L’humanité n’est ce qu’elle est que par la puissante gymnastique qu’elle a traversée, et la liberté ne serait pour elle qu’une décadence si la liberté devait aboutir à diminuer son activité.
Mais sous cette oppression s’éveille le désir de la liberté ; des abus de pouvoir provoquent le mécontentement ; et ce sont d’abord des attaques sourdes, des railleries légères ; l’ironie, l’arme des faibles, est tournée contre les prêtres, les moines, les prélats ; puis les attaques se font plus vives, plus hardies, plus franches ; de la satire contre les personnes et la discipliné ecclésiastique, on passe à la critique du dogme ; on vise ainsi la religion au cœur. […] Bossuet, dans ses Oraisons funèbres, représente comme des ennemis du Tout-Puissant, comme des rebelles à l’autorité divine, tous ceux-qui en Angleterre ont ébranlé et renversé le trône des Stuarts, tous ceux qui en France ont, au temps de la Fronde, réclamé tumultueusement des libertés ; Dieu apparaît ainsi comme le garant de l’ordre social, comme le protecteur particulier de la royauté de droit divin.
Les murs en sont affolés, les toits pris d’ivresse. » Il dit ailleurs : « Le miroir du corps, c’est le poli de l’airain ; celui de l’âme, c’est le vin. » Eschyle naquit et grandit dans l’âge héroïque d’Athènes, à l’aurore sanglante de sa liberté. […] L’art grec, pour conquérir sa liberté merveilleuse, eut longtemps à lutter contre l’archaïsme et la routine de ses Sages ; l’Egypte avait chez lui une école.
Il s’y sentait comme une fraîcheur de jeunesse et une liberté d’allure qui convenait au début d’une époque émancipée. […] Voici de lui un mot que cite Spence et qui rentre bien dans la philosophie de Gil Blas : quelqu’un faisait de grands récits des doléances qu’on entend perpétuellement en Angleterre, en dépit de tous les droits et des avantages dont on jouit : « Certainement, dit Lesage, le peuple anglais est le plus malheureux peuple de la terre, avec la liberté, la propriété, et trois repas par jour. » 21.
L’image chez lui s’ajoute à l’idée pour la mieux faire entrer ; il ne dit volontiers les choses qu’en les peignant ; ainsi, pour rendre cette fureur de nivellement universel : « On a renversé, dit-il, les fontaines publiques sous prétexte qu’elles accaparaient les eaux, et les eaux se sont perdues. » Voici quelques pensées que ne désavouerait ni un Machiavel ni un Montesquieu : La populace croit aller mieux à la liberté quand elle attente à celle des autres. […] Cette capitale n’est qu’un vaste spectacle qui doit être ouvert en tout temps : ce n’est point la liberté qu’il lui faut, cet aliment des républiques est trop indigeste pour de frêles Sybarites ; c’est la sûreté qu’elle exige, et, si une armée la menace, elle doit être désertée en deux jours.
Mme de Sévigné, qui, en revenant de Provence de chez Mme de Grignan, visitait Cosnac dans son évêché de Valence où il était avant de devenir archevêque d’Aix, écrivait à sa fille, le 6 octobre 1673 : « M. de Valence (Cosnac) m’a envoyé son carrosse avec Montreuil et Le Clair, pour me laisser plus de liberté : j’ai été droit chez le prélat ; il a bien de l’esprit ; nous avons causé une heure ; ses malheurs et votre mérite ont fait les deux principaux points de la conversation. » Ses malheurs ; — en effet, Cosnac, qui n’avait guère que quarante-trois ans à l’époque où Mme de Sévigné en parlait de la sorte, et qui était évêque depuis l’âge de vingt-quatre ans, avait eu jusque-là une vie très active, très intrigante (comme il le dit lui-même, en ne prenant pas le mot en mauvaise part), et très bigarrée. […] « C’est un homme, disait en terminant l’abbé de Choisy, d’une vivacité surprenante, d’une éloquence qui ne laisse pas la liberté de douter de ses paroles, bien que, à la quantité qu’il en dit, il ne soit pas possible qu’elles soient toutes vraies.
Il était fort indécis sur le choix d’une retraite ; on le voit successivement à Strasbourg (août 1783), à Colmar, à l’abbaye de Senones, à Plombières dans les Vosges, puis derechef à Colmar ; il tâtait de loin, sur son compte, l’opinion de Paris, et, en attendant, il cherchait un pays de frontière pour s’y asseoir en liberté. […] On dit, je ne sais où, qu’on ne peut servir deux maîtres ; j’en veux avoir quatre pour n’en avoir point du tout, et pour jouir pleinement du plus bel apanage de la nature humaine, qu’on nomme liberté.
Il a fallu que le sabre des tyrans chassât l’homme de la terre habitable pour que le chameau perdît sa liberté. […] Ayant vu en Orient les effets désastreux du despotisme, il crut qu’il suffisait de la pure et simple liberté pour que tout fût bien.
Triste du passé, soucieux de l’avenir, j’allais avec défiance chez un peuple libre, voir si un ami sincère de cette liberté profanée trouverait pour sa vieillesse un asile de paix dont l’Europe ne lui offrait plus l’espérance. […] À l’époque où Volney publia cette première partie, restée la seule, il était malade, découragé, et il aurait eu peu de liberté pour discuter les questions politiques qui devaient fournir la seconde partie du tableau.
Même quand nous nous figurons créer un mouvement ex nihilo, nous nous l’attribuons à nous-mêmes ; par conséquent, nous conservons le sentiment d’un lien entre ce mouvement et ses antécédents internes : mais, comme nous ne pouvons analyser totalement ces antécédents, nous nous tirons d’affaire en invoquant notre liberté d’indifférence. Si cette liberté est chimérique, il n’est nullement chimérique de dire que nos actions sont des mouvements ayant leurs principaux antécédents dans notre moi, dans la réaction nerveuse et cérébrale de notre organisme entier, manifestée sur un point particulier.
Mais cette diversité de sentiments préserva d’autre part Heine d’en être totalement envahi, l’état de sa conscience, ce qui constituait son moi, variant sans cesse il fut amené comme toutes les personnes qui ont une vive activité intellectuelle, beaucoup (le pensées, beaucoup de volonté, à éprouver, connaître, distinguer ces changements intérieurs, à s’analyser particulièrement dans ses sentiments, et à en diminuer ainsi non seulement l’intensité, mais la franchise, la vérité, un sentiment n’étant véritable que quand on n’a pas la liberté d’esprit de le discerner, c’est-à-dire de nouveau quand on en a peu et de durables. […] L’impertinence de sa jeunesse, l’aptitude à jouir, la liberté de toute souffrance, cette vie heureuse et libre dont son paganisme était le symbole, lui échappaient.
La liberté est un libertinage. […] L’inspiration est suspecte de liberté ; la poésie est un peu extra-légale.
Ils nuisent également, par cette chaleur à défendre leurs préventions, et à la faction opposée et à leur propre cabale : ils découragent par mille contradictions les poètes et les musiciens, retardent les progrès des sciences et des arts, en leur ôtant le fruit qu’ils pourraient tirer de l’émulation et de la liberté qu’auraient plusieurs excellents maîtres de faire, chacun dans leur genre et selon leur génie, de très bons ouvrages. […] Le poème tragique vous serre le cœur dès son commencement, vous laisse à peine dans tout son progrès la liberté de respirer et le temps de vous remettre, ou s’il vous donne quelque relâche, c’est pour vous replonger dans de nouveaux abîmes et dans de nouvelles alarmes.
Nous manquons de critiques, a-t-on dit, alors que nous n’avons guère que cela, mais presque tous manquent de liberté, emprisonnés entre la crainte de déplaire et leurs préjugés politiques ou moraux. […] Il s’est fait le défenseur de la liberté des mœurs et de celle du style.
Quand la regle laisse le choix d’une alternative ; c’est-à-dire, la liberté d’emploïer un pied à la place d’un autre dans la figure ; elle prescrit en même tems ce qu’il faut faire suivant le choix auquel on se determine. […] Moins elle est resserrée, plus il lui reste de liberté pour inventer.
. — Mots en liberté aériens. […] Dans nos vols dialogues et non mots et liberté aériens, le sexe des acteurs sera mis en relief par la forme des aéroplanes, la voix du moteur et le rythme spécial du vol.
L’éloquence, fille du génie et de la liberté, est née dans les républiques. […] Les anciens se donnaient là-dessus beaucoup plus de liberté que nous, qui, en bannissant de nos mœurs la délicatesse, l’avons portée jusqu’à l’excès dans nos écrits et dans nos discours.
Tout être vivant qui, plongé dans un milieu d’action et de passion, de haines et de sympathies, de lutte et de liberté, de mille et mille liens entremêlés, d’hommes et de femmes, dans un ensemble de toutes les vies, de toutes les natures, de toutes les jouissances, ne s’élance pas d’un libre instinct dans ce riche univers, pour y satisfaire sa soif infinie du plaisir et lui demander sa part de tout ce qu’il recèle de saveur et de sens, ne sera jamais qu’un rameau desséché sur l’arbre de la grande vie : sans parfum, sans éclat, sans fruit et sans couleur, sans force créatrice. […] Je sais bien que l’effort international, de liberté, de vie nouvelle, de sensualité païenne et d’action écrase et submerge ces produits sans avenir, mais il importe toutefois de signaler le danger.
Pourquoi cet or inutile ajouté à tant d’or, lorsqu’on ne peut acheter et manger dans la rue une livre de cerises, emmener à une guinguette du bord de l’eau la fille qui passe, jouir de tout ce qui se vend, de la paresse et de la liberté ? […] Maurice Barrès ; il faut pardonner cet abrégé disgracieux à qui n’a pas la liberté de retendre, et aller chercher dans l’Ennemi des lois l’agrément d’une haute fantaisie écrite par un subtil écrivain. […] L’Angleterre est nominalement une monarchie, c’est vrai, mais — tout Français éclairé devrait le savoir — elle a donné en réalité l’exemple des libertés publiques. […] Longtemps encore après Tartuffe dans la question des libertés de l’Église gallicane, il ne craindra pas, pour faire triompher sa politique religieuse, de menacer, de pousser jusqu’au schisme, s’il le faut […] En homme convaincu, il ne mâchonne pas ses opinions, et son amour pour notre belle langue française lui inspire des indignations de grande liberté d’allure.
Qu’est-ce donc que cet hymne à la Liberté, à la révolution ? […] De toute manière, s’il croit au peuple et aussi le redoute, s’il croit à la liberté de penser sans dire qu’elle soit anodine, il a une confiance particulière dans le peuple anglais, dans la liberté de ce peuple qu’il juge capable d’innovations, et d’innovations qui ne détruisent pas le trésor légué par la sagesse des ancêtres. […] la liberté absolue de la critique, la liberté capricieuse, l’enchaînez-vous ? […] Alors, dit-il, réjouissez-vous ; car vous devez à votre inévitable ignorance un précieux cadeau, la liberté : vous êtes libres d’imaginer le monde à votre guise. […] Le vieux catholicisme et la jeune philosophie, la féodalité mourante et la liberté naissante ont contribué à les former avec leurs piquants contrastes et leur riche diversité.
Nous avons déjà eu tant de fois occasion d’exposer le tableau de notre Révolution, et, en le faisant, nous avons avec tant de liberté mis à profit le livre et les idées de M.
Je prends la liberté, Madame, de vous demander là-dessus une explication un peu plus intelligible, pourvu néanmoins que vous le puissiez faire. » Et comme on lui répond discrètement qu’en France on n’aime pas que les femmes parlent d’affaires, « tant mieux alors, s’écrie-t-elle avec l’orgueil de son sexe ; nous aurons bien des choses à reprocher aux hommes, puisque nous n’y aurons point eu de part. » Philippe et sa cour furent obligés d’abandonner Madrid pour la seconde fois devant les armes de l’archiduc.
Mais au-dessous et dans les limites de la doctrine universelle, la liberté humaine, l’esprit de curiosité et d’intelligence, le génie enfin se sont exercés ; il y eut des théologiens, des philosophes, des poètes qui essayèrent de prêter des formes particulières, tantôt ingénieuses et subtiles, tantôt magnifiques et brillantes, à ce qu’ils croyaient la vérité.
Antithèses étranges et profondes, plus profondes qu’ailleurs, ou plus sensibles, ou plus souvent rencontrées : Entre le soleil et la pluie ou le brouillard, entre les paysages de gares, de docks, d’usines et de mines et les paysages de bois, de lacs et de pâturages ; Entre le passé et le présent, qui partout se côtoient, dans les institutions, dans les mœurs, dans les édifices ; Entre la richesse formidable et l’épouvantable misère ; Entre le sentiment inné du respect et l’attachement inné à la liberté individuelle ; Entre la beauté des jeunes filles et la laideur des vieilles femmes ; Entre l’austérité puritaine et la brutalité des tempéraments ; Entre le don du rêve et le sens pratique, l’âpreté au travail et au gain ; Entre les masques et les visages, etc.
« Sainte-Beuve. » Il faut noter aussi cette pensée, cueillie dans les échos, à propos d’une inscription lue sur le mur de clôture du cimetière Montparnasse : « Liberté, Égalité, Fraternité » : — « Dans combien de siècles cette devise strictement vraie pour les morts sera-t-elle enfin une vérité pour les vivants ?
Si messieurs les journalistes l’accusent de n’avoir pas fait de corrections, il prendra la liberté de leur envoyer les épreuves, noircies par un minutieux labeur, de ce livre régénéré ; car on prétend qu’il y a parmi ces messieurs plus d’un Thomas l’incrédule.
Cependant, le plus grand acteur de la scène Françoise a regret à la privation de la première liberté, de la franchise & des saillies du parterre.
Non-seulement la fermentation qui prépare un orage agit sur notre esprit, de maniere qu’il devient pesant et qu’il nous est impossible de penser avec la liberté d’imagination qui nous est ordinaire, mais cette fermentation corrompt même les viandes.
Ami, s’il te faut ma liberté pour te sauver, l’honneur, prends-la.
« L’Empereur, qui nous a donné le salut, puis qui nous a donné la gloire, et à qui rien n’a manqué que le soleil », nous aura donné toutes les prospérités possibles en nous donnant la liberté de la tribune et de la presse, si agréables aux membres du Corps législatif qui tiennent à être vus par la fenêtre !
On peut dire que par elle le génie s’étend, l’âme s’élève, l’homme tout entier multiplie ses forces ; et de là les travaux, les méditations sublimes, les idées du législateur, les veilles du grand écrivain ; de là le sang versé pour la patrie, et l’éloquence de l’orateur qui défend la liberté de sa nation.
La même passion sanglante, la liberté revendiquée au prix du meurtre, n’aurait pas ailleurs trouvé la même illusion de tangage : « Sous des rameaux de myrte je porterai le glaive97, comme Harmodius et Aristogiton, lorsqu’ils tuèrent le tyran et qu’ils firent Athènes libre sous les lois.
*** Voilà ce qu’est le journalisme aujourd’hui, ce qu’il doit être sous le régime de la liberté de la presse. […] Quand donc se décidera-t-on, pour la réputation, pour la considération, pour l’honneur du journalisme, à nous arracher cette liberté morbus qui le tue ? Une liberté de moins, ce n’est pas une affaire pour la République : elle nous en a enlevé de plus utiles et de plus chères. […] S’il vous répugne, au nom d’une liberté mal entendue et d’une sorte de solidarité mal comprise, de traîner ces livres en justice, au moins mettez-leur sur la couverture une marque d’infamie qui les fasse reconnaître. […] C’était le seul journal, assez peu inféodé au monde du théâtre, et assez peu gourmand de places gratuites, pour assurer à son critique la pleine liberté de ses appréciations.
Les scènes de séparation et d’adieu sont écrites avec talent ; tout est dit par la femme outragée, dans un langage contenu, plein de courage et de dignité dans le remarquable passage où elle rend à son mari cette liberté qu’il réclame et qui, juste châtiment, devra tant lui peser un jour. […] Le début est charmant de liberté ; c’est un personnage du nom de Gabonus qui parle : La belle s’appelait mademoiselle Amable, Elle était combustible et j’étais inflammable. […] Ainsi conclut l’abbé Jérôme Coignard, à qui il sera pardonné bien des libertés de langage et de pensée. […] Anatole France a donné, cette fois, toute liberté à la fantaisie, et l’a suivie en historiographe, relatant en termes exquis toutes les aventures que le hasard mettait au travers de son chemin. […] Ils réclament la liberté pour eux, mais dans le but d’opprimer les autres et eux-mêmes réciproquement.
L’idée générale qui suppose le désintéressement, la liberté de l’esprit, suppose la civilisation, la sécurité relative. […] En réalité, la liberté des mouvements de notre corps, quand elle existe, est une liberté limitée, une liberté qui s’exerce dans un cercle très étroit, la liberté d’un prisonnier qui peut aller et venir dans sa cellule. […] Au bout de ce temps, nous sentons que notre liberté est épuisée, nous sommes au bout de la chaîne. […] Avant qu’elle ne se prononce, nous sommes souvent dans un état qui nous donne l’illusion de la liberté. […] Camille Sabatier a écrit : « La liberté est aussi inexplicable que certaine. » C’est, à mon avis, l’illusion de la liberté qui est aussi inexplicable que certaine et, j’ajoute, que nécessaire.
Vouloir arracher par la crainte et par la violence un sentiment qui n’a de prix que par la liberté, attenter aux droits des femmes et à l’indépendance du cœur, c’est un despotisme sauvage, indigne d’un amant généreux. […] À l’égard de Junie et de Narcisse, Racine s’est donné un peu plus de liberté ; ce sont les seuls dont il se soit permis d’altérer les traits, pour les accommoder à son plan. […] Sa vertu même était un peu suspecte ; elle avait cette vivacité, cet enjouement, cette liberté dans les manières, qui nuisent à la réputation d’une femme dans l’esprit de ceux qui jugent sur les apparences. […] Le charme consiste dans la supposition que Phèdre, victime de la colère de Vénus, ne peut résister à sa passion : supposition qui, dans nos principes de morale, est absolument contraire à la liberté, et qui, même dans le système du paganisme, est évidemment fausse ; car si Vénus peut allumer dans le cœur de Phèdre une flamme criminelle, elle ne peut pas contraindre Phèdre à se déshonorer en se livrant à cette passion. […] Il fallait que les philosophes fussent bien aveuglés par leur haine contre Boileau, ou bien idolâtres de quelques jolis vers, pour se charger de prôner partout ces ouvrages efféminés, et pour avoir l’effronterie de les placer à côté des chefs-d’œuvre du siècle de Louis XIV ; peut-être avaient-ils des motifs d’intérêt particulier, lorsqu’ils se montraient si prodigues du titre de grand homme en faveur de l’auteur de quelques chansonnettes : je suis même surpris que leur noble enthousiasme pour la liberté et leur sainte fureur contre le despotisme leur aient jamais permis de s’ériger en défenseurs du plus fade panégyriste, du flatteur le plus outré du plus orgueilleux despote.
Il faudroit donc pour l’instruction de nos contemporains mettre à profit cette liberté que nous pouvons prendre sur les auteurs qui ne sont plus. […] Je regarde donc ces critiques comme une suite naturelle de l’établissement de l’academie françoise, et comme le signal de la liberté académique, si nécessaire aux progrès de la raison et du bon goût. […] Et que sans aucun égard aux repugnances de nôtre raison, nous nous refusions jusqu’à la liberté d’y sentir quelques fautes ? […] Qu’on nous marque donc au juste, combien il faut de siecles pour oster aux hommes la liberté de juger d’un ouvrage d’esprit. […] Mes amis par un motif plus noble m’honorent de cette liberté, ils ne me ménagent point les expressions ; et presque tout le monde, ou par amitié, ou sous prétexte d’amitié, est en possession de me dire les choses les plus dures pour l’amour propre.
La Bible avait fait dans Michel-Ange la statue de Moïse ; le christianisme biblique du moyen âge avait fait dans Michel-Ange les dessins du Jugement dernier ; la liberté civique avait fait dans Michel-Ange les tombeaux des Médicis. […] Voici cette note : « Le nombre des statues était si considérable en Grèce qu’on aurait pu dire des Grecs, à l’époque où ils avaient perdu avec la liberté les vertus de leurs ancêtres, qu’il y avait chez eux plus de dieux que d’hommes. […] Je le pouvais alors, je jouissais de ma liberté, je n’avais pas voulu l’engager à aucun prix à la monarchie nouvelle : son avènement ressemblait trop à un coup de fortune.
Dans un autre temps, Victor Hugo lui aurait fait reconquérir un haut rang dans la société par l’héroïsme : Valjean se serait évadé, aurait pris les armes, serait monté de grade en grade dans un régiment ou sur un vaisseau, aurait fait tant d’exploits qu’il serait devenu un grand général comme Garibaldi, un aventurier de liberté, un dictateur de peuple, renversant, pour son chef-d’œuvre, le siège d’une religion, et, pour se distraire, une demi-douzaine de trônes ! […] XV Revenons à Valjean, bon citoyen, bon commerçant, bon magistrat, et qui commence à sentir le prix d’une société qui lui garantit les fruits du travail, la liberté et la concurrence, l’inviolabilité des banques, ces réservoirs et ces dépôts du capital ; toutes ces vertus qui la composent tout entière aux yeux de l’industriel enrichi. […] « Moins d’une heure après, le verdict du jury déchargeait de toute accusation le nommé Champmathieu ; et Champmathieu, mis en liberté immédiatement, s’en allait stupéfait, croyant tous les hommes fous et ne comprenant rien à cette vision. » Javert ressaisit Valjean au chevet du lit de Fantine ; elle meurt d’étonnement et d’effroi, on la jette à la fosse commune.
Et l’on va devant soi, et, une fois engagé, on ne recule plus, et l’on se précipite tête baissée, ayant pour espérance une victoire inouïe, la révolution complétée, le progrès remis en liberté, l’agrandissement du genre humain, la délivrance universelle, et pour pis-aller les Thermopyles. […] Une loi qui supprime la peine de mort, quand la société aura rendu cette suppression sans danger pour elle, par un système organisé de colonisation pénale qui sépare l’écume de l’eau sur un écueil de l’Océan lointain, qui sépare le criminel de la société autant que le tranchant de la hache sépare la tête du tronc sur l’échafaud ; Enfin une loi qui constitue sérieusement la liberté d’adorer Dieu selon sa raison ou sa tradition, c’est-à-dire la liberté du ciel.
« Le langage est une partie intégrante de l’histoire naturelle de l’esprit ; et bien que l’esprit, dans son heureuse indépendance, se fasse à lui-même des lois qu’il suit sous les influences les plus diverses, bien que la liberté qui lui est propre s’efforce constamment de le soustraire à ces influences, pourtant il ne saurait s’affranchir tout à fait des liens qui le retiennent à la terre. […] Toutes sont également faites pour la liberté, pour cette liberté qui, dans un état de société peu avancé, n’appartient qu’à l’individu ; mais qui, chez les nations appelées à la jouissance de véritables institutions politiques, est le droit de la communauté tout entière.
C’est d’abord que leur pensée est devenue plus forte avec l’âge ; c’est ensuite que tout a chancelé autour d’eux ; c’est qu’ils ont vu cette société qu’ils croyaient rentrée dans la voie de la tradition s’en écarter de nouveau ; c’est que cette tentative si bien nommée restauration, qui prétendait rendre à la France son ancien ordre social et religieux, a déçu toutes leurs espérances, partagés qu’ils étaient entre les sentiments de gloire et de liberté de notre âge, et cette gloire du passé qui avait bien de quoi les séduire. […] Plus jeune, d’ailleurs, élevé au bruit des batailles, admirateur de Napoléon, amant de la liberté, il sentit un nouveau culte s’élever dans son cœur ; et, dans son indépendance, il porta de rudes coups à ce fantôme du passé qu’il avait d’abord encensé. […] La poésie que je sens encore dans sa réalité, c’est la poésie intime, la grande élégie de Joseph Delorme : un enfant de génie, qui a cru à cette égalité dont on a assourdi ses oreilles dès le berceau ; un homme qui se sent le cœur grand, les passions énergiques et la tête puissante ; qui rêve, dans une société équitable, la gloire et les plaisirs qui lui sont dus, et qui se trouve, lui poète, dans un hôpital, occupé à disséquer des cadavres ; qui se plonge dans l’athéisme obscur de Bichat et de Cabanis, se dessèche avec Locke et Condillac, jette un regard sur leurs successeurs parlant de liberté, de devoir et de vertu, et ne trouve en eux que des sophistes ; homme du peuple, plein de sympathie pour ce peuple qu’il voit traité comme un vil troupeau, plein de dégoût pour toutes ces distinctions de rangs fondées sur une absurdité et sur une iniquité ; cherchant avec enthousiasme la vertu pour l’honorer, et ne sachant à quel signe la découvrir ; à la fois emblème de la souffrance de l’artiste et de celle du peuple ; et qui finit par prendre en mépris le monde et l’Humanité, ne voit dans l’univers qu’un destin aveugle, et, relevant sa tête hors du tombeau où il est déjà couché, et où, brisé par la souffrance, il hésite devant le suicide, exhale ses derniers moments en sanglots étouffés, en plaintes arides, en ironie amère, entremêlés de chants sublimes et d’efforts qui touchent à la folie.
La vertu succombant sous l’audace impunie, L’imposture en honneur, et la vertu bannie ; L’errante liberté Aux dieux vivants du monde offerte en sacrifice ; Et la force partout fondant de l’injustice Le règne illimité ! […] VI Tel que le nageur nu, qui plonge dans les ondes, Dépose au bord des mers ses vêtements immondes, Et, changeant de nature en changeant d’élément, Retrempe sa vigueur dans le flot écumant, Il ne se souvient plus, sur ces lames énormes, Des tissus dont la maille emprisonnait ses formes ; Des sandales de cuir, entraves de ses piés, De la ceinture étroite où ses flancs sont liés, Des uniformes plis, des couleurs convenues Du manteau rejeté de ses épaules nues ; Il nage, et, jusqu’au ciel par la vague emporté, Il jette à l’Océan son cri de liberté ! […] La liberté d’esprit, c’est ma terre promise !
De là deux moi différents dont l’un, conscient de sa liberté, s’érige en spectateur indépendant d’une scène que l’autre jouerait d’une manière machinale. […] C’est plutôt une oscillation de la personne entre deux points de vue sur elle-même, un va-et-vient de l’esprit entre la perception qui n’est que perception et la perception doublée de son propre souvenir : la première enveloppe le sentiment habituel que nous avons de notre liberté et s’insère tout naturellement dans le monde réel ; la seconde nous fait croire que nous répétons un rôle appris, nous convertit en automates, nous transporte dans un monde de théâtre ou de rêve. […] De là une compénétration d’états qui se fondent et même s’identifient ensemble dans la conscience immédiate, mais qui n’en sont pas moins logiquement incompatibles entre eux et que la conscience réfléchie se représentera dès lors par un dédoublement du moi en deux personnages différents, dont l’un prendrait à son compte tout ce qui est liberté, tandis que l’autre garderait pour lui la nécessité — celui-là, spectateur libre, regardant celui-ci jouer son rôle automatiquement.
La liberté la plus grande : (qu’importe le nombre du vers, si le rythme est beau ?) […] Et ce m’est une bien grande fierté, l’honneur qu’elle me fait de se grouper en haute liberté et toute conscience pour ma Méthode. […] Donc, encore, liberté illimitée dans le domaine de la création artistique, anarchie littéraire. […] Mon vieil ami Anatole France, qui ne se trompe que quand il veut, a fait un calembour quand il a paru croire que l’alexandrin a varié d’âge poétique en âge poétique, et que les libertés prises par les symbolistes dérivaient directement des vieilles libertés auparavant conquises ! […] et qu’il est impossible de trouver dans les modernes une liberté poétique dont on ne puisse découvrir l’équivalent chez les classiques !