Sitôt que j’ai eu mis le premier sapin devant moi, il m’a pris comme un mouvement de joie, de gaieté même, de voir la mine embarrassée de mon voleur. […] Suard en jugeait comme Napoléon, et La Harpe écrivait : « Il est facile de concevoir les jouissances et les joies d’un public charmé de s’amuser aux dépens de l’autorité, qui consent elle-même à être bernée sur les planches. » Mais, où le rire général se mêle et où l’ivresse éclate, que peuvent les prévisions et les réserves de quelques esprits ? […] monsieur, les hommes n’ayant guère à choisir qu’entre la sottise et la folie, où je ne vois point de profit je veux au moins du plaisir ; et vive la joie !
Si elle nous enlève les joies, les croyances juvéniles de l’amant, du rêveur et du poëte, qu’elle nous apporte au moins l’impartialité du juge ! […] De temps à autre, on sent circuler dans la pièce un souffle vivifiant et doux, un parfum des joies de la famille, que nous retrouverons plus tard dans Agnès de Méranie. […] Dans ce cœur attristé et non desséché par le célibat, il y avait peut-être des trésors de dévouement et de tendresse, tout le bonheur, toute la joie, tout l’orgueil d’un honnête homme : hélas ! […] Mais alors, demanderai-je en toute humilité, d’où vient ce sentiment de joie sincère et profonde que j’éprouve lorsqu’il me tombe par hasard sous la main un livre excellent ? […] quelle joie et quel orgueil de pouvoir ajouter : ma guenille est Dieu !
Ne nous ont-ils pas prêté leurs chants pour nos amours, pour nos joies ? […] Maudit-il son âpre destinée, qui lui avait interdit les joies concédées à toutes les autres ? […] que d’amertumes effroyables mêlées à ces tristes et courtes joies ! […] « Avec quelle joie j’entendais proclamer les victoires de la République ! […] Elle grandit dans les innocentes joies d’une vie patriarcale.
Alors, ami blessé, ton cœur serait guéri ; Chaque vivant objet, que la trame déploie, Te rendrait un écho d’harmonie et de joie ; Et soumis, adorant, tu sentirais partout Dieu présent et visible, et tout entier dans tout !
Il comprend cent soixante-dix sonnets développant tout un roman d’amour qui commence par la floraison des aveux et des premières tendresses, se continue au bord des flots bleus, dans les monts, s’attriste d’une querelle, se poursuit en rêveries, devant la mélancolie des vagues grises, se termine enfin par le sacrifice, le deuil et l’acceptation virile qui n’est pas l’oubli… C’est bien l’histoire commune et éternelle des cœurs… C’est un véritable écrin que l’Amie perdue, un écrin plein de colliers et de bracelets pour l’adorée, et aussi de pleurs s’égrenant en rosaire harmonieux… C’est un des plus nobles livres d’amour que j’aie lus, parce qu’il est plein d’adorations et exempt de bassesses, parce que la joie et la douleur y sont chantées sur un mode toujours élevé, entre ciel et terre, comme le vol des cygnes qui ne s’abaisse pas même quand leur aile s’ensanglante d’une blessure… Je vous assure qu’il est là tel sonnet que les amants de tous les âges à venir, même le plus lointains, aimeront à relire, où ils retrouveront leur propre pensée et leur propre rêve, comme le doux André Chénier souhaitait qu’il en fût de ses vers d’amour… [Le Journal (26 juillet 1896).]
Lo poète nous les montra dans leurs occupations quotidiennes, dans leurs ordinaires joies, dans leurs naturelles douleurs.
De clairs paysages de nature jeune, un crépuscule sur un bois d’avril, des plaintes d’oiseaux parmi les branches, une forêt effeuillée par la brise, des processions pieuses de jeunes filles dans un lointain discret, et puis les sanglots et les joies d’une âme fraîche et calme, voilà tous les aspects qu’a présentés, à notre vue, le poète du Lis dans son récent ouvrage.
Il n’y a peut-être rien de plus favorable aux Muses, que ce lieu de purification, placé sur les confins de la douleur et de la joie, où viennent se réunir les sentiments confus du bonheur et de l’infortune.
Les yeux du voyageur viennent d’abord s’attacher sur cette flèche religieuse, dont l’aspect réveille une foule de sentiments et de souvenirs : c’est la pyramide funèbre autour de laquelle dorment les aïeux ; c’est le monument de joie où l’airain sacré annonce la vie du fidèle ; c’est là que les époux s’unissent ; c’est là que les chrétiens se prosternent au pied des autels, le faible pour prier le Dieu de force, le coupable pour implorer le Dieu de miséricorde, l’innocent pour chanter le Dieu de bonté.
Le dégoût qu’inspiraient certains excès dramatiques récents fut pour beaucoup dans la joie et la vivacité de cette reprise. […] » — « C’est moi, monsieur, répliqua-t-elle en se retournant brusquement dans le couloir, son petit cabas à la main, c’est moi-même ; mais donnez-moi donc deux sous pour m’acheter de la galette, s’il vous plaît. » Et voilà pourquoi, entre autres motifs à l’appui, elle eut toute raison, l’autre soir, de reparaître dans le personnage de l’illustre infortunée à qui elle avait dû une joie d’enfance ; voilà pourquoi elle eut raison de vouloir dire, aux applaudissements de tous, ce mot de fierté qu’elle relève si bien : Si le Ciel était juste, indigne souveraine, Vous seriez à mes pieds, et je suis votre reine. […] quelle joie De tenir dans mes mains et leur vie et ma proie De les voir, reculant à l’aspect de leur roi, Fuir sans trouver d’asile où se sauver de moi, Et, pâles de leur crainte et de la mort future, Implorer vainement, même la sépulture ! […] J’ai sous les yeux la plupart des journaux du temps ; le Journal des Débats, le seul qui, dès ce temps-là, voulut être sévère constate lui-même l’entier triomphe : « La joie est dans le camp des romantiques, s’écrie Étienne Becquet en commençant88 ; le succès de M.
Au chant xiii de l’Odyssée, Ulysse, trop longtemps retenu à son gré chez les Phéaciens, a obtenu un vaisseau ; il doit partir le soir même, il assiste au dernier festin que lui donnent ses hôtes ; mais, impatient qu’il est de s’embarquer pour son Ithaque, il n’entend qu’avec distraction, cette fois, le chantre divin Demodocus, et il tourne souvent la tête vers le soleil comme pour le presser de se coucher : « Comme lorsque le besoin du repas se fait sentir à l’homme qui, tout le jour, a conduit à travers son champ les bœufs noirs tirant l’épaisse charrue : il voit joyeusement se coucher la lumière du soleil pressé qu’il est d’aller prendre son souper, et les genoux lui font mal en marchant ; c’est avec une pareille joie qu’Ulysse vit se coucher la lumière du soleil. » La passion de l’exilé sur le point de revoir sa patrie, comparée à celle du pauvre journalier pour son souper et son gîte à la dernière heure d’une journée laborieuse, ne se trouve point rabaissée en cela ; elle n’en paraît que plongeant plus à fond, enracinée plus avant dans la nature humaine ; mais rien n’est compris si cette circonstance naïve des genoux qui font mal en marchant est atténuée ou dissimulée ; car c’est justement cette peine qui est expressive, et qui aide à mesurer l’impatience même, la joie de ce simple cœur. […] L’enfant est plus belle que toutes vos couronnes. » Si, dans un festin, la coupe a touché les lèvres de Zénophila, il s’écrie : « Le calice a souri de joie, il dit qu’il a touché la lèvre éloquente de l’aimable Zénophila : bienheureux ! […] Mais de tels vœux et de telles plaintes, qui supposent si aisément l’infidélité de l’amante, sont trop ordinaires à tous les élégiaques antiques ; ce qui nous peut indiquer que l’amour de Méléagre pour Héliodora s’est élevé à quelque chose de plus particulier et de plus senti dans l’ordre du cœur, ce sont des accents comme ceux-ci ; il est à table avec ses amis, les coupes circulent, la joie déborde ; lui, il regrette celle qui, la veille, était à ses côtés : « Verse, et dis encore, encore, encore, A Héliodora !
Quelque difficulté et quelque péril qui me parussent dans un tel projet, je puis dire qu’il me donna plus de joie que je n’en avois eu de ma vie. […] « On a bien de la peine à rompre, quand on ne s’aime plus. » On en était à ce point de difficulté : M. de Nemours le trancha, et M. de La Rochefoucauld saisit avec joie une occasion d’être libre, en faisant l’offensé : « Quand nous sommes las d’aimer, nous sommes bien aises qu’on nous devienne infidèle pour nous dégager de notre fidélité. » Il fut donc bien aise, mais non pas sans mélange ni sans des retours amers : « La jalousie, il l’a dit, naît avec l’amour ; mais elle ne meurt pas toujours avec lui. » Le châtiment de ces sortes de liaisons, c’est qu’on souffre également de les porter et de les rompre. […] Les joies, les peines de famille le trouvaient incomparable. […] c’est leur jeunesse d’âme prolongée, c’est leur belle humeur heureuse et leur vive source de joie naturelle qu’ils continuent d’aimer autour d’eux.
L’Italie est en deuil des religions et des empires, le bruit et la joie attristent dans cette maison de douleur. […] La joie et la tristesse se fondaient dans son accent ; le site élevé, la touffe de verdure, le son de la clochette, la lueur sereine du soleil sur ce groupe de murailles, attirèrent machinalement mes pas vers le couvent. […] Ceux dont l’enfance fut triste ne renaissent jamais complètement à la joie, dit Sénèque, dans des vers qui semblent d’hier : Pectora longis habitata malis Non sollicitas ponunt curas ; Proprium hoc miseros sequitur vitium, Nunquam rebus credere lætis, Redeat felix fortuna licet. […] L’infortuné Bernardo, consolé au moins par la présence de son fils, n’avait témoigné à sa dernière heure que la joie d’aller rejoindre, dans le sein de Dieu, cette Porcia qu’il avait tant aimée, et de laisser sur la terre, pour perpétuer son nom, un fils dont la tendresse et la gloire naissante le récompensaient de ses longues adversités.
Les derniers sons de la cloche d’argent des ermites résonnaient encore, comme une gaieté des anges, à travers les branches du châtaignier ; le soleil d’automne éblouissait dans les feuilles jaunes ; les châtaignes, presque mûres, tombaient une à une, avec les feuilles d’or, sur l’herbe court tondue par les brebis ; on entendait la cascade pleuvoir allègrement dans le bassin, et les merles siffler de joie en se frôlant les ailes et en se rappelant dans les lauriers. Il semblait qu’une joie sortait du ciel, de l’eau, de l’arbre, de la terre, avec les rayons, et disait, dans le cœur, aux oiseaux, aux animaux, aux jeunes gens et aux jeunes filles : « Enivrez-vous, voilà la coupe de la vie toute pleine. » Dans ces moments-là, monsieur, on se sentait, de mon temps, soulevé pour ainsi dire de terre, comme par un ressort élastique sous les pieds. […] Ils dansaient ainsi de joie, pour danser, sans se douter seulement que le malheur les épiait sous la figure de ce capitaine des sbires et de ses amis, en habits noirs, derrière les arbres. […] Ces belles larges feuilles qui étaient bien à nous, puisque leurs pampres nous avaient cherchés de si loin pour s’accrocher à nos tuiles sur le toit et à nos piliers de pierre devant la porte, et jusqu’aux lucarnes de la chambre haute de Fior d’Aliza, où elles se glissaient par les fentes du volet ; ces beaux sarments serpentant qui faisaient notre ombre l’été, notre gaieté l’automne, notre joie sur la table l’hiver, nous caressaient pour la dernière fois comme un chien qui meurt en vous léchant les pieds ; morts non pas pour tout le monde, monsieur, mais morts pour nous.
» l’emportaient sur tout, prison, grilles, chaînes, échafaud même ; la zampogne semblait plutôt délirer que jouer sous mes doigts, et les notes qui s’échappaient criaient de joie, insensées, comme les eaux de la grotte, amassées dans le bassin et longtemps retenues, quand nous ouvrons les rigoles, s’élancent en cascades en se précipitant en écume et en bondissant au lieu de couler, et je me disais : « Il m’entend, et ce délire est un langage à son oreille qui lui apprend ce que ma bouche n’a pas achevé de lui confesser. » Les prisonniers se pressaient aux lucarnes et croyaient peut-être que j’étais tombée en folie. […] Mais il n’y avait que Hyeronimo qui comprît ma pensée et la sienne dans les joies ou dans les tristesses de la zampogne : nos deux âmes s’unissaient dans le même son ! […] Qu’est-ce qu’il me disait, qu’est-ce que je lui disais, je n’en sais plus rien ; pas beaucoup de mots peut-être, rien que des soupirs, mais dans ces silences, dans ce peu de mots, il y avait d’abord la joie de savoir que nous nous étions trompés et bien trompés, monsieur, en croyant depuis six mois que nous avions de l’aversion l’un pour l’autre, tandis que c’était par je ne sais quoi que nous nous fuyions comme deux chevreaux qui se cherchent, qui se regardent, qui se font peur et qui reviennent pour se fuir et se chercher de nouveau, sans savoir pourquoi. […] Premièrement, le petit chien Zampogna fut tout à fait guéri de sa jambe coupée et commença à japper un peu de joie autour de nous en gambadant sur ses trois pattes, devant la porte, comme pour me dire : Maître, sortons donc et allons chercher ceux qui manquent à la maison ; je puis à présent te servir et te conduire comme autrefois ; fie-toi à moi de choisir les bons sentiers et d’éviter les mauvais pas ; et il s’élançait sur le chemin qui descend vers Lucques comme s’il eût compris que ses deux amis étaient là-bas ; puis il revenait pour s’y élancer encore.
. — Écrivant dans sa vieillesse un parallèle de Thémistocle et d’Aristide comme modèle pour perfectionner les Vies de Plutarque, il adresse ce petit écrit à Mme Dupin, femme du fermier général, l’une des quatre ou cinq jolies femmes de Paris qui s’étaient engouées de lui, et il lui dit dans sa lettre d’envoi : Voilà, madame, Aristide et Témistocle dont j’ai comancé la vie dans ce charmant séjour que vous habitez (à Chenonceaux) ; vous les trouverez écrites suivant ce nouveau plan que je vous propozai un jour sur les bords du Cher dans une de nos promenades filozofiques où vous trouviez tant de plézir… J’avoue que j’eus une grande joie de voir ainsi qu’à votre âge, et avec les charmes de la jeunesse, vous étiez capable d’estimer le sansé, lorsque tout ce qui vous anvironne n’estime que l’agréable présant, au lieu que l’utile ou le sansé ne regarde que l’agréable futur. […] Lui, il raisonne, il moralise et abonde à cœur joie en son sens unique.
Ni de vous je ne parlerai non plus, harmonieux poëte de la vie domestique et des joies du Foyer 29, Madame Auguste Penquer, qui avez depuis étendu votre vol et enhardi votre essor dans les Révélations poétiques 30 ; âme et lyre également bien douées, à la note large et pleine, aux cordes sensibles et nombreuses ; que rien de particulièrement breton ne distingue, si ce n’est l’amour du pays natal ; qui avez mérité d’être saluée comme une jeune sœur de ceux que vous nommez « le cygne de Mâcon » et « l’aigle de Guernesey », et qui n’avez qu’à vous garder d’un éblouissement trop lyrique en présence des demi-dieux. […] Félix Gaudin, auteur de Poésies chrétiennes 35, âme honnête, éprouvée, reconnaissante, que l’injustice a atteinte, que la foi a relevée et consolée, humble acolyte en poésie, et qui, dans le pieux cortège, me fait l’effet de psalmodier ses rimes à mi-voix, en tenant à la main le livre de l’Imitation d’où la joie et la paix lui sont revenues.
Au nord, l’Océan bat les falaises blanchâtres ou noie les terres plates ; les coups de ce bélier monotone qui heurte obstinément la grève, l’entassement de ces eaux stériles qui assiègent l’embouchure des fleuves, la joie des vagues indomptées qui s’entre-choquent follement sur la plaine sans limites, font descendre au fond du coeur des émotions tragiques ; la mer est un hôte disproportionné et sauvage dont le voisinage laisse toujours dans l’homme un fond d’inquiétude et d’accablement. — En avançant vers l’est, vous rencontrez la grasse Flandre, antique nourrice de la vie corporelle, ses plaines immenses toutes regorgeantes d’une abondance grossière, ses prairies peuplées de troupeaux couchés qui ruminent, ses larges fleuves qui tournoient paisiblement à pleins bords sous les bateaux chargés, ses nuages noirâtres tachés de blancheurs éclatantes qui abattent incessamment leurs averses sur la verdure, son ciel changeant, plein de violents contrastes, et qui répand une beauté poétique sur sa lourde fécondité. — Au sortir de ce grand potager, le Rhin apparaît, et l’on remonte vers la France. […] Ce plaisir ne ressemble en rien à la joie physique, qui est méprisable parce qu’elle est grossière ; au contraire, il aiguise l’intelligence et fait découvrir mainte idée fine ou scabreuse ; les fabliaux sont remplis de vérités sur l’homme et encore plus sur la femme, sur les basses conditions et encore plus sur les hautes ; c’est une manière de philosopher à la dérobée et hardiment, en dépit des conventions et contre les puissances.
La Grèce qu’il, aime, où il vit, c’est la Grèce aimable, légère, joyeuse de vivre, absorbant avidement de ses sens subtils tout ce que la nature a répandu de beautés et de plaisirs dans l’air, dans la lumière, dans les lignes des monts et la mobilité des îlots ; la Grèce des joies physiques et des passions naturelles, primitivement sensuelle ou voluptueuse avec raffinement, la Grèce homérique, alexandrine ou gréco-romaine, épique, idyllique, élégiaque. […] Il avait accueilli la Révolution avec joie, confiance, enthousiasme ; mais il ne tarda pas à s’inquiéter, à s’indigner : il était monarchiste constitutionnel, il avait Jacobins et Girondins en exécration.
Les tortures de la passion, les férocités et les lâchetés sociales, les âpres sanglots du désespoir, l’ironie et le dédain, tout se mêle avec force et harmonie dans ce cauchemar dantesque troué çà et là de lumineuses issues par où l’esprit s’envole vers la paix et la joie idéales. […] Sa Joie et sa Douleur le gardent, accroupies.
Il nous contait ses joies d’artiste, d’observateur ; ses impressions de flâneur et de noctambule. […] Je me souviens de la joie d’un jeune ouvrier maçon à peine échappé du service militaire, à qui Verlaine avait permis de copier des fragments de Sagesse.
Quant « à l’anticipation de l’avenir, elle consiste dans la même série d’associations, avec cette différence que, dans la mémoire, l’association des états de conscience qui convertit l’idée en mémoire va du conséquent à l’antécédent, c’est-à-dire à reculons ; tandis que dans le cas d’anticipation, l’association va de l’antécédent au conséquent, c’est-à-dire en avant46. » Quand une sensation agréable est conçue comme future, mais sans qu’on en soit certain, cet état de conscience s’appelle espoir ; si l’on en est certain, il s’appelle joie. […] « L’amour n’est autre chose que la joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure.
Homère a souvent parlé des joies de deux époux, mais l’a-t-il fait de cette sorte ? « Isaac fit entrer Rébecca dans la tente de Sara, sa mère, et il la prit pour épouse ; et il eut tant de joie en elle, que la douleur qu’il avait ressentie de la mort de sa mère fut tempérée121. » Nous terminerons ce parallèle et notre poétique chrétienne par un essai qui fera comprendre dans un instant la différence qui existe entre le style de la Bible et celui d’Homère ; nous prendrons un morceau de la première pour la peindre des couleurs du second.
Les nuages y paraissent sans couleur et la joie même y est un peu triste ; mais des fontaines d’eau froide y sortent des rochers et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d’herbes ondulées, se mire le ciel. » Je laisse de côté l’effet de peinture qui est étonnant ; mais j’appelle l’attention sur l’effet rythmique ; il est dans l’opposition, légère du reste, et qu’il serait inepte de marquer comme un contraste, mais dans l’opposition cependant, des sons étouffés, sourds, des tons tristes « mousses marines… au fond des baies solitaires…, nuages sans couleur » et des sons plus clairs, plus chantants, sans avoir rien d’éclatant, de triomphant ni de sonore, « yeux de jeune fille…, vertes fontaines. ., se mire le ciel ». […] C’est la joie impertinente de la mouche, du commissaire du comité dans un cortège, qui est exprimée.
On encourt la même accusation d’incompétence, si l’on ne prend pas soin de dissimuler la joie de beauté qu’est susceptible d’éveiller la vue d’un de ces hardis et gigantesques ponts de fer suspendus au-dessus de l’abîme, décrivant une courbe d’un prodigieux élan. […] Sa face ridée réapparaîtra brillante de jeunesse et de vie, et de sa bouche ne sortiront ni malédictions ni cris de douleur, mais des hymnes et des cris de joie.
Nos joies ne sont pas assez radieuses, ni nos douleurs assez cruelles, pour entrer en comparaison avec les joies et les douleurs que la musique nous fait rêver, de sorte que, ne pouvant espérer d’être heureux, nous n’avons pas même la consolation de souffrir fortement. […] La réalité la plus crue s’étale devant nous avec ses misères, ses amertumes, ses joies sensuelles et bruyantes. […] Agir, et non rêver ou contempler, voilà désormais sa joie. […] Comment pourrais-je vous dépeindre les joies que j’éprouve ? […] Il faudrait pour une telle œuvre la plume des grands poètes qui ont entrepris de chanter les joies célestes et les voluptés séraphiques.
— La Joie de Maguelonne (1891). — Chevaleries sentimentales (1893). — Floriane et Persiant (1894). — L’Upanishad du grand Aranyaka (1894). — Paphnutius, de Hrotsvitha (1895). — Intermède pastoral (1896). — L’Anneau de Çakuntalâ, de Kalidasa (1896). — Le Livre de la Naissance, de la Vie et de la Mort de la Bienheureuse Vierge Marie (1896). — Les Perses, tragédie, traduite d’Eschyle (1896). — La Cloche engloutie, de Gérard Hauptmann, traduction en français (1897). — Images tendres et merveilleuses (1897). — Sâvitri, comédie héroïque en deux actes et en vers (1899). — Au hasard des chemins (1900).
Et tandis que tous, peuple, Sénat, armée, se précipitent avec joie vers les vainqueurs, l’empereur et sa fille se frappent et meurent, libres encore, et léguant aux Barbares l’exemple d’êtres qui, jusqu’au bout, ont eu foi en une idée, et qui n’ont voulu se soumettre à aucun esclavage.
Si Lusignan ne rappelait à sa fille que des dieux heureux, les banquets et les joies de l’Olympe, cela serait d’un faible intérêt pour elle, et ne formerait qu’un dur contresens, avec les tendres émotions que le poète cherche à exciter.
Formée pour nos misères et pour nos besoins, la religion chrétienne nous offre sans cesse le double tableau des chagrins de la terre et des joies célestes ; et, par ce moyen, elle fait dans le cœur une source de maux présents et d’espérances lointaines, d’où découlent d’inépuisables rêveries.
Euphrosyne est la joie que nous cause la pure délectation de la voix musicale et harmonieuse. » Sans insister sur les distinctions un peu platoniques du vieil auteur, il me suffit des traductions vives qu’il emploie pour éclairer la discussion même. […] Nulle églogue ne respire davantage la félicité de la campagne, l’abandon et la joie facile ; il s’y mêle la plus naïve rougeur d’enfant et les premiers troubles de la pudeur. […] Le moment où Daphnis obtient le prix, et où le chevrier le déclare vainqueur, est une fin délicieuse, et qui achève le tableau : « L’enfant bondit et battit des mains de joie d’avoir vaincu, comme un faon de biche qui bondirait vers sa mère ; mais l’autre se consuma et eut le cœur bouleversé de chagrin, comme une jeune épousée s’affligerait à l’heure du mariage. […] Le jeune poëte est modeste, mais il ne l’est pas tant qu’il en a l’air ; il a tressailli de joie à cette rencontre de Lycidas, et il brûlé de se mesurer avec lui. […] Et ceux qu’elles regardent d’un œil de joie, ceux-là n’ont rien à craindre des breuvages funestes de Circé. » Il semble indiquer par là que c’est un de ces breuvages de passion insensée qui l’a un moment égaré dans l’intervalle, mais qui n’a pas eu puissance de le perdre, parce qu’il possédait le préservatif souverain des Muses.
Elle écoute cependant aussi la zampogna, mais comme un souvenir de ses jeunes années, ou plutôt elle la fait écouter à son enfant, dont le sourire est toute sa joie. […] Quand la fatalité amena ici son jeune frère, qui avait été renvoyé de Rome comme suspect, ces deux jeunes gens, ayant appris que leur mère (la reine Hortense) partait de Rome pour venir les rejoindre à Florence, à cause des troubles de la Romagne, voulurent aller au-devant d’elle ; ils furent reçus à Perugia, à Foligno, à Spoleto, à Terni, avec de si vives démonstrations de joie, on leur fit tant d’instances pour se joindre aux insurgés et pour leur prêter l’appui d’un grand nom, qu’ils se laissèrent entraîner, Napoléon par faiblesse. […] Depuis ce jour on n’a pas cessé de s’extasier sur ces deux pendants de la joie et de la tristesse, les Moissonneurs et les Pêcheurs. […] Ils disent l’ivresse de la moisson qui commence, et la joie de la terre qui fait bondir les pieds de l’homme à la réception des dons de Dieu. — Que dit le visage de cette jeune et belle moissonneuse, regardant de loin les musiciens des Abruzzes ? […] Elle dit qu’elle méprise désormais ces musiques, ces danses, ces joies folles de la jeunesse, qu’elle a recueilli toute sa pensée dans la tendresse sévère de son mari, assis sur le buffle, et tout son avenir dans ce nourrisson pressé sur son sein. — Et ce vieillard, maître du champ, accoudé sur les sacs, regardant avec une affectueuse indifférence les musiciens, les danseurs, la moisson, le soleil couchant, que dit-il ?
II « C’est Nausicaé aux bras blancs qui commande le jeu ; telle que Diane, dont les flèches font les délices, elle court à travers les montagnes, soit sur le Taygète escarpé, soit sur l’Érymanthe, à la poursuite des sangliers et des cerfs agiles qui l’amusent ; les nymphes des champs, nées de Jupiter porteur de l’égide, partagent ses plaisirs ; et le cœur de Latone palpite de joie, car sa fille les dépasse du visage et de la tête ; et, bien que toutes soient belles, on distingue aisément la déesse. […] « “Certes, leur cœur, grâce à toi, s’épanouit sans cesse de joie quand ils voient une telle fleur entrer dans le chœur des danses ; mais plus heureux encore que tous les autres au fond de son âme celui qui, l’emportant par les dons du mariage, t’amènera dans sa demeure. […] C’est un vif chagrin pour leurs ennemis, pour leurs amis une grande joie, et pour eux-mêmes surtout une bonne renommée.” […] La joie et la haine le suivent, comme la guerre, la peste, les chagrins et les larmes. […] XXIV C’est ainsi qu’il arriva à ses derniers moments, résigné, pieux, plein de cette joie intérieure que l’homme étendu sur le fumier de Job trouve dans l’entretien perpétuel et solitaire avec son invisible ami.
« Ta lettre donc m’a donné une lueur de joie, je me trompe, un véritable bonheur, par les bonnes choses dont elle est remplie. […] « Voilà Noël, belle fête, celle que j’aime le plus, qui me porte autant de joie qu’aux bergers de Bethléhem. […] Était-ce plainte ou joie ? […] Voilà de quoi me plaire ici et murer ma porte à tout ce qui se voit ailleurs. » XLVIII Arrêtons-nous un moment ici, où ses dernières joies finissent, et demandons à nos lecteurs s’ils ont trouvé ailleurs ces ouvertures sur l’âme humaine qui laissent mieux voir au fond d’un cœur. […] Allons encore quelques pas dans cette belle vie, et voyons-la finir comme elle a commencé : dans la douce candeur de la douleur confiante, comme dans la naïve joie de la fleur qui vient d’éclore pour jouir, aimer, souffrir, et embaumer ce qui la foule aux pieds sans la cueillir et sans la voir.
— J’en ressentis une vive joie ; et, craignant que ma présence ne troublât le joli couple, je sortis, non sans jeter souvent un regard en arrière. […] Leur chant alors, quand ils se rencontraient sur le bord du nid, se faisait remarquer par un petit gazouillement et des accents de joie que je n’ai jamais entendus dans aucune autre occasion : c’était, je m’imagine, la douce, la tendre expression du plaisir qu’ils se promettaient, et dont ils semblaient jouir par anticipation sur l’avenir. […] Les lèvres du fugitif s’entrouvrirent avec une expression de joie et d’amour ; l’éclatante rangée de ses dents d’ivoire semblaient envoyer un sourire à travers l’obscurité du soir qui s’épaississait autour de nous. « Maître, me dit-il, ma femme, bien que noire, est aussi belle, pour moi, que la femme du président l’est à ses yeux ; c’est ma reine, et je regarde mes enfants comme autant de princes. […] Il danse sur le cadavre ; il enfonce profondément ses armes d’airain dans le cœur du cygne mourant ; il bat des ailes, il hurle de joie, les dernières convulsions de l’oiseau l’enivrent. […] À mesure qu’un débris de l’arbre vole dans l’air, sous le bec de l’un d’eux, l’autre le félicite par un petit cri aigu, écho de sa joie.
L’accent de ces vers à Guttinger a un pressentiment de gravité qui annonce un commencement d’amertume dans la joie. […] Déjà, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent à leur père avec des cris de joie, En secouant leurs becs sur leurs goîtres hideux. […] La joie a pour symbole une plante brisée, Humide encor de pluie et couverte de fleurs. […] Partout retentissait comme une joie étrange ; C’était en février, au temps du carnaval. […] Enfin, tu as changé de temps en temps de corde et de note sur ton instrument de joie, tu lui as fait rendre, au soir de tes années assombries, des accents inattendus d’inspiration, de douleur, de piété, de pathétique, d’enthousiasme pour la nature, d’invocation à son auteur, qui ont fait frémir à l’unisson d’abord, puis taire d’admiration ensuite nos propres lyres étonnées que les musiciens du temple fussent tout à coup surpassés par un ménétrier du plaisir !
Le tyran qui les épie à leur insu, et qui, les perçant à la fois du même glaive, confond dans un même ruisseau leur sang sur la terre et dans un même soupir leur première et leur dernière respiration d’amour ; Le ciel qui les châtie avec une sévérité morale, mais avec un reste de divine compassion, dans un autre monde, et qui leur laisse au moins, à travers leur expiation rigoureuse, l’éternelle consolation de ne faire qu’un dans la douleur, comme ils n’ont fait qu’un dans la faute ; La pitié du poète ému qui les interroge et qui les envie (on le reconnaît à son accent) tout en les plaignant ; Le principal coupable, l’amant, qui se tait, qui sanglote de honte et de douleur d’avoir causé la mort et la damnation de celle qu’il a perdue par trop d’amour ; la femme qui répond et qui raconte seule pour tous les deux, en prenant tout sur elle, par cette supériorité d’amour et de dévouement qui est l’héroïsme de la femme dans la passion ; Le récit lui-même, qui est simple, court, naïf comme la confession de deux enfants ; Le cri de vengeance qui éclate à la fin de ce cœur d’amante contre ce Caïn qui a frappé dans ses bras celui qu’elle aime ; Cette tendre délicatesse de sentiment avec laquelle Francesca s’abstient de prononcer directement le nom de son amant, de peur de le faire rougir devant ces deux étrangers, ou de peur que ce nom trop cher ne fasse éclater en sanglots son propre cœur à elle si elle le prononce, disant toujours lui, celui-ci, celui dont mon âme ne sera jamais « désunie » ; Enfin la nature du supplice lui-même, qui emporte dans un tourbillon glacé de vent les deux coupables, mais qui les emporte encore enlacés dans les bras l’un de l’autre, se faisant l’amère et éternelle confidence de leur repentir, buvant leurs larmes, mais y retrouvant au fond quelque arrière-goutte de leur joie ici-bas, flottant dans le froid et dans les ténèbres, mais se complaisant encore à parler de leur passé, et laissant le lecteur indécis si un tel enfer ne vaut pas le ciel… Quoi de plus dans un récit d’amour ? […] Ils sont dans cette lueur du jour qui pénètre tous les matins par le soupirail dans le cachot pour marquer aux condamnés un espace de moins, un supplice de plus, et pour leur rappeler qu’un soleil de vie, de joie et de liberté, éclaire pendant leurs ténèbres le reste du monde. […] « Une douce teinte de saphir oriental, qui se répercutait dans la sérénité d’un air transparent jusqu’au premier cercle, rendit la joie à mes regards, aussitôt que je sortis de l’air mort qui m’avait si longtemps contristé les yeux et le cœur. […] La sainteté de l’âme béatifiée, le ressentiment amoureux de la femme, la honte silencieuse de l’amant infidèle, la foi du chrétien repentant, la joie du poète qui retrouve sa jeunesse, son innocence et sa vertu dans la première créature qu’il a aimée, y sont fondus dans une telle harmonie de couleurs, de sentiments, de remords, de joie, de larmes, d’adoration, qu’ils rendent à la fois le drame aussi divin qu’humain dans l’âme des deux amants sur les confins des deux mondes.
Rien ne ressemble plus à ce qu’on appelle l’inspiration, que la joie avec laquelle l’enfant absorbe la forme et la couleur. […] Et voilà que son âme vit avec l’âme de ce régiment qui marche comme un seul animal, fière image de la joie dans l’obéissance ! […] Quelques pastorales (les Paysans) venaient de paraître, et déjà les pianos bourgeois les répétaient avec une joie étourdie. […] C’est la joie ! […] » s’écrient avec joie tous les siffleurs et cabaleurs. « L’épreuve est faite !
Mais sa jeune misanthropie était allègre et goûtait déjà ces joies de la bataille, dont jamais il ne sut se défendre […] Sur le bord de sa fosse, je songeai aux tourments de sa vie, je les évoquai, je les vis tous, et je comptai aussi les joies qu’aurait pu goûter, malgré sa condition servile, ce coeur vraiment fait pour Dieu. Joies pures, joies profondes ! […] Que pèsent ces mots pour qui ne croit plus qu’aux besoins de son ventre et aux joies de sa haine ? […] C’est peut-être le seul moment de sa vie politique où il ait eu la joie de ne point se sentir isolé et suspect et de pouvoir communier avec toute la France.
C’était une des joies caressées par M. […] Un murmure de joie court dans tout l’auditoire ; on voit se redresser toutes les têtes. […] On ferait battre des montagnes, et l’on pétillerait de joie à les voir aux prises. […] Tout cet enthousiasme a débordé à l’entr’acte en exclamations de joie. […] Elle a été la joie de cette comédie.
Le palais en savoure la joie, l’estomac en accueille sans peine le ragoût et les parfums.
Dorchain a goûté là les plus douces joies qui soient données à l’artiste : vivre dans son œuvre ; ne s’occuper que d’elle, s’y enfoncer, en être pénétré et possédé… Conte d’avril était tout à fait digne de la Comédie-Française.
C’est Hellas tout de joie exquise et de poésie, à qui le dieu nouveau ne permet plus de sourire… [Anatole France (1883).]
J’ai ressenti une joie d’âme, une beauté de cœur, une sincérité de gestes, d’actes, de grâce devant ce petit livre qu’est Toi, de beauté et de bonté si pure, douce et grave… Si nous passons à la Légende blasphémée, le chant du poète se change en un cri d’orgueil et de gloire, en une force et une vaillance de son être rebelle aux codes, aux lois, aux disciplines.
C’est elle qui, de l’homme augmentant les besoins, Multip ie avec eux ses travaux & ses soins ; Qui, lui faisant haïr le repos & la joie, Aux avares soucis livre son ame en proie ; Qui lui fait de la Gloire ensanglanter l’Autel, Et courir à la mort, pour se rendre immortel.