Ses Poésies recueillies bordent aujourd’hui les Quais, après avoir occupé quelques pages dans le Mercure, & avoir fait dire à M. l’Abbé le Blanc, qui étoit sans doute son ami : Quand je lis ces Ecrits où ta plume s’exerce A peindre avec tant d’art les amoureuses loix, Je croirois lire Ovide, ou Tibulle, ou Properce, Si l’un des trois, jadis, eût fait des vers François.
Ses Préjugés du Public forment trois volumes, & pourroient être réduits à trois pages ; encore n’y trouveroit-on aucune pensée piquante & bien écrite.
En parcourant les pages heureuses de ce petit volume, on reconnaît que l’auteur appartient à la famille littéraire de Brizeux, de Charles Dovalle et d’Hégésippe Moreau, dont les vers discrètement émus chantent longtemps dans la mémoire.
Depuis les Mémoires de Saint-Simon, qui ne s’attendait guère, le noble duc, à ces ovations finales de vaudeville (s’il l’avait su, de colère il en aurait suffoqué), jusqu’à ce qu’on appelle les Mémoires du duc de Richelieu et contre lesquels s’élevait si moralement Chamfort, plus que rongé pourtant des mêmes vices ; dans toutes ces pages on taille aujourd’hui à plaisir, on découpe des sujets romanesques ou galants, on prend le fait, on invente le dialogue : ici serait l’écueil si le théâtre n’avait pas ses franchises à part, si ceux qui écoutent étaient les mêmes tant soit peu que ceux qui ont vécu alors ou qui ont vu ce monde finissant. […] M. de Maistre, qui, dans admirables pages sur l’art chrétien, s’est pris à regretter que Molière, avec sa veine, n’ait pas eu la moralité de Destouches, est tombé, contre son ordinaire, dans une inadvertance ; il a demandé là une chose impossible et contradictoire.
Quelques pages de vers écrites à l’instant du doute, nous révèlent le drame de son cœur et de son cerveau, et ce drame a été joué en chacun de nous par des acteurs muets qui sont la Crainte et l’Espoir, le généreux désir qui veut, la lâcheté qui hésite devant la vie, et notre faiblesse qui écoute et regarde. […] Cette opposition, qu’on retrouverait aussi dans le caractère des deux hommes, me paraît assez nettement sensible pour que, au long des pages de cette étude, je ne croie pas nécessaire de la rappeler chaque fois qu’elle peut se sous-entendre ; je n’indiquerai que sommairement en elle la cause des oppositions secondaires de méthode, de réalisation lyrique et plastique et de technique de MM. de Régnier et Griffin.
, font l’effet maintenant de ces roses qu’on a mises entre les pages d’un livre et qu’on y retrouve aplaties, jaunies, n’offrant plus qu’un squelette de rose avec une odeur de mort… de rose… il est vrai… mais de mort. […] Je l’ai déjà signalée, mais je veux la donner comme elle la donne elle-même, à sa première page, dans ce style qui a vieilli, mais qui ne s’est pas bonifié en vieillissant : « Ô vous que la nature et l’art ont favorisés !
L’Asie, où la femme errante a cru oublier tant de choses et, sinon comme elles, oublier la patrie, du moins en bercer et en assoupir l’idée douloureuse, l’Asie, avec ses éblouissements, sa nature radieuse et ses merveilles, n’est-elle pas à toute page de ce livre ce soleil qui navre le cœur de son impitoyable beauté, et les rayons, que les descriptions en rallument en vous, n’en apportent-ils pas contagieusement la tristesse ? […] Le parfum qu’elle a versé en gouttes sur ces pages envoyées d’Orient, n’est pas l’essence de ces roses enivrantes qui se renferme dans des cristaux, fleuretés d’or, pour le corsage des sultanes : c’est un parfum connu aussi en Occident et bien plus adhérent encore, car c’est l’odeur de toutes les roses de la vie qu’elle a coupées ou qui sont mortes et que, sous toutes les latitudes, elle emportera ou rapportera avec elle, les respirant toujours, mais ne pouvant plus s’en enivrer !
sur des cœurs moins forts et moins grands, et que des historiens comme MM. de Goncourt, par exemple, l’aient sentie d’avance, dès les premières pages de leur livre, mêler son noir aux roses et aux vermillons, parfois fatigants, de leur palette, et donner du profond à ces superficielles couleurs. […] Plus fine que tous ces Français, cette Allemande, qui semblait naïve quand elle faisait dire à ce vieux campagnard de génie, Mirabeau l’Ancien, père de Mirabeau le Superbe, quand elle lui faisait dire, dans son style magnifiquement bourru : « Je me suis dit que Louis XIV serait un peu étonné s’il voyait la femme de son arrière-successeur en habit de paysanne et tablier, sans suite, ni page, ni personne, courant le palais et les terrasses, demandant au premier polisson de lui donner la main, que celui-ci lui prête seulement jusqu’au bas de l’escalier.
sur des cœurs moins forts et moins grands, et que des historiens, comme MM. de Goncourt, par exemple, l’aient sentie d’avance, dès les premières pages de leur livre, mêler son noir aux roses et aux vermillons, parfois fatigants, de leur palette, et donner du profond à ces superficielles couleurs ! […] Plus fine que tous ces Français, cette Allemande, qui semblait naïve quand elle faisait dire à ce vieux campagnard de génie, Mirabeau l’Ancien, père de Mirabeau le Superbe, quand elle lui faisait dire dans son style, magnifiquement bourru : « Je me suis dit que Louis XIV serait un peu étonné, s’il voyait la femme de son arrière-successeur en habit de paysanne et tablier, sans suite, ni page, ni personne, courant le palais et les terrasses, demandant au premier polisson de lui donner la main, que celui-ci lui prête seulement jusqu’au bas de l’escalier.
Au lieu de cette conduite sage et chrétienne, je croyais que l’on pouvait professer ouvertement l’opposition, et j’avais la folie de voir sous un aspect avantageux les sociétés secrètes qui pullulaient en Italie. » Voilà, à toute page de la Correspondance, le langage de Silvio Pellico. […] Il s’agit d’un livre, le moins livre des livres, qui, en quelques pages d’une simplicité infinie, éteint une gloire dangereuse qu’on avait allumée, comme un phare, sur le donjon du Spielberg.
Lucien Perey et Gaston Maugras, forme deux énormes volumes de six cents pages, et enterre définitivement sous sa masse les deux éditions qui l’ont précédée et qu’elle va remplacer. […] L’abbé Galiani fit les délices d’une société charmante qui les lui rendit, et quand, par suite d’une indiscrétion diplomatique, car ce pétulant intellectuel, cette tête à feu et à fusées, ne pouvait pas être la tirelire à serrure des petits secrets politiques qu’il faut garder, il fut forcé de quitter cette société qui était devenue la patrie de son esprit, il la quitta comme on quitte une maîtresse aimée, et la Correspondance que voici atteste à chaque page ce sentiment presque élégiaque dans une nature si peu tournée à l’élégie, mais dont l’esprit souffre de regret comme un cœur !
dans cet énorme volume de cinq cent soixante pages, où la lumière passe sur toutes, mais ne se condense dans aucune, de manière à former ce noyau qu’il faudrait pour tout éclairer. […] Dans ces cinq cent soixante pages, y a-t-il autre chose que des généralités vagues dans une excellente direction, il est vrai, mais n’aboutissant pas au conseil précis que le législateur veut entendre, puisque, dans la magnanimité de son intelligence, il vient s’asseoir là, devant vous ?
Au lieu de cette conduite sage et chrétienne, je croyais que l’on pouvait professer ouvertement l’opposition, et j’avais la folie de voir sous un aspect avantageux les sociétés secrètes qui pullulaient en Italie. » Voilà à toute page de la correspondance le langage de Silvio Pellico. […] Il s’agit d’un livre, le moins livre des livres, qui, en quelques pages, d’une simplicité infinie, éteint une gloire dangereuse qu’on avait allumée, comme un phare, sur le donjon du Spielberg.
En cela moins fidèle (comme on peut le voir, page 76, dans une lettre du duc de Nemours), moins fidèle à l’esprit monarchique et traditionnel de sa race, que la maison d’Orléans à l’esprit et à la tradition révolutionnaires de la sienne. […] Il cite (page 99) les paroles mélancoliques et familières que Pie IX prononça un jour devant les membres du Sacré Collège, en se promenant dans les jardins du Vatican.
L’Asie même, cette vieille momie égyptienne de l’Asie, pourrait se réveiller, nous dit-il (page 166 de son livre). […] Sur la question à feu, en ce moment, de l’égalité entre les deux sexes, — ce ridicule préjugé physiologique et psychologique des femmes-hommes et des hommes-femmes de ce temps, — l’auteur de l’Être social (page 162) reconnaît que le jour n’est pas venu où le droit des femmes à la virilité triomphera.
Vous rappelez-vous cette page inouïe de Jean-Paul, dont le sublime transportait madame de Staël, quand, au Jugement dernier, il peint le désespoir des âmes qui auront vécu en Jésus-Christ sur la terre et compté sur le ciel pour prix des plus cruelles vertus, lorsqu’elles entendront une voix sortant des profondeurs de l’Infini, qui criera par tout Josaphat : Vous vous êtes trompés ! […] Eh bien, c’est cette même voix qui circule et qu’on entend dans les poésies de Bouchor, de ce poète athée qui pleure son dieu, comme Hécube pleurait ses enfants perdus, et que son athéisme rend tour à tour morne ou effaré… Seulement, le tableau effrayant de Jean-Paul ne dure que l’instant d’une page, zigzag de feu terrible qui tombe dans le gouffre sans fond du néant et nous éclaire ce trou vide !
n’a pas de l’originalité à toutes ses pages, mais qui en a une supérieure, quand il en a, Hégésippe Moreau, avec moins même qu’un volume, est entré, pour n’en plus sortir, dans la littérature de son siècle. […] Évidemment, en parcourant ces pages incorrectes et lâchées et ces vers dans lesquels l’émotion ne peut sauver le langage, on a senti que cette fantaisie ne tenait pas toute sa force, que cette langue de poète avait le filet… On ne le lui coupa pas et jamais il ne se l’arracha.
Anonyme Mac-Nab a publié un très joli et très coquet volume pour lequel Coquelin cadet a écrit six pages de préface, et qui porte ce titre étrange : Poèmes mobiles.
Cet été, en Bretagne, lorsque nous parcourions ensemble les pages inachevées de ce petit volume, j’hésitais à confier au libraire un travail — du genre ennuyeux — qui m’a coûté quelque peine et me vaudra peut-être chez nos amis une solide réputation de pédanterie.
Villemain, dans sa jolie page d’il y a trente ans, citée par M. […] Mais si, le doigt s’égarant, on remontait dans le volume à quelques pages de là, si on lisait à haute voix le portrait de Jean-Jacques : Hélas ! […] Rousseau a dit, par une pensée toute semblable, dans une page souvent citée : « La terre, parée des trésors de l’automne, étale une richesse que l’œil admire, mais cette admiration n’est pas touchante ; elle vient plus de la réflexion que du sentiment. […] Villemain, dans sa jolie page d’il y a trente ans, citée par M. […] Et il ajoutait (ce que je cache au bas de la page) : Et de ses larges flancs voit sortir à longs flots Tout un peuple d’abbés, pères d’abbés nouveaux !
J’ai reçu le volume il y a deux jours, et les pages en sont aussi froissées par mes doigts, avides de fermer et de rouvrir le volume, que les blonds cheveux d’un enfant sont froissés par la main d’une mère, qui ne se lasse pas de passer et de repasser ses doigts dans les boucles pour en palper le soyeux duvet et pour les voir dorés au rayon du soleil. […] Et maintenant relisons, si vous voulez, une troisième fois ensemble ; je vais feuilleter page à page ce divin poème épique du cœur de la Chloé moderne avec vous ; vous jugerez si le charme qui m’a saisi à cette lecture vient de mon imagination ou du génie de ce jeune Provençal. […] nous avons lu, depuis que nos cheveux blanchissent sur des pages, bien des poètes de toutes les langues et de tous les siècles. […] Pourquoi chez nous (et je comprends dans ce mot nous les plus grands poètes métaphysiques français, anglais ou allemands du siècle, Byron, Goethe, Klopstock, Schiller, et leurs émules), pourquoi, dans les œuvres de ces grands écrivains consommés, la sève est-elle moins limpide, le style moins naïf, les images moins primitives, les couleurs moins printanières, les clartés moins sereines, les impressions enfin qu’on reçoit à la lecture de leurs œuvres méditées moins inattendues, moins fraîches, moins originales, moins personnelles, que les impressions qui jaillissent des pages incultes de ces poètes des veillées de la Provence ? […] Sur chaque page de ce livre de lumière il y a une goutte de rosée de l’aube qui se lève, il y a une haleine du matin qui souffle, il y a une jeunesse de l’année qui respire, il y a un rayon qui jaillit, qui échauffe, qui égaye jusque dans la tristesse de quelques parties du récit.
Cependant le mérite sérieux de son histoire ne commence en effet à se faire sentir qu’à dater du moment où il s’appuie sur des chroniqueurs ou historiens de langue nationale : jusque-là il ne faut lui demander que des aperçus et des pages heureuses. Une de ces pages est celle qu’il a consacrée à Blanche, femme de Louis VIII et mère de saint Louis. […] Cette page de Mézeray est de celles qui rappellent le mieux la touche d’Amyot, treize ans avant Les Provinciales.
Telle est l’impression que me fait Massillon, lu aujourd’hui et étudié dans ses pages toujours belles, mais régulières et calmées. […] nous ne sommes que des comédiens. » N’oublions jamais que, dans cette éloquence si copieuse et si redoublée, chacun des auditeurs trouvait, à cause de cette diversité même d’expressions sur chaque point, la nuance de parole qui lui convenait, l’écho qui répondait à son cœur ; que ce qui nous paraît aujourd’hui prévu et monotone parce que notre œil, comme dans une grande allée, dans une longue avenue, court en un instant d’un bout de la page à l’autre, était alors d’un effet croissant et plus sûr par la continuité même, lorsque tout cela, du haut de la chaire, s’amassait, se suspendait avec lenteur, grossissait en se déroulant, et, ainsi qu’on l’a dit de la parole antique, tombait enfin comme des neiges. […] Est-ce Massillon, est-ce Bernardin de Saint-Pierre plus chrétien, est-ce Chateaubriand faisant parler le père Aubry à la mourante Atala, mais dans un langage plus pur et que Fontanes aurait retouché, — lequel est-ce des trois, on pourrait le demander, qui a écrit cette belle et douce page de morale mélodieuse, cette plainte humaine qui est comme un chant ?
Duplessis, que la mort a enlevé si inopinément et d’une manière si sensible pour sa famille et pour ses amis le 21 mai dernier74, avait préparé cette édition de La Rochefoucauld : c’est à lui qu’on en doit la distribution, l’ordre, les notes, toute l’économie en un mot ; il n’y manquait plus que quelques pages qu’il devait mettre en tête : on vient me demander, à son défaut, de les écrire et de le suppléer. […] Si M. de La Rochefoucauld avait voulu former un jeune homme à qui il se serait intéressé, le jeune duc de Longueville, à son entrée dans le monde, par exemple, il aurait pu lui faire lire ces pages pleines de conseils et de recommandations adroites, fondées sur la connaissance parfaite des esprits. […] [NdA] Se rappeler sa conversation avec le chevalier de Méré ; je l’ai citée au long au tome CXI des Portraits littéraires (édit. de 1864), pages 119 et suiv.
Il faut citer quelque chose de ces pages, qui égalent sur ce grand sujet ce qu’on a pu dire de mieux : Je ne suis pas de ceux, dit-il, qui, ayant dessein, comme vous dites, de convertir des éloges en brevets, font des miracles de toutes les actions de M. le cardinal, portent ses louanges au-delà de ce que peuvent et doivent aller celles des hommes, et, à force de vouloir trop faire croire de bien de lui, n’en disent que des choses incroyables ; mais aussi n’ai-je pas cette basse malignité de haïr un homme à cause qu’il est au-dessus des autres, et je ne me laisse pas non plus emporter aux affections ni aux haines publiques, que je sais être quasi toujours fort injustes. […] Quoiqu’il en soit, il a eu un singulier bonheur, puisqu’en ne songeant qu’à vivre dans le présent il a su enchâsser son nom dans un moment brillant de la société française et dans cette guirlande des noms de Mme de Longueville, de Mme de Rambouillet et de Mme de Sablé, et que par cette lettre sur Corbie il a scellé une de ses pages dans le marbre même de la statue du grand Armand. […] Delille n’eût jamais écrit ni pensé la belle page sur le cardinal de Richelieu.
J’ai relu des pensées de Bacon sur la mort, des pensées de Montaigne sur la vieillesse, sur cet âge peu agréable, quoi qu’on puisse dire, où des passions ardentes nous en venons petit à petit aux passions frileuses ; j’ai relu aussi des pages de Buffon qui sont bien faites à leur manière pour acheminer l’homme naturel vers son déclin, pour le consoler, sinon pour l’enorgueillir32. […] » J’ai relu une page de l’illustre Mme de Condorcet, cherchant dans les plaisirs vrais de la bienveillance, de l’estime et de l’intimité affectueuse, les seules consolations possibles, à un certain âge, « pour ce sexe comblé à un moment des dons les plus brillantsde la nature, et pour lequel elle est ensuite si longtemps marâtre » ; car il est une heure (et c’est au milieu de la carrière) où la coupe enchantée lui tombe des mains et se renverse pour toujours. […] Je veux citer cette page très belle et vraiment touchante : il vient d’être question de la mort : « La vieillesse aussi, dit-elle, est un mal irréparable : rien ne peut faire qu’on remonte le cours des ans ; mais, comme toutes les situations sans éclat, elle renferme des compensations puissantes et un charme secret, connu seulement de ceux qui s’exercent à le goûter.
On a dit que « dans ses pages charmantes tout semblait couler de source. » C’est précisément ce qui ne semble pas : ses pages, assurément, méritent bien des éloges, mais pas celui-là. […] Plus tard, hors du cercle de l’école ; dans la page écrite pour le public, ce soin continuel, cette perpétuité, cette contention d’élégance, se feront sentir au milieu même des vivacités heureuses et pourront devenir un défaut.
Nisard à la troisième page du journal où il écrit, et il a bien voulu me nommer tout à côté dans une intention des plus bienveillantes : je l’en remercie, mais vraiment son étonnement m’a fait sourire. […] Pour moi, quand je lis Voltaire, que je rouvre presque à toutes les pages, je ne saurais voir en lui quelqu’un qui se fait la moindre illusion sur la nature française et parisienne. […] Non ; si inférieurs aux Retz et aux La Rochefoucauld pour l’ampleur et la qualité de la langue et pour le talent de graver ou de peindre, ils connaissaient la nature humaine et sociale aussi bien qu’eux, et infiniment mieux que la plupart des contemporains de Bossuet, ces moralistes ordinaires du xviiie siècle, ce Duclos au coup d’œil droit, au parler brusque, qui disait en 1750 : « Je ne sais si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer, diriger et hâter les progrès par une éducation bien entendue » ; le même qui portait sur les Français, en particulier ce jugement, vérifié tant de fois : « C’est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le fond du cœur se corrompe, ni que le courage s’altère… » Ils savaient mieux encore que la société des salons, ils connaissaient la matière humaine en gens avisés et déniaisés, et ce Grimm, le moins germain des Allemands, si net, si pratique, si bon esprit, si peu dupe, soit dans le jugement des écrits, soit dans le commerce des hommes ; — et ce Galiani, Napolitain de Paris, si vif, si pénétrant, si pétulant d’audace, et qui parfois saisissait au vol les grandes et lointaines vérités ; — et cette Du Deffand, l’aveugle clairvoyante, cette femme du meilleur esprit et du plus triste cœur, si desséchée, si ennuyée et qui était allée au fond de tout ; — et ce Chamfort qui poussait à la roue après 89 et qui ne s’arrêta que devant 93, esprit amer, organisation aigrie, ulcérée, mais qui a des pensées prises dans le vif et des maximes à l’eau-forte ; — et ce Sénac de Meilhan, aujourd’hui remis en pleine lumière40, simple observateur d’abord des mœurs de son temps, trempant dans les vices et les corruptions mêmes qu’il décrit, mais bientôt averti par les résultats, raffermi par le malheur et par l’exil, s’élevant ou plutôt creusant sous toutes ; les surfaces, et fixant son expérience concentrée, à fines doses, dans des pages ou des formules d’une vérité poignante ou piquante.
Si l’on pouvait douter de la nature et de la profondeur croissante de son mal, la première page de son testament, écrit pendant qu’il était encore en Italie (1772), en serait une preuve trop révélatrice. […] Voir la Notice sur la vie et les ouvrages de Deleyre, par Joachim Le Breton, secrétaire de la seconde classe de l’Institut, dans le recueil des Mémoires de cette seconde classe, tome II, page 9 ; et dans la Décade philosophique du 30 mars 1797, page 44, une courte note nécrologique, assez curieuse. — Il faut tout dire, et un moraliste de ma connaissance, qui aime marquer le plus qu’il peut les contradictions de la nature morale, me souffle à l’oreille ce dernier mot : « Allons, convenez-en, ce tendre et mélancolique Deleyre était athée en toute sécurité de conscience, et à la Convention, dans le jugement de Louis XVI, il vota la mort sans biaiser et sans sourciller. » L’aveu qui me coûtait le plus à faire est sorti.
Ces paroles et ces pages, pleines d’impartialité et d’élévation, ces preuves de bonne et loyale critique, faites par un des écrivains bien informés qui vivent en présence de l’étranger et qui ont à soutenir tout le poids des objections, mériteraient d’être appréciées chez nous plus qu’on ne le fait d’habitude : nous n’écoutons guère sur nous et les nôtres que ce qui se dit de près, et aussi ce qui nous flatte. […] Ainsi sur Corneille : certes il mérite pour nous le nom de grand ; mais, lorsqu’il arrive, couronné de ce titre, aux yeux des Allemands, par exemple, lorsqu’un éminent critique, Lessing, s’attendant à trouver en lui, sur la foi de sa renommée, quelqu’un de rude, mais de sublime et de simple, vient à l’ouvrir à une page d’avance indiquée, que trouve-t-il ? […] C’est un morceau plein d’intelligence et de délicatesse, dans la pensée comme dans l’expression… Cependant, à mon avis, vous allez trop loin dans la note de la page cxxi, et votre éloge de la poésie française, depuis Corneille jusqu’à Voltaire, méconnaît les progrès et les besoins du temps actuel, qu’autrement vous sentez si bien.
Elle, elle le hait ; elle n’a jamais assez de traits d’aigreur et de rancune contre ce voisin de malheur ; elle le marque à chaque page de cette Correspondance. […] Les plus belles pages qu’on ait sur Marie-Thérèse sont encore celles de ce roi-historien. […] Il faut rappeler de telles pages, moins connues chez nous qu’elles ne devraient l’être : « Le roi, nous dit Frédéric parlant de lui-même, avait dans la personne de l’impératrice-reine une ennemie ambitieuse et vindicative, d’autant plus dangereuse qu’elle était femme, entêtée de ses opinions et implacable.
Cela ne sera vu que de moi, et je suis sûr que j’aurai un jour quelque plaisir à relire ce morceau de ma triste et pensive jeunesse. » Oui, certes, Chénier relut plus d’une fois ces pages touchantes, et lui qui refeuilletait sans cesse et son âme et sa vie, il dut, à des heures plus heureuses, se reporter avec larmes aux ennuis passés de son exil. […] Août 1829 Dans le morceau suivant et en mainte autre occasion j’ai été ramené à m’occuper de Chénier : j’avais déjà parlé de Regnier dans le Tableau de la Poésie française au xvie siècle ; j’en ai reparlé, non sans complaisance et après une nouvelle lecture, dans l’Introduction au recueil des Poètes français (Gide, 1861), tome 1, page XXXI. […] J’avais supposé aussi (page 161) qu’il n’était plus attaché à l’ambassade d’Angleterre aux approches de la Révolution et dès 1788.
Comment, dans ces grandes œuvres primitives, la religion et la philosophie, la poésie et la science, la morale et la politique se seraient-elles combattues, puisqu’elles reposent côte à côte dans la même page, souvent dans la même ligne ? […] Lisez les psychologues écossais : ils répètent à chaque page que la première règle de la méthode philosophique est de maintenir distinct ce qui est distinct, de ne pas devancer les faits par une réduction précipitée à l’unité, de ne pas reculer devant la multiplicité des causes. […] Fichte, qu’en France, bien entendu, on eût appelé un impie, faisait tous les soirs la prière en famille ; puis on chantait quelques versets avec accompagnement de piano ; puis le philosophe faisait à la famille une petite homélie sur quelques pages de l’Évangile de saint Jean, et, selon l’occasion, y ajoutait des paroles de consolation ou de pieuses exhortations.
Beaumarchais, qui serait bien malheureux parfois et bien ennuyé s’il n’avait pas sur les bras toutes ces affaires, profite de cette occasion nouvelle2 pour donner au public une page de son Journal de voyage d’alors, qui ne devait, dit-il, jamais être publié. […] Si Beaumarchais avait réellement écrit ces pages dès 1764, il était dès lors un écrivain et un metteur en scène consommé. […] Voilà une page de l’excellent Beaumarchais dans le ton d’apologie de l’abbé Prévost, sans mauvais goût, sans fausse veine, avant l’ivresse et la fumée à la tête, avant la tirade de Figaro.
Nul n’a jamais lu une page de l’Imitation, surtout dans la peine, sans s’être dit en la finissant : Cette lecture m’a fait du bien. […] Je pourrais multiplier les citations, si celles de ce genre étaient ici convenables et s’il ne fallait renvoyer cette lecture à la méditation solitaire des lecteurs ; je recommande, au nombre des pages les plus belles et les plus suaves dont puissent s’honorer la langue et la littérature religieuse, toute la fin du chapitre viii. […] On sait le mot de Bossuet, d’après Tertullien, lorsque parlant du cadavre de l’homme : « Il devient un je ne sais quoi, s’écrie-t-il qui n’a plus de nom dans aucune langue. » L’admirable page qu’on va lire de l’abbé Gerbet est comme le développement et le commentaire du mot de Bossuet dans cette première station aux Catacombes, il s’attache d’abord à étudier le néant de la vie, « le travail, je ne dis pas de la mort, mais de ce qui est au-delà de la mort » ; l’idée de réveil et de vie future viendra après.
Le souffle puissant qui soulève telles de ses pages, dont les mots frémissent comme secoués par le vent et caressés par la lumière, n’a point animé leurs toiles laborieuses, aux vaines subtilités. […] Il a pris les Lois de Fiesole pour les règles éternelles de l’art, et celui qui a décrit l’atmosphère en des pages si merveilleuses, n’a pas senti que son introduction dans la vieille et lourde peinture l’avait bouleversée de fond en comble. […] Les quelques pages qui précédent n’ont été écrites qu’en vue d’une conclusion contraire, celle-ci : que les préraphaélites et ceux qui les suivirent demeurent pour nous à l’écart de la réelle peinture contemporaine, de celle que l’on peut hardiment qualifier d’art nouveau.
Enfin, en recherchant les rapports de cette évolution littéraire avec l’histoire politique et sociale, en remontant aux périodes plus anciennes, en étudiant de ce point de vue d’autres littératures encore, je vis se dessiner peu à peu la loi universelle et logique que les pages suivantes vont exposer. […] Avant d’aborder le sujet lui-même, j’ai à définir nettement quelques notions essentielles qui reviendront presque à chaque page. […] Sans doute le lyrisme n’est pas lié le moins du monde à la forme de l’ode ou du sonnet, ni même au vers ; telle page de George Sand est plus lyrique que telle poésie de Sainte-Beuve ; le roman Daniele Cortis, de Fogazzaro, est surtout dramatique, tandis que les drames de D’Annunzio sont surtout lyriques.
En commençant par un morceau sur Mme de Sévigné, on n’a pas prétendu donner un portrait étudié de cette personne incomparable : ce ne sont que quelques pages légères, autrefois improvisées au courant de la plume après une lecture des Lettres, et antérieures aux recherches récemment publiées ; mais on les a replacées ici bien plutôt à titre d’hommage, et parce qu’il est impossible d’essayer de parler des femmes sans se mettre d’abord en goût et comme en humeur par Mme de Sévigné.
Édouard Fournier Quelques pages de Victor Hugo, publiées dans l’Europe littéraire de décembre 1833, puis, avec moins de développement, dans un de ses deux volumes : Littérature et philosophie mêlées, ont rendu Imbert Galloix célèbre.
Henri Degron Qu’ajouter, sinon dire de relire ses poèmes empreints du charme triste qui semble prédestiné à ceux qui vont partir, et ces pages d’une beauté sûre d’un écrivain déjà maître de sa langue, qui sont Un portrait du duc d’Albe, et les Trianons d’automne.
. — Nos grandes pages (1884). — La France héroïque (1886). — Timon d’Athènes (1887). — Au pays des épées (1888). — France toujours (1890). — Demi-Tons (1892). — Dans le monde de l’art (1898)
Quand même il existeroit quelques défauts dans ce Livre vraiment original, ils seront toujours de la nature de ceux qu’on oublie en faveur de la justesse & de la solidité des réflexions, de la noblesse & de l’énergie du style, de la vérité des maximes qui s’y présentent à chaque page : trop heureux si la Littérature n’offroit jamais que de pareils sujets d’indulgence !
On connaît cette grande page sur la Fronde, on ne la saurait trop rouvrir ; j’y renvoie163. […] De peur de rester trop incomplet, nous répétons ici la page immortelle : « Mlle de Vertus, écrit Mme de Sévigné (20 juin 1672), étoit retournée depuis deux jours à Port-Royal, où elle est presque toujours ; on est allé la quérir avec M. […] Malgré toute notre déférence pour ses paroles, et notre admiration pour les belles pages, pleines de largeur comme toujours, dont il a fait la bordure de sa publication, nous ne saurions lui concéder un tel jugement. […] Si complet que puisse sembler ce portrait de Mme de Longueville, les lecteurs qui n’en auraient pas assez pourront chercher dans l’édition de 1867 de mon Port-Royal, au tome V, pages 123-139, et aussi dans l’Appendice du tome IV, pages 591-593 ; ils auront épuisé tout ce que j’ai su trouver et dire.
À ce roman des Frères Zemganno, il a attaché, comme à un clou, un haillon de système qui pendille dans trois pages de préface. Il pouvait très bien se dispenser de les écrire, ces trois pauvres pages, mais l’heure est aux systèmes, et il a voulu, sans nul doute, dire aussi, distinctement, son petit mot à travers l’assourdissante huaille du Naturalisme actuel, et déterminer les mérites de sa position dans la trifouillante poussée de cette littérature canaille. […] La description, cette maladie de peau des réalistes, s’y étend sur chaque page. […] Pour vous montrer dans quel délaiement, dans quel débordement d’épithètes et de phrases descriptives, le romancier sans idées et sans plan se coule et se noie, sur un livre de trois cent soixante-dix pages il y en a soixante-neuf (les soixante-neuf premières) de descriptions, accomplies quand, des deux clowns qui seront dans quinze ans les acteurs du roman… futur, l’un n’a que dix ans et l’autre vagit au berceau ! […] Dans La Faustin, on ne trouve ni une page d’émotion sincère ou d’éloquence venant des entrailles, ni attendrissement, ni rêverie, mais seulement des hystéries et des nervosités qui sentent la dépravation et la folie.
Avertissement En réimprimant une fois encore ces Portraits contemporains, je m’attacherai, tout en y ajoutant çà et là quelques mots et parfois une ou deux pages, à les maintenir dans leur première mesure : ce ne sont point des portraits complets et définitifs, ce sont des portraits faits à une certaine date, à un certain âge ; ils nous rendent aussi fidèlement que je l’ai pu les originaux, tels qu’ils étaient à ce moment, ou tels qu’ils me parurent.