voilà le troisième acte, presque emboîté de suite, et le dramatique de la scène tué par les rires. […] Toutefois, pour moi la cause de l’insuccès n’est pas due à cela, elle est en ceci : c’est que le dramatique de l’acte, au milieu de détails d’une vérité absolue, ne s’appuie pas sur la vérité d’un être. […] Et ils existent des gens qui, dans leurs feuilletons, font des traités sur le véritable art dramatique, — eux qui admirent à la fois Molière et Scribe, les fabricateurs les plus dissemblables dans la composition d’une pièce. […] Le public à la fois amusé par l’esprit et intéressé par le dramatique de la chose. […] que des confrères placent dans la famille des Gautier, des Saint-Victor, et qui, mort ou vivant, le jour, où il n’occupera plus le rez-de-chaussée du Temps, peut s’attendre à être traité de bas scribe, et de pauvre plumitif dramatique.
» L’abbé ne se paye pas de ces mots d’école et de ce galimatias ; le poème épique, selon lui, sans tant de façons, c’est tout uniment celui dans lequel le poète raconte l’action, de même que tout poème dans lequel les personnages parlent et agissent est plus ou moins du genre dramatique. […] Les érudits, à force de subtilités, érigeraient volontiers L’Iliade en catéchisme moral ; « Nous n’y cherchons pas de finesses, nous autres bonnes gens ; nous pensons que l’auteur a voulu seulement amuser les Grecs par le récit des exploits guerriers de leurs aïeux. » Et, en général, l’abbé de Pons estime que « dans tous poèmes, soit épiques, soit dramatiques, indistinctement, les poètes se proposent pour fin générale le dessein de tirer l’homme de l’ennui qui le consume lorsqu’il est inoccupé ».
Il traduisait aussi dès lors la plupart des pièces dramatiques de Schiller, dans la compagnie de M. de Chamisso. […] Traducteur des œuvres dramatiques de Schiller, il a mis en tête une notice développée, telle que la peut dicter une haute et fine raison.
Quant au théâtre, il était occupé depuis vingt ans par un seul homme, Alexandre Hardy, auteur de troupe, qui ne signait même pas ses pièces sur l’affiche, tant il était notoirement le poëte dramatique par excellence. […] La forme dramatique de Corneille n’a point la liberté de fantaisie que se sont donnée Lope de Vega et Shakspeare, ni la sévérité exactement régulière à laquelle Racine s’est assujetti.
Il croit même — avec raison — que les aptitudes poétiques sont spécialisées pour l’un ou l’autre des principaux genres : on est épique, ou élégiaque, ou dramatique. […] Les règles formelles y sont peu nombreuses, et connues, comme les unités dramatiques, que Boileau énonce en deux vers, ou la coupe en actes, qu’il ne se donne pas la peine d’indiquer.
C’est pourquoi les romanciers et les auteurs dramatiques se sont jetés avec avidité sur ce sujet attendrissant, et en quelques années ils ont prodigué les fictions82 où ils se sont faits les porte-parole de l’Église catholique, des esprits conservateurs ou des cœurs tendres contre la dissolution légale de la famille. […] A peine mentionnerai-je la vieille tradition qui rattache au Palais les origines de notre théâtre comique : personne n’ignore que la table de marbre de la grand’salle a servi longtemps de scène aux « causes grasses », aux soties et moralités, et ce n’est point par hasard que la farce de l’Avocat Patelin est demeurée le chef-d’œuvre dramatique de notre moyen âge.
Le malheur est encore que cette philosophie dramatique est à peu près inintelligible. […] Cette chirurgie dramatique, trop souvent blessante, ou l’auteur était passé maître, est ici maniée avec le tact le plus délicat.
Il semblait, en effet, que, comme cet empereur romain qui voulait mourir debout, La Harpe se fût dit dans sa passion littéraire : « Il convient qu’un critique (même converti) meure en jugeant. » Depuis une quinzaine de jours que je vis avec La Harpe, je me suis demandé (à part les bonnes parties du Cours de littérature qui sont toujours utiles à lire dans la jeunesse) quelles pages de lui on pourrait aujourd’hui offrir à ses amis comme à ses ennemis, quel échantillon incontestable de son talent de causeur, d’écrivain, d’homme qui avait au moins, en professant, un certain secret dramatique, et qui savait attacher. […] Ici il devient de plus en plus dramatique et terrible.
L’art, qui cherche en définitive à nous faire sympathiser avec les individus qu’il nous représente, s’adresse ainsi aux côtés sociaux de notre être ; il doit donc aussi nous représenter ses personnages par leurs côtés sociaux. » Le héros en littérature est avant tout un être social : « soit qu’il défende, soit même qu’il attaque la société, c’est par ses points de contact avec elle qu’il nous intéresse le plus. » Guyau montre que les grands types créés par les auteurs dramatiques ou les romanciers de premier ordre, et qu’il appelle « les grandes individualités de la cité de l’art », sont à la fois profondément réels et cependant symboliques : Hamlet, Alceste, Faust, Werther, Balthazar Claëtz. […] L’émotion esthétique se ramenant en grande partie à la contagion nerveuse, on comprend que les puissants génies littéraires ou dramatiques préfèrent ordinairement représenter le vice, plutôt que la vertu. « Le vice est la domination de la passion chez un individu ; or, la passion est éminemment contagieuse de sa nature, et elle l’est d’autant plus qu’elle est plus forte et même déréglée. » Dans le domaine physique, la maladie est plus contagieuse que la santé ; dans le domaine de l’art, la reproduction puissante de la vie avec toutes ses injustices, ses misères, ses souffrances, ses folies, ses hontes mêmes, offre un certain danger moral et social qu’il ne faut pas méconnaître : « tout ce qui est sympathique est contagieux dans une certaine mesure, car la sympathie même n’est qu’une forme raffinée de la contagion. » La misère morale peut donc se communiquer à une société entière par la littérature même ; les déséquilibrés sont, dans le domaine esthétique des amis dangereux par la force même de la sympathie qu’éveille en nous leur cri de souffrance. « En tout cas, conclut Guyau, la littérature des déséquilibrés ne doit pas être pour nous un objet de prédilection exclusive, et une époque qui s’y complaît comme la nôtre ne peut, par cette préférence, qu’exagérer ses défauts.
Il s’est décoré, — non pas publiquement, il est lâche, — mais auprès de quelques niais, d’un nom qu’il a volé et d’une réputation qui appartient légitimement à un autre : Il laisse entendre qu’il fait la critique dramatique du Figaro , sous le pseudonyme de Jouvin. […] « C’est étrange, mais il me semble que vous, — le vieux, — vous m’avez offert des couteaux à Châtellerault, il n’y a pas bien longtemps. » Et en effet, après avoir provoqué l’expansion du chef de bande par l’achat d’un poignard que j’avais marchandé jadis au buffet de Châtellerault, j’appris : Que ces Espagnols n’étaient que des Espagnols en strass ; Que ces Castillans étaient nés natifs de la Vienne ; Qu’au lieu de guérilleros sans emploi faisant trafic de bonnes lames de Tolède, j’avais levé trois Français en rupture — de nationalité ; Que le chef Pedro Bobinardino avait été, dans une existence antérieure, coutelier à Châtellerault — et s’appelait Pierre Bobinard ; Que ledit Bobinard avait vu sombrer son industrie à l’époque de la grande débâcle des diligences Laffitte et Gaillard ; Que, sur le point de se jeter sous les roues de la locomotive qui le ruinait, une idée lumineuse lui avait représenté le suicide comme un acte profondément immoral ; Que cette idée consistait à courir les Pyrénées en costume espagnol, pour écouler, sous prétexte de Vieille-Castille, le fonds de Châtellerault ; Que l’idée était une Californie : le touriste se faisant une joie de posséder un couteau espagnol qui ferait, l’hiver prochain, l’admiration et la jalousie de Castelnaudary ; Que les adolescents de dix-huit ans, en bonne fortune à Luchon avec quelque baronne de hasard, donnaient particulièrement dans le couteau espagnol : vu qu’on ne peut, décemment, aux heures des grandes colères passionnées, menacer sa folle maîtresse du couteau français, qui n’a rien de dramatique ; Que le matin même M.
Si on multiplie les aéroplanes, on arrive aisément à composer de véritables dialogues et de grandes actions dramatiques. […] Luciano Folgore (1888-1966), poète et auteur dramatique, a collaboré aux revues La Voce et Lacerba.
une difficulté de plus, un intérêt, un péril : incedo per ignes… Et voilà ce qui fait que le genre du discours académique, dont on dira tout ce qu’on voudra, est un genre bien moderne, bien vivant, bien dramatique, et plus couru que toutes les tragédies du monde.
., dévoué il y a un an à la quasi-censure dramatique de M. d’Argout, clabaude à présent en plein café qu’il va fondre des balles.
Son livre, en un mot, s’il l’avait exécuté comme il l’avait conçu, n’aurait pas été seulement destiné aux moralistes et aux penseurs ; il aurait eu pour objet d’acheminer et d’entraîner tout un peuple moins relevé de lecteurs par l’attrait, par le mouvement graduel et l’émotion presque dramatique d’une marche savamment concertée.
Les femmes ont découvert dans les caractères une foule de nuances que le besoin de dominer ou la crainte d’être asservies leur a fait apercevoir : elles ont fourni au talent dramatique de nouveaux secrets pour émouvoir.
. — Swanhilde, poème dramatique (1893). — Palài (1894). — Laus Veneris, trad. de Swinburne (1895). — Le Rire de Mélissa (1896). — Poèmes et poésies (1896). — La Clarté de vie (Chansons à l’ombre, Au gré de l’heure, In memoriam, En Arcadie) [1897]. — Phocas le Jardinier (1898). — La Légende ailée de Wieland le Forgeron (1899).
Dans toute littérature dramatique, il y a une part caduque, tout actuelle, ne pouvant guère survivre au jour qui l’a vue naître ; et il y a une part immortelle que nous n’entrevoyons que vaguement, tant l’intérêt présent nous occupe.
ne devons-nous pas être satisfaits de le voir concourir enfin avec la poésie dramatique à nous toucher, à nous instruire, à nous corriger et à nous inviter à la vertu ?
On appelloit cordax le recueil des gestes propres à la déclamation des comedies, et sicinis celui qui étoit à la propre récitation des pieces dramatiques que les anciens appelloient des satyres.
Elle est moins dramatique, et parle moins à l’imagination. […] Du moins on y retrouvera quelque chose de dramatique qui frappera et attachera notre esprit. […] Ce sont deux belles conceptions dramatiques, animées d’une éloquence grave, pénétrante et sublime. […] Il rapprocha ainsi le roman du caractère de la haute poésie dramatique. […] Le travail, la réflexion, l’étude, ne peuvent, à eux seuls, former le véritable caractère du poète dramatique.
Car si l’évolution d’un caractère peut être un excellent sujet de pièce (ou d’étude), c’est un mauvais moyen dramatique que l’on tire d’un changement de caractère qui a eu lieu pendant l’entracte sans explication. […] Bataille est un spécialiste du théâtre — il s’en flatte d’ailleurs34 et il connaît les recettes de la cuisine dramatique. […] On accorde la même indulgence aux chansonniers, la même encore aux auteurs dramatiques qui fournissent communément les petits théâtres. […] Leurs sujets sont très minces, leur technique dramatique sans nouveauté ni force. […] Henry Bidou, L’Année dramatique, 1912-1913.
Mais nous allons lire et commenter avec vous un chef-d’œuvre de poésie à la fois épique et dramatique, qui réunit dans une seule action ce qu’il y a de plus pastoral dans la Bible, de plus pathétique dans Eschyle, de plus tendre dans Racine. […] Cependant, en faveur de la pureté éminemment classique de son style et du naturel exquis avec lequel y sont tracés les divers caractères qui lui impriment la vie, nous le prierons au moins de vouloir bien mitiger son arrêt, et de comprendre ce chef-d’œuvre sous la dénomination de classico-romantique, en lui souhaitant pour sa propre gloire d’en produire un pareil. » VI Je reprends : Mon impression personnelle ne fut ni moins vive ni moins ravissante que celle du traducteur, la première fois que le poème dramatique de Sacountala tomba sous mes yeux. […] Ce poème, originairement épique, devint dramatique sous la main de Kalidasa, son second auteur.
On pourrait dire — pour recourir à une autre image — qu’une émotion est dramatique, communicative, quand tous les harmoniques y sont donnés avec la note fondamentale. […] Quand on nous peint un état d’âme avec l’intention de le rendre dramatique ou simplement de nous le faire prendre au sérieux, on l’achemine peu à peu vers des actions qui en donnent la mesure exacte. […] L’art dramatique ne fait pas exception à cette loi.
Cromwell est une tragédie, dans la plus précise acception du terme : l’exposé sous forme dramatique d’une crise morale. […] Ou bien l’élément dramatique se libère du lyrisme, et c’est ce qui est arrivé pour notre tragédie. […] Aussi ne seront-elles pas des œuvres dramatiques, mais elles seront des œuvres d’art. […] on ne peut le faire que par des traits qui ne sont pas de l’ordre dramatique et qui, d’ailleurs varient, avec chaque auteur : notion décevante et qui échappe. […] On ferait sur l’œuvre de Taine une étude curieuse et « dramatique » en y suivant la lutte entre la volonté et la sensibilité.
., nous charment par la grandeur et la simplicité des récits, par l’éloquence des harangues qu’ils prêtent à leurs grands hommes, par l’intérêt dramatique qu’ils savent donner à leurs tableaux.
Mais, si la composition pouvait être plus riche de combinaisons dramatiques, la poésie ne pouvait pas être plus neuve, plus pathétique, plus colorée, plus saisissante de détails.
Ce genre est celui qu’il appelle le roman d’analyse par opposition au roman à « disposition dramatique ».
L’Alexandrin peut être, il est vrai, un vers excellent : délivré de ses entraves, il s’accommode fort au récit et au dialogue dramatique, mais, en principe, il ne possède aucune supériorité rythmique ou autre sur les vers de mètres différents.
Les années 1677 et 1678 ne présentent que la continuation, à la fin très monotone, des mêmes alternatives de refroidissement et d’ardeur entre le roi et madame de Montespan ; de galanteries entre le roi et quelques femmes de la cour ; et au milieu de ces aventures d’un genre fort commun, le progrès lent, très peu dramatique, très peu sensible de l’empire que madame de Maintenon prenait sur l’esprit du roi, par la sagesse, la convenance, le charme de sa conversation121.
Eh bien, quand Gœthe composait Faust, il était également obligé d’attendre la résolution intérieure d’une équation qui avait pour termes des images et des idées : son attention et son « aperception » réagissaient pour éliminer ce qui ne convenait pas au dessein choisi ; elles établissaient un intérêt dans le développement du spectacle interne, un nœud dramatique.
Lorsque Racine fit voir à Corneille sa tragédie d’Alexandre, Corneille lui donna des louanges & lui conseilla, en même temps, d’abandonner la poësie dramatique, comme étant un genre qui ne lui convenoit pas.
Il est certain que l’amour des lecteurs se porte sur les Troyens, contre l’intention du poète, parce que les scènes dramatiques se passent toutes dans les murs d’Ilion.
Son ouvrage comprend la belle littérature, les productions agréables, telles que les histoires, les romans, les brochures, les piéces d’éloquence & de poésie, les ouvrages dramatiques, particuliérement la musique, la peinture, la sculpture, l’architecture, en un mot, ce qu’on entend par belles-lettres & beaux arts.
Les femmes hantent nos spectacles aussi librement que les hommes, et l’on parle souvent dans le monde de poësie, et principalement de poësie dramatique.
II L’histoire des premiers ducs de Normandie est, en effet et avant tout, un récit dramatique, mouvementé, pittoresque, comme toutes les histoires où les peuples neufs apparaissent, et, hordes encore, s’essaient à devenir société.
On y retrouve toutes les qualités dramatiques et quasi fantasmagoriques de l’auteur de Thésée et Hippolyte.
Avec beaucoup d’échafaudage dramatique, le dramatique manque. » (1er février 1852.) […] Plus tard, il s’essaiera obstinément à une carrière dramatique. […] Drame, élément dramatique, sont donnés comme synonymes, à peu près, de composition, et il semble que le roman puisse les éliminer précisément dans la mesure où il n’est pas du théâtre. […] Avec les échos et les répons du famulus Damis, intermédiaire entre le Wagner de Faust et Sancho, c’est le meilleur morceau dramatique qu’ait écrit Flaubert. […] La Tentation contient les seules pages de Flaubert qui soient écrites dans un beau style dramatique.
Le roi répondit avec beaucoup d’esprit à cette demande qu’en matière de poésie dramatique il n’avait que l’autorité d’un spectateur et au théâtre d’autre rang que sa place au parterre. […] La Révolution commence et tant que dure sa terrible secousse, personne n’écrit de romans, mais tout le monde se trouve exposé à en voir de fort dramatiques. […] L’Académie, l’École normale, tous les romanciers idéalistes, tous les auteurs dramatiques, la Revue des Deux-Mondes, Mme Edmond Adam, exècrent Zola, l’excommunient et feignent de ne pas le voir. […] Il faut remarquer que si le romancier espagnol ne retire pas de ses œuvres un profit matériel, il n’y gagne pas non plus beaucoup d’honneur, ni ces ovations enivrantes qui élèvent à vingt mètres du sol les auteurs dramatiques. […] Que le soin en reste donc à une autre plume plus experte ès défauts de la littérature dramatique.
… certains raccourcis d’expression dramatique tout à fait saisissants. […] (Tout le tragique d’Œdipe-Roi est dans cette attente. ) Or, ce cas dramatique, M. […] Là est le vif et philosophique intérêt du conte d’Emond About, et de l’adaptation dramatique que MM. […] Il imagine et emploie, pour traduire une idée dramatique, les jeux de scène et les sensations visuelles concurremment avec les mots, et cela sans effort. […] Parmi la demi-douzaine de jeunes auteurs dramatiques sur lesquels nous pouvons compter, M.
Et, donc, il lui faut des poèmes, des romans, des livres de philosophie et des critiques littéraires et des critiques dramatiques. […] Quand il réussit, on le juge digne de tenir la plume de critique dramatique dans une feuille sérieuse. […] Il discute art dramatique, poésie et peinture avec des artistes, des critiques, des pamphlétaires et des poètes. […] Ils sont donc éminemment dramatiques. […] On voit aussi qu’elles ont avec son art d’auteur dramatique une forte et pleine connexion.
Ce qu’il y avait d’inouï et de particulièrement merveilleux dans ces retours de royales destinées et dans ces péripéties qui, pour peu qu’on n’y opposât pas de prévention très-contraire, semblaient aisément une indication de la Providence, ce qu’il en sortait de dramatiques et irrésistibles effets ajoutait encore à l’explosion des sentiments et leur donnait un caractère d’enthousiasme. […] Ballanche que récapituler, à vrai dire, les faits antérieurs dans une unité dramatique, sans rien changer aux termes fondamentaux de la question. […] Ballanche enfermait toute l’humanité, extérieure aux Hébreux et antérieure à l’histoire, dans cette composition mythique d’Orphée, il songeait en même temps à enfermer l’histoire positive dans une Formule générale : les cinq premiers siècles de l’histoire romaine lui parurent se prêter excellemment à ce dessein, en ce qu’historiques par la gloire des noms, ils sont couverts de vapeurs transparentes et crépusculaires, et en ce que l’évolution, s’y accomplit dans une gradation distincte et toute dramatique.
C’était l’époque où madame Récamier, cherchant à amuser l’inamusable M. de Chateaubriand avec les hochets de sa propre gloire, faisait lire chez elle devant lui, et devant un auditoire trié avec soin, la tragédie de Moïse, essai dramatique du grand écrivain ; c’était l’époque aussi où M. de Chateaubriand faisait confidence de quelques pages de ses Mémoires secrets à quelques-uns de ses contemporains d’élite dans le salon ouvert à un seul battant de son amie ; on invitait à ces solennités un aussi grand nombre de privilégiés que l’exiguïté de l’appartement en pouvait contenir. […] Je n’ose prononcer, mais je crois que l’inspiration du lyrique est supérieure à la combinaison du machiniste qui fait jouer sur la scène ces marionnettes humaines qu’on appelle des personnages dramatiques ; seulement, quand ces personnages parlent comme les font parler les grands poètes dramatiques, le génie est égal et l’emploi est différent.
LXV Cette critique créatrice de madame de Staël, appliquée avec une merveilleuse éloquence aux grandes œuvres philosophiques, lyriques ou dramatiques des grands écrivains du Nord, procédait par l’admiration au lieu de procéder par le dénigrement. […] La poésie dramatique est admirable dans nos premiers écrivains ; la poésie descriptive, et surtout la poésie didactique a été portée chez les Français à un très-haut degré de perfection ; mais il ne paraît pas qu’ils soient appelés jusqu’à présent à se distinguer dans la poésie lyrique ou épique, telle que les anciens et les étrangers la conçoivent. […] Ceux des Français rentrent plutôt dans le genre dramatique, et l’on y trouve plus d’intérêt que de grandeur.
Et Rotrou, son émule, écrit, lui aussi, des œuvres dramatiques où souffle un vent de révolte contre les théories formulées par Chapelain. […] L’art dramatique est asservi de tout temps68 par les classes dominantes et en Grèce, dans l’Inde, comme dans l’Europe du moyen âge, le clergé a confisqué longtemps à son profit ce merveilleux véhicule de sentiments et d’idées. […] Il ne restait après cela aux pauvres auteurs dramatiques qu’à cesser d’écrire ou à s’exiler.
Et sont-ils cinq dans la Société des Auteurs dramatiques, qui pourraient dire les titres des pièces de Thomas Corneille ? […] * * * — La vanité de l’auteur dramatique a quelque chose de la démence de ce fou de Corinthe, convaincu que le soleil était uniquement fait pour l’éclairer — lui seul. […] lorsqu’on est empoigné de cette façon, lorsqu’on sent ce dramatique vous remuer ainsi dans la tête, et les matériaux de votre œuvre vous faire si frissonnant, combien le petit succès du jour vous est inférieur, et comme ce n’est pas à cela que vous visez, mais bien à réaliser ce que vous avez perçu avec l’âme et les yeux !