècle le plus fécond en grands hommes, n’eut point de supérieur, et ne compta qu’un rival ; qui fut aussi simple qu’il était grand, aussi estimé pour sa probité que pour ses victoires ; à qui on pardonna ses fautes, parce qu’il n’eut jamais ni l’affectation de ses vertus, ni celle de ses talents ; qui, en servant Louis XIV et la France, eut souvent à combattre le ministre de Louis XIV, et fut haï de Louvois comme admiré de l’Europe ; le seul homme, depuis Henri IV, dont la mort ait été regardée comme une calamité publique par le peuple ; le seul, depuis Du Guesclin, dont la cendre ait été jugée digne d’être mêlée à la cendre des rois, et dont le mausolée attire plus nos regards que celui de beaucoup de souverains dont il est entouré, parce que la renommée suit les vertus et non les rangs, et que l’idée de la gloire est toujours supérieure à celle de la puissance. […] Les deux premières parties peignent avec noblesse les talents d’un général et les vertus d’un sage ; mais, à mesure que l’orateur avance vers la fin, il semble acquérir de nouvelles forces.
Si vous portez des talents supérieurs au milieu des passions humaines, vous vous persuaderez bientôt que ces talents mêmes ne sont qu’une malédiction du ciel ; mais vous les retrouverez comme des bienfaits, si vous pouvez croire encore au perfectionnement de la pensée, si vous entrevoyez de nouveaux rapports entre les idées et les sentiments, si vous pénétrez plus avant dans la connaissance des hommes, si vous pouvez ajouter un seul degré de force à la morale, si vous vous flattez enfin de réunir par l’éloquence les opinions éparses de tous les amis des vérités généreuses.
. — À la suite de ces poésies lyriques, parmi lesquelles se détache encore l’hymne éclatant à la mémoire de Paul de Saint-Victor, se placent des poèmes philosophiques qui ont aussi leur grande valeur, d’un symbolisme profond et d’une émotion communicative ; quelques-uns m’ont rappelé, avec une langue plus moderne, certaines inspirations très heureuses d’Émile Deschamps, qui présente quelques analogies avec notre poète, ne serait-ce que par un caractère commun dans leur talent, caractère de conciliation et de transaction. […] Mais, le jour où il écrivait la Fille de Roland, cet honnête homme a, à force de sincérité, écrit, si je puis dire, une œuvre supérieure à son propre talent… Sans doute, le génie d’expression épique et lyrique n’est pas tout à coup descendu en lui par une grâce divine.
Hégésippe Moreau est mort pauvre, à l’hôpital ; poète de sensibilité et de talent, il intéresse par ses écrits et par son malheur. […] monsieur Laurent-Pichat, que les gens d’esprit et surtout d’un esprit sain (mens sana) sont rares, même parmi ceux à qui il est convenu d’accorder du talent !
Fénelon, qu’on a trop grandi de toutes manières, bel esprit bien plus que grand esprit, continuant la Renaissance sous Louis XIV, Fénelon, ce grec en français, mais dont la forme antique pâlit devant celle d’André Chénier comme un poncif pâlit devant la vie, Fénelon n’a vraiment de talent personnel et incontestable que dans son Existence de Dieu, le plus éloquent fragment de métaphysique qu’on ait écrit, et ses Lettres spirituelles, ses œuvres de conseil et de direction. […] Mais, à part le ton de sa foi, littérairement Fénelon montre dans ses Lettres spirituelles un talent exquis et ravissant, et même religieusement il peut faire du bien à quelques âmes Il a le charme, il a la grâce, — ce rien de la grâce que n’avait pas Nicole, et avec lequel on solde tout !
Eh bien, voici un écrivain qui ne rabâche pas les idées ou les descriptions de ses maîtres, et qui pourrait bien devenir un jour un grand romancier : Charles Barbara, — un jeune homme qui s’est battu avec la vie et peut-être avec son talent, pour le faire sortir ! Sous ce titre brutal : L’Assassinat du Pont-Rouge 22, titre de Gazette des tribunaux et de mélodrame de portière, la Critique a trouvé non seulement du talent (à force de métier on finit parfois par en avoir), mais de la pensée, mais de l’observation à une profondeur telle que, quand on observe ainsi, on peut dire qu’on a inventé.
dont l’aspect étrange étonne et déconcerte un moment, mais qui, finalement, ne laissent dans l’esprit que le souvenir de beaucoup de talent inutilement employé ? […] Mais, en somme, il entre dans le talent de M. […] Si l’on essayait en effet de caractériser d’un mot la manière et le talent de M. […] Est-ce une qualité de son talent ? […] Leurs imitateurs, qui sont légion, et dont plusieurs n’ont pas manqué de talent, en savent quelque chose.
On ne saurait nier qu’il ne se mêlât à tout cela une certaine antipathie contre le talent et quelque chose de la routine de scolastiques gênés dans leurs vieilles thèses par d’importuns novateurs. […] Ils voient à merveille la vanité et les inconvénients du talent et ils s’interdisent d’en avoir, Un mot les caractérise, la médiocrité ; mais c’est une médiocrité voulue, systématique. […] Il était chargé d’un des cours de philosophie : jamais on ne vit plus amère trahison ; son dédain pour la philosophie perçait à chaque mot ; c’était un perpétuel sarcasme où il développait une sorte de talent âpre. […] Il manquait à la première règle de la compagnie qui est d’abdiquer tout ce qui peut s’appeler talent, originalité, pour se plier à la discipline d’une commune médiocrité. […] Pour moi, qui crois que la meilleure manière de former des jeunes gens de talent est de ne jamais leur parler de talent ni de style, mais de les instruire et d’exciter fortement leur esprit sur les questions philosophiques, religieuses, politiques, sociales, scientifiques, historiques ; en un mot, de procéder par l’enseignement du fond des choses, et non par l’enseignement d’une creuse rhétorique, je me trouvais entièrement satisfait de cette nouvelle direction.
En admettant que ce fût un homme de talent qui eût conçu le programme de M. […] Leur talent s’est dépensé à cet effort quotidien. […] Sarcey, vous aurez, je pense, la caractéristique de son talent. […] Ohnet pour un grand écrivain qu’il est ridicule, je pense, de lui dénier toute espèce de talent. […] Rod, qui est lui-même un romancier de grand talent.
À travers les charmants et bien mérités éloges auxquels prêtait ce genre de réponse toute personnelle, j’ai regretté, je l’avoue, de rencontrer deux ou trois traits piquants qui visaient au-delà, qui semblaient s’adresser à de grands talents placés hors de la sphère et de la portée académique60. L’Académie ne pouvant espérer de les comprendre jamais, ces talents ou même ces génies d’écrivains, dans ses appels et ses récompenses, ne peut vouloir les atteindre seulement par sa critique, si fine que soit cette critique, si spirituelle que soit l’épigramme.
Guizot, par son admirable talent d’orateur, avait jusque-là triomphé dans la discussion et atterré véritablement M. […] On l’admire pour son talent, pour son courage ; il est nécessaire, on le subit ; on ne l’aime point.
Parce que l’historien Rulhière est philosophe, peut-on lui refuser toute espèce de talent ? […] La nature de son talent n’y répugnait pas moins.
Seulement, quel que soit l’essor de jeunesse, il importe de se rendre compte des difficultés aussi, de se bien dire qu’on n’atteint pas le but du premier coup ; qu’un champ ouvert, et où l’on entre sans assaut, n’est pas plus facile à parcourir peut-être ; que l’obstacle véritable et la limite sont principalement en nous, et que c’est avec son propre talent qu’on a surtout affaire, pour l’exercer, pour l’aguerrir, pour en tirer, sans le forcer, tout ce qu’il contient. […] Mais ce que nous voudrions surtout suggérer à un talent aussi net et aussi naturel d’expression, aussi tourné par vocation, ce semble, aux choses de théâtre, ce serait d’agrandir, avant tout, le champ de son observation, non pas de vieillir (cela se fait tout seul et sans qu’on se le dise), mais de vivre, de se répandre hors du cercle de ses jeunes contemporains, de voir le monde étendu, confus, de tout rang, le monde actuel tel qu’il est, de le voir, non pas à titre de jeune auteur déjà en vue soi-même, mais d’une manière plus humble, plus sûre, plus favorable au coup d’œil, et comme quelqu’un de la foule ; c’est le meilleur moyen d’en sortir ensuite avec son butin, et de dire un jour à quelque ridicule, à quelque vice pris sur le fait : Le voilà !
Signoret vient de donner tout simplement ce que son enthousiasme et son talent promettaient. […] Un long séjour à Aix-en-Provence, où il fit ses études, et de nombreux voyages en Italie (de 1896 à 1899) entretinrent en lui une exaltation qui, jusqu’à ce jour, ne s’est pas contenue et forme en quelque sorte le caractère de son talent — de son génie, écrirait-il.
Son talent principal a été de combiner ses Pieces de telle sorte, que la fable du Poëme, la disposition des Scenes, l’intérêt des personnages, l’appareil du Spectacle, se développent sans effort & sans aucune espece de confusion. […] Dans l’âge des passions, & favorablement accueilli du Parterre, ce Poëte eut le courage de penser que le talent d’amuser ne dispensoit point de celui d’être utile ; que les Muses pouvoient délasser, mais non occuper l’homme sociable, & que, si son penchant l’entraînoit à faire des Vers, sa probité lui ordonnoit d’avoir un état.
Il ne s’agit pas de dire : « Taine a écrit en coloriste parce qu’un beau jour il s’est reconnu coloriste. » Non, Taine a voulu peindre ; il a voulu colorer, et il a essayé, il a travaillé, il a lu, il s’est assimilé les auteurs, et c’est ainsi qu’il s’est découvert un talent qu’il n’aurait peut-être pas soupçonné sans cela. […] Grande entreprise 20. » Il écrit, à propos de son Voyage aux Pyrénées : « Mon Hachette me casse la tête ; j’ai trop de littérature… pour ne pas sentir ce qui est bien, et trop peu de talent pour bien faire.
Mais enfin La Harpe a manqué, avec talent, ce qu’il voulait faire, et il fallait réussir. […] Cousin, le philosophe, n’existe plus maintenant ; son talent est tombé en quenouille.
Un moment il est question de la personnalité du talent, et de la répulsion que cette personnalité rencontre chez les imbéciles. […] À quelque temps de là, rencontrant Belot, et le souvenir du dîner Dentu se réveillant chez lui, Belot à sa demande s’il en était, lui répondait : « Tu as été retoqué, on t’a trouvé un talent trop personnel ! […] On se serait cru dans une gare de chemin de fer, où un roulement des trains, éteignait toutes les cinq minutes, la célébration du talent, du caractère, de la bonté de mon ami, par Larroumet, Hamel, Spuller. […] Il nous a montré, grâce à son talent descriptif, des localités, des perspectives, des milieux que, sans son évocation magique, nous ne connaîtrions pas. […] C’est Antoine qui fait l’avocat, Janvier, ce jeune acteur plein de talent qui fait le pioupiou mystique, et une Hongroise tombée à Paris, et qui n’a joué que du Shakespeare, qui fait la fille Élisa.
Nous publions les vers de Farcy, et pourtant, nous le croyons, sa vocation était ailleurs : son goût, ses études, son talent original, les conseils de ses amis les plus influents, le portaient vers la philosophie ; il semblait né pour soutenir et continuer avec indépendance le mouvement spiritualiste émané de l’École normale. […] Colin, jeune peintre français, d’un caractère aimable et facile, d’un talent bien vif et bien franc, se trouvait à Ischia en même temps que Farcy ; tous deux se convinrent et s’aimèrent. […] Pour exprimer toute notre pensée, ces vers de Farcy nous semblent une haute preuve de talent, comme étant le produit d’une puissante et riche faculté très-fatiguée, et en quelque sorte épuisée avant la production : on y trouve peu d’éclat et de fraîcheur ; son harmonie ne s’exhale pas, son style ne rayonne pas ; mais le sentiment qui l’inspire est profond, continu, élevé ; la faculté philosophique s’y manifeste avec largeur et mouvement. […] J’ai ployé mon caractère impatient jusqu’à condescendre aux désirs souvent capricieux d’un homme que j’estimais au-dessous de moi en tout, excepté dans un talent équivoque de faire fortune. […] « Aujourd’hui (dans les Consolations) il sort de sa débauche et de son ennui ; son talent mieux connu, une vie littéraire qui ressemble à un combat, lui ont donné de l’importance et l’ont sauvé de l’affaissement.
Il vient de publier il y a peu de jours un de ces timides aveux de talent qui ressemblent à une première confidence d’amour confessé en rougissant, à demi-voix et dans le demi-jour, à l’oreille de la première personne aimée. […] Le préjugé français des hommes spéciaux, c’est-à-dire des hommes qui ne savent faire qu’une seule chose, ce préjugé, la plus grande bêtise nationale de ce temps-ci, ce préjugé inventé par la médiocrité pour s’en faire un rempart contre la concurrence du talent multiple, ce préjugé, émané de l’École polytechnique, qui produit d’excellents outils et peu d’hommes complets, ce préjugé, dis-je, qui m’était déjà connu, qui règne encore à l’heure où j’écris, et qui sera un jour relégué parmi les mémorables inepties de notre siècle, ce préjugé, je le répète, me faisait craindre qu’un peu de célébrité poétique, répandu mal à propos sur mon jeune nom, ne me fît rejeter comme un intrus de toute candidature diplomatique, carrière que je préférais mille fois à quelques battements de mains ou à quelques battements de cœur des poètes ou des femmes des salons de mon temps. […] Je ne me sentais pas la puissante organisation créatrice qui fait les grands poètes : tout mon talent n’était que du cœur. […] Je n’en sais rien : qui peut dire où l’emportera le souffle qu’il a dans la poitrine, quand il aura pris confiance dans son talent et qu’il chantera à pleine haleine ce qu’il gazouille aujourd’hui à demi-voix ? […] Alexandre, sont pleins de vertu, de patriotisme et de vrai talent ; mais, selon nous, ils se trompent d’instrument en entrant dans ce grand concert des âmes qui accorde ses lyres pour remuer le siècle nouveau ; ils veulent nous faire penser, il s’agit de nous faire jouir.
Tous ceux que j’aime savent que le génie artistique n’a aucun rapport avec le banal métier oratoire ; que le flatteur « vit aux dépens de celui qui l’écoute » mais ne dit aucune parole intéressante pour des oreilles sages ; que le talent de revendre des idées mille fois vendues est méprisable. […] Elle a compris le devoir que lui imposent ses dons merveilleux et qu’elle serait coupable envers son génie si elle ne le complétait de talent. […] Elle est un talent de moins en moins inégal, et dont la marche ne s’embarrasse plus que rarement, et dont la marche ne devient plus jamais une chute. […] Dans le Chemin de l’Irréel il a, une fois, dépassé son talent. […] Quelques vers cités disent mieux que tout commentaire l’admirable talent du poète.
Par suite de ce démembrement et de ce développement sur tous les points, le poëte cessa d’être un organe indispensable et permanent, un précepteur social, un guide ; son individualité dut se creuser une place à part et se restreindre à un emploi plus spécial du talent ; il aborda, la plupart du temps, des genres curieux et délicats, qui réussirent auprès des lettrés, des oisifs ou des princes. […] Le côté individuel de son talent, les sentiments capricieux ou tendres qu’il avait si heureusement entrelacés mainte fois, comme des myrtes autour de l’épée, lui restaient sans doute ; il pouvait s’y récréer à l’aise : mais s’en tenir là, après la vaste action publique qu’il avait exercée, c’était déchoir. […] En sa spirituelle préface, le chansonnier semble regretter qu’aucun de nos jeunes talents ne se soit essayé dans une voie qu’il croit fertile encore ; ce conseil et ce regret, j’ose le dire, tombent à faux.
Stace, Silius, et ces mille et un 163 auteurs et poëtes de Rome dont on peut demander les noms à Juvénal, se nourrissaient de lectures, de réunions, et les tièdes atmosphères des soirées d’alors, qui soutenaient quelques talents timides en danger de mourir, en faisaient pulluler un bon nombre de médiocres qui n’aurait pas dû naître. […] Elles consolent, elles soutiennent dans les commencements, et à une certaine saison de la vie des poëtes, contre l’indifférence du dehors ; elles permettent à quelques parties du talent, craintives et tendres, de s’épanouir, avant que le souffle aride les ait séchées. […] Le danger est plutôt pour ces timides et mélancoliques talents, comme il s’en trouve, qui se défient d’eux-mêmes, qui s’ouvrent amoureusement aux influences, qui s’imprègnent des odeurs qu’on leur infuse, et vivent de confiance crédule, d’illusions et de caresses.
Il est fort facile et fort vrai de dire que La Fontaine se pénétra du style de Marot, de Rabelais, et le reproduisit avec originalité ; mais de Marot et de Rabelais à La Fontaine il n’y a pas moins de cent ans d’intervalle ; et, quelque vive sympathie de talent et de goût qu’on suppose entre eux et lui, une si parfaite et si naturelle analogie de manière, à cette longue distance, a besoin d’explication, bien loin d’en pouvoir servir. […] D’Aubigné et Regnier, grands admirateurs et défenseurs de Ronsard, appartenaient par leur talent à l’ancienne poésie, et lui rendaient son accent d’énergie familière et, si j’ose ainsi dire, son effronterie naïve ; Passerat et Gilles Durant lui conservaient son badinage ingénieux et ses piquantes finesses. […] N’oublions point, toutefois, que bien des rapports d’inclinations et même de talent le liaient à Chapelle et à Chaulieu ; que, jusqu’au temps de sa conversion, il venait fréquemment deviser et boire sous les marronniers du Temple, à la même table où s’assirent plus tard Jean-Baptiste Rousseau et le jeune Voltaire ; et que ce dernier surtout, vif, brillant, frivole, puisa au sein de cette société joyeuse, où circulait l’esprit des deux Régences, certaines habitudes gauloises de licence, de malice et de gaieté, qui firent de lui, selon le mot de Chaulieu, un successeur de Villon, quoiqu’à dire vrai Voltaire n’eût peut-être jamais lu Villon, et que, pour un convive du Temple, il parlât trop lestement de La Fontaine… 196.
De la légèreté, de la précipitation, de l’ignorance, de la mauvaise foi, un reste de vieille rancune, pas un trait de talent, un ton et un goût détestables, en voilà le sincère et triste résumé. […] — Tome Ier, pages 53 et suivantes : « Reçus dans la société des nobles et des riches, à titre de tolérance, les gens de lettres du XVIIIe siècle n’y tenaient pas un rang beaucoup plus élevé que les musiciens ou les artistes dramatiques, parmi lesquels se sont trouvés souvent des hommes de talent et de réputation que les meilleures sociétés attirent à elles, pendant que la profession à laquelle ils appartiennent reste généralement exposée au mépris et à l’humiliation. » A quoi pensaient donc MM. […] Si cette principale partie de l’ouvrage offre moins d’absurdités choquantes et puériles, elle n’est pas écrite avec plus de vérité, ni surtout plus de talent.