S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !
Vous vous donnez le plaisir facile et puéril (en soulignant naïvement les phrases flatteuses) de dresser une liste des contradictions de la critique touchant Frédégonde.
Avec son vocabulaire opulent et varié, d’où surgissent à chaque phrase les mots strictement choisis, avec sa claire vision de paysages fondus, ses images dorées, ses plastiques ondulantes ou sévères, M. de Régnier a le goût qui distingue, élit, compare et dispose ; il a l’instinct souverain de l’ordonnance qui assigne à ses poèmes la solidité du verbe immobilisé comme un marbre.
On remarquera la phrase se déguisa en marchand d’objets de bambou , qu’il lui arrivait de fabriquer lui-même, ainsi que le prouve la petite écritoire de poche de ma collection.
Il gémit, à l’imitation de Pétrone, de ce que le stile n’a plus de nerfs, de ce qu’on sacrifie la force & la simplicité d’expression à de petites phrases bien arrondies, pleines de miel, & assaisonnées de pavots .
Un rat, hôte d’un champ, etc… On reconnaît tout le talent de La Fontaine dans le discours du rat, dans la peinture de l’huitre bâillant au soleil, dans celle du rat surpris au moment où l’huitre se referme ; et voyez comme ce dernier mot est rejeté au commencement du vers, par une suspension qui met la chose sous les yeux, et le naturel de la leçon qui termine la phrase.
Il y a dans Virgile, dans Voltaire, dans Tacite même, telle phrase de sentiment que je préférerais à toute cette chaleur physique ; malgré tout l’effet qu’elle produit sur moi, elle ne fait que m’agiter, et la véritable expression du sentiment laisse dans mon âme une impression douce et délicieuse.
Aucun procédé, aucun effort de volonté, aucune de ces comédies intérieures que l’homme se joue et qu’il appelle de l’art, n’a pu donner à l’auteur, de ces souvenirs d’Asie l’accent brisé et doux de bonheur impossible qu’on entend, mais qui ne gémit pas, sous ses phrases écrites, dirait-on, par une signora Pococurante, dans le calme et l’indifférence, ni lui faire composer à loisir ce parfum subtil qui s’en échappe et vous enveloppe bientôt tout entier… Mme de Belgiojoso a-t-elle jamais été une femme littéraire ?
Déjà nous l’avons indiqué, l’abbé d’Olivet, qui a plus d’empreinte, n’est pas soumis au même degré à cette grande loi de la politesse, qui fut la règle suprême des mœurs à cette époque du xviie siècle et qui le caractérise autant que la longue perruque et la longue phrase ; — n’était-ce pas aussi une longueur ?
… C’est un écrivain de verte allure, qui a des idées et des aperçus et qui les risque, et qui, dans ce temps de badauderie suprême et de bourdes infinies où l’on va du progrès universel aux tables tournantes, est de ces esprits à qui les paysans, qui rédigent leur phrase à la Montaigne, appliqueraient leur litote, comique et familière : « Il est de ceux-là qui ne culottent pas un niais. » Pour moi, un grand éloge !
Il en était sorti, et les poètes qui ont fait cette phrase ont imbécilement menti quand ils ont dit « qu’il avait tué sa mère ».
Hatin, aucun principe souverain ne s’élève et n’éclaire la route dans laquelle il va tout à l’heure s’avancer, et l’auteur n’a, pour nous faire voir clair dans cette histoire à travers laquelle il veut nous conduire, que de vieilles phrases éteintes depuis longtemps à force d’avoir servi.
Et ce n’est point difficile, quand on a la tête nette et qu’on ne se laisse pas envahir et entamer par la niaiserie des phrases et des livres.
Les hommes qui ne croient pas que le progrès puisse se produire autrement que dans un sens unique, répondront peut-être par la phrase courante qui dispense, en France, d’une raison : qu’avec de telles idées on veut recommencer le passé.
La rime à laquelle tiennent si fort tous les hommes pour qui la poésie consiste dans l’art d’échiquier de mouvoir et de ranger les mots, la rime touche ici presque à l’identité du son et donne à la phrase poétique des deux vers qui se suivent quelque chose de bicéphale et de monstrueux.
Champfleury, qui n’a jamais su, lui, construire une phrase et qui n’en comprend même pas l’organisme.
Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que cet homme qui avait de la douceur dans le caractère, comme de la grâce dans le style, et qui avait été témoin de la Saint-Barthélemi en France, dans des phrases élégantes et harmonieuses, en parle non seulement avec tranquillité, mais avec éloge.
Le défunt Professeur de la Sorbonne pouvait babiller d’une manière charmante sur la culture et possédait toute l’attrayante insincérité d’un faiseur de phrases accompli. […] Masson se tire fort mal d’une phrase aussi simple que celle-ci : « Elle s’étonna des fureurs qui accueillirent ce livre, ne comprenant pas qu’on haïsse un auteur à travers son livre ». […] Cobden-Sanderson s’est avancé sur l’estrade et, en quelques phrases d’une plaisante gravité, a présenté M. […] Avec le temps, ces longues phrases de M. […] La grâce dans l’expression et une subtilité délicate dans la pensée et la phrase caractérisent l’Essai sur Shakespeare.
Et quand on pense qu’il y aurait moyen d’effacer cette contradiction, de les effacer toutes, par urne phrase, une seule petite phrase ! […] C’est là probablement le sens de cette phrase de Jean-Paul : Le comique n’est jamais entré qu’avec peine dans tes définitions des philosophes.
De là les tortures qu’on se donne pour s’exciter devant des œuvres qu’il faut absolument trouver belles, et pour découvrir çà et là quelque menu détail, quelque épithète, quelque trait brillant, une phrase qui, traduite en français, donnerait quelque chose de sonnant. […] Certaines personnes à qui on a dit que Rollin est beau s’étonnent de n’y trouver que des phrases simples et ne savent à quoi s’en prendre pour admirer, incapables qu’elles sont de concevoir la beauté qui résulte de ce caractère de naïve et délicieuse probité. […] M. de Maistre a dit très naïvement : « Pour sentir les beautés de la Vulgate, faites choix d’un ami qui ne soit pas hébraïsant, et vous verrez comment une syllabe, un mot et je ne sais quelle aile légère donnée à la phrase feront jaillir sous vos yeux des beautés de premier ordre. » (Soirées de Saint-Pétersbourg, 7e entretien.)
… » Littérature : c’est-à-dire, si l’on veut, le moment où la phrase seulement grandiloquente ou liquidement dénuée de nervosité, se croit le Verbe, où la cadence traditionnelle tient lieu de Rythme, et où l’on ne pense plus qu’à travers la pensée du passé. […] Le sens de la nature et de la Vie dès lors considérée sous son aspect légendaire, l’émotivité de son premier livre, en 1886, s’en montre soutenue en même temps qu’un court avant-propos revendique la complète liberté du vers pour concourir à des phrases harmoniques. […] Et ils pourront, si la pensée le leur demande, soutenir monotonement lente ou rapide, une phrase, en se répétant en même son à mêmes hauteur et intensité.
J’ai montré la niaiserie d’une formule littéraire empruntée à une phrase de Claude Bernard, et qui, étendue aux beaux-arts, produirait des… ignominies. […] Pour se battre, y a-t-il besoin de phrases ! […] Pour qui sait sentir le rythme, la beauté de cet alexandrin s’obtient par une sorte de lutte entre la césure matérielle et le sens grammatical de la phrase. […] Ils n’ont rien inventé, d’ailleurs, ils n’ont fait qu’étendre à beaucoup de phrases le procédé de M. […] Je me rappelai à temps, pour ne pas en être déconcerté, que c’était la dernière phrase prononcée par M.
L’esthétique dont il procède est celle de la phrase que j’ai citée sur le « demi-siècle de servitude ». Phrase personnelle, illogique certes dans un roman qui veut être tout objectif, mais combien précieuse ouverture sur l’idéal d’art en vue duquel l’expérience précise et actuelle n’est qu’un moyen ! […] Et la dernière phrase qui nous montre Meaulnes engagé dans le romanesque pour sa vie entière diminue par un choc en retour l’intérêt de la première et pure aventure d’enfant, qui devrait demeurer l’unique. […] On pourrait appliquer à cette durée la phrase célèbre de Strabon sur la disposition de la Gaule par une main artiste. […] Une route dont toute la ténèbre tient dans l’énigme de cette phrase, prononcée par un des personnages : « Pourquoi l’être humain ne saurait-il respirer sans créer d’abominables conflits ?
Sentant passer dans sa phrase la cadence d’un maître qui fut trop chère à son oreille, il éprouve un scrupule et se rejette en arrière, tel un cheval qui veut se débarrasser du fardeau. […] Élevée sur les genoux d’un père qui poursuivait ses rimes à travers les mille occupations de la vie mondaine, n’hésitant pas à parfaire, six mois durant, la magnificence d’un sonnet, elle eut ses jeunes ans bercés au son de la musique des phrases, et cette musique-là, tout comme l’autre, dépose en notre oreille des rythmes qui ne s’effacent jamais. […] Mais d’avoir pris ses ébats d’enfant sur la peau d’ours blanc que foulait son oncle en scandant, d’une vigoureuse intonation, les accents de Madame Bovary, il subsista dans sa mémoire des rythmes qu’elle n’oublia pas, si toutefois elle fut inhabile à les faire passer dans ses phrases. […] Mais celle-ci vraiment s’impose trop pour que j’y résiste : dès qu’on lit une phrase de Mme de Noailles — je parle de son œuvre romanesque, non de ses vers — on discerne les maîtres qu’elle évoque, auxquels elle tend la main pour réconforter sa faiblesse. […] Il n’est pas jusqu’au style qui, par son accent, sa musique et certains rythmes ou façons de conduire la phrase, ne découvre de saisissantes analogies, surtout pour une oreille qui, dans sa première jeunesse, fut bercée au son de ces cadences.
Ses volontés feraient ses lois, et ses lois feraient son bonheur. » La nation va être régénérée : cette phrase est dans tous les écrits et dans toutes les bouches. […] À cela la logique de l’Ecole suffit, et la rhétorique du collège fournira les tirades Dans ce grand vide des intelligences, les mots indéfinis de liberté, d’égalité, de souveraineté du peuple, les phrases ardentes de Rousseau et de ses successeurs, tous les nouveaux axiomes flambent comme des charbons allumés, et dégagent une fumée chaude, une vapeur enivrante.
Nous savons tous par expérience qu’on ne fait pas de phrases quand on est violemment ému : la vraie douleur n’a pas d’esprit. […] » Sublime aussi, cette phrase d’un plaidoyer de Démosthène : « Tantôt il le frappe comme ennemi, tantôt pour lui faire insulte, tantôt avec les poings, tantôt au visage. » Mais par où donc sublime ?
Sous le prétexte de faire parler les gens à la scène comme ils parlent dans la vie, on nous a depuis longtemps habitués à toutes les trivialités, à tous les bégaiements de la phrase, et il faut savoir gré aux écrivains qui protestent contre cette tradition funeste à la littérature dramatique. […] Vu à travers la majesté de Imprécations d’Agar, à travers la splendeur de Pierre le Véridique, où les phrases sont pareilles à de frêles guirlandes tressées de pâquerettes, de boutons d’or, de myosotis et de toutes petites roses, Mendès m’apparaissait comme une espèce de dieu, tout en rayons, planant au-dessus de la foule.
C’est ainsi que, façonnés pour le joug, nous retombons d’un esclavage dans un autre, et qu’après les poncifs classiques, il y a eu des poncifs romantiques, poncifs de coupes, poncifs de phrases, poncifs de rimes ; et le poncif, c’est-à-dire le lieu commun passé à l’état chronique, en poésie comme en toute autre chose, c’est la Mort. […] Des éléments en apparence hétérogènes, y concourent : Stendhal apporte sa psychologie translucide, Balzac sa vision exorbitée, Flaubert ses cadences de phrases aux amples volutes, M.
Une fois entré dans la phrase, on ne sait si l’on en sortira, ni comment, et quoiqu’il soit fort habile à tirer son lecteur du labyrinthe où il l’a engagé, il y a plus d’un moment d’embarras et d’inquiétude. […] La phrase doit être libre : c’est la physionomie de l’écrivain.
Quand on cherche, d’après les habitudes des logiciens, à trouver une phrase équivalente à ces mots compréhensifs et qui en soit la définition, l’embarras est grand, parce qu’ils n’ont ni dans leur objet, ni dans leur méthode, rien qui les caractérise uniquement. […] de petits bouts de phrase comme les théorèmes de géométrie, de formules arides.
Tout se bornait à des phrases générales, à des applications puériles des mathématiques à ce qui est « matière de fait ». […] Depuis 1851, je ne crois pas avoir fait un seul mensonge, excepté naturellement les mensonges joyeux, de pure eutrapélie, les mensonges officieux et de politesse, que tous les casuistes permettent, et aussi les petits faux-fuyants littéraires exigés, en vue d’une vérité supérieure, par les nécessités d’une phrase bien équilibrée ou pour éviter un plus grand mal, qui est de poignarder un auteur.
La cadence parfaite joue le rôle du point au bout d’une phrase. Or, la phrase de Wagner commence avec l’acte et ne finit qu’avec lui, à bien peu d’exceptions près.
La censure biffa le passage ; M. de Latouche revint dans la soirée au journal, reprit sa phrase et la remit sous-main sans en rien dire. […] Thabaud) ; mais son insouciance de poète et l’indépendance de ses convictions répugnaient également au servage officiel des fonctionnaires. » Ce sont là de bien grandes phrases et qui font anachronisme.
* * * — Ces jours-ci, la mère de notre ami Pouthier, reprochant à son fils de n’avoir encore ni une situation, ni une carrière, ni un gagne-pain, terminait son sermon maternel par cette phrase admirable : « À ton âge, j’étais déjà mère ! […] » Vraiment, le hasard ne l’a pas trop mal servi, parlant à un homme de lettres déjà poursuivi et qui se sent poursuivable toute sa vie… Mais dans la bouche du devin, la phrase n’avait-elle pas un autre sens ?
» Tout cela est joli et fringant, et sous le rapport de la forme, ne peut être remplacé par les phrases solennellement plates de M. […] Mais à part la forme, et pour qui comprend le français, ces phrases aplaties et sans dents n’expriment-elles pas ce qu’exprime le cardinal de Retz d’une dent si mordante et si superbe : c’est que cette duchesse de Chevreuse était radicalement médiocre de tête et de cœur !
Sans la puissance de s’affirmer, le style manque de solidité et de mouvement ; la phrase ne sait ni se tenir debout, — ce qui est la force, — ni se lancer en haut, — ce qui est le mouvement et l’emportement vers l’idéal ! […] Renan et ne sent jamais le grand, parce que le grand ne se sent qu’avec l’âme, l’écrivain n’est jamais, dans son Antechrist, au niveau des choses horriblement grandioses qu’il avait à raconter, et qu’il n’avait pas à diminuer puisque ce ne sont pas des choses chrétiennes… Le Néron que je cherchais dans cet Antechrist, qui est Néron et qui le fût aux yeux des chrétiens de son temps, lesquels avaient plus d’imagination que le détracteur qui leur prend ce nom pour en tirer un livre, Néron est moins terrible, moins extraordinaire et moins frappant sous les phrases trop modernes que M.
.) — Cette phrase n’a aucun sens ou elle signifie que M. d’Alton-Shée était un candidat du gouvernement, déguisé et complice ; que le gouvernement trempait dans sa candidature, et que lui-même y donnait les mains.
On a beau savoir à fond la chose, et où elle se termine : on ne trouve pas l’idée et la phrase de la fin, celles qui doivent achever l’impression et conclure le discours ; on reprend son propos, on revient sur ses pas, on change un peu sa direction, sans pouvoir tomber juste au but.
La phrase se développe comme une ligne ; elle n’a plus de corps, de modelé ; rien que des contours, ou des arêtes.
Cette phrase, Dæmonium habes (Matth., XI, 18 ; Luc, VII, 33 ; Jean, VII, 20 ; VIII, 48 et suiv. ; X, 20 et suiv.), doit se traduire par : « Tu es fou », comme on dirait en arabe : Medjnoun enté.
Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes ; et il y aura des cadences de phrase pour la langueur innocente d’un beau corps nu, et des aurores verbales pour l’éveil religieux d’un blond rayon de lumière entre les ténèbres d’un fond où s’effacent de torturés ou humbles visages, et de pénétrantes périodes pour la sagace analyse de quelque froide et mince tète de roi ou de moine surgie du passé, avec ses yeux pleins de pensées mortes et ses traits sillonnés par des passions définitivement réprimées.
Vous savez la phrase très commune, mais très vraie : « Quel mérite a-t-on d’aimer ses enfants ?
Cette phrase d’apothicaire, avec sa formule, est bien réellement de l’élégant et de l’étincelant Rivarol.
Le chroniqueur de journal qu’il ne cesse d’être pendant tout le cours de son récit a le ton propret de son métier, quand il n’en a pas les vulgarités déclamatoires et prudhommiques ; car il a souvent des phrases dans ce goût charmant : « Le prince Charles ne tarda pas à s’abandonner à de folles amours et à délaisser la femme qu’il avait épousée pour concentrer en elle toutes ses affections et en faire la souche honorable de sa postérité. » Il est impossible, comme vous voyez, d’être plus distingué.
— dans cet autre mot, qui n’est pas le seul de l’espèce : « Il me suffit d’être contente pour être heureuse. » Je n’aime point qu’elle écrive à toute page des phrases dans ce genre affreux : « La nature est le seul tyran dont il ne faille pas secouer le joug.