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663. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

On y défend les Burgraves et Lucrèce Borgia à l’aide des chefs-d’œuvre antiques : les jeunes auteurs ne s’aperçoivent pas que c’est parce qu’ils ont ensauvagé Sophocle et lui ont imposé des contre-sens de couleur et des traits de moyen âge, qu’ils parviennent ensuite, tant bien que mal, à en faire un patron à leur idole-monstre.

664. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Ou bien l’on conte une anecdote, amusante ou singulière, et on ne s’aperçoit pas qu’on allonge outre mesure son début, et que, perdant son temps à ces bagatelles extérieures, l’on n’en aura plus guère pour le développement sérieux et essentiel.

665. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Au lieu que les mots plus beaux des langues étrangères font obstacle à la pensée en lui imposant, quelle qu’elle soit, leur musique et leur teinte, le mot français, incolore, atone, ne garde qu’un sens net, où l’esprit aperçoit tous les effets, tous les usages dont il est capable ; il prend le relief, l’harmonie, la lumière, la chaleur, que l’idée réclame ; il s’amortit ou éclate, il prête ou emprunte sa flamme, infiniment souple et mobile, élastique et subtil comme le plus léger des gaz, malgré la précision rigoureuse de sa définition, qui, dans aucun emploi, ne s’altère ni ne s’obscurcit.

666. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Et maintenant voici la traduction que je vous propose : « Redevenu vraiment lui-même, tel qu’enfin l’éternité nous le montre, le poète, de l’éclair de son glaive nu, réveille et avertit son siècle, épouvanté de ne s’être pas aperçu que sa voix étrange était la grande voix de la Mort (ou que nul n’a dit mieux que lui les choses de la Mort).

667. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Cette découverte fit changer de face à la création : par sa partie intellectuelle, c’est-à-dire par cette pensée de Dieu que la nature montre de toutes parts, l’âme reçut abondance de nourriture ; et par la partie matérielle du monde, le corps s’aperçut que tout avait été formé pour lui.

668. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

C’est là ce qui les distingue des blondes dont la peau fine, laissant quelquefois apercevoir les veines éparses en filets déliés, et se teignant du fluide qui y circule, en reçoit en quelques endroits une nuance bleuâtre.

669. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Remarque finale. Le Temps de la Relativité restreinte et l’Espace de la Relativité généralisée »

Telle est la contradiction que notre esprit devine, quand il ne l’aperçoit pas clairement.

670. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Mais lorsqu’on a pondu vingt ou trente mille vers, on finit par s’apercevoir que les mêmes rimes vous rivent plus ou moins aux mêmes images et aux mêmes idées, ce n’est donc que pour affranchir l’inspiration de ce penchant que je me suis décidé à essayer des vers sans rime. […] bien, du diable si on s’aperçoit que le bout du vers en ait uniformisé le dedans ! […] on s’aperçoit, trop tard, que le marchand de nougat n’est autre que Jean Lorrain qui a voulu témoigner de son admiration pour les reisebilders du comte de Montesquiou !) […] Moréas n’a pas tardé de s’apercevoir que l’initiative de son génie l’avait porté plus loin qu’il ne le pensait, et que, si les plus anciens poèmes du Pèlerin passionné pouvaient être encore considérés comme émanant du symbolisme, les plus récents étaient véritablement la condamnation irrévocable de cette esthétique. […] » En voici quelques aperçus.

671. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Et là-dessus, considérations, aperçus et développements. […] Il n’aperçoit en nous que le pur égoïsme. […] Tout à coup il frémit ; il s’aperçut qu’il avait fait acte de réactionnaire. […] Elle fait tout le bien qu’elle peut ; mais elle s’aperçoit avec douleur qu’elle en peut très peu faire. […] Des problèmes dont on n’aperçoit pas la solution vaut-il mieux ne parler jamais ?

672. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Le Misanthrope, dit encore Voltaire, « est une peinture continuelle », mais une peinture « de ces ridicules que les yeux vulgaires n’aperçoivent pas ». […] En 1663, Molière s’est très bien aperçu qu’il en avait dans le parterre, ce qui, du reste, était à prévoir. […] C’est-à-dire que le caractère satanique de Don Juan a complètement échappé à Voltaire, que Voltaire ne s’est pas aperçu que Don. […] Alceste est très honnête ; très droit, très franc et assez bon et, comme il est très jeune, il vient de s’apercevoir que les hommes ne sont rien de tout cela. […] Dans certains romans modernes, à mesure qu’une femme s’aperçoit que celui qu’elle aime devient davantage un coquin, elle l’aime aussi davantage.

673. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Schlegel, qu’on ne s’aperçoive pas de toute la sottise qu’il donne aux plébéiens dans celle pièce, et il l’a fait encore ressortir par le rôle satirique et original du vieux Ménénius. […] Il a conservé la majeure partie de l’original, et marqué spécialement ses additions et corrections pour que la part de chaque poëte fût aperçue au premier examen. […] Ambrogio arrive : Nicuola l’aperçoit dans la rue, et, dans sa frayeur, elle se sauve chez sa gouvernante. […] Paolo, qui l’aime, s’aperçoit de sa méprise et la détrompe. […] La seule idée de ce genre qu’on puisse apercevoir dans le Roi Jean, c’est la haine de la domination étrangère l’emportant sur la haine d’une usurpation tyrannique.

674. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

À cette époque, son grand-père s’aperçut de son penchant pour la comédie, et le conduisit chez les comédiens de l’hôtel de Bourgogne, troupe isolée et libre qui amusait Paris. « Avez-vous donc envie d’en faire un comédien ? […] Baron, à qui ce Mondorge s’adressa, s’en aperçut aisément, car ce pauvre comédien faisait le spectacle du monde le plus pitoyable. […] En figurant dans la cérémonie burlesque de son Malade imaginaire, il se sentit pris d’une légère convulsion qu’il contint jusqu’à la fin ; le frisson alors le saisit ; son disciple Baron s’en aperçut, le conduisit dans sa loge et lui donna sa robe de chambre. […] Comme elle était encore fort jeune quand je l’épousai, je ne m’aperçus pas de ses méchantes inclinations, et je me crus un peu moins malheureux que la plupart de ceux qui prennent de pareils engagements: aussi le mariage ne ralentit point mes empressements ; mais je lui trouvai tant d’indifférence, que je commençai à m’apercevoir que toute ma précaution avait été inutile, et que ce qu’elle sentait pour moi était bien éloigné de ce que j’aurais souhaité pour être heureux. Je me fis à moi-même ce reproche sur une délicatesse qui me semblait ridicule dans un mari, et j’attribuai à son humeur ce qui était un effet de son peu de tendresse pour moi ; mais je n’eus que trop de moyens de m’apercevoir de mon erreur, et la folle passion qu’elle eut peu de temps après pour le comte de Guiche fit trop de bruit pour me laisser dans cette tranquillité apparente.

675. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

C’est payé bien plus cher que cela ne vaut. » En 1833, il est envoyé à Blaye où était enfermée la duchesse de Berry ; il s’y fait bien venir du général Bugeaud en traduisant au courant de la plume, en trois langues différentes, un petit ouvrage de lui, Aperçu sur l’art militaire. […] Les lettres écrites pendant cette période de commandement sont très vives, animées d’incidents ; les aperçus s’étendent ; le ton s’élève sans que l’enjouement diminue. […] Il ne songe plus à quitter cette terre d’Afrique ; « plus il y réussit, plus il y est enchaîné » ; c’est une bonne école ; il se fait petit à petit général : « Je m’aperçois avec plaisir qu’en face des circonstances les plus difficiles je prends un calme et un sang-froid que je n’avais pas autrefois : je me sens commander, je m’écoute, je me trouve de l’aplomb, et tout marche. […] Ma santé est déplorable, mais personne ne s’en apercevra les jours de bataille.

676. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Il erre çà et là, léger, ailé, sacré, comme dit Platon, dans les prairies poétiques, et, à ce qu’il semble, à l’aventure, mais avec un choix et des préférences qu’il n’aperçoit pas. […] 174 Rabelais, étourdi de ses détails et enivré de sa profusion, n’a pas aperçu ce geste ni rendu cette exclamation ; il dit seulement : « Tous choisissaient celle qui était d’or et l’amassaient, remerciant le grand donateur Jupiter. » Etrange puissance que celle du goût ! […] « Un grand chasseur, dit Pilpay, revenant un jour de la chasse avec un daim qu’il avait pris, aperçut un sanglier qui venait droit à lui. […] Elle aperçut en ce moment cet homme dont nous venons de parler, et elle le pria de lui sauver la vie.

677. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Ainsi, par exemple, cette opération de l’esprit par laquelle l’intelligence se dit : « Il n’y a pas d’effet sans cause, et, puisque j’aperçois une multitude d’effets, il y a donc une cause suprême ; c’est-à-dire il y a donc un Dieu !  […] Le sage s’en aperçoit : « Vous me croyez donc, à ce qu’il paraît, leur dit-il, bien inférieur au cygne, en ce qui touche aux pressentiments et à la divination par l’instinct ? […] La raison de toutes choses, comme de toute qualité de ces choses, est donc Dieu. » Ses aperçus, qu’il développe ensuite sur la physique et sur la construction de notre globe, se ressentent de l’imperfection des sciences expérimentales dans son siècle. […] Criton, s’en étant aperçu, lui ferma la bouche et les yeux.

678. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Cette position empêchait qu’on ne s’aperçût de son côté faible : il avait à peu près perdu l’usage des jambes, et il ne pouvait marcher que soutenu par deux bras robustes. […] Braschi pourrait ensuite agir près des siens quand on aurait été assuré de tous les votes des partisans de Mattei ; que cette affaire dépendait, en dernier ressort, de l’adhésion obtenue de leur chef, qui, s’il le voulait, saurait se rendre maître d’Herzan aussi bien que de n’importe quel autre, si l’on s’apercevait de certaines opiniâtretés. […] Tous aperçurent, ou du moins crurent apercevoir, sans se tromper, une sérénité et une indifférence héroïques sur le visage du premier, un grand trouble sur celui du second.

679. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Si l’on dit qu’il est difficile d’avoir conscience de cette conscience, nous répondrons qu’il est encore plus difficile d’avoir conscience de sa conscience pure, car, après tout, nous nous sentons vivre, et vivre sur terre, corporellement ; il est douteux que nous ayons le pouvoir de nous apercevoir à l’état idéal de pur esprit. […] En réalité il ne songe nullement à imiter la mort ; mais la crainte, en produisant une sorte de paralysie, l’empêche d’être aperçu par son ennemi ; son immobilité le sauve. Une mouche immobile n’est pas remarquée ; dès qu’elle s’envole, on l’aperçoit. […] Du moment que vous avez imaginé ou tracé la ligne, la relation est là devant vous, et devant votre interlocuteur. » Il faudra réfléchir sur cette impression pour en abstraire les caractères géométriques ; mais, encore un coup, avant d’être aperçue et réfléchie, la relation est sentie, grâce à un complexus de sensations simultanées ; et elle est sentie sous la forme déterminée de la ligne, qui seule la réalise et la constitue en fait.

680. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

La réflexion appliquée à la recherche des droits et des devoirs de l’homme faisait apercevoir le vide des institutions existantes ; on sentait vivement le besoin d’une régénération complète du corps social. […] Les peuples du Nord aperçoivent les mêmes vérités que les peuples du Midi, mais ils les aperçoivent autrement. […] Dans ces derniers temps une certaine physiologie intellectuelle introduite par Locke semblait avoir tout pacifié et tout ramené à une seule autorité, celle de l’expérience ; mais on s’est aperçu que cette prétendue expérience était elle-même remplie d’hypothèses, et que la nouvelle autorité n’était rien moins qu’un dogmatisme tout aussi tyrannique que ceux dont on avait voulu délivrer la science.

681. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

En dehors de cette soutane rouge qu’on aperçoit de si loin dans l’histoire, Richelieu périrait ou diminuerait. […] Partout, à chaque page de son histoire, c’est le même langage, c’est la même idée fixe, car l’idée fixe, on peut la retrouver aussi bien dans l’ivresse que dans la folie, c’est la même peur du Dieu personnel et vivant du catholicisme, de ce splendide revenant qui hante la raison de l’historien malgré lui, et qui, aperçu incessamment à travers le pâle fantôme du dieu philosophique, réduit toujours le même visionnaire au même effort et à la même convulsion de raisonnement pour le repousser. […] Rien de moins bourgeois que Mme de Staël ; elle avait bien des défauts et nous les reconnaissons… Pédante, si l’on veut, quelquefois sans grâce et précieuse, esprit faux en philosophie, bas-bleu, à ravir l’Angleterre de l’éclat enragé de son indigo, Mme de Staël, par la distinction de sa pensée, par la subtilité de son observation sociale, par son style brillant d’aperçus, par ses goûts, ses préoccupations, ses passions même, tendait vers la plus haute aristocratie, vers la civilisation la plus raffinée. […] On pourrait peut-être l’éclairer encore par l’aperçu, par l’originalité du jugement ; mais, pour cela, il faudrait une impartialité et une profondeur que depuis longtemps M. 

682. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Toutefois il a entrevu quelque chose, il a eu un éclair de nouveauté et de libre peinture ; sa chaleur de jeunesse l’a bien servi, et dans cette pièce, de même que dans la suivante, intitulée Le Contemplateur et adressée à l’évêque de Nantes Cospeau, il a eu en présence de la nature l’aperçu de certains genres de poésie descriptive ou méditative qui ont sommeillé durant près de deux siècles encore, pour n’éclore et ne se développer dans leur vraie et pleine saison que de nos jours. […] Et sans être un Poussin en gravité, Saint-Évremond, cet esprit délicat, n’a-t-il pas dit dans un écrit sur la vraie et la fausse beauté des ouvrages d’esprit, et en traitant de l’honnêteté des expressions : Je m’avise peut-être trop tard de faire ces réflexions ; mais c’est ordinairement lorsque l’on est arrivé où l’on voulait aller, et que l’on parle du chemin que l’on a fait et de la route que l’on a tenue, que l’on s’aperçoit de ses égarements.

683. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Elle parle assez favorablement de Rivarol ; ce n’est pas qu’elle ne sache ce qu’on y peut reprendre : « Mais, vu la misère des temps, je le trouve bon ; il y a une sorte d’originalité dans le style et des aperçus qui ne sont que trop justes, mais il faut s’en distraire. » Il s’agissait de quelque écrit de Rivarol, qui touchait aux affaires du temps. […] Et puis toutes les langues vivantes qu’on sait désormais et qu’on mêle, les sciences avec l’industrie dont le vocabulaire déborde et nous inonde, tant de produits exotiques, l’esthétique, l’hégélianisme, l’humanitarisme, toutes ces mers à boire, tout ce qu’on prend chaque jour, sans s’en apercevoir, avec le feuilleton du matin !

684. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

je m’aperçois que je demande en ce moment à Guillaume Favre de faire ce qu’eût fait en sa place, sur un tel sujet, Ernest Renan, c’est-à-dire un savant doublé d’un artiste-écrivain. — Mais il aurait fallu pour cela dominer ses matériaux, les soumettre : Favre se borne à rassembler de merveilleux documents ; la maîtresse main s’y fait désirer. […] C’est dans le premier volume que se trouvent les vues et aperçus élevés dont je parle : je recommande particulièrement une lettre sur la religion adressée à la duchesse de Broglie, qui l’avait plus d’une fois pressé sur ce point.

685. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Je dirai qu’en lisant les Lettres de M. de Muralt, on s’aperçoit aussitôt qu’il n’est point de Genève ; il n’en a point le cachet. […] Il lui arrive de s’élever, mais il a de la peine à se soutenir ; il a le vol court, et ses poésies sentent l’effort et le travail ; on s’aperçoit que la recherche du beau, d’un certain éclat, en fait le grand ressort : de là viennent les bons mots où il lui arrive si souvent de s’échapper, aussi bien que toutes ces malignités hors d’œuvre, ces traits qui divertissent le lecteur, mais qui ne font pas honneur au poète.

686. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Elle est souvent le résultat de mesures justes et précises, non aperçues par le vulgaire, qui ont précédé l’événement. […] Un jour, dans une discussion entre sa mère et l’Impératrice, l’un des courtisans qui vient d’y assister, rencontrant Catherine avec le grand-duc, assis sur une fenêtre dans une pièce voisine et en train de rire, leur dit en passant : « Cette grande joie va cesser tout à l’heure » ; et s’adressant à elle : « Vous n’avez qu’à faire vos paquets, vous allez repartir tout de suite pour vous en retourner chez vous. » Catherine, en commentant ce propos avec le grand-duc, s’aperçoit du peu d’effet qu’il a produit sur lui : « Je vis clairement qu’il m’aurait quittée sans regret.

687. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

On s’aperçoit à cet endroit qu’il manque au livre de M.  […] Il songeait à la senteur des pâturages par les matins d’automne, à des flocons de neige, aux beuglements des aurochs perdus dans le brouillard, et, fermant ses paupières, il croyait apercevoir les feux des longues cabanes, couvertes de paille, trembler sur les marais, au fond des bois. » C’est la contrepartie et comme la revanche de ce beau passage des Martyrs ou l’on voit le Grec Eudore, dans le camp romain, à la lisière de la Gaule et de la Germanie, regretter les paysages éclatants de la Grèce et s’ennuyer sous « ce ciel sans lumière, qui semble vous écraser sous sa voûte abaissée.

688. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Les aperçus à vol d’oiseau s’y tiennent volontiers à une hauteur et dans une région voisine des nuages. […] On m’avait prévenu que les brigands, pour ne pas être aperçus de loin, ne portent, au rebours de leurs compatriotes honnêtes gens, que couleurs ternes.

689. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Si l’on pouvait apporter de la précision dans de semblables aperçus, je m’exprimerais ainsi : Pour les sentiments naturels, pour la rêverie, pour l’amour filial, pour la mélodie, pour les instincts du goût, l’âme, le talent de Millevoye est comme la légère esquisse, encore épicurienne, dont le génie de Lamartine est l’exemplaire platonique et chrétien. […] Un jour qu’il avait à dîner quelques amis à Épagnette, près d’Abbeville, une discussion s’engagea pour savoir si le clocher qu’on apercevait dans le lointain était celui du Pont-Rémi ou de Long, deux prochains villages.

690. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Ces deux différents caractères s’aperçoivent à travers la couleur générale que la même langue, le même climat, les mêmes mœurs donnent aux ouvrages d’un même peuple. […] Les Italiens n’ont pensé qu’à faire rire en composant leurs pièces ; tout but sérieux, même déguisé sous les formes les plus légères, ne peut y être aperçu ; et leurs comédies sont la caricature de la vie, et non son portrait.

691. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

. — D’autre part, nous avons vu que les sensations, en apparence simples, sont des totaux ; que ces totaux, en apparence irréductibles entre eux, peuvent être composés d’éléments semblables ; qu’à un certain degré de simplicité leurs éléments ne sont plus aperçus par la conscience ; qu’ainsi la sensation est un composé d’événements rudimentaires capables de dégradations indéfinies, incapables de tomber sous les prises de la conscience, et dont les actions réflexes nous attestent non seulement la présence, mais encore l’efficacité. […] Les philosophes du xviie  siècle, Leibniz et Malebranche en tête, avaient nettement aperçu cette conséquence et concluaient hardiment qu’il y a là une harmonie préétablie, l’accord artificiel de deux horloges indépendantes, un ajustement extrinsèque et venu d’en haut, un décret spécial de Dieu. — Rien de moins conforme aux méthodes de l’induction scientifique, car elles excluent toute hypothèse qui n’explique pas, et, comme on le montrera, le principe de raison explicative est un axiome qui ne souffre aucune exception157.

692. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

La philosophie omet les détails de l’objet complexe, et ainsi le change en chose abstraite ; elle ne prend dans l’objet particulier que ce qu’il a de commun avec les autres, et ainsi le change en un être général ; elle ne l’observe complexe et particulier que pour l’apercevoir général et abstrait ; elle n’agit que pour altérer, dénaturer, transformer ; elle est un raisonnement continu, où les faits ne comptent que parce qu’ils prouvent des lois, où les êtres n’entrent que pour se résoudre en qualités, où les événements ne sont reçus que pour se fondre en formules ; elle ne part de la connaissance primitive que pour s’en écarter. […] Sa sottise ou sa grandeur, accumulée sur un seul point, se centuple ; la figure la plus vulgaire devient expressive, et intéresse, parce que l’esprit y aperçoit toute une vie en raccourci.

693. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Les jugements sont des équations, et les termes qu’on assemble sont des objets abstraits, idéaux : nulle part on n’aperçoit mieux que chez Condillac pourquoi l’esprit français au xviiie  siècle élimine de sa pensée toute réalité concrète, les formes par conséquent de la vie et la matière de l’art, et pourquoi la poésie ne peut plus être qu’un jeu intellectuel, réglé par des conventions arbitraires. […] Proscrit, Condorcet gardait toute sa sérénité, toutes ses espérances ; il traçait rapidement le tableau des progrès de la raison, retardés en vain par les tyrans et les prêtres, et donnait un aperçu des belles destinées que sa victoire promettait à l’homme, indéfiniment perfectible.

694. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Puis elle s’est aperçue que sa philosophie était insuffisante : que l’art d’ennoblir la vie par des passions nobles n’était pas une règle suffisante de vie, que le plaisir, même le plaisir de la pitié, n’était pas la vertu ni un fondement solide de vertu ; et Kant lui a offert son postulat du devoir. […] Il y a quelque chose de très singulier dans la différence d’un peuple à un autre ; le climat, l’aspect de la nature, la langue, le gouvernement, enfin surtout les événements de l’histoire, puissance plus extraordinaire encore que toutes les autres, contribuent à ces diversités ; et nul homme, quelque supérieur qu’il soit, ne peut deviner ce qui se développe naturellement dans l’esprit de celui qui vit sur un autre sol et respire un autre air : on se trouve donc bien en tout pays d’accueillir les pensées étrangères ; car dans ce genre, l’hospitalité fait la fortune de celui qui la reçoit643. » Le conseil était bon et pratique : nous nous en sommes aperçus plus d’une fois en ce siècle, nous autres Français.

695. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

II Le poète des Amoureuses, jeté en arrivant à Paris dans un milieu de bohèmes pittoresques, bientôt aiguisé par la vie parisienne, s’aperçoit un jour que ce qu’on voit (quand on sait regarder) est presque toujours plus intéressant, plus inattendu, même plus amusant et plus fou que ce qu’on imagine. […] Une fillette sortant de Saint-Lazare aperçoit son amant assis, menottes au poing, à l’autre bout du couloir, et fait avec lui un bout de conversation par l’intermédiaire d’un brave homme de garde de Paris : « Dites-y bien que j’ai jamais aimé que lui, que j’en aimerai jamais un autre dans ma vie. » Et quand le garde a fait sa commission : « Qu’est-ce qu’il a dit   Il a dit qu’il était bien malheureux  T’ennuie pas, m’ami… ; les beaux jours reviendront  Va donc !

696. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Au premier abord, ces Mémoires de Cosnac plaisent assez peu et semblent ne répondre qu’imparfaitement à la réputation de l’auteur : ce n’est que peu à peu, en avançant, ou quand on les a quittés, qu’on s’aperçoit qu’ils ont augmenté nos connaissances sur bien des points et enrichi notre jugement. […] Mais je laisse vite cet aperçu et ce présage qui serait un anachronisme en ce qui est de Madame et du charme tout idéal des commencements (1661).

697. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Il y a un mal terrible et rebelle à guérir, une maladie non décrite et qui n’a pas pris place encore dans les livres de médecine ; je l’ai peu observée directement, je l’ai entrevue toutefois, et je me la suis fait raconter par des témoins, et presque par des malades eux-mêmes : je puis en donner un léger aperçu que de plus experts compléteront. […] En me promenant avec lui dans ses jardins, j’aperçus de loin une statue de marbre ; je lui demandai ce que c’était. « C’est, me dit-il, ce que je n’ai plus le courage de regarder » ; et en nous détournant : « Ah !

698. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Comme conséquence du procédé que l’on vient d’exposer, ce fait encore s’était produit sur lequel il convient d’attirer spécialement l’attention ; le cas pathologique, aperçu le premier avait été défini tout d’abord par l’énoncé du pouvoir normal qui s’y manifeste. […] On s’aperçut bientôt que, pour coïncider exactement avec les objets que l’on décrivait, la formule devait être complétée.

699. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

La religion, la philosophie, la poésie, contribuèrent à perfectionner les mœurs et les lois, mais toujours d’une manière spontanée, sans que l’on s’aperçût encore que l’homme peut par la science se rendre maître de la nature et de la société elle-même, et donner à ses progrès une direction choisie et voulue. […] Cet esprit qui dans le phénomène aperçoit la loi, et dans le particulier le général, ne serait-il lui-même qu’un phénomène particulier, ou, ce qui serait plus étrange encore, la rencontre fortuite de phénomènes accidentels ?

700. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Ce que nous nous proposions était, non d’anticiper par une vue philosophique les conclusions de la science, mais simplement d’indiquer à quels signes extérieurs il est possible de reconnaître les faits dont elle doit traiter, afin que le savant sache les apercevoir là où ils sont et ne les confonde pas avec d’autres. […] Tout ce qu’il faut, puisqu’il s’agit d’une définition initiale, c’est que les caractéristiques dont on se sert soient immédiatement discernables et puissent être aperçues avant la recherche.

701. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Avant de l’avoir lue, on croyait que cette phrase : sur un trône ou dans les fers, ne pouvait être employée qu’en style de tragédie ; et l’on s’aperçoit en la lisant que le mouvement des idées l’amène, que l’esprit ne se guinde pas pour y atteindre, que la noblesse du ton l’y conduit. […] On ne peut pas dire que les phénomènes ou événements intérieurs soient dans la conscience ; ils sont l’objet de la conscience ; une sensation, un souvenir, ne sont pas dans la conscience ; la conscience ne contient pas ces opérations, elle les aperçoit.

702. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

A peine si çà et là, le long de quelque rampe tortueuse d’un coteau lointain, on aperçoit, pareil à un point noir, un voyageur qui gravit.

703. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Il passe une nuit atroce, et s’aperçoit, le lendemain matin, que sa barbe blonde est toute grise.

704. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Nous n’apercevons le ciel qu’entre deux toits, nous ne saluons jamais l’aurore chez elle, le couchant déroule ses pourpres loin de nos yeux.

705. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

À plus forte raison a-t-on fait cette enquête pour ceux qui sont plus voisins de nous, plus accessibles, pour ainsi dire, et qui passeront pour nos contemporains, quand les siècles futurs les apercevront à la même distance d’où nous autres nous voyons Homère.

706. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre II »

La filiation d’un mot, même du latin au français, n’est presque jamais immédiatement perceptible ; très souvent le mot français a une signification tout à fait différente de celle qu’il supportait en latin ; bien plus, à quelques siècles, et même à quelque cinquante ans de distance, un mot français change de sens, devient contradictoire à son étymologie, sans que nous nous en apercevions, sans que cela nous gêne dans l’expression de nos idées ; d’identiques sonorités expriment des objets entièrement différents, soit qu’elles aient une origine divergente, soit qu’un mot ait assumé à lui seul la représentetation d’images ou d’actes disparates10.

707. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

Dupe, ou, pour dire un mot moins dur, victime du génie de Cooper, Ferry a cru qu’on pouvait reprendre la création achevée d’un immense artiste, et il ne s’est pas aperçu que dans Fenimore Cooper le véritable personnage, le vrai héros des poèmes que nous avons sous les yeux, c’est l’Amérique elle-même, la mer, la plaine, le ciel, la terre, la poussière enfin de ce pays qui n’a pas fait son peuple et qui est émietté par lui… Il n’a pas vu qu’en ôtant Bas-de-Cuir lui-même des romans de Fenimore, — cette figure que Balzac, qui avait le sens de la critique autant que le sens de l’invention, a trop grandie en la comparant à la figure épique de Gurth dans Ivanhoe et qui n’est guères que le reflet du colossal Robinson de Daniel de Foe, — il n’a pas vu qu’il n’y avait plus dans les récits du grand américain qu’une magnifique interprétation de la nature, que l’individualisation, audacieuse et réussie, de tout un hémisphère, mais que là justement étaient le mérite, la profondeur, l’incomparable originalité d’une œuvre qui n’a d’analogue dans aucune littérature.

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