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823. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Du premier coup, Proust posa la main sur la peinture et en enduisit complètement son gant. […] Il semblait admettre que l’écran seul de Céleste eût pu le protéger de cette peinture ; il n’avait pas l’idée qu’il pût se défendre des choses, ni d’ailleurs non plus agir sur elles, par ses propres moyens. […] La peinture devait venir se coller à son gant et il n’y avait qu’un autre être s’interposant, le protégeant, qui pût empêcher cette adhésion du monde extérieur sur lui. […] Oui, je n’hésite pas à le dire, cet acharnement à comprendre, à dépasser l’apparence avec l’esprit, que je vous ai fait saisir, a fini par transformer un livre de pure réminiscence en une extraordinaire peinture de l’homme, des hommes, une peinture aussi vraie, aussi puissante, aussi approfondissante de nos abîmes, si j’ose dire, que les grandes œuvres classiques. […] Il me suffit de vous avoir marqué et fait sentir d’une part sa tendance à extraire de ses impressions quelque chose qui les transcende et d’autre part le résultat de cette tendance : à savoir le caractère d’admirable généralité que revêtent toutes ses peintures, soit du monde et des autres êtres, soit de sa propre âme.

824. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Le demi-jour qui l’éclaire n’empêche pas de reconnaître que c’est une excellente peinture. […] Une inscription court le long de la peinture et dit : Farceurs français et italiens depuis soixante ans et plus, peints en 1670. […] Molière a, dès longtemps, sur cette peinture, dépassé la quarantaine. […] Lacroix attribue à Le Brun une peinture, conservée jadis à l’Hôtel de ville et brûlée aujourd’hui, qui représente Le Triomphe de Molière. […] La photographie nous a heureusement conservé cette peinture, reproduite aujourd’hui par la gravure.

825. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

parce qu’il n’y a dans tous ces romans ni naturel, ni poésie, ni vérité, tandis que l’Iliade est une peinture vivante de la nature et des passions : les personnages n’en sont pas polis, mais ils sont vrais : la nature y paraît grossière, mais c’est la nature : souvent même, la grande et belle nature s’y trouve. […] Est-ce ailleurs que dans le cœur humain que l’auteur de Cinna avait puisé cette admirable peinture de la colère et de la vengeance, qui luttent dans le cœur d’Auguste contre la générosité et la grandeur d’âme ? […] Il n’y a point dans tout l’art dramatique de faute aussi légère que celles qui ne consistent que dans un excès de naturel et de vérité, dans une peinture trop fidèle des mœurs. […] De grands connaisseurs en tragédie ont fait un crime à Racine de la vérité qu’il a mise dans la peinture de Mithridate ; ils ne veulent pas qu’un prince tel que Mithridate, naturellement rusé, emploie la ruse pour surprendre les secrets de Monime et pénétrer dans son cœur, lui qui savait si bien l’employer pour surprendre les secrets des ennemis et pénétrer dans leurs villes. […] Les gens de goût, les connaisseurs délicats n’aiment point qu’on les bourre de préceptes tout crus ; ils n’admettent que les leçons qu’ils savent tirer eux-mêmes de la peinture des mœurs de la société.

826. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Point de cette amertume qui force le trait et noircit les peintures. […] Je comprends très bien les critiques, comme Joubert par exemple, qui n’admettent pas ces peintures de l’humanité moyenne, et ne trouvent jamais assez de délicatesse et de distinction dans la littérature. […] Avant Marivaux il y avait eu des amoureux sur notre théâtre comique ; seulement il n’y avait pas eu de peintures de l’amour. […] Sous le sceptique aimable et léger, curieux d’observation mondaine, d’histoire naturelle, de peintures scabreuses et de malices irréligieuses, il y a un homme qui est attiré vers quelque chose de solide et de grave. […] D’autres ont un génie de persuasion, un génie d’émotion, un génie de peinture, un génie d’exaltation ou de mélancolie, ou de vérité ou de logique.

827. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Shakspeare imagine avec abondance et avec excès ; il répand les métaphores avec profusion sur tout ce qu’il écrit ; à chaque instant les idées abstraites se changent chez lui en images ; c’est une série de peintures qui se déroule dans son esprit. […] On s’arrête avec stupeur devant ces métaphores convulsives, qui semblent écrites par une main fiévreuse dans une nuit de délire, qui ramassent en une demi-phrase une page d’idées et de peintures, qui brûlent les yeux qu’elles veulent éclairer. […] Cette nature des mœurs et cette énergie de la peinture indiquent une même faculté, unique et excessive, que le style a déjà montrée. […] Mon ambition est d’avoir un habit bariolé comme lui308. » Un instant après, il revient à ses dissertations mélancoliques, peintures éclatantes, dont la vivacité, explique son caractère et trahit Shakspeare, qui se cache sous son nom. […] La comédie, promenée dans une fantasmagorie de peintures, s’égare à travers le vraisemblable et l’invraisemblable, sans autre lien que le caprice d’une imagination qui s’amuse, décousue et romanesque à plaisir, opéra sans musique, concert de sentiments mélancoliques et tendres qui emporte l’esprit dans le monde surnaturel et figure aux yeux, par ses sylphes ailés, le génie qui l’a formée.

828. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Ce qui différencie la pièce de Victor Hugo, de celles de Musset et de Lamartine, c’est que, chez Victor Hugo, l’expression du sentiment tient beaucoup moins de place que la peinture du cadre, du décor. […] Il l’avait été en réalité ; il avait commencé par l’être dans un atelier de peinture. […] Théophile Gautier était un bon peintre en vers ; c’est pourquoi il a déclaré qu’il fallait peindre en vers et que la poésie doit être une rivale de la peinture : rivale de la peinture, et aussi de la sculpture, et aussi de la gravure sur médailles, et aussi des émaux, et aussi des camées. […] Faire de la poésie la rivale de la peinture et de la sculpture, c’est la condamner d’avance à être toujours battue. […] Puis, comme c’est un matin froid Où l’eau gèle dans la rigole, Et comme il faut que l’enfant soit En état d’entrer à l’école, Écartant le vieux châle noir Dont la petite s’emmitoufle, L’aînée alors tire un mouchoir, Lui prend le nez et lui dit : « Souffle. » Et si vous ne saviez pas encore pourquoi la poésie a été inventée, vous le savez maintenant, c’est pour exprimer de pareilles opérations… Je crains donc que François Coppée ne se soit souvent trompé dans l’exécution, et qu’ayant eu une idée très juste, à savoir, que les humbles, les petits ont droit à la vie littéraire, il n’ait cherché l’intérêt de ses peintures dans l’extérieur, dans les détails qui, par eux-mêmes, n’ont rien d’intéressant, et non pas dans l’intérieur, dans les sentiments qui, eux seuls, méritent de nous arrêter.

829. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Le mot, dans ses diverses acceptions, ne s’est vu accueilli que plus tard ; il n’est entré au cœur de la langue que par voie un peu détournée et sous le couvert de la peinture. […] « La netteté, on l’a dit depuis, est le vernis des maîtres. » Aristote donnait, entre autres éloges, cette louange à Homère ; il lui reconnaît une qualité entre mille autres, qu’il définit très-bien par le mot ένάργεια, lequel signifie une peinture toute distincte, toute pleine d’évidence, de lumière et de clarté : blancheur, éclat parfait, comme venant άργός, d’où argentum.

830. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

A la contemplation de ces scènes voisines et déjà fabuleuses qui se confondaient avec nos premiers rêves du berceau, l’imagination s’est enrichie de couleurs encore inconnues ; d’immenses horizons se sont ouverts de toutes parts à de jeunes audaces pleines d’essor ; en éclat, en puissance prodigue et gigantesque, la langue et ses peintures et ses harmonies, jusque-là timides, ont débordé. […] On avait fait de Mirabeau de brillantes et fantastiques peintures ; Dumont venait qui remettait deux ou trois verrues à leur place sur ce grand visage, et il a été honni.

831. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Au milieu de cette peinture effroyable surgit un groupe familier et presque comique. — « Pêle-mêle, des fruits de toute sorte jonchent le sol ; affligeant spectacle ! […] L’anachronisme apparent des romanciers et des imagiers gothiques accoutrant la Destruction de Troye la Grant ou les Proësses et vaillances du Preux Héraclès, des titres et des armures de la Chevalerie, redevient presque une peinture exacte.

832. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Il publia des observations qui renferment une critique vive, des peintures choquantes dont cet ouvrage est rempli. […] Antoine, & une peinture fidéle des Monastères & de la vie des anciens Moines.

833. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Les hommes, dans tous les ordres d’idées et de faits, ne sont grands que parce qu’ils affirment, et la peinture elle-même est une affirmation, quand elle est de la grande peinture.

834. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Michelet, qui se permit autrefois la grande indécence dans ses peintures d’histoire, a l’air de vouloir se purifier en ces honnêtetés touchantes. […] En choses charmantes, on y rencontre, entre autres, un jugement poignant de vérité et de regrets sur le génie de Géricault, — le lord Byron de la peinture, — et sur le sentiment, quel qu’il fût, qui tua son génie, dans sa force.

835. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

La passion n’y a pas plus de profondeur que l’observation, et la peinture plus de profondeur non plus que la passion et l’observation, et enfin la morale — car ce roman veut être moral — plus de profondeur à son tour que la passion, l’observation et la peinture.

836. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Or, précisément au delà de ce point, bien que certes l’éclat de peinture fût loin de défaillir, l’intérêt et le charme s’évanouissaient.

837. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Le tonnerre serein de la grande semaine et quelques vers d’André Chénier, dont le rhythme lui est revenu à l’oreille, ont décidé de sa vocation, et tout cet amas de verve et de peinture a débordé.

838. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Tous traités spéciaux qui concerneraient l’art de la peinture sur verre, la fabrication ou l’emploi des couleurs, les teintures sur laine et sur soie, seraient encore d’une valeur inestimable pour la science et l’art modernes.

839. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

et ce n’est qu’une bière Peinture délicate et originale de la douleur d’une mère dont l’espoir est trompé !

840. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

Il y avait madame de La Fayette, madame Scarron, Segrais, Caderousse, l’abbé Testu, Guilleragues, Brancas. » Nous aurons peut-être occasion de parler plus tard de l’étrange passion de ce comte de Brancas pour madame de Coulanges ; passion qui, lorsque le roi passait insensiblement de la galanterie à la piété, c’est-à-dire de madame de Montespan à madame de Maintenon, prit une couleur de dévotion bizarre, dont il n’appartenait qu’à un courtisan de concevoir l’alliage avec la galanterie, et à la plume de madame de Sévigné de faire la peinture.

841. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

L’on aura désigné ainsi par le dehors et le dedans, ta sorte d’Athénien, par exemple, qui s’attachait à Aristophane, et celle qui se sentait exprimée par Euripide ; le citadin de la renaissance italienne dont les goûts allaient aux peintures sévères de l’école florentine, et l’habitant de Venise qui, charmé d’abord par le colorisme des Titien et des Tintoret, versa dans les luxurieuses mythologies de leurs successeurs ; de l’habitué des concerts du dimanche à Paris qui, penché toute la semaine sur quelque besogne pratique, retrouve une fois par semaine une âme enthousiaste et grave, digne de s’émouvoir aux hautes passions d’un Beethoven, au religieux naturalisme de Wagner, au trouble de Berlioz.

842. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

La peinture du chat tirant les marrons du feu, est digne de Téniers.

843. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

M. de L’Épinois aurait pu se permettre cette immense peinture et ne pas changer une seule syllabe à son titre ; car le gouvernement des Papes et le gouvernement de l’Église intégrale, c’est tout un.

844. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

… Quand nous nous en allons en égoïstes Contemplations de toutes sortes, quand nous ne méditons que sur nous-mêmes, quand la poésie du moi, dans la littérature du xixe  siècle, suit la philosophie du moi, comme le laquais suit son maître, nous trouvons nouveau et excellent ce titre impersonnel et viril qui nous promet des peintures saines et mâles, des mœurs naïves et touchantes et des sentiments de héros.

845. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Il n’aurait jamais su enfermer, comme Dante, tout un monde dans un seul mot, dans la facette de bague d’une épithète, reluisant, comme un grenat sombre, à la fin d’un vers… Ronsard, au contraire, est un diffus et un bouillonnant de lumière, répandant autour de lui le son et la peinture : spargens sonum et picturam , et c’est par là, c’est par ce genre de génie et par l’abus de ce génie, qu’il règne encore sur nous, sur l’imagination débordée, décadente et désespérée d’une époque qui a lâché tous les freins et toutes les ceintures.

846. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Chef-d’œuvre de suavité en ses peintures rapides, sillonnées par des traits qui rappellent la double présence de l’idéalité qu’on admire et qui plane toujours sur le naturel qu’on adore !

847. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Lui, il voudrait que le prêtre restât toujours grand pour l’histoire, et s’il ne l’est pas, il en souffre… Seulement, impartial comme l’artiste sincère, il le peint ce qu’il le voit, par amour de la peinture vraie ; et s’il en souffre, il ne s’en venge même pas en forçant le trait.

848. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

A coup sûr, jamais les doctrines, ou plutôt l’absence de doctrines que nous combattons : l’égoïsme sensuel, orgueilleux et profond, l’immoralité par le fait, quand elle n’est pas dans la peinture et dans l’indécence du détail, le mépris réfléchi de tout enseignement, la recherche de l’émotion à outrance et à tout prix, et le pourlèchement presque bestial de la forme seule, n’ont eu dans aucun homme de notre temps, où que vous le preniez, une expression plus concentrée et plus éclatante à la fois que dans Edgar Poe et ses œuvres.

849. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

La peinture qu’il fait du duc de Bourgogne fera éternellement désirer aux peuples d’avoir un maître qui lui ressemble.

850. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Il dut s’élever un Ménandre, pour porter sur la scène, à défaut des peintures de feu et des fantaisies d’Aristophane, l’observation d’Aristote et de ses élèves.

851. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

D’autres l’ont pensé ; nous ne le croyons pas ; ces peintures de la vie et du cœur, ces récits chers surtout aux jeunes gens et aux jeunes femmes, ne doivent pas plus abuser des choses saintes et sacrées que les hommes du monde ne doivent jouer avec les vases de l’autel. […] Quelques teintes locales, prises au hasard, peuvent donner une idée du ton général de cette peinture. […] Maintenant descendez des hauteurs philosophiques dans le roman et dans le monde ; appliquez le mysticisme au plus mensonger des sophismes de l’amour coupable et à la plus dangereuse de ses peintures, et vous aurez l’amour platonique, tel que l’a compris M. de Balzac ; vous aurez la liaison de M.  […] Par bonheur encore, un peu de ridicule se mêle à ces séduisantes peintures. […] Comment ne s’est-il pas dit que par ces licencieuses peintures il perdait le droit des larmes ; que cet accouplement monstrueux d’un deuil de père et des roses fanées d’amours court-vêtus révolterait les lecteurs les moins scrupuleux et détruirait d’avance l’effet de ses gémissements ?

852. (1900) Molière pp. -283

Cette puissance d’observation et de généralisation, elle éclate surtout, d’une manière effrayante, chez Molière, dans la peinture des sexes. […] Cette impartialité de Molière est tout aussi grande dans la peinture des conditions. […] Oui, c’est Armande, c’est évidemment Armande qui lui inspire, dans L’École des femmes, cette peinture de l’amour absolument ridicule en lui-même, mais qui, à force d’être vrai, sincère, devient à certains moments pathétique. C’est encore Armande qui lui inspire dans le rôle d’Alceste cette peinture de l’amour noble, élevé, et, quant à son objet, fourvoyé, qui ne peut éviter par moments une teinte de ridicule, qui est comme l’empreinte de l’indigne objet auquel il s’attache. […] Plus ils sèment d’amusement sur la peinture des passions mauvaises et des sentiments mesquins, plus ils en tirent d’incidents comiques, soyez persuadés que plus ils en ressentent d’horreur et de dégoût.

853. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Pour fixer son attention, on se sert d’ordinaire d’une petite intrigue, qui est communément un mariage ; mais ce n’est point assez, il faut encore le réveiller sans cesse et l’attacher par des traits piquans, des scènes vives, des peintures, des incidents nouveaux. […] Il est le principal ressort de celles de Plaute et de Térence ; et on trouve chez eux des peintures très savantes de cette passion. […] S’il est peint avec force et vérité, il aura toujours, comme certains portraits, le mérite de la peinture, lors même qu’on ne sera plus en état de juger de la ressemblance. […] Elle demande, pour varier et pour embellir ce brillant spectacle, les mêmes licences que la muse épique s’est données ; et, appelant à son secours la musique, la danse, la peinture, elle nous fait voir, par une magie nouvelle, les prodiges que sa rivale ne nous a fait qu’imaginer. […] De telles peintures demandent une musique naïve, des airs simples, un chant uni, une symphonie douce et tendre ; mais ce genre semble épuisé parmi nous, et n’avoir plus rien que de fade et de monotone.

854. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

C’est dans les chroniques et les romances espagnoles que l’on voit bien tout ce que la langue nationale met de vérité dans la peinture du moyen âge. […] Mais ne médisons pas d’un grand poëte, bien que ses peintures aient plus d’éclat que de vérité. […] Combien du reste ce récit est une vive peinture du moyen âge, dans une de ses grandes et singulières entreprises ! […] Mais le grand intérêt de ce livre, c’est la peinture historique ; c’est le rapprochement des Grecs et des Francs, opposés et réunis dans un même récit. […] Je n’achève pas ce récit ; vous vous figurez sans peine le prix de cette peinture naïvement originale et où tout est poétique, parce que rien n’est inventé.

855. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Être vraie dans la peinture, voilà sa dernière visée et son but suprême. […] Nous croyons qu’on peut admettre dans la poésie ces caprices bouffons comme on admet les arabesques en peinture. […] Un sonnet demande un plan comme un poëme épique, et ce qu’il y a de plus difficile à composer, en poésie comme en peinture, c’est une figure seule. […] Les Étables d’Augias, qu’on peut lire dans le Parnasse contemporain, sont faites avec la certitude de trait, la simplicité de ton et l’ampleur de style d’une peinture murale. […] Dans la peinture du manoir de Corbus à demi ruiné et attaqué par les rafales et les pluies d’hiver, le poëte atteint à des effets de symphonie dont on pouvait croire la parole incapable.

856. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Fénéon se prouvait, il y a plus de dix ans, non seulement juge hardi de la peinture nouvelle, mais excellent écrivain. […] Elle se fit assez vite (des Esseintes y avait déjà contribué) du précis à l’imprécis, du grossier au doux, du reps à la peluche, du fait à l’idée, de la peinture à la musique. […] Observer la vie un peu de loin, sans prendre part au combat des intérêts, comme s’il s’agissait d’une autre race, c’est la première règle de l’écrivain réaliste ; il ne doit mettre aucune passion dans ses peintures. […] en les sueurs et le hâle : et l’odeur, l’aiguë odeur d’engrais vit, et de terre grasse et de glu de marais qu’emporte dans son poil la taure allant au mâle giglant lié aux portes sourdes, tout vermeil… C’est de la peinture à pleine pâte, jetée fougueusement, aplatie au couteau sur la toile comme sur une palette. […] et que signifie sa peinture ?

857. (1864) Études sur Shakespeare

Après avoir, dans Adonis, employé les couleurs les plus lascives à la peinture d’un désir sans effet, c’est avec la plume la plus chaste, et comme une sorte de réparation, que Shakespeare a décrit dans Lucrèce les progrès et le triomphe d’un désir criminel. […] Si, du temps de Shakespeare, un autre homme que lui eût su, dans la peinture des sentiments naturels, unir à ce point la force et la vérité, l’Angleterre eût compté alors un poète de plus. […] Dramatique dans la peinture des jeux d’une mère avec son enfant, simple dans la terrible apparition qui ouvre la scène de Hamlet, le poëte ne manquera jamais aux réalités qu’il doit nous peindre, ni l’homme aux émotions dont il veut nous pénétrer. […] Si l’illusion matérielle était le but des arts, les figures de cire de Curtius surpasseraient toutes les statues de l’antiquité, et un panorama serait le dernier effort de la peinture. […] Peut-être même l’art aurait-il à redouter de leur part trop d’efforts pour le servir ; qui sait si une trop brillante magie de peinture, employée à rehausser l’effet des décorations, n’affaiblirait pas l’effet dramatique en détournant l’attention vers les prestiges d’un autre art ?

858. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Eux aussi croient connaître assez l’homme, ses mobiles intérieurs, ses motifs secrets d’action, ses passions, ses instincts ; et ils ne s’attachent en tout, comme Voltaire, qu’à la peinture des mœurs. […] C’est à peu près ainsi que le génie des grands maîtres de la peinture italienne n’avait pu préserver leur art d’aboutir à la rhétorique des Carrache, et, dans un monde tout nouveau, le naturalisme hollandais de succéder à leur humanisme. […] Le Romancier. — Les Effets surprenants de la sympathie, 1713-1714 ; — La Voiture embourbée, 1714 ; — et, à cette occasion, de la pauvreté d’imagination de Marivaux ; — la Vie de Marianne, 1731-1741 ; — et Le Paysan parvenu, 1735-1736. — Caractères essentiels des romans de Marivaux. — Ce sont des romans réalistes ; — par la condition des personnages, — ordinairement bourgeois ou même au-dessous du bourgeois ; — par la simplicité de l’intrigue ; — par la fidélité de la peinture de la vie commune […] De l’utilité de ces détails pour l’intelligence des romans de Prévost : — il a vraiment vécu son œuvre ; — les hasards de sa vie en expliquent le décousu ; — et ce qu’il n’en a pas vécu, il l’a moins « imaginé » que « senti ». — Du caractère sombre et mélodramatique des romans de Prévost ; — et combien ils diffèrent des romans de Le Sage et de Marivaux. — La passion de l’amour dans les romans de Prévost ; — comment elle les remplit à peu près uniquement ; — et qu’elle y affecte les mêmes caractères de soudaineté ; — de violence ; — et de fatalité que dans les tragédies de Racine. — Que là même, et non pas du tout dans une peinture de la fille ou de la courtisane, est le mérite éminent de Manon Lescaut. — La peinture des mœurs dans les romans de Prévost ; — et combien elle y est insignifiante ou superficielle. — Les romans de Prévost sont des romans idéalistes ; — nullement psychologiques d’ailleurs ; — et le style en est celui de la passion ; — c’est-à-dire, tantôt capable de la plus haute éloquence ; — et tantôt de la pire banalité ; — toujours facile d’ailleurs, harmonieux, abondant et prolixe. […] 2º Le Poète ; — et que, bien que son œuvre n’ait paru qu’après sa mort, — c’est pourtant le lieu d’en parler ; — si beaucoup de ses contemporains l’ont en partie connue ; — ou imitée même, comme Millevoye ; — et si les traits essentiels en sont caractéristiques d’une renaissance du classicisme, — dont l’Histoire de l’art, de Caylus ; — la peinture de David ; — et le Voyage du jeune Anacharsis de l’abbé Barthélémy subsistent comme autant de témoins. — Rien de plus faux en conséquence que de voir dans André Chénier un « précurseur du romantisme » ; — et au contraire la juste idée que nous devons nous former de lui, — ce n’est pas seulement celle d’un Boileau ou d’un Malherbe inspirés ; — mais d’un Ronsard, — qui aurait lu Voltaire, Montesquieu, Buffon ; — Buffon surtout peut-être ; — et plus moderne enfin de deux cent cinquante ans que l’ancien.

859. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

  Mais la Littérature Artificielle comme d’ailleurs le Préraphaélisme et le Symbolisme en peinture n’auront été qu’une crise pathologique traversée par notre organisme intellectuel. […] Ainsi l’art du poète fut, au début, descriptif ; et, alors, soit qu’il esquissât, avec une maîtrise d’expression toujours croissante, les portraits de ses Moines ascétiques, figés dans leur rigide et tombale stature, soit qu’il s’essayât à évoquer les vieux cloîtres féodaux et gothiques, ou à chanter, en fresques d’un sombre éclat, les tragiques aspects de ses Soirs, le souci qui le dominait fut, sans cesse, celui-ci : limiter la poésie à la peinture, à la stricte impression, par l’artifice du verbe, des formes et des couleurs. […] De ce grand événement social, auquel nous assistons, le plus important qui soit en cette époque, Émile Verhaeren nous a donné de ténébreuses et lamentables peintures. […] Et, considérant dans son œuvre quelle influence elle pourrait avoir sur la peinture, un jeune penseur de Flandre, M. 

860. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Les deux articles sur la peinture, d’André Thérive et Roger Allard (contributeur de La Nouvelle Revue française, et l’un des seuls à trouver grâce aux yeux de Florent Fels) sont accompagnés d’abondantes illustrations qui ponctuent la revue. […] André Thérive se révèle opposé au cubisme, trop intellectuel, et promeut le compromis entre sensation et construction que représente par excellence à ses yeux la peinture de Derain. […] Rien n’est plus vrai que les peintures et les analyses du poète ; mais tout est recréé par lui dans l’ordre plus pur et plus grand de la passion achevée. […] Telles étaient les instructions, que chaque occupant de ces lieux reclus y avait ses attributs et son utile emploi, comme vous le montre une règle de ce temps : « Que l’un corrige le livre que l’autre a écrit ; qu’un troisième trace les ornements à l’encre rouge ; que celui-là se charge de la ponctuation, celui-ci des peintures ; que cet autre colle les feuilles et relie les livres avec des tablettes de bois.

861. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Pourquoi, lassé trop tôt dans une heure de doute, Peinture bien-aimée, ai-je quitté ta route ?

862. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Mais combien Montesquieu, par l’expression énergique de la pensée ; Rousseau, par la peinture éloquente de la passion, n’ont-ils pas enrichi l’art d’écrire en français !

863. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Et s’ils font des peintures saisissantes, des dialogues émouvants avec des incidents insignifiants, et des mots inexpressifs, c’est que l’adoption même de ces détails, de ces mots, leur accueil et leur place dans le cadre que l’auteur a tracé, leur donnent une signification d’autant plus profonde, une expression d’autant plus intense, qu’elles sont plus inattendues.

864. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Il relit un de ses cahiers, il en est content et il ajoute : « Il y a quelquefois des moments de profondeur dans la peinture de mon caractère. » Il vient de prendre une leçon de déclamation : « J’ai joué la scène du métromane avec un grand nerf, une verve et une beauté d’organe charmantes.

865. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Pour l’exactitude aisée de ses peintures, Alfred Capus est notre premier annotateur de mœurs, et, autant que d’un siècle au suivant on peut comparer, pas inférieur au glorieux Lesage.

866. (1890) L’avenir de la science « VI »

Quand on songe que chaque petite ville d’Italie au XVIe siècle avait son grand maître en peinture et en musique, et que chaque ville de 3 000 âmes en Allemagne est un centre littéraire, avec imprimerie savante, bibliothèque et souvent université, on est affligé du peu de spontanéité d’un grand pays, réduit à répéter servilement sa capitale.

867. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

La Poésie n’a jamais été & ne sauroit être regardée que comme une imitation de la Nature, la peinture des objets & des passions : le but du Poëte doit donc être de peindre.

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