/ 3692
1040. (1900) Molière pp. -283

C’en est fait, je n’en puis plus ; je me meurs, je suis mort, je suis enterré28. […] Mais cette raison toute générale ne suffit pas pour expliquer le caractère d’acharnement qu’il porta dans cette lutte depuis 1666 jusqu’au jour de sa mort. […] Molière a subi cette idée de la mort, il l’a portée longtemps en lui, mais il l’a vaincue à sa manière ; il est mort sur la brèche, sur le théâtre, ou peu s’en faut, en jouant le rôle d’Argan, et en prononçant le fatal juro de la cérémonie du Malade imaginaire, ce mot qui blasphémait à la fois la médecine, la maladie et la mort. […] Mais, messieurs, quelle preuve de génie, d’avoir tiré de la mort même une comédie ! […] Weiss sur la Comédie depuis la mort de Molière jusqu’à Beaumarchais.

1041. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Il y a un point de ressemblance entre Alexis et le véritable Démétrius ; tous deux sont mis à mort, et c’est par la mort de son étrange héros que M.  […] Comme exemple du procédé de Sir Charles Bowen, nous choisirions sa traduction du fameux passage de la cinquième églogue sur la mort de Daphnis. […] A sa mort, elle fut achetée par le Professeur Mac Cullagh, qui en fit présent au Museum de l’Académie Royale d’Irlande. […] Thiodolf découvre ce secret et rapporte le haubert à Soleil des Bois, — ainsi se nomme-t-elle, — et préfère sa propre mort à la ruine de sa cause. […] Le livre débute autour du lit de mort de l’Alderman Parkinson.

1042. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Il dut, sous peine de mort, reculer. […] L’homme de la pierre polie commence à croire que les morts ne sont pas morts et il passe le meilleur de son temps à leur élever des monuments funéraires. […] On pourra même trouver qu’il remplace la peine de mort par une peine presque pire que lu mort. La vie sans espérance n’est-elle pas, en effet, pire que la mort ? […] Un jour, tout petit encore, il découvre dans le jardin un oiseau mort.

1043. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

A la mort de Henri IV le Parlement saisit avec empressement l’occasion qui lui était assez inconsidérément offerte par la Cour de faire acte de souveraineté. […] Quiconque, après avoir déclaré qu’il croit en Dieu, se conduira comme n’y croyant pas, sera puni de mort ; quiconque, après avoir déclaré qu’il croit en la Providence, se conduira comme n’y croyant pas, sera puni de mort ; quiconque, après avoir déclaré qu’il croit à la vie future, à la punition des méchants et au bonheur des justes, se conduira comme n’y croyant pas, sera puni de mort ; quiconque, après avoir déclaré qu’il croit à la sainteté du Contrat social et des Lois, se conduira comme n’y croyant pas, sera puni de mort ; tout mahométan ou catholique, qui, après avoir déclaré qu’il ne l’est pas, se conduira comme s’il l’était, sera puni de mort. […] Benjamites tués par les autres tribus : 45000… Bethsamites frappés de mort pour avoir regardé l’Arche : 50070. […] Voici ces lois : « Ce qui aura été offert à Adonaï ne se rachètera point, il sera mis à mort »… Adonaï dit à Moïse : « Vengez les enfants d’Israël des Madianites. […] Un enfant en ouvrant les yeux doit voir la patrie, et jusqu’à la mort, ne doit plus voir qu’elle.

1044. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Dircé ordonne à son amant de fuir une terre empestée l’amant se dévoue à la mort pour rester auprès de Dircé. […] Pourquoi des mains d’un maître attendre ici la mort ? […] Venez avec la mort qui marche avec l’effroi. […] Ô mort toujours présente à ma douleur profonde ! […] sur ce pauvre César, Si méchamment mis à mort par Brutus.

1045. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

On sait qu’il fut, avec Maurice Maeterlinck, le trouveur de cette sorte de drame singulier, bizarre si l’on veut, mais mental, mais intelligent, de ces marches d’aveugles à travers des forêts tragiques, ces arrivées lentes ou brusques, inéluctables toujours, de la mort, qui forment un des titres du symbolisme, un de ses apports les plus incontestés. […] Van Lerberghe note ainsi sur l’amour, l’ingénuité de l’amour, sur la mort, sur l’attente de l’espérance de la découverte, des lieds imprécis et charmants, où les syllabes semblent du silence enchanté, et c’est ainsi : La Ménagère, Dans la pénombre (un poème de seize absolument charmant), La Barque d’or que connaissent bien les lettrés : Mais une qui était blonde,         Qui dormait à l’avant, Dont les cheveux tombaient dans l’onde,         Comme du soleil levant Nous rapportait sous ses paupières         La lumière.

1046. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 260-264

MASSILLON, [Jean-Baptiste] Evêque de Clermont, de l’Académie Françoise, né à Hieres en Provence en 1663, mort à Clermont en 1742. […] On peut, & l’on doit, dans ces occasions, avoir le courage de dire la vérité ; présenter avec force la grande leçon des événemens ; humilier les grandeurs humaines au pied de la Mort qui les anéantit.

1047. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 467-471

PATRU, [Olivier] Avocat au Parlement de Paris, de l’Académie Françoise, né à Paris en 1604, mort dans la même ville en 1681. […] Après la mort de l’Académicien Conrart, un grand Seigneur ignorant sollicita sa place.

1048. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Archiloque, et Lycambe. » pp. 7-11

Il n’eut qu’un regret : celui d’avoir causé la mort de Lycambe & de sa fille ; regret qu’il tâchoit d’étouffer, en chantant & jouant de quelque instrument : car il étoit musicien, ainsi que tous, les poëtes d’alors. […] Un jeune homme, arrivé de Languedoc, trouva le coup de la mort dans une critique vive que lui fit l’Etoile d’une tragédie qu’il avoit apportée de sa province, & qu’il croyoit un chef-d’œuvre.

1049. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre V. Caractère du vrai Dieu. »

À la voix du premier, les fleuves rebroussent leur cours, le ciel se roule comme un livre, les mers s’entrouvrent, les murs des cités se renversent ; les morts ressuscitent, les plaies descendent sur les nations. […] Un silence subit et pénible, des images vagues et fantastiques, succèdent au tumulte des premiers mouvements : on sent, après le cri de Pluton, qu’on est entré dans la région de la mort ; les expressions d’Homère se décolorent ; elles deviennent froides, muettes et sourdes, et une multitude d’S sifflantes imitent le murmure de la voix inarticulée des ombres.

1050. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Toi, demeure ici, afin que, s’il est écrit dans le ciel que je doive mourir, tu puisses raconter ma mort...” […] Une stance attendrie décrit la mort d’un duc d’Albret, surpris dans son sommeil, avec son épouse qui l’accompagnait à la guerre. […] Ô heureuse mort ! […] En parlant ainsi, Cloridan jette son fardeau à terre, pensant que Médor va en faire autant ; mais cet enfant, qui aimait son maître mort plus que sa vie, le recharge seul sur ses épaules. Son ami, croyant qu’il est suivi par Médor, fuyait à toute course ; car, s’il avait su qu’il l’abandonnait ainsi à son sort, il aurait affronté mille morts au lieu d’une.

1051. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Si la mer est vide, on songe à l’espace qu’aucun compas ne circonscrit, domaine incommensurable du vent qui laboure ses vagues pour on ne sait quelle moisson de vie ou de mort. — Émotion ! […] Elle devient la reine des morts. […] Là, il s’arrête, il se laisse caresser par la jeune fille, il prend une voix douce comme son chant de mort, et révèle à Damayanti l’amour dont Nala brûle pour elle. […] La chaste indignation de l’épouse fidèle est si foudroyante, que, d’un seul regard, elle fait tomber le chasseur mort à ses pieds. […] Damayanti reprend sa route ; elle s’arrête au pied d’un arbre dont l’ombre donne la mort : « Ah ! 

1052. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

L’idée « du passé opprimant le présent » est le principe qui anime les Morts qui parlent. […] La thèse des Morts qui parlent est que les hommes qui, aujourd’hui, sont censés représenter le peuple au parlement, ne sont que des fantoches incarnant les idées des conventionnels. Donc, maintenant encore, les morts sont nos maîtres réels. […] Bentzon, dont la mort, survenue il y a quelques mois à peine, vint priver la Revue de l’une de ses plus anciennes, de ses plus brillantes et de ses plus aimées collaboratrices. […] Demandons plutôt son opinion à l’un des artistes les plus pénétrants de la nouvelle génération, parmi ceux que déjà la mort a fait disparaître.

1053. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Bientôt l’assaut commence ; l’injure et tout à l’heure la mort sont aux portes. […] Comme petit détail exact, j’aimerais mieux que Jocelyn sortît du séminaire avant 93, avant la mort du roi, et dès 92, ce qui abrégerait d’autant l’année 94, trop longue dans le poëme (car par mégarde elle est double). […] Jocelyn debout reçoit la confession de l’évêque, l’absout et le prépare ; mais lui-même, le devoir accompli, dans l’épuisement de son effort surnaturel, il retombe saisi d’une maladie qui le jette jusqu’aux portes de la mort. […] Ce qu’il nous raconte, ou plutôt ce qu’il raconte à sa sœur et ce qu’il se rappelle à lui-même, ce n’est pas vieux et apaisé qu’il y revient ; depuis cette dernière maladie à laquelle il manque de succomber, peu après la mort de Laurence, le manuscrit cesse. […] Nous n’avons pas touché les détails du voyage à Paris, et plus tard ceux de la maladie, de la confession, de la mort et de l’ensevelissement de Laurence.

1054. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

La mort de son père, arrivée en 1657, lui permit de suivre librement sa vocation. […] Chapelain garda toute sa vie la confiance de Colbert ; Mme de Sévigné le visita jusqu’au dernier jour, et quand il fut mort, en plein triomphe apparent de Despréaux, Retz maintenait, non sans impatience, que Chapelain « enfin avait de l’esprit ». […] Molière n’y figure pas : est-ce parce qu’il était mort ? […] Plus froid et moins souple, de jour en jour aussi moins valide, il s’en retira peu à peu : après la mort de Racine, il n’y vint plus qu’une seule fois. […] Il remplaça même le père mort, comme ce jour où la pieuse Mme Racine le chargea de sermonner le petit Lionval, coupable de douze vers français sur la mort d’un chien.

1055. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

C’est l’antique blasphémateur condamné à errer sur la mer tant qu’il n’aura pas trouvé une femme fidèle jusqu’à la mort. […] que les mondes s’abîment enfin, puisque je ne dois trouver le repos que dans la mort universelle !  […] La chanson qu’elle chante raconte la lamentable histoire du marin hollandais, condamné pour un blasphème à errer sur la mer tant qu’il n’aura pas trouvé une femme fidèle jusqu’à la mort. […] qu’il paraisse : c’est moi qui l’aimerai fidèlement jusqu’à la mort !  […]   Analyse du numéro XI   1° Karl Alberti : En mémoire du comte Auguste de Platen (mort le 5 décembre 1836).

1056. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Il est religieux et dévot, quoique mondain et bon vivant ; il s’agenouille devant une croix qu’il rencontre, et récite des Pater et des Ave pour les morts ; il félicite les chevaliers qu’il célèbre, et tire sujet de louange pour eux que Dieu leur ait accordé pleine connaissance et entière repentance à l’heure de la mort. […] Ses Chroniques embrassent les événements pendant les trois quarts du siècle, depuis 1325 jusqu’à 1400 (c’est-à-dire depuis le couronnement du roi Édouard III d’Angleterre jusqu’au détrôneraient et à la mort de son petit-fils Richard II). […] Ici se déclare en traits bien énergiques l’hommage loyal et généreux que rend Froissart à la vaillance des vaincus : selon lui, la bataille de Poitiers n’est point à comparer à celle de Crécy, bien qu’aussi fatale par le sort, mais elle fut bien autrement combattue : Et s’acquittèrent si loyalement envers leur seigneur tous ceux qui demeurèrent à Poitiers morts ou pris, qu’encore en sont les héritiers à honorer et les noms des vaillants hommes qui y combattirent à recommander. […] Les cinq cents marcs de rente n’en resteront pas là : le généreux d’Audelée va les donner en cadeau et en héritage à ses quatre braves écuyers, par l’aide et confort desquels il a pu tenir son vœu : Car, cher Sire, dira-t-il ensuite au prince, je ne suis qu’un seul homme, et ne puis que ce que peut un homme, et c’est parce que je comptois sur leur secours et leur aide que j’ai entrepris d’accomplir le vœu que j’avois de longtemps voué ; et c’est grâce à leur force et à leur bravoure que j’ai été le premier assaillant ; je serais mort et j’aurois péri à la peine, s’ils n’eussent été là. […] Ces paroles du prince de Galles au roi Jean peuvent rappeler sans doute les vers de Corneille dans La Mort de Pompée : Ô soupirs !

1057. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Né en octobre 1665, à Paris, sur la paroisse Saint-Eustache, rue du Bouloi, mort à l’âge de soixante-douze ans, en juin 1737, même paroisse, même rue et peut-être même logis, Mathieu Marais est une de ces figures secondaires, mais non vulgaires et nullement effacées, qui peuvent servir à personnifier une génération et toute une classe d’esprits. […] Dongois, greffier en chef du Parlement, est mort âgé de quatre-vingt-trois ans. […] À la mort du célèbre critique et à son intention, il se lia fort avec une bonne et docte dame, Mme de Mérigniac, qui avait le même culte, et les lettres qu’il lui adresse (1707-1712) sont des plus intéressantes pour les curieux et pour ceux qui aiment à entrer dans la familiarité des génies. […] » s’écriait Marais ; « je vous assure, madame (il parle à Mme de Mérigniac), qu’il n’y manquerait rien. » Et mêlant un cri de l’âme ces choses de l’esprit, il disait encore : « Que l’on est heureux, madame, d’avoir des amis officieux et qui trouvent dans leurs cœurs des ressources contre la tyrannie de la mort et ses oublis éternels !  […] Aux pages 387 et 388 du premier volume, Gabrielle d’Estrées est non seulement nommée, mais présentée comme agissant sur les intérêts politiques par la passion qu’elle a inspirée au roi, et laissant par sa mort le champ libre au divorce et au second mariage de ce prince.

1058. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Quand elle n’eut plus à exhorter les autres, à les réchauffer et les réconforter de ses espérances, quand elle ne fut plus qu’en face d’elle-même, toutes illusions dépouillées, toutes réalités éprouvées et épuisées jusqu’à la lie, dans les longs mois qui précédèrent sa mort, elle entra dans un grand silence. — Enfin n’oublions pas, en la lisant, qu’un poète n’est pas nécessairement un physicien ni un philosophe ( fortunatus et ille deos qui novit agrestes ), et qu’aussi, derrière toutes les charmantes visions auxquelles s’attachaient son imagination et son cœur, — ce cœur resté enfant à tant d’égards, — il y avait chez la femme bien de la fermeté et un grand courage. […] Langlais, représentant de la Sarthe, qui fut ensuite conseiller d’État, homme de mérite, qui est mort chargé d’une mission près de l’empereur Maximilien au Mexique. […] C’est une douceur profonde que de trouver de pareils amis dans le passé, et de pouvoir vivre encore avec eux malgré la mort. » Elle avait fait une pièce de vers sur le Jour des Morts, qui était le jour anniversaire de sa propre naissance ; elle y disait, en s’adressant à ces chers défunts qu’on a connus, et qu’elle se peignait comme transfigurés dans leur existence supérieure : Ah ! […] Il faut l’en empêcher pour sa mère : — c’est affreux, affreux de voir mourir jeune, et de rester… » Ses deux filles étaient mortes quand elle écrivait cette lettre85, et Ondine depuis quelques mois seulement. […] M. le professeur Fée, de la Faculté de médecine de Strasbourg, poète lui-même, de qui l’on a des vers doucement mélancoliques, et pleins d’espérance, sur la mort même de la Muse, dont le souvenir réveillait tant d’échos et rallumait tant de sympathies, écrivait à M. 

1059. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Le grand homme a rendu l’âme à peine, qu’elle arrive là, au chevet du mort, comme les gens de loi. […] Tout cela veut dire qu’après la mort des grands hommes, des grands écrivains particulièrement, l’on sait et l’on débite sur leur compte une infinité de détails authentiques ou officieux, qu’eux vivants on garde pour soi ou que même on ignore. […] Il lui indiqua pour sujet à traiter la Mort de Néron, et Béranger exécuta cette tâche avec plus d’application que de réussite. […] Béranger devait être le chantre consécrateur des vaincus et des morts : mais il fallut Waterloo pour qu’il osât. […] Or, des douleurs de la France épuisée, De sa chère aigle aux mains des rois brisée, Des morts d’hier, des mânes d’autrefois.

1060. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Dans sa ruine, la mort de son oncle lui donne une force avec qui la royauté devra compter : de coadjuteur il devient archevêque de Paris. […] Voyez son admirable lettre sur la mort de Turenne, elle l’écrit au bout d’un mois, lorsqu’elle a déjà parlé dix fois du fait. […] Lisez la sublime demi-page sur la mort de Louvois : ce pathétique n’est pas un épanchement irrésistible de tendresse ou de sympathie sur les choses ; il naît du saisissement de lire à travers certaines formes de la réalité vivante les vérités métaphysiques devant lesquelles sa raison frissonne. Une mort lui révèle toute la mort. […] Peu goûtée de Louis XIV d’abord, elle le séduit à force de douceur et de raison, elle est sa confidente, son amie, jusqu’à ce que la mort de Marie-Thérèse la fasse femme du grand roi.

1061. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Un semblable esprit anime les Dialogues des morts : ces dialogues sont encore instructifs et moraux. […] Mais les Dialogues des morts ont surtout un intérêt historique et politique : Fénelon juge les rois de France, et parfois rudement. […] L’horizon s’éclaircissait : il s’illumina tout à fait par la mort de Monseigneur. Ce fut un beau temps pour Fénelon que l’année qui sépara les morts des deux dauphins ; Cambrai éclipsa Versailles ; Fénelon se sentait toucher au but, au ministère. […] Les Tables de Chaulnes 461 et quelques mémoires complètent le Télémaque et les Dialogues des morts.

1062. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Nos batailles font à son oreille le même bruit qu’un moucheron  La nature est mystérieuse  C’est l’ombre qui a fait les dieux  Les prêtres sont horribles  L‘âme est immortelle : nous retrouverons nos morts  Le monde est mauvais : tout est nuit et souffrance. […] Vous êtes trop grands l’un et l’autre pour vous haïr. » — Sur la mort de Mme de Girardin : Elle s’en est allée… La foule ne comprend pas les grandes âmes… Je voudrais m’en aller aussi  Je rêve aux morts ; je les vois  Je méprise la haine et la calomnie  Idem  Je travaille : le travail est bon  Je suis las ; mais quelqu’un dans la nuit me dit : Va   Je rentrerai, comme Voltaire, dans mon grand Paris. […] Hugo ne le pensait point ; il avait annoncé lui-même, sept ou huit ans avant sa mort, la publication de Toute la Lyre. […] Dans les deux cas, la chose m’est indifférente, Et alors je puis savourer uniquement, sans trouble ni souci, la magnifique, triomphante et précise surabondance de l’expression, Je ne sais, pour moi, rien de plus amusant que les méditations de Hugo sur la mort. […] Le méchant, après sa mort, descend et devient bête, plante ou minéral, selon son crime.

1063. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Que de Dissertations n’ont-ils pas publiées sur l’Ame, pour nous persuader qu’elle est mortelle & périssable comme son enveloppe ; qu’elle ne differe pas de celle des bêtes & des plantes ; que l’Honnête homme infortuné & le Riche bienfaisant n’ont pas plus de récompense à espérer, après leur mort, que les Méchans & les Pervers n’ont de châtiment à redouter ! […] Soutenir que l’ame sentira, pensera, jouira, souffrira après la mort du corps, c’est prétendre qu’une horloge brisée en mille pieces peut continuer à sonner ou à marquer les heures Syst. de la Nat. tom.  […] Helvetius dans l’article qui porte son nom, ajoutant que j’ai été, non son flatteur, mais son ami jusqu’à sa mort. […] Helvetius, que le souvenir de l’amitié qu’il avoit pour moi me rendra toujours chere, je crois devoir déclarer que je ne le regarde point comme l’Auteur de l’Ouvrage qui m’a fourni cette citation, & qui n’a paru que deux ans après sa mort. […] Il ignore donc, ce charitable Ministre du Dieu de paix, que trois ans avant la mort de ce Vicaire, j’ai déclaré que personne n’avoit eu part à mon travail, & défié tout Littérateur d’oser avancer qu’il m’eût fourni par écrit la moindre observation dont j’aie fait usage.

1064. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Le cardinal de Fleury étant mort, les intrigues jouèrent de plus belle ; il ne s’agissait, puisque le roi était si nul de volonté, que de savoir quelle main saisirait le gouvernail. […] écrivait Voltaire à d’Alembert en apprenant sa mort. […] Pourtant le caractère de Louis XV étant donné, c’est encore ce qui pourrait peut-être arriver de, mieux à ce roi que de tomber aux mains d’une femme « née sincère, qui l’aimait pour lui-même, et qui avait de la justesse dans l’esprit et de la justice dans le cœur : cela ne se rencontre pas tous les jours. » Telle est, du moins, l’opinion de Voltaire, jugeant Mme de Pompadour après sa mort. […] Battue au-dehors, faute de héros, dans son duel contre Frédéric, Mme de Pompadour fut plus heureuse de sa personne, à l’intérieur, dans sa guerre à mort contre les Jésuites. […] Le Roi, bibliothécaire de la ville de Versailles, a publié, d’après un manuscrit authentique, le Relevé des dépenses de Mme de Pompadour depuis la première année de sa faveur jusqu’à sa mort.

1065. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

* * * — Ce qu’il y a à craindre pour l’homme de lettres, ce n’est point le foudroiement, la mort complète de sa cervelle : c’est la douce imbécillité, l’insensible ramollissement de son talent. […] Allons, je serais attaqué et nié jusqu’au jour de ma mort, et même peut-être quelques années après. […] J’y lis : Mort du prince impérial. […] … C’est ma bataille des Thermopyles… Je ferai un voyage en Grèce… Je veux écrire cela sans me servir de vocables techniques, sans employer par exemple le mot cnémides… Je vois dans ces guerriers, une troupe de dévoués à la mort, y allant d’une manière gaie et ironique… Ce livre, il faut que ce soit, pour les peuples, une Marseillaise d’un ordre plus élevé. […] Dimanche 5 octobre Beaucoup de gens meurent très bien, mais bien peu de personnes ont la belle résignation de la mort, tant que la condamnation définitive n’est pas prononcée.

1066. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Cette lettre, publiée par Voltaire, est devenue historique, et elle fait le plus grand honneur auprès de la postérité à l’esprit et à l’humanité de M. d’Argenson : « Vous m’avez écrit, monseigneur, lui répondait Voltaire, une lettre telle que Mme de Sévigné l’eût faite, si elle s’était trouvée au milieu d’une bataille. » Et cet éloge est mérité ; on a la description gaie, vive, émue, du combat, du danger, du succès plus qu’incertain à un moment, de la soudaine et complète victoire ; le principal honneur y est rapporté au roi : puis, après tout ce qu’un courtisan en veine de cœur et d’esprit eût pu dire, on lit les paroles d’un citoyen philosophe ou tout simplement d’un homme : Après cela, pour vous dire le mal comme le bien, j’ai remarqué une habitude trop tôt acquise de voir tranquillement sur le champ de bataille des morts nus, des ennemis agonisants, des plaies fumantes… J’observai bien nos jeunes héros ; je les trouvai trop indifférents sur cet article… Le triomphe est la plus belle chose du monde : les Vive le roi ! […] Ceux de ses écrits qui ont été publiés après sa mort n’ont pu que confirmer cette idée ; les Considérations sur le gouvernement de la France, qui parurent en 1764 dans, une édition très fautive, et dont on refit en 1784 une édition qui passe pour meilleure, justifièrent aux yeux du public les éloges de Rousseau et de Voltaire, et montrèrent M. d’Argenson comme le partisan éclairé et prudent d’une réforme au sein de la monarchie et par la monarchie, d’une réforme sans révolution. […] C’est ainsi encore que sur lui, sur sa propre race, sur les qualités et les défauts des siens, de son frère, de sa femme (passe encore), mais aussi de sa fille, de son fils, sur le plus ou moins de sensibilité de celui-ci, sur son absence d’imagination, ses bornes d’esprit et de talent, et son « raccourcissement de génie », il dit et écrit tout ce qu’il a observé, tout ce qu’il pense ou qu’il conjecture, sauf à être lu de quelques-uns des intéressés et notamment de son fils même, après sa mort. […] Ceux même qui n’aimaient guère de son vivant le garde des sceaux d’Argenson l’apprécient mort et le classent au rang des meilleurs ministres, un des derniers de l'école de Louis XIV, et en même temps ils parlent de lui comme d’un homme qui, vu de près, était bon homme et d’excellente compagnie. […] Ils se plaignaient, entre autres choses, de ce que mon père menait avec lui à l’auditoire (à l’audience) un grand chien à collier, à peu près comme était le mien, mort depuis peu et nommé Calot… Et il continue sur ce ton, en passant aux commencements de la fortune et de l’élévation de son père, due tout entière à son mérite et à ses talents dès qu’ils furent connus.

1067. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Je rappellerai seulement que Georges Maurice de Guérin était un jeune Homme né en 1810, mort en 1839, avant sa trentième année. […] Une grande préoccupation était au cœur de Mme de Guérin : c’était, en même temps qu’elle recueillerait les restes poétiques de son frère, de donner quelques explications sur l’état moral de son âme, et de le revendiquer pour cette foi chrétienne et catholique dans laquelle il avait été nourri, dans laquelle il était rentré et il était mort. […] Mlle Eugénie de Guérin, et, depuis sa mort, les autres membres de la famille, ont tenu à établir la distinction qui est à faire entre la foi de Maurice de Guérin et toutes les apparences contraires qui semblent résulter du fond même de son talent. […] Ce qui n’empêche pas que Guérin ne soit mort converti, repentant peut-être, ou du moins réconcilié. […] Mais la mort est une chose, et le talent en est une autre.

1068. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Soulié, raisonnant méthodiquement, s’est dit que, d’après les actes trouvés par Beffara, Molière n’avait laissé qu’une fille, née en 1665, et par conséquent mineure en 1673, au moment de la mort de son père ; qu’en raison de la fortune assez considérable de Molière, un inventaire avait dû être dressé pour garantir les droits de son enfant. […] Taschereau, constataient que tous deux y étaient morts, et habitaient une maison rue Calée (lisez de Calais). […]  » Mais ces anciens papiers sont relégués, entassés dans des greniers, dans des arrière-chambres où l’on n’a pas pénétré depuis des années ; il faut ouvrir et desceller des placards remplis et regorgeant de dossiers, morts dès longtemps à la lumière ; pour trouver un seul acte, il faut étaler, dépouiller tout cela, il faut tout parcourir ; car la pièce qu’on cherche, si elle s’y trouve, sera enfouie, comme il arrive souvent, dans la dernière liasse, et cette liasse sera peut-être elle-même tombée au plus profond recoin de l’armoire où elle gît et où elle resterait à jamais, si l’on n’y plongeait de toute la longueur du bras. […] L’inventaire, fait huit mois après sa mort, donne sur cette mère de Molière des aperçus, des détails caractéristiques, et la font entrevoir comme une femme digne d’avoir mis au monde un tel fils. […] Aimer Molière, c’est être guéri à jamais, je ne parle pas de la basse et infâme hypocrisie, mais du fanatisme, de l’intolérance et de la dureté en ce genre, de ce qui fait anathématiser et maudire ; c’est apporter un correctif à l’admiration même pour Bossuet et pour tous ceux qui, à son image, triomphent, ne fut-ce qu’en paroles, de leur ennemi mort ou mourant ; qui usurpent je ne sais quel langage sacré et se supposent involontairement, le tonnerre en main, au lieu et place du Très Haut.

1069. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Buzot nous parle à son tour de ses relations d’amitié avec Roland, et ce n’était pas un homme à jouer avec l’un et avec l’autre deux rôles aussi opposés, Je sais bien que lorsque Buzot apprit à Saint-Émilion la mort de Mme Roland, il en perdit l’esprit pendant quelques jours ; mais l’intimité dans laquelle il vécut avec elle, l’estime qu’il eut pour ses talents, peuvent facilement expliquer cette circonstance, de la part d’une âme ardente. » Honorable héritier du nom et des sentiments de l’un des hommes les plus purs de l’ancienne Gironde, ce même M.  […] J’ai connu personnellement cette femme dont la mort héroïque a expié l’égarement ; dont l’âme ardente et la tête ambitieuse eussent mérité un cloître ou une principauté ; dont l’esprit fin et turbulent était aussi propre à diriger des intrigues qu’incapable d’écrire avec fidélité les scènes d’horreur où elle n’avait pas craint de jouer un rôle. » Ce jugement est sévère, et je ne le donne qu’à raison de l’autorité que j’accorde aux paroles de Mallet du Pan. […] Ces quatre ou cinq années de plus lui ont manqué pour entière et dernière école : elle y a suppléé, et amplement, par une mort sublime ; l’héroïsme t’a dispensée et exemptée de trop d’expérience. […] Deux choses l’enhardissent et lui délient la langue dans la prison, deux pensées l’absolvent à ses yeux : la considération du danger présent et de la mort, et la conscience qu’elle a de faire honneur bientôt à Roland en le suppléant de sa personne devant le tribunal inique et de lui payer ainsi en monnaie historique son indemnité de mari. […] Les Girondins, leur vie privée, leur vie publique, leur proscription et leur mort, par M. 

1070. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Désormais séparée de sa fille, qu’elle ne revit plus qu’inégalement après des intervalles toujours longs, Mme de Sévigné chercha une consolation à ses ennuis dans une correspondance de tous les instants, qui dura jusqu’à sa mort (en 1696), et qui comprend l’espace de vingt-cinq années, sauf les lacunes qui tiennent aux réunions passagères de la mère et de la fille. […] Jusque-là, rêver, c’était une chose plus facile, plus simple, plus individuelle, et dont pourtant on se rendait moins compte : c’était penser à sa fille absente en Provence, à son fils qui était en Candie ou à l’armée du roi, à ses amis éloignés ou morts ; c’était dire : « Pour ma vie, vous la connaissez : on la passe avec cinq ou six amies dont la société plaît, et à mille devoirs à quoi l’on est obligé, et ce n’est pas une petite affaire. […] Il y a surtout une lettre à M. de Coulanges sur la mort du ministre Louvois, où elle s’élève jusqu’à la sublimité de Bossuet, comme, en d’autres temps et en d’autres endroits, elle avait atteint au comique de Molière. […] Tant qu’elle se borne à rire des Etats, des gentilshommes campagnards et de leurs galas étourdissants, et de leur enthousiasme à tout voter entre midi et une heure, et de toutes les autres folies du prochain de Bretagne après dîner, cela est bien, cela est d’une solide et légitime plaisanterie, cela rappelle en certains endroits la touche de Molière : mais, du moment qu’il y a eu de petites tranchées en Bretagne, et à Rennes une colique pierreuse, c’est-à-dire que le gouverneur, M. de Chaulnes, voulant dissiper le peuple par sa présence, a été repoussé chez lui a coups de pierres ; du moment que M. de Forbin arrive avec six mille hommes de troupes contre les mutins, et que ces pauvres diables, du plus loin qu’ils aperçoivent les troupes royales, se débandent par les champs, se jettent à genoux, en criant Meà culpà (car c’est le seul mot de français qu’ils sachent) ; quand, pour châtier Rennes, on transfère son parlement à Vannes, qu’on prend à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes pour les pendre, qu’on chasse et qu’on bannit toute une grande rue, femmes accouchées, vieillards, enfants, avec défense de les recueillir, sous peine de mort ; quand on roue, qu’on écartèle, et qu’à force d’avoir écartelé et roué l’on se relâche, et qu’on pend : au milieu de ces horreurs exercées contre des innocents ou pauvres égarés, on souffre de voir Mme de Sévigné se jouer presque comme à l’ordinaire ; on lui voudrait une indignation brûlante, amère, généreuse ; surtout on voudrait effacer de ses lettres des lignes comme celles-ci : « Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants : mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Forbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses ; » et ailleurs : « On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre. […] Et nous entendons par lire, non point parcourir au hasard un choix de ses lettres, non point s’attacher aux deux ou trois qui jouissent d’une renommée classique, au mariage de Mademoiselle, à la mort de Vatel, de M. de Turenne, de M. de Longueville ; mais entrer et cheminer pas à pas dans les dix volumes de lettres (et c’est surtout l’édition de MM.

1071. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Après la mort de Phémius et de Crithéis, sa mère, Homère erra par le monde, enseignant de ville en ville les petits enfants. […] Sa mort est pathétique. […] Il lui apprend le patriotisme par le récit des exploits de ses héros, qui quittent leur royaume paternel, qui s’arrachent des bras de leurs mères et de leurs épouses pour aller sacrifier leur sang dans des expéditions nationales, comme la guerre de Troie, pour illustrer leur commune patrie ; il lui apprend les calamités de ces guerres dans les assauts et les incendies de Troie ; il lui apprend l’amitié dans Achille et Patrocle, la sagesse dans Mentor, la fidélité conjugale dans Andromaque ; la piété pour la vieillesse dans le vieux Priam, à qui Achille rend en pleurant le corps de son fils Hector ; l’horreur pour l’outrage des morts dans ce cadavre d’Hector traîné sept fois autour des murs de sa patrie ; la piété dans Astyanax, son fils, emmené en esclavage dans le sein de sa mère par les Grecs ; la vengeance des dieux dans la mort précoce d’Achille ; les suites de l’infidélité dans Hélène ; le mépris pour la trahison du foyer domestique dans Ménélas ; la sainteté des lois, l’utilité des métiers, l’invention et la beauté des arts ; partout, enfin, l’interprétation des images de la nature, contenant toutes un sens moral, révélé dans chacun de ses phénomènes sur la terre, sur la mer, dans le ciel ; sorte d’alphabet entre Dieu et l’homme, si complet, et si bien épelé dans les vers d’Homère, que le monde moral, le monde matériel, réfléchis l’un dans l’autre comme le firmament dans l’eau, semblent n’être plus qu’une seule pensée et ne parler qu’une seule et même langue à l’intelligence de l’aveugle divin ! […] À peine la mort eut-elle interrompu ses chants divins que les rapsodes ou les homérides, chantres ambulants, l’oreille et la mémoire encore pleines de ses vers, se répandirent dans toutes les îles et dans toutes les villes de la Grèce, emportant à l’envi chacun un des fragments mutilés de ses poèmes, et les récitant de génération en génération aux fêtes publiques, aux cérémonies religieuses, aux foyers des palais ou des cabanes, aux écoles des petits enfants ; en sorte qu’une race entière devint l’édition vivante et impérissable de ce livre universel de la primitive antiquité.

1072. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

VI Enfin, il faut que l’historien soit arrivé à la vieillesse, ou du moins à cette maturité des années qui donne, avec le sang-froid de la pensée, le désintéressement de l’ambition, ce loisir studieux où l’écrivain se renferme dans la solitude de son âme pour recueillir, avant sa mort, les événements de son temps, les expériences, les jugements qu’il veut léguer à la postérité. […] Rome vieillit ; car, malgré les illusions toujours déçues et toujours renaissantes des utopistes, les nations vieillissent comme l’homme, unité mortelle dont elles parcourent toutes les phases avec plus de lenteur, mais avec la même vicissitude de naissance, de jeunesse, de maturité, de caducité et de mort. […] Écoutons Tacite, c’est ainsi qu’il commence son premier livre : XI « J’entreprends une œuvre riche en vicissitudes, atroce en batailles, déchirée en séditions, sinistre même dans la paix : « Quatre empereurs tranchés successivement par le glaive, trois guerres civiles, plusieurs guerres extérieures, quelques autres tout à la fois civiles et étrangères ; « Nos armes, prospères en Orient, malheureuses en Occident ; l’Illyrie troublée, les Gaules mobiles, la Grande-Bretagne conquise et perdue presque au même moment ; les races suèves et sarmates se ruant contre nous ; les Daces illustrés par des défaites et par des victoires alternatives ; l’Italie elle-même affligée de calamités nouvelles ou renouvelées des calamités déjà éprouvées par elle dans la série des siècles précédents ; des villes englouties ou secouées par les tremblements de terre sur les confins de la fertile Campanie ; Rome dévastée par les flammes ; nos plus anciens temples consumés ; le Capitole lui-même incendié par la main de ses concitoyens ; nos saintes cérémonies profanées ; des adultères souillant nos plus grandes familles ; les îles de la mer pleines d’exilés ; ses écueils ensanglantés de meurtres ; des atrocités plus sanguinaires encore dans le sein de nos villes ; noblesse, dignités, acceptées ou refusées, imputées à crime ; le supplice devenu le prix inévitable de toute vertu ; l’émulation entre les délateurs, non-seulement pour le prix, mais pour l’horreur de leurs forfaits ; ceux-ci revêtus comme dépouilles des consulats et des sacerdoces, ceux-là de l’administration et de la puissance de l’État dans les provinces, afin qu’elles supportassent tout de leur violence et de leur rapacité ; les esclaves corrompus contre leurs maîtres, les affranchis contre leurs patrons, et ceux à qui il manquait des ennemis pour les perdre, perdus par la trahison de leurs amis. » XII « Toutefois le siècle n’est pas assez tari de toute vertu pour ne pas fournir encore de grands exemples : « Des mères accompagnant leurs fils poursuivis, dans leur fuite ; des femmes s’exilant volontairement avec leurs maris ; des proches courageux ; des gendres dévoués ; la fidélité des serviteurs résistant même aux tortures ; des hommes illustres bravant les dernières extrémités de l’infortune ; l’indigence elle-même héroïquement supportée ; des sorties volontaires de la vie comparables aux morts les plus louées de nos ancêtres. […] « Jamais, en effet, calamités plus terribles et augures plus menaçants ne témoignèrent au peuple romain que les Dieux ne veillaient plus à sa sécurité, mais à leur vengeance. » XIII Après avoir frappé ainsi l’esprit de ses lecteurs de l’impression dont il est frappé lui-même, Tacite entre d’un pas rapide, mais sûr, dans son récit par le tableau du lendemain de la mort de Néron. […] Ces assassins, découverts, expient leur mission par la mort.

1073. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

On entre en son œuvre comme en une ville de cabanons inachevés où pleurent cent sagesses fragmentaires arrachées à toutes les harmonies ; où hurlent et glapissent, affolées encore, par leur rapprochement inattendu, les folies de tous les vivants et de tous les morts. […] Il confond avec la mort le repos, qui peut être puissant. […] Voilà une des caractéristiques du style de Paul Adam, de Barrès ou de Bordeaux, du « style bibelot » : l’effort immense et ridicule pour maintenir en une grâce tranquille les reflets d’idées brutales ; pour parer d’un calme philosophique le souvenir microscopique des plus orageuses doctrines ; pour identifier dans la mort les vivants les plus contradictoires. […] Un des procédés les plus commodes et les plus rapides pour parer d’une grâce tranquille les phrases mortes de ces livres morts, c’est la symétrie.

1074. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Tu n’as même pas l’air de te douter que, s’il fallait rester à genoux une seconde pour chacun de ceux que des juges firent souffrir injustement, on ne se relèverait pas de toute la vie ; et, à l’heure de la mort, on aurait à peine commencé l’œuvre de réparation. […] Pour un effet de polémique, Judet ignoblement avait insulté un mort. […] Et le fils du mort, imbécile scientifique, étranger à toutes les vraies fiertés et à toutes les délicatesses morales, s’attarde indéfiniment à instruire le procès de son père. […] Quand l’individu est mort qui combattit le mal social, les puissants s’emparent de son nom, et ils faussent et tordent sa pensée jusqu’à s’en faire une couronne. […] Aujourd’hui ne peut rien sur hier et la mort de Zola n’a rien changé à la vie de Zola, n’a enlaidi ou embelli aucun de ses gestes.

1075. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Les conséquences de cette liaison nouvelle sont assez connues ; il s’ensuivit l’aventure à demi grotesque, indécente et funeste, qui occupa tant la société d’alors, et qui amena la mort de Mme du Châtelet, à Lunéville, six jours après son accouchement, le 10 septembre 1749. […] L’impression de cette mort sur Voltaire fut vive et fait honneur à sa sensibilité. […] Ainsi, deux ou trois jours après cette mort, comme il s’inquiétait fort d’une bague que portait la marquise, et où devait se trouver son portrait sous le chaton, Longchamp lui dit qu’il avait eu la précaution, en effet, de retirer cette bague, mais que le portrait qu’elle renfermait était celui de M. de Saint-Lambert : « Ô ciel ! […] J’en avais ôté Richelieu, Saint-Lambert m’en a chassé ; cela est dans l’ordre ; un clou chasse l’autre : ainsi vont les choses de ce monde. » Mme du Châtelet avait à peine fermé les yeux, que Voltaire écrivait à Mme Du Deffand, avant toute autre personne, pour lui annoncer cette mort : « C’est à la sensibilité de votre cœur que j’ai recours dans le désespoir où je suis. » Rappelons-nous le portrait satirique ; en vérité, l’ami au désespoir s’adressait bien ! La mort de Mme du Châtelet brisa l’existence de Voltaire et la remit en question.

1076. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Scarron mort (1660), la situation de cette belle veuve de vingt-cinq ans, sans ressource aucune, devenait plus précaire, plus dangereuse que jamais. […] Il y eut donc pour Mme Scarron un moment critique après la mort de son mari, mais tous ses amis s’empressèrent à la servir et y parvinrent. […] Elle était le point de mire de toutes les demandes, de toutes les sollicitations : elle éludait tant qu’elle pouvait ; elle se disait nulle, petite, sans crédit, une Agnès en politique ; on ne la croyait pas, et les importunités arrivaient de toutes parts, la saisissaient au passage, malgré le soin qu’elle avait de se rendre rare et comme inaccessible : « En vérité, la tête est quelquefois prête à me tourner, disait-elle au moment où elle n’y tenait plus, et je crois que, si l’on ouvrait mon corps après ma mort, on trouverait mon cœur sec et tors comme celui de M. de Louvois. » Ne soyons donc pas trop sévère en jugeant son pauvre cœur, qu’elle nous étale à nu ainsi. […] Vers la fin, elle en avait visiblement assez ; la fatigue physique l’emportait sur tout le reste, et la mort de Louis XIV fut, jusqu’à un certain point, pour elle un soulagement. […] Mme Du Deffand, qui est littérairement de la même école, a très bien rendu l’effet que font les lettres de Mme de Maintenon, et on ne saurait mieux les définir : Ses lettres sont réfléchies, dit-elle ; il y a beaucoup d’esprit, d’un style fort simple ; mais elles ne sont point animées, et il s’en faut beaucoup qu’elles soient aussi agréables que celles de Mme de Sévigné ; tout est passion, tout est en action dans celles de cette dernière : elle prend part à tout, tout l’affecte, tout l’intéresse ; Mme de Maintenon, tout au contraire, raconte les plus grands événements, où elle jouait un rôle, avec le plus parfait sang-froid ; on voit qu’elle n’aimait ni le roi, ni ses amis, ni ses parents, ni même sa place ; sans sentiment, sans imagination, elle ne se fait point d’illusions, elle connaît la valeur intrinsèque de toutes choses ; elle s’ennuie de la vie, et elle dit : « Il n’y a que la mort qui termine nettement les chagrins et les malheurs… » Il me reste de cette lecture beaucoup d’opinion de son esprit, peu d’estime de son cœur, et nul goût pour sa personne ; mais, je le dis, je persiste à ne la pas croire fausse.

1077. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Dans un admirable portrait de Wallenstein, ce glorieux généralissime de l’Empire assassiné par ordre de son maître, Richelieu, qui se reporte à sa propre situation de ministre calomnié et sans cesse menacé de ruine, trouve de magnifiques paroles pour caractériser l’infidélité et l’ingratitude des hommes ; et, après avoir raconté la vie de ce grand guerrier, après nous l’avoir montré avec vérité dans sa personne et dans son habitude ordinaire, il ajoute en une langue que Bossuet ne surpassera point : Tel le blâma après sa mort, qui l’eût loué s’il eût vécu : on accuse facilement ceux qui ne sont pas en état de se défendre. […] Mais, après avoir ainsi conclu en un trait qui rappelle Shakespeare et qu’aurait envié Schiller, il prolonge sa pensée, et il l’aurait gâtée si elle pouvait l’être : « On connut bientôt après, ajoute-t-il, qu’un mort ne mord point, et que l’affection des hommes ne regarde point ce qui n’est plus. » Ainsi donc, il faut en prendre son parti avec Richelieu et s’attendre à du mauvais goût, à des longueurs, à des métaphores souvent heureuses et grandes, souvent aussi hasardées et désagréables. […] Si Luynes avait vécu, la fortune de Richelieu s’ajournait pourtant et pouvait manquer : aussi, quand Luynes disparaît, quand il est emporté d’une maladie soudaine (14 décembre 1621) au milieu de cette campagne qu’il avait entreprise sans pouvoir la mener à fin, Richelieu a pour peindre sa mort, son caractère et sa personne, des traits de couleur et de passion que Saint-Simon, un siècle après, aurait trouvés. […] À la fin de ce portrait de Luynes, l’écrivain a, je ne sais comment, une fraîcheur et une légèreté d’expression qui ne lui est point ordinaire, et qui montre que cette âme n’était point destinée si absolument à la sécheresse et à l’austérité : Sa mort fut heureuse, dit-il, en ce qu’elle le prit au milieu de sa prospérité, contre laquelle se formaient de grands orages qui n’eussent pas été sans péril pour lui à l’avenir ; mais elle lui sembla d’autant plus rude, qu’outre qu’elle est amère, comme dit le Sage, à ceux qui sont dans la bonne fortune, il prenait plaisir à savourer les douceurs de la vie, et jouissait avec volupté de ses contentements. […] Après la mort de Luynes, Richelieu n’entre pas encore au ministère ; les ministres qui sont en cour le redoutent, lui sachant tant de lumières et de force de jugement ; ils retardent le plus qu’ils peuvent le moment où le roi prendra de lui quelque connaissance particulière, de peur de le voir aussitôt à la tête des affaires : « J’ai eu ce malheur, dit-il, que ceux qui ont pu beaucoup dans l’État m’en ont toujours voulu, non pour aucun mal que je leur eusse fait, mais pour le bien qu’on croyait être en moi. » Ils ont beau faire, ils ont beau s’opposer à la destinée et s’enfoncer chaque jour dans leurs dilapidations et dans leurs fautes, le moment approche, il est venu, Richelieu désormais est inévitable.

1078. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Lorsque Saragosse s’est rendue, il y avait sur la place et dans les rues dix mille morts ou mourants. […] » Je lui ai répondu : « Oui, il est mort. […] Ainsi partait à toute bride le jeune général, pour arriver à temps au terme glorieux de sa destinée, pour s’illustrer à Essling, et, plein d’un pressentiment de mort, pour tomber frappé d’une balle au front l’après-midi de Wagram, à l’heure du triomphean. […] Se battaient-ils, en un mot, parce qu’ils préféraient la mort à la soumission ?

1079. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

A sept ans et demi, elle perdit sa mère, qui avait voulu aller mourir à Metz au milieu de sa famille ; car, atteinte d’une maladie de poitrine incurable, cette femme de vertu ne s’abusa pas un moment sur son état, et se disposa à la mort avec calme, comme pour un voyage. Cette mort jeta une ombre sur tout le reste d’une enfance si sensible. […] combien sont morts de ceux qui m’ont aimée ! […] Ce qui touche le plus dans le récent volume, ce sont les pièces où, sans détour, sans déguisement de drame ou de mythe, l’âme du poëte a éclaté, ces pièces modestes intitulées Plainte, Invocation, Découragement, le Temps, la Commémoration funèbre sur la mort de Mme Guizot, la Passion.

1080. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Longtemps avant sa mort, il avait d’ailleurs projeté de publier son authentique observation, complétée de traits empruntés à ceux qu’il appelait ses « sosies de douleur » : H. […] Elle a présidé, de l’aveu formel des de Goncourt, à la genèse douloureuse de leur œuvre totale ; et c’est peut-être son originalité, écrivait Edmond à Zola, au lendemain de la mort de son frère, « que ces peintures de la maladie, nous les avons tirées de nous-mêmes, et qu’à force de nous détailler, de nous étudier, de nous disséquer, nous sommes arrivés à une sensibilité supra-aiguë que blessaient les infiniment petits de la vie. […] « Comme pour achever l’œuvre des âges, les des Esseintes marièrent pendant deux siècles leurs enfants entre eux, usant leur reste de vigueur dans les unions consanguines. » Père mort, il y a treize ans — des Esseintes atteignait alors sa dix-septième année — « d’une maladie vague ». […] » 62 La vérité physiologique y gagnera peut-être, mais l’intensité d’émotion, l’expression aiguë qui nous charment en l’introspection moins scientifique de nos poètes d’aujourd’hui seront mortes, desséchées. — Comme un tracé de sphygmographe exact et glacial.

1081. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Les siècles en ce genre sont héritiers des siècles ; les générations partent du point où se sont arrêtées les générations précédentes, et les penseurs philosophes forment à travers les temps une chaîne d’idées que n’interrompt point la mort ; il n’en est pas de même de la poésie, elle peut atteindre du premier jet à un certain genre de beautés qui ne seront point surpassées, et tandis que dans les sciences progressives le dernier pas est le plus étonnant de tous, la puissance de l’imagination est d’autant plus vive que l’exercice de cette puissance est plus nouveau. […] Télémaque, en partant pour chercher Ulysse, dit, que s’il apprend la mort de son père, son premier soin, en revenant, sera de lui élever un tombeau, et de faire prendre à sa mère un second mari . Les Grecs honoraient les morts ; les dogmes de leur religion ordonnaient expressément de veiller sur la pompe des funérailles ; mais la mélancolie, les regrets sensibles et durables ne sont point dans leur nature ; c’est dans le cœur des femmes qu’habitent les longs souvenirs. […] On l’a vu décréter la peine de mort contre quiconque proposerait de distraire, pour le service militaire même, l’argent consacré aux fêtes publiques.

1082. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Le temps des douceurs est passé ; il faut maintenant parcourir pas à pas la voie douloureuse qui se terminera par les angoisses de la mort. […] » Jésus perça au cœur l’hypocrisie, et du même coup signa son arrêt de mort. […] Car vous ressemblez à des sépulcres blanchis 986, qui du dehors semblent beaux, mais qui au dedans sont pleins d’os de morts et de toute sorte de pourriture. […] Il figurera dans les considérants de l’arrêt de mort de Jésus, et retentira à son oreille parmi les angoisses dernières du Golgotha.

1083. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

On parla beaucoup de sa liaison, innocente sans doute, mais qui passa longtemps pour suspecte, avec Lacombe, barnabite, natif de Tonon en Savoye, homme débauché dans sa jeunesse, dévot & mystique dans l’âge mur, & mort fou. […] Ils y prêchoient le renoncement entier à soi-même, le silence de l’ame, l’anéantissement de toutes ses puissances, le culte intérieur, une indifférence totale pour la vie ou la mort, pour le paradis ou l’enfer. […] A sa mort, il se répandit un bruit, qu’on avoit trouvé, parmi ses papiers, une apologie des réflexions morales de Quênel. […] Après la mort du prélat, on règla les reprises & les conventions matrimoniales.

1084. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Pour beaucoup de ceux dont la vie fut une lutte et un mérite sans éclat et sans justice, on se ravise… Et c’est ainsi que, pour ceux-là, les quelques jours qui suivent immédiatement la mort sont les meilleurs de la vie. […] Et non pas seulement parce que la vie, une bonne fille pour lui, avait tout donné à ce bon garçon avec la prodigalité d’une maîtresse, mais parce que de ses dons il en est un sur lequel on n’avait pas tant de frais de phrases à faire pour qu’il fût compté après sa mort et classé parmi les raretés du dix-neuvième siècle. […] Rappelez-vous son Âne mort, qui n’était qu’une moquerie de la littérature de 1830, cette coquette d’atrocité ! […] Il n’eut jamais la grande folie de la croix romantique, et il se moqua même du romantisme (comme dans L’Âne mort) dès qu’il eut une plume à la main.

/ 3692