Un grand nombre des phénomènes de la nature semblent appeler la comparaison avec l’acte par lequel se perpétue la race humaine ; je ne sais guère de plus beaux vers que ceux où Virgile symbolise le Printemps par l’accouplement de Jupiter et de la Terre, et certes les traits du tableau ne sont point timides.
C’est vrai que tout est relatif et que chaque phénomène s’explique éternellement par un autre et notre vouloir doit travailler à pénétrer le plus de relations pour, si on les trouvait toutes, arriver ainsi à la cause première.
Cependant, le développement des études historiques, en favorisant la connaissance des milieux et la comparaison entre les époques, attira bientôt l’attention sur le phénomène, longtemps négligé des variations du goût : on remarqua qu’un siècle ne ratifie pas toujours les jugements du siècle précédent ; que telle tragédie portée aux nues à son apparition peut cependant tomber dans un oubli définitif ; que des gloires illustres entre toutes s’éclipsent pendant des périodes entières et ne reparaissent ensuite dans leur éclat que sous l’influence de circonstances qu’il est possible de déterminer ; que les poètes préférés d’une nation demeurent souvent incompris par la nation voisine.
Cet accent semblable chez tout le monde, en ce sens que chaque passion, chez tous, produit à peu près le même phénomène, accélération ou ralentissement, semblable au moins en son essence, cet accent est communiqué aux mots, par le sentiment qui agite le causeur ou le poète, uniquement, sans souci d’accent tonique ou de n’importe quelle valeur fixe qu’ils possédaient en eux-mêmes.
— Il existe un phénomène, en connexion avec les différences individuelles, très difficile à expliquer.
Des mœurs et des opinions Je crois devoir maintenant appeler plus spécialement l’attention sur un des grands phénomènes qui marquent les temps où nous vivons, et qui les rendent si remarquables, je veux dire la différence qui existe entre nos mœurs et nos opinions.
Phénomène étrange à ce qu’il semble, et qui l’est peut-être moins qu’on ne croit !
À les en croire, l’homme trouble l’harmonie de l’univers, plus qu’il n’en fait partie ; il a sur ses actions, ses passions, ses œuvres un pouvoir absolu, et ses déterminations ne relèvent que de son arbitre ; la Nature, de son côté, est sans lois ; non seulement l’homme lui échappe, mais elle peut, en quelque façon, s’échapper à elle-même ; les accidents historiques ne sont pas des phénomènes naturels, et les phénomènes naturels ne sont point des faits nécessaires. […] Si les grands courants qui forment l’esprit d’un peuple ou d’un siècle, ne suffisent pas à nous expliquer l’existence et la nature d’une œuvre, à l’histoire nous ajouterons la biographie, et nous finirons bien par éprouver dans tous les cas réels et possibles l’éternelle vérité de cet axiome nouveau, parce qu’il est méconnu : que tout phénomène a sa cause.
En fait de vertu, chacun trouve la certitude en consultant son propre cœur. » On ne me pardonnera pas une aussi longue citation ; mais on m’en louera ; et on la portera sans doute à mon actif ; car c’est un plaisir toujours nouveau que de retrouver ces vieux textes pleins, et perpétuellement inquiétants de nouveauté ; et quand dans un cahier on met d’aussi importantes citations de Renan, on est toujours sûr au moins qu’il y aura des bons morceaux dans le cahier ; — je ne dis point cela pour Zangwill, qui supporte toute comparaison ; — je sais tous les reproches que l’on peut faire au texte que je viens de citer ; il est perpétuellement nouveau ; et il est vieux déjà ; il est dépassé ; phénomène particulièrement intéressant, il est surtout dépassé justement par les sciences sur lesquelles Renan croyait trouver son plus solide appui, par les sciences physiques, chimiques, particulièrement par les sciences naturelles ; — mais ici que dirions-nous de Taine qui faisait aux sciences mathématiques, physiques, chimiques, naturelles, une incessante référence ; — c’est justement par le progrès des sciences naturelles que nous sommes aujourd’hui reconduits à des conceptions plus humaines, et, le mot le dit, plus naturelles ; je n’ignore pas toutes les précautions qu’il y aurait à prendre si l’on voulait saisir, commenter et critiquer tout ce texte ; mais telle n’est pas aujourd’hui la tâche que nous nous sommes assignée ; je n’ignore pas qu’il y a dans cet énorme texte religieux des morceaux entiers qui aujourd’hui nous soulèvent d’indignation ; et des morceaux entiers qui aujourd’hui nous paraissent extraordinairement faibles ; je n’ignore pas qu’il y a dans ce monument énorme des corps de bâtiments entiers qu’un mot, un seul mot de Pascal, par la simple confrontation, anéantirait ; je connais les proportions à garder ; je sais mesurer un Pascal et un Renan ; et je n’offenserai personne en disant que je ne confonds point avec un grand historien celui qui est le penseur même ; si j’avais à saisir et à commenter et à critiquer le texte que nous avons reproduit, je sais qu’il faudrait commencer par distinguer dans le texte premièrement la pensée de Renan ; deuxièmement l’arrière-pensée de Renan ; troisièmement, et ceci est particulièrement regrettable à trouver, à constater, des fausses fenêtres, des fragments, à peine habillés, d’un cours de philosophie de l’enseignement secondaire, comme était l’enseignement secondaire de la philosophie au temps où Renan le recevait, des morceaux de cours, digérés à peine, sur Kant et les antinomies, sur le moi et le non-moi, tant d’autres morceaux qui surviennent inattendus pour faire l’appoint, pour jointurer, pour boucher un trou ; combien ces plates reproductions de vieux enseignements universitaires, ces morceaux de concours, de l’ancien concours, du concours de ce temps-là, combien ces réminiscences pédagogiques, survenant tout à coup, et au moment même que l’on s’y attendait le moins, au point culminant du dialogue, détonnent auprès du véritable Renan, auprès de sa pensée propre, et surtout de son arrière-pensée ; comme elles sont inférieures au véritable texte ; et dans le véritable texte comme la pensée même est inférieure à l’arrière-pensée, ou, si l’on veut, comme l’arrière-pensée est supérieure à la pensée, à la pensée de premier abord ; quel travail que de commencer par discerner ces trois plans ; mais comme on en serait récompensé ; comme la partie qui reste est pleine et lourde ; comme la domination de l’arrière-pensée est impérieuse. […] Car vraiment si l’historien est si parfaitement, si complètement, si totalement renseigné sur les conditions mêmes qui forment et qui fabriquent le génie, et premièrement si nous accordons que ce soient des conditions extérieures saisissables, connaissables, connues, qui forment tout le génie, et non seulement le génie, mais à plus forte raison le talent, et les peuples, et les cultures, et les humanités, si vraiment on ne peut rien leur cacher, à ces historiens, qui ne voit qu’ils ont découvert, obtenu, qu’ils tiennent le secret du génie même, et de tout le reste, que dès lors ils peuvent en régler la production, la fabrication, qu’en définitive donc ils peuvent produire, fabriquer, ou tout au moins que sous leur gouvernement on peut produire, fabriquer le génie même, et tout le reste ; car dans l’ordre des sciences concrètes qui ne sont pas les sciences de l’histoire, dans les sciences physiques, chimiques, naturelles, connaître exactement, entièrement les conditions antérieures et extérieures, ambiantes, qui déterminent les phénomènes, c’est littéralement avoir en mains la production même des phénomènes ; pareillement en histoire, si nous connaissons exactement, entièrement les conditions physiques, chimiques, naturelles, sociales qui déterminent les peuples, les cultures, les talents, les génies, toutes les créations humaines, et les humanités mêmes, et si vraiment d’abord ces conditions extérieures, antérieures et ambiantes, déterminent rigoureusement les conditions humaines, et les créations humaines, si de telles causes déterminent rigoureusement de tels effets par une liaison causale rigoureusement déterminante, nous tenons vraiment le secret du génie même, du talent, des peuples et des cultures, le secret de toute humanité ; on me pardonnera de parler enfin un langage théologique ; la fréquentation de Renan, sinon de Taine, m’y conduit ; Renan, plus averti, plus philosophe, plus artiste, plus homme du monde, — et par conséquent plus respectueux de la divinité, — plus hellénique et ainsi plus averti que les dieux sont jaloux de leurs attributions, Renan plus renseigné n’avait guère usurpé que sur les attributions du Dieu tout connaissant ; Taine, plus rentré, plus têtu, plus docte, plus enfoncé, plus enfant aussi, étant plus professeur, surtout plus entier, usurpe aujourd’hui sur la création même ; il entreprend sur Dieu créateur.
Diopithès, dit Plutarque, « fit un décret qui ordonnait de dénoncer ceux qui ne reconnaissaient pas l’existence des dieux ou qui enseignaient des doctrines nouvelles sur les phénomènes célestes ». […] La comparaison des mythologies a montré récemment que les mythes grecs, parents des mythes sanscrits, n’exprimaient à l’origine que le jeu des forces naturelles, et que, des éléments et des phénomènes physiques, de leur diversité, de leur fécondité, de leur beauté, le langage avait peu à peu fait des dieux. […] Tel l’Olympe grec, selon le degré de la transformation qui a humanisé les forces naturelles, présente, à ses divers étages, des divinités où le caractère physique prime la figure personnelle, d’autres en qui les deux faces sont égales, d’autres enfin où le dieu devenu homme ne se relie plus que par des fils, parfois par un seul fil à peine visible, au phénomène élémentaire d’où il est issu. […] Ni les prêtres ni les laïques n’avaient fait d’enquête ou d’hypothèse sur ce point qui les touchait de si près. — Au contraire, les Grecs avaient déjà imaginé trois explications du phénomène, Hérodote les discute et en propose une quatrième.
Je serais plutôt tenté de la voir partout et de considérer tous les phénomènes de l’univers comme les effets d’une éternelle et fatale volonté. […] Notre vue atteint aujourd’hui des phénomènes qu’on ne soupçonnait pas avant nous. […] La neurologie provoque et systématise des phénomènes nerveux dont l’étrangeté semble tenir du prodige. […] La contemplation de la nature, une soumission triste et fière aux lois éternelles, le sentiment de la puissance des choses et de la faiblesse de l’homme, voilà ce qu’Euripide jeune était fait pour comprendre à l’école de ce philosophe, profond dans l’observation des phénomènes et grand par la liberté de son esprit. […] Ils subsistent pourtant, à l’état de phénomènes sonores et graphiques ; leur fonction nouvelle est de suggérer des images au hasard de la forme des lettres et du son des syllabes.
La loi de l’hérédité intellectuelle est partout manifeste, par ses phénomènes tantôt brillants, tantôt maladifs. […] » Gustave Planche a donc très bien dit : « Pascal, après avoir défendu la raison contre le probabilisme et la dévotion aisée, s’est retourné contre la raison ; de telle sorte que son testament, c’est-à-dire le recueil de ses Pensées, est une protestation contre les Provinciales, qui ont établi la gloire de son nom. » Et quelle est l’explication d’un si étrange phénomène ? […] n’a été à même de reconnaître combien la phthisie pulmonaire offre de phénomènes intéressants et douloureux à contempler ; quelle source d’inspirations tendres, éloquentes, pathétiques ou brillantes, semble résider en ce fatal principe morbide, si décevant dans ses rapports avec la vie — qu’il exalte en la consumant, — décevant surtout pour le malade, qui ne sait jamais où il en est de son mal, en dépit de ses pressentiments et de ses mélancolies. […] Ici, en effet, folie et génie sont presque synonymes, à force de se rapprocher et de se confondre. » Comment donc ne pas voir dans cette sorte d’éréthisme cérébral les phénomènes qui caractérisent le délire qu’on appelle excitation maniaque, à savoir : défaut de conscience, absence de volonté, etc. ? […] Le docteur Moreau ne tient compte que de la psychologie morbide : c’est-à-dire qu’il observe seulement les phénomènes pathologiques de l’organisme des hommes illustres.
Pour tout dire, il semble avoir possédé d’une façon surprenante une imagination spéciale qui est celle du relief, et cette sorte d’imagination lui était à ce point essentielle qu’il l’appliquait aux phénomènes de la vie morale. […] La portion inexpliquée des phénomènes n’est telle qu’à cause de la faiblesse de notre intelligence, elle n’est pas d’un ordre transcendantal et qui recèle quelque chose de terrifiant ou d’adorable, — comme les mystiques l’affirmaient. […] Quand la Science, en effet, a constaté chez nous les phénomènes que nous étiquetons du terme de cœur, — plaisirs ou peines, — elle a fini son œuvre. […] Jouissance et souffrance sont deux phénomènes légitimes, quelle que soit leur cause, en tant que modification de notre sensibilité. […] Oui, heureux homme, pour qui les phénomènes du monde ne sont qu’un métal sur quoi frapper l’effigie de son système, — ou de ses systèmes, car, avec cela, il a la bonne fortune d’être inconséquent.
… Si, en sortant du lycée, les jeunes gens ont conservé une notion précise et durable de la nature et des propriétés de quelques corps d’un intérêt universel, comme l’air, l’eau, les métaux usuels, les acides, les alcalis et les sels les plus communs ; si les phénomènes de la combustion, ceux de la respiration et de la nutrition des plantes, ceux de la respiration et de la nutrition des animaux, ont été soigneusement étudiés devant eux, l’enseignement de la chimie aura atteint son but.
Mais, comme phénomène non moins mémorable, il remarque que « dans les diverses classes et jusque dans les rangs les plus élevés de l’ordre social, des hommes se sont produits qui en ont rassemblé en eux tous les traits caractéristiques, au point d’identifier leur nom avec l’idée même de ces rangs et de ces classes, et d’en paraître comme la personnification vivante. » Et il cite pour exemple Louis XIV, que la Nature créa, dit-il, l’homme souverain par excellence, le type des monarques, le roi le plus vraiment roi qui ait jamais porté la couronne.
Il lui apprend le patriotisme par le récit des exploits de ses héros, qui quittent leur royaume paternel, qui s’arrachent des bras de leurs mères et de leurs épouses pour aller sacrifier leur sang dans des expéditions nationales, comme la guerre de Troie, pour illustrer leur commune patrie ; il lui apprend les calamités de ces guerres dans les assauts et les incendies de Troie ; il lui apprend l’amitié dans Achille et Patrocle, la sagesse dans Mentor, la fidélité conjugale dans Andromaque ; la piété pour la vieillesse dans le vieux Priam, à qui Achille rend en pleurant le corps de son fils Hector ; l’horreur pour l’outrage des morts dans ce cadavre d’Hector traîné sept fois autour des murs de sa patrie ; la piété dans Astyanax, son fils, emmené en esclavage dans le sein de sa mère par les Grecs ; la vengeance des dieux dans la mort précoce d’Achille ; les suites de l’infidélité dans Hélène ; le mépris pour la trahison du foyer domestique dans Ménélas ; la sainteté des lois, l’utilité des métiers, l’invention et la beauté des arts ; partout, enfin, l’interprétation des images de la nature, contenant toutes un sens moral, révélé dans chacun de ses phénomènes sur la terre, sur la mer, dans le ciel ; sorte d’alphabet entre Dieu et l’homme, si complet, et si bien épelé dans les vers d’Homère, que le monde moral, le monde matériel, réfléchis l’un dans l’autre comme le firmament dans l’eau, semblent n’être plus qu’une seule pensée et ne parler qu’une seule et même langue à l’intelligence de l’aveugle divin !
Les descriptions qu’ils renferment, paysages, ou phénomènes naturels, ou bien actes des êtres vivants, nous aident aussi à reconnaître la singulière acuité de sa vision : son œil reçoit l’impression des plus fines modifications de la nature sensible, et sa mémoire les rend en leur fraîcheur première.
Comme la terre refroidie ne permet plus de comprendre les phénomènes de la création primitive, parce que le feu qui la pénétrait s’est éteint ; ainsi les explications réfléchies ont toujours quelque chose d’insuffisant, quand il s’agit d’appliquer nos timides procédés d’induction aux révolutions des époques créatrices qui ont décidé du sort de l’humanité.
Vous méprisez notre « paganisme philosophique » qui, oubliant le centre unique de notre âme, se perd dans la divergence inexpliquée des rayons et ne sait, grotesque collectionneur, que classer et étiqueter « les phénomènes de la volonté, de l’amour, de la mémoire ».
La grande singularité de Montaigne, et ce qui fait de lui un phénomène, c’est d’avoir été la modération, le ménagement et le tempérament même en un tel siècle.
Alors Zola d’énumérer les phénomènes morbides, qui lui donnent la peur de ne pouvoir jamais finir les onze volumes, lui restant à écrire.
Les innovateurs scrupuleux de l’antique ont sans cesse les yeux attachés sur le phénomène, mais aucun d’eux n’en a la raison.
Les principaux phénomènes sociaux, religion, morale, droit, économie, esthétique, ne sont autre chose que des systèmes de valeurs, partant, des idéaux.
Ce talent n’est pas d’ailleurs un phénomène.
Cette loi sublime, il la montre et la suit dans tous les phénomènes qu’ils appellent, eux, le mal de la vie : la faim, — tout commence par la faim, dit-il, — le travail, l’esclavage, les infirmités des organes, les maladies, la vieillesse, — dont il donne la raison divine, la raison suprême et rayonnante, — et enfin la mort, qui commence la grande vie.
Phénomène dont le moraliste doit tenir compte : rien n’a averti, rien n’a édifié, ni la fatuité ni l’hypocrisie, — car le système de l’auteur de la Vie de Jésus se balance entre l’hypocrisie et la fatuité.
Quand nous l’avons, elle introduit dans notre entendement la conception d’une durée commune à tous les êtres, et indépendante de la nôtre, ainsi que tous les phénomènes du monde matériel.
Il sera subtil, éloquent, pathétique même ; il trouvera, pour peindre quelques phénomènes du monde physique, avec de fausses applications, d’admirables couleurs ; il épuisera tour à tour l’énergie et la grâce.
Puis il examinait un phénomène de la pensée religieuse et, bref, de la conscience la plus intime et secrète. […] Mais il mène toute l’aventure : et conséquemment ne lisons-nous pas une histoire de fourberie insigne plutôt que le roman des phénomènes occultes ? […] Seulement, alors, nous avons à examiner tout bonnement des phénomènes de psychologie un peu morbide. […] répondra une nouvelle fois Gilbert Augustin-Thierry ; appelez phénomènes psychologiques les faits que le spiritisme signale, vous ne les démentez pas pour cela. […] Ce fut, cette impopularité, un phénomène de qualité, en quelque sorte, légendaire.
On voit dans ces mêmes évènements une révélation de l’esprit du siècle, on les considère comme des phénomènes intéressants de l’histoire du jour, jusqu’à ce qu’ils disparaissent pour faire place à de nouveaux phénomènes. […] Pour cela j’utiliserai ce phénomène assez fréquent, que deux auteurs d’âge et de caractère différents s’attaquent en même temps au même sujet. […] Est-ce chez moi un phénomène morbide, ai-je hérité de la maladie de Thackeray, peut-être, mais je sens partout des snobs et du snobism. […] C’est ainsi que les phénomènes morbides du corps humain ne présentent pas un caractère différent de ceux que l’on observe dans son état de santé. […] Et c’est un ensemble de phénomènes portés à leur tension la plus haute, puis ramenés à un état d’indifférence complète.
ou les premières idées de la vie ont-elles pour base, ainsi que les éléments de toute science et de tout art, quelques phénomènes acquis par les sens ? […] Sur chacun de ces phénomènes, il rapporte les sentiments des philosophes ; il les combat ou il les appuie, et substitue souvent ses conjectures à leurs opinions ; mais le moraliste suspend de temps en temps le rôle du physicien, et le spectacle de la nature ramène le stoïcien à son texte favori : les devoirs de l’homme. […] Observer les phénomènes, les décrire et les enregistrer, voilà le travail préliminaire ; et plus on y sacrifiera de temps -, plus on approchera de la vraie solution du grand problème qu’on s’est proposé. C’est par ce moyen, et par ce moyen seul, que l’intervalle qui sépare les phénomènes se remplira successivement par des phénomènes intercalés ; qu’il en naîtra une chaîne continue, qu’ils s’expliqueront en se touchant, et que la plupart de ceux qui nous présentent des aspects si divers, s’identifieront. […] Si nous possédions le recueil complet des phénomènes, il n’y aurait plus qu’une cause ou supposition.
Brunetière ont fait : le premier, en poussant sa recherche au-delà de l’individu, en déterminant l’individu par la race, le milieu, le moment, anéantissait à vrai dire l’individu, qui n’était plus qu’un faisceau de phénomènes accidentellement formé par le concours des trois ordres de causes générales. […] Aujourd’hui donc, certains individus apparaissent comme des centres où se sont rencontrées des séries de phénomènes jusque-là parallèles ou divergentes : par exemple la série jansénisme a rencontré dans Racine la série tragédie. […] S’il m’était permis d’user d’une notation analogue à celle que l’on a récemment appliquée à la sociologie, je dirais que, pour connaître comme il faut la littérature, nous devons nous efforcer de détacher et de considérer le phénomène littéraire : tout le reste n’est qu’un appoint, un secours, ou un amusement. […] Le Sage apparaissait soudain, comme un phénomène singulier, dans un siècle qui semblait déjà orienté vers l’Angleterre.
D’ailleurs, c’est une règle constante que les petits-enfants délaissent ce qui a fait la joie des grands-pères, et il est non moins prouvé que les grands-pères ne s’expliquent jamais ce phénomène. […] Sont-elles autre chose que d’harmonieux phénomènes émanés de causes vicieuses qui s’amendèrent jusqu’à telle vertu réalisée ? […] Dans son dernier roman, Un Caractère, il étudie les phénomènes les plus compliqués de l’hypnotisme. […] Nous en sourions, car il souligne ainsi le plus récent de nos triomphes : la pénétration, par la science, des phénomènes hypnotiques. […] Bonnetain s’intéresse, de préférence, à l’étude des phénomènes de la suggestion.
Ce très simple phénomène : tant que nous n’avons pas eu à fixer vivement une idée qui nous ait profondément émus, le mot, dans le cimetière du lexique, nous a paru le signe suffisant de la chose à signifier. […] Car l’absolu ne saurait se décomposer et s’acquérir pièce à pièce, et ce quelque chose de sentant et de pensant dans la durée que je suis, ce quelque chose de successif, de composé, dont les diverses parties ne sont reliées que par les mystérieux phénomènes de la mémoire, n’est point en état de concevoir par soi-même l’absolu de la vérité.
Quelques autres phénomènes concernant les instincts viennent encore appuyer plus fortement mes opinions. […] Les phénomènes psychiques de la vie animale nous échappent complétement et nous échapperont peut-être toujours, ou du moins ne pourrons-nous jamais les connaître que par induction ou par analogie ; mais il faut pour cela que même la psychologie humaine soit plus avancée et plus sûre d’elle-même, qu’elle ait procédé pendant longtemps de fait en fait par observation et par expérience, et non en se laissant dominer, comme elle l’a toujours fait jusqu’aujourd’hui, par des données à priori sur l’essence de l’âme, sur son origine et ses destinées.
Or elle n’était chez Spencer que la généralisation d’une thèse, présentée dans ses premiers travaux, sur le progrès social : l’étude des sociétés l’avait d’abord exclusivement préoccupé ; il ne devait venir que plus tard aux phénomènes de la vie. […] Les faits suggèrent une hypothèse bien différente ; et si on l’admet, les phénomènes signalés par la « science psychique », ou du moins certains d’entre eux, deviennent tellement vraisemblables qu’on s’étonnerait plutôt du temps qu’il a fallu attendre pour en voir entreprendre l’étude.
Croce ; sans doute, au sens propre du mot, il n’y a pas plus de spontanéité dans la création artistique et intellectuelle qu’il n’y en a dans la génération physique ; tous les phénomènes sont les effets nécessaires d’une combinaison de causes ; mais puisque, chez l’homme en particulier, ces causes et combinaisons infiniment variées nous échappent, nous pouvons fort bien en pratique parler de spontanéité, pour opposer, au processus certain des quelques éléments que le chimiste combine dans une cornue, le mystère de l’âme humaine qui tend à la liberté par un effort de volonté consciente. […] Je concède volontiers à D’Annunzio qu’il est un « phénomène », unique même, s’il y tient ; cet éloge suffit sans doute à sa vanité que mes critiques de pauvre homme ne sauraient inquiéter.
Durant les six années suivantes (1774-1780), l’esprit de Cowper et ses facultés effrayées vont se recueillir et se relever peu à peu, jusqu’à ce qu’il arrive insensiblement à les posséder dans toute leur force et dans toute leur grâce, et à trouver pour la première fois (phénomène singulier !)
Il trouve des expressions significatives pour rendre l’espèce de répulsion et de frayeur qu’il avait produite : « Un silence profond de ceux qui étaient auparavant mes amis dans les lettres, et qui m’ont abandonné depuis, comme si je les avais offensés de leur avoir donné de mes livres, m’a fait assez apercevoir du sentiment public sur ce sujet26. » Je ne sais si l’on trouverait un autre exemple, un autre cas aussi caractérisé de discrédit que celui de Marolles ; c’est un phénomène à étudier dans son genre.
La distraction, l’apparence, le phénomène, les entraînements littéraires et politiques, le prestige épanoui des arts, l’érudition spéciale et même ingénieusement futile, une succession, un mélange diversifié de passions brûlantes, de manies exquises, de dilettantismes consommés, il a tout traversé, et s’est pris à chaque attrait sans s’arrêter à aucun.
Deux faits notables, deux phénomènes littéraires, sont venus, l’un pas plus tard qu’hier, l’autre depuis quelques années déjà, fournir à l’attention avide un sujet, un aliment tant désiré, sur lequel on a vécu à satiété et qui, par bonheur (cela reste vrai du moins pour l’un des deux), n’est pas près de s’épuiser encore.
En tout cas, l’élimination de l’histoire et l’extinction du lyrisme, au début du xviie siècle, sont deux phénomènes qui annoncent la prochaine floraison de l’esprit classique.
Bourget est très nettement de ceux qui sont moins préoccupés du monde extérieur que du monde de l’âme, moins sensibles au plaisir de voir et de rendre la forme des choses ou les divers aspects de la mêlée humaine qu’à celui de décomposer des sentiments et des idées en leurs éléments primitifs et de remonter d’un phénomène moral à un autre, jusqu’à tant qu’il s’en trouve un qui soit irréductible.
Nulle idée d’un phénomène physique invariable dans le procédé qui le fait surgir.
L’homme, non plus seulement ajouté à la nature, comme Bacon définissait l’art, mais l’absorbant et l’incorporant, dramatisant ses phénomènes et substituant ses actions à ses forces ; toute la mythologie hellénique est là.