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833. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

La nature des eaux de l’Hipocrene, ne les rend pas encore bien propres à éteindre de pareils incendies.

834. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

C’est un homme d’une tout autre constitution que Saint-Marc Girardin, par exemple, dont l’érudition a la légèreté brillante et reconfortante d’un verre d’eau.

835. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Laissons-lui dire qu’avant Descartes et Pascal la langue française n’était pas fixée, comme si la langue fluviale de Rabelais ne valait pas le petit bassin d’eau filtrée sur lequel Racine mettait à îlot et faisait manœuvrer les petites galères d’ivoire de ses tragédies… Pascal, qui est un des fïxeurs de la langue française, pour parler l’incroyable jargon des pédants traditionnels et officiels, Pascal lui-même imite Montaigne, et c’est en réunissant la langue de Montaigne à son âme à lui, à cette âme si épouvantablement passionnée, qu’il fut ce miracle… ou ce monstre, qu’on appelle Pascal !

836. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Ils étiolent cet homme si solide, fait de cette pâte qui ne casse ni au fer, ni à l’eau, ni au feu et qui n’a pas cassé au milieu de tous les écroulements qu’il a vus et qui l’ont frappé de leurs débris.

837. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

La religion est une Thétis qui trempe les cœurs dans des eaux dont ils ressortent Achille et qui leur dit : « La peur seule est mortelle. » Et d’ailleurs, avait-il besoin de courage ?

838. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Schmidt, il est cependant là encore, tranquille et dormant à la surface de toutes les idées, comme l’huile essentielle d’un poison qui filtrerait sous la première couche d’une eau pure.

839. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

… Et les peuples, heureux de patauger dans ce flot des anarchies de toutes les espèces, comme les Condamnés des premiers temps dans les eaux du déluge, y nagent et s’y débattent dans le délire d’une joie insensée, croyant que le flot qui les submerge ne pourra pas les engloutir !

840. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Armand Hayem, sans cesser d’être lui-même, et avec une habileté volontaire ou involontaire, avait étamé un miroir de la plus belle eau dans lequel messieurs des Sciences morales et politiques auraient pu se reconnaître, et dans lequel pourtant ces vieux Narcisses, à la vue trop basse, ne se sont pas reconnus.

841. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Enfin, il y a un admirable artiste encore dans beaucoup de Poèmes antiques ou modernes du recueil publié aujourd’hui, par exemple, Dolorida, poème byronien, un bas-relief pour la netteté avec des personnages modernes pour la passion et pour le geste ; Suzanne au Bain et la Toilette d’une Dame romaine, intailles qu’on eût crues gravées par André Chénier ; Le Cor, la ballade de Roncevaux, où se trouvent de ces vers jaillis comme l’eau, d’une source, et quoi que deviennent les littératures décadentes qui se tordent dans leur convulsive agonie, éternellement limpides, jaillissants et frais : Oh !

842. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Cet Idyllique qui dépose de si pensifs bouquets de pensées dans un simple verre d’eau et qui a fait La Ronde de l’oiseau, un modèle de gazouillage, et La Ronde des jeunes filles, un modèle de folie virginale, Il est un amandier rose, Un amandier rose et gris, Qui parle !

843. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

à l’aplatissement il a mis le ragoût du détail et du système, et c’est au moment où elle va s’enfuir de la maison paternelle, cette créature jusque-là de chêne et d’acier, qu’il l’a fait se dissoudre misérablement, comme une argile, sous quelques gouttes d’eau.

844. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

C’est qu’il appartient, en effet, à cette race d’esprits qui ne s’enfoncent dans quoi que ce soit et restent à fleur d’eau de tout, — ce qui ne veut pas dire qu’ils ne savent pas y plonger.

845. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Ce serait un exemple à présenter, je ne dis pas seulement aux princes, mais à une foule de citoyens qui, embarrassés de leur opulence, prodiguent leurs richesses en bâtiments, en luxe, en chevaux, en superfluités aussi éclatantes que ruineuses, transportent des terres, aplanissent des montagnes, font remonter des eaux, tourmentent la nature, construisent pour abattre, et abattent pour reconstruire, se corrompent et corrompent une nation, achètent avec des millions des plaisirs de quelques mois, et dans quelques années échangent leur fortune contre de la pauvreté, des ridicules et de la honte.

846. (1902) Propos littéraires. Première série

Elle croit bien, au fond, que Shakespeare n’a mis aucun symbole nulle part, et particulièrement n’en a mis aucun dans le personnage d’Ophélie, et qu’Ophélie n’est qu’une petite fille simplette et amoureuse ; mais comme Clarisse est symboliste et ne comprend la littérature que symboliste, elle suppose qu’il y a un symbole dans Ophélie, qu’Ophélie c’est l’eau, pure et chantante, limpide, l’eau sur le lit d’algues vertes, « l’eau glauque » ; et elle joue Ophélie en eau glauque, donnant de la tête aux pieds la sensation fraîche, mélancolique et troublante de l’eau glauque. […] « — Alors, nous avons encore le temps de faire une petite promenade sur l’eau. […] — Le précepteur de son jeune cousin se jette à l’eau et n’en revient que pour aller au cimetière. […] Le beau, comme le vrai, est insaisissable, obscur, flottant, plongeant et trempant dans les eaux dormantes du mystère. […] Le plus petit grain de poussière est écarté à l’instant et les gouttes d’eau qu’elles boivent sont comptées.

847. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Comme le patriarche, il était assis au bord du puits pour examiner les Sara qui venaient puiser l’eau à la fontaine. […] La nuit est brillante comme le jour ; le seau circule de main en main sur une longue ligne, et les pompes lancent des gerbes d’eau ; l’aquilon arrive en mugissant et fouette la flamme pétillante ; le feu éclate dans la moisson sèche, dans les parois du grenier, atteint les combles et s’élance vers le ciel, comme s’il voulait, terrible et puissant, entraîner la terre dans son essor impétueux. […] La maison que tu habites avait disparu déjà dans le lointain ; je me rappelais tout alors : comment, la nuit, tu t’étais promené avec moi dans le jardin ; comment tu souriais quand je t’expliquais les formes fantastiques des nuages et mes beaux rêves ; comment tu écoutais avec moi le murmure des feuilles au vent de la nuit. » On croit véritablement entendre les confidences de Daïamanti au dieu son amant, dans une scène des drames indiens ; l’imagination allemande est teinte des eaux du Gange.

848. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Son maître a faim, a soif ; il n’a quelquefois ni pain ni eau à lui offrir ; il ne sait pas même le garantir contre le vent qui souffle à travers sa porte et sa fenêtre, comme Tulou dans sa flûte, mais moins agréablement. » « Suivent les réprimandes du maître au serviteur : « — Moi-même ? […] « “Autre sinistre : le café fait d’affreux gribouillis par terre ; il faut beaucoup d’eau pour réparer le dégât ; or, l’eau ne montant pas naturellement dans ma céleste mansarde (elle y descend seulement les jours d’orage), il faudra aviser, après l’achat du piano, à l’établissement d’une machine hydraulique, si le café continue à s’enfuir, pendant que maître et serviteur bayent aux corneilles.

849. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Puis je le revoyais, et je retrouvais un jour d’été avec tous ses sourires ; je croyais entendre dans les bois, dans les buissons, dans les haies, tous les oiseaux me saluer de leurs chants ; le ciel bleu était traversé par le cri de coucou, et dans la plaine en fleurs bruissait l’eau du ruisseau. […] Aussitôt après le retour de Goethe des eaux, on avait répandu ici le bruit qu’il avait fait à Marienbad la connaissance d’une jeune dame aussi jolie que spirituelle12, et qu’il s’était pris de passion pour elle. […] Lorsque je regarde en arrière le commencement et le milieu de ma vie et que je viens à penser combien il me reste peu dans ma vieillesse de ceux qui étaient avec moi quand j’étais jeune, je pense toujours à ce qui arrive à ceux qui vont passer un été aux eaux.

850. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

La terre n’est donc pas exclusivement l’ouvrage des eaux. […] Elles rasent les contours de ces futurs continents que son imagination s’est représentés émergeant un jour du fond des abîmes, pour, remplacer les continents actuels, nivelés peu à peu et rendus à la mer par l’effet des eaux du ciel. […] Une source d’eau vive, un jardin, un bois tout près, la solitude, et dans la maison la place pour quelques amis, tel est le château de Gil Blas.

851. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Mon poème, après que je l’eus contemplé quelques années, creva sur ma tête comme une de ces bulles de savon colorées, en ne me laissant que quelques gouttes d’eau sur les doigts, ou plutôt quelques gouttes d’encre, car la Chute d’un Ange, Jocelyn, le Poème des Pécheurs, que j’ai perdu dans mes voyages, et quelques autres ébauches épiques que j’ai avancées, puis suspendues, sont de ces gouttes d’encre. […] Le fleuve poétique remonte à sa source pour y retrouver ces eaux qui coulent des hauts lieux. Le Dante, malgré ses défauts, est certainement pour notre époque un de ces glaciers inabordables d’où ces eaux fécondes coulent sous les nuées et sous les ténèbres du moyen âge.

852. (1932) Les idées politiques de la France

Je crois cependant que les pentes de notre spirituel politique comportent une géographie : si les crues et les sécheresses de leurs cours d’eau dépendent du climat saisonnier, s’ils paraissent tantôt lacs et tantôt filets, ces cours d’eau subsistent, et le visage du pays ne change que lentement. […] L’ultracisme truculent, couleur Action française, appartient, disions-nous, à la littérature plus qu’à la politique : sa conservation en parc national importe d’ailleurs aux lettres, à qui les nourritures libérales, un peu trop pâtes et eau claire, risqueraient de ne pas donner les belles couleurs auxquelles elles ont droit. […] la nature nourrit la betterave avec l’eau des nuages. […] Pour que l’homme puisse nager, dit Bergson, il faut que l’action et le risque brisent d’abord ce cercle : on n’apprend à nager que dans l’eau, et pour entrer dans l’eau il faut savoir nager. […] L’expérience d’un conformisme socialiste par le monopole et l’école unique et syndicatocratique, une éducation nationale (ou internationale) ressemblerait comme une troisième goutte d’eau à l’expérience fasciste et à l’expérience bolcheviste.

853. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Que Franc-Gontier s’ébatte avec Hélène sous le bel églantier, qu’ils vivent De gros pain bis, d’orge, d’avoine, Et boivent eau tout au long de l’année ! […] Il y a par exemple dans le livre d’heures de Jean duc de Berry une page où l’on sent vraiment la fraîcheur des eaux et la bonne odeur des foins47. […] Il redresse au cordeau les caprices de ses sentiers ; il grave sur ses arbres des devises italiennes et latines ; il enferme en des canaux ses eaux courantes et les force, comme il lui plaît, de murmurer ou de se taire ; il aime que le parc tienne à distance la forêt sauvage. […] Un autre valet de chambre, le doigt sur le goulot d’un flacon d’eau de Cologne, en aspergeait le corps bien nourri de son maître, persuadé que lui seul savait combien il fallait de gouttes et comment il fallait les répandre. […] Ils commentent éternellement le mot de Pascal : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été court… » et professent qu’il a dépendu d’un rhume de Napoléon, d’un verre d’eau répandu à la cour d’Angleterre, que la face de l’histoire fût changée.

854. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Le passant le voit couler sans remarquer qu’il vient de donner essor à une source nouvelle ; rien pour lui n’est changé dans le ruisseau : il n’y a qu’un peu d’eau de plus. […] Cet exemple donne une idée de cette critique à l’eau de rose, bien digne de la société superficielle et bourgeoise à laquelle elle s’adressait, et incapable par conséquent de régénérer le sang de la jeunesse littéraire. […] Ma vie au sein des eaux doucement emportée, Y laisse un pli léger que je trace en nageant, Et comme un miroir pur, l’onde à peine agitée Répète mon image en son liquide argent. […] Il la vit tourner dans l’eau noire, La vague en s’ouvrant fit un pli, Le roi pencha son front pâli… Jamais on ne le vit plus boire. […] On a pu lui emprunter quelques-uns de ses personnages pour en faire un drame de boulevard ou un gracieux opéra, mais il ne faut considérer ces larcins que comme quelques gouttes d’eau puisées dans l’océan, et ne pas s’arrêter un instant à l’idée qu’on ait songé à adonner ces essais pour le poème de Goethe.

855. (1927) Approximations. Deuxième série

Commencé à Pise, Le Triomphe de la vie — l’un des plus majestueux torses poétiques livrés à nos méditations — fut poursuivi, au dire de Mary Shelley, pendant les longues heures passées sur l’eau. […] Beaux chatoiements éphémères vus semble-t-il à la fois au fil du courant et sous l’eau. […] Telles paroles semblent proférées, du fond de sa gigantesque langueur, par l’Adam de Michel-Ange élevant un triste regard vers l’Esprit qui est porté sur les eaux. […] Une source trop tôt redevenue une nappe d’eau souterraine, telle m’apparaît la critique de Milsand. […] Je ne prendrai rien dont je ne sache à plein ce que c’est et ce que ce n’est pas… Goût de la pureté, comme on dit que le vin est pur quand il n’y a point d’eau dedans, goût de ce qui n’a qu’un goût, et qu’une odeur, et qu’une couleur toute seule.

856. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Le Parisien ne lit qu’en villégiature ou aux eaux. […] De temps en temps, le religieux plongeait un rameau fleuri dans une eau consacrée, puis, secouant la branche humide, il parfumait la nuit des baumes du ciel. […] » Mais prenez garde que c’est exquis et qu’il n’est pas besoin d’une coupe d’or pour boire de la belle eau limpide : les deux mains de Diogène suffisent. […] Oubliant que les eaux calmes sont les plus profondes, Chateaubriand n’aimait la mer que pour ses tempêtes. […] Quel chef-d’œuvre que ses Eaux printanières et quels portraits de jeunes filles il nous a laissés !

857. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Le jet d’eau du jardin qui monte et redescend Fait dans le bassin clair son bruit rafraîchissant. […] Gautier et Baudelaire firent le credo de leur esthétique, si bien que Mme de Noailles a pu très justement conclure dans son Offrande à la Nature : Nature au cœur profond, sur qui les cieux reposent, Nul n’aura comme moi, si chaudement aimé La lumière des jours et la douceur des choses, L’eau luisante, et la Terre où la vie a germé. […] L’herbe est froide à mes pieds comme de l’eau qui coule. […] Mais y joindre sa profession de foi métaphysique, c’est fausser sa nature : Les oiseaux alternés comme un chœur de pipeaux, L’eau dans l’herbe, le ciel mat et bleu, le repos Des bons après-midi qu’un peu d’ombre tamise,  T’apprendront qu’il n’est point d’autre terre promise Que celle où ta jeunesse aimable sent sa chair Encensée au contact des feuilles et de l’air. […] Cette distinction n’était, comme on dit couramment, que la goutte d’eau grâce à quoi déborde le vase, le vase des jalousies et des rancœurs, et l’auteur de la Maison du Péché allait être le bouc émissaire de tant de rancœurs accumulés.

858. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Il nous dit qu’il est né au milieu des bergers, au milieu des pasteurs : Je suis né parmi les pasteurs ; Enfant, j’aimais comme eux à suivre dans la plaine Les agneaux, pas à pas, égarés jusqu’au soir, À revenir, comme eux, baigner leur blanche laine Dans l’eau courante du lavoir ; J’aimais à me suspendre aux lianes légères, À gravir dans les airs, de rameaux en rameaux, Pour ravir le premier, sous l’aile de leurs mères, Les tendres œufs des tourtereaux. […] Lamartine avait été envoyé en 1816, fort malade, aux eaux d’Aix, en Savoie. […] Il nous l’a dit, la poésie c’est, pour lui, une fonction naturelle : Je chantais, mes amis, comme l’homme respire, Comme l’oiseau gémit, comme le vent soupire, Comme l’eau murmure en coulant… Il chantait, et il est le seul, en effet, pour qui l’on puisse employer cette expression métaphorique ; car nous savons bien, dans notre siècle de prose, qu’un poète ne chante pas. […] C’est Canaris, c’est l’enfant grec qui veut de la poudre et des balles, et c’est le klephte, le klephte avec son fusil brisé : Un klephte a pour tous biens l’air du ciel, l’eau des puits, Un bon fusil bronzé par la fumée, et puis La liberté sur la montagne ……………………… Dans Les Feuilles d’automne, composées au lendemain de 1830, il y a déjà un souffle révolutionnaire venu des journées de juillet. […] De sorte que la poésie et la philosophie, la poésie philosophique, il semble bien que ce soit l’alliance du concret et de l’abstrait, c’est-à-dire, si vous le voulez, de l’eau et du feu.

859. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Si jamais ce volume nouveau trouve une place, — sa place d’une goutte d’eau dans la mer, — vous le lirez tout entier inédit ; n’est-ce pas, monsieur ? […] Je crois que l’estomac et les entrailles sont déveloutés95 à force d’avoir bu de l’eau et des remèdes, tantôt allopathiques, tantôt homœopathiques, — l’orthographe y est comme elle peut.

860. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Le Saint-Simonisme bientôt alla plus loin dans la théorie des hommes providentiels qui ont toujours raison, en qui l’origine et la fin justifient les moyens, et qui marchent sur la terre et sur les eaux en vertu du droit divin des révélateurs. […] ici, chair palpitante et solide, musculeuse et colorée sans excès ; là, tout nerf, là, toute flamme ; parfois semblable à une eau vive et limpide qui court, parfois à une robe de femme qui se déploie ; tour à tour rayon de lune ou ambroisie !

861. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Enfermée d’abord dans le réservoir aristocratique, la doctrine a filtré par tous les interstices comme une eau glissante, et se répand insensiblement dans tout l’étage inférieur  Déjà en 1727, Barbier, qui est un bourgeois de l’ancienne roche et ne connaît guère que de nom la philosophie et les philosophes, écrit dans son journal : « On retranche à cent pauvres familles des rentes viagères qui les faisaient subsister, acquises avec des effets dont le roi était débiteur et dont le fonds est éteint ; on donne cinquante-six mille livres de pension à des gens qui ont été dans les grands postes où ils ont amassé des biens considérables, toujours aux dépens du peuple, et cela pour se reposer et ne rien faire578 »  Une à une, les idées de réforme pénètrent dans son cabinet d’avocat consultant ; il a suffi de la conversation pour les propager, et le gros sens commun n’a pas besoin de philosophie pour les admettre. « La taxe des impositions sur les biens, dit-il en 1750, doit être proportionnelle et répartie également sur tous les sujets du roi et membres de l’État, à proportion des biens que chacun possède réellement dans le royaume ; en Angleterre, les terres de la noblesse, du clergé et du Tiers-état payent également sans distinction ; rien n’est plus juste. » — Dans les dix années qui suivent, le flot grossit ; on parle en mal du gouvernement dans les cafés, aux promenades, et la police n’ose arrêter les frondeurs, « parce qu’il faudrait arrêter tout le monde ». […] Ce sont là des feux de paille, tout au plus des feux de cheminée : mais, avec un seau d’eau froide, on les éteint ; et d’ailleurs ces petits accidents nettoient les cheminées, font tomber la vieille suie. » Prenez garde : dans les caves de la maison, sous les vastes et profondes voûtes qui la portent, il y a un magasin de poudre.

862. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Fauvel et les antiquaires européens, qui se souvenaient de son passage, attachaient à ses prétendues recherches dans leur domaine ; il ne cherchait que la renommée de savant en débris de toutes les antiquités, il commentait quelques textes de Spon ou des vieux voyageurs, et il passait à d’autres catacombes, rapportant de Jérusalem quelques bouteilles de l’eau du Jourdain, où les moines du couvent m’assurèrent qu’il n’avait même pas été. […] De là il va jusqu’à la cataracte du Niagara, ce qui est plus douteux encore, car il ne tente pas même, lui si parfait descripteur, de décrire ce miracle des eaux, mais ce qu’il imagine est mieux que ce qu’il décrit ; il rêve des amours sauvages et des mélancolies de solitude.

863. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

A travers un rapide récit, où Xipharès expose toutes les circonstances par lesquelles son rôle est déterminé, soudain il s’arrête un moment sur les victoires de son père : Et des rives du Pont aux rives du Bosphore, Tout reconnut mon père… De ce triomphe l’orgueil filial de Xipharès est enivré, et le sentiment suscite un réveil de sensations, la vision d’une mer sans ennemis, où les flottes du roi déploient joyeusement leurs voiles : ….Et ses heureux vaisseaux N’eurent plus d’ennemis que les vents et les eaux. […] Fuyez l’aspect de ce climat sauvage… Un peuple obéissant vous attend à genoux Sous un ciel plus heureux… ; mais surtout à la fin, dans ce dernier vers qui évoque à nos yeux Monime Souveraine des mers qui la doivent porter, on voit tout un triomphal cortège glisser sur l’étendue resplendissante des eaux.

864. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Les poissons du lac Baïkal ont mis, dit-on, des milliers d’années à devenir poissons d’eau douce après avoir été poissons d’eau de mer.

865. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Plus loin, aux herbivores, devant l’hippopotame ouvrant, à fleur d’eau, cette chose rose et immense et informe, cette bouche ressemblant à un lotus gigantesque fait de muqueuses, c’est Vigneron le lutteur. […] La feuille parle à la feuille, et la plus petite poussant la plus grande qui lui cache le soleil, dit : « Range-toi », et cela basso basso, jusqu’à ce que la brise, passant dans la tête du bois, fasse un frémissement longuement s’en allant, qui emporte tous les bruits, dans un remolo de feuilles, ressemblant au doux et effacé murmure d’une eau qui coule au loin.

866. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Elle me fait songer à cette fillette qu’un jour de pluie, sous le toit de chaume qui dégoutte, je voyais s’amuser à recevoir chaque goutte d’eau dans son dé : le vent du ciel chasse au loin les gouttelettes, et l’enfant tend son dé, patiente, et le petit dé n’est pas encore plein. […] Mais pourquoi les Italiotes de la Grande Grèce n’ont-ils pas eu la littérature athénienne, malgré la ressemblance des deux côtes. « Chez nous, la Fontaine est d’un pays de coteaux et de petits cours d’eau ; Bossuet n’a-t-il pas aperçu les mêmes aspects autour de Dijon et Lamartine autour de Mâcon28 ? 

867. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Nous avons hâte de sortir de ce bain d’eau de senteur dans lequel il nage. […] Ce dessillement, cette lumière de la vérité, cette fonction qui grandit tout, l’objet qu’on voit et l’œil qui regarde, ce seau d’eau glacée que la Responsabilité jette à la figure de l’homme pour le calmer, toutes ces choses qui atteignent même les femmes, M. 

868. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Je fais des péchés de sensualité à écouter la pluie tomber, un autre en buvant de l’eau fraîche, un autre à respirer les fleurs que j’aime tant !  […] L’héroïne, ce serait l’une des ouvrières les plus artistes de la mode parisienne, non l’une quelconque, mais celle-ci, qui avait les yeux couleur d’eau de mer, un air d’aristocrate, un sourire si facile et si vite retenu.

869. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

C’est quelque chose d’obscur et de transparent, de limpide et de coloré ; on dirait une eau profonde. […] Ceci : il se souvient d’avoir vu quelque part un oiseau blanc voler entre le ciel et l’eau.

870. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Des peuples nombreux entassent pour lui des moissons grandies sous les eaux du ciel ; mais aucun sol n’en produit autant que la basse terre d’Égypte, quand le Nil débordé vient émietter les glèbes humides. […] Elles sont bien détournées, en effet, et, comme dit Bossuet : « Le chant de Salomon est tout délice ; partout des fleurs, des fruits, la douceur du printemps, les jardins verdoyants et arrosés, les eaux courantes, les puits, les fontaines, les parfums composés avec art, ou nés du sein de la terre ; et encore, les colombes, la mélodie des tourterelles, le miel, le lait, le vin : puis, dans les deux sexes, la dignité et la grâce ; des amours aussi pures que charmantes : et, si quelque horreur s’y mêle, les rochers, l’aspect sauvage des montagnes, l’antre des lions, c’est encore afin de plaire, et comme un contraste pour varier et rehausser l’éclat du tableau. » Le pieux évêque, en résumant ainsi le Cantique des cantiques, y supprime des libertés de langage bien plus vives, et qui cependant n’excluent pas cet idéal religieux que, dans une poésie plus moderne, l’Orient a souvent allié aux attraits du plaisir et de la passion.

871. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Marie, la gentille brune aux dents blanches, aux yeux bleus et clairs, l’habitante du Moustoir, qui tous les dimanches arrivait à l’église du bourg, qui passait des jours entiers au pont Kerlo, avec son amoureux de douze ans, à regarder l’eau qui coule, et les poissons variés, et dans l’air ces nombreuses phalènes dont Nodier sait les mystères ; Marie, qui sauvait la vie à l’alerte demoiselle abattue sur sa main ; qui l’hiver suivant avait les fièvres et grandissait si fort, et mûrissait si vite, qu’après ces six longs mois elle avait oublié les jeux d’enfant et les alertes demoiselles, et les poissons du pont Kerlo, et les distractions à l’office pour son amoureux de douze ans, et qu’elle se mariait avec quelque honnête métayer de l’endroit : cette Marie que le sensible poëte n’a jamais oubliée depuis ; qu’il a revue deux ou trois fois au plus peut-être ; à qui, en dernier lieu, il a acheté à la foire du bourg une bague de cuivre qu’elle porte sans mystère aux yeux de l’époux sans soupçons ; dont l’image, comme une bénédiction secrète, l’a suivi au sein de Paris et du monde ; dont le souvenir et la célébration silencieuse l’ont rafraîchi dans l’amertume ; dont il demandait naguère au conscrit Daniel, dans une élégie qui fait pleurer, une parole, un reflet, un débris, quelque chose qu’elle eût dit ou qu’elle eût touché, une feuille de sa porte, fût-elle sèche déjà : cette Marie belle encore, l’honneur modeste de la vallée inconnue qu’arrosent l’Été et le Laita, ne lira jamais ce livre qu’elle a dicté, et ne saura même jamais qu’il existe, car elle ne connaît que la langue du pays, et d’ailleurs elle ne le croirait pas.

872. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

ou bien mêlé à tout sans s’y confondre, ramené à pleins flots sur le terrain commun et poussé vers un terme immense et inconnu, réfléchissant avec harmonie dans ses eaux les spectacles et les formes de ses rivages, deviendra-t-il dorénavant plus profond, plus large que jamais, surtout moins inaccessible ?

873. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Rod ses meilleures pages : par exemple celles où, par un ciel gris de novembre, serré en vain contre sa compagne, il sent « le je ne sais quoi d’étranger qui subsiste quand même en eux malgré la fusion de leurs vies (p. 48-49) », et celles encore où il exprime le navrement de tout souvenir, quel qu’il soit, et aussi ce sentiment singulier qu’on est plusieurs êtres successifs qui semblent indépendants les uns des autres, et que le « moi » coule comme l’eau d’un fleuve ou le sable d’une clepsydre… (P. 54-55.)

874. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Mais le dieu du fleuve Eurotas la fait baigner dans des eaux d’oubli.

875. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

Mettre dans une même déclaration le droit du peuple et les droits de l’homme, la souveraineté du peuple et la liberté par exemple, à égal titre, c’est y mettre l’eau et le feu et les prier ensuite de vouloir bien s’arranger ensemble.

876. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Son sang lui paraissait comme l’eau d’un second baptême dont il devait être baigné, et il semblait possédé d’une hâte étrange d’aller au-devant de ce baptême qui seul pouvait étancher sa soif 892.

877. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

On lit dans les mémoires de Montpensier « qu’immédiatement après la mort de Madame (le 20 juin 1670), le roi et la reine allèrent à Saint-Cloud pour jeter de l’eau bénite sur le corps de Madame ; de là au Palais-Royal pour rendre visite à Monsieur.

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