Les Préfaces qu’on a de lui, ses Discours à l’Académie, ses Fragmens historiques, tout ce qui est sorti de sa plume porte le caractere du Génie.
Alors le poète, resté comme à la porte du berceau, entonne, à la face du firmament et du pôle chargé d’étoiles, un cantique à l’Hymen.
Les formes connues changent à son égard : ses révolutions sont tour à tour racontées avec la trompette, la lyre et le chalumeau ; et le style de son histoire est lui-même un continuel miracle, qui porte témoignage de la vérité des miracles dont il perpétue le souvenir.
Car le sentiment dont je plaide la cause compromise porte avec lui une double vertu.
Les sujets se présenteront en foule à la porte de mon académie, si je les paie bien ; si je suis dans un pays d’esclaves, je les y ferai venir.
Chacun des personnages qui le regardent y paroît ému d’une compassion qui porte le caractere de l’âge et de la condition de celui qui la témoigne.
Il faut donc se défier de ce premier mouvement autant que les personnes sages se défient de celui qui porte à désapprouver d’abord les modes et les coutumes des païs étrangers.
Le Tintamarre est un journal plein de hardiesse et d’originalité, qui porte, et qui ne cache pas, car il le montre assez !
Le livre oublié d’Avellaneda remis en lumière par un homme qui porte à la main un flambeau, la grande affaire pour la Critique est dans l’appréciation du livre qu’il éclaire, quel que soit cet Avellaneda qui l’a signé ; car avant de discuter le livre, on en a discuté l’auteur.
C’est sur le nez coupé dans le front de Condillac, par le procédé rhinoplastique, appliqué à la philosophie, que Taine porte, comme les équilibristes portent leur perche ou leur échelle, la masse des faits scientifiques qu’il a ramassés dans tous les bouquins de la science moderne sans exception.
Pierre Dupont qui est, de tempérament, un élégiaque et même un idyllique ; mais cet élégiaque et cet idyllique a pris son talent naturel entre deux imitations, comme on prend sa tête entre deux portes, — l’imitation de ce Béranger qui est un bourgeois et de cet Hégésippe Moreau qui est un bohême, — et entre ces deux fils des villes, il a fourvoyé le paysan !
Un héros de roman qui se porte bien et qui jouit de toutes ses facultés dans leur parfait équilibre est une chose infiniment rare et presque un phénomène.
L’horreur et la menace gardaient les portes du palais, et l’on tremblait également d’être admis et d’être exclus.
Si nous examinons maintenant son caractère et ses qualités personnelles, nous lui trouverons cette ambition sans laquelle un homme n’a jamais donné un grand mouvement à ce qui l’entourait ; cette activité nécessaire à tous les genres de succès, à la guerre surtout, et dans un empire qui embrassait cent provinces ; cette férocité qui était le vice général du temps, et qui lui fit commettre des crimes, tantôt d’une barbarie calme, comme le meurtre de son beau-frère, celui de son neveu, et celui des rois prisonniers qu’il fit donner en spectacle et déchirer par les bêtes, tantôt des crimes d’emportement et de passion, comme les meurtres de sa femme et de son fils ; cet amour du despotisme presque inséparable d’une grande puissance militaire et de l’esprit de conquête, et surtout de l’esprit qui porte à fonder un nouvel empire ; un amour du faste, que les peuples prennent aisément pour de la grandeur, surtout lorsqu’il est soutenu par quelques grandes actions et de grands succès ; des vues politiques, sages, et souvent bienfaisantes, sur la réforme des lois et des abus, mais en même temps une bonté cruelle qui ne savait pas punir, quand les peuples étaient malheureux et opprimés.
Rien n’est plus amusant que l’Eschyle breton ; Il nous porte à son gré du Tibre à la Tamise, Du Nil au Capitole et de Chypre à Venise, Mêle aux discours des rois les lazis des manans ; Confond les savetiers avec les conquérans ; Et des trois unités méprisant l’hérésie, Mettrait le monde entier dans une tragédie.
L’enfant accompagne les jeunes filles ; mais, on ne peut croire que l’amour soit au repos, tant qu’il porte ses flèches.
Joseph est si beau qu’il est assailli par la servante, obligé de la prendre à bras-le-corps et de la déposer à la porte ; ils n’ont jamais le sou ; on veut les mener en prison. […] il me servira joliment quand j’aurai perdu ma seule enfant, ma pauvre Sophie, qui était la joie de mon cœur, et toute l’espérance, et toute la consolation de mes vieux jours ; mais je suis décidé à la mettre à la porte : elle mendiera, elle crèvera de faim, elle pourrira dans la rue. […] Regardez dans Terburg ou Miéris une femme qui fait son marché, un bourgmestre qui vide son long verre de bière ; les figures sont vulgaires, les naïvetés comiques, la marmite est à la place d’honneur ; pourtant ces bonnes gens sont si paisibles, si contents de leur petit bonheur régulier, qu’on leur porte envie. […] Laissons à la porte nos répugnances, et regardons les choses comme font les gens de ce pays, non par le dehors, mais par le dedans. Tout le courant de la pensée publique se porte ici vers l’observation de l’âme, et la peinture entraînée roule avec les lettres dans le même canal.
Esprit ardent plus que fécond, — ; et il ne faut pas être trop ardent pour être fécond, — il porte dans tout ce qu’il écrit, philosophie, romans, critique, histoire, le tempérament vineux et fumeux de son pays, de ce pays qui s’appelle à une place la Côte d’Or, pour signifier la richesse de son abondance. […] Dans ce Rêve de d’Alembert, qu’il n’est pas permis à la Critique de raconter, Diderot, l’auteur de la Religieuse et des Bijoux indiscrets, porte, d’une manière éclatante, la peine de ce matérialisme philosophique qui, il a beau faire le fier, finit toujours par une saleté… « Il n’y a rien de sale ni d’impudique pour la science », dit Bordeu dans le Rêve de d’Alembert, Bordeu, le médecin sous le grand nom duquel Diderot, qui dans le fond était très lâche, a mis sa lâcheté à l’abri. […] Il finit par comprendre qu’il ne peut pas rester là, à cette porte, éternellement planté, comme un piquet devant un autre piquet, et il passe en disant, l’honnête homme ou l’homme honnête : « J’aime mieux être incivil qu’importun ». […] La légende, encore plus que l’histoire, nous apprend que dans sa jeunesse il tenait par la bride, à la porte des théâtres, les chevaux des gentilshommes qui, plus tard, y devaient revenir pour admirer son génie, et que, vieux et indifférent à sa gloire, il passa ses derniers jours assis tranquillement sous son mûrier de Stratford-sur-Avon. […] Les relations de ce hanteur de cafés ne furent jamais nombreuses, et il fallait la société du xviiie siècle, cette vieille duchesse libertine qui dérogeait jusqu’aux laquais et qui finit par faire son idole de Jean-Jacques Rousseau, pour que le fils du coutelier de Langres et l’écrivailleur de la rue Taranne pût pénétrer dans quelques salons, qui s’ouvrirent devant lui comme tout s’ouvrait dans une société qui s’éventrait elle-même ; car Diderot n’avait pas en lui ce qui force les portes : le génie de la domination.
Et elle n’eut point à se battre ; elle ne porte pas les responsabilités : mais elle a reçu le châtiment. […] Par les chaudes soirées, elle sort et s’assied au pas de sa porte, afin de respirer l’air nocturne. […] Une porte s’ouvrit ; des voisins arrivaient. […] Le roc où est perchée Angoulême « la porte très haut dans le ciel comme une couronne royale ». […] Par la porte à demi close, un cortège d’ombres en sortait, et s’en écartait, et ne se retournait pas vers elle, et jamais n’y reviendrait.
D’un côté, on lui élevoit des autels ; de l’autre, on travailloit à les abbatre ; et le plus grand nombre, sur tout dans notre siecle, a décidé superficiellement du mérite de ses ouvrages, sur des beautés ou des défauts que d’ingénieux écrivains s’efforçoient tour à tour d’y faire appercevoir ; car hors quelques vérités dont l’évidence frappe également tous les hommes, tout le reste a diverses faces qu’un homme d’esprit sçait exposer comme il lui plaît ; et il peut toujours montrer les choses d’un côté favorable au jugement qu’il veut qu’on en porte. […] Il ne regardoit pas apparemment, comme un défaut bien méprisable, cette attention continuelle à soi-même, qui n’a nul egard pour l’amour propre des autres, et qui semble leur vouloir arracher à tout moment l’aveu de notre supériorité sur eux ; ou peut-être, n’estimoit-il pas assez, s’il la connoissoit, cette grandeur d’ame qui nous porte par goût aux actions loüables, sans envisager les loüanges, et à qui il coûte moins de donner de nouvelles preuves de vertu, que d’en faire valoir d’anciennes. […] S’il décrit un bouclier (je ne parle pas ici de celui d’Achille, qui mérite une attention particuliere) il ne se contente pas d’en désigner en gros la matiere et la forme ; il en peint séparément toutes les parties, et il en fait une espece d’inventaire, d’autant plus ennuyeux quelquefois, qu’il tient à un autre détail aussi importun, je veux dire à la maniere dont ce bouclier a passé de main en main jusqu’à celui qui le porte : histoire qui entraîne encore ses parenthêses particulieres. […] C’est en effet la louange que l’on a donné à Homere ; on pretend qu’il a toujours proposé le bon pour bon ; et le mauvais pour mauvais ; mais je ne trouve pas que cette louange lui soit dûe bien légitimement, et il me paroît au contraire, qu’il porte souvent des jugemens faux des actions qu’il représente. […] Patrocle, dans Homere, ayant pris les armes d’Achille, fait un carnage horrible de troyens ; on le prend quelque tems pour le héros dont il porte les armes : mais enfin on se détrompe.
Je suis le ténébreux, — le veuf, — l’inconsolé, le prince d’Aquitaine à la tour abolie, ma seule « étoile » est morte, et mon luth constellé porte le « soleil noir » de la mélancolie… la poésie populaire de tous les pays, et même du nôtre, aime le non-sens. […] Mais laissons le enfoncer à coups de poing des fenêtres béantes et résignons-nous à piétiner devant la porte d’ivoire, attendant qu’elle s’entr’ouvre. […] Mais il a ceci de particulier, de divin que sa précision elle-même a pour but unique d’ouvrir, aussi grandes que possible, les portes du mystère. […] Sa tyrannie a beau leur avoir joué les plus méchants tours, ils acceptent qu’elle rentre par la fenêtre, après que, poétiquement, ils l’ont mise, non pas à la porte, mais à son rang, dehors, de gardienne, pour employer le terme noble. […] Rendant compte d’une visite à une « star » de cinéma qui se faisait appeler « miss Dupont », un journaliste américain écrivait : « la jeune femme qui porte ce nom “incendiaire” est d’aspect très calme, etc… » what’s in a name !
Je me porte à ravir, je me sens belle, il me semble que tout me réussira ; tout me sourit et je suis heureuse, heureuse, heureuse ! […] Je vous embrasse, je me porte bien. […] A*** ne voulait me voir autrement qu’apparaissant au milieu d’une porte ouverte à deux battants dans un bal aux Tuileries ; le général me comparait à une Vestale, les autres à… que sais-je ? […] Il arrive, très aimable, très homme du monde, très beau avec sa belle robe de laine blanche, qui me rappelle les robes que je porte à la maison. […] Mettez le citoyen Jérôme aux affaires ou débarrassez-le par miracle du nom compromettant et compromis qu’il porte, sans cela comment saurez-vous qu’il réussit.
Trois fois on lui disait : Porte-toi bien. […] Le foyer n’était jamais placé ni hors de la maison ni même près de la porte extérieure, où l’étranger l’aurait trop bien vu. […] C’est aux ancêtres de sonmari qu’elle porte l’offrande ; elle est de leur famille ; ils sont devenus ses ancêtres. […] Tout porte à croire que dans les anciens temps la propriété était inaliénable. […] Le nom même dont on l’appelle, pater, porte en soi de curieux enseignements.
J’ajoûte que ce raisonnement porte sur un principe faux, & qu’en effet la lettre h désigne un objet de l’audition très-analogue à celui des autres consonnes, je veux dire une explosion réelle des sons. […] Jouvency, d’avoir avancé dans un très-bon ouvrage (de ratione discendi & docendi), que les rébus expriment leur objet, non sine aliquo sale, & de les avoir indiqués comme pouvant servir aux exercices de la jeunesse : cette méprise, à mon gré, n’est pas assez réparée par un jugement plus sage qu’il en porte presque aussitôt en ces termes : hoc genus facilè in pueriles ineptias excidit. […] La construction est, animus fert me dicere formas mutatas in nova corpora ; mon génie me porte à raconter les formes changées en de nouveaux corps : il étoit plus naturel de dire, à raconter les corps, c’est-à-dire, à parler des corps changés en de nouvelles formes… Virgile fait dire à Didon, Æn. […] Solâ sub nocte, pendant la nuit seule, c’est-à-dire, qui semble anéantir tous les objets, & qui porte chacun à se croire seul ; c’est une métonymie de l’effet pour la cause, semblable à celle d’Horace (1. […] Personne apparemment ne disputera à Quintilien d’avoir été plus à portée qu’aucun des modernes, de distinguer les locutions figurées d’avec les simples dans sa langue naturelle ; & quand le jugement qu’il en porte, n’auroit eu pour fondement que le sentiment exquis que donne l’habitude à un esprit éclairé & juste, sans aucune réflexion immédiate sur la nature même de la figure, son autorité seroit ici une raison, & peut-être la meilleure espece de raison sur l’usage d’une langue, que nous ne devons plus connoître que par le témoignage de ceux qui la parloient.
C’est l’égoïsme du collectionneur, faisant du bric-à-brac avec génie, du vieux juif accroupi sur un tapis de Perse à la porte de son magasin, et montrant froidement à ses acheteurs des richesses amassées çà et là sur les débris des châteaux, des palais et des temples. […] Il contribue à lui entr’ouvrir cette porte génevoise par où nous verrons tout à l’heure passer en contrebande la muse obscène et impie de Candide et de la Pucelle. […] Tantôt c’est son carrosse qui dépose à la porte de Chirol les caisses suspectes ; tantôt il fait imprimer ses livres impies sous des titres religieux, et il commence par trois ou quatre pages convenables qui servent d’introduction aux plus indignes blasphèmes. […] Son fidèle domestique La Porte venait d’être jeté à la Bastille, et, malgré un commencement de torture, s’était renfermé dans des dénégations absolues. […] Pour la sauver, il fallait que les aveux de La Porte s’accordassent exactement avec les siens, que, sans rester en deçà, ils n’allassent pas au-delà.
C’est le lendemain matin, après cette soirée, que Musset vint frapper à ma porte. […] Cloüet, porte quelques lignes de la plus jeune écriture de M. […] Voici la lettre du chancelier (Mme Sainte-Beuve était morte le 17) : « (Lundi 18 novembre 1850). — Mon cher confrère, les nombreuses et douloureuses pertes que j’ai faites dans le cours de ma longue vie n’ont point épuisé en moi, grâce au ciel, la faculté de sentir profondément les misères de même nature qui atteignent autour de moi les personnes auxquelles je porte un véritable intérêt ; et vous êtes à coup sûr au nombre de celles-là.
Malebranche n’a pas été trop sévère pour ces savants « qui font de leur tête un garde-meuble, dans lequel ils entassent, sans discernement et sans ordre, tout ce qui porte un certain caractère d’érudition, et qui se font gloire de ressembler à ces cabinets de curiosités et d’antiques, qui n’ont rien de riche, ni de solide, et dont le prix ne dépend que de la fantaisie, de la passion et du hasard ». […] Je suis bien aise de le dire une fois pour toutes : si je porte dans les discussions religieuses une franchise et une lourdeur qui ne sont plus de mode, c’est que je n’aborde jamais les choses de l’âme qu’avec un profond respect. […] L’homme réfléchi, au contraire, calcule trop bien son intérêt et se demande avec le positif qu’il porte en toute chose si c’est bien réellement son intérêt de se faire tuer.
Nous ne nions pas et nous adorons même cet instinct naturel ou surnaturel qui porte l’homme à espérer, contre toute espérance, un perfectionnement indéfini. […] « Le héros arrive enfin aux portes du ciel. […] Vient un petit oiseau qui traverse la salle à tire-d’aile, entrant par une porte, sortant par l’autre : l’instant de ce trajet est plein de douceur pour lui, il ne sent plus ni pluie, ni vent, ni frimas ; mais cet instant est fugitif, l’oiseau disparaît en un clin d’œil, et de l’hiver il repasse dans l’hiver !
Au nom du grand Nala mon époux, que je porte gravé dans mon cœur, ainsi périront », dit-elle, « tous ceux qui profaneront d’un désir l’épouse qui lui appartient jusqu’au tombeau ! […] XXXIV Elle parvient enfin aux portes d’un monastère de Brahmanes, religieux ascétiques ; monastère bâti au sein de ces forêts. […] « Va », dit-elle à une esclave confidente, « et informe-toi quel est ce conducteur de chars que j’ai vu assis sur son siège avec une apparence grossière et un bras plus court que l’autre. » L’esclave obéit, porte et reporte des messages scrutateurs au héros soupçonné sous son déguisement.
C’est que la logique porte sur des règles qui peuvent se ramener à certaines propositions évidentes par elles-mêmes et indépendantes de toute application. […] Mais quand je porte cet autre jugement quelque changement qui puisse jamais arriver, ce changement a nécessairement une cause ; non seulement ce jugement anticipe l’expérience à venir, mais il ne repose sur aucune expérience passée, car l’expérience peut bien montrer que tel changement a telle cause, mais nulle expérience ne peut enseigner qu’il en est ainsi nécessairement. […] Or, comme il plaît à Kant, dans la langue qu’il s’est faite, d’appeler transcendental ce qui porte le double caractère d’être indépendant de l’expérience et de ne point s’appliquer aux objets extérieurs, il appellephilosophie transcendentale le système parfait de recherches qui porteraient sur la connaissance à priori.
En agissant ainsi, il porte simplement la peine de la conception historique qu’il s’est faite, si toutefois il s’en est fait une, si tant est qu’il soit autre chose que ce qu’il a été, d’organisation spontanée et viciée, depuis qu’il descend jusqu’à nous la longue chaîne des siècles et des événements. […] Il les faisait, le cœur saignant, quitte à les faire payer plus tard aux hommes ou à la destinée, courbé dans ses intrigues de cour comme un géant enchaîné sous une porte basse, descendant aux plus vils procédés avec une nature héroïque, amant réel ou joué des reines qui l’avaient en mépris, pourvoyeur de favoris afin de tenir mieux contre les pourvoyeuses de maîtresses, vivant avec ce roi ennuyé qui le détestait, comme on vit en tête-à-tête avec un tigre, quand on n’a pas de pistolets, mais acceptant tout cela, et ces indignités, et ces ravalements, et ces abaissements, et ces étouffements pour le service de son idée et de la France, et pour donner à un pays qui s’en allait à l’anarchie par toutes ses pentes, la solidité d’un État ! […] Quand un homme a dit ce mot-là, il le porte toute sa vie comme une torche liée à sa tête, et il ne peut plus éteindre à son front la lumière inévitable sous laquelle on le voit toujours !
Il aime à vivre en garçon en sa maison de Blancmesnil à trois lieues de Paris : Quand il a besoin de mon conseil, nous dit Gui Patin, il m’envoie un coureur gris qui me porte là en cinq quarts d’heure ; et, après y avoir bien soupé et bien causé fort avant dans la nuit, nous deux seuls (car il n’a ni femme ni enfants ni n’en veut avoir, ni valets même), je dors le reste de la nuit pour en partir le lendemain de grand matin. […] Si le jeune roi est malade, il faut voir comme Gui Patin s’intéresse aux moindres circonstances de sa santé : il aime le roi de toute la haine qu’il porte au Mazarin et à ses entours, et de quelque chose de plus encore, d’un vieux sentiment français héréditaire.
Il n’en est pas autrement en littérature : on y porte volontiers le goût de ce qu’on préfère dans la vie et de ce qu’on pratique ou de ce qu’on a le regret de ne pas assez pratiquer. […] Aux séances de son Académie, il se plaçait près de la porte, afin de pouvoir sortir le premier et s’esquiver.
Son succès, longtemps contenu comme tant d’autres choses, n’en éclata que mieux sous la Régence ; c’était, en son genre, un des signes manifestes de la réaction contre Louis XIV ; et lorsque le danois Holberg, qui allait être le disciple de Molière dans le Nord, vint à Paris, où il séjourna pendant une partie des années 1715-1716, il put noter, comme un fait mémorable, qu’à la Bibliothèque Mazarine, la première en date de nos bibliothèques publiques, « l’empressement des étudiants à demander le Dictionnaire de Bayle était tel qu’il fallait arriver longtemps avant l’ouverture des portes, jouer des coudes et lutter de vitesse pour obtenir le précieux volume6. » On faisait queue pour le lire, dans ce même lieu où l’on fait queue maintenant pour entrer aux séances de l’Académie. […] Il en sera ainsi de vous un jour, auteurs modernes si fiers et si vains de la vogue et du bruit ; il en sera ainsi de vos trois cents volumes si vantés, de ces ouvrages même pour lesquels on fait queue à leur naissance, qu’on se dispute à la porte du libraire ou qu’on s’arrache dans la rue au sortir de chez le brocheur.
Les faits particuliers qui nous sont attestés et qui nous donnent la mesure de son zèle au bien ne sauraient se reproduire ici : enfants nouveau-nés, trouvés sous des portes cochères, et qu’on va déposer d’abord chez Mme Navier ; — jeunes filles de dix ans, abandonnées par d’indignes parents, quelle recueille, qu’elle instruit, quelle ne laisse qu’après les avoir mises en lieu sûr ; — quelquefois des familles entières qu’elle entreprend de sauver de la détresse, et dont elle place les différents membres ; — des orphelins même qu’on lui envoie de province, comme si ce gouffre de Paris ne lui suffisait pas : — on admire, rien qu’à y jeter les yeux et à l’entrevoir un moment, cette série d’œuvres continuelles et cachées, ce courant salutaire et pur à côté d’autres qui le sont moins ou qui sont tout à fait contraires : c’est ainsi, selon une juste remarque, qu’au sein des sociétés humaines subsiste et se renouvelle incessamment cette dose de bien nécessaire à l’équilibre moral du monde. […] et aussi chemin faisant, et à plus d’une porte, ainsi qu’il arrive en pareil cas, des humiliations et des refus !
Dans une lettre à Mme Pauline Duchambge, datée de Milan, 20 septembre (1838), à la veille du retour, je lis ces mots : « Mars (Mlle Mars) te porte une feuille du platane qui me servait de rideau… » Mlle Mars, en effet, était allée à Milan donner quelques représentations à l’occasion de cette même solennité, et ce fut une rencontre heureuse pour ses imprudents compatriotes, que la faillite de l’impresario laissait à la lettre sur le pavé : elle joua à leur bénéfice pour les aider à se rapatrier. […] « Vous voyez à quel drame obscur je vous invite. — J’ai chancelé durant bien des minutes, pensant aux tristes offrandes que vous fait ma reconnaissance ; mais votre cœur attire le mien, j’y vais comme l’oiseau au soleil, — et je vous porte l’adresse du blessé, nº 10, rue Richelieu.
Cette lutte du Calvaire et de la Grèce, que l’heureux Fénelon ne soupçonnait pas, qui, d’abord confuse, égara René jusque dans les savanes, qu’il nous a bientôt rendue si distincte et si vivante sous les traits d’Eudore et de Cymodocée, elle n’a pas cessé avec les ans, il la porte en lui éternelle ; toujours, si austère que soit le sentier, si droite que semble la voie vers Jérusalem, il a des retours soudains vers Argos ; toujours, jusque dans le pèlerin du désert, on retrouve, aux accents les plus émus, l’ami de jeunesse d’Augustin et de Jérôme. […] En introduisant ainsi les reflets d’alentour, en entr’ouvrant chez Rancé la porte aux souvenirs, l’illustre biographe a moins encore obéi à un dessein suivi qu’à un retour irrésistible.
Arago, à propos des classiques grecs et latins ; et, s’il déploie dans la discussion moins de prestesse sémillante, ou de riche et poétique abandon, que nos champions de France, il y porte des raisons encore mieux enchaînées, une politesse ingénieuse non moindre. […] Quand sur les champs du soir la brume étend ses voiles ; Lorsque, pour mieux rêver, la Nuit, au vol errant, Sur le pâle horizon détache en soupirant Une ceinture d’or de sa robe d’étoiles ; Lorsque le Crépuscule entrouvre aux bords lointains Du musical Éther les portes nuageuses, Alors, avec les vents, les âmes voyageuses Vont chercher d’autres cieux dans leurs vols incertains.
— Quand l’heure de la comédie fut venue, elle se mit en négligé, avec une de ses amies, qui prit des billets ; elle se cacha tout de son mieux sous une grande coiffe de taffetas et au lieu d’entrer par la grande porte du théâtre comme elle avoit accoutumé de faire, elle entra par la porte des loges, et s’alla placer au fond des secondes loges, car toutes les autres étoient remplies.
Ces calomniés de la veille deviennent les honnêtes gens du lendemain et ceux que la société porte le plus haut et préconise. […] A son avis, ce n’était qu’un centon maladroit et intempestif que le président du Sénat avait jeté dans la discussion, comme il aurait dit, dans un autre moment, et avec aussi peu d’à-propos, s’il s’était agi par exemple de censurer un auteur dramatique : C’est un droit qu’à la porte on achète en entrant.
Comme lorsque Amour expose le devoir d’un amant, qui est de ne pas dormir en son lit la nuit, et d’aller rêver à la porte de sa belle, Soit par nuit ou par gelée, maître Guillaume, emporté par la situation, met une parenthèse humoristique et réaliste, qui tranche avec le caractère abstrait et idéal du morceau. […] Ce bouillonnement d’idées et de raisonnements qui se dégorgent incessamment pendant dix-huit mille vers, sans un arrêt, sans un repos, cette verve et cet éclat de style, net, incisif, efficace, souvent définitif, cette précision des démonstrations, des expositions les plus compliquées et subtiles, cette allégresse robuste avec laquelle le poète porte un énorme fardeau de faits et d’arguments, le mouvement qui, malgré d’inévitables langueurs, précipite en somme la masse confuse et féconde des éruditions scolastiques et des inventions hardiment originales, tout cela donne à l’œuvre un caractère de force un peu vulgaire, qui n’est pas sans beauté.
Il posera en principe qu’il faut aimer la forme de gouvernement dans laquelle on est né ; et ainsi, étant Français, il sera pour la royauté, bien que son affection le porte de préférence vers le gouvernement démocratique. […] Très clairement, très nettement, en plus d’un endroit, il nous offre l’homme en sa personne : « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition241 ».
Avant d’imprimer sa Henriade, il la porte de château en château, il en fait des lectures, il fouette la curiosité publique. […] Un chevalier de Rohan, en 1725, lui fit donner des coups de bâton à la porte du duc de Sully, chez qui il soupait.
Le duc de Guise meurtrit le bras de sa femme pour lui faire écrire la lettre qui attirera Saint-Mégrin dans le guet-apens ; la duchesse de Guise se fait briser le bras pour tenir sa porte fermée, pendant que Saint-Mégrin fuit par la fenêtre et qu’on entend le tumulte des assassins qui le reçoivent. […] Aux moyens de tragédie s’ajoutent tous les trucs du mélodrame : portes secrètes, caveaux, poisons, les six cercueils de Lucrèce Borgia, tout un matériel d’effets pathétiques pour les nerfs et pour les yeux.
Quant à la voix nouvelle de M. de Régnier, elle a des inflexions spécialement rares et pures, avec parfois une sorte de chaleur interne qui, pour les Sites, les Épisodes, les Poèmes anciens, l’Alérion et la Gardienne, demeurait étrangement inconnue ; on l’entendra chanter en tous ses derniers vers, et surtout en ceux-ci qui sont des plus proches de la perfection et s’orientent vers un mystère émouvant et discret : J’ai vu fleurir, ce soir, des roses à ta main, — Ta main pourtant est vide et semble inanimée — Je t’écoute comme marcher sur le chemin, — Et tu es là pourtant et la porte est fermée — J’entends ta voix, mon frère, et tu ne parles pas ; L’horloge sonne une heure étrange que j’entends Venir et vibrer jusques à moi de là-bas… L’heure qui sonne est une heure d’un autre temps. […] Il porte la marque durement sigillée de l’artiste qui se profère par ses mille voix et de l’un à l’autre change et se meut comme le moment dont il est le reflet.