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1001. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Le capitaine Bréval, dans ses voyages, dit également avoir vu à Vérone, en 1762, un vieux bâtiment qui était alors une maison d’orphelins, et qui, selon son guide, avait renfermé le tombeau de Roméo et de Juliette ; mais il n’existait plus. […] Ce serait aller trop loin que de supposer que toutes ces différences caractéristiques sont faites avec intention, mais heureusement elles existent dans les créations de Shakspeare comme dans la nature. […] Malone ne croit pas qu’il existe en anglais une pièce plus incorrecte, plus défectueuse, et par la versification, et par l’invraisemblance du plan général. […] Il faut croire que l’imagination complaisante du spectateur se prêtait à la licence du poëte, et voyait sur le théâtre ce qui n’y existait pas : mer, vaisseaux, palais, forêts, etc. […] Il existe en français un ancien roman sur le même sujet, intitulé le roi Apollyn de Thyr, par Robert Copland.

1002. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

J’y remarque cette belle page qui lui fut inspirée par les harmonies de la nature et de l’histoire, par l’heureuse et parfaite convenance du cadre et des souvenirs, en face de l’admirable vallée, aujourd’hui déserte, d’Olympie : « Il existe entre les lieux célèbres et leur histoire une harmonie qui en fait le charme ; on sent à les parcourir vingt siècles après leur ruine qu’ils étaient prédestinés, que ce qu’ils ont été ils devaient l’être, que la nature avait mis une correspondance intime entre eux et le fait dont ils ont été le théâtre, ou la pensée dont ils ont été le symbole. […] L’humaniste d’auparavant, du temps où elle n’existait pas, se reconnaît tout d’abord, et il différait assez notablement de l’humaniste rajeuni, retrempé à la source. […] Ponsard avait vu la Grèce, il aurait su que le mot de brutalité n’existe que pour le cyclope dans le monde d’Homère, et qu’un pareil terme jure et crie, appliqué à ces beaux génies harmonieux qui, même sous leur forme primitive, sont tout le contraire du barbare. […] Naturellement et sans calcul, la manière de penser et même de croire se met d’accord avec ce don, cette puissance de dire, quand elle existe à ce degré souverain.

1003. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Nous disons d’avance, avec la même franchise, que ces qualités n’existent pas pour nous dans son premier livre de l’Histoire de la Révolution, livre superficiel et jeune, où rien n’est pesé, où rien n’est approfondi, où rien n’est senti, où rien n’est peint ; espèce d’estampe mal coloriée de l’esprit, des choses, des hommes de la Révolution française, semblable à ces portraits de fantaisie que l’on colporte à la foule sur nos places publiques, et qu’on lui donne pour l’image de ses grands capitaines, de ses grands orateurs ou de ses grands événements. […] « C’est cette qualité appliquée aux grands objets de l’histoire qui, à mon avis, est la qualité essentielle du narrateur, et qui, lorsqu’elle existe, amène bientôt à sa suite toutes les autres, pourvu qu’au don de la nature on joigne l’expérience, née de la pratique. […] Thiers affecte de prendre trop au sérieux Cambacérès, homme en qui le ridicule du caractère s’associait par égale portion avec la sagacité de l’esprit, excellent à un rang secondaire, dans l’ombre, mais qui n’aurait jamais existé s’il n’avait été le second d’un grand homme. […] La troisième armée, dite de réserve, dont les éléments existaient à peine, devait se former entre Genève et Dijon, et attendre là l’issue des premiers événements, prête à secourir Moreau s’il en avait besoin.

1004. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

— Oui, me répondit-il, c’est mon seul vice, et chez moi, quand il n’y a pas quelque chose de bon à dîner, je suis malheureux, tout à fait malheureux… Il n’y a que cela… les autres choses, ça n’existe pas pour moi… Ah, vous ne savez pas quelle est ma vie ?  […] L’achat continu, insatiable, maladif, n’existe que dans les périodes de tristesse, de vide, d’inoccupation du cœur ou de la cervelle. […] Les grandes, les originales œuvres, dans quelque langue qu’elles existent, n’ont jamais été écrites en style académique. […] Intempéries, répond quelqu’un… “Messieurs, s’écrie Cousin, nous devons apporter une certaine réserve dans le choix des mots que nous avons l’honneur de consacrer ; intempéries n’est pas du latin, ça n’existe dans aucun auteur de bonne latinité : c’est du latin de cuisine.”

1005. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Ce qu’on reproche aux différentes écoles littéraires, ce n’est pas en soi la diversité de leurs points de vue, tous existent — mais les exagérations de ces points de vue mêmes. […] La science n’a d’autre but qu’elle-même ; rien n’existe pour elle en dehors du résultat obtenu, l’homme ne compte qu’entant que moyen, mis de côté dès qu’il cesse d’être utile : il ne ferait que retarder, embarrasser sa marche ; le roman au contraire, tout entier tourné vers l’homme, ne verra l’œuvre de l’homme qu’à travers ses efforts. […] Il s’agit tout simplement de trouver par quel côté le laid cesse de l’être, c’est-à-dire en quel sens il a droit à notre sympathie, droit qui est celui de tout ce qui existe, à la seule condition qu’on sache regarder les choses sous un certain jour. […] « Nous montrons le mécanisme de l’utile et du nuisible, nous dégageons le déterminisme des phénomènes humains et sociaux, pour qu’on puisse un jour dominer et diriger ces phénomènes73. » Le « circulus social » est identique au circulus vital ; dans la société comme dans le corps humain, il existe une solidarité qui lie les différents membres, les différents organes entre eux, de telle sorte que, si un organe se pourrit, beaucoup d’autres sont atteints, et une maladie très complexe se déclare.

1006. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

La prosopopée est à l’état naissant, mais elle existe déjà, dans ces vers d’Horace : Est mihi purgatam crebro qui personet aurem : Solve senescentem mature sanus equum, ne Peccet ad extremum ridendus et ilia ducat215; elle existe toutes les fois que la formule : « J’entends une voix qui me dit… », est suivie de quelques phrases contenant les raisons de l’injonction ou du conseil anonyme. […] Mais cette heureuse habitude de la mémoire est acquise ; chez beaucoup, elle n’existe pas ; chez personne elle n’est absolument parfaite. […] Mais, dans l’Apologie de Platon (p. 26 et 27), Socrate établit avec une parfaite netteté les rapports logiques qui existent pour son esprit et, selon lui, pour tout esprit bien fait, entre […]— Dans sa Rhétorique II, 23, 8), Aristote, faisant une allusion évidente à cette argumentation de l’Apologie, en formule le début à sa manière avec beaucoup de précision : « […] ne peut être qu’un dieu ou l’œuvre d’un dieu… » 183.

1007. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

On nous parle de l’image auditive du mot comme si c’était une entité ou un genre : ce genre existe, sans aucun doute, pour une mémoire active qui schématise la ressemblance des sons complexes ; mais pour un cerveau qui n’enregistre et ne peut enregistrer que la matérialité des sons perçus, il y aura du même mot mille et mille images distinctes. […] À notre sens, la « région des images », si elle existe, ne peut être qu’un clavier de ce genre. […] Les centres d’images, s’ils existent, ne peuvent être que les organes symétriques des organes des sens par rapport à ces centres sensoriels. […] Nous soutenons au contraire qu’il ne peut rien rester d’une image dans la substance cérébrale, et qu’il ne saurait exister non plus un centre d’aperception, mais qu’il y a simplement, dans cette substance, des organes de perception virtuelle, Influencés par l’intention du souvenir, comme Il y a à la périphérie des organes de perception réelle, influencés par l’action de l’objet.

1008. (1897) Aspects pp. -215

Qui sait s’il n’existe pas, dans quelque coin, un individu ignoré dont les rythmes, si nous les entendions, appelleraient notre acclamation unanime ? […] On ne saurait le mettre à part en disant qu’il existe d’un côté tandis que la science existe de l’autre. […] Il écrivait jadis (dans le Roman expérimental, p. 188) : « L’Académie a cessé d’exister, j’entends comme force et comme influence dans les lettres. […] Jean Lorrain qui aurait tous les droits à revendiquer le sceptre du snobisme si M. de Montesquiou-Fezensac, autre Goncourtisant, n’existait pas. […] En effet, sans les vers de Verlaine, qui s’inquiéterait de s’informer, vingt minutes après son décès, si Fouquier a existé ?

1009. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Rosny à des mots tels que « ressurgissement », qui, quoi qu’il en dise, n’existent pas et pour cette seule raison qu’ils ne peuvent pas exister ? […] On parle de vertu ; et on n’a pas tort : il n’y a que les sots pour dire que la vertu n’existe pas. […] Pour lui ni le temps n’existe, ni l’espace ; et il ne se soucie ni de géographie ni d’histoire. […] À cela sans doute il y a une raison, puisque le hasard n’existe pas. […] Même la littérature continuera-t-elle d’exister ?

1010. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Mais ici, autour de l’idée principale, venaient naturellement se grouper une foule de questions accessoires que l’auteur a négligées et que provoquait l’esprit de l’époque : jusqu’à quel point est légitime et approuvé par le goût cet emprunt d’images étrangères ; en quoi il peut réellement consister ; si c’est en bravant l’harmonie par une foule de mots barbares tirés d’idiomes encore grossiers, ou en reproduisant simplement une pensée naïve, une coutume touchante d’un jeune peuple, si c’est en s’emparant sans discernement des êtres créés dans des mythologies étrangères, ou en ne s’enrichissant que des allégories ingénieuses et faites pour plaire en tous lieux, que le poète imitateur méritera dignement de la littérature nationale ; ou encore, s’il n’y a pas l’abus à craindre dans ce recours trop fréquent à des descriptions de phénomènes ; si Delille, Castel, que l’auteur cite souvent, et les écrivains de cette école qu’il paraît affectionner, s’en sont toujours gardés ; si enfin il n’y a pas souvent cet autre danger non moins grave à éviter, de parler à la nation d’une nature qu’elle ne comprend pas, d’en appeler à des souvenirs qui n’existent que pour l’écrivain, et réduire l’homme médiocrement éclairé à consulter Buffon ou Cuvier pour entendre un vers.

1011. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Pour l’amour noble, idéal, comme pour la poésie, il n’y a que deux âges, jeunesse et vieillesse ; dans l’intervalle, quand l’amour profond et passionné existe, il faut qu’il se cache et se garde des témoins ; il intéresse malaisément un tiers ; il se complique de mille petitesses et misères du corps et de l’âme, d’obésité, d’ambition : on a peine à y croire, on ne peut l’admirer.

1012. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Il était providentiel, en quelque sorte, que ce fût un juif qui, le premier, du point de vue saint-simonien, réhabilitât à son rang dans la tradition cette société religieuse, la plus forte qui ait jamais existé, et donnât la clef de l’obstination mystérieuse du peuple dispersé qui sert de spectacle au monde.

1013. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Nul être vivant ne le secourt, nul être vivant ne s’intéresse à son existence ; il ne lui reste que la contemplation de la nature, et elle lui suffit ; c’est ainsi qu’existe l’homme sensible sur cette terre, il est aussi d’une caste proscrite, sa langue n’est point entendue, ses sentiments l’isolent, ses désirs ne sont jamais accomplis, et ce qui l’environne, ou s’éloigne de lui, ou ne s’en rapproche que pour le blesser.

1014. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

C’est comme une convention allégeante et salutaire que l’écrivain nous demande d’admettre un instant. « Il n’y a rien… absolument rien… La douleur même est un pur néant quand elle est passée… L’univers n’existe que pour nous permettre de le railler par des assemblages singuliers de mots et d’images… » Voilà ce que nous admettons implicitement lorsque nous lisons une page de Grosclaude ; et de là cette impression de déliement, de détachement heureux, que nous font souvent éprouver ses facéties les plus macabres.

1015. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Frédéric Mistral, qui n’en serait pas moins ce qu’il est, quand il serait signé par le Gazonal de Balzac, n’existe, comme toutes les œuvres vraiment poétiques, que par le détail, l’observation, le rendu et l’intensité du détail.

1016. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

En d’autres termes, un peuple n’adopte des façons de sentir et de penser étrangères que si elles répondent à des aspirations qui existent déjà chez lui.

1017. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Ainsi lorsqu’on laisse de côté le langage vague sur la liberté de la volonté — qui est, comme on l’a dit, la liberté de quelque chose qui n’existe pas — la véritable question se présente sous une forme qui ne laisse plus guère de place à une divergence d’opinions.

1018. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

La maniere de concevoir & de sentir, le mouvement & l’ordre des idées, la tournure de l’expression, une certaine forme d’exister & de vivre dans ses Ouvrages, qui lui est particuliere.

1019. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

On persuade à une malade qu’il existe sur une table voisine un oiseau, puis, sans la prévenir, on interpose un prisme devant un de ses yeux : la malade s’étonne alors de voir deux oiseaux ; si on lui donne une lorgnette, l’oiseau imaginaire s’éloigne ou s’approche selon le bout par lequel elle regarde.

1020. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Cela prouve qu’une grande différence existait déjà entre les temps de Virgile et ceux d’Homère, et qu’au siècle du premier, tous les arts, même celui d’aimer, avaient acquis plus de perfection.

1021. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Nous apprenons dans le moment que ce Journal n’existe plus.

1022. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Toute forme belle ou laide a sa cause, et de tous les êtres qui existent, il n’y en a pas un qui ne soit comme il doit être.

1023. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Quand nous avons lu ses deux énormes volumes, et qui ne sont que le commencement d’un récit qu’il continuera, jamais nous n’avons mieux compris la rareté des historiens véritables en présence de la plus resplendissante histoire à écrire, et jamais nous n’avons plus souffert du choquant contraste qui existe parfois entre l’historien et le héros.

1024. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Il y a, sous la pantomime, fort bien exécutée, de ces coups de cravache impitoyablement et froidement appliqués à toutes les vanités et les avidités ambiantes, par ce jeune chroniqueur qui ne se contente pas de raconter, mais qui châtie ; un faire de moraliste eu germe, de moraliste pour plus tard… Car le moraliste n’existe pas seulement en vertu de l’indignation d’un noble esprit ou d’un cœur haut.

1025. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

l’attaque ingrate aux mœurs les plus belles qui aient jamais existé parmi les hommes et dont une civilisation soit sortie ?

1026. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

il n’est pas possible d’être, implicitement mais plus clairement, matérialiste dans le sens le plus épais du mot, quoique Taine subtilise et prétende ailleurs : « que la matière, substance douée de force, n’existe pas… ».

1027. (1927) André Gide pp. 8-126

Cette perfection a existé, dans le paradis terrestre, chaste éden, jardin des idées : mais Adam s’est ennuyé de cette splendide immobilité ; d’un geste, il a détruit la féerie idéale et fait naître la vie. […] Seul le prophète a fini par être admis auprès du prince, mais plus il l’approchait, plus le prince dépérissait : on ne peut pourtant avouer au peuple qu’il est enfin mort, si tant est qu’il ait jamais vraiment existé. […] Et le roman pur existe, on peut même dire qu’il pullule, mais ce n’est rien du tout. […] Mais le théâtre pur, c’est Scribe ; le roman pur, c’est Dumas père ou Pierre Benoit ; M. l’abbé Bremond a fini par conclure que la poésie pure n’existait pas et qu’elle était impossible. […] Il remarque finement que si le diable existe, son intérêt est qu’on ne croie pas à son existence, pour pécher sans inquiétude.

1028. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Il fallait qu’il le fût pour que la pièce existât. […] Tout ce morceau (et il est long) n’existait qu’en linéament dans le texte primitif. […] Je le crois bien, puisqu’il n’existait pas ! […] Pour moi, faute de suffisante perspicacité sans doute, elles ont été, si elles existent, complètement inaperçues. […] Toutes les objections sont donc, à mon avis, réfutées ; mais il est incontestable qu’elles existent, qu’elles existeront toujours, que toujours elles circuleront sourdement dans l’esprit du public et qu’il y aura toujours un léger refroidissement à partir du commencement de l’acte IV.

1029. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Les moyens abrégés qu’on employe à cette fin dans le discours, sont quelquefois des équivalens de noms propres qui n’existent pas ou qu’on ignore ; cette pierre, mon chapeau, cet homme. […] La science grammaticale est antérieure à toutes les langues, parce que ses principes sont d’une vérité éternelle, & qu’ils ne supposent que la possibilité des langues : l’art grammatical au contraire est postérieur aux langues, parce que les usages des langues doivent exister avant qu’on les rapporte artificiellement aux principes généraux. […] Le nom épellatif de cette lettre, si je puis parler ainsi, c’est-à-dire le plus commode pour la facilité de l’épellation, emprunte nécessairement le secours de l’e muet, parce que h, comme toute autre consonne, ne peut se faire entendre qu’avec une voyelle ; l’explosion du son ne peut exister sans le son. […] Eh, qui ne voit que l’hypallage si elle existe, est un véritable vice dans l’élocution plûtôt qu’une figure ? […] Ainsi il faut construire, reperire neminem qui velit id, est ; ce qui signifie littéralement, ne trouver personne qui le veuille, est ou existe ; ou en transposant la négation, trouver quelqu’un qui le veuille, n’est pas ou n’existe pas ; ou enfin, en ramenant la même pensée à notre maniere de l’énoncer, on ne trouve personne qui le veuille.

1030. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Pour elle, le péché n’existe pas. […] À l’un de ses voisins, il confie ses préoccupations littéraires, et les vœux qu’il forme en vain de rencontrer une oeuvre humaine où retentira l’écho de ses propres tourments. « Mais elle existe, cette œuvre !  […] Ils existent. […] Si jamais la République s’aperçoit qu’il existe des esprits préoccupés de l’État, et non pas des bénéfices assez grossiers qu’ils seraient pourtant en droit d’attendre de lui, M.  […] Je distingue les rapports qui existent entre un paysan catholique de notre Savoie et un paysan protestant vaudois.

1031. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Et que font aux vertus, à la morale, et par conséquent au bonheur qui n’existe point sans elles, toutes nos découvertes si vantées ? […] Les conséquences que tire madame de Staël d’un fait qui n’existe pas, ont la même singularité. […] Les Athéniens croyaient aux mêmes dogmes, défendaient aussi leur patrie, aimaient aussi la liberté ; mais ce respect qui agit sur la pensée, qui écarte de l’imagination jusqu’à la possibilité des actions interdites, ce respect qui tient, à quelques égards, de la superstition de l’amour, les Romains seuls l’éprouvaient pour les objets de leur culte. » Madame de Staël établissait tout à l’heure comme principe un fait qui n’existe pas ; elle contredit maintenant un fait qui existe. […] On dirait que, nouveaux dans la vie, ils ne savent pas si ce qui est pourrait exister autrement. […] Tibulle a décrit en vers charmants cette pompe champêtre, comme elle existait chez les Romains.

1032. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

*** Dans un petit théâtre du boulevard, il existe un artiste dont l’avarice est arrivée à un tel point qu’il ferait à coup sûr interdire Harpagon comme prodigue, s’il était son père. […] — Pardonnez-moi, mesdames, de vous avoir dérangées, leur dit-il, mais la raison qui m’avait fait vous réunir n’existe plus… — Comment ?  […] Il existe, de même, à Paris, des journaux peu riches— pauvreté n’est pas vice— ou n’ayant pas le moyen de subventionner un spécialiste pour chacune des matières que sa feuille est appelée à traiter, le propriétaire prend un rédacteur pour tout faire. […] Le cabinet particulier existe peu dans les tavernes anglaises. […] Elles ne valent pas à beaucoup près les Anglaises ; mais comme elles viennent de France, le pavillon couvre la marchandise. — En résumé, ce bal, comme tous ceux qui existent à Londres, n’a pas l’entrain que l’on remarque quelquefois dans les nôtres. — Les Anglais sont des gens mathématiques et pressés qui ne font rien d’inutile.

1033. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

S’imagine-t-on qu’une œuvre d’art, poétique ou plastique, existe en soi ? […] Rien n’existe en soi ; tout est relatif. […] Le bien et le mal n’y existent plus, parce qu’on n’y considère les actes que sous la catégorie activité. […] La poésie qui n’est pas parfaite n’existe pas : la poésie parfaite est parmi les produits les plus précieux et les plus utiles de l’esprit humain. […] On peut le retenir, du moins, comme un aveu : l’italique ou l’(’) témoignent que des e existent dans l’écriture que la parole ignore.

1034. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

L’amour n’existe qu’autant qu’il est autorisé par la loi, et qu’il aboutit à la paternité légitime dans les justes noces. […] On s’est souvent demandé si l’amitié pouvait exister entre deux personnes de sexe différent sans qu’il y entrât un peu d’un sentiment plus tendre. […] Et il est des années où l’on peut véritablement croire qu’elle n’existe plus, tant elle paraît morte. […] Tous ses personnages ont existé : depuis Daniel Eyssette, qui est M.  […] Il insistait sur l’accord qui existe entre le théâtre de Dumas fils et le public auquel il s’adresse.

1035. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Enfin, d’après les lois de la conservation de la force, aucun savant ne doute que le mouvement n’ait toujours existé et ne doive exister toujours. — Ainsi, de même qu’il y a des caractères communs dont la présence continue relie entre eux les divers moments de l’individu, de même il y a des caractères communs dont la présence multipliée et répétée relie entre eux les divers individus de la classe. […] Non seulement ils existent en fait, hors de nous, et souvent bien au-delà de la courte portée de nos sens et de nos conjectures ; mais encore ils sont efficaces.

1036. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Tout ce que l’oreille entend, tout ce que l’œil contemple sur ce superbe théâtre n’existe que par une pensée de la tête puissante qui fit sortir d’un marais tant de monuments pompeux. […] Il est fait comme nous extérieurement, il naît comme nous ; mais c’est un être extraordinaire, et, pour qu’il existe dans la famille humaine, il faut un décret particulier, un fiat de la puissance créatrice. […] Tout gouvernement est absolu, et, du moment où l’on peut lui résister sous prétexte d’erreur ou d’injustice, il n’existe plus.

1037. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

« Voilà, mes amis, ce que j’avais à vous dire pour me justifier auprès de vous de ce que je ne m’afflige pas de vous quitter, vous et les modèles de ce monde, dans la confiance que je vais trouver d’autres amis et d’autres modèles dans l’autre monde, et c’est là ce que le vulgaire ne peut concevoir ; mais j’espère avoir mieux réussi auprès de vous qu’auprès de mes juges d’Athènes. » XX Cébès alors lui confie ses doutes sur l’immortalité de l’âme : « Il me semble, dit-il, qu’en quittant le corps elle cesse d’exister ; elle se dissipe comme une vapeur ou comme une fumée ; elle s’évanouit sans laisser d’apparence. […] Notre âme existait en lui avant son existence terrestre, et ses instincts moraux ne sont que les réminiscences de sa préexistence, dans des conditions que nous ignorons, avant cette vie ; et si elle existait avant nos corps, elle doit aussi leur survivre, et l’impossibilité de la décomposer en parties atteste qu’elle est une, et par conséquent indissoluble et immortelle ; car la mort n’est que la dissolution des parties qui composent le corps : mais comment se décomposerait l’âme, qui n’est pas composée ?

1038. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Ces principes de mélancolie existent dans la physionomie d’un logis situé à Saumur, au bout de la rue montueuse qui mène au château, par le haut de la ville. […] « Dans la vie morale, aussi bien que dans la vie physique, il existe une aspiration et une respiration : l’âme a besoin d’absorber les sentiments d’une autre âme, de se les assimiler pour les lui restituer plus riches. […] Pour elle, la fortune n’était ni un pouvoir ni une consolation ; elle ne pouvait exister que par l’amour, par la religion, par la foi dans l’avenir.

1039. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

le drame musical existe en Allemagne, et nous laisserions tout entière à un pays que nous aimons peu une gloire où nous pouvons avoir part ? […] Le Conseil d’administration, qui existe encore, était composé de MM.  […] Par exemple, dans un tas de pierres, les deux forces, la Pesanteur et l’Impénétrabilité, existent, mais à l’état de germes seulement ; pour Schopenhauer, elles n’acquièrent l’absolue réalité que lorsque dans une œuvre d’art, un portique par exemple, elles se révèlent comme impression esthétique sur l’ame contemplative.

1040. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Et la différence artistique est non moins marquée : En ses opéras, Wagner reste librettiste d’opéra, content avec une esquisse de poème au lieu d’un poème développé, avec une ébauche littéraire, hâtée, confuse, incorrecte, un récit de fait-divers, au lieu de la précise et complète analyse du roman ; le spectacle est celui de l’opéra, dialogues d’interlocuteurs qui ne se regardent point, brillants défilés ; enfin, musicien d’opéra, Wagner emploie, — génialement, — une forme étriquée, et, — mélancoliquement, — il renonce aux richesses symphoniques de l’étude passionnelle… Mais, en ses drames, il est poète, avec les subtilités, les grandeurs, et les affinements des purement poètes ; son drame existe, littérairement, comme un roman dialogué ; — et il est le musicien révélateur de l’essence musicale, et son orchestre a appris à exprimer, — clairement (pour la première fois), — les ineffables intimités des âmes. […] Cela est inexact : il s’en va parce que, du moment que la jeune fille a échappé à l’enchantement de sa personne, en réalité il n’existe plus pour elle !  […] C’est encore aux cercles Wagnériens, qui existent toujours, isolément, dans leurs villes, qu’on dut, en 1883, l’établissement définitif de l’Association Wagnérienne Universelle.

1041. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Or cette correspondance a été brûlée il y a une vingtaine d’années, je crois… et si par le plus grand des hasards elle existe encore, savez-vous où elle se trouverait ? […] Je parle, par exemple, du japonisme, et ils ne croient exister de cet art, que quelques bibelots ridicules, qu’on leur a dit être le comble du mauvais goût et du manque de dessin. […] Et quand je disais que le japonisme était en train de révolutionner l’optique des peuples occidentaux, j’affirmais que le japonisme apportait une coloration nouvelle, un système décoratoire nouveau. enfin si l’on veut une fantaisie poétique dans la création de l’objet d’art, qui n’exista jamais dans les bibelots les plus parfaits du moyen âge et de la renaissance.

1042. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Dans l’étude de propriétés constantes, qui n’existent pas dans la nature, et qui sont des conceptions de l’esprit, de la raison, agissant d’après les lois qui lui sont propres sur les données fournies par la nature, et abstraction faite de ce que ces données ont de variable et d’incertain. […] Puisque les jugemens synthétiques à priori existent, ils sont donc possibles, et on peut en dire autant d’un certain nombre de sciences théorétiques qui reposent sur ces jugemens. Il faut bien que les mathématiques pures, que la physique pure soient possibles, puisqu’elles existent, mais on ne peut faire la même réponse pour la métaphysique ; jusqu’ici elle a si peu atteint le but qu’elle s’était proposé, qu’on ne peut contester à personne le droit d’élever cette question : comment la métaphysique est-elle possible ?

1043. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Elle existe pour nous toute tracée, elle est visible comme une de ces avenues et de ces voies immenses, grandioses, qui traversaient autrefois l’empire, et qui aboutissaient à la ville par excellence. […] Un savant auteur anglais, le colonel Mure, dans son Histoire de la littérature grecque, se pose, à son tour, cette question : « Si la nation grecque n’avait jamais existé, ou si ses œuvres de génie avaient été anéanties par la grandeur de la prédominance romaine, les races actuelles principales de l’Europe se seraient-elles élevées plus haut dans l’échelle de la culture littéraire que les autres nations de l’antiquité avant qu’elles eussent été touchées par le souffle hellénique ? 

1044. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Et d’abord le Cid a positivement existé. […] De Chimène, il n’en est pas plus question dans la suite de cette Chronique que si elle n’existait pas ; et un jour que le comte de Savoie, prisonnier de Rodrigue, lui a offert sa fille en mariage, le victorieux refuse, non pas en disant : « Je suis déjà marié », mais comme n’étant pas de ceux à qui appartient fille de comte et si riche héritière.

1045. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

D’ordinaire des personnes notables et autorisées, sachant que de tels prix existent et que des sujets, à leur connaissance, sont aptes à les mériter, se mettent en avant et entament la candidature. […] Il existe à Paris, dans le quartier Notre-Dame-de-Lorette, une femme, nous a-t-on dit, qui, depuis quarante ans, dans une condition des plus médiocres, a fait autant de bien à elle seule que les familles riches et les bureaux de bienfaisance qui l’entourent.

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