Si Thiers n’avait pas publié sous Louis-Philippe les premiers volumes de son histoire, on pourrait penser que l’homme de parti a étouffé en lui la voix du véritable homme d’État.
Mais cette hauteur de raillerie impénétrable et glacée ne tenterait qu’un esprit grandiose, et, il faut bien l’avouer, la vulgarité abaissée de l’expression, le style, enfin, cette voix qui trahit un homme quand il aurait tous les déguisements autour de sa pensée, attestent assez haut que Bellegarrigue est sérieux, qu’il est naïf dans sa dégradante apothéose.
, Mirabeau donc, à qui l’on venait d’opposer une raison historique, s’écria qu’il méprisait l’Histoire, quand de Bonnay — un Rivarol de la droite — lui lança, d’une voix qui vibra comme une flèche : « Elle vous le rendra bien, monsieur de Mirabeau !
Alors une voix dans cette nuit noire, rougie de la lueur du bûcher funèbre, prononça la plus terrible des excommunications de l’Église contre la mémoire de ce supplicié d’outre-tombe qui avait été Charles-Quint, et, chose plus terrible encore !
L’Ordre teutonique n’écouta pas la voix du Pontife, et quand le Protestantisme s’empara de l’Allemagne catholique, il apostasia… Enfin, l’auteur des Luttes religieuses fait la distinction, que les ennemis de l’Église ne font jamais, entre l’Inquisition romaine et l’Inquisition espagnole, établie contre les Maures relaps, implacables ennemis des Espagnols, et que nulle hypocrisie, nul mensonge, nulle profanation n’effrayaient.
Shakespeare, traduit filialement par un fils de Hugo. » Et l’on admire cette douce manière, ces mignardises aimables, ce baissement de voix dans un homme dont le verbe est si haut quand il proclame ses adorations !
Il était doué d’une curiosité intrépide, d’une persévérance infatigable, d’une sagacité infiniment perçante, le tout revêtu d’une organisation d’acier fin que ne brisèrent, ni ne faussèrent, ni n’usèrent les fatigues, les climats, les voyages, et qui dura près de cent ans, comme celle de Fontenelle, cette porcelaine fêlée dans son fauteuil ouaté, ce Fontenelle qui s’arrêtait au milieu d’une phrase quand une voiture passait, pour ne pas forcer et user sa voix !
dans la passion qui casse presque toujours son instrument ou sa voix parce qu’elle joue ou chante trop fort !
Puis, dans un cercle fort étroit, on avait, pendant vingt ans, entendu cette voix âpre, obstinée, pesante, ne portant pas loin, et qui avait cependant la prétention d’instruire la terre et de la changer !
Il était doué d’une curiosité intrépide, d’une persévérance infatigable, d’une sagacité infiniment perçante, le tout revêtu d’une organisation d’acier fin, que ne brisèrent, ni ne faussèrent, ni n’usèrent les fatigues, les climats, les voyages, et qui dura près de cent ans, comme celle de Fontenelle, cette porcelaine fêlée dans son fauteuil ouaté, ce Fontenelle qui s’arrêtait au milieu d’une phrase quand une voilure passait, pour ne pas forcer et user sa voix !
Le scepticisme, l’inquiétude et la peur, qui firent pousser de si magnifiques cris d’aigle épouvanté à l’âme de Pascal, sont plus communs que la foi, l’amour et l’espérance, et les hommes sont faits ainsi qu’ils entendent mieux la voix qui les crie.
L’abbé Gratry, que la force intellectuelle du prêtre préserverait de cette philosophie d’inanité quand son ferme esprit ne l’en préserverait pas naturellement, l’abbé Gratry, qui a éprouvé en lisant Hegel quelque chose de la sublime angoisse des beaux enfants du Songe de Jean-Paul, quand la voix du jugement leur crie : « Il n’y a pas de Christ !
Son système, s’il est possible d’entendre la voix ferme et distincte d’un système à travers cette tempête de mots lâchés par un homme véritablement attaqué d’une tympanite verbale, son système n’est qu’une espèce de métempsycose toujours en évolution… idée chétive, trouvaille de peu d’efforts, vulgarité niaise à force d’être commune.
Du Clésieux est un poète à la voix pleine, harmonieuse, étendue, mais qui chante dans un medium dont il ne sort jamais par ces éclats si magnifiques dans Lamartine, qui, en sa qualité de génie poétique absolu, ayant tous les dons, a aussi le don de peindre avec des puissances, des délicatesses et des chastetés de pinceau véritablement raphaélesques, et quoique le musicien soit bien au-dessus du peintre dans son génie.
Ce qu’on n’en sait pas vaut toujours mieux que ce qu’on en sait : Le poète est semblable aux oiseaux de passage, Qui ne bâtissent point leurs nids sur le rivage, Qui ne se posent point sur les rameaux des bois… ……………………………………………………… Ils passent en chantant loin des bords, et le monde Ne connaît rien d’eux que leur voix !
— Le public croit à la « voix du sang » chère au mélodrame, et voit toujours dans le père, même négligent, un personnage sacré. […] Il faut, pour qu’il cède à sa passion, toujours très forte du reste, que la voix autorisée de ses anciens et de ses maîtres l’ait rassuré, ait dissipé ses hésitations et ses scrupules. […] Nulle autre n’a tes yeux et personne ta voix… C’est précisément à cela qu’il devrait reconnaître que la personne qui est devant lui n’est pas Daméta, mais quelque autre. […] Dubosc, charmant de légèreté fringante et se faisant une voix de sarcasme excellente dans le personnage du comte de Lehdenburg.
Elle parlait aussi : les continuelles avalanches qui, d’instant en instant, s’écroulaient sur ses flancs, lui prêtaient une voix pour gronder, pour gémir, pour pousser des plaintes, qui, tour à tour, éclatent ou s’étouffent comme des cris de victoire ou des râles d’amour. Ce n’était plus un entassement inerte de pierres et de neige : c’était un être animé, un monstre superbe dont les formes et la voix dégagent [mauvais style, pour finir] une fascination fatale. » Et enfin un petit roman d’amour est mêlé à tout cela. […] Il y a comme fusion de l’auteur et des personnages, et le son de voix n’est plus différent. […] ce qu’il y a dans le silence des portes et des fenêtres et dans la petite voix de la lumière ; subissant la présence de son âme et de sa destinée ; inclinant un peu la tête sans se douter que toutes les puissances de ce monde interviennent et veillent dans sa chambre comme des servantes attentives… il m’est arrivé de croire que ce vieillard vivait en réalité d’une vie plus profonde, plus humaine et plus générale que l’amant qui étrangle sa maîtresse », etc. […] Voilà pourquoi nous entendons mieux chez nous la voix de la nature, et pourquoi nous avons avec elle un commerce plus intime. » On connaît déjà assez Ruel pour deviner, s’il partit en guerre, quelle bataille il livra dans ces Salons.
On suppose tout possible, dans le mal, on veut le supposer, et une voix secrète plaide en nous, qui nous murmure : « Si tu te trompais, pourtant ! […] Mais M. de Barante parlait si affectueusement et d’une voix si douce, que j’étais un peu rassuré. […] Comme on entendait bien dans ces vers, dans ce chant, la voix de ces héros paysans qui ont donné leur vie sans dire leur nom. […] Dans le tintement de la vaisselle la voix du lecteur, par intervalles, m’arrivait aux oreilles. […] Cette maisonnette, baignée l’hiver des brumes de la Seine et des vapeurs du Bois, s’emplissait, à la voix du maître, de toutes les poésies de l’Orient rêvé.
du babil et de l’abandon sans vulgarité, de l’élévation sans éclat de voix. […] Poitou, si mesuré dans une matière qui prêtait naturellement aux éclats de voix, a-t-il voulu ici, à toute force, fendre et pourfendre ? […] Trop de voix autorisées se sont depuis quelque temps élevées contre l’agiotage, fruit de l’estime, exclusive de la richesse, pour qu’on nous refuse le droit d’imiter leur franchise en imitant leur discrétion. […] Si l’on écoute cette voix rugissante sous le bâillon, si l’on considère cette face marquée de petite vérole et vivement accentuée, on répond hardiment : Mirabeau. […] Une seule voix, en dehors des protestants dépouillés, s’élève contre les dragonnades avec un cri de douleur ; une seule voix, en dehors des jansénistes proscrits, pleure sur les ruines de Port-Royal : c’est la sienne.
Il avait défendu qu’aucun discours ne fût prononcé sur sa tombe, mais il n’a pu réprimer également les voix du lendemain. […] Qu’il puisse y avoir beaucoup de vrai dans ces prescriptions d’analyse, Joseph de Maistre n’a pas assez d’éclats de voix ni de sifflets pour le nier ; nous dirons simplement que l’erreur est d’y mettre tout, de croire que la méthode crée l’esprit et que le mot garantit l’idée, de passer le niveau sur les facultés humaines et d’en supprimer le jet naturel, de méconnaître, non pas seulement ce que le génie, mais ce que le bon sens apporte volontiers de libre et de vif avec lui. […] Les dernières phrases du discours sur Boileau étaient un hommage à Napoléon : « Aujourd’hui que toutes les émulations renaissent à la voix d’un héros couvert de toutes les gloires, etc. » Dans l’édition de 1825, cette conclusion a disparu, et se trouve remplacée par une violente sortie contre la littérature romantique. […] Le ton de Bonaparte s’élevait, il avait l’air de s’impatienter : les personnes qui se promenaient de long en large dans le salon voisin, militaires et aides-de-camp, retournaient de temps en temps la tête par curiosité pour ces éclats de voix qui leur arrivaient.
Je crois que La Fayette, au Moyen Age, aurait été ce qu’il fut de nos jours, un chevalier, cherchant encore à sa manière le triomphe des droits de l’homme sous prétexte du Saint-Graal, ou bien un croisé en quête du saint tombeau, le bras droit et le premier aide de camp, sous un Pierre-l’Ermite, c’est-à-dire sous la voix de Dieu, d’une des grandes croisades. […] Tous ceux qui raisonnent reconnaîtront les avantages que nous devons à la flotte française et au zèle de son commandant ; mais, dans un gouvernement libre et républicain, vous ne pouvez comprimer la voix de la multitude ; chacun parle comme il pense, ou pour mieux dire sans penser, et par conséquent juge les résultats sans remonter aux causes… C’est la nature de l’homme que de s’irriter de tout ce qui déjoue une espérance flatteuse et un projet favori, et c’est une folie trop commune que de condamner sans examen. » Comme complément et correctif de ce jugement de Washington sur les gouvernements républicains, il convient de rapprocher ce passage d’une lettre de lui à La Fayette, écrite plusieurs années après (25 juillet 1785) : il s’agit de la nécessité qui se faisait généralement sentir à cette époque, parmi les négociants du continent américain, d’accorder au Congrès le pouvoir de statuer sur le commerce de l’Union : « Ils sentent la nécessité d’un pouvoir régulateur, et l’absurdité du système qui donnerait à chacun des États le droit de faire des lois sur cette matière, indépendamment les uns des autres. […] Tout cela ne lui donnait, à la vérité, la préférence de personne, mais lui assurait, suivant l’expression de madame de Staël, « les secondes voix de tout le monde. » Il a plus fait encore : il s’est emparé avec un art prodigieux des circonstances qui lui étaient contraires ; il a profité à son gré des anciens vices et des nouvelles passions de toutes les cours, de toutes les factions de l’Europe ; il s’est mêlé, par ses émissaires, à toutes les coalitions, à tous les complots dont la France ou lui-même pouvaient être l’objet ; au lieu de les divulguer ou de les arrêter, il a su les encourager, les faire aboutir utilement pour lui, hors de propos pour ses ennemis, les déjouant ainsi les uns par les autres, se faisant de toutes personnes et de toutes choses des instruments et des moyens d’agrandissement ou de pouvoir. […] Il y eut, une des dernières nuits, quelque chose de céleste à la manière dont elle récita deux fois de suite, d’une voix forte, un cantique de Tobie applicable à sa situation, le même qu’elle avait récité à ses filles en apercevant les clochers d’Olmütz93.
Jamais sa voix n’a d’éclats ; il dit avec mesure les choses les plus fortes. […] Voilà l’avantage de ces génies qui n’ont pas l’empire d’eux-mêmes : le discernement leur manque, mais ils ont l’inspiration ; parmi vingt œuvres fangeuses, informes ou malsaines, ils en font une qui est une création, bien mieux une créature, un être animé, viable par lui-même, auprès duquel les autres, fabriqués par les simples gens d’esprit, ne sont que des mannequins bien habillés C’est pour cela que Diderot est un si grand conteur, un maître du dialogue, en ceci l’égal de Voltaire, et, par un talent tout opposé, croyant tout ce qu’il dit au moment où il le dit, s’oubliant lui-même, emporté par son propre récit, écoutant des voix intérieures, surpris par des répliques qui lui viennent à l’improviste, conduit comme sur un fleuve inconnu par le cours de l’action, par les sinuosités de l’entretien qui se développe en lui à son insu, soulevé par l’afflux des idées et par le sursaut du moment jusqu’aux images les plus inattendues, les plus burlesques ou les plus magnifiques, tantôt lyrique jusqu’à fournir une strophe presque entière à Musset480, tantôt bouffon et saugrenu avec des éclats qu’on n’avait point vus depuis Rabelais, toujours de bonne foi, toujours à la merci de son sujet, de son invention et de son émotion, le plus naturel des écrivains dans cet âge de littérature artificielle, pareil à un arbre étranger qui, transplanté dans un parterre de l’époque, se boursoufle et pourrit par une moitié de sa tige, mais dont cinq ou six branches, élancées en pleine lumière, surpassent tous les taillis du voisinage par la fraîcheur de leur sève et par la vigueur de leur jet.
Quand on a établi la filiation des dogmes, ou la classification des poëmes, ou le progrès des constitutions, ou la transformation des idiomes, on n’a fait que déblayer le terrain ; la véritable histoire s’élève seulement quand l’historien commence à démêler, à travers la distance des temps, l’homme vivant, agissant, doué de passions, muni d’habitudes, avec sa voix et sa physionomie, avec ses gestes et ses habits, distinct et complet comme celui que tout à l’heure nous avons quitté dans la rue. […] Vous écoutez sa conversation, et vous notez ses inflexions de voix, ses changements d’attitudes ; c’est pour juger de sa verve, de son abandon et de sa gaieté, ou de son énergie et de sa roideur.
Le seul son de la voix de Guillaume portait dans l’âme la conviction ; la voie grêle et fêlée du savant masquait des pensées toutes personnelles. […] La voix était très faible, rauque et délicate comme celle d’un enfant, c’est pourquoi on lui a encore posé des sangsues au larynx. — Il a sa parfaite connaissance. — “Pensez souvent à moi, disait-il avant-hier, avec beaucoup de lucidité. — J’étais très heureux, ce jour a été bien beau pour moi, car rien n’est plus sublime que l’amitié.
La France eut au xive siècle îles voix éloquentes, et jamais à vrai dire elle n’en avait manqué depuis le xie . […] Son plus célèbre ouvrage, l’Apparition de Jean de Meung, œuvre d’un admirateur du Roman de la Rose, le met à côté des Gerson, des Oresme, des Jean de Montreuil, de tous ces premiers patriotes qui élevèrent la voix pour le peuple à la fin du xive siècle.
Pour subsister, pour avoir une action encore efficace, il faut qu’elle se mette au ton du siècle, et, dans sa voix au moins et ses gestes, marque prendre sa part de la dégradation universelle. […] Voilà une poésie qui est la résonance d’une pauvre âme, battue d’outrageuses misères, et qui n’est que cela : et dans cette voix bouffonne ou plaintive, qui crie son vice ou son mal, passe parfois le cri de l’éternelle humanité : nous, honnêtes gens, paisibles bourgeois, ce louche rôdeur du xvie siècle parle de nous, parle pour nous, nous le sentons, et c’est ce qui le fait grand.
Puis les choses reprirent leur cours : mais le suffrage universel avait changé l’aspect de la Chambre et par contre-coup la forme de l’éloquence parlementaire : il y eut moins de correction, de politesse, de logique, plus de violence et de passion déchaînée, des voix plus grosses et plus populaires ; la tradition emphatique ou solennelle de l’éloquence jacobine, le rugissement et le laconisme reparurent à la tribune. […] Il fonde de 1858 à 1850 quatre journaux : le Représentant du Peuple, le Peuple, la Voix du peuple et de nouveau le Peuple.
La voix est un peu sèche, mais d’un métal inaltérable et que nulle fatigue ne saurait fêler. […] Prends garde, ami : la pensée des hommes est changeante. » Et d’autres voix de montagnes s’élèvent : « Nous aussi, nous avons été des dieux.
Elle donne force à la loi, à la foi, au roi, à cet autre mot qui est l’abrégé de toutes nos pensées, le mot moi ; enfin elle donne sa force à la voix. […] Remarquez au reste, comme preuve de la force ajoutée par la diphtongue oi aux mots foi, roi, foi, qu’elle exige une plus forte émission de la voix que lé, ré, fé, qu’elle oblige à desserrer les dents et les lèvres pour s’ouvrir un passage plus libre et comme pour donner aux paroles plus de solennité.
Ici, c’est Balzac qui a donné le la de cette histoire, et il faut de la voix pour chanter sur le la donné par un pareil homme. […] La tête inclinée sur l’épaule, sa canne aux dents comme une clarinette, l’illustre et lugubre farceur s’avança jusqu’au milieu de la chambre et vint se jeter contre ma table en disant d’une voix dolente : “Ayez pitié d’un pauvre aveugle !”
Il était encore à Hartwell quand M. de Talleyrand lui envoyait un personnage de l’ancienne Cour, celui-là même qui avait répondu à Louis XVI le jour de la prise de la Bastille : « Ce n’est pas une révolte, sire, c’est une révolution. » Ce personnage (M. de La Rochefoucauld-Liancourt) envoyé à Louis XVIII pour s’entretenir avec lui de la situation et l’éclairer de vive voix sur les difficultés, ne parvient pas à être reçu par le roi qui avait contre lui un ancien grief personnel ; il n’est reçu que par le favori (M. de Blacas) et revient sans avoir pu être admis.
Les Voix amies, par F.
La résistance de Mme Pierson, la tristesse résignée d’Octave, les sons de la voix aimée qui n’éveillent plus en lui ces transports de joie pareils à des sanglots pleins d’espérance, sa pâleur, qui réveille au contraire en elle cet instinct compatissant de sœur de charité ; puis, au premier baiser, l’évanouissement, suivi d’un si bel effroi, cette chère maîtresse éplorée, les mains irritées et tremblantes, les joues couvertes de rougeur et toutes brillantes de pourpre et de perles ; ce sont là des traits de naturelle peinture qui permettraient sans doute de trouver en cet épisode la matière d’une comparaison, souvent heureuse, avec Manon Lescaut ou Adolphe, si une idée simple et un goût harmonieux avaient ici ménagé l’ensemble, comme dans ces deux chefs-d’œuvre.
On le mit bientôt en pension à Padoue chez un bon chanoine Gozzi, très ignorant, très zélé pour la prédication, ayant en sa faveur la figure et la voix, et par conséquent fort suivi des femmes, dont il était d’ailleurs l’ennemi juré, et qu’il ne regardait jamais en face.
Quand le renard s’approche du corbeau, pour lui voler son fromage, il débute en papelard, pieusement et avec précaution, en suivant les généalogies ; il lui nomme « son bon père, dom Rohart, qui si bien chantoit » : il loue sa voix qui est si claire et si épurge. » « Au mieux du monde chantissiez, si vous vous gardissiez des noix. » Renard est un Scapin, un artiste en inventions, non pas un simple gourmand ; il aime la fourberie pour elle-même ; il jouit de sa supériorité, il prolonge la moquerie ; quand Tibert le chat par son conseil s’est pendu à la corde de la cloche en voulant sonner, il développe l’ironie, il la goûte et la savoure ; il a l’air de s’impatienter contre le pauvre sot qu’il a pris au lacs, l’appelle orgueilleux, se plaint de ce que l’autre ne lui répond pas, qu’il veut monter aux nues, et aller retrouver les saints.
N’entend-on pas, au creux du sillon qui la brûle, La cigale aux cent voix chanter la canicule ?
Brunetière, dont la sévère méthode, le rigoureux enchaînement de doctrine ont fortement saisi le public : sans nulle concession à la frivolité des auditeurs, il les gagne par l’ardente conviction que son action, sa voix, toute sa personne dégagent.
Assurément, il l’eût mieux dit lui-même, avec plus de pleurs dans la voix, et je ne sais quoi de plus navré, de plus abandonné, de plus démissionnaire dans toute sa personne ; mais enfin, si ce serait un scandale, ou plutôt une espèce d’obscénité, que de voir un Baudelaire en bronze, du haut de son piédestal, continuer de mystifier les collégiens, il faut bien que quelqu’un le dise.
Une voix amie lui dit : Renonce au peuple, Karl, tu veux sauver les papillons du feu, tu les retiens de force, il n’y a que leur expérience qui sera capable de les instruire.
Lorsque Lamartine18 écrit : « C’est Ossian, après le Tasse, qui me révéla ce monde des images et des sentiments que j’aimai tant depuis à évoquer avec leurs voix… Ossian fut l’Homère de mes premières années ; je lui dois une partie de la mélancolie de mes pinceaux… » — voilà une filiation poétique qu’il serait désormais bien hardi de contester.
Son ami Sedaine vient d’avoir un succès au théâtre : Diderot court chez lui, l’embrasse, veut le féliciter ; mais la voix lui manque et les larmes lui ruissellent le long des joues.
Nous n’ignorions pas combien les illusions accréditées sont promptes à se révolter contre la voix qui les combat ; nous connoissions trop de quoi l’esprit de parti est capable, lorsqu’il se voit contredit & humilié ; nous savions parfaitement ce qu’il sait dire, ce qu’il sait faire, ce qu’il sait inventer ; nous entendions d’avance ses clameurs, ses murmures, ses mensonges ; nous voyions ses mouvemens, ses intrigues, son acharnement.
Eugène Montfort a prononcé des mots d’une force et d’une tendresse peut-être plus pures encore : « Puisqu’on ne se plaît plus à l’église, a-t-il écrit au cours de l’Essai sur l’amour, je voudrais qu’aujourd’hui la voix du poète — comme autrefois celle des cloches — sonnât dans toutes les âmes ; je voudrais qu’elle les réunît, elle aussi, dans un vol unanime ; je voudrais qu’elle les fît vivre ensemble dans ce temple incommensurable qu’est le monde. » Voilà l’expression positive de nos pensées.
Il a écrit, à propos d’une comédie de Collé et de La Métromanie de Piron, des pages charmantes, délicates, que je prise bien plus comme témoignage vrai de son talent que d’autres plus saillantes et où il élève la voix.
Au milieu d’une situation si désespérée, ce semble, je persiste pourtant à croire qu’il ne serait pas impossible, si la société politique dure et se rassoit, de voir se rétablir un certain ordre où la voix de l’opinion redeviendrait peu à peu distincte.
D’ailleurs, comme nous l’avons déja dit, c’est souvent sur la foi d’autrui que les hommes adoptent le systême qu’ils enseignent ensuite, et la voix publique qui s’explique en sa faveur, n’est ainsi composée que d’échos répetans ce qu’ils ont entendu.
C’est alors, c’est à partir de ce moment seulement que l’écrivain de génie peut demander et recevoir la gloire : Paris-centre a seul la voix assez puissante pour faire entendre au monde entier le nom qu’il lui crie.
Le scepticisme, l’inquiétude et la peur, qui firent pousser de si magnifiques cris d’aigle épouvanté à l’âme de Pascal, sont plus communs que la foi, l’amour et l’espérance, et les hommes sont faits ainsi qu’ils entendent mieux la voix qui les crie.
Cette voix d’un prêtre qui intervient avec miséricorde dans les justices et les châtiments de l’histoire, nous touche et nous trouble.
L’âme, en poésie, est inattentive à toute voix qui ressemble à quelqu’un de connu ou qui rappelle quelque chose de senti déjà.
Comme le musicien fait chanter les voix, le décorateur fait chanter les lignes. […] Pourrait-on dire que j’ai vraiment entendu un opéra, si j’ai fait seulement attention aux voix, m’efforçant, pour les mieux entendre, de les isoler du vain bruissement de l’orchestre ? […] On ne peut contempler longtemps cette composition sans y percevoir comme un murmure de voix, tant la mimique de chaque personnage se formule en une phrase que l’on croit entendre. […] De chacune de ces têtes sortent des voix confuses, cris plaintifs de jeune chien, rugissement de lion, mugissement de taureau. […] S’il était tenté de s’abaisser, de chercher le succès dans les œuvres faciles et de pur artifice, dans la simple imitation des réalités vulgaires, ces deux voix hautes et pures le rappelleront à l’idéal.
Une meute de chiens se met tout entière à aboyer quand l’un d’eux donne de la voix. […] Dans un vol de freux, les croassements éclatent en mille voix, puis s’éteignent peu à peu, puis tout à coup s’étendent sympathiquement. […] J’entends, moi, sa voix intérieure ; mais je ne répondis point. […] Leurs voix grêles sonnent : « Paresseux, éveillez-vous, déjà je vous attends. » Accorte et joyeuse, légère et gaie, la ménagère est en marche. […] C’était une grande âme et une grande voix.
Pour qu’un chant soit sublime, ce n’est évidemment pas assez que la voix de nos pères l’ait « entonné ». Car enfin, que n’a-t-elle pas entonné, la voix de nos pères ? […] On lisait encore, dans les précédentes éditions : « Le ton de voix impose aux plus sages et change un poème ou un discours de face », et M. Molinier veut qu’on lise désormais : « Le ton de voix change un poème ou un discours de force ». […] De loin en loin pourtant, une voix généreuse proteste et réclame au moins l’indulgence.
Enfin, pour ce que Cyrus ou Clélie contiennent de peintures de la société française du temps, qui ne le saurait pas, c’est qu’il faudrait qu’il fût sourd, de ne pas l’avoir entendu crier par la voix emphatique, et même tonitruante, de Victor Cousin. […] Tous les adversaires qu’ils avaient réduits au silence, et tenus en respect, ont relevé la tête, et retrouvé la voix. […] Or c’est là le fond du jansénisme ; c’est là, quand on l’a dépouillé de son enveloppe théologique, ce qui en demeure, ce qui en subsiste ; et c’est là ce que nous crierons éternellement, par la voix de Pascal, ses Pensées et ses Provinciales. […] Mais la vraie raison, c’est que la voix de Descartes, quand elle commençait à se faire entendre, a été comme étouffée par une autre voix plus forte, parce qu’elle était plus éloquente et plus passionnée que la sienne. […] En attendant, elle est comme étouffée sous le bruit de la voix des grands prédicateurs, et si bien étouffée qu’aujourd’hui ceux-là seuls connaissent les œuvres ou le nom même de Dancourt et de Courtils de Sandras, qu’une insatiable curiosité ou la nécessité professionnelle y obligent.
Lorsque d’Alembert publia en 1753 ses deux premiers volumes de Mélanges, Mme du Deffand consulta les diverses personnes de sa société ; elle alla, pour ainsi dire, aux voix dans son salon, et mit à part les avis divers pour que l’auteur en pût faire ensuite son profit ; c’est sans doute ce qui a procuré l’opinion du chevalier d’Aydie qu’on trouve recueillie dans les Œuvres de d’Alembert82. […] Mais ce qui intéresse avant tout dans ce petit volume, c’est Aïssé elle-même et son tendre chevalier ; la noble et discrète personne suit tout d’abord, en parlant d’elle et de ses sentiments, la règle qu’elle a posée en parlant du jeu de certaine prima donna : « Il me semble que, dans le rôle d’amoureuse, quelque violente que soit la situation, la modestie et la retenue sont choses nécessaires ; toute passion doit être dans les inflexions de la voix et dans les accents. […] et n’allez pas vous fier à ces façons de dire, encore moins pour l’aimable Aïssé ; elle était quelque chose de léger, de ravissant, de tout fait pour prendre les cœurs ; ses portraits le disent, la voix des contemporains l’atteste, et le sans-façon même dont elle accommode ses diminutions de santé ressemble à une grâce88.
Elles ne sont plus élues dans les clubs quand on nomme les belles dont on boit la santé ; elles sont obligées par leurs principes de se coller une mouche sur le côté du front où cela va le plus mal ; elles se condamnent à perdre les toilettes du jour de naissance ; il ne leur sert de rien qu’il y ait une armée et tant de jeunes gens porteurs de chapeaux à plumes ; elles sont forcées de vivre à la campagne et de nourrir leurs poulets, juste dans le temps où elles auraient pu se montrer à la cour et étaler une robe de brocart, si elles voulaient se bien conduire… Un homme est choqué de voir un beau sein soulevé par une rage politique qui est déplaisante même dans un sexe plus rude et plus âpre… Et cependant nous avons souvent le chagrin de voir un corset près d’être rompu par l’effort d’une colère séditieuse, et d’entendre les passions les plus viriles exprimées par les plus douces voix… » Mais, heureusement, ce chagrin est rare ; « là où croissent un grand nombre de fleurs, la terre de loin en semble couverte ; on est obligé d’avancer et d’entrer, avant de distinguer le petit nombre de mauvaises herbes qui ont poussé dans ce bel assemblage de couleurs. » Cette galanterie est trop posée ; on est un peu choqué de voir une femme touchée de si près par des mains si réfléchies. […] Car si vous vous figurez vivement une situation ou une action, vous verrez du même élan tout le réseau de ses attaches ; les passions et les facultés, tous les gestes et tous les sons de voix, tous les détails d’habillement, d’habitation, de société, qui en découlent, se lieront dans votre esprit, attireront leurs précédents et leurs suites ; et cette multitude d’idées, organisée lentement, se concentrera à la fin en un sentiment unique d’où jaillira, comme d’une source profonde, la peinture et l’histoire d’un personnage complet. […] J’y pus distinguer des personnages revêtus d’habits glorieux avec des couronnes sur leurs têtes, les uns passant parmi les arbres, d’autres couchés au bord des fontaines, d’autres reposant sur des lits de fleurs, et j’entendis une harmonie confuse de chants d’oiseaux, d’eaux murmurantes, de voix humaines et d’instruments mélodieux. — La joie entra dans mon cœur à la vue d’une apparition si délicieuse.
Les pierres pour lui prennent une voix, les murs blancs s’allongent comme de grands fantômes, les puits noirs bâillent hideusement et mystérieusement dans les ténèbres ; des légions d’êtres étranges tourbillonnent en frissonnant dans la campagne fantastique ; la nature vide se peuple, la matière inerte s’agite. […] Suspendu à cette hauteur, entre les nuages volants qui promènent leurs ombres sur la ville et les lumières affaiblies qu’on distingue à peine dans la vapeur, on éprouve une sorte de vertige, et l’on n’est pas loin de découvrir, comme Dickens, une pensée et une âme dans la voix métallique des cloches qui habitent ce château tremblant. […] Cette autorité était accrue par la voix de l’orateur, qui était inflexible, sèche et impérative.
Le Prêtre, tenant toujours l’hostie de la même manière, appui décemment les coudes sur le devant de l’autel, incline la tête, et prononce tout bas sur l’hostie, sans effort de tête ni de bouche, sans aucune élévation de voix et sans aspiration forcée, les paroles de la consécration. […] Les peintres de scandale par amour du scandale trouvent des amateurs qui les achètent, mais personne qui ose élever la voix pour les défendre. […] d’une voix d’enfant de chœur !
Ou plutôt encore, ce qui les a eux-mêmes émus dans l’histoire ou dans la vie, telle est l’origine et le sujet de leurs chants, qui ne nous intéressent point quand ils n’y ont mis d’eux que ce qu’il y avait en eux de plus singulier, mais à l’unisson desquels nous vibrons tout entiers quand nous y retrouvons nos propres émotions répercutées, amplifiées, et multipliées par l’écho de leur voix. […] En réalité, l’un et l’autre Victor ont été les plus « personnels » des hommes, et de même qu’il n’y a qu’Hugo dans les Feuilles d’automne ou dans les Voix intérieures, pareillement il n’y a que Cousin dans sa philosophie. […] La voix d’un poète répond à la sienne : Tel qu’un morne animal, meurtri, plein de poussière, La chaîne au cou, hurlant au chaud soleil d’été, Promène qui voudra son cœur ensanglanté, Sur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière… Et tous les deux, c’est comme s’ils disaient qu’on ne veut plus désormais de « confessions » ni de « confidences ». […] Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle, S’il n’a l’âme, et le cœur, et la voix de Néron. […] Son âme… que le Dieu qu’il adore, Mit au centre de tout comme un écho sonore, écoute en lui chanter la voix ; — murmurer la plainte ; — ou pleurer les larmes des choses. — Il les « orchestre » alors ; — et on veut dire par là qu’il en soutient, qu’il en développe et qu’il en amplifie le chant ; — par les ressources d’une harmonie où concourent à la fois la nature, l’histoire et la passion [Cf.
C’est ainsi qu’un petit-maître de l’ancien régime se transportait à Londres à grand bruit pour connaître les Anglais : il considérait curieusement ce qui se faisait à la Chambre des communes, ce qui se faisait à la Chambre des pairs ; il aurait pu donner l’heure précise de chaque séance, le nom de la taverne fréquentée par les membres influents, le ton de voix dont on portait les toast : mais sur tout cela il n’avait que des remarques puériles. […] Et parlant d’une de ces séances les plus goûtées : « M. le duc de Nivernais a lu une demi-douzaine de fables d’une moralité juste, mais commune, et d’une versification aussi mince que sa voix est flûtée : l’une semble être faite pour l’autre.
… Non, monsieur ; vous réserverez à des discussions, qui ne sont pas faites pour la multitude, des asiles plus inviolables, des voix plus incorruptibles…, etc… ; » et toute la fin de la lettre. […] Un jour, peu après son retour de Plombières, où elle avait en vain cherché quelque soulagement, comme la conversation, près d’elle, s’était engagée et roulait depuis quelque temps sur la question de savoir si l’individualité persiste après la mort ou si l’âme s’absorbe dans le grand Être, elle sortit de son abattement déjà extrême, et, d’une voix par degrés raffermie, résumant les diverses opinions, elle conclut avec vivacité et certitude pour la persistance de l’âme individuelle au sein de Dieu100 Le 1er août 1827, au terme de sa lente maladie, à dix heures du matin, elle pria son mari de lui faire quelque bonne lecture ; il lui lut une lettre de Fénelon pour une personne malade, et, l’ayant finie, il passa à un sermon de Bossuet sur l’immortalité de l’âme : pendant qu’il lisait, elle expira.
Le duc ou marquis qui siège à la Chambre Haute à côté des évêques a besoin de leurs votes pour faire passer un bill, et de leur assistance pour rallier à son parti les quinze mille curés qui disposent des voix rurales. […] Plus tard, Mirabeau, qui rentre chez lui ayant voté l’abolition des titres de noblesse, saisit son valet de chambre par l’oreille et lui crie en riant de sa voix tonnante : « Ah çà !
« … Le conventionnel mourant, le buste droit, la voix vibrante, était, dit-il, un de ces grands octogénaires qui font l’élément du physiologiste ; la révolution a eu beaucoup de ces hommes proportionnés à l’époque ; on sentait, dans ce vieillard, l’homme à l’épreuve ; si près de sa fin, il avait conservé tous les gestes de la santé ; il y avait dans son œil clair, dans son accent ferme, dans ses robustes mouvements d’épaules, de quoi déconcerter la mort. […] « Le conventionnel avait prononcé ces dernières paroles d’une voix haute, et avec le frémissement de l’extase, comme s’il voyait quelqu’un.
« Elle parut, dit la Chronique d’Édimbourg, à sa fenêtre qui donne sur Hightgat, s’adressant au peuple d’une voix forte et disant comment elle avait été jetée en prison par ses propres sujets qui l’avaient trahie ; elle se présenta plusieurs fois à la même fenêtre, dans un misérable état, ses cheveux épars sur ses épaules et sur son sein ; le corps nu et découvert presque jusqu’à la ceinture. « Par cette main royale », dit-elle à lord Ruthven et à Lindsay, qui avaient aidé au meurtre jamais pardonné de son premier favori, Rizzio, « j’aurai vos têtes, tôt ou tard ! […] La reine s’en aperçut, et, regardant le comte puritain, elle s’écria d’une voix profonde : « Versez le sang de Henri VII, mais ne le méconnaissez pas.
Entends, Dieu que j’implore, entends du haut des cieux Une voix plaintive et sincère ; Mon incrédulité ne doit pas te déplaire, Mon cœur est ouvert à tes yeux ; L’insensé te blasphème et moi je te révère ; Je ne suis pas chrétien, mais c’est pour t’aimer mieux. […] Son règne est annoncé par la voix des oracles, Son trône est cimenté par le sang des martyrs ; Tous les pas de ses saints sont autant de miracles, Il leur promet des biens plus grands que leurs désirs ; Ses exemples sont saints, sa morale est divine ; Il console en secret les cœurs qu’il illumine ; Dans les plus grands malheurs il leur offre un appui, Et si sur l’imposture il fonde sa doctrine C’est un bonheur encor d’être trompé par lui !
Aussi, avant d’écrire une comédie, j’enferme les règles sous six clefs, et mets dehors Plante et Térence, pour que leur voix ne s’élève pas contre moi ; car la vérité crie dans les livres muets. […] Et comme je comprends l’enthousiasme dont furent saisis nos pères, il y a un peu plus de deux siècles, quand ils virent cette aimable et pathétique image de la vie, et qu’ils entendirent cette voix des passions parlant le langage de tous les temps et de tous les pays !
L’homme de lettres de nos jours entend perpétuellement ces deux voix. […] Les chemins de fer, les télégraphes, tant d’inventions éclatant coup sur coup, rendant commun et banal ce qui eût semblé fabuleux à nos pères, permettant à des navires d’aller sans voiles ni rames, à des enfants de mouvoir les fardeaux les plus énormes, à tout le monde d’accomplir en quelques heures des trajets qui demandaient jadis des semaines et des mois, à la pensée et à la voix de voyager avec la vitesse de l’éclair, tous ces miracles devaient exalter les imaginations et fournir aux poètes des thèmes nouveaux.
Quant au deuxième acte, qui s’ouvre par une scène charmante entre Iseult et la douce Brangœne, où les voix se détachent si bien sur les fanfares de la chasse et les infinis bruissements de la forêt pendant la nuit ; ce deuxième acte, qui finit d’une façon si grandiose sur les paternels reproches du roi Marke à Tristan, renferme aussi ce long duo d’amour — mieux qu’un duo, tout un poème et tout un drame — qui est certainement la conception musicale et dramatique la plus extraordinaire. […] Dans la fameuse scène de la Gorge-du-Loup (1821), le compositeur ramène (sans parler des célèbres trilles ricanants et diaboliques des petites flûtes, de la chanson de Gaspard) les grandes secondes, jouées ici par les violons, des voix de femmes qui narguaient Max au début de l’œuvre.
Quant à la fantaisie a piacere sur le deuxième acte de Siegfried intitulé « les Murmures de la Forêt », cette exhibition est une honte ; le carnage va jusqu’à la réorchestration de plusieurs passages de la partition ; mais pourquoi ne pas construire un agréable poème symphonique sur les motifs maritimes du premier acte de Tristan, avec un titre comme « les Voix de la mer » ou « le Chant des vagues » ou « les Bruissements du golfe de Bristol » ? […] Il les repousse et veut fuir, quand la voix de Kundry l’arrête.
Il écrivit pour les venger de l’insulte qu’il prétendoit leur être faite en plein théâtre, à eux tous, à l’auteur intéressé, au public dont on avoit eu les acclamations, aux acteurs qui avoient joué supérieurement & dont on copioit, d’une manière bouffonne, la voix, le geste, les démarches & les mouvemens. […] d’indignes bateleurs avec d’honnêtes gens, dont la fonction exige, pour y exceller, de la figure, de la dignité, de la voix, de la mémoire, du geste, de l’ame, de l’esprit, de la connoissance des mœurs & des caractères ; en un mot, un grand nombre de qualités que la nature réunit si rarement dans une même personne, qu’on compte plus d’excellens auteurs, que d’excellens comédiens.
Ces faits : la naissance de Borgia, de vieille race royale aragonaise et dont l’élévation ecclésiastique vint de ce qu’il était le neveu du vaillant pape Calixte III ; ses premières fonctions, qui furent militaires ; son mariage avec Julia Farnèse, qui mourut après quelques années ; la légitimité, contestée et prouvée incontestable, de ses enfants ; le rétablissement dans son titre pur de belle-mère de celle-là que les historiens ont appelée, sans le comprendre, du nom familier et intime de Vanozza, et dont ils ont fait la maîtresse d’Alexandre VI jusque dans ses dernières années parce que cette belle-mère, gendre respectueux, il n’avait jamais cessé de la visiter ; les longues années sous plusieurs papes qui le conservèrent chancelier de l’Église, le firent évêque et l’envoyèrent, comme légat, en Aragon, représenter le Saint-Siège ; ses mœurs si accusées, mais garanties par la considération des papes — presque tous des grands hommes — sous lesquels il vécut, et par sa popularité dans le collège des Cardinaux, où jamais une voix ne s’éleva contre lui, mais où toutes, moins deux, s’élevèrent pour lui quand il fut nommé pape : tous ces faits sont racontés ici avec un détail dans lequel nous ne pouvons entrer, mais qui confond, par sa netteté et par son poids, quand on songe à tout ce qu’on a fait de cette simple et imposante histoire ! […] Le jour n’est probablement pas éloigné où elle criera furieusement, de ses mille voix : « La grande trahison du vicomte Hugo !
trois ou quatre voix ensemble. — Les bonnes gens, les braves gens que ces Allemands !
Il s’était engagé à prêcher à Meaux toutes les fois qu’il officierait pontificalement, « et jamais, dit Le Dieu, aucune affaire, quelque pressée qu’elle fût, ne l’empêcha de venir célébrer les grandes fêtes avec son peuple et lui annoncer la sainte parole. » Dans ces circonstances, « on voyait un père, et non pas un prélat, parler à ses enfants, et des enfants se rendre dociles et obéissants à la voix du père commun ».
Tout d’ailleurs, jusque dans cette disgrâce où elle vivait, lui montrait du doigt et lui promettait l’Empire ; son vieux chirurgien Gyon, son jardinier d’Oranienbaum, Lamberti, le lui prédisaient au milieu de ses plantations et de ses amusements solitaires, la voix du peuple et des soldats, quand elle passait, le lui murmurait à ses oreilles ; son démon secret, le plus sûr oracle, lui disait, à toute heure : Tu régneras.
La manière dont il le raconte de vive voix est bien autrement circonstanciée et curieuse ; et en général, sur tous ces pays qu’il a vus et sur les singularités de mœurs, je ne sais rien de plus intéressant que sa conversation.
On a beau faire et se dire de prendre garde, le ton de chacun grossit un peu et se monte toujours plus ou moins sur celui des interlocuteurs ; les voix les plus pures sont vite sujettes à s’enrouer si elles essayent de parler dans le vacarme.
Comme un pasteur solitaire, mélancoliquement amoureux du désert et de la nuit, il demeure immobile et debout sur son tertre sans verdure ; mais du geste et de la voix il pousse le troupeau qui se presse à ses pieds et qui a besoin d’abri ; il le pousse à tout hasard au bercail, du seul côté où il peut y en avoir un2.
Et il fut loin, le « beau temps de 1830 où nos poètes, taillés en hercules, se surmenaient sans en souffrir, ne causaient qu’à voix de Stentor, pouvaient se passer de sommeil, digéraient des repas de reîtres, vidaient d’un trait des flacons d’eau-de-vie et ne se sentaient jamais plus dispos au travail que quand ils étaient un peu gris » 53.
Des hommes dans les rangs pour combler les vides, des hommes dans les postes pour monter la garde, voilà le cri qui sort à ce moment de toutes les institutions, comme l’appel d’une voix d’airain.
La reine Blanche comme un lis, Qui chantait à voix de Sirène, ….
On devient capable de sentir qu’on ne comprend pas, ou qu’on ne comprend pas tout ; on devient incapable de se contenter des fausses clartés et des à peu près ; on devient habile à distinguer la voix intérieure qui part du fond de nous, de la parole que nous transmettent l’EIzévir et le Didot.
Pourquoi détester chez un poète ce qu’il est permis d’aimer chez une femme : la coquetterie, le désir de plaire se traduisant soit par les petits airs de tête, soit par les indexions de voix câlines et à demi fausses, soit par l’arrangement symétrique et compliqué de petits objets, chiffons, rubans, oripeaux ?
Il a beau avoir de terribles trompettes dans la voix et faire des gestes tout à fait sublimes, je suis effrayé de voir à combien peu se réduit le noyau substantiel de ces œuvres redondantes.
On sent mieux, et, par conséquent, on dit mieux ce que l’on produit que ce que l’on emprunte des autres par le secours de la mémoire… Le geste et l’inflexion de voix se marient toujours avec le propos au théâtre, tandis que, dans la comédie apprise, le mot que répète l’acteur est rarement celui qu’il trouverait s’il était livré à lui-même. » L’effet produit par la commedia dell’arte était donc plus grand que celui produit par la comédie soutenue, et cela précisément à cause de la spontanéité de l’expression.
Le choral primitif suppose non seulement un groupe d’hommes, mais un groupe d’hommes qui concertent leurs voix ainsi que leurs gestes, qui forment une même masse dansante41… » Pour établir que les éléments communaux prédominent dans la poésie primitive, M.
Si, face à face avec l’horrible vérité, il retient sur ses lèvres l’aveu près de lui échapper ; si sa voix, suffoquée par les sanglots, balbutie une bénédiction impuissante, elle s’emporte, elle implore sa colère : elle s’irrite de cette douleur si peu virile, et lui souhaiterait de l’orgueil, afin de le combattre.
Ô Père, sauve-moi de cette heure 1061. » On croyait qu’une voix du ciel à ce moment se fit entendre ; d’autres disaient qu’un ange vint le consoler 1062.
Ces actes instinctifs forment cinq groupes : 1° Les actions réflexes ; 2° Le mécanisme spécial de la voix ; 3° Les arrangements primitifs qui rendent possibles l’harmonie et la combinaison de certaines actions ; 4° La liaison du sentiment et de ses manifestations physiques.
S’il arrive que le premier jour sa voix soit couverte par le tumulte, que sa pensée ne soit pas comprise, les jours suivants peuvent corriger le premier jour.
Tout cela expire et rampe, n’ayant pas même la force d’aimer ; et, à leur insu peut-être, tandis qu’ils se courbent et se résignent, de toutes ces inconsciences où le droit réside, du sourd murmure de toutes ces malheureuses haleines mêlées, sort on ne sait quelle voix confuse, mystérieux brouillard du verbe, arrivant syllabe à syllabe dans l’obscurité à des prononciations de mots extraordinaires : Avenir, Humanité, Liberté, Égalité, Progrès.
La voix de son époux était tonnante ; la sienne est forte.
Au contraire, l’accent de Maxime du Camp se confond toujours avec un autre bien plus puissant que le sien, mais auquel il ressemble comme l’écho ressemble à la voix.
Son évolution poétique, des Poèmes saturniens jusqu’à l’instrument faussé et à la voix disloquée de ses derniers recueils, eût pourtant fourni matière à une étude intéressante.
ne voit-on pas dans Homère un Conseil des héros, βουλή, où l’on délibérait de vive voix sur les lois, et un Conseil du peuple, ἀγορά, où on les publiait de la même manière.
Il cause, il discute, il interpelle, il se parle à lui-même, quelquefois il crie ; mais il parle toujours, et c’est sa voix, alerte, sonore, joyeuse, puissante, quelquefois profonde, parfois empâtée, et l’on se demande pourquoi, toujours vivante, toujours personnelle et gardant son accent propre, que nous entendons. […] Ce n’est pas là une débauche de fantaisie. — Grand artiste cependant et grand créateur, en ce que l’incident gai et imprévu, le détail curieux, l’anecdote bouffe, le tableau plaisant abondent dans sa cervelle féconde et, intarissablement sans monotonie, s’en élancent en tourbillonnant ; grand artiste dans ses portraits, dans ses croquis, dans ses vignettes, qui à chaque instant arrêtent les yeux et amusent le regard ; grand artiste dans ses larges descriptions de ville populeuse, de foule grouillante, de festin copieux, de beuverie large et bruyante ; grand artiste dans l’art de conter, qu’il a poussé plus loin qu’homme au monde, dans l’art de faire d’un récit un monde vrai où nous sommes transportés, où nous vivons, où nous circulons à travers les choses, où nous coudoyons les hommes, et où nous sentons le temps couler, ce qui fait, le récit lu, que nous avons vécu véritablement un jour de plus ; grand artiste enfin dans son style sobre le plus souvent et alerte, pittoresque et infiniment expressif quand il le faut, abondant et touffu à la rencontre, extrêmement varié comme le ton et l’accent d’un homme qui cause et qui a naturellement l’art de causer, toujours vrai, toujours sincère, toujours personnel, toujours sonnant la voix humaine, si savant avec cela que toutes les formes de style français, depuis celui de Bossuet jusqu’à celui de Voltaire, en passant par celui de La Bruyère, trouveraient, ce qu’on ne peut dire d’aucun autre de nos vieux auteurs, sinon leur modèle, du moins leur premier trait, déjà très marqué, dans l’historiographe de Panurge. […] Ses yeux noirs éclataient d’un feu ardent ; sa voix était forte, sonore et comme métallique. […] Blanchi de bonne heure, creusé, les traits tirés, les bras maigres, la main sèche, faible et de mine chétive comme ce saint Paul qu’il a tant aimé, n’ayant pour ainsi dire que les y eux et la voix, et une physionomie plutôt qu’un visage, et un geste plutôt qu’un corps, torturé de maladies sans nombre, le cerveau tenaillé d’une migraine presque incessante, il resta sur la brèche pendant vingt-trois ans, gouvernant, prêchant, écrivant et dogmatisant sans trêve, domptant les souffrances du corps à force de volonté, profitant de son mauvais estomac pour ne pas manger, et de ses migraines pour ne pas dormir, passant toute sa vie, comme il l’a dit, in tumultu et feslinatione. […] La fatalité des choses exaspère l’homme, la tyrannie d’un homme semblable à nous nous indigne, la fatalité résidant en un être souverainenent intelligent ne doit que nous rassurer et nous affermir : « Si un homme mortel prononçait que sa volonté lui fût pour raison, je confesse que ce serait une voix tyrannique ; mais de ranger Dieu à une telle mesure, c’est une rage par trop excessive… il convient porter cet honneur à sa volonté qu’elle nous suffise pour toute raison, d’autant qu’elle est la fontaine et règle de toute justice. » Telle est cette doctrine rude et contraignante, admirablement liée et nouée, où l’on se sent pris comme dans un filet serré et lourd.
» La musique elle-même n’a-t-elle pas à se reprocher d’avoir sacrifié la simplicité à l’emphase et aux ornements factices, l’émotion sincère et profonde au charme tout extérieur d’un vain son, la logique et la nature aux fantaisies d’un chanteur exigeant, bref, le livret à la musique et, comme on l’a pu dire sans paradoxe, la musique à la voix du chanteur ? […] Gluck fit du chœur une foule mobile, vivante, passionnée, agitée de mouvements et de sentiments divers, qui finit même, ainsi que l’orchestre, par intervenir impérieusement dans l’action et par troubler la mélodie traditionnelle avec l’harmonie tantôt sourde, tantôt éclatante de ses mille voix confuses113. […] Marmontel dit en parlant de Gluck : « Il faut avouer que jamais personne n’a fait bruire les trompes, ronfler les cordes et mugir les voix comme lui. » En effet, l’orage qui au début d’Iphigénie en Tauride brise le vaisseau d’Oreste éclate soudain par un coup de timbale. […] criait Koutouzow d’une voix rauque et en gesticulant comme un forcené. » Cet emportement a quelque chose de maladif : « Il éprouvait la souffrance physique qu’inflige une punition corporelle, et il ne pouvait l’exprimer que par des cris de rage et de douleur. […] Il le pénétra de sa voix douce et chantante, ses proverbes lui montrèrent sous un jour nouveau les grands lieux communs de la vie : « Notre bonheur est comme de l’eau dans une nasse : on la traîne, elle est gonflée ; on la retire, elle est vide. » Il l’enseigna par ses touchantes paraboles et finit par être pour lui le « type accompli de l’esprit de simplicité et de vérité199 ».
Chez nous, elles sont retenues et concentrées dans l’âme, ou bien ceux qui les expriment enflent la voix d’une manière pénible. […] La voix de l’honneur… le retour en France… l’émigration. […] La proclamation du Golfe Juan en 1815 a le son d’airain de telles phrases des Martyrs, et il semble qu’elle prépare déjà la page étonnante où Chateaubriand exalta le retour de l’aigle avec toutes les musiques de notre prose, et, jusqu’aux tours de Notre-Dame, toutes les voix de nos clochers. […] La voix de M. de Robert n’est pas isolée, et de son vivant comme après sa mort, le style de Flaubert a été âprement discuté. […] Attitude césariste plus que royaliste, dit Curtius, cri vers l’homme fort, « voix qui en 1851 met le prince Louis-Napoléon à la tête de l’État, et qui, une génération après, suscite le général Boulanger. » Son amour pour le catholicisme se relie à la même énergétique, car il y voit une force sociale.
Il faut relire le récit de leur première rencontre, car cela est délicieux : C’était un passage derrière sa maison… Prête à entrer dans l’église, madame de Warens se retourne à ma voix. […] Mais, rendons-lui la parole : C’est la pitié qui, dans l’état de nature, tient lieu de lois, de mœurs et de vertu, avec cet avantage que nul n’est tenté de désobéir à sa douce voix. […] Il la formule ainsi : Hors le contrat primitif (où l’unanimité est nécessaire) la voix du plus grand nombre oblige tous les autres ; c’est une suite du contrat même. […] D’autant mieux que, outre l’erreur essentielle qui en fait l’armature, le Contrat social fourmille de contre-vérités de détail. — On y lit que « la voix publique n’élève presque jamais aux premières places que des hommes éclairés et capables qui les remplissent avec honneur ». […] instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre, juge infaillible du bien et du mal, qui rend l’homme semblable à Dieu !
« Le seul contrôle que nous ayons de la réalité, c’est l’idée. » Encore : « … Et sur le sommet d’un pin éloigné, isolé au milieu d’une clairière lointaine, j’entendis le rossignol, — unique voix de ce silence… Les sites « poétiques » me laissent presque toujours assez froid, — attendu que, pour tout homme sérieux, le milieu le plus suggestif d’idées réellement « poétiques » n’est autre que quatre murs, une table et de la paix. […] J’apporte à ton amour, du fond des cieux antiques, Ma gorge dont le Temps n’a pas vaincu les lys Et ma voix assouplie aux rythmes prophétiques. […] Gustave Kahn Domaine de Fée, un Cantique des cantiques récité par une voix seule, très douce et très amoureuse, dans un décor verlainen, — ô éternel Verlaine ! […] C’est très simple, très délicat, très pur et parfois biblique : J’étais allé jusqu’au fond du jardin, Quand dans la nuit une invisible main Me terrassa plus forte que moi — Une voix me dit : C’est pour ta joie.
Non, je ne suis pas injuste à ce point ; mais il est bon de hausser la voix et de crier haro sur la bêtise contemporaine, quand, à la même époque où un ravissant tableau de Delacroix trouvait difficilement acheteur à mille francs, les figures imperceptibles de Meissonier se faisaient payer dix fois et vingt fois plus. […] Un son de voix clair, mais modeste et harmonieux, se perd dans une réunion de cris étourdissants ou ronflants, et les Véronèse les plus lumineux paraîtraient souvent gris et pâles s’ils étaient entourés de certaines peintures modernes plus criardes que des foulards de village. […] L’esprit charmé par la musique des eaux jaillissantes, plus douce que la voix des nourrices, vous tombez dans un boudoir de verdure, où Vénus et Hébé, déesses badines qui présidèrent quelquefois à votre vie, étalent sous des alcôves de feuillage les rondeurs de leurs membres charmants qui ont puisé dans la fournaise le rose éclat de la vie. […] La première forme que la Gaule revêt dans votre esprit est celle d’une personne de grande allure, libre, puissante, de forme robuste et dégagée, la fille bien découplée des forêts, la femme sauvage et guerrière, dont la voix était écoutée dans les conseils de la patrie.
Et ce cri de l’univers, entrecoupé d’un soupir si long, était-ce ma voix qui toute seule, sans ma pensée, balbutiait dans mon sommeil ? […] » C’est la voix même de Dieu qui parle dans notre cœur par les passions. […] … Étrange illusion, ou plutôt mensonge cruel, que ne démentent que trop et l’expérience des siècles et la voix des générations, et le cri de la douleur intime qui gémit au-dedans de nous. […] Elle est la loi souveraine ; elle est le vœu de la nature et la voix même de Dieu. […] Le roman-feuilleton réalisait la fable de la renommée aux cent voix.
Lui, nommé par dix départements, par un million six cent mille voix, par Paris (en tête de liste) et par les départements. […] En « écho qui agrandit la voix », George Sand a mis tout cela dans Le Meunier d’Angibault, Le Péché de M. […] Sa voix n’a pas le plus léger accent et tranche par la fraîcheur avec la fatigue et presque l’épuisement de toute sa personne. On est doucement étonné d’entendre cette voix suave et molle sortir de cette gorge maigre et ascétique, comme l’imagination en prête à Marie d’Égypte et aux saintes femmes du désert de la légende. […] Trop peu d’enfants, mâles et femelles, vivent, de six à vingt-cinq ans, les yeux et les oreilles agrippés par la lettre imprimée, par la voix du maître.
Tout au fond et perdu dans l’ombre, le vieil organiste Fleischmann joue pour vous, pour vous seules, un morceau d’Holbrecht, que le petit Rosenblutt accompagne avec sa voix douce où passe l’âme de la musique allemande. […] c’est égal, dit doucement Champfleury, émergeant tout à coup de la cravate blanche, tu n’auras pas ma voix. » Vous pensez le scandale ! […] Une voix intérieure m’avertissait qu’on venait d’abuser de moi, qu’on m’avait trompé, qu’on avait surpris mon approbation. […] — Merci, monsieur, dit-il d’une voix basse et timide en prenant le manuscrit. […] Les satisfaits de tous les temps ont toujours parlé de la sorte, on connaît cette vieille chanson, et, reprise par cette voix chevrotante, elle ne sera pas même entendue de MM.
L’Empereur m’a demandé d’une voix émue des nouvelles de France. […] Une multitude de voix s’élevaient, indistinctes. […] Alors son regard prenait feu, le frémissement courait sur ses lèvres, ses traits s’éclairaient, sa voix se déployait en modulations émouvantes ou persuasives, il enlaçait, enveloppait, étreignait. […] » Tout à coup, la batterie russe, détonant auprès de Verdy avec ce bruit furieux que produit le canon par les temps de neige, lança sur les mourants une nouvelle menace de mort ; et, dans cette foule en agonie, il se trouva encore des voix pour crier, de la vie pour s’épouvanter. […] Soudain, il se met à proférer, de sa voix perchée, un chant qui accompagne la cadence.
On entend les voix aigres des péronnelles sous ces métaphores expressives et proverbiales. […] Nous savons leurs conditions, leurs caractères, leur langage ; nous voyons leurs habits, leurs demeures ; nous entendons les inflexions de leurs voix ; nous suivons les mouvements de leurs âmes ; nous les connaissons, nous nous intéressons à eux ; j’étais tout à l’heure involontairement plein d’irritation, de mépris, de pitié, de gaieté ; j’aimais ou je haïssais ; La Fontaine nous menait à Versailles ; nous apercevions par une échappée Louis XIV en manteau royal, les seigneurs pliés en deux dans les antichambres, les courtisans accrochant une pension ou une survivance, les bourgeois à leur comptoir et dans leur hôtel-de-ville, le curé expédiant sa messe, le paysan au travail, las et roidi dans sa souquenille trouée. […] tu ne suis pas ces gémissantes voix !
Le tonnerre est la voix d’un bègue qui rôde sur la montagne. […] À l’heure où ces crimes s’accomplissaient, ces crimes que la postérité jugera, nous n’avons pas entendu votre voix, défenseurs de Dreyfus. […] Même pour sauver des individus isolés, condamnés injustement ou illégalement, quand avez-vous élevé la voix ?
Les idées politiques de gauche l’emportent assez régulièrement aux élections, mais, si l’on considère le nombre des voix, nullement de façon massive. La majorité qui est de gauche est régulière, logique, commandée par les grands rythmes de la vie politique : et cependant elle ne dépasse que de quelques centaines de mille voix la minorité qui peut bien se dire, elle aussi de gauche, mais qui n’en est que peu ou point. […] Et Barrès articula, de sa grosse voix lorraine, que c’était tout de même, à côté de l’idéal socialiste, quelque chose d’un peu court. […] D’une voix nette M. […] Il y a en second lieu une critique politique positive, celle des partis, la plus répandue, la plus florissante, en somme la critique politique normale, celle qui donne à chaque idée sa voix dans un dialogue, ses arguments dans une polémique.
Le prédicateur a le geste rare, un mouvement de bras égal et monotone, la voix mélodieuse et uniforme, sans autre nuance qu’un peu plus de lenteur ou de rapidité dans le débit : les yeux sont clos ; la mémoire travaille pour représenter la suite du discours appris par cœur ; et parfois l’orateur reprend quelques mots pour ressaisir le fil qui lui échappe. […] Il avait la voix touchante et sensible, l’action pathétique.
Ainsi Jean Firmond, quoique homme de mérite et d’un jugement solide, avait proposé que les académiciens fissent serment d’employer les mots approuvés par la pluralité des voix dans l’assemblée. […] Toutefois, elle insinua sagement que l’emploi d’un terme repoussé par la pluralité des voix pouvait être au moins périlleux.
La croix de ma mère, les cheveux blancs de mon père, la voix du sang, devinrent dans la suite des ficelles dramatiques. […] En se prenant pour sujet et en décrivant dans une langue imagée et passionnée ses tempêtes mentales, René donnait une voix aux sentiments poignants mais troubles de cette masse de jeunes hommes ardents et agités, qui, la tête enfiévrée par des mirages de fortune, de gloire et d’honneurs pataugeaient dans la boue, les bottes éculées et faisant eau.
Il fit entendre sa voix éloquente dans Athènes, tandis que Philippe attaquoit leur liberté & celle de toute la Grèce. […] Port majestueux, son de voix agréable, geste naturel & réglé, il joignit à ces beaux dehors une éloquence forte & vive.
Oui, tel autre au contraire écoute ordinairement la voix de la raison ; mais, en l’écoutant, ne sent-il pas qu’il pourrait ne pas le faire ? […] en quoi cela infirme-t-il le témoignage de la conscience, qui est toujours là pour attester, de sa voix incessante et irrésistible, que l’homme a été libre, responsable, méritant ou déméritant, dans tous les actes de sa vie normale et réellement personnelle ?
Dans ce magnifique concert de sacrifices, quelles voix dominent ? […] Il faut dire pourtant que la théorie du succès a passé le Rhin, et qu’elle a trouvé pour organe en pleine Sorbonne la voix la plus éclatante de l’enseignement universitaire.
Il conduit sa chronique avec exactitude jusqu’au moment où le marquis de Montferrat, son ami et son seigneur de prédilection, périt à son tour dans une rencontre en poursuivant les féroces Bulgares (1207) : « C’est alors, dit Gibbon, c’est à cet accident funeste que tombe la plume de Villehardouin et que sa voix expire ; et, s’il continua d’exercer l’office de maréchal de Romanie, la suite de ses exploits n’est point connue de la postérité. » On suppose qu’il mourut cinq ou six ans après, vers 1213, et il paraît certain qu’il ne retourna jamais en France.
Un jeune berger marchait à la tête de chaque troupeau, appelant de la voix et de la cloche les brebis qui le suivaient avec incertitude, et les chèvres aventurières qui s’écartaient sans cesse.
Quand ceux que j’ai nommés, continue M. du Camp, se levèrent, semblables à des prêtres de régénération, les vieilles murailles du monument littéraire s’ébranlèrent à leur voix, et tombèrent comme les murailles de Jéricho au bruit des trompettes israélites.
On nous les montre de loin en voyage ; mais, arrivés à Paris, une voix, qui sort de toutes parts, s’élève et leur dit : C’est ici qu’on cherche l’or, ne le voyez-vous pas ?
Napoléon, qui découvre des ressources là où les autres n’en soupçonnent pas, n’a rien perdu de sa confiante certitude pendant les jours suivants. « Point troublé, point déconcerté, point amolli surtout, supportant les fatigues, les angoisses, avec une force bien supérieure à sa santé, toujours au feu de sa personne, l’œil assuré, la voix brusque et vibrante », il porte fièrement son fardeau ; il attend, il espère une faute des ennemis qui ne peuvent manquer d’en faire.
j’ai un si grand faible pour le talent qu’il n’est pas jusqu’à ce diable de Veuillot à qui je ne pourrais m’empêcher, je crois bien, de donner ma voix s’il se présentait. » Voilà le vrai littérateur, libre d’esprit, comme je voudrais être.
on n’a pas besoin d’avoir cinquante ans pour jouer en perfection de la flûte et pour s’accompagner de la voix sur la harpe ou la lyre ; à quinze ans, on fait cela bien mieux et plus purement, surtout quand on est de la plus favorisée et de la plus fine des races humaines.
L’entretien s’animant à ce sujet, et continuant de parler de cette sorte de chanson et de son influence électrique sur les nations à certaines heures, Gœthe disait qu’il fallait pour cela qu’une nation n’eût qu’une tête et qu’un cœur et, à un moment donné, qu’une seule voix : « Mais, ajoutait-il, une poésie politique n’est aussi que l’œuvre d’une certaine situation momentanée qui passe et qui ôte à la poésie la valeur même qu’elle lui a donnée. » Il reconnaissait qu’il y avait seize ans, même dans cette Allemagne si divisée, mais unie alors dans un sentiment commun contre l’étranger, un poëte politique aurait pu exercer aussi son influence sur le pays tout entier, et il ajoutait : « Mais ce poëte était inutile : le mal universel et le sentiment général de honte avaient, comme un démon, saisi la nation ; le feu de l’inspiration qui aurait pu enflammer le poëte brûlait déjà partout de lui-même.
Notre-Dame Que ce soit sous terre et sans voix !
Tous ces récits étaient fort bien rendus et mimés, d’une voix quelque peu forte et robuste, par un homme de haute stature et en qui un filet de l’ironie paternelle se faisait encore sentir ; mais cette ironie n’était plus la source même et ne venait que par une sorte de transmission et d’habitude : elle était de souvenir plus que d’inspiration et de jet.
A l’ouverture de la séance, le maréchal de Richelieu, assis à côté du président Hénault, lui demanda à qui il donnait sa voix.
Son premier abord en général était très-froid ; il parlait très peu, il écoutait avec une grande attention ; sa physionomie, dont les traits étaient un peu gonflés, semblait annoncer de la mollesse, et une voix mâle et grave paraissait contraster avec cette physionomie.
L’un d’eux, dans son triste abandon, Se déchaînait contre sa rive, Et tous les échos du vallon Répondaient à sa voix plaintive.
Cette passion étouffe dans les hommes supérieurs les facultés qu’ils tenaient de la nature, et cette carrière de vérité, indéfinie comme l’espace et le temps, dans laquelle l’homme qui pense jouit d’un avenir sans bornes, atteint un but toujours renaissant ; cette carrière se referme à la voix de l’esprit de parti, et tous les désirs, comme toutes les craintes, vouent à la servitude de la foi les têtes formées pour concevoir, découvrir et juger.
Il le fait tranquillement, n’esquivant rien, n’exagérant rien, avec un désintéressement, une impartialité, une indépendance de jugement telle, que cette sorte de sacrifice ou plutôt (car il n’avait point à la sacrifier) d’oubli provisoire de la piété filiale en face de la science qui prime tout, m’a rappelé, je ne sais comment, la hauteur d’âme des vieux Romains mettant tout naturellement l’intérêt de la patrie au-dessus des affections de famille… Puis, tout à coup, après ce long, tranquille et consciencieux exposé qui n’eût point été différent s’il se fût agi d’un étranger, la voix du professeur s’altère et laisse tomber ces mots : … Moi qui vous parle, moi qui seul sais le respect et la reconnaissance que je lui dois, j’ai dû m’abstenir de les exprimer comme je les sens, autant pour être fidèle à cette modération qu’il aimait à garder en toutes choses, autant pour ne rien rire ici qui ne dût être dit par tout autre à ma place, que pour ne pas m’exposer à être envahi par une émotion trop poignante qui ne m’aurait pas laissé la liberté et la force de rendre à cette mémoire si chère et encore si présente l’hommage public auquel elle a droit.
» — C’est à peine si dans ce concert de mégalomanie pédagogique, quelques voix font entendre une note discordante pour dissiper les illusions ou dénoncer les dangers59.
D’une seule voix, l’assemblée le déclara coupable de crime capital.
Hugo fait parler en vers apocalyptiques ce qu’il appelle la bouche d’ombre, où il entend la voix de spectres gigantesques visibles pour lui seul ; rappelez-vous l’Eloa d’Alfred de Vigny, où anges et démons flottent dans l’espace indéterminé, et les Tragiques de d’Aubigné, où le poète transformé en voyant nous dit la joie ineffable des élus et les transes immortelles des damnés.
Et voici qu’il comprend le grand appel jeté Par les oiseaux dans les halliers ivres de sève ; Leurs chants rhythment pour lui des paroles de rêve, Une voix d’avenir surgit dans la clarté.
Admirateur ahuri des disciples pauvrement bégayants, il n’entend pas les voix les plus sûres et les plus personnelles.
Avant que d’autres voix plus autorisées le fassent, je voudrais rendre un hommage bien dû à un homme d’investigation, de labeur et de conscience, à un érudit galant homme qui s’est exercé dans des branches bien diverses, qui a marqué par des travaux durables dans la géographie ancienne et dans l’histoire naturelle, et qui nous intéresse particulièrement comme l’un de nos devanciers et de nos guides dans l’histoire et la biographie littéraire.
Le numéro était une fois par semaine rempli tout entier d’une fantaisie de Banville, et pour montrer à quel point on laissait ce poète hausser le ton coutumier de journaux, nous citerons de lui cette magnifique phrase, dont le pendant ne se trouvera guère dans nos quotidiens : « Ainsi dans le calme silence des nuits, aux heures où le bruit que fait en oscillant le balancier de la pendule, est mille fois plus redoutable que le tonnerre, aux heures où les rayons célestes touchent et caressent à nu l’âme toute vive, où la conscience a une voix, où le poète entend distinctement la danse des rhythmes dégagés de leur ridicule enveloppe de mots, à ces heures de recueillement douloureuses et douces, souvent, oh !
Des personnes, qui n’avoient guère lu Cicéron ni Démosthène, qui connoissoient à peine de nom ces génies puissans & créateurs, joignirent leur voix à la sienne, pour empêcher tout jeune prédicateur de se remplir de leurs plus beaux traits, & de s’embraser de leur feu.
Il a conservé dans les pays protestants le rang de prélat, séance et voix parmi les États du pays.
Aura-t-il pu saisir ce bruit vague et sourd qui se compose de tant de voix confuses, et qui est cependant, pour les esprits attentifs, la parole même de la génération présente ?
Seulement, ici, dans ce livre de Lui on aurait pu croire que, puisqu’il s’agissait d’un amour partagé, ce qui ailleurs, n’était qu’un écho allait devenir une voix.
Écoutez plutôt le ton de mon discours : Puisse notre voix être entendue des générations présentes comme autrefois elle le fut de la sérieuse jeunesse de la Restauration.
Rome même entendra sa voix ; et un jour cette ville maîtresse se tiendra plus honorée d’une lettre de Paul adressée à ses concitoyens, que de tant de fameuses harangues qu’elle a entendues de son Cicéron. […] Pour louer un mort de la gloire des batailles, il devra prendre la voix de la renommée : il se jettera dans la mêlée à la suite du grand Condé ; il parlera de la guerre en prêtre du Dieu des armées. […] Les lenteurs du saint-siège, auprès duquel Fénelon avait de puissants amis, un premier jugement où les voix s’étaient partagées, tant de raffinements nés de cette mauvaise fertilité des esprits subtils, comme l’appelle Bossuet, lui donnèrent l’idée, je devrais dire la tentation, d’en venir aux personnalités. […] Dans cet ordre de vérités supérieures et spirituelles, Bossuet ne s’est jamais laissé égarer par la spéculation, qui sur ces hauteurs peut donner des vertiges ; et, puisque j’ai nommé celui de nos grands écrivains à qui la voix publique, dans notre pays, donne entre tous le mérite du bon sens, Voltaire n’en a pas plus dans son ordre que Bossuet dans le sien.
Un « démon » l’accompagne, qui fait entendre sa voix quand un avertissement est nécessaire. […] Nous pouvons ne pas entendre distinctement leur voix ; l’appel n’en est pas moins lancé ; quelque chose y répond au fond de notre âme ; de la société réelle dont nous sommes nous nous transportons par la pensée à la société idéale ; vers elle monte notre hommage quand nous nous inclinons devant la dignité humaine en nous, quand nous déclarons agir par respect de nous-mêmes. […] C’est leur voix même que nous entendons quand une grande injustice a été commise et admise. […] Notre admiration pour la fonction spéculative de l’esprit peut être grande ; mais quand des philosophes avancent qu’elle suffirait à faire taire l’égoïsme et la passion, ils nous montrent — et nous devons les en féliciter — qu’ils n’ont jamais entendu résonner bien fort chez eux la voix de l’un ni de l’autre.
messieurs, lui fait-il dire à ceux qui le blâmaient de refuser la proposition du prince, ne nous déplaçons jamais : je suis passable auteur, si j’en crois la voix publique ; je puis être un fort mauvais secrétaire. […] L’attention ne se commandait pas alors comme de nos jours par une presse aux cent voix. […] et chaque fois il prononçait ce mot d’un ton de voix plus accentué qui le rendait plus comique. […] L’envie, la malignité, ni la cabale, n’avaient de voix parmi eux. […] Aussi se tournant vers Despréaux : « Qu’est-ce que la raison avec un filet de voix, lui dit-il, contre une gueule comme celle-là ?
On sait qu’il est ici question d’un passage sur les oracles qui ont cessé, tiré de Plutarque, où il raconte que, dans le voisinage des Échinades, une voix se fit entendre, ordonnant au pilote, nommé Thamous, lorsqu’il serait arrivé à un certain lieu, de crier à haute voix, que Pan le grand Dieu était mort. […] L’autre quart n’en juge pas ainsi ; il a de l’esprit autant qu’il en faut pour imposer silence à la voix de la nature ; mais l’instinct qui réclame un Dieu est plus imposant que la subtilité qui le rejette. […] L’homme n’a-t-il donc reçu aucun enseignement de la voix intérieure ? […] Il l’appelle de sa propre voix, comme il avait appelé Abraham. […] Cette tristesse évangélique qui en est l’âme ne s’y remarque plus : elle est suppléée par les avantages de la mine, par les inflexions de la voix, par la régularité du geste, par le choix des mots et par les longues énumérations.
Alors, dit Maupassant, il levait la tête, haussait à ses yeux la feuille de papier, s’appuyait sur un coude et lisait, d’une voix forte et heureuse. […] Un Lorrain, ce fut Léopold Baillard : les ombres de la colline l’ont frôlé ; et il a subi le silence de la colline, un silence où des voix soudain s’élevaient et l’adjuraient de glorifier ce lieu sublime, toutes les voix de la colline, récentes, ou anciennes, ou antiques. […] Mais une voix domine les autres et ordonne de tuer le roi. […] Ont-ils peur, eux aussi, de préférer à ce qui est chanté la voix qui chante ? […] On a dit que l’époque homérique était « la poésie d’une époque », et « la voix de tout un peuple. », et « l’énergique expression de la civilisation héroïque de la Grèce », etc.
Que dit la voix de la foule sur le cadavre du saint : « Béni soit le poignard qui a tué le faux prêtre ! […] La façon d’aller et de venir de ce géant à longues moustaches, la forme de ses chapeaux, la coupe de ses pantalons à la hussarde, l’enflure de sa voix, surtout, et l’ampleur de ses gestes, rappelaient, par une évidente analogie, le je ne sais quoi d’un peu théâtral, même dans la bonhomie, dernier reste d’un amour passionné du grandiose, qui éclate chez tous les survivants de cette époque dont Frédérick Lemaître fut l’acteur typique. […] Si nous fermons les yeux et que nous songions à quelque événement passé, à un adieu, par exemple, quelques détails tout physiques ressusciteront dans notre souvenir : la ligne d’un paysage, une intonation de voix, un regard, un geste, — et, à la même minute, le détail surgira des sentiments que nous avons éprouvés dans ce paysage, à écouter cette voix, à regarder ce regard. […] Le maître parlait de sa voix un peu monotone et qui timbrait d’un vague accent étranger les mots des petites phrases ; et même cette monotonie, ces gestes rares, cette physionomie absorbée, cette préoccupation de ne pas ajouter à l’éloquence réelle des documents l’éloquence factice de la mise en scène, — tous ces petits détails achevaient de nous séduire. […] L’accent du conteur est si fidèlement noté que l’oreille écoute une voix qui darde les phrases brèves et fines.
Sa tête et ses mains furent portées à Antoine, qui les fit attacher à la tribune aux harangues, du haut de laquelle l’orateur, suivant l’expression de Tite Live, avait fait entendre une éloquence que n’égala jamais aucune voix humaine. […] Un accusateur aposté se présente afin de substituer une accusation de commande aux voix énergiques des amis de Germanicus. […] En lui seul étaient la voix du peuple, la liberté du sénat et la conscience du genre humain. […] Entourée des soins les plus tendres, l’enfance du jeune Pope fut très faible et très délicate ; sa voix avait une singulière douceur ; on l’appelait le petit rossignol. […] Il éleva dans des écrits publics une voix éloquente contre un ministère astucieux et corrupteur.
C’est l’homme même que Taine prétend atteindre, « l’homme vivant, agissant, avec sa voix et sa physionomie, avec ses gestes et ses habits, distinct et complet, comme celui que nous venons de quitter dans la rue ». […] Un livre est un homme qui nous parle ; sachons l’entendre, ce qui veut dire le comprendre, et en même temps distinguer le ton et le timbre de sa voix. […] Vous êtes plaisant… pardon… c’est votre Jacques Lefranc que je veux dire, et je ne sais pourquoi, en l’écoutant, c’est le timbre même de votre voix que j’ai eu dans l’oreille. […] Sa voix est bonne, fortement timbrée, un baryton très pur. […] Elle me répondit par une romance vieillotte et gentille, fredonnée d’une voix sans timbre.
À deux mois et demi, elle reconnaissait manifestement la direction de certains sons ; par exemple, entendant la voix de sa grand’mère, elle tournait la tête vers elle. […] Mais elle ne savait pas faire cela pour tous les objets. — Visiblement, ce qu’elle a distingué, noté dans sa mémoire, et reconnu d’abord, ce sont les voix et les visages. En effet, parmi les centaines de sons et de formes colorées qui frappaient ses sens, ce sont les timbres de cinq ou six voix et les formes colorées de cinq à six visages qui se sont répétés pour elle le plus souvent et qui, par leur fréquence et leur identité, ont tranché sur le reste. — Vers trois mois, elle a commencé à tâter avec ses mains, à mouvoir les bras pour atteindre les objets, partant à associer aux taches colorées des impressions tactiles et musculaires de distance et de forme.
Ce myrte prend une voix : il raconte à Roger qu’il est Astolphe, autre paladin, cousin de Roland, et qu’il a été transformé en myrte par les enchantements de la magicienne Alcine. […] Le professeur, toujours enthousiaste de son poète favori, s’efforçait en vain depuis quelques jours de rappeler notre attention par ses inflexions de voix étudiées sur les délicatesses de style des derniers chants.
C’était un homme modeste, timide, ayant peur du son de sa propre voix, mais plein de bon sens et d’aperçus justes, un des hommes qui n’aiment pas à paraître en scène, mais qui ont, comme spectateurs, le sens le plus parfait des situations. […] À la place du fer, ce sceptre des Romains, La lyre et le pinceau chargent tes faibles mains ; Tu sais assaisonner des voluptés perfides, Donner des chants plus doux aux voix de tes Armides, Animer les couleurs sous un pinceau vivant, Ou, sous l’adroit burin de ton ciseau vivant, Prêter avec mollesse au marbre de Blanduse Les traits de ces héros dont l’image t’accuse.
Les autres formes musicales, la forme, notamment, où se mêlent l’orchestre et les voix humaines, le Maître, encore qu’il ait, en elles, réalisé des œuvres incommunes, les traitait, seulement, par accident, comme à titre d’essai. […] Ainsi que je l’ai dit déjà, il n’y a plus, ici, aucun procédé, aucun encadrement de la mélodie ; tout est la mélodie, toutes les voix de l’accompagnement, toutes les notes du rythme, et les pauses elles-mêmes.
Je fais ma partie dans l’universel concert et, quoique ma voix soit indiscernable dans le tout, je l’entends cependant moi-même, je sens ma propre existence et je sais qu’elle est un nécessaire fragment de l’existence universelle. […] La sensation est une harmonie entre des milliers de voix, et toute harmonie a une basse fondamentale, mais elle n’est pas uniquement cette basse.
Il voulut jouer dans le tragique, mais il n’y réussit pas ; il avait une volubilité dans la voix, et une espèce de hoquet, qui ne pouvait convenir au genre sérieux, mais qui rendait son jeu comique plus plaisant. […] L’acteur qui le représentait avait affecté, autant qu’il avait pu, de ressembler à l’original par la voix et par le geste.
d’une voix lamentable ; mais que faut-il penser de ces philosophes modernes ou de ces esprits académiques qui, lorsqu’ils ont dit du temps présent et du régime où l’on vit : Tout est mal !
La lace de la société, en se renouvelant, amènera des vertus, des ambitions, des forfaits de tout genre ; l’héroïsme brillera dans les camps ; on entendra, comme dans l’Antiquité, de grandes voix d’orateurs ; quand le premier débordement de la fange sera passé, des mœurs nouvelles surnageront et s’établiront peu à peu, avec des classes actives, non encore atteintes par l’oisiveté.
N’oublions jamais non plus la personne de l’orateur, sa grâce à bien dire et les nuances qui se marquaient dans sa voix.
C’est de vive voix et dans le plus particulier détail qu’il faudrait faire sentir ces choses ; mais indiquons du moins en quelques mots le sens de la critique, telle qu’on peut l’appliquer à ces pièces légères : Oh !
Ces bruits des eaux, des vents, des bois, des monts et des vallées, les roulements des tonnerres et des globes dans l’espace, bruits magnifiques auxquels se mêlent les fines voix des oiseaux et des milliers d’êtres chantants… » C’étaient là de ses jeux d’enfant.
— C’est alors que le vrai miracle commence : une voix se fait entendre dans les airs annonçant distinctement le fils de l’homme.
Le début semble un peu vague, un peu général, même un peu solennel : l’auteur enfle un peu sa voix en commençant.
» La Fauvette lui répondit : « Qu’il égale Orphée par les charmes de sa voix, et Hercule par ses hauts faits !
Il semble qu’il grossisse sa voix pour l’obliger d’avoir du cœur.
Nul embarras : un désir de plaire assez marqué, mais justifié à l’instant même et de la meilleure grâce ; de la fertilité, de l’enjouement ; d’heureuses comparaisons prises dans l’art qui lui était le plus cher, dans la musique, et qui piquaient par l’imprévu et par l’ingénieux : — ainsi, dans la notice sur l’architecte Abel Blouët, la place de l’artiste au cœur modeste, à la voix discrète, comparée au rôle que joue l’alto dans un concert (« Un orchestre est un petit monde, etc. ») ; — des anecdotes bien placées, bien contées, des mots spirituels qui échappent en courant ; — ainsi dans la notice sur Simart, à propos des rudes épreuves de sa jeunesse : « Simart, après avoir été misérable, ne fut plus que pauvre et se trouva riche » ; — savoir toujours où en est son auditoire et le tenir en main et en haleine ; ne pas trop disserter, et glisser la critique sous l’éloge ; s’arrêter juste et finir à temps.
L’exposition pourtant a de la beauté et de l’étendue : ……………………………………………………………………… Ces bois, ces lacs, ces monts, ces grands horizons bleus, La grotte aux verts tapis sous les rocs anguleux, Le flot qui dit sa plainte aux saules des rivages, Et les torrents grondant sur des pentes sauvages ; Tout ce qui, dans l’espace, a son bruit ou sa voix, Ce qu’on entend gémir et chanter à la fois, Ce qui verse un parfum, ce qui boit la rosée, Ce qui flotte ou se pose en la nuit embrasée, Fleurs, insectes, oiseaux, ensemble gracieux, La luciole en flamme et l’astre errant aux cieux, J’ai dans mon vaste amour compris toutes ces choses, Ô nature !
La joue en feu, les yeux irrités, la voix rauque, il se promenait d’un pas rapide à travers le camp ; ou bien, assis sur le rivage, il frottait avec du sable sa grande épée.
Il n’y a qu’une voix sur ses qualités.
Les événements du hasard, ceux qu’aucune des puissances de la pensée ne peuvent soumettre, sont cependant placés, par la voix publique, sur la responsabilité du génie.
Une belle cause finale dans l’ordre moral, c’est la prodigieuse influence de la pitié sur les cœurs ; il semble que l’organisation physique elle-même soit destinée à en recevoir l’impression ; une voix qui se brise, un visage altéré, agissent sur l’âme directement comme les sensations ; la pensée ne se met point entre deux, c’est un choc, c’est une blessure, cela n’est point intellectuel, et ce qu’il y a de plus sublime encore dans cette disposition de l’homme, c’est qu’elle est consacrée particulièrement à la faiblesse ; et lorsque tout concourt aux avantages de la force, ce sentiment lui seul rétablit la balance, en faisant naître la générosité ; ce sentiment ne s’émeut que pour un objet sans défense, qu’à l’aspect de l’abandon, qu’au cri de la douleur ; lui seul défend les vaincus après la victoire, lui seul arrête les effets de ce vil penchant des hommes à livrer leur attachement, leurs facultés, leur raison même à la décision du succès ; mais cette sympathie pour le malheur est une affection si puissante, réunit tellement ce qu’il y a de plus fort dans les impressions physiques et morales, qu’y résister suppose un degré de dépravation dont on ne peut éprouver trop d’horreur.
On ne peut détacher le regard du portrait ; on croit entendre sa voix douce et prévenante qui vous parle ; il n’a rien à cacher ; son timbre, juste et franc, sonne la sincérité avec le mot.
Il s’agit du Juif errant d’Eugène Sue : « Prise en soi, la scène du pôle nord entre le Juif errant et la Voix de Dieu produit un effet de religieuse terreur.
Par contre, des clameurs eussent très certainement couvert la voix de tout autre que Maurice Barrès, lorsque le subtil artiste lança dédaigneusement à Jaurès inquiet du sort des ministres accusés : « J’ai vu trop d’honnêtes gens en Haute-Cour.
Ce sont surtout les jours où on lit des chants inédits de Jeanne, de la trop fameuse Jeanne (et on les lit dans la chambre mystérieuse des bains), ce sont ces jours de demi-licence qui font les belles heures de Mme de Graffigny ; nous verrons dans un instant qu’elle les paiera cher : On a fait du punch, écrit-elle à son ami Devaux après une de ces lectures ; Mme du Châtelet a chanté de sa voix divine : on a beaucoup ri sans savoir pourquoi, on a chanté des canons ; enfin le souper a été à peu près comme ceux que nous avons tant faits ensemble, où la gaieté ne sait ce qu’elle dit ni ce qu’elle fait, et rit sur la pointe d’une aiguille.
Toutes les voix alors le dirent à Louis XIV avec flatterie, avec exagération et emphase, et cependant avec un certain sentiment de vérité.
Il lui fallut paraître au balcon ou s’en retirer à la voix d’une populace furieuse, et, dans ces flux et reflux de l’orage populaire dont elle s’efforçait de deviner le sens, elle ne sentait bien qu’une seule chose, l’étreinte de la main de sa mère qui la pressait contre elle avec le froid de la mort.
Tu sais combien mon âme attentive à ta voix S’échauffait au récit de ses nobles exploits… Le premier vers avait été un peu changé et, selon moi, gâté par le prince : il avait substitué le mot arrivé au lieu d’attaché.
La mascarade, comme moyen classique du rire, est fondée sur cette loi : un corset, une crinoline, des paniers Watteau, un chapeau à plumes, un éventail, de la poudre et du fard, voici divers objets qui rentrent tous dans le concept de la parure ou de l’habillement féminins : qu’avec ces objets on costume et que l’on pare un homme mûr et aussitôt sa voix, ses gestes, sa démarche, tout ce qui, sous le déguisement, trahit sa vraie nature, va, par le contraste susciter le rire de tous.
Il n’est personne, parmi les romanciers, qui connaisse mieux Paris dans ses banlieues, ses quartiers excentriques, ses lieux de plaisir et de travail, dans ses aspects changeants de toutes heures, qui sache mieux les intérieurs divers des myriades de maisons parmi lesquelles serpentent ou s’alignent ses rues, qui porte mieux enregistrés dans son cerveau, les physionomies, la démarche, la tournure, les gestes, la voix, le parler, de ses catégories superposées d’habitants.
Je suivais de l’œil, en riant aux éclats, ce steeple-chase forcené, quand j’ai été ramené aux choses et aux journaux de ce monde par la voix du garçon, qui criait : « Le Siècle demandé, voilà !
Le style de Daudet était flexible et sonore, comme sa voix.
Il est la contradiction affirmée de tout ce qu’elle a écrit ; un démenti donné à la Critique — et autant à la Critique qui l’a grandie et exaltée, — et cette Critique, formidable par le nombre, pourrait s’appeler légion — qu’à la Critique qui l’a diminuée, — et cette autre Critique n’est guère composée que de deux ou trois voix isolées, lesquelles ont protesté bien plus au nom de la morale qu’au nom de la littérature, contre l’affolement universel, inspiré par l’auteur de Valentine et d’Indiana.
Et quand, solennel, le soir Des chênes noirs tombera, Voix de notre désespoir, Le rossignol chantera.
… Si cette voix de la conscience n’était elle-même… ? […] » Il ramène ensuite ses regards sur quelque petit rayon tremblant dans une pauvre maison écartée du faubourg, et il dit : « Là, j’ai des frères. » Voilà un son de voix, un accent, qui ne sont pas très communs dans Chateaubriand. […] ô ma bien-aimée, ose suivre mes pas… » Atala me répondit d’une voix tendre : « Mon jeune ami, vous avez appris le langage des blancs ; il est aisé de tromper une Indienne. — Quoi ! […] Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort m’ont frappé. […] Il fut nommé au second tour et par treize voix.
» un cri formidable, prolongé, à plein gosier, d’une merveilleuse audace… Je lui reprocherai seulement de baisser trop la voix dans les endroits langoureux. […] Worms, sa voix un peu âpre et mordante, sa mimique énergique et sobre, le don qu’il a d’exprimer la passion concentrée et profonde, ne convenaient nulle part mieux qu’ici. […] Mme Weber paraît et, adoucissant sa voix tragique, souhaite la bienvenue à tout ce petit monde en lui récitant de jolis vers faciles de M. […] Les mélodies de Mendelssohn flottent dans la clairière, comme la voix même de la forêt. […] Que ta voix est douce et que tes yeux sont tendres !
Il y en a qu’on cite de vive voix, mais qu’on n’écrit pas, et ce sont peut-être les meilleurs. […] » répondit-il. ) Peu de temps après sa retraite du théâtre (elle perdit sa voix de bonne heure) et quand elle avait encore de l’argent, Sophie s’était installée dans une maisonnette de campagne, à Clichy-la-Garenne. […] Sa voix est grave, lente et lointaine, et ses yeux couleur de mer fascinent Ellida. […] Mais pourquoi Mme Ledoux dit-elle à son mari d’une voix suppliante : « Tu n’en mangeras pas, dis, des pieds de cochon ? […] Nulle intrusion indiscrète, dans ce petit drame, de la « voix du sang ».
Allez dans les petites villes, dans les villages, aux bords de la mer, partout où l’on entend battre son cœur, partout où l’on peut mêler la rumeur de son âme à la voix des flots et des arbres. […] On n’ose pas encore élever la voix pour se réclamer de lui ; mais il se produit partout comme une rumeur sourde de résurrection. […] Le couvercle de l’échelle de l’entrepont s’ouvre, une voix effrayée appelle le capitaine. […] Ce sont les âmes silencieuses qui distingueront le mieux cette voix du dedans. […] Aicard a prouvé cette fois qu’il n’était pas seulement un chaud coloriste, mais un penseur lyrique dont la voix d’airain sonne haut et s’entend de loin.
Certains chapitres, cités parmi les plus brillants, sont de pures reproductions de paysages, d’intérieurs ou de scènes pittoresques, auxquelles ne manquent ni les jeux d’ombre et de lumière, ni la vivacité du coloris, ni souvent même la notation des voix et des sonorités indéfinissables qui émanent des foules ou des choses. […] en secret m’épouvante : C’est l’écho de ta voix qui va s’affaiblissant47 ; en même temps qu’eux, et à côté d’eux, Théophile Gautier pousse la même plainte funèbre, et appelle l’éclosion d’une foi nouvelle qui puisse remplacer dans son cœur celle qui n’est déjà plus : Pour sauver ce vieux monde il faut un dieu nouveau, Et le prêtre demande un autre sacrifice. […] Le seul qui rie encore à mon cœur oppressé, C’est de m’ensevelir au fond d’une chartreuse, Dans une solitude inabordable, affreuse ; Loin, bien loin, tout là-bas, dans quelque Sierra Bien sauvage, où jamais voix d’homme ne vibra, Dans la forêt de pins, parmi les âpres roches Où n’arrive pas même un bruit lointain de cloches ; Dans quelque Thébaïde, aux lieux les moins hantés, Comme en cherchaient les Saints pour leurs austérités50. […] Leur voix resta sans écho ; et, en dépit de la vérité humaine outrageusement violée, la victoire demeura aux mains des novateurs. […] Les exemples qu’ils donnent de leur extrême impressionnabilité sont innombrables : Un regard, un son de voix, un geste leur parlaient… Il suffisait d’une nuance, d’une forme, de la couleur d’un papier, de l’étoffe d’un meuble pour les toucher agréablement ou désagréablement155.
Que ce soit sous la forme de pré-publications, de comptes rendus, d’entretiens — « Une heure avec… » —, de portraits, voire d’« Instantanés », dessins à l’appui, les romanciers, poètes, dramaturges, essayistes, débutants ou confirmés, de l’entre-deux-guerres eurent voix au chapitre. […] De sa cellule, tapissée de livres, il ne pouvait plus guère s’échapper : une visite à Vallette, rue de Condé, une brève station au café de Flore où il se satisfait avec le bruit des voix qu’il n’entame presque jamais, et il rentre. […] La voix d’Unruh est sourde, mais, précisément, son génie oratoire, c’est un déchaînement dans les mots et une retenue dans la parole. […] D’avoir peint la vie sous des couleurs souvent si funestes, il n’en a pas moins des yeux ravis, une voix chaleureuse et les cheveux blancs sur cette tête, ce n’est pas le casque du temps ! […] Un paysan, un aristocrate, tour à tour, s’emparent de Ramuz ; sans jamais se nuire, ni détruire leurs élans ; bien au contraire, ils s’équilibrent en lui et sa voix qui appuie à la façon des Vaudois, sur l’avant-dernière syllabe, et qui met la musique qu’il faut et la ponctuation à chacune de ses phrases, ordonne discrètement à ceux qui l’entendent de se faire simples et naturels.
On contait d’abord de telles histoires de vive voix, et si elles avaient plu, on les imprimait ensuite. […] Latouche a dit d’elle, sans aucune courtoisie, qu’elle était un écho qui grossissait la voix ; et, ma foi, il ne se trompait point en ce qui est de la pensée, car George Sand dogmatisait toujours pour le compte d’autrui. […] Ce qui reste gravé dans la mémoire, après une lecture de Balzac, ce n’est pas le sujet de tel roman, ni le dramatique dénouement de cet autre, c’est, — don beaucoup plus précieux, — la figure, la démarche, la voix et la manière d’agir d’un personnage que nous voyons et que nous nous rappelons comme si c’était une personne vivante, comme si nous la connaissions et la fréquentions. […] Les Goncourt disent par la voix d’un de leurs personnages : « Le moderne, tout est là. […] Ce n’est pas un analyste froid, ce n’est pas le médecin qui rapporte avec une indifférence glaciale les symptômes d’une maladie, ce n’est pas davantage l’artiste qui cherche avant tout la perfection ; c’est le narrateur passionné qui sympathise avec quelques-uns de ses héros et s’indigne contre les autres, dont la voix tremble parfois, dont parfois une larme furtive couvre les yeux d’un voile.
Elle est sans pitié, cette critique ; elle est en garde contre tout ce que cette Grèce aimable et mensongère a imaginé ; elle se bouche les oreilles avec de la cire contre la voix des Sirènes. […] Vous n’avez point de voix, seuls messagers des mondes, Et poursuivant en paix vos courses vagabondes, Vous passez devant nous.
il le connut ce tourment si bizarre, L’écrivain qui nous fit entendre tour à tour La voix de la raison et celle de l’amour, etc. […] La traduction de l’Enéide et le poème de l’Imagination étaient désignés pour les prix décennaux par des voix non suspectes.
Paul Ils devaient le connaître, ou s’informer avant de lui donner leurs voix. […] Sur vingt et un membres, dont dix-huit élus et trois recrutés par cooptation, avec voix délibérative, quatre ou cinq doivent à leurs écrits une légitime autorité.
Le grand homme inconnu écrit ou pérore dans son coin du monde ; pendant qu’il vit on fait peu d’attention à lui ; on ne le regarde que comme une curiosité littéraire ; ses volumes s’entassent sans beaucoup de bruit les uns sur les autres ; quelques esprits éminents et cosmopolites s’aperçoivent seuls qu’il y a quelque part on ne sait quelle voix qui rend des oracles dans la solitude. […] « Au reste, quoique je connaisse les formes et que je sois très résolu à m’y soumettre, quoique j’aie la plus grande idée des ministres français et que la confiance qu’ils ont méritée les recommande suffisamment à celle de tout le monde, néanmoins je dois répéter ici à M. le général Savary ce que j’ai eu l’honneur de lui dire de vive voix : c’est que mon ambition principale, en me rendant à Paris, serait, après avoir rempli toutes les formes d’usage, d’avoir l’honneur d’entretenir en particulier Sa Majesté l’Empereur des Français.
Quelques groupes de curieux et d’hommes de lettres de Dijon, instruits de son passage, obstruaient la rue et les escaliers pour apercevoir son visage ou pour entendre sa voix à travers les fenêtres ou les portes. […] — Voilà ce seuil que Chateaubriand, vieilli et infirme de corps, mais valide d’esprit et devenu tendre de cœur, foula deux fois par jour pendant trente années de sa vie ; ce seuil qu’abordèrent tour à tour Victor Hugo, d’autant plus respectueux pour les gloires éteintes qu’il se sentait plus confiant dans sa renommée future ; Béranger, qui souriait trop malignement des aristocraties sociales, mais qui s’inclinait plus bas qu’aucun autre devant les aristocraties de Dieu, la vertu, les talents, la beauté ; Mathieu de Montmorency, le prince de Léon, le duc de Doudeauville, Sosthène de La Rochefoucauld, son fils ; Camille Jordan, leur ami ; M. de Genoude, une de leurs plumes apportant dans ces salons les piétés actives de leur foi ; Lamennais, dévoré de la fièvre intermittente des idées contradictoires, mais sincères, dans lesquelles il vécut et il mourut, du oui et du non, sans cesse en lutte sur ses lèvres ; M. de Frayssinous, prêtre politique, ennemi de tous les excès et prêchant la modération dans ses vérités, pour que sa foi ne scandalisât jamais la raison ; madame Switchine, maîtresse d’un salon religieux tout voisin de ce salon profane, amie de madame Récamier, élève du comte de Maistre, femme virile, mais douce, dont la bonté tempérait l’orthodoxie, dont l’agrément attique amollissait les controverses, et qui pardonnait de croire autrement qu’elle, pourvu qu’on fût par l’amour au diapason de ses vertus ; l’empereur Alexandre de Russie, vainqueur demandant pardon de son triomphe à Paris, comme le premier Alexandre demandait pardon à Athènes ou à Thèbes ; la reine Hortense, jouet de fortunes contraires, favorite d’un premier Bonaparte, mère alors bien imprévue d’un second ; la reine détrônée de Naples, Caroline Murat, descendue d’un trône, luttant de grâce avec madame Récamier dans son salon ; la marquise de Lagrange, amie de cette reine, quoique ornement d’une autre cour, écrivant dans l’intimité, comme la duchesse de Duras, des Nouvelles, ces poèmes féminins qui ne cherchent leur publicité que dans le cœur ; madame Desbordes-Valmore, femme saphique et pindarique, trempant sa plume dans ses larmes et célébrée par Béranger, le poète du rire amer ; madame Tastu, aux beaux yeux maintenant aveugles, auxquels il ne reste que la voix de mère qui fut son inspiration ; madame Delphine de Girardin, ne disputant d’esprit qu’avec sa mère et de poésie avec tout le siècle, hélas !
Alors une voix sortit de la foule des courtisans, et dit facétieusement : Ils sont restés embourbés. […] Plus tard, auprès d’un des rois de la poésie, la princesse Louise retrouvera sa royauté perdue ; elle aura une cour d’écrivains et d’artistes, elle distribuera des grâces, et le chantre des Méditations, jeune, inconnu, d’une voix timide, ira lire et faire consacrer ses premiers vers dans le royal salon de la comtesse d’Albany.
La voix qui parle en lui l’a d’abord averti ; elle lui adresse des conseils avant de lui adresser des reproches ; et c’est quand il est resté sourd qu’elle sévit. […] « On a vu dans Platon quelle était sa doctrine psychologique, et la démarcation profonde qu’il établissait entre l’âme et le corps ; il faudrait dire plutôt, l’intervalle infranchissable qu’il met entre les deux principes dont l’homme est composé, comme l’attestent hautement le témoignage de la conscience et la voix du genre humain.
Sa voix était retentissante de l’énergie un peu sauvage de ses poumons, mais elle n’avait ni rudesse, ni ironie, ni colère ; ses jambes, sur lesquelles il se dandinait un peu, portaient lestement son buste ; ses mains grasses et larges exprimaient en s’agitant toute sa pensée. […] « Merci, cher champion dont la voix généreuse défend mes intentions.
Il lui semblait que l’unique moyen de suspendre d’abord et de conjurer ensuite pour jamais les désastres dont on était menacé, serait de me rendre à Paris pour communiquer de vive voix à Bonaparte, au nom du Saint-Père, ce que je lui avais exposé. […] Les deux ministres furent ébranlés par nos réponses, et comme ils étaient déjà fort affligés de ce qui arrivait et qu’ils désiraient, ainsi que du reste la politique le suggérait, arranger l’affaire, ils avouèrent que si l’Empereur avait entendu ces paroles, on pourrait espérer qu’il écouterait la voix de la clémence.
S’il n’était question que d’une voix isolée, l’enquête des Marges aurait été sans objet : l’ouvrir eût été superflu. […] Ce fut l’âge des théories audacieuses, des curiosités impatientes, des recherches passionnées… Or, voilà qui est admirable et prodigieux, à tant d’ébauches, la France donne une forme et une voix.
On dirait comme une voix lointaine et mystérieuse de leur conscience. […] De même la morale a pu être gênée par les mœurs publiques, et la nature par l’éducation ; mais les préceptes de l’une et la voix de l’autre ont parlé toujours assez haut pour quiconque ne se bouchait pas les oreilles.
Le problème allait se dresser dont on ne se tire pas avec quelques vagues gestes de malaise ; la pensée de la mort se présentait, et là, sentant que la vie des hommes est faite d’autant de malheur que de bonheur, le monde d’autant de bien que de mal, jugeant l’existence des individus insensée de durer en cette condition pour s’éteindre dans le noir de l’inconnu, Tolstoï dut répondre à la voix de son angoisse et choisir entre son adhésion au réel qu’il ne pouvait rendre sincèrement complète, et son amour du bien et de bonheur, son besoin d’explication du mal et du malheur, qu’il lui fallait satisfaire sous peine de désespérer. […] Comme Lévine, il a rencontré sur sa route un pauvre d’esprit dont les paroles ont retenti dans son cœur, comme une voix intérieure, et ce Slave dont l’âme violentée et repoussée par les durs dogmes de la science occidentale, demandait au monde plus de bonté qu’il n’en contient, cet aristocrate, cet homme de fortune, ce grand écrivain s’est retiré à la campagne, écrit des contes pour les moujiks, s’adonne à des travaux manuels, fait des souliers et raccommode des poêles, donne son bien en aumône, prêche la vie populaire, le refus du serment, le pardon des injures, l’union avec une seule femme, interdit le divorce, le service militaire, la violence, la résistance aux méchants, les injures et menace de fonder une nouvelle secte de gens scrupuleux et troublés dont il sera le patriarche, devenu aujourd’hui un grand vieillard de soixante ans, les cheveux longs rejetés en arrière du front creusé de profondes rides, au-dessus des yeux plus caves, mais fermes, inébranlablement fermes, les joues creuses autour du large nez et ployant sur de massives pommettes, la bouche droite, saillante et close, au milieu d’une longue barbe blanche tombant sur de larges épaules, l’air vénérable et sûr, de la certitude de ceux qui ont cru à jamais ; l’air noble et d’une joie austère, de la joie de ceux qui sont affermis dans leur foi.
Dans la préface des Voix intérieures de 1837, il avait pris pour devise : « Être de tous les partis par leurs côtés généreux, (c’est-à-dire qui rapportent) ; n’être d’aucun par leurs mauvais côtés (c’est-à-dire qui occasionnent des pertes). » Hugo a été un ami de l’ordre : il n’a jamais conspiré contre aucun gouvernement, celui de Napoléon III excepté, il les a tous acceptés et soutenus de sa plume et de sa parole et ne les a abandonnés que le lendemain de leur chute. […] Et encore il pouvait se dire qu’il n’avait fait que suivre l’exemple de tous les apôtres de l’humanitairie, depuis Guizot jusqu’à Louis-Philippe ; et que tout d’abord il n’avait envisagé la peine de mort qu’à un point de vue littéraire et fantaisiste, comme un excellent thème à déclamation verbeuse, à ajouter aux « croix de ma mère » — « la voix du sang » et autres trucs du romantisme qui commençaient à s’user et à perdre leur action sur le gros public.
Lorsqu’il voit que le jour et la nuit s’égalisent, c’est-à-dire que les peuples qui s’agitaient dans les ténèbres se convertissent à la pure lumière, il fait retentir sa voix d’heure en heure, nuit et jour, cherchant la proie qui lui échappe. » Ainsi encore à propos du castor, dont on croyait qu’il s’arrachait lui-même les organes de la génération pour arrêter la poursuite des chasseurs : « De même tous ceux qui veulent vivre chastes en Jésus-Christ doivent arracher les vices de leur âme et de leur corps pour les jeter à la face du démon. » Et ne trouvons-nous pas comme un dernier écho de ce symbolisme dans Bossuet lui-même quand il dit : « Il semble que Dieu ait voulu nous donner, dans les animaux, une image de raisonnement, une image de finesse ; bien plus, une image de vertu et une image de vice ; une image de piété dans le soin qu’ils montrent tous pour leurs petits et quelques-uns pour leurs pères ; une image de prévoyance, une image de fidélité, une image de flatterie, une image de jalousie et d’orgueil, une image de cruauté, une image de fierté et de courage. […] Il est manifeste, par exemple, qu’il n’accueille qu’avec un sourire la description que fait Ctésias du martichore, cet animal fantastique, de la grosseur d’un lion, au visage semblable à celui de l’homme, au corps rouge, à la queue armée d’un aiguillon qu’il lance comme une flèche, à la voix qui rappelle celle de la flûte et de la trompette, aux mâchoires féroces, garnies chacune de trois rangées de dents.
Il ne se demandera point avec angoisse s’il va chanter ceci ou cela ; il n’hésitera pas, il écoutera la voix inspiratrice des aïeux, et il s’abandonnera sans peur à la grande force paternelle qu’il sent agir en lui. […] Une émotion terrible et douce nous envahit en songeant à tout ce passé formidable que nous portons en nous, si bien que notre voix se brise dans un sanglot, ô mère, en te criant notre tendresse et l’orgueil d’être tes fils !
voix de la nature !
Parmi les noms amoureux et chéris, Gabrielle d’Estrées est devenue un des plus populaires ; elle l’était peu en son temps, et, bien qu’elle fût aussi aimée, aussi bien vue en cour qu’une femme dans sa position pouvait l’être, elle n’avait pas également la voix de la bourgeoisie de Paris et du peuple.
Ces jeunes princes, objets de tant de vœux et d’espérances et qui n’ont pas vécu, tous ceux à qui la voix du peuple comme celle du poète a pu dire : « … S’il t’est donné de vaincre les destins ennemis, tu seras Marcellus » ; ces figures inachevées que souvent l’imagination couronne, posent en passant un problème que les esprits les plus sérieux et les moins chimériques peuvent méditer au moins un instant.
Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à ta mort m’ont frappé : je suis devenu chrétien.
Ceux-ci tout d’une voix refusèrent, disant qu’ils ne travailleraient pas et qu’ils n’étaient point pionniers.
Mais cela est bien plus aisé à pratiquer lorsqu’on n’a qu’une élite et un choix d’élèves, comme c’était le cas pour les écoles de Port-Royal, que lorsqu’on en a toute une armée comme dans les collèges ; le très grand nombre permet peu cette coopération de vive voix de tous à leur propre enseignement.
Dedisti camina quibus lauderis : da mihi preces, da lacrymas vitae non satis christianae, qua nomen sanctum et magnum tuum pollui non timui, dum illa mea scripta celebrabant… Et il ajoutait : « Faites maintenant parler la voix de vos larmes et de vos bonnes œuvres, afin de faire taire celle de vos péchés.
Il y a d’estimables écrivains réformés qui s’attachent depuis quelque temps à noircir, à obscurir du moins la gloire de Henri IV, et qui assombrissent sans raison le tableau de la prospérité publique dans les douze années qui suivirent la paix de Vervins, prospérité dont toutes les voix du temps rendent témoignage.
Ces décisions des hommes de goût ne sont dans le fond que la voix publique que les hommes d’un tact supérieur devinent par instinct88 ; elles se modifient et se perfectionnent89 en passant de bouche en bouche.
Chaque flot a sa voix dans cette vaste mer : le souverain de l’Océan se tait seul dans sa grotte. » Prêt à sortir de Rome en 1832, il s’écriait : « J’espère que mon séjour à Rome ne se prolongera pasdésormais longtemps, et l’un des plus beaux jours de ma viesera celui où je sortirai de ce grand tombeau, où l’on netrouve plus que des vers et des ossements.
La raison providentielle de la surdité, c’est qu’étant fermé aux bruits du dehors, on devienne plus attentif à la voix du dedans.
Je les voyais s’avancer vers l’abîme, et ma voix a été repoussée… » Les deux récits se complètent.
Si la voix de ce poète n’est pas éclatante, elle est douce au moins et toujours juste.
Le livret (car il y en a un ici également, dont les indications sont jointes aux scènes), nous avertit que tout ce que dit Dieu le Père, toute sa loquence doit se prononcer d’une manière claire et distincte à l’oreille, et est récité ou chanté en trois voix, à cause de la Trinité ; à savoir : un haut-dessus, une haute-contre et une basse-contre, le tout allant d’accord et avec harmonie.
Il y avait des niais et quelques sots panachés dont je ne parle pas, ils vivent peut-être encore ; puis, à côté, les malins : — et ce Vitrolles, hardi, osé, peu scrupuleux, qui avait un pied dans les camps les plus opposés, qui visait à un premier rôle, qui jouait son va-tout sur une seule carte, la confiance intime de Monsieur ; qui perdit et qui se fera beaucoup pardonner un jour en jugeant dans ses Mémoires avec esprit les gens qui l’ont mal payé de son zèle ; — et Michaud ; engagé parmi les violents du parti, on ne sait trop pourquoi, si ce n’est parce qu’il s’en était mis de bonne heure et de tout temps ; raisonnable et même assez philosophe dans ses écrits historiques et dans ses livres, incorrigible dans ses feuilles ; de qui Napoléon avait dit que c’était « un mauvais sujet » ; avec cela homme d’esprit et les aimant, indulgent même pour la jeunesse ; journaliste avant tout et connaissant son arme, muet dans les assemblées et pour cause, avec un filet de voix très-mince, un rire voltairien, et qui passa sa vie à se rendre compte des sottises qu’il favorisait, qu’il provoquait même, et qu’il voyait faire41.
L’auteur a déjà eu sa récompense, non seulement dans cette immense curiosité du public où il entre bien du pêle-mêle, mais (ce qui vaut mieux) dans le suffrage de quelques esprits distingués dont la voix se discerne et compte plus que tous les bruits.
Il faut l’entendre nous raconter sa vie, et en prose d’abord ; car sa prose a du naturel et de la grâce : « C’est là que j’ai passé, dit-il, loin des distractions et des entraînements du monde, de 1808 à 1816 ou 17, bien des semaines ou des mois de la belle saison et de l’automne, quelquefois avec un ami, le plus souvent tout seul, et alors dans une solitude si profonde, si complète, que je demeurais des jours entiers sans faire usage de la voix.
Il se confiait aux bruits populaires, à la voix du soldat.
Il sait que le cœur humain est un labyrinthe ainsi fait, et avec un écho si bien ménagé, qu’une seule et même voix peut se faire à elle-même la demande et la réponse.
Elle eût évoqué l’affaire, s’en fût emparée par l’intelligence comme par le cœur, l’eût comprise dans le fond et dans la forme ; elle eût écouté les raisons des ministres de Louis XVI, y eût ajouté l’autorité de sa raison propre ; elle eût épargné à un roi faible ses tiraillements et son embarras, elle eût épousé sa politique sans abjurer la voix du sang : au lieu d’être un simple écho et de répéter sa leçon de Vienne, elle aurait eu sa façon de voir, un avis à elle, et indiquant toute la première la voie moyenne à suivre, la seule possible, renvoyant à Marie-Thérèse quelques-unes des objections que l’impératrice avait faites à Joseph II, elle eût réjoui Marie-Thérèse elle-même, et celle-ci, reconnaissant jusque dans les demi-résistances de sa fille ses propres pensées, sa propre sagesse, se fût écriée avec orgueil : « Elle est deux fois ma fille et mon sang !
Une voix pure, mélodieuse et savante, un front noble et triste, le génie rayonnant de jeunesse, et, parfois, l’œil voilé de pleurs ; la volupté dans toute sa fraîcheur et sa décence ; la nature dans ses fontaines et ses ombrages ; une flûte de buis, un archet d’or, une lyre d’ivoire ; le beau pur, en un mot, voilà André Chénier.
Mais ce qu’il est impossible de supporter, c’est une éducation grossière que trahit chaque expression, chaque geste, le ton de la voix, l’attitude du corps, tous les signes involontaires des habitudes de la vie.
Et pourtant il y a des choses exquises dans ces Caresses, et qui sont d’un grand poète : la Voix des choses ; Dans les fleurs ; Berceuse ; le Bon souvenir… Quel dommage qu’il ne s’affranchisse pas plus souvent de sa rhétorique truculente et pseudo-villonesque !
» A ces étranges paroles, raconte Mathieu Paris28, il perdit tout à coup la voix et devint non-seulement muet, mais idiot.
À peine a-t-on le temps d’effleurer des yeux, comme ces visiteurs pressés qui se bousculent, à l’heure de visite des musées et auxquels le guide, d’une voix blanche, récite sa leçon.
A Sully Prudhomme55, elle apparaît, dévoilée et comme déflorée par la science, sous des traits durs et rigides : La nature n’est plus la nourrice au grand cœur ; Elle n’est plus la mère auguste et bénévole, Aimant à propager la grâce et la vigueur, Celle qui lui semblait compatir à la peine, Fêter la joie, en qui l’homme avait cru sentir Une âme l’écouter, divinement humaine, Et des voix lui parler, trop simples pour mentir.
Le duc, en abordant le roi, tremble ; sa voix est âpre et émue, bien qu’il veuille paraître calme.
En 1819, il désira de faire partie du Conseil des prisons : « Vous savez mes desseins relativement aux prisonniers, écrivait-il à un de ses amis ; j’ai dans la tête un Petit Carême à leur usage, et une voix intérieure me dit que je ferai en ce genre ce qu’on n’a jamais fait, de vraies conversions au bien. » Ce Petit Carême qu’il avait dans la tête resta, comme tant d’autres de ses idées, à l’état de projet.
Elle demandait son pardon avec tant de bonne grâce et de soumission par lettre, avec tant de gentillesse et de folâtrerie de vive voix, qu’elle était bien sûre de l’obtenir.
Patru, moins véhément que son ami Le Maistre, et dont la voix, le geste et toute l’action portaient moins, se faisait remarquer par une élégance et une correction inaccoutumées alors au barreau47.
Ce ne fut qu’après l’établissement du Consulat, quand une main de héros eut relevé les colonnes de l’empire, que la voix du sage put y être écoutée sous le portique, que ses maximes de science et de prudence consommée y trouvèrent leur application et leur vrai sens, et que l’homme de bien y acquit toute son autorité et sa valeur.
Quand on fait de la politique dans un journal, c’est comme si l’on criait au milieu d’une foule ; l’individualité est absorbée, et les ménagements qui donnent un certain relief d’habileté à l’individu qui se présente et parle en son nom, éteindraient sa voix quand il parle au nom de tous et parmi tous.
On ne saurait dire non plus que cette retraite, qui prive les listes semestrielles de la faculté des plus beaux noms qui les décoraient, soit « un malheur public pour la jeunesse des Écoles » qui n’entendra plus désormais ces voix éloquentes ; car il y a vingt-deux ans que ces illustres maîtres avaient cessé de professer, et qu’ils ne remplissaient plus leurs chaires que par leurs lieutenants.
Lorsque, sur la fin de sa vie, il apprit les premiers événements de juillet 89, il en conçut autant de méfiance et de doute que d’espérance ; les premiers meurtres, certaines circonstances dont la Révolution était accompagnée dès l’origine, lui semblaient fâcheuses, affligeantes : « Je crains que la voix de la philosophie n’ait de la peine à se faire entendre au milieu de ce tumulte. » — « Purifier sans détruire », était une de ses maximes, et il voyait bien tout d’abord qu’on ne la suivait pas.
L’unité du vers peut se définir encore : un fragment le plus court possible figurant un arrêt de voix et un arrêt de sens.
Il faut même, en beaucoup de cas, décider à la pluralité des voix entre les avis opposés ; car il est peu de variétés bien marquées et bien connues qui n’aient été rangées au nombre des espèces au moins par quelques juges compétents.
Si l’on eût d’abord compris que la majorité ne doit pas être évaluée par le nombre des voix, mais par la qualité des suffrages, on aurait évité beaucoup de crimes et on se serait épargné beaucoup d’embarras.
En France, cette imagination-là est une femme, et ce que les femmes préfèrent à tout, c’est le joli et le petit, qu’elles appellent « le gentil », avec des passions dans la voix.
Mais, nous qui l’aimons et qui écoutons impatiemment son silence depuis si longtemps, quand donc entendrons-nous sa voix ?
Soutenez la liberté française encore mal assurée et chancelante au milieu des tombeaux et des débris qui nous environnent, par une morale qui l’affermisse à jamais ; et cette forte morale, demandons-la à jamais à cette philosophie généreuse, si honorable pour l’humanité, qui, professant les plus nobles maximes, les trouve dans notre nature, et qui nous appelle à l’honneur par la voix du simple bon sens96. — Sorti du sein des tempêtes, nourri dans le berceau d’une révolution, élevé sous la mâle discipline du génie de la guerre, le dix-neuvième siècle ne peut en vérité contempler son image et retrouver ses instincts dans une philosophie née à l’ombre des délices de Versailles, admirablement faite pour la décrépitude d’une monarchie arbitraire, mais non pour la vie laborieuse d’une jeune liberté environnée de périls97.
Et si ces espèces jadis ont vécu sans voix, on ne comprend pas bien pourquoi elles auraient acquis un organe dont se passent fort bien d’autres animaux et même les oiseaux des terres australes. […] On s’est demandé parfois quelle langue parleraient des enfants élevés ensemble hors de portée de la voix humaine. […] Une voix intérieure, une voie impeccable, une voix impérative, nous dicte toujours notre devoir. […] Quand le vaisseau de la vieille morale chrétienne sombrera tout à fait, qu’une voix s’élève pour dire la litanie des Sa, des Suarez, des Escobar, pour nommer ces démolisseurs stupides et patients qui ont travaillé pendant des siècles à préparer le naufrage de la nef de saint Pierre. […] Si le cercle des auditeurs est étroit, la voix est mieux entendue.
Laissons donc ; la frontière est tracée ; il y a deux sortes d’écrivains : les écrivains qui écrivent et les écrivains qui n’écrivent pas, — comme il y a les chanteurs aphones et les chanteurs qui ont de la voix. […] Le style est l’homme même et l’autre formule, de Hello, le style est inviolable, disent une seule chose : le style est aussi personnel que la couleur des yeux ou le son de la voix. […] Orphée eut de bonne heure une légende chrétienne ; saint Augustin lui donne, comme aux sibylles, la valeur d’un prophète ; dans les catacombes, il est préfiguratif du Christ, par sa douceur, le charme de sa voix et sa mort douloureuse. […] Au temps de sa fureur, d’une voix harmonieuse, elle appelle à elle le lion, le dragon, les autres animaux ; pas un ne se rend à son appel. […] Parfois il entendait « la voix qui parle aux solitaires ».
Mais une voix d’en haut voulut bien lui affirmer que c’était une nouvelle prématurée. […] On remontait jusqu’à Socrate, qui entendait des voix, comme Jeanne d’Arc ; on parlait des hallucinations de Pascal et du Tasse. […] L’une d’elles raconta au voyageur Spencer que, buvant à une source sacrée, et par conséquent pleine d’esprits, elle entendit une voix d’enfant qui criait : mia, mia (maman). […] Ce que les animaux domestiques comprennent surtout dans les paroles qu’on leur adresse, c’est le ton de la voix, et ils distinguent parfaitement le ton de la colère du ton de la caresse. […] Le cheval sait associer plusieurs de ses mouvements avec le son des paroles humaines ; un attelage peut être mené à la voix, par un charretier qui a le don du dressage.
Son premier volume, Serge Panine, ne se vendait pas ; tout à coup sans bruit, sans réclame, le roman s’enlève, on en charge des wagons… Les trois quarts du temps, le succès se fait de vive voix, de bouche à bouche, par les femmes, les conversations et les salons. […] » comme si tout le monde connaissait Virginie. « Mais les seuls échos de la forêt répondirent à sa voix et répétèrent à plusieurs reprises : « Virginie ! […] Ses sources d’inspiration s’épanchent intarissablement par la voix immortelle de Bossuet. […] Je lui avoue mon ignorance en la matière ; il rajuste son binocle, fronce les sourcils, resserre son nœud de cravate et, de sa petite voix grêle que j’entends encore : _ « — Si vous voulez réussir dans le métier, il faut vous habituer à traiter tous les sujets, même ceux que vous ne connaissez pas. […] Ce fut une joie dans Paris, quand on apprit que le célèbre écrivain, l’intarissable causeur, allait probablement raconter de vive voix les pittoresques souvenirs de sa vie !
Mais ce qui me plaît surtout, c’est le ton sociable de tous ces articles : on voit toutes ces personnes penser et parler au milieu d’une compagnie nombreuse ; au contraire, en Allemagne, on reconnaît à la parole du meilleur d’entre nous qu’il vit dans la solitude, et toujours c’est une seule voix que l’on entend. » Goethe revint souvent en ces années sur ces articles d’Ampère à son sujet ; il les traduisit en allemand ; il disait82 : « Le point de vue de M. […] On aurait été aux voix dans les rangs du Globe pour élire un envoyé littéraire auprès de Goethe que l’on n’aurait pu tomber plus juste ni mieux choisir. […] On lui disait d’ailleurs, et une voix bien douce, parlant un peu légèrement de ces préférences de jeune fille, lui murmurait à l’oreille : « Un peu d’absence, et « cela passera !
Pour ce qui est public aujourd’hui, il me semble inutile de le rappeler ; chacun sait qu’il eut pour père un philanthrope abolitionniste, qu’il fit les plus brillantes et les plus complètes études classiques, qu’à vingt-cinq ans son essai sur Milton le rendit célèbre, qu’à trente ans il entra au Parlement, et y marqua entre les premiers orateurs, qu’il alla dans l’Inde réformer la loi, et qu’au retour il fut nommé à de grandes places, qu’un jour, ses opinions libérales en matière de religion lui ôtèrent les voix de ses électeurs, qu’il fut réélu aux applaudissements universels, qu’il demeura le publiciste le plus célèbre et l’écrivain le plus accompli du parti whig, et qu’à ce titre, à la fin de sa vie, la reconnaissance de son parti et l’admiration publique le firent lord et pair d’Angleterre. — Ce sera une belle vie à raconter, honorée et heureuse, dévouée à de nobles idées et occupée par des entreprises viriles, littéraire par excellence, mais assez remplie d’action et assez mêlée aux affaires pour fournir la substance et la solidité à l’éloquence et au style, pour former l’observateur à côté de l’artiste, et le penseur à côté de l’écrivain. […] On peut dire que l’histoire de Jacques Il est un discours en deux volumes, prononcé d’une haleine, sans que la voix ait jamais faibli. […] — Il faut faire ce qu’on nous commande, répondit une autre voix ; s’il y a là quelque chose de mal, c’est l’affaire de nos officiers. » — John Macdonald fut si inquiet qu’un peu après minuit il alla au quartier de Glenlyon.
Une multitude de voix s’écrient aussitôt : Vous dites que vous êtes la Société, faites-nous donc justice ; nous souffrons, et en voici qui jouissent ; donnez-nous autant, ou dites-nous pourquoi nous souffrons. […] Toutes nos plaintes, à nous, et tous nos rires amers, ne sont que l’écho prolongé de cette moquerie de détresse de Voltaire, se faisant manichéen, lorsqu’il quittait un instant ses armes de destruction, et de cette lamentable voix de Jean-Jacques, disant anathème à la société, et se rejetant dans la Nature, comme si la Nature sans l’Humanité, c’était le sein de Dieu. Unanimes aujourd’hui, poètes, philosophes, et peuples, ne font que répéter d’une voix immense, et comme à plein chœur, le rire sardonique et le gémissement de ces deux grands génies : inquiets comme Jean-Jacques, ironiques comme Voltaire.
N’est-ce pas là l’expression d’une croyance irrésistible, d’une croyance qui est la voix de la nature et contre laquelle nous lutterions en vain ? […] Ce maître est partout, et sa voix se fait entendre, d’un bout de l’univers à l’autre, à tous les hommes comme à moi… » — Chap. […] Où est-elle cette raison qu’on a sans cesse besoin de consulter, et qui nous prévient pour nous inspirer le désir d’entendre sa voix ? […] Mais le nombre des voix n’est pour rien ici. […] La douce lumière du jour et une voix mélodieuse produisent-elles sur vous le même effet que les ténèbres et le silence ?
Enfin et surtout il s’est laissé ensorceler par une sirène à la voix enchanteresse et aux grâces enlaçantes (honni soit qui mal y pense !) […] Sa voix se mouille, son humour s’attendrit ; une douce tristesse, semblable à une vapeur bleuâtre ; flotte sur sa pensée dont elle estompe les contours. […] qu’il n’a point écouté d’autre voix que celle de la raison pure ? […] Rien qui s’harmonise mieux avec sa nature, si ce n’est peut-être la musique ; à condition sans doute qu’elle soit suave, langoureuse et, suivant ses propres termes, Triste comme la voix d’une amante qui pleure. […] Il ne court pas risque d’être incompris, raillé ou, qui pis est, étouffé en silence ; il n’a pas, comme Stendhal, un demi-siècle à attendre pour que sa voix vienne du fond de la tombe éveiller dans les âmes un écho tardif ; il est admiré, célébré, porté aux nues ; il est salué et sacré grand homme de son vivant.
Les symphonies de Beethoven sont empreintes d’une individualité puissante, à coup sûr ; mais, en même temps, ce sont des œuvres d’une telle richesse et d’une telle profondeur qu’il semble que l’humanité tout entière y respire et que le grand artiste n’ait eu qu’à écouter et à traduire les mille voix d’une âme universelle dont la sienne était l’écho. […] La multitude des demi-lettrés s’en tient strictement sur son œuvre au memento du baccalauréat ; on s’en écarte avec respect, et les plus spirituels ajoutent, pour justifier leur éloignement, que Bossuet n’avait pas d’idées originales et qu’il n’a fait en somme que chanter toute sa vie d’une voix pontificale et sonore la grand’messe du lieu commun. […] Les voix de la multitude, sincères ou non, intelligentes ou niaises, font nombre, et quelle que soit la valeur individuelle de chacune, leur masse a une puissance souveraine, qu’il n’est pas permis de mépriser en pays de suffrage universel. […] Elles peuvent même se montrer étrangement rebelles à la voix des maîtres qui fie battent de les diriger. […] Ou bien, supposition dernière, quelqu’un conçoit-il ce grand adversaire des hérétiques et des mystiques comme des libertins, satisfait d’exercer son action sur un petit troupeau de vieilles bigotes et de lui réserver non pas seulement « les restes d’une voix qui tombe et d’une ardeur qui s’éteint », mais toutes les forces vives de son génie et de son cœur ?
» Il dit encore : « Un auteur né copiste… doit éviter comme un écueil de vouloir imiter ceux qui écrivent par humeur, que le cœur fait parler, à qui il inspire les termes et les figures et qui tirent pour ainsi dire de leurs entrailles tout ce qu’ils expriment sur leur papier… Je rirais d’un homme qui voudrait sérieusement parler mon ton de voix ou me ressembler de visage. […] Que de fraîcheur dans cette voix ! […] … Nulle autre n’a tes yeux et personne ta voix… C’est précisément à cela qu’il devrait reconnaître que la personne qui est devant lui n’est pas Daméta, mais quelque autre. […] Nerval n’a plus sa voix de tête et Gourd n’a plus sa voix de gourdin. […] ……………………………………………………… Une voix me cria : Dites au peuple, à tous : Cette ville est au monde ; elle n’est plus à vous !
Cependant, à travers l’espace infini, tandis que Faustus et Stella s’enivrent de la joie de vivre, des « voix de la Terre » montent confusément. […] s’ils y reconnaissaient la voix de leurs anciennes souffrances, non seulement leur bonheur n’en serait pas effleuré, mais ils en jouiraient davantage. […] Et c’est à ce moment aussi que les « voix de la Terre » commencent enfin d’arriver jusqu’à lui. […] La preuve en serait, s’il en fallait une, qu’il n’y a jamais eu qu’une voix pour mettre l’Assommoir au-dessus de tous les autres romans de M. […] C’est peu de posséder la plus belle voix du monde, et il faut encore savoir s’en servir, la diriger, la ménager.
Sire, répliqua celui-ci, je ne la voudrais faire pour tous vos trésors. » Henri IV disait, et avec raison, à Sully : « Dès l’heure que vous ne me contredirez plus aux choses que je sais bien qui ne sont pas selon votre humeur, je croirai que vous ne m’aimerez plus. » Il a jugé son ministre dans la dernière année (1609) sans complaisance, sans faveur, et d’une voix qui est déjà celle de la postérité.
Le moment où les âmes des deux côtés s’exaspèrent et où la guerre, à la voix des prédicants, se démoralise, est énergiquement, et je dirai, vertueusement rendu par Mézeray (1562) : il nous fait assister à cette suite de représailles et d’horreurs où, à part un bien petit nombre d’exceptions, les caractères les plus forts se souillent et se dégradent.
» Et ils chantèrent tout d’une voix : « Veni Creator Spiritus !
Rien ne me fait plus de plaisir qu’un bel opéra, mes oreilles communiquent les doux accents de la voix jusqu’au fond de mon cœur ; un beau jardin, de magnifiques bâtiments charment mes yeux ; mais si de pareils plaisirs pouvaient faire tort à mon honneur, je m’en priverais.
Dans la lecture de Sénèque, ce passage surtout m’a souri (épître xii) : Pacuvius, qui s’appropria la Syrie à titre de prescription, célébrait tous les soirs ses obsèques par des flots de vin et des repas funéraires : de la salle du festin ses compagnons de débauche le portaient en pompe dans sa chambre, et un chœur de mille voix chantait autour de lui : Il a vécu, il a vécu !
Alors le bon Fray Juan Regia s’attendrit beaucoup : il commença à pleurer, et ce fut d’une voix entrecoupée par ses larmes qu’il répondit comme il put : “Que Votre Majesté vive durant de longues années, au plaisir de Dieu, comme nous le désirons, et qu’Elle ne veuille pas nous annoncer sa mort avant le temps !”
L’amour-propre, s’il est fin, change de ton et de voix ; il a des gémissements et des soupirs ; il se fait inquiet sur le sort de ses frères, sur le danger que courent des âmes fidèles et simples ; il faut, à tout prix, préserver les faibles : et l’amour-propre agit et s’en donne alors en toute sûreté de conscience et, comme on dit, à cœur joie : il accuse l’adversaire, il le dénonce, il le conspue, il le qualifie dans les termes les plus outrageux, les plus humiliants ; et comme il ne veut point cependant paraître, même à ses propres yeux, de l’amour-propre, il se retourne, quand il a fini, et se fait humble aussitôt ; il demande pardon à son semblable d’en avoir agi de la sorte : il n’a voulu que le toucher, le convertir ; on assure même qu’il est de force à lui proposer en secret (après l’avoir insulté en public) de lui donner le baiser de paix et de l’embrasser.
C’était donc Balzac, Léon Gozlan, Jules Sandeau, Théophile Gautier, Méry, Mélesville ; — Forgues, que la nature a fait distingué et que la politique a laissé esprit libre ; Edouard Ourliac, d’une verve, d’un entrain si naturel, si communicatif, et qui devait finir par une conversion grave ; un italien réfugié, patriote et virtuose dans tous les arts, le comte Valentini, qui payait sa bienvenue en débitant d’une voix sonore et d’un riche accent le début de la Divine Comédie : Per me si va… C’était le médecin phrénologue Aussandon, qui signait Minimus Lavater et qui avait la carrure d’un Hercule ; Laurent-Jan, esprit singulier, tout en saillies pétillantes et mousseuses ; le marquis de Chennevières, esprit poétique et délicat, qui admire avec passion, qui écoute avec finesse ; — nommerai-je, parmi les plus anciens, Lassailly l’excentrique, qui, même en son bon temps, frisait déjà l’extravagance, qui ne la séparait pas dans sa pensée de la poésie, et qui me remercia un jour très sincèrement pour l’avoir appelé Thymbræus Apollo ?
On rapporte qu’au moment où son père venait d’expirer, le jeune duc s’approcha de Mme Servien, femme de l’ambassadeur de France, et lui dit en pleurant « qu’il priait M. l’ambassadeur d’assurer Sa Majesté qu’il était son très humble serviteur, et qu’il le suppliait très humblement de vouloir lui servir de papa, puisqu’il avait perdu le sien. » Ce petit discours, suggéré ou venu naturellement, et prononcé d’une voix sanglotante, fut le premier acte politique de Victor-Amédée.
Ayant vu, quelques années après, tomber également dans un duel mortel son collaborateur de La Presse, Dujarier, il prononça sur sa tombe, le 14 mars 1845, des paroles qui méritent d’être rappelées et qui témoignent d’un sentiment profond : « Si j’élève ici la voix, disait-il, ce n’est pas seulement pour exprimer de vains regrets et rendre un pieux hommage aux rares qualités que m’avaient fait reconnaître et honorer en lui des relations dont chacune était une épreuve journalière et décisive… Mais, placé entre la tombe qui est sous mes yeux et celle qui demeure ouverte et cachée dans mon cœur, je sens que j’ai un devoir impérieux à remplir, devoir trop douloureux pour n’être pas solennel !
Boileau, pendant un séjour aux eaux de Bourbon, où il cherchait à se guérir d’une extinction de voix, écrivait à Racine (9 août 1687) : « Je m’efforce de traîner ici ma misérable vie du mieux que je puis, avec un abbé très-honnête homme qui est trésorier d’une sainte chapelle, mon médecin et mon apothicaire : je passe le temps avec eux à peu près comme Don Quichotte le passait en un lugar de la Mancha, avec son curé, son barbier et le bachelier Samson Carrasco ; j’ai aussi une servante : il me manque une nièce ; mais de tous ces gens-là, celui qui joue le mieux son personnage, c’est moi qui suis presque aussi fou que lui… » Les poëtes français du grand siècle, en s’écrivant avec une bonhomie qui a certes bien son prix, n’ont aucune vue critique, aucun de ces aperçus littéraires qu’on serait tenté de leur demander.
André Chénier, lorsqu’il a dit dans une Épître, parlant de son art composite et de ce métal de Corinthe auquel il compare son style : Tout ce que des Bretons la muse inculte et brave, Tout ce que des Toscans la voix fière et suave ……………………………………………… M’offraient d’or et de soie est passé dans mes vers, se souvenait probablement de ce passage de Pope.
Elle relevait encore l’harmonie de sa voix par des gestes pleins de grâce et de vérité, par l’expression de ses yeux qui s’animaient avec le discours, et j’éprouvais chaque jour un charme nouveau à l’entendre, moins par ce qu’elle disait que par la magie de son dédit.
Lorsqu’il eut compromis la situation, excité et grandi l’opposition des Parlements, comblé la mesure de l’impopularité et qu’il fut aux abois, il pensa à se refaire un peu de crédit en s’adjoignant Necker que la voix publique désignait comme le restaurateur futur des finances, et qui était plus qu’indiqué, qui semblait l’homme nécessaire.
Il y avait des jours où, sentant le besoin de maintenir, de raviver sa popularité en souffrance, et cédant sans doute aussi à son tempérament d’orateur révolutionnaire, il reprenait sa voix tonnante dans l’Assemblée, et alors on se croyait trahi comme par un transfuge, on était furieux contre lui aux Tuileries.
L’autre s’avoisine tout à fait ; elle est simple et grave ; il ne reste pas, on le dirait, une parcelle de sang dans les fibres de sa peau mate ; ses grands yeux s’arrêtent sur nous, amortis par le verre de ses lunettes ; ses manches, larges et pendantes, couvrent presque entièrement la main ; elle parle d’une voix égale, et nous montre, l’un après l’autre, par les trous de ta grille, les souris en pelote, les porte-montre brodés de perles, les coques d’œufs remplies de fleurs microscopiques, les coquilles d’escargots avec des saintes dedans, ces mille prodiges d’adresse et de laideur par quoi de pauvres recluses trompent leur ennui.
S’est-il assez préoccupé, même en ne s’en rapportant pas aux apparences, du phénomène moral, je veux dire de la voix publique et de l’indignation grossissante qui a donné lieu à la belle légende, — ici plus belle que la vérité ?
Si, dans cette circonstance, Saint-Simon eut des ridicules aux yeux des autres ; si, quand il prit la parole pour protester au nom des ducs, on n’entendit qu’une petite voix dont quelques-uns dans l’assistance se moquèrent ; s’il y eut du plaisant pour quelques spectateurs dans l’incident, il est certain que, plein de son objet et de sa passion, il ne s’en apercevait pas lui-même : mais, en revanche, si vous lui passez ce travers, ce tic nobiliaire (pour l’appeler par son nom), que ne distinguait-il pas sur tous ces bancs autour de lui, dans les plis de ces fronts et de ces visages, dans cette multitude de masques où la nature lui avait accordé de lire !
Toujours préoccupées, répondant d’un air distrait, votre oreille attentive reçoit quelques mots échappés à votre fils dans la chambre voisine… Sa voix s’élève… La conversation s’échauffe… Peut-être s’est-il fait un ennemi implacable, un ami dangereux, une querelle mortelle.
De même que du sein des rangs royalistes une voix éloquente s’élevait par accès, qui conviait à une chevaleresque alliance la légitimité et la liberté, et qui, dans l’ordre politique, invoquait un idéal de monarchie selon la Charte, de même, tout à côté, et avec plus de réussite, dans la haute compagnie, il se trouvait une femme rare, qui opérait naturellement autour d’elle un compromis merveilleux entre le goût, le ton d’autrefois et les puissances nouvelles.
Mais peu à peu, les obstacles ou les distractions aidant, elle se rabattit à l’amitié (grand mot des femmes, soit pour introduire, soit pour congédier l’amour), et elle en vint le plus ingénument du monde à oublier de plus douces promesses si souvent écrites, et mêmes faites à lui parlant, et non-seulement de la voix.
En suivant ce principe et au moyen d’un instrument appelé résonateur, on a constaté que la même circonstance explique les différentes voyelles de la voix humaine, c’est-à-dire les nuances que présente la même note quand tour à tour on la prononce u, a, e, i, o, eu, ou.
Ne voit-on pas encore aujourd’hui l’Évangile de la Passion se lire à trois voix, le prêtre disant la partie de Jésus-Christ, un diacre parlant pour les autres personnages, un autre débitant les morceaux de pure narration ?
C’était le triomphe de cette stratégie de l’impudeur savante, qui fait parler les lignes et les contours autant et plus clairement que la voix, que les yeux mêmes ; qui met dans une courbe, dans un balancement du buste, dans une saillie du corsage, dans un développement du bras, dans une retraite de la jambe, toutes les forces concentrées de la chair, tout l’appât d’un corps lascif qui se promet… IV Mais cette sensualité que développe la vie du monde est plus fine qu’impétueuse ; les grandes passions ne se rencontrent guère dans ce milieu artificiel.
et elles sont mortes, les femmes que tu aimes. » Et Christine s’enlace à lui, s’écrase contre lui, l’emporte comme une proie… Elle le force à blasphémer. « Dis que la peinture est imbécile La peinture est imbécile. » Mais bientôt, quand Christine est endormie, une voix appelle Claude.
Maréchal, tout glorieux du discours confié à sa voix de chantre.
Pas plus que Montaigne, il n’aime le style livrier ou livresque, celui qui sent l’encre et qu’on n’a jamais que la plume à la main : « Il faut qu’il y ait, dans notre langage écrit, de la voix, de l’âme, de l’espace, du grand air, des mots qui subsistent tout seuls, et qui portent avec eux leur place. » Cette vie qu’il demande à l’auteur, et sans laquelle le style n’existe que sur le papier, il la veut aussi dans le lecteur : « Les écrivains qui ont de l’influence ne sont que des hommes qui expriment parfaitement ce que les autres pensent, et qui réveillent dans les esprits des idées ou des sentiments qui tendaient à éclore.
Mais bientôt se ravisant, et averti par la voix publique, il prétendit avoir vu en songe Ferdousi au ciel, revêtu d’une robe verte et portant au front une couronne d’émeraudes, et il se crut autorisé à lui payer le tribut qu’on accorde aux fidèles.
Et après un portrait au physique et au moral des plus vivants : Sa voix était flexible, ajoutait-il, ses modulations suivaient les mouvements de son âme ; mais, dans les derniers temps de mon séjour à Paris, elle avait pris de l’aspérité, et on y démêlait l’accent agité et impérieux des factions.
C’est toujours, on le voit, le René des Natchez qui parle, qui redit sa jeune chanson avec la mélodie dans la voix, et qui croit, même à soixante-quatre ans, pouvoir donner en un jour plus qu’un autre en toute sa vie.
. ; il articule fortement et avec âpreté : il a par moments un peu de goitre dans la voix.
Tout se faisait autant que possible de vive voix, de manière que l’attention de l’enfant fût tenue constamment en haleine.
Voici en ce sens quelques vers qui ne me semblent nullement méprisables : À former les esprits comme à former les corps, La Nature en tous temps fait les mêmes efforts ; Son Être est immuable, et cette force aisée Dont elle produit tout ne s’est point épuisée : Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons N’eut le front couronné de plus brillants rayons ; Jamais dans le printemps les roses empourprées, D’un plus vif incarnat ne furent colorées : Non moins blanc qu’autrefois brille dans nos jardins L’éblouissant émail des lis et des jasmins, Et dans le siècle d’or la tendre Philomèle, Qui charmait nos aïeux de sa chanson nouvelle, N’avait rien de plus doux que celle dont la voix Réveille les échos qui dorment dans nos bois : De cette même main les forces infinies Produisent en tout temps de semblables génies.
Saint-Simon, qui nous l’a peinte à ravir dans sa première forme, nous la montre encore dans le plein de sa beauté et dans la grandeur de sa représentation, qu’elle sut soutenir à travers toutes les fortunes : C’était une femme plutôt grande que petite, brune avec des yeux bleus qui disaient sans cesse tout ce qui lui plaisait, avec une taille parfaite, une belle gorge, et un visage qui, sans beauté, était charmant ; l’air extrêmement noble, quelque chose de majestueux en tout son maintien, et des grâces si naturelles et si continuelles en tout, jusque dans les choses les plus petites et les plus indifférentes, que je n’ai jamais vu personne en approcher, soit dans le corps, soit dans l’esprit, dont elle avait infiniment et de toutes les sortes ; flatteuse, caressante, insinuante, mesurée, voulant plaire pour plaire, et avec des charmes dont il n’était pas possible de se défendre quand elle voulait gagner et séduire ; avec cela un air qui, avec de la grandeur, attirait au lieu d’effaroucher ; une conversation délicieuse, intarissable, et d’ailleurs fort amusante par tout ce qu’elle avait vu et connu de pays et de personnes ; une voix et un parler extrêmement agréables, avec un air de douceur ; elle avait aussi beaucoup lu, et elle était personne à beaucoup de réflexion.
Dès que cet esprit aura parlé par la voix de quelques écrivains, par le chant, de quelques poètes, vous avez une génération de femmes toutes différentes.
Cette aune, reprochée ainsi publiquement, lui resta longtemps sur le cœur ; pourtant la phrase de début du général d’Albignac : « C’est dommage que vous ne soyez pas né vingt-cinq ans plus tôt », réparait un peu l’impression en lui ; l’à-propos de sa propre réponse était fait aussi pour le réconcilier avec ce souvenir, et il aimait plus tard à raconter l’anecdote à ses heures de bonne humeur et de gaieté, en imitant le ton de voix et les gestes du général11.
Hassenfratz, qui, l’œil hagard, le teint enflammé, le poing fermé, m’a dit d’une voix de tonnerre, et avec l’expression de la fureur : “Tu n’as point l’honneur, je ne suis point monsieur ; je m’appelle Hassenfratz.
Cette diverse et joyeuse bande prit tout d’une voix de Brosses pour secrétaire, le chargeant d’écrire les détails du voyage aux amis de Dijon, à toute une aimable et franche coterie bourguignonne, le gros Blancey, le bon Quintin et d’autres encore, même d’aimables dames, qui savaient, comme autrefois, être de très honnêtes femmes et entendre le mot pour rire.
Walpole renouvelle à tout propos ces portraits de la jolie duchesse, et, puisque j’en suis à ces échantillons divers de son pinceau, j’ajouterai celui-ci encore, comme le plus complet et le plus ravissant de tous : La duchesse de Choiseul n’est pas fort jolie, mais elle a de beaux yeux, et c’est un petit modèle en cire qui, pendant quelque temps, n’ayant pas eu la permission de parler, comme en étant incapable, a contracté une modestie dont elle ne s’est point guérie à la Cour, et une hésitation qui est compensée par le plus séduisant son de voix, et que fait oublier le tour d’expression le plus élégant et le plus propre.
Tourguéneff, est à son ordinaire, parleur et expansif, et on laisse parler le géant, à la douce voix, aux récits attendris de petites touches émues et délicates.
L’unité du vers peut se définir encore : un fragment le plus court possible figurant un arrêt de voix et un arrêt de sens.
Le procédé breton et alllemand consiste à les obliger à parler de façon à se trahir par le timbre grêle de leurs voix puis à les fouetter jusqu’à ce que les korrigans ou Wichtelmoenner, leurs parents, accourent les reprendre91.
Et encore les hommes de ce pays-ci, s’écrie-t-elle avec une voix pleine de rancune, ne veulent pas qu’une femme soit docte.
Les connaisseurs seuls en parleront de cette voix qui ne fait pas tapage, comme on parle des chefs-d’œuvre de Mozart, de Raphaël et de Goethe, mais la fanfare de la gloire, par toutes les trompettes, n’existera plus !
Il en élève les coutumes et jusqu’aux préjugés à la hauteur de lois immuables, et si le xviiie siècle lui apparaît le plus profondément perdu de raison de tous les siècles, et, dans ce siècle, Jean-Jacques Rousseau le plus perdu des philosophes, c’est que le xviiie siècle et Rousseau, l’auteur du Contrat social et de l’Inégalité des conditions, sont, de tous les temps et de tous les hommes, ceux qui ont le plus méconnu la voix infaillible et l’autorité souveraine de l’Histoire.
Voilà ses voix !
… » Si la voix de M. […] Mais cette voix prononçait précisément les paroles dont cette foule avait le besoin. […] L’homme est bien réellement mort, pour avoir méconnu la voix, non pas du Moraliste, mais de la patrie, — car le Moraliste n’avait fait ce jour-là que répéter ce que la France nous disait à tous par chacune de ses blessures : « Mon fils, refais ton cœur pour me refaire. […] De sa voix se dégagea un ton impératif, froid, posé, coupant. […] Tantôt c’est les plaisanteries infamantes des cyniques de l’exploitation théâtrale qu’elle écoute, d’une oreille amusée au souvenir des voix anciennes, ces voix qu’un poète évoque si tendrement dans ce vers : L’inflexion des voix chères qui se sont tues !
Celle-ci remplit la seconde moitié du dix-huitième siècle et aucune voix ne lui dispute l’empire. […] Dans une chambre d’hôtellerie où ils couchaient tous deux pendant leur voyage, il a entendu Hume s’écrier d’une voix effrayante : « Je tiens Jean-Jacques Rousseau ! […] L’œuvre de Rousseau est la plus intempestive doléance dont voix d’homme eût jamais fatigué l’espace. […] Immortelle et céleste voix ! […] Il fallait refaire ce pénible traité en drames, en romans, en poèmes, en ouvrages historiques ; en varier à l’infini l’application, en épuiser les conséquences, lui donner mille voix.
Ils valaient beaucoup par la voix, l’accent, le sang-froid, la majesté du personnage. […] Nous apprenons que, fort heureusement, M. de Vogüé avait rapporté d’Orient le talisman d’Aladin, les paroles magiques qui font tomber les portes des harems et des palais enchantés, qu’à sa voix les dragons de la fable se sont évanouis en fumée, etc. […] Le poète des Aveux (si vous voulez lui être très agréable, parlez-lui de ses vers) a une extrême gentillesse de façons, beaucoup d’esprit, et du plus jaillissant (lui qui n’en met presque jamais dans ses livres), un visible désir de plaire, et, dans sa voix imperceptiblement et joliment nasillarde, quelque chose de doux, de caressant et, volontiers, d’un peu plaintif. […] Les vers que je me récite, il me semble qu’ils sont chantés dans l’ombre par une mystérieuse voix d’harmonica… J’en cherche, par amusement, qui puissent, comme ceux d’Écouchard Lebrun, servir « d’attrape ». […] C’était une grande fille brune, le visage à la fois tragique et ingénu, une voix généreuse, étoffée, avec de belles notes de contralto.
Enfin d’une voix si touchante qu’elle amollirait les cœurs les plus durs : « Heureux étrangers, leur dit-elle, qu’un destin propice conduit au séjour de la félicité, vous trouverez un asile ici contre les orages et l’oubli de vos peines ; vous y goûterez les plaisirs que goûtaient, au siècle d’or, les hommes encore libres du joug des lois. […] Immortelle et céleste voix ! […] Il parlait d’une voix grise et effacée, tout à la fois dure, cérémonieuse et lamentable. […] Si l’on me permet de commencer par exprimer une opinion aussi tranchée, je n’aime pas du tout l’espèce de ces réformateurs sentimentaux qui, pour obéir à la voix de leur conscience, tracent le plan des cités futures et fixent de nouvelles règles de vie aux humains. […] On retient les portraits des avocats, celui surtout de l’illustre Torson du Foudray, grand cœur, grave talent, et qui perd toutes les « nobles causes », qu’il plaide, d’ailleurs éloquemment et d’une belle voix de basse, « pour l’honneur ».
Illustrer par des exemples une erreur aussi fréquente est inutile ; nous voulons seulement remarquer qu’elle est favorisée par l’usage des signes analogiques : l’emploi du mot huppe fait sortir des rangs le cri de l’animal, et du second plan, qui est sa vraie place, le met au premier ; et il ne faut pas croire, rappelons-le, que l’onomatopée représente un cri général ; tout au plus serait-ce le cri moyen ou le plus ordinaire, si elle pouvait reproduire exactement un son particulier ; mais la voix humaine et, à sa suite, la parole intérieure, ne peuvent que simuler imparfaitement les sons naturels ; ainsi le mot analogique, en attirant à lui la conscience, éclaire injustement une partie de l’idée aux dépens des autres, les sons au détriment des visa-tacta, et donne à tort une valeur générale à une image particulière. […] (Je dois cette note à l’obligeance d’un éminent philologue, Francis Meunier, enlevé prématurément à la science en 1874.) — [Cf., plus haut, chapitre III, § 11, au sujet du mot voix.] […] II, § 8]) ; et, dans ce second cas, soit qu’elle nous reste attribuée, soit que nous nous imaginions entendre une voix étrangère ; si la parole du dormeur devient extérieure (délire), elle reste incohérente.
Telles sont les questions, posées par les mille voix de la foule. […] A part cette ventriloquie poétique par laquelle il cherche à modifier le son de sa voix de façon qu’elle ait l’air de résonner de loin à nos oreilles, on n’observe pas en lui beaucoup de marques de dégénérescence. […] Il devient l’un ou l’autre par la voix qui lui donne l’existence. […] Prononcé d’une voix d’alto chaude et agréable, le hottentot même, comme j’ai pu m’en convaincre, a un son très joli. […] Lignes et tons « durs » et « mous », voix « douces », sont des expressions fréquentes qui reposent sur la transposition des perceptions d’un sens aux impressions d’un autre sens.
Le vent perpétuel, la plaine immense, les nuages mobiles éveillent la grande voix de ses idées fixes… » Mais avec de simples mots, M. […] Églises romanes, églises gothiques, églises de la Renaissance française, églises de style baroque, toutes portent un témoignage magnifique, le plus puissant, le plus abondant des témoignages en faveur du génie français… Elles sont la voix, le chant de notre terre, une voix sortie du sol où elles s’appuient, une voix du temps où elles furent construites et du peuple qui les voulut… » Ces paroles qui ne visent qu’à convaincre et qui sont admirables, pour ainsi dire, par surcroît, s’adressaient à la Chambre des députés, le 25 novembre 1912. […] Georges Duhamel, je dois confesser que j’ai lu avec un extrême plaisir la « Cantate à trois voix » que M. […] Le timbre de la voix, une inflexion, un trait, une odeur, et le désir s’empare de l’homme, ou le déserte. […] Si j’avais entendu ta voix me dire : « Père !
Le tour de sa pensée, le son de sa voix, ses gestes me sont présents, à la minute où j’écris ces lignes, jusqu’à l’hallucination. […] Mais rencontrait-il l’occasion de rappeler un passage d’un de ses auteurs préférés, sa voix se faisait presque chantante. […] De sa voix de sirène, il appelait… » Et ailleurs : « Il faut ainsi, pour saisir cette âme du grand lac, des lumières atténuées, le calme, le silence, l’automne, qui augmentent sa force poétique et cette tristesse des eaux qui l’humilient en le faisant ressembler à un grand étang, et qui, en l’humiliant, le rapprochent et le rendent plus familier… » Il en parle comme d’une personne, et ce n’est pas chez lui un artifice de rhétorique. […] Puis brusquement, et sans transition, il me demande si j’admire Thérésa, la chanteuse de café-concert à la mode, et, à son propos, il se met à vanter la poésie populaire, et de la même voix qui s’extasiait sur l’ Expende Annibalem, quot libras in duce summo — Invenies ? […] C’était un jaillissement continu d’éclatantes images, des ironies vengeresses alternant avec des magnificences d’éloquence et de poésie, puis des mots à l’emporte-pièce et des anecdotes, encore des anecdotes, pittoresques ou truculentes, bouffonnes ou tragiques, le tout dit avec une voix prenante et mordante, et quelle physionomie altière et mélancolique, enthousiaste et désenchantée, ravagée et dominatrice !
On fut si content de sa harangue en beau latin fleuri, plus que cicéronien et panaché de vers latins en guise de péroraison, qu’on l’admit tout d’une voix à compter lui-même parmi les candidats à la licence, de laquelle il s’était trouvé exclu par son voyage d’Italie. […] Feuilletez ceux que je vous nomme, et vous me direz si vous ne découvrez pas visiblement, dans leurs mots et dans leurs pensées, des esprits verts quoique ridés, des voix sonores et cassées, l’autorité des cheveux blancs, enfin des têtes de vieillards.
Dans cette jeune fille, la douce voix de l’amour couvre celle de l’honneur personnel. […] Les deux parties entendues, les juges vont aux voix.
Il n’y a pas une toilette ici, pas un air de tête, pas un son de voix, pas une tournure de phrase qui ne soit le chef-d’œuvre de la culture mondaine, la quintessence distillée de tout ce que l’art social peut élaborer d’exquis. […] Lui aussi, il a joué un rôle ; tous ses pas et tous ses gestes ont été réglés d’avance ; il a dû compasser sa physionomie et sa voix, ne jamais quitter l’air digne et affable, distribuer avec réserve ses regards et ses signes de tête, ne rien dire ou ne parler que de chasse, éteindre sa propre pensée s’il en a une.
« Certes, la vertu peut, selon nous, élever la voix non moins justement ; la vertu sociale, c’est la justice, et toutes les autres ne viennent nécessairement que comme des conséquences après elle. […] Le peintre ne laissera point dans son tableau un pied qui dépasserait les proportions des autres parties de la figure, ce pied fût-il beaucoup plus beau que le reste ; le charpentier de marine ne recevra pas davantage une proue, ou telle autre pièce du bâtiment, si elle est disproportionnée ; et le choriste en chef n’admettra point, dans un concert, une voix plus forte et plus belle que toutes celles qui forment le reste du chœur.
Ce moine lointain dont la parole est dure et la voix tendre, fait songer à ces maigres figures des vitraux gothiques, dont les lignes sont sèches et la couleur suave, et qui baignent leurs contours rigides dans une belle lumière mystérieuse. […] Maigre, élégant, les pommettes saillantes, les yeux clairs et froids, un peu du nez de Condé, la voix forte et comme bourdonnante, toute sa personne exprime une farouche énergie.
L’une des malheureuses victimes ouvre la bouche, elle va parler… Son regard prit une expression terrible et, d’une voix stridente, elle s’écria : — Demandez donc à la lionne ce qui se passe dans ses entrailles de mère quand, rentrant dans sa tanière, elle ne retrouve plus ses lionceaux, qu’on lui a pris… Tout d’abord, elle rugit, puis, les poils hérissés, elle s’élance, elle bondit à la poursuite des ravisseurs. […] Une Voix crie : « Laissez passer la justice des hommes !
Seul en France, peut-être, Granier de Cassagnac, dont la voix porte quand il parle, pouvait dire de ces choses qui n’auraient été perdues pour personne et qu’on eût entendues au-dessus et au-dessous de lui. […] Il s’éteint avec sa voix ; il s’évapore avec son geste.
Il n’a point entendu la voix puissamment tendre qui dit l’irrésistible : Pourquoi donc me persécutes-tu ? […] Et ce n’est là que quelques traits que je détache de ce portrait, qui est moins un portrait que la vie, la voix, le geste et l’âme d’un homme, gravés ineffaçablement sur la toile palpitante et vivante du cœur d’un autre homme.
Cela se retrouve chez lui dans les petites pièces comme dans les grandes ; ainsi, dans ce sonnet au cardinal de Richelieu : « À ce coup, nos frayeurs n’auront plus de raison… » Le sonnet, la chanson même chez Malherbe ont de la tournure et de la fierté : cela dure peu, la voix chez lui se casse vite, mais le ton est donné.
Ce qui est mieux, les voix les plus considérables s’unissaient pour décerner à Gibbon le titre d’historien classique.
Les visites de nuit que tu faisais dans ma chambre pour savoir si j’étais sain et sauf et chaudement couché ; tes largesses du matin avant le départ pour l’école, le biscuit ou la prune confite ; l’eau odorante que ta main prodiguait à mes joues jusqu’à ce qu’elles fussent brillantes de fraîcheur et luisantes, tout cela, et ce qui fait plus chérir que tout encore, ce courant continu d’amour que rien en toi n’interrompait, que ne troublèrent jamais ces débordements et ces sécheresses que crée une humeur inégale ; tous ces souvenirs, toujours lisibles dans les pages de ma mémoire et qui le seront jusqu’à mon dernier âge, ajoutent le plaisir au devoir, me font une joie de te rendre de tels honneurs que le peuvent mes vers ; un bien fragile témoignage peut-être, mais sincère, et qui ne sera point méprisé au ciel, quand il passerait inaperçu ici-bas… Si le Temps pouvait, retournant son vol, ramener les heures où jouant avec les fleurs brodées sur ta robe, — violette, œillet et jasmin, — je les dessinais sur le papier avec des piqûres d’épingle (et toi, pendant ce temps-là, tu étais encore plus heureuse que moi, tu me parlais d’une voix douce et tu me passais la main dans les cheveux, et tu me souriais) ; si ces jours rares et fortunés pouvaient renaître, s’il suffisait d’un souhait pour les ramener, en souhaiterais-je le retour ?
Il ne courait risque, après tout, d’y recueillir lui-même que des louanges ; c’était du moins ce que la voix intérieure lui disait.
Cependant avec deux gros yeux dont l’un regardait à droite et l’autre à gauche, son regard n’en avait pas moins je ne sais quelle douceur, qu’on remarquait aussi dans le son de sa voix et lorsqu’on l’écoutait, ses paroles étant toujours d’une obligeance extrême : on s’accoutumait à le voir… Il avait pour les arts, et surtout pour la musique, une véritable passion, au point qu’il voyageait avec son premier violon afin de pouvoir cultiver son talent en route.
Il ouvrit alors son paquet et parcourut ses lettres : « Elles sont, dit-il, un peu malaisées à lire ; il faudra les étudier à loisir. » — « J’espère, monseigneur, de votre bonté, lui dis-je, que vous l’honorerez d’une réponse, afin qu’elle voie que j’ai exécuté ses ordres et que je lui porte de vos nouvelles de vive voix et par écrit. » — « Je n’y manquerai pas, ajouta-t-il ; et encore il faut bien lui recommander la fermeté. » — « Elle en sait l’importance et la nécessité, lui dis-je, monseigneur, car elle ne peut se déplacer sans lettre de cachet, et elle ne veut pas si souvent faire parler d’elle… » Comme on était déjà venu avertir pour dîner, il se leva et m’invita à venir prendre place à sa table.
C’est parce que Mirabeau père (en ce qu’il avait de commun dans ses vœux patriotiques avec les Vauban, les d’Argenson, les Turgot) n’a pas réussi, que Mirabeau fils parut un jour, avec sa crinière de lion et sa voix de tonnerre, et monta le premier à l’assaut.
En tête de son Histoire des rois de France (1678), il déclare avoir hésité quelque temps et délibéré s’il mettrait une préface, « dans la crainte que j’ai eue, dit-il, d’avoir été cause en partie de ce qu’on les a blâmées par écrit et de vive voix, sans en excepter aucune ».
Mlle Roxandre, aux traits réguliers, à l’œil tendre, à la voix touchante et mélodieuse (il n’y avait un peu à redire chez elle qu’à la taille), était une Grecque attrayante et persuasive qui avait gardé du charme et des douceurs ioniennes du Bosphore ; elle méritait de s’entendre dire dans sa candeur : « Il n’est pas un de vos regards qui ne soit une pensée. » Mme Swetchine, plus hardie, plus sauvage et d’une séve qui lui arrivait peut-être de par-delà le Caucase, était autrement trempée, autrement avide et d’une ambition morale plus exigeante.
Est-il donc besoin de rappeler ces choses à l’écrivain qui se présente en redresseur de tous ses confrères ; et est-ce au moment où le critique élève la voix pour parler de haut, qu’il lui est permis à ce point de détonner ?
Hume a désormais à consoler son amie, et, pour y mieux réussir, dans une lettre nouvelle du 10 décembre, il remet en ordre et par écrit, à tête reposée, tout ce qu’il a dû dire de vive voix déjà dans l’intervalle ; il commence par récapituler et analyser la situation, voulant bien montrer qu’il la comprend tout entière dans ce qu’elle a de pénible, de douloureux, de poignant : c’est afin de donner plus d’autorité ensuite à son conseil.
La grande cloche de la ville avait retrouvé sa voix en 1561 ; son silence, qui rappelait une grande calamité publique, avait cessé.
On raconte que ceux qui arrivèrent à Genève y entrèrent en chantant d’une voix grave un psaume des Hébreux fugitifs, traduit par Théodore de Bèze : Faut-il, grand Dieu, que nous soyons épars !
Vous seul pouvez eu toute liberté élever la voix pour moi.
Ils se sont mis tout d’abord sur le pied de ces chanteurs que la grosse musique fatigue et qui se cassent la voix.
Sa santé d’ailleurs, toujours si délicate, s’était dérangée de nouveau ; il éprouvait une extinction de voix et une surdité qui lui interdisaient le monde et la cour.
Quand nous causons, tous les moyens nous sont bons pour mettre en lumière notre idée principale : nous rompons brusquement l’équilibre de la phrase, nous élevons la voix tout d’un coup ; à tout prix nous mettons en relief le mot important et La Fontaine fait comme nous.
Chante de ta voix qui porte Le message de tout amour Car tu diras le chant des fastes Si tu dis ton intime émoi : Il n’est pas de fatals désastres, Toute la défaite est en toi.
quand la vie est si courte et qu’il s’y présente tant de choses sérieuses, ne vaudrait-il pas mieux prêter l’oreille aux mille voix du cœur et de l’imagination et goûter les délices du sentiment religieux, que de gaspiller ainsi une vie qui ne repasse plus et qui, si on l’a perdue, est perdue pour l’éternité ?
Bordognon, le moraliste indifférent, mais spirituel et sympathique, de la comédie ; il ne professe pas, il ne déclame pas, il n’enfle pas sa voix pour imiter le tonnerre.
Il se retrouve homme de lettres sur ce point : entre deux ridicules, selon lui, et deux inconvénients, il choisit le moindre, et, pour le coup, il dirait volontiers comme cet autre de ma connaissance : « J’ai, pour un homme de lettres, le malheur d’appartenir à une nation qui n’est jamais plus fière que quand elle a un pompon sur la tête, et qu’elle obéit au mot d’ordre d’un caporal. » Son bourgeois de Paris nous est présenté par lui comme ayant éprouvé aux affaires du mois de juin (1832) un double accident : « il a gagné une extinction de voix et la croix d’honneur, deux malheurs dans la vie d’un homme raisonnable, qui craint également la médecine et le ridicule ».
Alice, la femme de chambre, résume tout d’un seul mot, en disant : « Voilà quatre ans que je sers Madame, je ne lui connaissais pas encore la petite voix qu’elle a ce matin. » La nature est si bien prise sur le fait dans ce petit chef-d’œuvre, qu’on a pu l’appeler une comédie physiologique, sans qu’elle cesse d’être une lecture de bonne compagnie.
Buffon s’amusait fort de cette statue incolore et glacée, et quand Condillac vint lui demander sa voix pour l’Académie française, on raconte qu’il l’accueillit gaiement, lui promit ce qu’il voulait, et lui dit en l’embrassant : « Vous avez fait parler une statue, et moi l’homme, je vous embrasse parce que vous avez encore de la chaleur, mais, mon cher abbé, votre statue n’en a point. » Le quatrième volume de l’Histoire naturelle parut en 1753.
Il s’exerce à parler à son peuple d’Auxerre un langage clair, pur et lucide ; et l’on se figure, en effet, quel pouvait être le caractère doux, abondant et moral de ces homélies, prononcées d’une voix un peu faible par le bon évêque Amyot.
[NdA] On a essayé depuis de faire honneur à Raynouard d’un trait de son discours académique : parlant d’un Émilius Scaurus qui, dans une tragédie d’Atrée, avait imité quelques vers d’Euripide où les délateurs aperçurent et dénoncèrent quelque allusion politique, le récipiendaire disait : « Scaurus reçut l’ordre de mourir, et s’y soumit avec courage : Tibère régnait. » M. de Féletz, dans le compte rendu de la séance, se plaisait à remarquer que ce mot prononcé par Raynouard d’une voix forte avait été couvert d’applaudissements : « Le trait était hardi en 1807 », ajoute-t-il en note.
Ce que je veux conclure de tout ceci, c’est que, pour être véritablement vivante, une ode politique ou religieuse ne doit être que la voix harmonieuse et vaste de tout un peuple assemblé, qui y reconnaît et y salue son âme, et s’y exalte en l’écoutant : tel était le chœur antique.
À ces peintures un peu partiales, mais non point fausses, d’Anne d’Autriche, il faut pourtant mettre toujours et sous-entendre la petite voix aigre qu’elle avait dans sa colère, et dont Retz nous a si bien rendu l’accent.
Au milieu des hardiesses et des irrévérences des Lettres persanes, un esprit de prudence se laisse entrevoir par la plume d’Usbek ; en agitant si bien les questions et en les perçant quelquefois à jour, Usbek (et c’est une contradiction peut-être à laquelle n’a pas échappé Montesquieu) veut continuer de rester fidèle aux lois de son pays, de sa religion : « Il est vrai, dit-il, que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l’esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois : mais le cas est rare ; et, lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante. » Rica lui-même, l’homme badin et léger, remarquant que dans les tribunaux de justice, pour rendre la sentence, on prend les voix à la majeure (à la majorité), ajoute par manière d’épigramme : « Mais on dit qu’on a reconnu par expérience qu’il vaudrait mieux les recueillir à la mineure : et cela est assez naturel, car il y a très peu d’esprits justes, et tout le monde convient qu’il y en a une infinité de faux. » C’est assez pour montrer que cet esprit qui a dicté les Lettres persanes ne poussera jamais les choses à l’extrémité du côté des réformes et des révolutions populaires.
On le voit, on l’entend gardant jusque dans les salons cette voix de gourdin qu’il tenait de sa première hantise dans les cafés ; homme d’esprit d’ailleurs, mais qui n’a point su s’élever au-dessus d’un certain niveau, qui s’est avisé de publier ses Considérations sur les mœurs, un an ou deux après la première édition de L’Esprit des lois, c’est-à-dire « au moment où l’arène était occupée par deux ou trois athlètes de la première vigueur, ou d’une grâce et d’une agilité merveilleuses : il fallait venir cinquante ans plus tôt ».
Tout type de grâce vraiment attirante doit mériter qu’on lui applique les vers du poète : Ton accent est plus doux que ta voix : ton sourire Plus joli que ta bouche, et ton regard plus beau Que tes yeux : la lumière efface le flambeau.
Il énumère tel assemblage fortuit de traits, telles voix, telles mains, tel port, tel regard, tel tic personnel ; sans essayer de rendre logique ou d’expliquer ce signalement : il place son personnage dans un milieu décrit, le lance dans une aventure quelconque et ses particularités morales viennent accentuer peu à peu sa délinéation physique.
Zola termine indifféremment par un retentissant accord, finale d’une gradation ascendante, ou par une phrase surajoutée et superflue qui laisse en suspens la voix du lecteur.
Tout à coup le fils éleva la voix et interrogea le père : — Que penses-tu de cet exil ?
Parce que, dans l’occasion et pour le devoir, il aura poussé le cri d’un peuple, parce qu’il a, quand il le faut, dans la poitrine le sanglot de l’humanité, toutes les voix du mystère n’en chantent pas moins en lui.
Lorsque je vois Boileau s’échauffer contre les mauvais ouvrages, comme si c’étaient de mauvaises actions, louer et célébrer avec foi et passion et avec une admiration désintéressée Racine et Molière, lorsque j’entends sa voix mâle et émue demander au poëte l’honnêteté, la dignité, la fierté du cœur, je l’aime et je l’admire avec M.
S’il ne joint un beau geste à L’art de bien parler, Si dans tout son dehors il ne sait se régler, Sa voix ne charme plus, sa phrase n’est plus belle, Dès l’exorde j’aspire à la gloire éternelle ; Et dormant quelquefois sans interruption, Je reçois en sursaut sa bénédiction.
Voluptueux intellectuel, il se contenta de s’enivrer du plaisir qu’il donnait aux autres, et il le donnait sur place, à l’instant même, — avec l’idée, avec l’image, avec la parole, le geste, le regard, la voix, jouissant de son esprit comme les femmes jouissent de leur beauté !
Comme il était sans cesse exposé à périr victime de l’enthousiasme religieux qu’il inspirait, il frappait du bâton, pour l’écarter, cette foule qui voulait entendre sa voix et toucher ses vêtements, mais les blessés baisaient le sang de leurs blessures, heureux et fiers de ce qu’il coulait sous les mains de l’homme de Dieu.
» Il semblait que dans les jungles du journalisme on entendît miauler — doucement encore, il est vrai, — un tigre de la plus belle espèce et dont la voix devait arriver aux plus terribles diapasons !
, ni Balzac, n’ont scruté avec cette vigueur dans les abîmes de l’âme humaine ou dans ses détours… il y a en Hello du de Maistre et du Pascal (déjà nommé), et l’écho de la voix d’Isaïe !
Je n’entendrai jamais les prisonniers de Fidelio monter sur la tour, sans associer à la musique sublime de Beethoven cette voix du petit sous-lieutenant… Une nuit, voyant venir dans le ciel, à la lueur des fusées, une flotte de nuages chargés de pluie, il les salue en lui-même du chant des mariniers du premier acte de Tristan.
Il commençait de parler, sans gestes, d’une voix plutôt monotone, qui ne se permettait aucun éclat, aucun soulignement. […] C’est le titre qu’il convient de donner au professeur de cet amphithéâtre où se pressaient des auditeurs de toute qualité, depuis des membres de l’Institut jusqu’à des marquises et des duchesses, et quelle action des gestes, du visage, de la voix ! […] Il se dirige, les sourcils froncés, vers l’ambassadeur de Turquie et, à très haute voix, « si bien », nous dit M. […] Il insiste sur l’urgence d’une solidarité de tous les princes en face du péril républicain, et d’une voix rauque : « Répétez bien mes conseils à Albert », insiste-t-il. […] Macon a dû singulièrement enfler la voix pour faire admirer aux huit cents personnes de ce Congrès les richesses accumulées dans nos galeries.
Il ne m’appartient pas de vous donner des lois ; Mais Gusman vous l’ordonne et parle par ma voix. […] Ses héros sont plus grands que nature ; ce sont des dieux ou des hommes en commerce avec eux, et qui participent de leur puissance : ils franchissent les barrières de l’Olympe ; ils pénètrent les abîmes de l’enfer ; à leur voix la nature s’ébranle, les éléments obéissent, l’univers leur est soumis. […] Il s’aperçut bientôt que nous élevons notre voix, et que nous mettons dans nos discours plus de force et de mélodie, à mesure que notre âme sort de son assiette ordinaire.
Il y a des bandits qui vous rançonnent sur toutes les routes, de longs fusils à mèche qui vous couchent en joue au coin de tous les bois, des voix formidables qui vous crient : « On ne passe pas ! » Jacquemont avait beau tirer de sa poche un firman terrible de Runjet-Sing, par lequel il enjoignait à ses amés et féaux de la plaine et de la montagne, non seulement de laisser passer et circuler librement le Platon de l’époque, autrement dit le seigneur Victor Jacquemont, mais encore de pourvoir de foin et de paille la suite dudit seigneur, et d’obtempérer à toutes ses réquisitions ; lecture faite de ce sublime passeport, les mêmes voix répétaient : « On ne passe pas », et appuyaient leur défense de quelque énergique menace ; et il fallait, je vous l’assure, bien du mérite pour passer malgré cela. […] fou d’amour aux pieds de l’enchanteresse qui, tantôt revêtue d’un riche costume oriental, étincelante de diamants, mollement étendue sur de soyeux tapis, au milieu des nuages enivrants du santal, lui demandait avec une voix si douce l’histoire de son enfance ; tantôt, livrée à de silencieuses extases, le contemplait d’un œil mélancolique ; ou bien couchée dans une gondole auprès de lui, se laissait glisser amoureusement sur les eaux tranquilles et le long des saules impénétrables de la Célina7.
Bernis répond avec une pensée et, pour ainsi dire, avec une voix d’une douceur enchanteresse : Vous êtes en peine de mon âme, dans le vide de l’oisiveté à laquelle je suis condamné à l’avenir.
Je n’oublierai point que, pendant les six mois que j’ai été dans la magistrature, j’avais beau assister à toutes les plaidoiries, aux délibérations, aux voix et au prononcé du président, je n’ai jamais su une seule fois qui est-ce qui gagnait ou qui est-ce qui perdait le procès, excepté le jour de ma réception, où on avait arrangé un petit plaidoyer que l’on était convenu d’avance de couronner.
Sa profession de foi sur la Révolution française est simple, elle est celle d’un croyant : il pense que la Providence s’en mêle soit directement, soit indirectement, et par conséquent il ne doute pas que cette Révolution n’atteigne à son terme, « puisqu’il ne convient pas que la Providence soit déçue et qu’elle recule » : En considérant la Révolution française dès son origine et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer, où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées… Quand on la contemple, cette Révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, et surtout quand on la rapproche de notre caractère national, qui est si éloigné de concevoir et peut-être de pouvoir suivre de pareils plans, on est tenté de la comparer à une sorte de féerie et à une opération magique ; ce qui a fait dire à quelqu’un qu’il n’y aurait que la même main cachée qui a dirigé la Révolution, qui pût en écrire l’histoire.
Cela m’est toujours nouveau ; j’en ai le cœur flétri, j’en suis accablé quand j’y pense ; cela a attenté sur mes jours ; l’injustice me révolte et me passionne, ma voix tremble en en parlant et y pensant.
J’ignorais ce que je sentais, mais cette voix se faisait entendre à chaque occasion ; je sentais un ver rongeur quand j’avais eu soupçon de honte, et je ne me consolais pas quand je n’avais rien de bon à répondre à ce soupçon.
Tout bien considéré, et jusque dans cette petite Cour de Brunswick, où il servit en qualité de gentilhomme attaché à monseigneur le duc régnant, il était pour la Révolution française : « Le genre humain, écrivait-il en 1790, est né sot et mené par des fripons, c’est la règle ; mais, entre fripons et fripons, je donne ma voix aux Mirabeau et aux Barnave plutôt qu’aux Sartine et aux Breteuil… » Voilà le point de départ du futur tribun, ne l’oublions jamais.
Il craignait toujours, plus tard, en se ressouvenant, de ne pas ressaisir au degré voulu la vivacité et l’éclat de ses impressions premières ; il attendait pour écrire que le parfait réveil se fît en lui, que les heures passées se peignissent dans sa mémoire toutes brillantes et lumineuses, que son âme eût retrouvé le calme, la sérénité et l’énergie où elle devait atteindre pour être digne de voir reparaître en soi les idées et les sentiments de Gœthe ; « car j’avais affaire, disait-il, à un héros que je ne devais pas abaisser. » Ainsi pénétré du noble sentiment de sa mission, il la remplit avec une piété que nous ne trouverons jamais trop minutieuse ; et les grands traits, d’ailleurs, il ne les a pas omis, et il nous permet, ce qui vaut mieux, de les déduire nous-mêmes peu à peu de la réalité simple : « Gœthe vivait encore devant moi, s’écrie-t-il en une de ses heures de parfait contentement et de clarté ; j’entendais de nouveau le timbre aimé de sa voix, à laquelle nulle autre ne peut être comparée.
M. de Bissv a été élu tout d’une voix pour remplacer l’abbé Terrasson à l’Académie française.
Pasquier, en un mot, entre les deux grandes voix, les deux gloires de tribune dont j’ai parlé précédemment, et dans l’intervalle, était lui-même un orateur. — Mais j’ai déjà outrepassé toutes mes limites, et il est plus que temps de clore.
Sa voix est fine et fluette ; il éprouve de la gêne quand il commence à parler, et les mots sortent difficilement de sa bouche ; il prononce mal les r et les l ; en somme toutefois, il sait dire ce qu’il veut, et parvient à se faire comprendre assez bien. » Suivent quelques détails sur son moral, un peu mêlés, et où il entre du pour et du contre.
Que vos agneaux au moins viennent, près de ma cendre, Me bêler les accents de leur voix douce et tendre, Et paître auprès d’un roc où, d’un son enchanteur, La flûte parlera sous les doigts du pasteur.
Je viens vous rappeler aujourd’hui que, parmi nos concitoyens, il existe, pour nous et pour la postérité, un vieillard vénérable qui fut aussi le précurseur de l’apôtre de la liberté, et dont la vieillesse est flétrie par un décret lancé contre sa personne et ses écrits : c’est l’abbé Raynal, qui réclame aujourd’hui par ma voix la justice, les principes et la protection de l’Assemblée nationale.
Une voix pourtant, celle de Carrel, avait commencé à s’élever, quand elle s’est tue.
Par l’autre voix secrète, il n’était pas moins excité à se marquer une place entre les jeunes et hardis investigateurs qui, dans les dix dernières années de la Restauration, allaient demander aux littératures étrangères des vues plus larges, des précédents et des points d’appui pour l’émancipation de l’art, et des termes nombreux de comparaison pour l’histoire de l’humaine pensée.
Un jour qu’il dictait selon sa coutume, son secrétaire distrait peut-être, ou entendant mal la voix déjà altérée, lui fit répéter le même mot deux et trois fois ; à la troisième, un mouvement de vivacité et d’humeur échappa.
Malgré tout, c’est chez lui désormais, et nulle part ailleurs, qu’il faut apprendre à connaître la vie religieuse de Mme de Krüdner ; journaux manuscrits, correspondance intime, entretiens de vive voix avec les principaux personnages survivants, il a tout recherché et rassemblé avec zèle, et, dans la riche matière qu’il déroule à nos yeux, on ne pourrait se plaindre, par endroits, que du trop d’abondance.
Depuis longtemps asthmatique, affligé d’une extinction de voix, il devient sourd ; l’hydropisie l’atteint, puis une faiblesse générale, qui en 1709 le rend incapable de marcher.
Le chevalier de la Barre est roué à Arras en 1766 pour avoir chanté des chansons impies et mutilé un crucifix : Voltaire élève la voix en 1768 ; en 1775 il recueille un des camarades de La Barre, le jeune d’Etallonde ; il le fait instruire, recevoir au service du roi de Prusse, et travaille à le faire réhabiliter.
Il a trop d’adresse et de malice pour donner l’illusion de la réalité : c’est un conteur délicieux, et ce sont ses gestes, sa voix, son sourire, sa fantaisie, que l’on aime dans ses histoires.
Les jours, les mois, les mille ans que je dy N’avoient en rien son visaige enlaidy, Courbé son corps, ne sa voix empyrée.
Au lieu de présenter à ses oreilles les conques sonores où l’on entend le murmure d’une mer idéale, ils l’assoieront au bord des flots mêmes pour qu’elle en écoute la rumeur et qu’elle y mêle sa voix.
Quand nous en parlâmes de vive voix — c’était après la représentation de Tristan et Isolde — nous nous fâchâmes tous les deux et cela interrompit brusquement la conversation.
et des voix qui concertent depuis longtemps (au théâtre), se fassent entendre… Parce qu’on ne danse pas encore aux Théatins », demande enfin La Bruyère, « me forcera-t-on d’appeler tout ce spectacle office divin144 ?
Heureusement que le drame s’indigne à son tour, et qu’il élève enfin la voix pour maudire et exécrer son triste héros.
À la seconde rencontre qui eut lieu à Wartbourg, à quelques mois d’intervalle, comme la voix manquait à Bettina pour s’exprimer, Goethe lui posa la main sur la bouche et lui dit : « Parle des yeux, je comprends tout. » Et quand il s’aperçut que les yeux de la charmante enfant, de l’enfant brune et téméraire, étaient remplis de larmes, il les lui ferma, en ajoutant avec grande raison : « Du calme !
s’écria-t-on tout d’une voix ; et le cartel fut accepté.
Je consultai ensuite mes amis, et leur demandai si je devais lui répondre pour confondre ses inepties, le faire rougir de son insigne mauvaise foi, et détruire, autant que je pourrais, le venin dont son nouvel écrit est rempli : ils m’observèrent tout d’une voix que lorsqu’un auteur tronque ou falsifie tout ce qu’il cite, en dénature le sens, vous prête des intentions qu’il est évident que vous n’avez point eues, un homme d’honneur ne doit point lui répondre, parce qu’il est au-dessous d’un homme d’honneur de prendre la plume contre un homme à qui l’on ne peut répondre que par des démentis ; que vouloir le faire rougir est une entreprise folle qui passe tout pouvoir humain ; que détruire ses discours, est inutile, parce que cet homme est trop connu pour être dangereux ; que, même dans ce qu’il appelle son parti, il ne passe que pour un bouffon, quelquefois assez divertissant, et qu’il serait difficilement méprisé par personne plus qu’il ne l’est par ses amis, car ses amis le connaissent mieux que personne.
À peine se laisseraient-elles un moment charmer à la voix de cette sirène qu’on appelle le génie.
M. de Maistre, comme un homme qui parle seul et de loin, et dont la voix monte pour être entendue, prête à la vérité même l’air du paradoxe et l’accent du défi.
Il essaya pour cela encore d’un autre moyen, d’une machine toute diplomatique, qui était de réconcilier les gluckistes et les piccinnistes, les partisans des deux musiques ; ce qui lui eût assuré les voix des deux partis.
Il parle un langage ; mais Bernardin en parle un autre ; au même moment, il écoute involontairement au-dedans de lui la voix de ce génie qui l’a jusque-là déçu de promesses et qui longtemps le décevra encore, et qui pourtant ne lui ment pas en lui disant : « Ce n’est pas là qu’est pour toi la gloire. » M.
L’âme s’élève, les vues de l’esprit semblent s’agrandir, et au milieu de ce majestueux silence on croit entendre la voix de la nature, et devenir le confident de ses opérations les plus secrètes5.
Que de « parfums inouïs », que de « rougeurs candides », que de « voix visiblement émues » !
Toute esthétique est véritablement, comme semblaient le croire les anciens, une musique, en ce sens qu’elle est une réalisation d’harmonies sensibles entre les individus, un moyen de faire vibrer les cœurs sympathiquement comme vibrent des instruments ou des voix.
Il se produit ce qui a lieu dans le phonographe, où la plaque, en vibrant sympathiquement à la voix humaine, devient capable de l’imiter, de reproduire jusqu’à son accent.
C’est que former son talent compte aujourd’hui pour peu de chose ; c’est un génie qu’il faut être d’emblée, et le préjugé court qu’un génie est nécessairement un esprit indompté, tumultueux, semblable aux éléments déchaînés, de préférence un peu fou… « Ce que je regrette aujourd’hui, c’est qu’aucune voix ne soit assez forte ou assez autorisée pour rétablir un peu d’ordre dans la confusion générale, remettre la littérature à sa place, et dans la littérature, apprendre, sans pédanterie et avec le ton persuasif d’une belle foi d’artiste, à discerner la beauté propre à chaque genre. » De cette confusion, la responsabilité se répand de Victor Hugo à M.
Rome même entendra sa voix ; et un jour cette ville maîtresse se tiendra bien plus honorée d’une lettre du style de Paul adressée à ses citoyens, que de tant de fameuses harangues qu’elle a entendues de son Cicéron.
Pour moi qui ne retiens d’une composition musicale qu’un beau passage, qu’un trait de chant ou d’harmonie qui m’a fait frissoner ; d’un ouvrage de littérature qu’une belle idée, grande, noble, profonde, tendre, fine, délicate ou forte et sublime, selon le genre et le sujet ; d’un orateur qu’un beau mouvement ; d’un historien qu’un fait que je ne réciterai pas sans que mes yeux s’humectent et que ma voix s’entrecoupe ; et qui oublie tout le reste, parce que je cherche moins des exemples à éviter que des modèles à suivre, parce que je jouis plus d’une belle ligne que je ne suis dégoûté par deux mauvaises pages ; que je ne lis que pour m’amuser ou m’instruire ; que je rapporte tout à la perfection de mon cœur et de mon esprit, et que soit que je parle, réfléchisse, lise, écrive ou agisse, mon but unique est de devenir meilleur ; je pardonne à Le Prince tout son barbouillage jaune dont je n’ai plus d’idée, en faveur de la belle tête de ce musicien champêtre.
Chez les auteurs médiocres, l’expression est, pour ainsi dire, toujours à côté de l’idée ; leur lecture fait aux bons esprits le même genre de peine que ferait à des oreilles délicates un chanteur dont la voix serait entre le faux et le juste.
Mais les enfants terribles, mais le pâle voyou du grand poëte, à la voix rauque, au teint jaune comme un vieux sou, Charlet a le cœur trop pur pour voir ces choses-là.
« Par le moyen de ce chant sans musique et de cette parole sans voix, lui disait-il, nous sommes accordés à la mélodie de ce monde. […] Ô mon urne sauvage, il faut nous tenir libres et prêts, — Comme les immenses bandes fragiles d’hirondelles quand sans voix retentit l’appel automnal ! […] La trilogie se terminait par la prière de Jeanne d’Arc, partant pour le bûcher : « Mes voix ne m’avaient pas trompée. — Pourtant, mon Dieu, tâchez donc de nous sauver tous, mon Dieu. […] On ne peut la soupçonner de mensonge : elle crut fermement recevoir sa mission de ses voix. » M.
Il avait eu soin de garnir le parterre de tous ses amis, et il leur avait annoncé que « ce jour verrait éclore la cabale la plus violente contre son innocent ouvrage. » L’épigramme fut déchirée par les spectateurs, l’insolent qui l’avait faite fut demandé par mille cris furieux et condamné à Bicêtre d’une voix unanime. […] Déchirez ces drapeaux ; une autre voix vous crie : L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie, La fraternité n’en a pas. […] Qu’importe Que languisse ma voix, tant que leur âme est forte ? […] La voix de l’orateur, exercée par la mer, battait à flots sonores les portiques de marbre. […] Eman Martin : « J’ai trouvé cette phrase dans un feuilleton du journal Le XIXe siècle : J’aime encore mieux une voix médiocre qui chante, qu’une voix d’or qui braille à tire-larigot, et je voudrais savoir si l’on peut appliquer au verbe brailler la locution à tire-larigot, que je n’ai rencontrée jusqu’ici qu’en compagnie du verbe boire. » M.
Léon Bourgeois vota même contre la proposition, qui n’obtint que 146 voix contre 328. […] Gauthier (de Clagny), voulant faire comme confirmer et renforcer ce vote et ayant proposé une résolution par laquelle l’Assemblée s’engageait à « maintenir le Concordat », sa proposition fut repoussée par 261 voix contre 246. […] Si vous tenez compte des voix des minorités, qu’est-ce que vous faites ? Vous tenez compte, dans chaque circonscription, des voix de ceux qui n’obéissent pas « aux grands courants », qui ne suivent pas la foule, qui ne sont pas, comme dit Nietzsche, « bêtes de troupeau ». […] justement, ces voix, il faut les supprimer !
Il peut se servir de sa plume comme de sa voix, et les délits faits avec la plume doivent être punis comme les délits faits avec la parole. […] Voudrait-il que trois millions de citoyens vinssent donner leurs voix à Westminster ? […] » (Idées républicaines.) — Il établit, avec la netteté décisive qu’il a toujours, le système du gouvernement despotique, dans la Voix du sage et du peuple (1750) : « La bonté du gouvernement consiste à protéger et à contenir également toutes les professions d’un État. — Le gouvernement ne peut être bon s’il n’y a une puissance unique. — -> Il ne doit pas y avoir deux puissances dans un État. — Dans un État quelconque le plus grand malheur est que l’autorité législative soit combattue. […] … Et toi, que nous voyons avec une tendresse respectueuse, assis sur le trône de Henri IV et de Louis XIV, écoute toujours la voix de la philosophie, c’est-à-dire de la sagesse. » — Un Louis XIV philosophe, c’est toute la politique de Voltaire. […] Il est rebelle parce qu’il désobéit. » (La voix du sage et du peuple.)
Sheridan, il se tint debout avec un imperturbable sang-froid, parla constamment avec justesse, à propos, sobriété, et, quand à la voix retentissante de ses adversaires venait se joindre la voix plus puissante encore des événements ; quand la Révolution française, déconcertant sans cesse les hommes d’État, les généraux les plus expérimentés de l’Europe, jetait au milieu de sa marche ou Fleurus, ou Zurich, ou Marengo, il sut toujours contenir par la fermeté, par la convenance de ses réponses, les esprits émus du parlement britannique.
Cette scène de violence se fond aussitôt dans une scène de coquetterie, de séduction par le regard, par l’attitude, par la caresse de la voix, enfin par la caresse même du langage (elle lui parle basque) ; « notre langue, monsieur, est si belle que, lorsque nous l’entendons en pays étranger, cela nous fait tressaillir. » — « Elle mentait, monsieur, elle a toujours menti. […] Il descendit ouvrir petit à petit et faire reconnaître ma voix. » Il ouvrit le volet assez pour passer la tête, et en répétant à voix basse : « C’est un ami. » Il s’assura, en prêtant l’oreille, que rien ne troublait le silence profond de la chambre.
. — « ce banc est à moi, fait-il de sa voix la plus caverneuse. — non, il est à moi, bégaie le plus doux. — par ma barbe, il est à moi, reprend l’autre. — mais bien sûr », consent le second. […] « les beaux vers sont ceux qui s’exhalent comme des sons ou des parfums. » tout bruit modulé n’est pas un chant, et toutes les voix qui exécutent de beaux airs ne chantent pas. […] jamais, dans ce temps-là, je n’ai cherché le sens des chants que tu chantais pour moi ; ma voix se contentait d’en saisir l’air, et mon cœur de danser sur la même cadence.
Il avait beau courir les mers et toucher aux rivages les plus éloignés, les livres de son choix y touchaient avec lui, et plus encore écoutait-il résonner en lui l’écho des voix familières que son enfance avait entendues : il est des manières de sentir qui entrent si avant dans l’âme que celle-ci n’en guérit plus. […] Et les pauvres tombes enfouies sous l’herbe attendent là, plus confiantes, à ce seuil d’église, le son de la dernière trompette et des grandes voix de l’Apocalypse. — Là aussi, sans doute, quand, moi, je serai mort ou cassé par la vieillesse, là on couchera mon frère Yves ; il rendra à la terre bretonne sa tête incrédule et son corps qu’il lui avait pris. […] C’est alors, c’est dans l’obscurité que laisse après elle l’analyse meurtrière de nos plus douces illusions, que l’âme éperdue voit luire une lumière nouvelle ; c’est dans le silence de son découragement qu’elle entend murmurer une voix austère, mais consolante. […] Mais, afin de mieux ouïr les voix de la raison, Scherer a précisément étouffé les voix du cœur.
Dumas, et le prix dont on la paye, c’est le mépris du sujet. » Ce mépris se traduit dans l’attitude, dans l’air du visage, dans le son de la voix et dans l’accent de la parole. […] C’est pourquoi, tandis qu’il n’y a qu’une voix pour saluer en lui le plus expert d’entre les maîtres de la scène, on hésite à lui donner une place parmi les représentants de notre littérature. […] Le comédien est sincèrement ému, et c’est avec de vraies larmes dans la voix qu’il dit à son voisin : « Tu as vu ? […] Nous les reconnaîtrions, sans crainte de confusion et du plus loin qu’il soit, rien qu’à leur silhouette et à leur son de voix. […] Plus tard, quand le temps aura fait justice de réputations trop haut placées, alors que des voix plus bruyantes n’auront pas laissé même d’écho, qui sait ?
le même conférencier, et nécessairement le même visage, le même son de voix, les mêmes intonations, les mêmes gestes, les mêmes tics, les mêmes manies peut-être. […] — et j’aime à croire qu’il disait vrai ; — seulement, le difficile, et le rare, et l’art par conséquent, c’est de lui donner, à ce « cri du cœur », une inoubliable voix, et de l’éterniser. […] La confidente et la nourrice de Phèdre ; mais avant tout, avant que d’être elle-même, la mauvaise conscience, si je puis ainsi dire, la voix des appétits, le double criminel de la fille de Minos et de Pasiphaé. […] Un mortel, fier et courageux, enveloppé de deuil, s’avance avec intrépidité, ramasse le poignard, et s’écrie : « Muse, ranime-toi, je vais te rendre ta splendeur. » La Terreur entendit sa voix et parut sur la scène : « Tu me rappelles à la lumière, et ton génie me donne un nouvel être », dit-elle avec transport. […] Par là-dessus, Messieurs, un peu de badigeon à la romaine, de grands mots, des éclats de voix, de grands gestes, dans le rôle de Rhadamiste, naturellement, ou dans celui de Pharasmane : Quoique d’un vain discours je brave la menace, Je l’avoûrai, je suis surpris de tant d’audace !
La voix de l’amitié qui l’appelait lui vint du Nord, de Copenhague où il avait une amie, Mme Brun, sœur de l’érudit et pieux évêque de Seeland, le poète Munter.
Vous me mettez sur les rangs à l’Académie ; vous me donnez votre voix, vous écrivez pour moi ; il ne tient pas à vous que je ne sois votre confrère.
Hier au soir, je l’ai prié comme un saint ; j’espère qu’il a entendu ma voix et qu’il a vu que ses bienfaits n’avaient point été tout à fait perdus… » Cette mort d’un vieillard, à laquelle il semble qu’il pouvait s’attendre, assombrit pour le jeune voyageur les spectacles auxquels il va désormais assister ; il le dit et le redit à toutes les personnes de sa famille avec des accents d’une sincérité profonde, et qui mettent à nu, à n’en pas douter, l’état contristé de son âme : « (A Mme de Grancev, 10 octobre 1831)… Bien des gens croient que nous n’avons fait qu’une perte ordinaire ; mais vous savez que c’est presque un père que nous pleurons.
et n’était-il pas nécessaire que des voix fermes et indépendantes s’élevassent pour protester au nom de la masse de la nation contre cette faiblesse ; que des hommes qu’aucun lien de parti n’enchaîne encore, qui bien évidemment n’ont ni tendances napoléoniennes ni goûts révolutionnaires, que de pareils hommes vinssent tenir un langage qui relevât et soutînt le cœur de la nation et cherchassent à la retenir dans cette pente énervante89 qui l’entraîne chaque jour davantage vers les jouissances matérielles et les petits plaisirs.
Au chant XX de l’Iliade, chant terrible et sublime où Jupiter déchaîne les dieux, leur donne toute licence de se mêler aux guerriers et de les protéger selon leurs prédilections et leurs caprices, sauf à lui de rester assis en spectateur au sommet de l’Olympe, dans ce chant XX où bouillonne toute l’âme de l’Iliade, Achille à la colère duquel Neptune vient de soustraire Énée, Achille exaspéré exhale sa fureur en menaces ; il parle de tout massacrer, et de son côté Hector essaye de rassurer les Troyens, et d’une voix puissante il les exhorte à marcher contre Achille : « Achille, s’écrie-t-il, ne mettra pas à effet toutes ses paroles.
Il est vrai que son livre de la Tradition, qui vient de paraître, ne trouve pas d’acheteurs : « (Paris, 22 octobre 1814)… Il n’y a qu’une voix sur la Tradition ; tout le monde loue et personne n’achète.
sans pompe, et sans culte et sans prêtre, Où je faisais dans l’air jouer ma faible voix, Où la ronce montait fière à chaque fenêtre ; Près du Christ mutilé, qui m’écoutait peut-être, N’irai-je plus rêver du Ciel comme autrefois ?
Si je m’échappe à dire d’un roi qu’il est expérimenté par l’infortune, si je dis d’un voyageur que l’aspect de certains lieux sauvages l’impressionne désagréablement, j’ai déjà blasphémé : me voilà rejeté à cent lieues du siècle que je veux aborder, et qui me renvoie les échos de ma voix qu’il ne connaît pas62.
Toujours le cœur brisé qui chante, toujours le cri en poésie de cette autre parole dite à voix plus basse, en prose plus résignée, et que bien des existences sensibles ont pensée en avançant : « Il n’y a qu’une date pour les femmes et à laquelle elles devraient mourir, c’est quand elles ne sont plus aimées. » Mais je touche à l’élégie moderne, et je n’y veux pas rentrer aujourd’hui196.
Quand il arme les lévites, et qu’il leur rappelle que leurs ancêtres, à la voix de Moïse, ont autrefois massacré leurs frères (« Voici ce que dit le Seigneur, Dieu d’Israël : « Que chaque homme place son glaive sur sa cuisse, et que chacun tue son frère, son ami, et celui qui lui est le plus proche. » Les enfants de Lévi firent ce que Moïse avait ordonné. »), il délaie ce verset en périphrases évasives : Ne descendez-vous pas de ces fameux lévites Qui, lorsqu’au dieu du Nil le volage Israël Rendit dans le désert un culte criminel, De leurs plus chers parents saintement homicides, Consacrèrent leurs mains dans le sang des perfides, Et par ce noble exploit vous acquirent l’honneur D’être seuls employés aux autels du Seigneur ?
Il obéit à un élan de cette voix mystique en entrant chez les bénédictins : seulement il compta trop sur ses forces, ou peut-être, parce qu’il s’en défiait beaucoup, il se hâta de s’interdire solennellement toute récidive de défaillance.
L’effet était bien différent dans le peuple que trente ans auparavant, où le même roi, malade à Metz, aurait réellement trouvé dans sa capitale un millier d’hommes assez fous pour sacrifier leur vie pour sauver la sienne, et où tout son peuple, d’une voix unanime, lui avait donné, on ne sait pas trop pourquoi, le beau nom de Bien-aimé , dont il n’a jamais senti la douceur et le prix.
Vos paroles, votre voix, vos accents, l’air qui vous environne, tout vous semble empreint de ce que vous êtes réellement, et l’on ne croit pas à la possibilité d’être longtemps mal jugé ; c’est avec ce sentiment de confiance qu’on vogue à pleine voile dans la vie ; tout ce qu’on a su, tout ce qu’on vous a dit de la mauvaise nature d’un grand nombre d’hommes, s’est classé dans votre tête comme l’histoire, comme tout ce qu’on apprend en morale sans l’avoir éprouvé.
Il s’assoupit, à moins que la voix vibrante ne réveille en lui par contagion les instincts de la chair et du sang, les convoitises personnelles, les sourdes inimitiés qui, contenues par une discipline extérieure, sont toujours prêtes à se débrider. — Chez le demi-lettré, même chez l’homme qui se croit cultivé et lit les journaux, presque toujours les principes sont des hôtes disproportionnés ; ils dépassent sa compréhension ; en vain il récite ses dogmes ; il n’en peut mesurer la portée, il n’en saisit pas les limites, il en oublie les restrictions, il en fausse les applications.
Ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes.
Soit que Laurent désespérât du succès de son amour, ou qu’il crût devoir faire céder ses sentiments à la voix de l’autorité paternelle, il est certain que, dès le mois de décembre de l’année 1468, il fut accordé avec une femme que probablement il n’avait jamais vue, et la cérémonie du mariage se fit dans le mois de juin de l’année suivante.
Nous apprenons ainsi (je vous fais grâce de ses ascendants) qu’il était né à onze mois, fut mis en nourrice au village, apprit le latin avant le français, était éveillé en son enfance au son des instruments, reçut les verges deux fois, joua des comédies latines au collège de Guyenne ; qu’il était de taille au-dessus de la moyenne, assez peu porté aux exercices du corps et à tous les jeux qui demandent de l’application physique, qu’il avait la voix haute et forte, un bon estomac, de bonnes dents, dont il perdit une passé cinquante ans, qu’il aimait le poisson, les viandes salées, le rôti peu cuit, le vin rouge ou blanc indifféremment, et trempé d’eau ; qu’il était sujet au mal de mer, et ne pouvait aller ni en voiture, ni en litière sans être malade, mais en revanche faisait de longues traites à cheval, même en pleine crise de coliques néphrétiques ; qu’il ne prenait pas de remèdes, sauf des eaux minérales, et qu’il gémissait sans brailler, quand la gravelle le tenait.
Cette apparence, exploitée par les voix de quelques fidèles, retourne l’opinion publique.
Outre donc ce qui manquait à l’ordre des vérités philosophiques transmises par l’antiquité au monde moderne, tout un ordre nouveau de vérités morales devait venir du christianisme par la voix de la Réforme, c’est-à-dire de la renaissance de l’antiquité chrétienne.
Enfin, on quitte le dix-septième siècle, plein de maximes et de commandements sur la conduite de l’esprit et de la vie, invité, exhorté par toutes les voix qui parlent de haut à s’étudier, à se savoir, à valoir mieux.
Dans les moments de ferveur religieuse la prédication a des triomphes qui paraissent surnaturels ; des paroles tombées du haut de la chaire se traduisent aussitôt en actes passionnés ; ainsi, à la voix puissante de Savonarole, jeux, danses, tableaux et statues profanes disparaissent de la légère et païenne Florence et toutes les vanités mondaines sont brûlées solennellement sur la grande place, en compagnie du seigneur Carnaval, par une population fanatisée.
» Mais voici que le timbre de la cour sonne le tocsin, des pas retentissent dans l’antichambre, une voix officielle somme d’ouvrir, au nom de la loi.
Le Dialogue se termine ici : la marquise demande encore à en reparler ; elle essaie de ne pas consentir au projet aventureux qui la charme ; elle lance d’une voix touchée une dernière et faible défense : « Songez que je ne vous permets rien, que je veux vous parler, que, si vous faites la moindre démarche sans mon aveu, je ne vous reverrai de ma vie. » Mais que de chemin en un jour !
De quatre à sept heures, Flaubert lit avec sa voix mugissante et sonore, qui vous berce dans un bruit pareil à un ronronnement de bronze.
Si vous êtes curieux au point de lui demander comment s’appelait le marchand anglais qui le premier en 1612 est entré en Chine par le Nord, et l’ouvrier verrier qui le premier en 1663 a établi en France une manufacture de cristal, et le bourgeois qui a fait prévaloir aux états-généraux de Tours sous Charles VIII le fécond principe de la magistrature élective, adroitement raturé depuis, et le pilote qui en 1405 a découvert les îles Canaries, et le luthier byzantin qui, au huitième siècle, a inventé l’orgue et donné à la musique sa plus grande voix, et le maçon campanien qui a inventé l’horloge en plaçant à Rome sur le temple de Quirinus le premier cadran solaire, et le pontonnier romain qui a inventé le pavage des villes par la construction de la voie Appienne l’an 312 avant l’ère chrétienne, et le charpentier égyptien qui a imaginé la queue d’aronde trouvée sous l’obélisque de Louqsor et l’une des clefs de l’architecture, et le gardeur de chèvres chaldéen qui a fondé l’astronomie par l’observation des signes du zodiaque, point de départ d’Anaximène, et le calfat corinthien qui, neuf ans avant la première olympiade, a calculé la puissance du triple levier et imaginé la trirème, et créé un remorqueur antérieur de deux mille six cents ans au bateau à vapeur, et le laboureur macédonien qui a découvert la première mine d’or dans le mont Pangée, l’histoire ne sait que vous dire.
Tout ce que vous pouvez imaginer de désespoir et de larmes… Psyché, laissée seule en ce lieu sauvage, se voit soudain transportée en un palais et elle entre dans un état très bizarre : elle y devient l’épouse d’un être que, à sa voix, à ses discours, à l’entendre, à le toucher, elle trouve charmant, mais qu’elle ne voit jamais.
la seule chose qui pût la distraire d’une douleur qu’elle portait au pied de l’autel et qu’elle en rapportait toujours, la seule voix qui ne fût pas celle de Dieu et qui pût faire remonter son âme du fond de cette tombe placée dans le cimetière de Saint-Médard d’Andillac, et regarder du côté du monde une fois encore, c’était l’idée de la gloire de son frère, mort sans renommée.
Qui ne sait qu’une situation intéressante mais triviale, une nouveauté brillante et hasardée, la seule voix d’une actrice, suffisent pour tromper quelque temps le public ? […] La voix publique m’a accusé d’abord d’avoir mis sur le théâtre un prince du sang pour en faire de gaîté de cœur, un assassin. […] Qu’on examine un peu ces mauvaises lignes rimées, on sera étonné de la barbarie de ces cent voix qui apprennent en ces lieux, en sanglots superflus, à des sens éperdus. […] Esclaves, écoutez : que votre obéissance Soit l’unique réponse aux ordres de ma voix. Les ordres de la voix ; c’est la première fois qu’on s’était servi d’une pareille expression.
Que par exemple un père doute de sa paternité, ce n’est plus, comme dans un temps bien lointain, « la voix du sang » qui le tirera d’inquiétude, ce sera l’atavisme. « Quand le marquis eut trouvé que l’atavisme le faisait le père de Denise, il éprouva un profond soulagement. » Et quel cas d’atavisme ! […] Une nuit qu’il dormait, une voix l’appelle, une voix qui « avait l’intonation haute d’une cloche d’église ». […] C’est, dans le chapitre intitulé Veillée d’armes, le bal à l’Hôtel de Rosen, l’entrée de Christian et de Frédérique dans la fête, l’air national d’Illyrie sonnant à leur apparition, « cet appel des guzlas… que du fond des salons l’orchestre accompagne en sourdine, comme un murmure de flots au-dessus desquels crie l’oiseau des orages… la voix même de la patrie, gonflée de souvenirs et de larmes de regrets et d’espoirs inexprimés », et toute la scène, et cette légende héroïque, et les danses qui reprennent, et tout enfin, jusqu’à l’exclamation finale : « Haïkouna ! […] Mais, incontestablement, c’est sur l’état de l’opinion et sur le mouvement de la curiosité qu’il règle lui-même ou qu’il croit régler son article ; et son principal souci, c’est de donner une forme, une figure, une voix à ce que pense, comme lui, toute une catégorie de lecteurs. […] Si les romans de M. de Goncourt étaient des romans naturalistes, il n’y aurait assurément qu’une voix pour condamner le naturalisme ; mais ce ne sont pas des romans naturalistes ; et, quoi que l’on puisse penser du talent de M. de Goncourt, c’est incontestablement bien heureux pour le naturalisme.
. — Les Voix de la Montagne, « La Plume », 1897. — L’Hymen de la Forêt, 1898 (h. c.). — L’Angélus des Sentes, bibl. de l’Association, 1901. […] — Voix de la Terre et du Temps, C.
On éclaire par-là bien des soupçons qui ne demandent qu’à se découvrir ; on détermine bien des gens à penser ce qu’ils sentoient déja, au lieu que par la lâcheté de suivre toûjours le torrent, on prête des armes à l’erreur, on donne occasion à ses partisans de crier : toute la terre est de nôtre avis ; tous les hommes sont d’accord là-dessus : vous qui le prétendez, recueillez les voix, l’univers déposera de son ennui sur bien des choses que vous soûtenez qui le charment. […] Si je rapportois cela, sans qu’elle fût en état d’en convenir, ses amis qui sçavent ses sentimens, me soûtiendroient que cela est impossible ; cependant rien n’est plus vrai ; et, s’il m’est permis de citer un de mes vers traduit de l’iliade, il me semble que la divine voix frappe encor mon oreille . […] Des volontez des dieux incommode ministre, ta voix nous est toûjours d’un présage sinistre. […] Loin de Pile, à leur voix, je cherchai les allarmes ; je vins à leurs travaux associer mes armes, cent fois, j’ai vû près d’eux le péril sans effroi ; une part de leur gloire a rejalli sur moi.
« Jamais, dit-il à son camarade d’une voix entrecoupée et regardant son arc pendant qu’il parlait, jamais je ne banderai plus cet arc. » Ayant dit ces mots, il ôta la petite boîte de bambou contenant le poison qui était suspendue à son épaule, et, l’ayant mise à terre avec son arc et ses flèches, il s’étendit auprès, dit adieu à son compagnon et cessa de parler pour toujours. […] Les mouvements les plus expressifs de nos facultés disparaissent les premiers, d’abord la voix et la parole, ensuite les mouvements des membres, ceux de la face et du thorax, et enfin les mouvements des yeux qui, comme chez les mourants, persistent les derniers. […] D’abord les nerfs moteurs des organes de la voix sont paralysés ; mais la vie n’en continue pas moins, parce que l’animal respire toujours. […] La physiologie nous montre que, sauf la différence et la complexité plus grande des phénomènes, le cerveau est l’organe de l’intelligence au même titre que le cœur est l’organe de la circulation, que le larynx est l’organe de la voix.
— cria une voix sous le péristyle. […] Méry s’arma de sa voix la plus grave et la plus lugubre. […] Aujourd’hui je le regrette, parce que Mme Jenny Bastide est une de ces femmes dont on aime à entendre la voix s’adresser à vous et les yeux se fixer sur les vôtres dans un dialogue.
L’essentiel en ceci est donc l’impression ; or, cette impression pouvant être obtenue également par les contraires, il en résulte que la peinture du mal et même du laid a parfaitement le droit de réclamer aussi sa voix au chapitre. […] Si vous ne rencontrez sous vos fronts infertiles Que l’imitation des choses d’autrefois, Si pour notre présent vous n’avez pas de voix, Si vous n’enseignez rien, vous êtes inutiles ! […] En vain les chevaux se rebutent à donner du collier, en vain le cocher s’égosille de les animer de sa voix, en vain les passants l’accablent de huées, la lourde machine n’avance pas, et la mouche du coche elle-même finira bientôt par s’avouer vaincue.
Or, parce que, au seuil de leur République, MM. les professeurs ne sauraient manquer d’être les procureurs d’idées, dans ce dialogue entre trois visages, leur voix couvrira les autres, ce qui permettra aux opportunistes de nous la faire à l’union sacrée, au nom de la civilisation à sauver, de la culture et du bon sens français. […] De Racine (Andromaque, le fameux discours à Pyrrhus :avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix) à Lamartine (la phrase sur le drapeau tricolore qui a fait le tour du monde et le drapeau rouge qui n’a fait que le tour du Champ-de-Marst), les leçons que reçoivent, de leurs grands ou petits maîtres, à propos de textes rimés, lycéens et étudiants, ne sont que leçons de ruses oratoires. […] Mais l’esprit gaulois et la science chrétienne des tortures avaient eu beau faire front unique contre la haute, la plus haute voix de terre, avaient eu beau vouloir, à coups d’affreuses poupées et marionnettes algébriques, saccager toutes les pousses de l’instinct, le triomphe n’en restait pas moins à ce diable, hideux, certes, mais dont la hideur se riait du couvercle qui prétendait l’écraser.
Il faudrait posséder le talent du plus grand poète pour rendre l’expression de ses gestes, l’harmonie de sa voix et le feu de ses regards.