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794. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Il semble même que des survivants d’une époque antéhistorique aient figuré à l’arrière-ban de ce monde en armes. […] Sa faim dévastait les champs et mangeait les villes ; la terre semblait se rétrécir sous les dents du monstre, à chaque pas qu’il faisait. […] Rien d’humain ne semblait devoir tenir contre ce déluge du nombre chargé des ouragans de la guerre ; par sa seule masse, il devait tout submerger. […] Elle ne semblait pas distinguer les masses qui battaient ses retranchements, des îlots de la mer voisine roulant sur la plage. […] On entendait craquer ses jointures, elle semblait prête à se disloquer.

795. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Oui, nos temps, qui nous semblent vieux, sont jeunes. […] » Le vent, en ravissant tes os à ton cercueil, Semble outrager la gloire et profaner le deuil ! […] Il me semblait entendre d’avance les castagnettes des jeunes filles de Naples, conviant les danseurs à l’ivresse des tarentelles. […] Ils semblaient attendre quelque cérémonie ou quelque hôte illustre. […] Les fenêtres ouvertes et la lune resplendissante qui semblait rouler dans le courant bleuâtre de l’Arno ajoutaient à l’illusion.

796. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Mais il semble se complaire, comme un violoniste impatient, à briser la corde à laquelle il vient de faire rendre de si délicieux accords. […] Cependant, en silence, Comme Dalti parlait, sur l’océan immense Longtemps elle sembla porter ses yeux errants. […] Un secret remords de talent perdu semble par moment l’avertir qu’il ne faut pas ainsi répandre la poésie, cette huile des parfums, sur les pieds des courtisanes. […] Il y a, au salon de peinture de cette année, à Paris, un petit tableau de Gérôme, que j’ai admiré hier et qui me semble représenter parfaitement la disposition d’esprit d’Alfred de Musset à cette époque de sa vie. […] J’aimais avec la pure ferveur de l’innocence passionnée une personne angélique d’âme et de forme, qui me semblait descendue du ciel pour m’y faire lever à jamais les yeux quand elle y remonterait avant moi.

797. (1926) L’esprit contre la raison

Ce pseudo proverbe éluardien semble fustiger l’attitude de conservation nostalgique des états antérieurs de soi, la pusillanimité du sujet résistant à la mouvance des choses. […] La citation de Breton prend ici un sens ambigu : Crevel a tenté une autre écriture romanesque en rupture avec l’attitude réaliste, et semble donc faire sienne cette critique de Breton. […] L’attaque semble viser Valéry. […] Cette image semble avoir déjà surdéterminé les métaphores filées antérieures de l’oiseau et de l’envol.  […] L’essai se clôt comme il a commencé, sur Paul Valéry,  qui semble faire les frais de cette dernière pointe.

798. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Quelques-unes des nombreuses espèces d’animaux qui vivent sur les côtes entre les limites des hautes et basses eaux semblent devoir rarement se conserver. […] Mais il me semble que d’insurmontables difficultés nous empêchent d’arriver à aucune conclusion certaine sur ce point. […] Je veux parler de ces nombreux groupes d’espèces, qui semblent faire soudainement leur apparition dans les roches fossilières les plus anciennes que l’on connaisse encore. […] La présence de nodules de phosphate et de matières bitumineuses en quelques-unes des roches dites azoïques inférieures, semble indiquer qu’à cette époque existaient des êtres vivants. […] Lorsqu’on regarde de ce point de vue les objections que nous venons d’examiner, ne semblent-elles pas moins fortes, si même elles ne disparaissent complétement ?

799. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

En même temps, il me semble que tout le monde devrait la deviner tant elle est claire ! […] Il semble d’abord que rien ne soit plus vulgaire. […] Mais en même temps, il me semble que ce mot laisse entrevoir le trait le plus profond de sa nature. […] Il me semble qu’aujourd’hui ce minéral devrait être sur le point de succomber à un accès de rage. […] Cela ne me semblait ni facile ni sage.

800. (1933) De mon temps…

L’histoire est assez « raide », et Maupassant semblait s’en amuser, quand, soudain, il s’assombrit pour se plaindre de sa santé. […] Mais, qui peut bien être cet Anatole qui manque de bravoure et que tous semblent connaître ? […] Son attentif et doux visage semble écouter une conversation où il va intervenir de sa voix précise et nuancée. […] Le pays qui l’attirait, me semblait-il, le plus volontiers, était l’Espagne. […] Ses ailes ouvertes portaient de minuscules caractères et elles semblaient deux pages volantes du dictionnaire.

801. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Il me semble qu’il ne serait pas impossible de donner une autre forme à l’éducation des collèges. […] Mais, 1°. il me semble que les jeunes gens, en sortant du collège, y gagneraient de toutes manières, s’ils en sortaient plus instruits. 2°. […] Tout cela prouve suffisamment, ce me semble, qu’un orateur vivement et profondément pénétré de son objet, n’a pas besoin d’art pour en pénétrer les autres. […] Il paraît même avoir regardé cet objet comme très essentiel dans des morceaux très frappans par le fond des choses, et où la beauté de la pensée semblait dispenser du soin d’arranger les mots. […] Mais heureusement la postérité ignorera ces louanges et ces invectives éphémères ; et il semble que leurs auteurs l’aient prévu, tant ils ont eu peu de respect pour elle.

802. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIV » pp. 95-96

Il l’a fait ce matin dans les Débats, et victorieusement, ce me semble. […] La sottise et la duperie du public lui ont indiqué nettement sa voie en se laissant prendre à sa philanthropie : il n’a qu’à continuer. — Il semble que l’homme au petit manteau bleu lui ait jeté son manteau.

803. (1864) Études sur Shakespeare

Quels motifs le précipitèrent de si bonne heure dans des liens qu’il semblait encore peu fait pour porter ? […] Shakespeare semble avoir pris soin de le constater. […] Ici elle semble, conduite par l’abondance, parcourir l’année à travers une série de fêtes. […] Un détail de ce poëme semble indiquer l’époque où il fut écrit. […] C’est là que Shakespeare semble attendre l’événement ; c’est là qu’il le prend pour le peindre.

804. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Aujourd’hui, en littérature, le public semble vouloir effectuer un pareil classement. […] Après tant de pitié à la Slave, un peu de vraie et simple justice semble dû. […] Il m’a semblé relire la Tentation de saint Antoine. […] J’avoue cependant que leur attitude — mis à part Mallarmé, de Régnier et Charles Morice, — m’a semblé peu noble. […] À ces distances, les querelles littéraires semblent un peu vaines.

805. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Or, c’est cela même, ce me semble, que Lamartine a voulu. […] Il semble qu’il avait toujours été républicain. […] Cela avait, seulement, ce me semble, un peu empiré. […] Il n’avait, ce me semble, besoin que de cela. […] Jamais, semble-t-il, la vérité n’est assez humble pour M. 

806. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Il semblait que tous deux eussent peur l’un de l’autre. […] L’ombre chaude semblait pleine de baisers. […] M. d’Alaly semble préoccupé. […] mais elle me semblait plus belle que le rêve et d’un éclat surnaturel. […] on aime, et vivre semble aisé.

807. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Cela posé, il me semble que, si j’ai à m’étonner, c’est, non pas d’avoir tant de contradicteurs, mais au contraire tant d’amis et de partisans. […] — D’abord en l’air, il me semble. […] — Cependant vous sembliez dire que pendant leur mue les fauvettes se retirent dans les fourrées du bois ? […] J’avais chez moi quelques amies ; il m’a semblé que leur visite durait une éternité. […] Votre pensée ne me quittait pas, et il me semblait que nous dussions nous rencontrer.

808. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Il semble que la Vénus du musicien soit la descendante de la Luxuria du poète, de la blanche Belluaire, macérée de parfums, qui écrase ses victimes sous le coup d’énervantes fleurs ; il semble que la Vénus wagnérienne attire et capte comme la plus dangereuse des déités de Prudence, celle dont cet écrivain religieux n’écrit qu’en tremblant le nom : Sodomita Libido. […] Artiste, exclusivement, et indifférent aux pures discussions spéculatives, le Maître adopta aussitôt, complètement, — semble-t-il — la métaphysique de la Volonté. […] Mais l’esprit allemand, en Allemagne même, semble mort aujourd’hui. […] Wagner semble vouloir montrer une indulgence croissante. […] L’ensemble de la création wagnérienne semble être tendue vers le caractère sublime et religieux de l’art dont la réalisation suprême est Parsifal.

809. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Ce qui semblait tout à l’heure un gros de troupes à notre suite n’est souvent plus alors qu’une poignée. […] Villemain n’a pas craint la propriété et le relief du détail ; il a semblé tout concilier. […] Villemain ne nous semble ni assez prompt, ni assez formel, c’est que le parfait critique, comme Cicéron l’a dit de l’orateur, est impossible à trouver. […] Villemain, ne semble pas moins singulier qu’eux et moins bizarre, nous souffrons d’une dispensation si inégale de la part du critique fait pour donner la loi à ces Ombres flottantes du public des poëtes, encore plus que pour la suivre. […] Villemain, semblent briller d’une nuance radoucie de son talent, je ne veux pourtant pas oublier ici un maître bien goûté de ceux qui l’approchent, et qui soutient une partie du difficile héritage.

810. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Un goût vague ne se suffit pas à lui seul, et c’est pourquoi il est si aisé au premier venu de me faire abandonner ce qui tout a l’heure me semblait ma vie. […] Il me semble que c’est une des plus favorables à qui veut occuper son esprit. […] « 29 novembre, Rio-Janeiro. — Que n’ai-je écouté ma répugnance à m’engager avec une personne dont je connaissais les fautes antérieures, et qui, du côté du caractère, me semblait plus habile qu’estimable ! […] Je le comparerais, pour la sagesse prématurée, à Vauvenargues, et plusieurs de ses pensées morales semblent écrites en prose par André Chénier : « Le jeune homme est enthousiaste dans ses idées, âpre dans ses jugements, passionné dans ses sentiments, audacieux et timide dans ses actions. […] Et cette monarchie, malgré ses mérites raisonnés, ne put jamais s’absoudre de cette tâche originelle qui la fit sembler peureuse et circonspecte à l’excès en naissant.

811. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Les chênes, membres vivants de ce salon en plein ciel, semblaient se prêter, par les diverses torsions de leurs racines et de leurs branches, à toutes les attitudes des hôtes des bois. […] Les vers de Laprade m’avaient semblé avoir la transparence sereine, profonde, étoilée, des songes de Platon. […] Cette doctrine, qui ne contredit aucune de ses doctrines chrétiennes, et qui agrandit le Créateur en agrandissant son œuvre, est une vérité vieille comme le monde, et qui ressemble à une audace, tant le monde moderne semble l’avoir oubliée. […] Il y a dans ce volume des poèmes évangéliques des pages raciniennes qui semblent détachées d’Esther ou d’Athalie. […] Nous gémissons sur ces éblouissements stupides des peuples qui déifient ceux qui jouent le mieux avec le sang, et qui semblent mesurer leur adoration au mal qu’on leur a fait.

812. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Par son tempérament, par ses instincts, par ses facultés, par son imagination, par ses passions, par sa morale, il semble fondu dans un moule à part, composé d’un autre métal que ses contemporains. […] Il semble bien que le meurtre du duc d’Enghien, par exemple, marque pour lui une de ces crises, et qu’il n’ait pas été tout à fait le même avant et après cet attentat. […] Et le dernier vers de Stella semble presque traduit de l’Oaristys : Je m’abandonne entière, épouse, à mon époux. […] Il y a, même ici-bas, des bonheurs qui me semblent préférables à celui de Faustus et de sa maîtresse. […] Et vraiment, cette plainte, revenant à intervalles réguliers, nous avait semblé plus belle que les froides effusions des deux bienheureux.

813. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Mais ils s’émeuvent longuement devant telle rivière « immobile et pâle », et dont la tristesse miroitante leur semble « pareille à une femme morte couronnée, par la lune, d’un diadème de perles ». […] Un grand rameau couvert de lichen blanc qui semble un spectre, et là une coulée de marguerites fleuries et si pressées qu’elles simulent un linceul déroulé. » Avant que le condamné ait pu regagner sa maison, le soir est venu, et les « miasmes fantômes, semences ailées de la mort qui montent dans l’humidité nocturne ». […] Au pied du Christ qui pleura, une femme pleure ; ces deux images de la souffrance passée et de la souffrance actuelle semblent crier l’éternité de la douleur. […] Un baiser semble unir « la vie au rêve ». […] Il semble parfois, darwinien éperdu, appeler Nature l’histoire elle-même.

814. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Il semble la croire plus nouvelle qu’elle ne l’est en réalité, car nous la retrouvons dans Erasme Darwin, dans Maudsley et dans Wundt. […] Qu’y aurait-il d’étonnant à ce que les ondulations du cerveau se propageassent, sous une certaine forme, pendant la vie entière et à ce qu’une sensation pût reparaître en l’absence de sa cause, comme le rayon de l’étoile semble se rallumer dans la nuit ? […] Voilà l’élément « psychique » qui nous semble nécessaire à la base de la mémoire. […] L’idée nous semble précisément le compte rendu qu’on se fait de tel état mental en rapport avec tel objet : pour être une idée réelle et non pas seulement possible, elle implique une aperception à quelque degré, et cette aperception, à son tour, implique toujours un processus appétitif dont elle est la conscience finale. De même que les lois biologiques ou vitales, qu’on reconnaît nécessaires pour l’explication du souvenir, sont simplement, à nos yeux, le premier degré des lois psychiques, de même les lois sociologiques en sont le plus haut développement, et la considération de ces dernières lois nous semble également nécessaire pour expliquer le souvenir.

815. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Il lui semble qu’elle va guérir là. […] Grand déchirement, grand changement dans notre vie, et qui nous semble, je ne sais pourquoi, une de ces coupures solennelles de l’existence où, comme dit Byron, les destins changent de chevaux. […] Et je ne sais quelle horreur nous est venue de cette mort d’hôpital qui semble n’être qu’une formalité administrative. […] Aux murs de la pièce exposée au nord, de la pièce froide et nue, il y a, je ne m’explique pas pourquoi, deux vues du Vésuve encadrées, de malheureuses gouaches, qui semblent, là toutes frissonnantes et toutes dépaysées. […] Je réédite ce livre aujourd’hui sous un titre qui me semble mieux le nommer.

816. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Mais les plus insignes exemples d’antithèses reprises, continuées et réduites, seront trouvés dans la Chamon des Rues et des Bois, où presque chaque poème semble traversé par deux courants d’idées inverses et parallèles. […] Hugo : A force de diviser son attention entre les deux termes contradictoires qu’il oppose sans cesse, de sauter de chaque objet à son opposé, de tout diversifier et de tout confondre, il semble comme si M.  […] Il nous semble que l’on peut répondre par l’affirmative à une question ainsi précisée. […] Il n’a jamais paru à personne que les gens d’intelligence simple, soient nécessairement des orateurs copieux, tandis que le contraire semble vrai. […] Cette explication psychologique, devrait, en bonne méthode être suivie d’une explication physiologique, qui semble possible, pour le cas de M. 

817. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Dès lors, elles semblent avoir tout ce qu’il faut pour nous mettre en état non seulement de comprendre ce qui est, mais de prescrire ce qui doit être et les moyens de l’exécuter. […] Par conséquent, ces faits et leurs analogues semblent n’avoir de réalité que dans et par les idées qui en sont le germe et qui deviennent, dès lors, la matière propre de la sociologie. […] Aussi, quoiqu’il affecte de procéder empiriquement, comme les faits accumulés dans sa sociologie sont employés à illustrer des analyses de notions plutôt qu’à décrire et à expliquer des choses, ils semblent bien n’être là que pour faire figure d’arguments. […] Quiconque entreprend d’étudier la morale du dehors et comme une réalité extérieure, paraît à ces délicats dénué de sens moral, comme le vivisectionniste semble au vulgaire dénué de la sensibilité commune. […] Nous sommes tellement habitués à nous servir de ces mots, qui reviennent à tout instant dans le cours des conversations, qu’il semble inutile de préciser le sens dans lequel nous les prenons.

818. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Voyez encore ce passage, qui n’est pas moins important, ce me semble, qui l’est davantage, à mon avis. […] Décidément, il semblerait que c’est surtout La Fontaine que M. de Château-neuf est obligé de surveiller ! […] Il semble que ceci est la première impression de grande nature qu’il ait eue. […] Le tout est de marbre blanc et m’a semblé d’assez bonne main. » Vous voyez, il n’insiste pas. […] Son humeur aussi me sembla douce.

819. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

On a cru me perdre en prouvant que j’avais fait des vers jusqu’à trente-deux ans (ailleurs, il semble dire trente-cinq) : on ne m’a fait qu’honneur, et je voudrais de tout mon cœur en avoir encore le talent comme j’en ai conservé le goût ; mais je suis plus heureux de lire les vôtres que je ne l’ai été d’en faire. […] Bernis, homme de société, de conversation aimable, d’un commerce brillant et sûr, et qui semblait borner là son ambition, connaissait déjà Mme de Pompadour ; il était dans sa faveur ainsi que dans celle du roi, et il n’avait pu rien obtenir encore pour sa fortune. […] Mais Boyer, chargé de la feuille des bénéfices, résistait aux instances des protecteurs, même les plus puissants, de Bernis ; il mettait une condition (qui d’ailleurs nous semble aujourd’hui assez raisonnable) aux grâces ecclésiastiques qu’on sollicitait pour lui : il exigeait que Bernis s’engageât sérieusement à son état, qu’il cessât d’être abbé seulement de nom, et qu’il devînt un prêtre. […] Il est presque toujours dangereux de vouloir les forcer ; on n’y gagne que des tourments qui s’accroissent à mesure que nos espérances semblent s’éloigner, et c’est ainsi que l’on passe sa vie, sans y trouver un moment de satisfaction. […] Et les mépris d’un roi pour vos petites rimes         Vous semblent-ils assez vengés ?

820. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

. — Quelques années après, il avait changé et s’était transformé encore, il était dans sa troisième et dernière phase, et son journal se termine par cette parole qui est un désaveu de la précédente et qui semble indiquer l’entrée définitive dans une autre sphère : Le stoïcien est seul, ou avec sa conscience de force propre le trompe ; le chrétien ne marche qu’en présence de Dieu et avec Dieu, par le médiateur qu’il a pris pour guide et compagnon de sa vie présente et future. […] La pomme qui tombe paraît chose toute simple au commun des hommes, elle ne le semble pas à Newton. « La première réflexion, a dit quelque part Maine de Biran, est, en tout, le pas le plus difficile : il n’appartient qu’au génie de le franchir. […] C’est, ce semble, une grande patience de rouler ainsi le rocher de Sisyphe… Mon état physique et moral, dont je suis toujours plus mécontent, est une croix intérieure, près de laquelle toutes les croix extérieures ne sont rien. » Un jour qu’il est chargé d’un rapport sur les pétitions, ce qui n’est jamais très inspirateur, il s’écrie, pensant bientôt à tout autre chose et à ses difficultés dans tous les genres de travaux : « Je m’ennuie de mes propres idées ; je ne suis satisfait d’aucune de celles qui se présentent ; j’efface à mesure que j’écris. […] J’ai été heureux et actif dans tout cet intervalle ; j’avais un point d’appui fixe, un seul objet qui servait de centre à mes idées ; j’y étais tout entier ; le monde des affaires et des intrigues avait disparu pour moi, ou ne me servait que de distraction. » Il ne tire pas, ce me semble, de ces faits tout le parti qu’il devrait. […] Si Maine de Biran avait été plus ferme et d’une trempe d’esprit plus résistante, il semble qu’étant arrivé à la conviction du point d’appui intérieur, de l’âme et de la force vive, de la cause efficace qui domine tout l’être (ce qui est sa seule originalité de penseur, si c’en est une), il se serait établi dans une sorte de stoïcisme élevé, tranquille ; il aurait cru à la liberté humaine, au devoir, au choix éclairé qu’on en fait, et à la satisfaction sentie qui en est la récompense.

821. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Les raisons qui furent données dans cette occasion, et celles, en général, qui se produisirent dans d’autres discussions particulières, Pellisson nous les déduit d’ordinaire en de petits discours indirects imités de ceux de Tite-Live, et qui n’en semblent pas moins à leur place. […] Il n’a pas cette baguette d’or que tient Pellisson, et qui lui fait dire, par exemple, à propos des différentes retraites qu’eut l’Académie faute d’un local assuré, jusqu’à ce que le chancelier Séguier lui eût donné asile dans son hôtel : « Il me semble que je vois cette île de Délos des poètes, errante et flottante jusques à la naissance de son Apollon. » Il ne se peut rien assurément de plus élégant pour dire que les séances se tenaient çà et là, tantôt chez M.  […] Ce qui, au premier abord et de loin, semblerait une lâcheté et une platitude, ne se présenta alors que comme une chevalerie posthume, un acte religieux et courageux de fidélité envers le passé. […] Et puisque j’en suis sur ce sujet de l’Académie, un des sujets les plus nationaux en France, dont tout le monde parle, qu’il est, ce semble, si aisé de connaître, et dont pourtant on raisonne si souvent à faux, je demande à rappeler quelques faits et à présenter quelques observations sans beaucoup de suite et dans le pêle-mêle où elles me viendront. […] J’espère qu’à la fin l’Académie se tiendra chez vous et que vous y présiderez (octobre 1681). » Puisque l’Académie semblait si bien chez elle en étant chez Mlle des Houlières, Boileau ne pouvait se croire chez lui quand il était à l’Académie.

822. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

On avait passé, ce semble, par toutes les phases d’opinions à son sujet, on avait fait le tour : après avoir écouté les témoins directs, les contemporains les plus émus, les plus intéressés et les plus contraires, on avait vu venir avec plaisir les historiens indépendants, ayant encore la tradition, mais sachant aussi s’en détacher et envisager les hommes et les choses du point de vue de la postérité. […] Il semblait que toutes les façons de juger et de voir, toutes les manières de raconter, de raisonner et de déraisonner se fussent produites, et qu’il allait y avoir clôture. […] Le canon surtout était son arme favorite ; il savait le pointer ; il semblait né artilleur. […] Les nombreuses maisons religieuses des deux sexes n’observaient plus la règle et semblaient autant d’abbayes de Thélème. […] Dom Colignon y resta quelques jours ; mon père avait les yeux fixés sur moi : il semblait me demander des confidences… Je lui racontai les scènes scandaleuses des Pères capucins avec les sœurs de Richstroff ; je lui en exprimai mon indignation ; mais pas un mot des jolies filles de Valmunster.

823. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Il y a aussi dans toutes les choses humaines, matérielles ou intellectuelles, une partie éthérée, insaisissable, transcendante, et pour ainsi dire atmosphérique, qui semble correspondre plus spécialement à la nature divine de notre être. L’homme, par un instinct occulte, mais fatal, semble avoir senti, dès le commencement des temps, le besoin d’exprimer dans un langage différent ces choses différentes. […] D’abord, la mer est l’élément mobile, sa mobilité semble lui donner avec le mouvement la vie, la passion, la colère, l’apaisement d’une âme tantôt calme, tantôt agitée. […] XV Il nous a semblé que rien ne pouvait mieux compléter ces pages laissées inachevées que cette naïve et touchante image des deux natures de poésie et des deux natures de sons que rend l’âme du poëte aux différents âges, reprise d’une des dernières préfaces des Méditations et que les ravissants vers tirés des Destinées de la poésie. […] Je l’ai traduit autrefois en vers, et ces vers me semblent s’appliquer si bien au sujet que je traite, que je ne puis me refuser à les insérer ici.

824. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Il semble bien que cela soit impossible ; et s’il faut les classer, mettre les unes en lumière, laisser les autres dans la pénombre ou dans les ténèbres de l’oubli, d’après quel principe instituer entre elles des degrés et une sorte de hiérarchie ? […] Il y a, semble-t-il, une contradiction cachée dans toute tentative pour donner une formule parfaite et définitive de la beauté artistique. […] Autrement dit, par une analyse à la fois qualitative et quantitative, on peut déterminer avec une précision très suffisante ce qui d’abord semblait se dérober à tout calcul. […] Il semble bien que non. […] Nous voici de nouveau, semble-t-il, perdus dans un chaos inextricable !

825. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Je reviens à lui, tel qu’il était aux pleines années de la Restauration, grand, bien fait de taille, d’une physionomie forte et fine, jouissant d’une position aisée et qui sentait l’indépendance, possédant, ce semble, toutes les conditions du bonheur, et pourtant ayant en lui un principe d’ironie et d’âcreté secrète que l’attrait piquant de son esprit ne recouvrait pas et ne faisait le plus souvent que mettre en saillie. […] Le caractère de la jeune rédaction de La Quotidienne était de ne donner (c’est tout simple) dans aucun des lieux communs libéraux du temps, d’en rire tout haut, et aussi de rire plus bas des déclamations et des lieux communs monarchiques et religieux qu’elle pratiquait de si près, qu’elle semblait partager et redoubler souvent, mais auxquels elle ne tenait en réalité que par le côté politique. […] Trognon, Vitet, Mérimée), semblait épuisée : la chute de la Restauration allait décidément y couper court, et l’ouvrage de M.  […] L’auteur met en tête une note qui le peint lui-même par un de ses travers : « Il nous a semblé convenable, dit-il, d’avertir le lecteur qu’il va se trouver avec des gens de lettres. […] Lui, si heureux à première vue, si bien doué, ce semble, par la nature, si bien doté de plus par la fortune, il se tenait sur la défensive avec la société, comme s’il eût craint d’être abordé de trop près.

826. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

J’en connais qui n’ont pas moins d’esprit et de discrétion que de charme et de beauté ; mais ce sont des singularités que la nature, par dessein ou par caprice, se plaît quelquefois à nous donner… Ces femmes extraordinaires semblent avoir emprunté le mérite des hommes, et peut-être qu’elles font une espèce d’infidélité à leur sexe, de passer ainsi de leur naturelle condition aux vrais avantages de la nôtre. […] Ninon fut des premières à s’émanciper comme femme, à professer qu’il n’y a au fond qu’une seule morale pour les hommes et pour les femmes ; qu’en réduisant, comme on le fait dans le monde, toutes les vertus du sexe à une seule, on le déprécie, et qu’on lui fait tort et injure ; qu’on semble l’exclure en masse de l’exercice de la probité, cette vertu plus mâle et plus générale, et qui les comprend toutes ; que cette probité est compatible chez une femme avec l’infraction même de ce qu’on est convenu d’appeler uniquement la vertu. « La vertu des femmes est la plus belle invention des hommes », ce mot singulier, qui est d’une muse spirituelle de notre temps, semble volé à Ninon. […] Toutes les deux en ce temps-là tenaient le sceptre de l’esprit, et passaient pour les arbitres des élégances… La dernière avait été façonnée de telle sorte par la nature qu’elle semblait une Vénus pour la beauté, et pour l’esprit une Minerve. […] Elle sembla pressentir ce que serait bientôt cet enfant, et elle lui légua par son testament 2 000 francs pour acheter des livres.

827. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Villemain semble avoir épuisé le sujet dans une de ses plus belles leçons sur la Littérature du dix-huitième siècle. […] Buffon savait peu la botanique : « J’ai la vue courte, disait-il ; j’ai appris trois fois la botanique, et je l’ai oubliée de même : si j’avais eu de bons yeux, tous les pas que j’aurais faits m’auraient retracé mes connaissances en ce genre. » Il semblait que, taillé en grand par la nature, il lui coûtât de se baisser pour étudier les petites choses : le cèdre du Liban, il le contemplait volontiers, mais l’hysope lui paraissait trop petite. […] » M. de Buffon semble nous dire sans s’émouvoir : J’étais là ! […] Il semble qu’un tel acte de témérité ou de sublimité, comme vous voudrez l’appeler, un tel acte d’usurpation ne se puisse expier qu’en tombant à genoux aussitôt après et en s’humiliant dans la plus profonde des prières. […] Tel de ses chapitres sur l’homme semble être d’un idéaliste qui croit à peine à la matière : ses discours sur la nature et ses Époques sont d’un naturaliste qui se passerait aisément de Dieu.

828. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Ce cri d’alarme, qui échappe aujourd’hui aux modérés même et aux satisfaits d’hier, reporte naturellement le souvenir vers les hommes qui ont poussé ce même cri il y a cinquante ans, qui n’ont cessé de le proférer jusqu’à leur dernier soupir, et qui, dans notre jeunesse, nous semblaient des vieillards augustes et moroses, de lamentables augures. […] Voilà, ce me semble, des occasions et des appuis pour qui veut aborder l’étude d’un caractère. […] L’Esprit des lois de Montesquieu ne lui semble écrit bien souvent qu’avec la même légèreté qui a dicté les Lettres persanes. […] Je n’en ferai remarquer que quelques-unes qui me semblent des plus justes, des plus modérées, et tout à fait incontestables : Le bon sens, dans le gouvernement de la société, doit remplir les longs interrègnes du génie. […] En disant les mêmes choses que Bonald, Joseph de Maistre est hardi, impétueux, varié ; il semble presque un génie libéral par la verve et la couleur de l’expression ; il a des poussées et des sorties qui déjouent le système ; tandis que l’autre, vigoureux, subtil, profond, roide et strict, s’y renferme invariablement61.

829. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Aujourd’hui donc, nous sommes dans un temps propice, ce semble, pour relire ces Mémoires et en tirer quelques leçons, si jamais les leçons de ce genre peuvent servir. […] Il semble par moments que M.  […] Retz, qui, pour nous aujourd’hui, parce que nous savons sa vie et ses confessions, paraît un ecclésiastique des plus scandaleux, ne semblait pas tel de son vivant à ceux de son corps et à son troupeau. […] Si étonnante que la chose puisse sembler, il faut bien reconnaître que cette considération lui demeura tant qu’il vécut, et malgré tout ce qu’il fit pour l’entamer. […] Ce titre de chef de parti était ce qu’il avait toujours honoré le plus dans les Vies de Plutarque, et quand il vit que les affaires s’embrouillaient, au point de lui en laisser venir naturellement le rôle, il en ressentit un chatouillement de sens et un mouvement de gloire qui semble indiquer qu’il ne concevait rien de plus beau ni de plus délicieux au-delà.

830. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Ces petits faits, qui appartiennent à un ancien monde disparu, et qui nous le représentent dans une entière vérité, nous plaisent et nous attachent : à une distance médiocre, ils pouvaient sembler surabondants et superflus ; à une distance plus grande, ils sont redevenus intéressants et neufs. […] Je relève tout d’abord ce fonds de sagesse, qui semblait appartenir à la race : Mme de Motteville avait une sœur cadette que, dès son enfance, on appelait Socratine à cause de sa sévérité, et qui finit par se faire religieuse de la Visitation27. […] Dans cette agréable discussion qu’elle soutint par lettres avec la Grande Mademoiselle sur les conditions d’une vie parfaitement heureuse, elle lui écrivait : « Je n’avais que vingt ans quand la liberté me fut rendue ; elle m’a toujours semblé préférable à tous les autres biens que l’on estime dans le monde, et, de la manière que j’en ai usé, il semble que j’ai été habitante du village de Randan », — un village d’Auvergne où les veuves ne se remariaient pas. […] Le ministre, de même, semblait par son adresse faire un bon usage des malédictions publiques ; il s’en servait pour acquérir auprès de la reine le mérite de souffrir pour elle… On sent, dans ces passages et dans tout le courant du style de Mme de Motteville, une imagination naturelle et poétique, sans trop de saillie, et telle qu’il seyait à la nièce de l’aimable poète Bertaut. […] Les longues conversations particulières qu’elle avait eues avec la reine d’Angleterre, l’avaient éclairée sur la portée de ces périls qui souvent ne semblent au début qu’une ébullition folle et un sujet à risée.

831. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Il semble, par votre lettre, que vous étiez en mauvaise humeur lorsque vous avez pris la plume ; pour moi, j’aime tant mes amis que je ne désire connaître que leurs bonnes humeurs, et il me semble qu’ils ne m’en devraient point faire paraître d’autres. […] Richelieu n’est pas un philosophe ; ce haut esprit, qui est surtout un bon esprit armé d’un grand caractère, paie tribut aux idées et aux préjugés de son temps ; il parle en maint endroit comme croyant aux présages, aux horoscopes et aux sortilèges ; il est superstitieux : mais aussi il est sincèrement religieux, il croit au don de Dieu qui s’étend sur certains hommes destinés à être des instruments publics de salut : si les fautes commises envers les personnes publiques lui paraissent d’un tout autre ordre que celles commises contre des particuliers, les fautes de ces personnes publiques elles-mêmes lui semblent aussi plus graves et de plus de poids, eu égard à la responsabilité et à l’étendue des conséquences. […] Avenel fait remarquer en même temps ce terme bref de huit jours : quelque chose du caractère impérieux du cardinal se retrouve, même quand il s’agenouille et s’humilie : il semble prescrire un terme à Dieu même32. […] La reine n’avait aucune vue suivie et se laissait conduire tantôt à l’un, tantôt à l’autre de ses ministres, selon qu’il lui semblait s’être bien ou mal trouvée du dernier conseil : ce qui est, remarque-t-il, la pire chose en politique, où il n’est rien de tel pour conserver sa réputation, affermir ses amis et effrayer les adversaires, que l’unité d’un même esprit et la suite des mêmes desseins et moyens. […] Dans ce que j’ai cité pourtant aujourd’hui de ce commencement de carrière et de cette jeunesse de Richelieu, il me semble qu’on le voit déjà se dessiner hardiment comme homme et bien largement aussi comme écrivain.

832. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Quoi qu’il en soit, au point de vue même du sens commun, l’opinion que nous adoptons semble comprendre une partie de la vérité. […] Il commencera à chercher à reconnaître le nombre, la nature et l’intensité des émotions que cette lecture suscite, à les classer ; il se trouvera alors arrêté court par une difficulté qui ne semble encore avoir été aperçue par aucun esthéticien. […] Ces difficultés qu’il fallait expliquer en détail semblent devoir rendre illusoire la partie de l’analyse critique que nous étudions maintenant. […] Ces objections ne nous semblent valables que dans une très faible mesure. […] Il ne nous semble pas que cette opinion résiste à l’analyse.

833. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard semble l’oublier ou ne lui fait qu’une part secondaire et sans importance. […] Nisard attribue à Louis XIV sur la littérature française une influence presque aussi grande que celle de Descartes ; il lui consacre un chapitre aussi long, il lui donne autant d’éloges et presque les mêmes éloges : ils semblent être au même titre les représentants de l’esprit français et de la raison humaine. […] Il semble plutôt relever en lui des mérites négatifs que des mérites positifs ; il le loue d’avoir évité les témérités en philosophie, en politique, en religion. […] Cependant il reconnaît que Bossuet s’est trompé sur deux points : « Il s’est trompé quand il a cru le protestantisme incompatible avec de grandes sociétés réglées et prospères ; il s’est trompé quand il a vu l’idéal des gouvernements dans la royauté absolue tempérée par des lois fondamentales. » Mais ce ne sont pas là deux petites erreurs, à ce qu’il me semble, et je ne crois pas qu’on puisse dire que celui qui les a commises soit toujours tombé sur le vrai. […] Si je résiste à Bossuet, c’est pour obéir à Dieu. » Il me semble que les erreurs de Bossuet n’ont pas un caractère si particulier et si miraculeux.

834. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

C’est pourquoi le sous-titre « Contes indigènes de l’Ouest-Africain, français » semble pouvoir être maintenu. […] Il semble même que ce décor de demi-obscurité soit devenu indispensable pour le conteur. […] Les races gourmantié, haoussa et bambara surtout, semblent, comme la race bretonne en France, très hantées de l’idée de la mort20. […] Il prend le rôle de ces êtres surnaturels qui semblent d’anciennes personnifications des forces de la Nature dans le panthéisme dit « fétichisme » (Voir notamment les contes intitulés : Mâdiou le charitable — Le barké — Le marabout et le fam. […] Or il ne semble pas qu’on en puisse dire autant de la geste burlesque de l’hyène et du lièvre dans la littérature indigène, encore qu’elle célèbre, elle aussi, le triomphe de l’esprit madré sur la force brutale.

835. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Quand je le lis, il me semble voyager dans un pays de montagne, et quelle montagne ! […] Écoutez-le parler de Pascal, sur lequel il semble qu’on ait tout dit, et dont il dit, lui : « Il avait la peur. […] Il y est dit encore, dans cette manière qui semble celle de Rivarol : « L’art qui songe aux applaudissements abdique. […] Il s’agit de Saints dans ce livre, tout aussi original de christianisme que de talent ; car, dans ce temps de mœurs incrédules et superficielles, le Christianisme entendu à cette profondeur semble une prodigieuse originalité. […] Mais, comme on prend le taureau par les cornes, quand on n’en a pas peur et qu’on se fie à sa force, il a pris les Saints par leur auréole pour nous les montrer mieux et cela lui a porté bonheur, car il semble qu’il lui soit resté sur les mains de l’or pur de leur auréole !

836. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Tous deux étaient savants ; et Pierre Desvignes, sacrifié, après une longue faveur, aux impitoyables soupçons de Frédéric, semble avoir renouvelé le tragique souvenir de Boèce et de Théodoric. […] À peine la langue italienne, sortant toute vive des ruines de l’idiome romain, fut-elle balbutiée par des chanteurs vulgaires, que toutes les affectations de la pensée, toutes les fadeurs de la fausse passion, vinrent gâter l’art des vers : il semblait que la scolastique pesât même sur l’amour. […] L’art, du reste, a tué la passion ; et il semble que ces natures si vives, si guerrières, soient soumises à toutes les gênes d’une science technique et raffinée. […] Ce terrible Dante, cet implacable vengeur, dont le visage altier et la sombre tristesse semblent, aux yeux du peuple, marquer son mystérieux commerce avec l’enfer, l’auriez-vous pressenti jamais, dans quelques-uns des premiers vers qu’il essaya, peut-être en s’accompagnant sur la lyre de son ami, le musicien Casella ? […] Et, ce qui n’est pas indigne de remarque, cet hymne, dans une sorte de vers latins mesurés par le nombre de syllabes, non par le rhythme, sauf un ïambe final, se composait de tercets rimés et semblait chercher ainsi dans les décombres du langage romain un relief dont l’Italie nouvelle allait revêtir son idiome populaire.

837. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Ainsi était resté Victorin Fabre à l’égard de ses maîtres ; ainsi se montre aujourd’hui à son égard son trop fidèle editeur qui nous semble renchérir encore sur lui. […] Shakspeare et Goëthe lui semblent les deux plus faquins de ces extravagants sans doute, et quant à Walter Scott, il ne se gêne pas pour en dire (page 137) : « La faction doctrinaire (car M. […] Son séjour dans l’Ardèche, de 1815 à 1821, et qui fut consacré à de vertueuses douleurs, sembla (ceci est triste à dire) l’avoir rouillé littérairement. […] Les lettres confidentielles et admiratives de Ginguené, de Garat et de Maury, qui roulent sur cette grande affaire, et que cite au long le biographe, restent curieuses et montrent à quel point les jugements venus de près, de la part même de ceux qui semblent le plus compétents, sont sujets à illusion.

838. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Il croit par là embarrasser beaucoup ses adversaires ; mais il oublie trop que nous-mêmes n’avons jamais préconisé les théâtres étrangers actuels, et que, si nous avons proposé Shakspeare Gœthe et Schiller, non pas à l’imitation, mais à l’admiration, à la méditation de nos poètes, nous avons les premiers signalé, à l’occasion du théâtre anglais, cette manie d’importations exotiques, de vaudevilles lourdement travestis, dont l’académicien voyageur semble tirer un sujet de triomphe. […] Aujourd’hui que la victoire semble décidée et que bientôt la sécurité va naître, la politique et l’art se sépareront sans s’isoler ; l’art, retiré du tourbillon, jeune encore et déjà mûr d’expérience, tracera dans la solitude son œuvre pacifique, qu’il animera de toutes les couleurs de la vie, de toutes les passions de l’humanité. […] Scribe, malgré son esprit et son talent, fasse une complète illusion et qu’il semble un Shakspeare moderne : on sait à quoi s’en tenir sur cette verve fine et pétillante ; mais en espérant mieux, l’on en profite et l’on s’amuse. […] Mais le public est patient, parce qu’il est jeune ; il semble dire à M. le directeur des beaux-arts : « Monseigneur, j’attendrai. » Seulement l’abbé de Bernis, en attendant, allait, dit-on, au cabaret, et le public du xixe  siècle va au Gymnase.

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