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2169. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Tous ceux qui se sont avisés d’écrire sur ce rude sujet ont mêlé et compliqué l’écheveau qui embarrassait la grande et sage main carrée de Leibnitz ; car tous, quel que fût leur but, soit le développement général de l’homme, comme Rousseau et Montaigne, soit son développement spécial, comme Jacotot, sont partis de leurs propres données, d’une manière personnelle à eux de concevoir l’homme, c’est-à-dire d’une rêverie et non de la réalité. […] Nous avons cru, à certaines places des lettres, qu’elles avaient été écrites par une autre main qu’une main d’homme, et même que toute la collection de ces lettres n’avait pas été publiée. […] Son livre, mollement pensé, mais agréablement écrit, nous donne l’espoir qu’il fera mieux un jour.

2170. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Et elle a été écrite en style Alexandre Dumas, ce conteur aimé des esprits qui conçoivent le plaisir littéraire comme une tasse de chocolat prise sur le bout d’une table de café ! […] Forgues, trop traduit de Southey, malgré quelques miettes de correspondance qu’il y ajoute, n’augmente pas de beaucoup les faits connus : mais il ne s’agit pas de connaître plus qu’on ne sait, de la vie de Nelson, dont on sait tout, mais de l’écrire. […] Malheureusement aucun de ceux qui ont écrit sa vie, — et il paraît qu’ils sont nombreux en Angleterre, — n’a été de force à donner ce coup de pinceau qui fixe et embellit la gloire, fût-ce la plus solide et la plus belle !

2171. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Toutes ses lettres attestent, au contraire, l’ardeur de cette âme qui, sans l’ennui, aurait peut-être en passion égalé celle de Madame de Staël, et qui se donne par les faits de si beaux soufflets à elle-même quand elle écrit, dans la Correspondance : “Je n’ai ni tempérament, ni roman.” » Assurément je ne parlerai point, et pour cause, de son intimité avec le président Hénault, le Sigisbé d’une partie de sa vie. […] Le ton de ce monde qui énerverait le talent, l’âme et la plus forte pensée, ce ton qu’à son époque on appelait le bel air, était odieux à son esprit comme un ennemi personnel : « Je ne le peux souffrir », écrit-elle. […] — dans cet autre mot, qui n’est pas le seul de l’espèce : « Il me suffit d’être contente pour être heureuse. » Je n’aime point qu’elle écrive à toute page des phrases dans ce genre affreux : « La nature est le seul tyran dont il ne faille pas secouer le joug.

2172. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Et elle a été écrite en style Alexandre Dumas, ce conteur aimé des esprits qui conçoivent le plaisir littéraire comme une tasse de chocolat prise sur le bout d’une table de café ! […] Mais il ne s’agit pas de connaître plus qu’on ne sait de la vie de Nelson, dont on sait tout, mais de l’écrire. […] Malheureusement, aucun de ceux qui ont écrit sa vie — et il paraît qu’ils sont nombreux en Angleterre — n’a été de force à donner ce coup de pinceau qui fixe et embellit la gloire, fût-ce la plus solide et la plus belle !

2173. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

La chanson, ce chant de l’alouette des Francs, c’est le génie même de la France, et un jour j’en écrirai l’histoire. […] » Ainsi, on effleure de l’œil qui veut rire le Journal d’un homme qui est timbré chansonnier, et qui ne peut être qu’un chansonnier alors même qu’il écrit l’histoire de son temps avec une gravité mordante et une élévation singulière. […] Ce n’est, il est vrai, qu’un fragment bien court de l’Histoire du xviiie  siècle, mais ce fragment est supérieur à sa manière aux diverses histoires écrites par les contemporains, et par l’excellente raison que Collé est aussi peu un contemporain que possible.

2174. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

À cette époque, un homme qui cachait parfois la critique de son temps sous de la critique littéraire, un homme qui en contait souvent aux autres, mais qui ne s’en laissait jamais conter, écrivait, de sa plume la plus moqueuse, de ces choses inouïes sur les. […] Malgré tout ce qu’on en a écrit, il n’y a pas, selon nous, de vraie poésie pour les connaisseurs dans le chaos de la littérature indienne, ou, s’il y en a, c’est de la poésie de seconde main. […] Burnouf lui écrivait un jour : « Les uns savent interpréter Homère, les autres savent interpréter Valmiki : vous savez également interpréter Valmiki et Homère » ; et tout en lui rendant cet hommage, Burnouf semblait se ranger à l’opinion de M. 

2175. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Le Matérialisme païen qui, en renaissant, devait reparaître plus monstrueux que la première fois, puisqu’il renaissait dans une société chrétienne, est scientifiquement plus grand dans les écrits de Van Helmont et de Boërhave qu’il ne l’était, par exemple, sous la plume d’Hippocrate et les traditions de l’école de Cos. […] Hippocrate, en effet, ce vieillard divin, — car l’Histoire, pour honorer ce grand observateur, n’a trouvé rien de mieux que de l’appeler comme le vieil Homère — avait reconnu l’immutabilité des maladies, quand il s’écriait avec le pressentiment d’une révélation : « Il y a là quelque chose de Dieu (quid divinum) », et quand aussi Démocrite, tenant de plus près la vérité, écrivait ce mot singulier : « L’homme tout entier est une maladie », comme s’il eût deviné ce dogme de la Chute, après lequel il n’y a plus rien à l’horizon de l’Histoire ni à l’horizon de l’esprit humain ! […] Le nœud de notre condition, écrivait le penseur terrible, prend ses retours et ses replis dans cet abîme, de sorte que l’homme est plus inconcevable sans ce mystère que ce mystère n’est inconcevable à l’homme.

2176. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Quand Victor Hugo écrivait son Cromwell, il débordait de verve et de jeunesse, et il visait de ce coup de massue ce qu’on appelait alors : « le théâtre classique », pour en élever un autre sur ses débris. […] Ils gardent et montrent le sérail d’autrui… Abélards eux-mêmes, naturellement et sans crime î Charles de Rémusat ne s’est pas contenté d’écrire la monographie d’Abélard, il a écrit celle de saint Anselme3, et même celle de bien d’autres, pour le dictionnaire de la Revue des Deux Mondes.

2177. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Mais il a mieux aimé écrire tout un livre. […] Caro avait dit cela comme je le dis là, naïvement, brutalement, sur la première page de son livre, il n’aurait pas eu la peine de l’écrire… Personne ne serait allé plus loin ! […] Et je parle du cri littéraire, — car le cri qui ne s’écrit point, c’est le cri de l’humanité tout entière, qui n’a jamais, parce qu’elle souffre, été désespérée de vivre !

2178. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

pas écrit par un poète, ni même par quelqu’un qui ait le génie de l’hagiographie nécessaire pour traiter un pareil sujet, n’en donnera pas moins à l’imagination une de, ces fortes secousses qu’elle aime… Qu’est-ce, en effet, qu’Obermann, René, le Lépreux de la cité d’Aoste, ces trois fameux héros de roman dont on peut dire que l’âme du xixe  siècle en est encore pleine, en comparaison de Benoît-Joseph Labre, ce solitaire comme eux, qui, comme eux, s’était arraché des voies du monde, — pour des raisons plus hautes que les leurs : car, eux, c’était, en ce qui regarde Obermann et René, le dégoût égoïste et hautain d’âmes plus grandes, — ou, du moins, qui se croyaient plus grandes que ce que la vie sociale avait à leur donner, — et, en ce qui regarde le lépreux, la honte d’une affreuse misère ? […] J’ai vu, dans mon enfance, encore, des statues de jardin représentant un grand dadais en manches de chemise, appuyé sur sa bêche, au-dessous duquel on avait écrit : « Saint Labre, patron des paresseux. » Stupidité immense de la frivolité française ! […] Supposez la plume inspirée qui a écrit, sans avoir la vérité pour elle, Séraphita, Séraphita, se plongeait dans la magnifique vie du mendiant mystique que voici ?

2179. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

II Quant à moi, j’ai cherché vainement dans mes souvenirs de littérature quelque chose de comparable à ces pages enragées, écrites jour par jour d’agonie. […] Nous sommes ici bien loin de Joseph Delorme, qui écrivit des Consolations, et qui, depuis, a passé cinquante ans à faire de la petite dentelle littéraire… Georges Caumont, qui ne fait pas de vers, il est vrai, mais dont la prose est « de premier jet et de source colorée dans son sang, noyée dans ses larmes, pourprée dans ses plaies, sa bile et son fiel, ayant des monstres de style pour exprimer des monstres de souffrance », Georges Caumont est une bien autre personnalité que Joseph Delorme et tous les Mélancoliques et les Souffrants de ce siècle, et c’est sa force de personnalité qui le rend intéressant et pathétiquement sympathique, malgré les farouches et délirantes aberrations de sa pensée. […] Seulement, n’y a-t-il pas, ne peut-il pas y avoir de la beauté dans l’éclat de voix, le geste et le regard d’un fou, et n’est-ce pas cette beauté-là, qu’on trouve en ces pages, écrites contre Dieu par un homme qui ne peut se débarrasser de l’enveloppante idée de Dieu qui l’enveloppe par-dessus toutes ses tortures physiques et morales, par cet athée à l’enfer qui croit à l’enfer, par ce damné d’avant la mort, qui, dans les courts moments de sa vie, a mangé en herbe l’affreux blé de sa damnation éternelle ?

2180. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

C’est un médecin qui a déjà beaucoup écrit. […] que le docteur Favrot ne fût et ne soit très capable encore de l’écrire, mais pour une raison ou une autre, qu’il connaît sans doute mieux que moi, il a passé des mains compétentes mais trop rapides sur l’ensemble d’un sujet qu’il fallait attaquer et creuser fort et ferme… Il a fait moins un livre que le programme d’un livre qu’il complétera peut-être un jour, en le reprenant en sous-œuvre. […] C’est l’imagination d’Edgar Poe qu’il fallait pour écrire un livre (qui aurait produit son foudroyant effet) sur les inhumations précipitées.

2181. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Pour ma part, vous m’en voyez presque hébété, et j’en tremble pour ce que j’écris là. […] Le Maudit, ce livre qui crève de sérieux, est écrit par un Prudhomme pédantesque et dissertateur qui irait à la messe chez l’abbé Châtel, si l’abbé Châtel la disait encore en français dans son hangar de roulage du faubourg du Temple ! […] Il ne m’est guères permis, à moi, d’écrire le mot d’idiot45, mais je crois bien que c’est ce mot-là qu’il faudrait ici, en parlant de ces trois énormes volumes sans couleur, sans passion, sans esprit, sans gaîté, et que les éditeurs belges ont pu seuls nous donner comme un grand coup porté à l’Église dans le pays de Voltaire, où il faut de la verve et de la gaîté même aux camouflets du voyou.

2182. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Je ne pouvais guère recueillir que des paroles d’intellectuels, mais ils ne valent pas moins, ceux qui se taisent depuis le commencement de la guerre, ce bourgeois, ce paysan, qui y vont avec courage, sans écrire trois lignes, et qui n’éprouvent pas le besoin de se demander pourquoi ils se font tuer. […] Pour équilibrer ces divers chapitres, il me fallut chercher des « textes » que mes correspondants spontanés ne me donnaient pas, et ces documents qui me vinrent de « familles » avec lesquelles je suis moins parent, je dus me préoccuper de les comprendre exactement dans l’esprit ou ils avaient été écrits. […] … Un jour de cet automne 1946, m’écrit le pasteur Jacques Pannier, un obus tua du même coup à leur batterie deux maréchaux des logis, amis intimes : l’un catholique, l’autre protestant.

2183. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Les quatre volumes qui forment l’ensemble des poésies d’Olivier de Magny ont été élevés à des prix fabuleux ; et quelques-uns des mêmes hommes qui acquéraient ces poètes coûte que coûte, et les couvraient de maroquin pour leur bibliothèque de luxe, en usaient, en savaient le bon et le meilleur, et en écrivaient des notices. […] Un autre poète évêque, Pontus de Tyard, est devenu le sujet d’un prix proposé par l’Académie de Mâcon et décerné à un écrit fort développé et fort circonstancié de M.  […] J’allais omettre une spirituelle dissertation sur Ronsard et Malherbe, que le professeur Amiel écrivait pour les collèges et gymnase de Genève, à l’ouverture de l’année scolaire 1849-1850 ; nouvelle preuve de l’intérêt que les pays circonvoisins et de langue française mettaient à ce genre de questions, qu’on dirait renouvelées de Balzac et que la critique de notre siècle rajeunit. […] Puis, ce premier travail étant terminé, ils se dirent un beau jour : « La France n’a pas d’épopée, il faut lui faire ce cadeau. » Ronsard alors écrivit la Franciade. » M.  […] « En ce temps-là, je ronsardisais, disait Gérard de Nerval. » Et c’est ce qu’a écrit M. 

2184. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

La littérature et la poésie d’alors étaient peu personnelles ; les auteurs n’entretenaient guère le public de leurs propres sentiments ni de leurs propres affaires ; les biographes s’étaient imaginé, je ne sais pourquoi, que l’histoire d’un écrivain était tout entière dans ses écrits, et leur critique superficielle ne poussait pas jusqu’à l’homme au fond du poëte. […] Il retourne et déguise en prose ces phrases altières et sonores qui vont si bien à l’allure des héros, et il se demande si c’est là écrire et parler français. […] Voltaire a osé dire de cette belle épître : « Elle paraît écrite entièrement dans le style de Régnier, sans grâce, sans finesse, sans élégance, sans imagination ; mais on y voit de la facilité et de la naïveté. » Prusias, en parlant de son fils Nicomède que les victoires ont exalté, s’écrie : Il ne veut plus dépendre, et croit que ses conquêtes Au-dessus de son bras ne laissent point de têtes. Voltaire met en note : « Des têtes au-dessus des bras, il n’était plus permis d’écrire ainsi en 1657. » Il serait certes piquant de lire quelques pages de Saint-Simon qu’aurait commentées Voltaire. […] Ce morceau a été écrit à l’occasion de l’Histoire de la Vie et des Ouvrages de Pierre Corneille, par M. 

2185. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Cependant elle ne peut tout à fait s’abriter contre les souffles nouveaux : Jean Le Maire de Belges, qui fut historiographe de Louis XII, écrit les Illustrations des Gaules 162, vaste compilation de récits fabuleux, où se heurtent singulièrement l’érudition saugrenue du moyen âge et l’enthousiasme poétique de la Renaissance : le même qui fait des vers dignes de Molinet est un adroit ouvrier qui prépare avec un certain sentiment d’artiste l’instrument de la poésie future ; Clément Marot tiendra de lui quelques excellents secrets de facture163. […] Il avait déjà écrit deux livres de ses Anti-barbares, titre éloquent qui lui seul est un manifeste. […] La grande révolution pédagogique de l’humanisme, qui se résume dans la substitution de la composition écrite à la dispute orale, mettait les logiciens au désespoir. […] Il était naturel que sa prose fût de meilleure qualité que ses vers : quand il s’agissait de conter et de causer, cette intelligente femme n’avait pas besoin d’être écrivain pour écrire excellemment. […] Une fusion se fait de l’honneur chevaleresque et du désir de la gloire, mobile des individualités héroïques de l’antiquité et de l’Italie : et nous en trouvons le témoignage dans la charmante biographie de Bayard écrite par le Loyal Serviteur 173 : c’est comme un mélange de Chrétien de Troyes et de Plutarque.

2186. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Il est trop évident que, venu après Balzac, il ne se doute même pas que Balzac ait écrit. […] Mais enfin l’amour fait le principal intérêt des histoires qu’il écrit ; l’amour y inspire des actions extraordinaires, et ses héros et ses héroïnes sont les plus distingués que puisse concevoir l’imagination des femmes et dos adolescents. […] … soyez enthousiastes, soyez romanesques tout à votre aise… Et, comme je serais flatté que les anges enviassent mes larmes, j’approuve tout à fait ces lignes du Journal d’une femme : Mais tu me restes, ma fille… J’écris ces dernières lignes auprès de ton berceau… J’espère mettre un jour ces pages dans ta corbeille de jeune femme, mon enfant ; elles te feront peut-être aimer ta pauvre mère romanesque… Tu apprendras peut-être d’elle que la passion et le roman sont bons quelquefois avec l’aide de Dieu, qu’ils élèvent les cœurs, qu’ils leur enseignent les devoirs supérieurs, les grands sacrifices, les hautes joies de la vie..   […] Feuillet ait écrites : toute la première moitié d’un Mariage dans le monde, où sont démêlées très finement et avec un choix très sûr de détails les causes qui doivent finir par éloigner l’un de l’autre une jeune femme pour qui le mariage est un commencement et un homme fatigué pour qui le mariage est une fin ; la plus grande partie de la Veuve, où la série des sophismes et des séductions par où un homme d’honneur peut être amené à violer un serment, est très délicatement graduée ; et encore la seconde partie du roman de la Morte, qui nous fait assister aux lents progrès du malaise et de la désunion entre un mari incroyant et une femme très pieuse qui a entrepris de le ramener à Dieu. […] Feuillet a coutume d’écrire.

2187. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Mistral, votre lauréat, qui vous a écrit une lettre charmante pour vous recommander un de ses compatriotes de Maillane, dont les vertus ont quelque chose d’archaïque et de touchant. […] Nous possédons un excellent crayon de cette physionomie modeste, franche, ouverte, chagrine, mais résignée, en une petite biographie, chef-d’œuvre de simplicité et de vertueuse bonne grâce, écrite par M. le curé de Château-l’Évêque. […] « Les larmes les plus amères que cette enfant verse secrètement dans le sein de Dieu, dit M. le curé de Château-l’Évêque, ne viennent pas de ce que nous avons dit mais de ce que nous ne pouvons dire sans blesser l’amour-propre, la discrétion, le mutisme de notre protégée… Malgré l’espèce de violation du domicile de l’amitié que nous avons dû commettre pour apprendre ce que nous vous écrivons, il restera beaucoup de choses dans l’oubli et dans le secret de la conscience. » Emmeline ne se plaint jamais et, si elle ouvre son cœur ulcéré, c’est seulement à la sœur de Saint-Vincent-de-Paul de Château-l’Évêque. […] Selon votre vieille et bonne manière d’entendre les choses, la littérature n’est pas seulement ce qui s’écrit ; le grand politique qui résout avec éclat les problèmes de son temps, l’homme du monde qui représente bien l’idéal d’une société brillante et polie, n’eussent-ils pas écrit une ligne, sont de votre ordre.

2188. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Il y a quelques années déjà que, l’étudiant à part moi, et sans songer à venir reparler de lui au public, j’écrivais cette page que je demande la permission de transcrire, comme l’expression la plus sincère et la plus nette de mon dernier sentiment littéraire à son égard : Béranger a obtenu de gloire tout ce qu’il en mérite, et un peu au-delà ; sa réputation est au comble. […] Je trouve dans une lettre familière le récit d’une visite chez Béranger, qui exprimera ce que j’ai à dire de lui, plus au vif que je ne le pourrais en termes généraux, et qui ne renferme rien d’ailleurs que d’honorable et d’adouci : Mai 1846. — J’ai revu Béranger, que je n’avais pas rencontré depuis des années, écrivait le visiteur ; c’est Lamennais qui m’avait fort engagé à l’aller revoir. […] M. de Pontmartin s’est quelquefois souvenu de ces anciennes relations ; j’ai été étonné pourtant que l’écrivain homme du monde et de bonne compagnie se fût permis, à d’autres fois, de juger si lestement et si souverainement de mes pensées et de mes sentiments intérieurs, comme lorsqu’il a écrit que « je n’avais jamais rien aimé et jamais cru à rien ». Je suis trop poli pour dire ce que je pense de cette manière d’interpréter les écrits, d’user et d’abuser de quelques paroles plaintives, et après tout senties, de poète et d’artiste ; je croyais que M. de Pontmartin laissait ce procédé trop facile et trop simple à M.  […] Moi aussi, j’ai jugé pour mon plaisir M. de Pontmartin comme j’avais jugé autrefois Béranger, et voici la note, depuis longtemps écrite, que je tire du même cahier familier d’où j’ai extrait quelques-unes de mes impressions de fond sur le poète national.

2189. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

M. de Broglie avait dès lors sur la nature des crimes politiques, et sur l’application de la peine de mort en général, des idées qu’il a eu occasion d’indiquer depuis dans plus d’un écrit sous la Restauration, et qui tenaient de celles de quelques théoriciens philanthropes du commencement du siècle. […] Tous ses discours, tous ses écrits sous la Restauration viendraient bien à l’appui de cette manière d’expliquer l’esprit si distingué et si éminent, si ingénieux et si complexe, que nous avons le regret d’étudier trop rapidement. […] M. de Broglie eut en ces années (1828-1829) un véritable rêve d’homme de bien, de philosophe élevé qui croit à Dieu, à la vérité idéale et suprême, à la vérité et à l’ordre ici-bas, à la perfectibilité de l’esprit humain, à la sagesse et au progrès de son propre temps, au triomphe graduel et ménagé de la raison dans toutes les branches de la société et de la science, dans l’ensemble de la civilisation même : « N’en déplaise aux détracteurs officieux de notre temps et de notre pays, écrivait-il en 1828, tout va bien, chaque jour les saines idées gagnent du terrain ; l’esprit public se forme et se propage à vue d’œil. » Il s’agissait, dans ce cas, d’une simple pétition sur les juges auditeurs ; mais on sent la satisfaction généreuse qui déborde du cœur d’un homme de bien. […] On voit trop l’esprit sérieux qui s’est appliqué tout entier à la chose même, et qui n’écrit qu’en présence de son sujet, sans s’inquiéter assez de l’effet sur ses lecteurs. […] Guizot, lequel en a trop peu profité : « Gouvernez votre ministère et la Chambre, lui écrivait-il de Coppet en 1844, ou laissez-les se tirer d’affaire.

2190. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Mettez-moi toujours aux pieds de Mme la duchesse du Maine, écrivait de Berlin Voltaire en 1752 (elle avait alors soixante-seize ans). […] « La langue ne se perfectionne que quand vous la parlez ou quand on parle de vous », lui écrivait Mme de Lambert. […] Mais un épisode assez piquant trouverait ici sa place, si l’on écrivait une histoire de la reine de Sceaux. […] Il demande à cor et à cri une autre signature : « J’ai presque usé la première, écrit-il, sur votre permission » — Ô Molière, le Molière des Précieuses, où étais-tu ? […] Vous verrez cette enfant gâtée de soixante ans et plus, à qui l’expérience n’a rien appris, car l’expérience suppose une réflexion et un retour sur soi-même ; vous la verrez jusqu’à la fin appeler la foule et la presse autour d’elle ; et à ceux qui s’en étonnent elle répondra : « J’ai le malheur de ne pouvoir me passer des choses dont je n’ai que faire. » Il faut que chaque chambre de ce palais d’Armide soit remplie, n’importe comment et par qui ; on y craint, avant tout, le vide : Le désir d’être entourée augmente de jour en jour, écrivait Mme de Staal (de Launay) à Mme Du Deffand, et je prévois que, si vous tenez un appartement sans l’occuper, on aura grand regret à ce que vous ferez perdre, quoi que ce puisse être.

2191. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Volney fit un voyage savant, exact, positif, et l’écrivit avec des qualités de style rares, bien qu’incomplètes. […] Quoique par la forme ce livre n’eût rien de séduisant, et qu’il rompît par le ton avec la mollesse des écrits en vogue sous Louis XVI, quoiqu’il ne fût pas possible, pour tout dire, de moins ressembler à Bernardin de Saint-Pierre que Volney, celui-ci trouvait, à certains égards, un public préparé : c’était l’heure où Laplace physicien, Lavoisier chimiste, Monge géomètre, et d’autres encore dans cet ordre supérieur, donnaient des témoignages de leur génie. […] L’année suivante (1788), il publia un écrit de circonstance, des Considérations sur la guerre des Turcs, dans lesquelles il parlait de ces peuples d’Orient en connaissance de cause et ne se montrait point défavorable aux projets de Catherine ; il exposait les chances probables de la guerre comme étant tout à l’avantage de la Russie. […] [NdA] L’écrit de Volney, Considérations sur la guerre des Turcs, avait peu réussi ; il avait été réfuté dans le principe par Peyssonel. […] Ce fut le lendemain seulement que Volney, qui avait parlé d’abord de sacrifier de préférence sa position de député, écrivit une lettre par laquelle il se démettait à son tour de la commission qu’il avait reçue du gouvernement.

2192. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Le comte de La Villette. » En remplaçant « une épaulette » par « un empire », très léger changement, c’était, en quatre mots, toute la destinée de Bonaparte, et une sorte de Mané Thecel Phares écrit d’avance sur cette muraille. Desmazis cadet, qui accompagnait Bonaparte, étant son camarade de chambrée et devant occuper un des deux lits, le vit prendre un crayon, c’est Desmazis qui a raconté le fait, et dessiner au-dessous des inscriptions qu’il venait de lire une vague ébauche figurant sa maison d’Ajaccio, puis, à côté de cette maison, sans se douter qu’il rapprochait de l’île de Corse une autre île mystérieuse alors cachée dans le profond avenir, il écrivit la dernière des quatre sentences : Tout finit sous six pieds de terre. […] Frédéric II, qui le raillait volontiers, écrivait à d’Alembert : « Voltaire bouffonne. […] Shakespeare avait écrit Jésus 13. […] Au moment où nous achevions d’écrire les pages qu’on vient de lire, on a annoncé à Londres la formation d’un comité pour la célébration solennelle du trois centième anniversaire de la naissance de Shakespeare.

2193. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Des auteurs qui ont écrit de l’instruction publique. […] Charlemagne, né dans un temps où lire, écrire et balbutier de mauvais latin n’était pas un mérite commun, fonda notre pauvre université ; il la fonda gothique, elle est restée gothique telle qu’il l’a fondée ; et malgré ses vices monstrueux, contre lesquels les hommes instruits de ces deux derniers siècles n’ont cessé de réclamer et qui subsistent toujours, on lui doit la naissance de tout ce qui s’est fait de bon depuis son origine jusqu’à présent. […] Que n’avaient-ils pas étudié avant que d’écrire ? […] Plan de ce petit écrit. […] Je suppose que celui qui se présente à la porte d’une université sait lire, écrire et orthographier couramment sa langue ; je suppose qu’il sait former les caractères de l’arithmétique, ce qu’il doit avoir appris ou dans la maison de ses parents ou dans les petites écoles.

2194. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Chaque année, Monleau écrit un drame — qu’il fait représenter sur le théâtre de la ville pour flatter les instincts décentralisateurs de la population. […] Minoret s’y prend-il pour écrire à *** des appréciations sur les opéras et les drames qu’on joue à Paris ? […] Il faut que j’avertisse Minoret, pour qu’il écrive à ce geai de ne plus se parer — de sa plume. […] Si je ne développe pas ma théorie, c’est que je me suis résolu à ne jamais l’écrire, — crainte de perdre mon manuscrit, comme il est arrivé pour la Théorie de la volonté de Balzac. […] Si Bernardin de Saint-Pierre — et tout le monde un peu — n’avaient pas écrit les Études de la nature, ce serait ici le lieu de vous décrire les cascades d’Oo s’épanouissant — à leur tombée — en lacs transparents, et la vallée de Litz, remarquable par beaucoup de choses… et encore par l’Album des touristes : un registre, où l’aubergiste de l’endroit collectionne les autographes des commis-voyageurs en villégiature.

2195. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

René d’Argenson qui avait donné l’édition des Mémoires en 1825, et qui a cherché à prouver par quantité de raisons que ces curieux documents nouveaux sur son arrière-grand-oncle étaient d’autant moins dignes de confiance qu’ils étaient plus intimes et plus personnels, plus complètement sincères et écrits en vue du bonnet de nuit. […] Or je maintiens que le marquis d’Argenson, philosophe et citoyen, philanthrope en son temps, s’occupant des intérêts du genre humain, et qui écrivait tous les matins ses idées pour qu’elles ne fussent point perdues, appartient à quiconque sait le lire, le comprendre et le peindre ; et si un éditeur de sa famille vient après un siècle nous l’arranger, nous l’affaiblir, lui ôter son originalité et l’éteindre, je lui dirai hardiment : « Laissez-nous notre d’Argenson. »

2196. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

Je ne sais encore ce que je vous écrirai pour la chronique. […] On dirait volontiers de ses travaux, de ses articles, et de l’effet qu’ils produisent : « si l’on s’attend à les trouver pesants, on les trouve fins ; et si l’on est très-averti que c’est fin, on les trouve un peu ternes ou même pesants. » En somme, malgré la distinction et le soin du détail, nous le concevons très-bien d’après l’article, rien de ce qu’a écrit ou pensé le docte écrivain ne passe une certaine médiocrité.

2197. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Si votre mémoire ne se retrace pas le sujet des allusions, votre esprit ne vous suffit pas pour comprendre la gaieté de ces écrits ; et s’il faut réfléchir à une plaisanterie pour en découvrir le sens, tout son effet est manqué. […] À Athènes on pouvait se faire connaître, et se justifier sur la place publique au milieu de la nation entière ; mais, dans nos associations nombreuses, on ne pourrait opposer que la lumière lente des écrits au ridicule animé du théâtre.

2198. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

Pour l’écrivain, le dessin et le plan de l’œuvre ne valent que si l’on passe à l’exécution, et ne se complètent à vrai dire que dans l’exécution : tant qu’il ne l’a pas toute écrite, elle reste flottante et vague, à l’état de pure possibilité : il ne peut donner à chaque chose sa place propre et sa juste grandeur que par le style : la seule mesure de l’idée, c’est le mot. Écrire donc, c’est achever de penser ; la forme, c’est l’organisation de la matière, et la pensée n’est véritablement née que lorsqu’elle est exprimée.

2199. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Celui qui exploiterait le vocabulaire comme on exploite une carrière pour en tirer des pierres, qui prendrait les mots comme des blocs d’invariable dimension, de poids immuable, inaltérables et résistants, qu’on n’a qu’à poser côte à côte et par assises successives, n’écrirait jamais que sèchement, lourdement et sans justesse. […] Leconte de Lisle écrit : Seule la lune pâle, en éclairant la nue, Comme une morne lampe oscillait tristement.

2200. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Rodenbach imagine un nouveau moyen d’être mauvais d’une façon recherchée et curieuse, d’écrire mai, de rythmer de travers avec mille soins délicats. […] De nombreux articles, en effet, et des contes, qu’il écrivit et publia dans des journaux et dans des revues, demeurent épars.

2201. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Ses Instructions pour les Magistrats, son Essai sur le Droit public, ses Ecrits sur les Belles-Lettres, ses Instructions pour l’éducation de son fils, sont autant de monumens qui renferment, chacun en particulier, une raison supérieure, des traits brillans dont se forment un grand corps de lumiere qui éclaire l’esprit autant qu’il échauffe le cœur. […] Il lui rendit constamment hommage par sa conduite & dans ses Ecrits.

2202. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Pour cet effet, il nous suffira d’extraire d’une de nos Lettres à un Seigneur étranger, l’endroit où nous lui avons rendu compte de l’Ecrit où M. […] Si vous lui écrivez jamais, M., priez-le de vous envoyer ces Vers, avec un certificat du Préteur, du Geolier, & de la Muse libertine qui m’aura inspiré si magnifiquement : il y a apparence que M. de Voltaire connoît tout ce monde-là… Ce n’est pas tout : il prétend, dans le même Ouvrage & avec la même vérité, qu’ayant été tiré de la plus extrême misere par feu M.

2203. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 27, qu’on doit plus d’égard aux jugemens des peintres qu’à ceux des poëtes. De l’art de reconnoître la main des peintres » pp. 382-388

Le contour particulier du trait avec lequel chaque homme forme les vingt-quatre lettres de l’alphabet, les liaisons de ces caracteres, la figure des lignes, leur distance, la perseverance plus ou moins longue de celui qui a écrit à ne point précipiter, pour ainsidire, sa plume dans la chaleur du mouvement, comme font presque tous ceux qui écrivent, lesquels forment plus exactement les caracteres des premieres lignes que ceux des autres lignes, enfin la maniere dont il a tenu la plume, tout cela, dis-je, donne plus de prise pour faire le discernement des écritures que des coups de pinceau n’en peuvent donner.

2204. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVII »

Le catalogue d’expressions banales que j’ai donné était peut-être un peu trop exclusif ; mais il s’agissait d’affirmer un principe, et un principe considérable, qui doit dominer l’art d’écrire. […] Il n’y a plus moyen d’écrire ! 

2205. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

On ne l’écrit plus ou on ne l’écrit guère ; insensiblement, on voit dans la chronique saxonne le vieil idiome s’altérer, puis s’éteindre ; cette chronique s’arrête un siècle après la conquête102. […] Plusieurs écrivent la première moitié du vers en anglais, et la seconde en français : étrange marque de l’ascendant qui les façonne et les opprime. […] C’est la vision de Piers Plowman, un paysan à charrue163, écrite, dit-on, par un prêtre séculier d’Oxford. […] Il écrit en 1356, et meurt en 1372. […] Knighton, vers 1400, écrit ceci sur Wycleff : « Transtulit de Latino in anglicam linguam, non angelicam.

2206. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Alceste eût eu, je pense, quelque scrupule d’écrire Amphitryon, au moment du moins où la pièce fut écrite. […] Et il a écrit les Funérailles de l’honneur. […] Vacquerie a écrit le Fils. […] Tandis que j’écris cette phrase, je ne sais pas encore quelle sera la suivante, ni si je serai capable de l’écrire. […] n’en écrire qu’une.

2207. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Delavigne pourquoi il écrit dona au lieu de doña. […] En un mot, la pièce n’est pas écrite, il n’y a pas de style. […] La pièce est bien construite, bien divisée, bien écrite. […] Voilà pourtant ce que Chatterton écrivait à sa sœur. […] Hugo doit briser violemment ses habitudes s’il veut continuer d’écrire pour le théâtre.

2208. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Mais il n’est pas inconnu comme Pythagore ; on a pu écrire sa vie, on a conservé ses écrits. […] « Moi, qui ne désire pas la gloire », écrivait Flaubert. […] Il n’a même pas besoin de sortir et de hochéner sa queue hiéroglyphique ; — d’écrire, encore moins. […] Une dame lui écrivait : « Mon mari est à toute extrémité. […] Ceci était écrit quand a paru l’ouvrage de M. 

2209. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Sur la porte un morceau de papier porte, écrit à la main : Pour les petits voyageurs Madame Bondieu. […] À la grande porte du palais, je vois écrit, à la craie, sur les deux tablettes de marbre noir : À la garde des citoyens. […] c’est de cela que nous mourrons, plus que de toute chose, et je suis flatté d’avoir été le premier à l’écrire. […] Des ouvriers, en chapeau rond, écrivent, au crayon, sur des portefeuilles crasseux, une liste que leur dicte un monsieur. […] Je vais faire visite à Victor Hugo, pour le remercier de la sympathique lettre, que l’illustre maître a bien voulu m’écrire, lors de la mort de mon frère.

2210. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Ibsen n’écrit pas des pièces à symboles, ni même des pièces à idées. […] Ibsen a écrit Borkman, après Maison de poupée et Rosmersholm, pour les mêmes raisons mélancoliquement humaines et de la même manière que Victor Hugo écrivit l’Âne ou Corneille Suréna. […] Mais que pour un modèle ou vante ses écrits, etc. […] Brieux n’avait écrit avec cette précision, cette souplesse ni cette couleur. […] Ce n’est pas nécessairement un signe de génie que d’écrire une pièce qui soit une date, grande ou petite.

2211. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Il a poussé à l’extrême — car il est de l’espèce des génies excessifs — toutes les qualités et tous les défauts d’une race qui, après avoir écrit le premier Faust, croit devoir écrire le second, et à qui il ne faut pas moins de trois tragédies pour mettre en scène l’histoire de Wallenstein. […]   1° 1871-1876 : — En 1852, dans une Communication a mes amis, préface à une édition des premiers poèmes, Richard Wagner déclara qu’il n’écrivait plus de « pièces de répertoire », et qu’il ne voulait voir représenter ses œuvres « qu’à un endroit fixe, et en des conditions spéciales. » (IV, 372 et 417). […] Ne voyait-il pas écrit devant lui, en l’œuvre de Bach, le mot expliquant l’énigme de son Rêve intérieur ; ce mot que, jadis, le pauvre Cantor de Leipzig avait tracé, comme le symbole éternel d’un Univers inconnu et nouveau ? […] La Revue Wagnerienne, devant signaler les articles développés écrits à propos de Richard Wagner, note un article de la Revue des Deux Mondes, relatif aux Maîtres Chanteurs, et signé par le nom de C. […] Cependant, les poètes du siècle passé avaient pressenti le rôle de la Musique ; Schiller écrivait, en 1797, à Goethe : « j’ai toujours eu confiance que de l’opéra, comme autrefois des chœurs des antiques fêtes dionysiaques, surgirait une plus noble forme de tragédie. » C’est Beethoven qui rendit la musique capable de faire ce qu’on attendait d’elle, et Wagner est le grand disciple de Beethoven, l’héritier direct des poètes classiques.

2212. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Mercredi 9 janvier Bonvin, qui m’avait écrit, qu’il illustrait Sœur Philomène, vient aujourd’hui me voir. […] Il oublie qu’il m’a entendu, bien des fois, proclamer mon admiration pour des épithètes, comme la nudité intrépide des pêcheuses de Boulogne, de Michelet, comme gambades rêveuses de Hugo, dans La Fête à Thérèse, — et c’est curieux, ce reproche de sa plume s’adressant à moi, qui ai écrit dans Idées et sensations — un livre qui lui est dédié par parenthèse, — qui ai écrit, que c’était avant tout à l’épithète, et à l’épithète du caractère de celle qu’il cite, que se reconnaît le grand écrivain. […] c’est un fameux âne en céramique, celui qui a écrit ces lignes ! […] Je crois que l’heure présente donne fièrement raison à cette pensée, écrite en 1830. […] cet homme qui, dans la souffrance, a des sensations distinguées, assaisonnées de remarques et de réflexions presque littéraires, lorsqu’il écrit, est absolument dénué de littérature, et ne se doute pas du tout de ce qui fait la beauté d’un livre.

2213. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

dans cette maison de silence et de paix, un jeune homme obscur, timide, que Lamennais, distrait par ses visions sociales apocalyptiques, ne distingua jamais des autres, à qui il ne supposait que des facultés très ordinaires, et qui dans ce même temps où le maître forgeait sur son enclume ces foudres qu’on appelle les Paroles d’un croyant, écrivait, — lui —, des pages intimes beaucoup plus naturelles, plus fraîches, — tranchons le mot, plus belles —, et faites pour toucher à jamais les âmes éprises de cette vie universelle qui s’exhale et se respire au sein des bois, au bord des mers. […] Il use habituellement et de préférence d’un vers que je connais bien pour avoir essayé en mon temps de l’introduire et de l’appliquer, l’alexandrin familier, rompu au ton de la conversation, se prêtant à toutes les sinuosités d’une causerie intime. « Ta poésie chante trop, écrivait-il à sa sœur Eugénie, elle ne cause pas assez. » Il se garde de la strophe comme prenant trop aisément le galop et emportant son cavalier ; il ne se garde pas moins de la stance lamartinienne comme berçant trop mollement son rêveur et son gondolier. […] écrivait l’un d’eux. — Mais pour nous qui n’avons ici qu’à parler de littérature, il est impossible de ne pas noter un tel moment mémorable dans l’histoire morale de ce temps, de n’y pas rattacher le talent de Guérin, de ne pas regretter que l’éminent et impétueux esprit qui couvait déjà des tempêtes n’ait pas fait alors comme le disciple obscur, caché sous son aile, qu’il n’ait pas ouvert son cœur et son oreille à quelques sons de la flûte pastorale ; qu’au lieu de se déchaîner en idée sur la société et de n’y voir qu’enfer, cachots, souterrains, égouts (toutes images qui lui reviennent perpétuellement et qui l’obsèdent), il n’ait pas regardé plus souvent du côté de la nature, pour s’y adoucir et s’y calmer. Et pourtant, ce même M. de Lamennais écrivait, quelques mois après, à l’une de ses pieuses amies en Italie : Vous allez entrer dans le printemps, plus hâtif qu’en France dans le pays que vous habitez ; j’espère qu’il aura sur votre santé une influence heureuse.

2214. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Byron, qui avait pour la première fois, non-seulement traversé, comme Chateaubriand, mais parcouru en tous sens et habité la Grèce et l’Orient en 1809, 1810, 1811, en avait rapporté, déjà écrits ou en germe, cet immortel Childe Harold, dont les deux premiers chants parurent en 1812, le Giaour et tous ces poëmes bientôt populaires en Europe, qui mirent le feu aux imaginations à partir de 1816, et qui bientôt consacrèrent dans une même admiration, dans un intérêt commun, à demi mystérieux, les noms de Byron et de la Grèce. […] « Une goutte d’encre tombant chaque matin comme la rosée sur une pensée est féconde. » A force d’écrire et de parler pour la Grèce, — la Grèce elle-même continuant de s’acharner à la délivrance et de combattre, — il s’était créé pour tous une Grèce —, elle se détachait aux yeux sur la carte de l’Europe en traces de sang ; on la voyait en idée, et mieux qu’en idée : on la voulait ; plus ou moins, elle devait désormais se réaliser. […] Quinet, intelligence élevée, imagination féconde, mais trop complexe et qui ne s’est jamais entièrement dégagée, a écrit un livre plein et dense où il y a sans doute de belles pages, mais d’un lyrisme trop soutenu et trop tendu. […] A un certain endroit de l’lliade, parlant de la blessure d’Agamemnon au bras ou à la main, et des douleurs aiguës qu’elle lui causait, Homère compare ces douleurs à celles qu’éprouverait une femme en travail d’enfant ; sur quoi Plutarque se récrie d’admiration : « Les femmes disent que ce n’est point Homère qui a écrit ces vers, mais la femme Homère, après avoir accouché ou pendant qu’elle accouchait encore » ; tant la douleur lancinante de l’enfantement y est bien rendue !

2215. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

La jeunesse est sujette à prendre au pied de la lettre tout ce qui s’écrit ; et, ce qui doit donner à penser à ceux qui écrivent, elle met ses actions, sa personne et sa vie au bout des phrases ; elle s’embarque, corps et âme, sur la foi des paroles. […] Un jour, dans une des feuilles de Paris où il écrivait, il avait laissé échapper, apparemment, quelques-uns de ses soupirs et comme un cri étouffé d’angoisse. La feuille volante alla jusque dans ses montagnes ; une femme, une amie d’enfance, presque une sœur qu’il y avait laissée et qui de loin, tant qu’elle avait pu, n’avait cessé de le suivre avec sollicitude, lut cet article et lui écrivit : « Mon ami, il est temps do vous arrêter et de revenir en arrière ; la route que vous avez prise aboutit à un abîme, et vous ne trouverez en chemin que fatigues et douleurs.

2216. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Racine que j’ai l’honneur d’accuser la réception de votre lettre du 14 avril et que j’ai, monsieur, la douleur de vous écrire qu’au bout de quarante-cinq jours d’une patience très-exemplaire, Dieu nous l’a ôté ce matin entre 3 et 4. […] Divers petits offices à rendre à la famille affligée, comme lettres à écrire, soins à prendre, etc., m’obligent d’être court. » Les lettres suivantes complètent le récit : « Ce dimanche de Quasimodo, 26 avril. — Enfin voilà mon cher ami M.  […] Racine : je les tire d’une lettre que m’a écrite une personne qui se trouva au petit discours que fit l’ecclésiastique de Saint-Sulpice qui avait accompagné le corps et qui le présenta, et à la réponse que fît le confesseur de la maison, nommé M.  […] Un testament de mort, c’est-à-dire un testament écrit ou dicté quand on se croit à l’article de la mort.  

2217. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Supposez un livre écrit dans une langue originelle et muni d’une traduction interlinéaire ; le livre est la nature, la langue originale est l’événement moral, la traduction interlinéaire est l’événement physique, et l’ordre des chapitres est l’ordre des êtres. — Au commencement du livre, la traduction est imprimée en caractères très lisibles et tous bien nets. […] Tel est le livre que les philosophes tâchent d’entendre ; devant le barbouillage final de la première écriture, et devant les lacunes énormes de la seconde, ils s’arrêtent embarrassés, et chacun d’eux décide, non d’après les faits constatés, mais d’après les habitudes de son esprit et les besoins de son cœur. — Les savants proprement dits, les physiciens, les physiologistes, qui ont commencé le livre par le commencement, disent qu’il n’y a là qu’une langue, celle de l’écriture interlinéaire, et que l’autre se ramène à celle-ci ; supposition énorme, puisque les deux langues sont tout à fait différentes. — Les moralistes, les psychologues, les esprits religieux qui ont commencé le livre par la fin et sont pourtant forcés d’avouer que le gros de l’ouvrage est écrit dans un autre idiome, trouvent un mystère inexplicable dans cet assemblage de deux langues, et disent communément qu’il y a là deux livres juxtaposés et bout à bout. […] Nous avons d’abord étudié longuement l’idiome original, et montré que les pages du dernier chapitre, écrites en apparence avec des caractères de diverses sortes, sont toutes écrites avec les mêmes caractères.

2218. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Quand je passais quelques jours sans la voir, elle prenait la peine de venir elle-même chez moi pour s’informer de ce qui me retenait ; elle gardait mon argent de réserve avec le sien dans son tiroir ; elle me préparait, si j’étais malade, au coin de mon feu, les tisanes commandées par le médecin ; elle écrivait à ma mère des nouvelles de mon cœur et de mon âme ; elle aurait remplacé la Providence, si la Providence s’était éclipsée pour moi ; elle prenait à mes poésies, qui n’avaient pas encore paru, un intérêt partial, passionné, que je n’y prenais pas moi-même ; elle me comparait à Racine enfant ; elle était fière de préparer aux Bourbons un poëte encore inconnu, mais qu’elle rendrait royaliste et religieux comme elle. […] Sa sœur survit heureuse et recueillie dans des œuvres de charité au couvent de..., près de Paris, d’où elle m’écrit quand quelque infortune lui rappelle mon nom. […] Je fus prié de faire quelques vers sur le château, et j’écrivis la Méditation intitulée La Roche-Guyon. […] Nullement pressé d’avancement, je lui écrivais sans jamais lui parler de mon ambition.

2219. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Les quarante pages des Contes sont « les plus nourries de choses et de notations diverses, les plus légères d’allure qu’on ait écrites dans notre langue ». […] Et quels massacres des opinions enseignées et convenues   Voilà deux siècles qu’on célèbre Tartufe comme le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre. « N’était le parti pris d’école et presque de faction, écrit M.  […] « La langue d’Amphitryon est la plus souple, la plus épanouie, la plus polie, la plus savoureuse, la plus riante, la plus pure qu’on ait écrite. » Quand il nous parle de Labiche, il n’y a plus que Labiche et son rire épique ; et quand il nous parle d’Octave Feuillet, il n’y a plus qu’Octave Feuillet et son délicieux romanesque, consolateur de l’homme dont le cœur est supérieur à sa fortune. […] Ce moment s’est marqué dans Madame Bovary, dans les Faux bonshommes, le Demi-Monde, le Fils naturel, les écrits philosophiques et historiques de M. 

2220. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

C’est à les contempler que j’ai pris l’idée d’écrire une Salomé. […] * *   * Le dandysme (je l’ai déjà écrit à propos de Baudelaire25) n’est point, comme on l’a cru à tort, une pratique de frivolité. […] S’accoutrer de velours et de dentelles, afficher des couleurs criardes est contraire aux principes du dandysme formulés par Brummel qui enseigne : « Le véritable dandy ne doit jamais se faire remarquer. » Barbey d’Aurevilly, qui le savait puisqu’il a écrit sur Brummel26, n’en a pas tenu compte. […] Il y a gagné d’écrire son chef-d’œuvre.

2221. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Huysmans est seul à posséder, l’art de rendre véridiquement la conversation, d’écrire en style parlé les dires d’un concierge, ou les bavardages de deux artistes ; assurément le réalisme de M.  […] Il dira de l’or d’une étole, qu’il est « assombri et quasi sauré » ; il dira encore : « des hommes soûls turbulaient » ; des fleurs lui apparaîtront « taillées dans la plèvre transparente d’un bœuf » ; il pourra écrire cette phrase : « Attisé comme par de furieux ringards, le soleil s’ouvrit en gueule de four, dardant une lumière presque blanche… grillant les arbres secs, rissolant les gazons jaunis ; une température de fonderie en chauffe pesa sur le logis ». […] Huysmans estparvenu à écrire ce surprenant chapitre VII de A Rebours, qui, racontant les intimes fluctuations d’âme d’un catholique incrédule, dévotieux et inquiet, marque le cours de pensées de théologie ou de scepticisme, par une succession de précises images, accomplissant le tour de force de seize pages de la plus subtile psychologie, écrites presque constamment en termes concrets.

2222. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

On est frappé de la même vue en lisant les écrits des savants et des logiciens au xviie  siècle, Newton excepté. […] Voir aussi Notice de la vie et des écrits de Lesage, par Pierre Prévost ; Genève, 1805. […] Depuis que ces pages ont été écrites, un illustre savant allemand, M.  […] Il a écrit contre lui un livre très-curieux, récemment traduit en français par M. de Tschitchahef, où il accuse Bacon de plagiat, d’ignorance, d’impuissance scientifique.

2223. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

C’est qu’il ne s’agit pas là, comme on s’est plu à le répéter trop souvent, d’une simple question de phrases à écrire en lignes plus ou moins égales, mais bien de l’inspiration même. […] Mais il en est aussi pour qui le moule exact du vers est la source même de leur talent et la raison même d’écrire. […] III Après la lettre écrite à cette occasion par M.  […] Ils auraient, par exemple, bravement écrit : Le verger vert avec son odeur d’estragons — (s à la fin du mot) ; à moins que, par égard pour la rime aux yeux, ils n’aient découvert quelque chose de ce genre : Le verger vert et ses odorants estragons, composant ainsi un vers absolument mauvais, tout en croyant respecter la Muse.

2224. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Voici une page écrite sans légèreté et sans emphase, noble ; mesurée, et pourtant pressante, d’un style ample et grave, sans rien de monotone ou d’académique, qui semble du dix-septième siècle et qui n’est point une copie, qu’on peut relire dix fois, et qu’on trouvera toujours plus belle, et qui, certainement, donne une idée de la perfection : Depuis les premiers jours des sociétés humaines jusqu’à la venue de Jésus-Christ, tandis que dans un coin du monde une race privilégiée gardait le dépôt de la doctrine révélée, qui, je vous prie, a enseigné aux hommes, sous l’empire de religions extravagantes et de cultes souvent monstrueux, qui leur a enseigné qu’ils possèdent une âme, et une âme libre, capable de faire le mal, mais capable aussi de faire le bien ? […] Cousin opère ce miracle ; son raisonnement n’a l’air bon que parce qu’il est mal écrit. […] Une Allemande, dit Gœthe, reconnut que son amant commençait à la tromper, parce qu’il se mettait à lui écrire en français. […] Il a dépouillé sa poésie, il est resté simple orateur ; son style est devenu plus mesuré ; et cependant sa jeunesse parfois lui revient ; il s’enflamme encore ; on sent alors qu’il oublie ses auditeurs ; il voit son idée se lever devant lui ; il s’éprend d’amour pour elle ; il retrouve son enthousiasme ; il écrit cette phrase dont j’entends d’ici l’accent transporté et poétique.

2225. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

On disserte avec Mlle de Scudéri, on fait des portraits avec Mademoiselle, on apprend le pur français avec Vaugelas, et l’on se pique de bien parler et bien écrire. […] Voici un billet de la marquise de Sablé au sujet de la petite vérole de Mlle de Bourbon, « badinage agréable », si l’on veut, mais écrit avec la solidité d’un raisonnement métaphysique. […] L’emploi du style régulier et des mots généraux contribuait encore à effacer l’originalité des idées ; souvent une remarque ordinaire, écrite en style familier ou tournée en manière de paradoxe, amuse ; mais alors le tour familier eût paru bas, et le tour paradoxal eût semblé choquant. […] Appelez l’éloquence à votre aide, faites des panégyriques, prononçez des oraisons funèbres, enseignez la morale au public, établissez des théories sur le beau, rassemblez des documents inédits ; soyez orateur, professeur, prédicateur, tout ce qu’il vous plaira : vous ne parviendrez qu’à écrire longuement une histoire froide.

2226. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

ce feuilleton était l’un des plus gais et des plus spirituels que Geoffroy eût jamais écrits. […] Il a eu le rare bonheur de se trouver dans des circonstances en harmonie avec son genre de talent : il était né pour écrire des feuilletons. […] Il écrit mal, il est vrai ; mais il pense avec force : c’est dommage que la corruption de son goût ternisse l’éclat de ses idées ; c’est un Hercule qui veut se travestir en Adonis. […] Boursault, ayant perdu tout son argent au jeu dans un voyage, et ne sachant plus que devenir, s’avisa d’écrire à M.  […] La scène où le père du Menteur accable son fils des plus sanglants reproches, est écrite en son genre aussi fortement que Pompée.

2227. (1757) Réflexions sur le goût

La Motte a avancé que les vers n’étaient pas essentiels aux pièces de théâtre : pour prouver cette opinion, très soutenable en elle-même, il a écrit contre la poésie, et par là il n’a fait que nuire à sa cause ; il ne lui restait plus qu’à écrire contre la musique, pour prouver que le chant n’est pas essentiel à la tragédie. Sans combattre le préjugé par des paradoxes, il avait, ce me semble, un moyen plus court de l’attaquer ; c’était d’écrire Inès de Castro en prose ; l’extrême intérêt du sujet permettait de risquer l’innovation, et peut-être aurions-nous un genre de plus.

2228. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

» Serait-ce donc là une destinée pour tout livre écrit sur l’Amérique, que la contradiction, la contradiction éternelle ? […] peut-être trop sceptique et trop moderne pour bien écrire l’Histoire, cette suite, non de partis pris, mais de partis à prendre ; car à quoi bon écrire pour l’instruction des autres, si vous augmentez en eux les anxiétés de l’ignorance et les embarras du savoir ?

2229. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Soury a écrit un livre encore plus odieux que celui de M.  […] Je savais qu’il écrivait à la Revue des Deux Mondes, ce qui n’est un honneur pour personne, et qu’il feuilletonisait à la République française. […] Il écrit ces horribles et grotesques paroles, qu’il faut citer, quoi qu’il en coûte, pour donner une idée du livre de M. 

2230. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

« Je me hâte de dire — écrit-il avec majesté — que le livre de M. de Feuchtersleben a toutes mes sympathies. » Quant à M.  […] Et il n’avait jamais été indécis, pas même d’écrire cela ! […] Mais il y a perdu son latin, car il écrivait en latin.

2231. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

L’auteur du livre ou du mémoire que nous annonçons l’avait médité et l’avait écrit depuis bien des années, ajoutant chaque jour à ses observations et à ses premières expériences. […] voilà qu’il trouve, pour résultat d’une étude faite dans les écrits de nos plus forts manigraphes et de nos physiologistes les plus avancés, la conclusion déconcertante que les anciennes possessions, au sens théologique du mot, se retrouvent trait pour trait au xixe  siècle, et que le Moyen Age, dont on s’est tant moqué, a ici, comme en tant d’autres choses, victorieusement raison contre l’Institut. […] Nous l’avons dit parfois, à propos de ce surnaturalisme dont il faudra bien finir par s’occuper sérieusement, tant il nous pèse sur la tête : nul écrit n’avait paru encore (et nous l’avons regretté) qui révélât dans son auteur une conception supérieure et donnât le signal d’une haute discussion.

2232. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Il est devenu un érudit de volonté, mais quand il écrivait son livre intitulé : La Fontaine et ses Fables, qui fut, je crois, sa Thèse pour le Doctorat, et qu’il a reprise et parachevée (1875), il débutait dans les lettres et il avait alors la fraîcheur et la vie d’un esprit jeune qu’il a trop sacrifié depuis à toutes les disgrâces de l’érudition. […] Assurément, quelle que soit la plume qui sera chargée d’écrire l’Introduction sur La Fontaine dans la belle édition de Lemerre, il lui sera bien difficile de lutter avec ce livre-là ! […] Mettez telle épithète que vous voudrez à Virgile, à Shakespeare, à Dante, à Corneille, qu’on appelle aussi parfois le bonhomme, à la condition d’ajouter son nom immédiatement après, vous serez obligé, pour vous faire entendre, d’écrire leur nom à tous derrière leur épithète, tandis qu’en parlant de La Fontaine, vous n’avez qu’à dire : « le bonhomme », et la Gloire ne pourra s’y méprendre ; car toute la terre aura compris.

2233. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Son défaut est de toujours écrire, et de ne jamais parler. […] Il y a des mots qui disent plus que vingt pages, et des faits qui sont au-dessus de l’art de tous les orateurs ; par exemple, le mot de Saint-Hilaire à son fils : Ce n’est pas moi qu’il faut pleurer, c’est ce grand homme  ; et ce trait du fermier de Champagne qui vint demander la résiliation de son bail, parce que, Turenne mort, il croyait qu’on ne pouvait plus ni semer, ni moissonner en sûreté ; et cette réponse, si grande et si simple, à un homme qui lui demandait comment il avait perdu la bataille de Rhétel, par ma faute  ; et cette lettre qu’il écrivit au sortir d’une victoire : « Les ennemis sont venus nous attaquer, nous les avons battus ; Dieu en soit loué. […] « Monseigneur, si vous êtes honnête homme, vous m’aimerez ; si vous ne l’êtes pas, vous me haïrez, et je m’en consolerai. » Plusieurs personnes ont lu cette fameuse lettre qu’il écrivit au même prince, et qu’on ne saurait, trop citer.

2234. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Pour tout dire, en un mot, c’est d’après ce monde et pour ce monde que Machiavel écrivit son Prince. […] Deux ans avant la révolution, il écrivait à son cousin : « Véritablement, aucune pauvre créature n’a plus de causes que moi de se mettre en avant pour la cause de son Dieu. […] Au moment d’entrer en Irlande et d’y massacrer les catholiques, il écrivait à sa belle-fille une lettre de direction que Baxter ou Taylor eussent volontiers signée. Du milieu des affaires, en 1651, il exhortait ainsi sa femme : « Ma très-chère, je ne puis me décider à manquer cette poste, quoique j’aie beaucoup à écrire. […] Il les écrit : c’est là son livre.

2235. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

C’est ainsi que certains paysages ne sont que des copies correctes d’un original écrit dans une langue étrangère. — L’artiste initié au secret divin de l’art entend la voix de la nature qui raconte ses mystères infinis par les arbres, par les plantes, par les fleurs, par les eaux et par les montagnes. […] J’ai toujours paru ne me préoccuper d’art qu’incidemment ; j’en ai rarement écrit, bien persuadé que, pour être tout à fait compétent en ces matières, il faut y passer sa vie ; mais je n’ai cessé tant que j’ai pu de voir et de regarder, et je n’ai pas laissé l’occasion de dire mon mot et de donner mon coup de collier à ma manière.

2236. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Il me reste maintenant à examiner, d’après l’influence que les lois, les religions et les mœurs ont exercée de tout temps sur la littérature, quels changements les institutions nouvelles, en France, pourraient apporter dans le caractère des écrits. […] C’est pour obtenir du crédit ou du pouvoir qu’on étudie la direction de l’opinion du moment ; mais qui veut penser, qui veut écrire, ne doit consulter que la conviction solitaire d’une raison méditative.

2237. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

Il est vrai que l’érudition de ce Savant a dû leur être incommode, par son zele à relever quantité de bévues répandues dans leurs Ecrits & à redresser les falsifications qu’ils se sont permises pour appuyer leurs systêmes. […] En attendant, ordre à lui de n’écrire que très peu en François, & défense de parler jamais de Grec. » M.

2238. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler Strabon qui a vécu sous le regne d’Auguste, nous apprend d’où procedoit la signification abusive que le mot de chant, celui de chanter et leurs dérivez avoient alors. […] Donat et Euthemius, qui ont vécu sous le regne de Constantin Le Grand, disent dans l’écrit intitulé : de tragedia et comedia commentatiunculae, que la tragedie et la comedie ne consistoient d’abord que dans des vers mis en musique, et que chantoit un choeur soutenu d’un accompagnement d’instrumens à vent.

2239. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

Le recueil de ses discours est la plus magnifique table de matières qu’on ait jamais tracée pour un traité de morale qu’il n’écrivit pas, mais dont il parla peut-être quelques chapitres, les jours où l’inspiration de la chaire, cette inspiration qui consume tout du génie d’un homme, le saisissait ! […] Fénelon, qu’on a trop grandi de toutes manières, bel esprit bien plus que grand esprit, continuant la Renaissance sous Louis XIV, Fénelon, ce grec en français, mais dont la forme antique pâlit devant celle d’André Chénier comme un poncif pâlit devant la vie, Fénelon n’a vraiment de talent personnel et incontestable que dans son Existence de Dieu, le plus éloquent fragment de métaphysique qu’on ait écrit, et ses Lettres spirituelles, ses œuvres de conseil et de direction.

2240. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Du reste, ces règles-là ne s’écrivent pas dans les poétiques. […] L’alexandrin les avait tant de fois ennuyés, qu’ils l’ont condamné, en quelque sorte, sans vouloir l’entendre, et ont conclu, un peu précipitamment peut-être, que le drame devait être écrit en prose. […] Une autre fraction de la réforme inclinerait pour le drame écrit en vers et en prose tout à la fois, comme a fait Shakespeare. […] Au reste, que le drame soit écrit en prose, qu’il soit écrit en vers, qu’il soit écrit en vers et en prose, ce n’est là qu’une question secondaire. […] Celui qui écrit ceci, en présence de ce rare et frappant ensemble, sentit que la silhouette passionnée de Bossuet ne lui suffisait plus.

2241. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Enfin la maison de commerce de Paris, avec laquelle j’avais contracté un marché de dix ans, m’écrit qu’elle désire résilier son contrat. […] Ce que je fais ; vous écririez à vos braves créanciers : ne venez pas d’ici à trois ou quatre mois. […] Je vais lui écrire sans savoir son nom ; je lui demanderai s’il connaît M. de Lamartine, que nous avons l’intention d’aller visiter, et s’il pourrait nous dire que nous le trouverions à Saint-Point ou à Milly ? […] On entrait ensuite dans la salle à manger qui avait été autrefois votre salle d’études quand vous appreniez à écrire sous M. de Vaudran. […] Après une longue station au bord de l’eau, la petite fille nous conduisit sur la rive du bois, et un grand chêne qu’on appelle le chêne de Jocelyn, du nom du livre où ce poëme fut écrit.

2242. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Le sort en est jeté, j’écris ce livre : qu’il soit lu par mes contemporains ou par la postérité, n’importe ; il peut bien attendre un lecteur pendant un siècle, puisque Dieu lui-même a manqué, durant six mille années, d’un contemplateur tel que moi. » Cette expression hardie d’un orgueilleux enthousiasme prouve la force intérieure du génie. […] Quand un livre paraît, que de moments heureux n’a-t-il pas déjà valu à celui qui l’écrivit selon son cœur et comme un acte de son culte ! […] Madame de Staël, élevée à cette école d’où sortit plus tard la secte politique de 1830, qu’on appela doctrinaire, non à cause de ses doctrines, mais à cause de son dogmatisme, ne comprenait pas assez la révolution française pour en écrire. […] Elle écrivait avec génie le non-sens du vulgaire. […] Que serait-ce qu’une femme sur la tombe de laquelle on ne pourrait écrire, pour toute épitaphe, que ce vain mot : Elle a brillé !

2243. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Dieu seul connaît le but et la route, l’homme ne sait rien ; faux prophète, il prophétise à tout hasard, et quand les choses futures éclosent au rebours de ses prévisions, il n’est plus là pour recevoir le démenti de la destinée, il est couché dans sa nuit et dans son silence ; il dort son sommeil, et d’autres générations écrivent sur sa poussière d’autres rêves aussi vains, aussi fugitifs que les siens ! […] Je me disais : on ne voudra pas les lire, ils paraîtront étranges, bizarres, insensés, et je les brûlais à peine écrits. […] Ce que j’ai écrit depuis ne valait pas mieux, mais le temps avait changé ; la poésie était revenue en France avec la liberté, avec la pensée, avec la vie morale que nous rendit la restauration. […] Antar, ce type de l’Arabe errant, à la fois pasteur, guerrier et poète, qui a écrit le désert tout entier dans ses poésies nationales ; épique comme Homère, plaintif comme Job, amoureux comme Théocrite, philosophe comme Salomon. […] Non, il n’y eut jamais autant de poètes et plus de poésie qu’il n’y en a en France et en Europe au moment où j’écris ces lignes, au moment où quelques esprits superficiels ou préoccupés s’écrient que la poésie a accompli ses destinées, et prophétisent la décadence de l’humanité.

2244. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

… A tant d’illustres directeurs allemands qui devant la partition de Tristan ou du Ring « trouvent », je préfère celui qui se contente de vouloir — et d’avoir — ce qui est écrit. — Mais si l’on savait ce qu’est une pareille tâche, être exact ! […] Science, contrepoint, facture à la façon des maîtres classiques, voilà les qualités qu’il estime le plus hautement, et celui-là sera jugé le plus grand qui saura le mieux écrire une fugue. […] Notre presse — musicale ou non — se hâta d’écrire des articles très fins sur Wagner : un homme qui disait savoir plus en musique que nos meilleurs professeurs ; un homme qui avait annoncé son intention de détruire l’opéra et de le reconstruire à neuf d’après un système nouveau. […] Un des plus importants est Frédéric Corder qui a traduit tous les poèmes du Maître en anglais et qui a écrit des analyses très lucides et très soignées de presque tous ses drames14. […] Un cruel rédacteur en chef ne m’a donné que quelques jours pour écrire ce qui demandait plusieurs semaines, mes lecteurs me plaindront et me pardonneront ; et ils se souviendront encore que je me sers d’une langue étrangère et horriblement difficile !

2245. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Car tout ce qu’il y a là-dedans, je le saisi Tout ce qu’il y a là-dedans est déjà vieux sous la plume de l’homme qui l’écrit ! et qui n’écrira plus jamais que ces sortes de choses, parce que le temps et surtout l’orgueil ont solidifié son génie au point qu’il lui serait impossible, quand même il le voudrait, de seulement le modifier. […] L’ombre. » Un jour, il écrira le mot : « Je », puis il mettra un point, et on criera à la pensée ! […] Mais quant au livre même, ce n’est pas amusant qu’il faut écrire. […] — par le fait de son sujet et indépendamment de la valeur de l’homme qui l’a écrit.

2246. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

. —  Comment sa vie et son caractère ont contribué à l’agrément et à l’utilité de ses écrits. […] Il employait tout son talent et tous ses écrits à nous donner le sentiment de ce que nous valons et de ce que nous devons être. […] Il écrit des articles entiers contre les jeunes gens à la mode, « sorte de vermine » qui remplit Londres de ses bâtards ; contre les séducteurs de profession, qui sont les « chevaliers errants » du vice […] Il écrit le journal satirique de l’homme qui va au club, apprend les nouvelles, bâille, regarde le baromètre, et croit son temps bien rempli. […] Addison lui donne tout ce qu’il désire ; ses écrits sont la pure source du style classique ; jamais en Angleterre on n’a parlé de meilleur ton.

2247. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Il n’écrivit que ce qu’il avait vu ou appris de la bouche des plus érudits de ses contemporains. […] Thucydide, alors âgé de quinze ans, assistait à cette lecture, et c’est là que ce jeune homme, déjà lettré, conçut la pensée d’écrire lui-même. […] On y lit encore son épitaphe : « Cette terre recouvre le corps d’Hérodote, fils de Tixès, maître en l’art d’écrire. […] » Harpagus répliqua qu’il pouvait justement le regarder comme son propre ouvrage, puisque c’était lui qui avait écrit à Cyrus pour le lui conseiller […] Il écrivait bien des siècles après eux et dans un style fort différent.

2248. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Ils assurent à son ouvrage un intérêt particulier, au milieu de tant d’écrits qui se confondent bien plus qu’ils ne se distinguent par la noblesse des intentions et des sentiments. […] L’auteur étale trop souvent peut-être ce vague instinct de sentiment, qu’il ne faut ni dédaigner ni prodiguer, et dont madame de Staël elle-même n’a pas toujours été assez sobre dans ses admirables écrits.

2249. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VI. Recherche des effets produits par une œuvre littéraire » pp. 76-80

Corneille, au contraire, bénéficie de ce qu’il a regimbé contre les théories d’Aristote, écrit des tragi-comédies et des comédies héroïques ; c’est un ancêtre, un précurseur. […] Le plus aveugle ne saurait méconnaître la puissance de destruction que les écrits de Montesquieu et de Voltaire ont eue sur la croyance au dogme catholique.

2250. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Ils ont été écrits en même temps que le reste de l’ouvrage, ils datent de la même époque et sont venus de la même pensée, ils ont toujours fait partie du manuscrit de Notre-Dame de Paris. […] À l’heure où nous écrivons, spectacle déplorable !

2251. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Il écrivit même des choses obligeantes à Sophocle, qui, s’étant embarqué pour l’isle de Chio, portant avec lui tous ses manuscrits, avoit couru risque de faire naufrage. […] Il parle, il écrit tant contre son rival, que celui-ci perd enfin patience, & repousse les injures par des injures.

2252. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Mais, à la charge qu’à l’avenir il ne vous arrivera plus d’écrire contre Voiture. […] Après un court examen, il ordonna aux deux écrivains, dont la querelle avoit amusé si longtemps la ville & les provinces, qu’ils eussent à ne plus écrire l’un contre l’autre.

2253. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Mais l’éneïde, l’ouvrage du poëte le plus accompli qui jamais ait écrit, a, pour ainsi dire, des moïens de reste de faire fortune. […] C’est ce que je tâcherai d’expliquer plus au long dans la suite de cet écrit.

2254. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Mais il écrit en parfait honnête homme, on voit qu’il ne cherche point du tout la gloire d’orateur ; il veut persuader solidement, rien de plus. […] Le public les reconnaîtra dans la rue ; il n’y a plus qu’à écrire des noms sous ses portraits. […] Ils ont fait des mœurs et non des écrits. […] Les ecclésiastiques qui les écrivent, Clarke, Bentley, Law, Watt, Warburton, Butler, sont au niveau de la science et de l’intelligence laïques. […] Quelquefois le discours parlé ou écrit n’a pas trop d’un volume pour déployer le cortége de ses preuves multipliées et de ses courageuses colères.

2255. (1813) Réflexions sur le suicide

J’ai écrit ces réflexions sur le Suicide, dans un moment où le malheur me faisait éprouver le besoin de me fortifier par le secours de la méditation. […] cette femme se confie assez dans l’action qu’elle commet pour écrire en mourant : qu’elle veillera du haut des cieux sur sa fille . […] Les belles âmes par leurs écrits ou par leurs actions dispersent quelquefois les cendres qui couvraient le Feu sacré. […] Je voulais ne lui parler que de ces illustres morts dont les écrits m’ont ouvert une carrière de réflexions sans bornes. […] je ramenai l’entretien sur les écrits plus sévères des philosophes.

2256. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Liberté chez vous, inviolabilité de chacun, répression d’un seul par tous quand un seul veut se substituer par ambition au droit de tous : tel est le droit public, Grotius, Pufendorf, Burlamaqui, l’ont rédigé ; mais il est écrit mieux encore dans le bon sens et dans la conscience, ces deux législations divines de la civilisation. […] Sa force était de tout comprendre, mais non de tout dominer, même le peuple ; c’était une intelligence suprême, mais une intelligence à demi-voix ; il ne parlait qu’à l’oreille, comme la persuasion ; il n’écrivait même bien qu’avec réflexion, lenteur et clarté, mais sans chaleur. […] Jamais je n’oublierai certaines matinées sombres du mois de novembre, où les brouillards froids et épais de Londres empêchaient de distinguer le jour de la nuit, et forçaient le diplomate matinal à écrire ses dépêches à la lampe, sur un petit guéridon au pied de son lit. […] C’était le moment où les conférences de Londres tenaient en suspens tous les jours la guerre ou la paix ; tous les jours aussi il écrivait un compte rendu de la séance à M.  […] Nul ne le sait, nul ne le saura tant que les papiers de ce roi, qui écrivait tant, ne seront pas révélés à l’histoire.

2257. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Quelques-uns suspectaient bien un peu la fidélité littéraire de M. de Surville, et croyaient qu’il voulait dérober au quinzième siècle sa naïveté originale pour s’en parer lui-même, sous le nom de cette femme éminente qui avait alors illustré sa maison ; mais cette naïveté même répondait victorieusement à ces soupçons, car M. de Surville écrivait lui-même des poésies personnelles empreintes d’un tout autre caractère. […] écrivait-elle peu d’années avant la Révolution, pourquoi me flatterais-je d’un tel espoir, tandis qu’un mal affreux me dévore (elle était attaquée d’un cancer au sein) et me ravit jusques au calme du sommeil ? […] XII Mais bientôt après, le souvenir cher et brûlant de son époux Bérenger la reprend, et elle lui écrit une lettre où l’amour de sa patrie, ravagée par les Bourguignons et les Anglais, se mêle à l’amour pour Bérenger. […] XIII Après cette touchante et héroïque invocation au héros qu’elle aime, elle écrit à la belle Rocca sa douce amie une lettre en vers pleine des plus habiles leçons de poésie, interrompues par des descriptions dignes de Pétrarque. […] De tels vers ne peuvent avoir été écrits que par une femme sublime, une amante, une épouse, une mère, une veuve, une aïeule, un poëte, une amie des plus grands hommes et des premières femmes de son temps ; la naïveté a des caractères qu’aucun artifice ne peut imiter.

2258. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

C’est le cas, par exemple, pour les écrits qui traitent des sciences concrètes et sont appelés à tracer des descriptions du monde extérieur ou bien pour ceux qui exposent quelque vaste théorie. […] Ce péril se fait déjà sentir dans les ouvrages essentiellement scientifiques ; mais il est plus sensible et plus grave encore dans les genres d’écrits qui sont mitoyens entre la littérature et la science, tels que l’histoire et la philosophie. […] Heureusement, à mesure qu’on avance, les méthodes deviennent plus sévères et le départ se fait plus nettement entre les deux collaboratrices qui travaillent côte à côte dans ces sortes d’écrits. […] C’est Montesquieu qui écrit ses Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains. […] La science devient encore et surtout poétique, parce qu’elle transforme et renouvelle en nous la conception du monde, parce qu’elle fait naître une philosophie plus complexe et plus large que les vieux systèmes désormais dépassés. « La poésie, écrivait Lamartine123, sera de la raison chantée.

2259. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Certains malades ont oublié une des langues qu’ils savent ; d’autres ne savent plus écrire et savent encore parler ; d’autres ne savent plus parler et savent écrire ; d’autres ne peuvent ni parler ni écrire, mais reconnaissent le sens des mots qu’en prononce ou qu’on écrit. […] Il regardait alors les mots de sa liste écrite, et toutes les fois que les mêmes mots écrits frappaient ses yeux, il les comprenait parfaitement.

2260. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

tenez, il est à moitié fait… » Là-dessus, il se met à causer avec nous de la Révolution de 89 et de celle de 48, nous racontant qu’au 15 mai, Mme Barrière, examinatrice aux examens d’institutrices à l’Hôtel de Ville, venait d’écrire sur le tableau une difficulté de participe, lorsqu’on entendit un grand bruit et qu’on lui cria de se sauver. Et la liste du gouvernement provisoire fut écrite au-dessous de la difficulté de participe. […] Je marche un assez long temps derrière elle, puis ramassant tout mon courage, je la dépasse, reviens sur elle, la salue très émotionné, et, après quelques mots vagues et balbutiants, lui demande la permission de lui écrire. — « M’écrire… qu’avez-vous à m’écrire ? […] Madame, je suis affreusement timide, et j’ai à vous écrire ce que je n’ose vous dire.

2261. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Pas une page et pas une suite de pages du poète, qui ne soit ainsi écrite par une série petite ou énorme de variations aisément séparables. […] De même sont écrits les portraits du capitaine Clubin, de Déruchette et de Gilliat, de la duchessé Josiane et d’Ursus, de Javert, de Fan-tine et de Thénardier. […] Hugo d’écrire les singulières pièces finales de la Légende des Siècles et des Contemplations, ces tentatives désespérées d’exprimer l’inexprimable et l’inintelligible, où le poète livrant avec les mots une terrible bataille à de vagues ombres d’idées, accomplit ses plus merveilleux prodiges de parolier, et mesure ses plus profondes chutes. […] Elles débutent comme au hasard par un aphorisme quelconque, et continuent au cours des phrases sans que l’on puisse deviner le motif intérieur qui a poussé le poète à écrire. […] Hugo(car la psychologie ne distingue pas la parole prononcée de la parole écrite) que nous allons partir, quitte à revenir sur nos raisonnements, si l’explication qu’elles nous auront fournie ne rend pas compte également des facultés mentales du poète.

2262. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Lorsque les événements vinrent changer la face de la France et la remirent elle-même à sa place sur les degrés du trône impérial, un de ses premiers soins, pour le commencement de l’année 1853, fut d’écrire à l’empereur Nicolas et de remplir envers lui ses devoirs d’usage à titre de parente ; mais sa lettre portait naturellement la marque de sa situation nouvelle : il lui répondit (10 janvier 1853) : J’ai eu grand plaisir, ma chère nièce, à recevoir votre bonne et aimable lettre. […] La lettre du jour de l’an 1854 fut écrite sous cette inspiration du dedans qui sait démêler la ligne à suivre entre des obligations inégalement contraires et qui ne sacrifie rien de légitime. […] La subtilité en tout genre la choque et lui est antipathique ; et dernièrement, à propos des écrits fort vantés d’une femme d’esprit, mais alambiquée, mais subtile et étrangement mystique, elle se refusait à comprendre qu’il fallût être aussi parfaite pour bien vivre et bien mourir : « L’un, disait-elle, est facile à faire avec un bon cœur et de la droiture, l’autre avec la résignation et la confiance. » La princesse Mathilde passe régulièrement une moitié de l’année à Paris, et l’autre moitié à la campagne, au château de Saint-Gratien.

2263. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Le bel âge dans la vie pour écrire des romans, autant qu’il me semble, c’est l’âge de la seconde jeunesse ; ce qui répond, dans une journée d’été, à cette seconde matinée de deux à cinq heures qui est peut-être le plus doux temps à la campagne, sur un sopha, le store baissé, pour les lire. […] Hugo nous apprend qu’en 1818, à seize ans, il paria qu’il écrirait un roman en quinze jours, et que Bug-Jargal provint de cette gageure. […] Quand l’auteur écrivait cette nouvelle, c’était encore l’amitié, l’amitié solennelle et magnanime, l’amitié lacédémonienne telle qu’on l’idéalise à quinze ans, qui occupait le premier plan dans son âme. 

2264. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

On ne puise qu’en soi-même, quoi qu’on fasse, et l’on ne met que son âme ou sa vie sur sa toile ou dans ses écrits. » Cette dernière vérité a une portée plus grande et une application plus rigoureuse qu’on n’est tenté de se le figurer, lorsqu’on est artiste de métier et qu’on croit avant tout à la puissance propre du talent et à une certaine verve de la nature. […] Manzoni le savait bien, lorsqu’il rappelait ce mot à Fauriel : « L’imagination, quand elle s’applique aux idées morales, se fortifie et redouble d’énergie avec l’âge au lieu de se refroidir. » Racine, après des années de silence, en sort un jour pour écrire Athalie. […] Au-dessus de ces sept ou huit volumes qui tenaient sur un seul rayon, on voyait, en manière de trophée, une plume d’aigle donnée par Émile Deschamps, et avec laquelle Soumet était censé avoir écrit son poëme ; il vous la montrait sans sourire ; mais bientôt toutes ces solennités d’apparat ne tenaient pas, et quelque plaisanterie soudaine, quelque frivolité spirituelle venait plutôt trahir le trop peu de sérieux du fond.

2265. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Si l’on voulait relever tout ce qu’il y a de faux et d’inexact dans les six volumes in-8° que nous avons sous les yeux, il en faudrait écrire au moins six autres. […] « Les patriciens lisaient ces écrits, et leur accordaient volontiers ce sourire de compassion qu’ils eussent donné aux rêveries d’un poète en délire. » L’heureux temps pour les gens de lettres ! […] Si cette principale partie de l’ouvrage offre moins d’absurdités choquantes et puériles, elle n’est pas écrite avec plus de vérité, ni surtout plus de talent.

2266. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Il a semblé à l’éminent écrivain que tout un côté de la question était à remettre en lumière et à traiter avec cette sévérité d’analyse et cette autorité de raison qui lui appartiennent, et dont il a donné tant de preuves en ses autres écrits. […] Il fait voir la contradiction révoltante qu’il y avait à mettre sous la protection de Néron un poëme soi-disant écrit pour restaurer l’idée de République et de liberté : « Que si les Destins n’ont pas trouvé d’autre chemin pour frayer la route à Néron, s’écrie en commençant le poëte, si les règnes immortels et divins s’achètent toujours cher, et si pour assurer l’empire du Ciel à Jupiter, il fallait les horribles batailles des géants, alors, ô Dieux ! […] Quand donc ceux qui écrivent et qui parlent à tous sauront-ils franchement le confesser et le reconnaître ?

2267. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Comment néanmoins pourrait-on écrire philosophiquement dans un pays où les récompenses distribuées par un roi, par un homme, seraient les simulacres de la gloire ? […] L’un sauva sa patrie par son éloquence oratoire et ses talents consulaires ; l’autre, dans ses commentaires, écrivit ce qu’il avait fait ; l’autre enfin, par le charme de son style, l’élévation philosophique dont ses lettres portent le caractère, se fit aimer comme un homme rempli de l’humanité la plus douce, malgré l’énergique horreur de l’assassinat qu’il commit. […] Si vous laissez la nation froide sur l’estime, vous brisez en elle aussi le ressort du mépris ; et si quelques détracteurs libellistes confondent dans leurs écrits l’homme vertueux et le criminel, vous n’aurez point inspiré à tous les citoyens ce mouvement d’un saint amour pour leur bienfaiteur, ce mouvement qui repousse la calomnie comme un sacrilège.

2268. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Si l’on pouvait, en évitant la confusion, suivre la chronologie sans distinguer les genres, il faudrait introduire Rutebeuf entre les deux parties du Roman de la Rose : car il écrit après Guillaume de Lorris, dont les allégories visiblement l’enchantent et l’inspirent. Mais il écrit avant Jean de Meung, qui n’est pas aussi sans l’avoir lu. […] Rutebeuf fut, dans cette chaude dispute, aux côtés de Guillaume de Saint-Amour : le théologien dans ses sermons et ses écrits, le poète dans ses vers firent des charges également vigoureuses et inutiles contre les jacobins envahisseurs : et quand on songe que parmi ceux qu’ils voulaient renfermer dans leurs couvents, il y avait un saint Thomas, ou ne peut qu’applaudir à leur défaite.

2269. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Je me figurais que le poète qui portait ce nom harmonieux et fleuri avait dû être quelque cavalier merveilleusement élégant et fier, et qu’il avait dû écrire des vers plus beaux qu’aucun de ses compagnons, des vers d’un tour plus hautain et d’une mythologie plus fastueuse. […] Et, en effet, il n’a guère écrit que des sonnets, et il est assurément, avec le poète des Épreuves et dans un genre très différent, le premier de nos sonnettistes. […] Et c’est pourquoi il a consacré à ces grands aventuriers, outre quelques-uns de ses plus beaux sonnets, la plus longue pièce qu’il ait écrite : les Conquérants de l’or, sorte de chronique fortement versifiée et miraculeusement rimée et qui, sans sortir du ton d’un récit très simple et sans ornements, coupée seulement, çà et là, de paysages éclatants et courts, prend des proportions d’épopée.

2270. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Le grand magicien nous préparait une dernière surprise : il vient d’écrire une œuvre de foi. […] Renan, c’est de lire d’une âme confiante ce qu’il écrit et de n’y point chercher plus de malice qu’il n’en a mis. […] Ne nous a-t-il pas prévenu qu’il écrivait souvent cum grano salis ?

2271. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Voyez-vous un bon ou un mauvais signe en cette maîtrise de tous les arts, y compris celui d’écrire, par la critique moderne ? […] Pourtant, la tâche n’était pas définitivement accomplie, puisque les Goncourt durent écrire Germinie Lacerteux et M.  […] Dans les besognes écrites auxquelles la vie réduit ceux d’entre nous qui ne sont pas nés avec des rentes ou qui n’ont pas su les garder, nous n’ignorons pas ce qu’il faut, improprement d’ailleurs, entendre par simplicité : c’est le fameux « style coulant », Vous ne parlez pas de cette simplicité-là.

2272. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

C’est là un genre de religion qui s’est trop affaibli dans les âmes comme les autres religions, et dont le défaut se traduit dans la pratique en un seul fait trop évident : parmi ceux qui écrivent, combien en est-il qui cherchent à faire de leur mieux aujourd’hui ? […] Je veux parler des femmes qui ont écrit, et il en est un grand nombre qui remplissent la seconde moitié du xviie  siècle et la première partie du xviiie . […] Cousin, au premier abord, paraît échapper à la loi commune ; on dirait vraiment que c’est un personnage du xviie  siècle qui écrit.

2273. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Toute la journée, nous dépouillons le papier révolutionnaire et, la nuit, nous écrivons notre livre. […] * * * Mai Fantaisie écrite en chemin de fer, la nuit, en allant à Bordeaux. — Quand au bout, tout au bout de la voie ferrée, un œil rouge s’éveille et que la locomotive, dévorant l’espace, apparaît, du milieu de la colline, de grands ossements se dressent, s’ajustent et descendent lentement jusqu’à la barrière, formant une longue file de squelettes de vieux chevaux… Ils regardent lentement, de leurs orbites vides, la locomotive qui n’est plus qu’une étincelle de braise dans le lointain. […] Une fois même, Gaiffe daigna écrire un article pour L’Événement, chez lui, — trop heureuse journée pour le pauvre Armand, qui fut presque aussitôt attaqué de la folie des grandeurs.

2274. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Celui qui écrit ces lignes, — et qu’on lui pardonne d’expliquer ici sa pensée, laquelle a été d’ailleurs si bien comprise qu’il est presque réduit à redire aujourd’hui ce que d’autres ont déjà dit avant lui et beaucoup mieux que lui ; — celui qui écrit ces lignes avait depuis longtemps entrevu ce qu’il y a de neuf, d’extraordinaire et de profondément intéressant pour nous, peuples nés du moyen-âge, dans cette guerre des titans modernes, moins fantastique, mais aussi grandiose peut-être que la guerre des titans antiques. […] La division et la forme du drame une fois arrêtées, l’auteur résolut d’écrire sur le frontispice de l’œuvre, quand elle serait terminée, le mot trilogie.

2275. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

La parole s’écrit, le chant se note ; mais la déclamation expressive de l’ame, ne sçauroit, disent-ils, être arrêtée. […] On ne doit ni écrire ni déclamer précisément comme on parle. […] Il suffit de rapporter quelques-unes de leurs observations, & d’extraire de leurs écrits ce qui peut faire un lecteur parfait.

2276. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Tous ceux qui ont lû les ouvrages des anciens dans les langues où ils ont été écrits, peuvent se souvenir qu’ils ont vû plusieurs fois le mot de saltatio, emploïé en des occasions où l’on ne sçauroit l’entendre d’une danse pareille à la nôtre. […] On trouve une description curieuse de l’art du geste dans une lettre que Cassiodore écrivit à Albinus, pour lui donner la commission de faire décider par le peuple qui de Thodoron ou de Halandius étoit le meilleur acteur. […] quand vous m’écrivez, dit Ovide à un ami qui lui mandoit que Médée ou quelque autre piece de la composition de ce poëte étoit fort suivie, que le théatre est plein lorsqu’on y danse notre piece, et qu’on y applaudit à mes vers.

2277. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Je saisis également cette occasion pour prier M. le baron d’Eckstein d’agréer l’expression de ma reconnaissance pour la manière dont il veut bien quelquefois entretenir ses lecteurs, de mes divers écrits. […] Les lois, qui furent traditionnelles avant d’être écrites ; les préceptes religieux ou moraux, les connaissances primitives, sources des traditions ; les formes de l’intelligence humaine, l’intuition des vérités nécessaires, la faculté de pénétrer l’essence des êtres et des choses, pour imposer les noms, l’insufflation divine pour imprimer mouvement à la sensation et à la pensée : c’est dans tout cela que j’avais cherché les éléments de la parole ; c’est cet ensemble que j’avais signalé comme étant la révélation du langage. […] L’Institut royal de France avait proposé pour sujet du prix qu’il devait adjuger en 1825, « d’examiner si l’absence de toute écriture, ou l’usage soit de l’écriture hiéroglyphique ou idéographique, soit de l’écriture alphabétique ou phonographique, ont eu quelque influence sur la formation du langage chez les nations qui ont fait usage de l’un ou de l’autre genre d’écriture, ou qui ont existé longtemps sans avoir aucune connaissance de l’art d’écrire ; et, dans le cas où cette question paraîtrait devoir être décidée affirmativement, de déterminer en quoi a consisté cette influence ».

2278. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Écrite avec cette correction qu’on apprend aux écoles et qu’elles croient de l’élégance, elle n’est guère qu’un lieu commun renouvelé d’une rhétorique inépuisable. […] On l’a fait passer moelleusement de la main à la main, sans qu’on ait jamais eu besoin d’écrire là-dessus le mot : fragile. […] Le doux Joubert n’est pas Manfred ; il n’a point écrit Le Corsaire.

2279. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Nous, que l’histoire comme on l’écrit depuis vingt ans13 a lassés et un peu blasés sur les généralisations à perte de vue qui s’y mêlent, nous aimons cette saveur étrange, parce qu’elle est pure et vraie, que nous donne l’histoire écrite ainsi, et nous pensons que la voilà, impartiale et sincère, autant, du moins, qu’il est permis à la pauvre main humaine de la tracer. […] Ainsi, quand Bossuet nous fait, à coups si rapides, son Discours sur l’histoire universelle, c’est sa marque surtout à lui, c’est le trou de boulet fait par sa puissante tête qu’il laisse dans l’histoire, beaucoup plus qu’une histoire dans la rigueur et les responsabilités du mot qu’il écrit.

2280. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Assurément, l’esprit qui a écrit un pareil ouvrage n’est point un mauvais esprit, à le prendre dans son essence première. […] Il a été évidemment écrit sous l’empire du plus grand préjugé de notre âge, dans la foi exaltée ou calme, superficielle ou profonde, d’un croyant moderne à cette Économie politique qui a succédé à une détestable philosophie, et voilà ce qu’avant tout la Critique devait signaler. […] Et si, au contraire, comme nous le pensons, il ne veut pour l’heure, en quoi que ce puisse être, se réclamer de la philosophie du xviiie  siècle, s’il croit même qu’elle est de nature à compromettre ses idées, pourquoi ne s’est-il pas rendu compte des influences latentes et ambiantes sous l’empire desquelles il a écrit ?

2281. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Mignet et Amédée Pichot ne sont pour rien, ces deux ouvrages écrits d’un style fort différent, — l’un, avec la tenue froide d’un membre de l’Académie, l’autre, avec l’égoïste flânerie d’un chroniqueur qui aurait dû oublier sa personnalité davantage, — ont cependant pour nous un intérêt très animé et très réel. […] Un grand artiste qui a fait entrer sa puissante fantaisie dans l’histoire, Honoré de Balzac, a écrit : « La destinée d’un homme fort est le despotisme. […] Pichot, même dans la chronique, l’histoire doit s’écrire avec plus de cérémonie… M. 

2282. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Wallon, l’universitaire, le professeur d’École normale, n’a pas eu peur d’écrire l’histoire, un peu compromettante pour un moderne, de ce singulier Roi, qui n’était pas Tartuffe, et qui entendait ses trois messes par jour ; qui ne se donnait pas la discipline comme Tartuffe, mais qui se la faisait donner par son confesseur pour être plus sûr de la recevoir ; et qui, malgré tout cela, n’en était pas moins un grand homme !!! […] Wallon a voulu écrire la vie de Saint Louis, qui est bien pour lui le Saint Louis de l’Église, et non pas seulement Louis IX, — et il l’est si bien, que, dès les premières lignes de son livre, M.  […] L’écrivain, tout froid qu’il est, a été séduit par l’homme incomparable dont il a écrit l’histoire.

2283. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Littré, y écrivait ces Paroles de philosophie positive qu’il nous donne en brochure aujourd’hui et dans lesquels il se vante d’être le disciple de M.  […] Je sais qu’il y parle peu de cette religion, et qu’il la fond avec la philosophie dans les dernières pages de son écrit ; je sais que les grands ridicules y sont estompés, mais cependant on les y aperçoit encore sous l’estompe de précaution qui les couvre. […] Lui qui a écrit, selon M. de Blignières, ou du moins qui a professé qu’une science n’était jamais que l’étude propre d’une classe de phénomènes dont l’analogie a été saisie, prétend cependant, partout, que l’observation est seule scientifique et décompose l’art d’observer en trois modes irréductibles « l’observation pure, — l’expérimentation, — et la comparaison », ce qui est exclusif de toute analogie, comme preuve, et fait de la méthode soi-disant nouvelle de M. 

2284. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Pelletan, c’est d’écrire un livre pour démontrer la nécessité rationnelle de cette croyance. […] Écrire la profession de foi d’un siècle qui semblait ne plus en avoir ; proclamer la seule croyance restée debout sur toutes les autres, la seule religion qui convienne à des Titans intellectuels de notre force ; proclamer la foi au progrès, la foi scientifique au progrès, imposée à tout ce qui pense, de par l’autorité même de l’histoire ; en trois mots, reprendre en sous-œuvre et refaire l’histoire des civilisations successives, de l’homme et de la création, était n’importe pour quel esprit une tentative dangereusement grandiose. […] Ou bien il fallait l’aborder comme nous l’aurions abordé, nous chrétiens, pour qui nul mouvement de civilisation n’a dépassé le christianisme ; comme nous qui avons une révélation religieuse, primitive, écrite, inébranlable dans ses textes, une histoire, un enchaînement de faits, des sources nombreuses, toute une exégèse, toute une critique et une autorité souveraine pour empêcher tous ces dévergondages d’examen qui ont fini, en Allemagne, par le suicide de la Critique sur les cadavres… qu’elle n’a pas faits, — ou bien il fallait traiter ce terrible sujet, résolument, en homme qui a pris son point de vue de plus haut ou de plus avant que des textes ; comme un philosophe, carré par la base, qui dit fièrement à l’histoire : Tu mens, quand tu n’es pas trompée ; tu es trompée, quand tu ne mens pas !

2285. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Nous avons à présent tous les écrits de ce gantelet de fer. […] … II Il a lui-même écrit sa vie, et elle ouvre le premier de ces quatre volumes que nous avons là sous les yeux. Il l’a écrite pour ses enfants et à la troisième personne, et la prose de ce poète, qui a coulé la sienne dans ce moule à balles du vers, du vers qui concentre si fort la pensée, prouve une fois de plus que c’est avec des poètes qu’on fait les plus grands prosateurs !

2286. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Seulement, après les chefs-d’œuvre, il faut compter pour les seconds ces livres spirituels dont le cœur humain fait le fond, qui s’appellent René ou Werther, Ourika, Édouard, Frère Ange ou Adolphe, et qui furent écrits avec cette goutte d’encre dont parle Joubert, qui peut bien mettre du temps à tomber, mais qui, en tombant, devient une goutte de lumière. La goutte d’encre qui servit à écrire celui-ci est tombée d’une plume dont l’habitude n’est point le sentiment et la rêverie. […] Il y avait à cette histoire d’amour, — et je n’écris pas ce mot avec un mépris léger : les histoires d’amour, en littérature, sont, pour peu qu’on y mette un peu de talent, non pas des redites, mais du renouveau, au contraire, — il y avait trois dénouements possibles, tranchés et vrais tous les trois, et qui auraient fait leçon dans l’esprit du lecteur après avoir fait coup dans son âme.

2287. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Un critique très fin, Anatole France, qui a écrit une notice sur Le Sage pour le compte de Lemerre, est entré lui-même dans le flot qui coule, ou plutôt qui stagne, de cette éducation littéraire ; il n’a pas voulu le remonter, et il a souscrit à la gloire de Le Sage tout en racontant sa vie : jusqu’aux coups d’épée que cet innocent a fait donner ; car, chose étonnante ! […] C’est, en effet, évidemment pour eux que Le Sage a écrit. […] Il se reconnaît très bien de la dynastie de l’auteur de Gil Blas, et il a même écrit un livre bravement intitulé : Madame Gil Blas… Le Sage, il est vrai, à moins que la perspective de l’argent du xixe  siècle ne l’eût stimulé, n’aurait jamais eu la verve de Féval ni la plume incomparablement multiple du gigantesque Dumas, ce Briarée du roman, dont les cent mains n’étaient pas toutes dans ses manches… Mais il aurait vécu.

2288. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Son procédé n’est pas toujours aussi dur, aussi écrit, aussi tatillon. […] A propos de Goya, je dois d’abord renvoyer mes lecteurs à l’excellent article que Théophile Gautier a écrit sur lui dans le Cabinet de l’Amateur, et qui fut depuis reproduit dans un volume de mélanges. […] Toute la hideur, toutes les saletés morales, tous les vices que l’esprit humain peut concevoir sont écrits sur ces deux faces, qui, suivant une habitude fréquente et un procédé inexplicable de l’artiste, tiennent le milieu entre l’homme et la bête.

2289. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Tandis que dans Rome Tacite écrivait l’histoire, que Pline célébrait Trajan, que Quintilien professait l’éloquence, que Martial cultivait la poésie légère, que Stace chantait les héros, et Juvénal, ardent et sombre, poursuivait, avec le glaive de la satire, les crimes des Romains, à l’autre extrémité de l’empire, dans l’Ionie, la Grèce et une partie de l’Asie, les orateurs grecs, qu’on nommait sophistes, jouaient le plus grand rôle, et remplissaient quelquefois de l’admiration de leur nom les villes et les provinces ; ce qui les distinguait, c’était l’art de parler sur-le-champ avec la plus grande facilité. […] Smyrne ayant été renversée par un tremblement de terre, les habitants le prièrent d’écrire à l’empereur. […] Ceux des Romains qui jugeaient au lieu d’écrire, et se contentaient d’apprécier les talents sans en avoir, en classant leurs orateurs, citaient Cicéron pour l’abondance, Salluste pour la précision, Pline pour l’agrément, Fronto pour une certaine gravité austère.

2290. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Sapho n’écrira pas ses adieux éternels à son amant, ni Médée ses reproches à Jason, ni, au pied des autels de son Dieu, la plaintive Héloïse ne déclarera l’impuissance des remords contre l’amour, du même style que Despréaux écrit son épître au Roi. […] On est donc en droit de se défier de ses jugements : la lecture attentive de ses écrits redouble cette méfiance. […] Il serait fastidieux de vous analyser des écrits qui sont eux-mêmes les analyses des autres. […] Le législateur de notre Parnasse, Boileau, ne put lui même soustraire ses écrits aux injustes sentences. […] Leurs préceptes resserrés, et si élégamment écrits, sont eux-mêmes des exemples.

2291. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

« Elle rougit, sourit, réfléchit un moment, prit la plume, et écrivit sans rien dire son nom au bas des vers. […] Goethe, avec cette impartialité éclectique qui est la force du génie original et qui prend son point d’appui en soi-même, méprisa ces vaines controverses et écrivit sous la seule inspiration de sa nature. […] Plus tard il se séparait en deux parts en écrivant ses poèmes et ses romans ; l’une de ces deux parts regardait penser et écrire l’autre, afin de pouvoir la diriger et la juger. […] XVI Presque en même temps qu’il écrivait Werther pour les masses, il écrivait, pour l’élite, son premier drame, Goetz de Berlichingen. […] Il porte écrit sur son front qu’il ne peut aimer personne.

2292. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

— Oui, c’est vrai… mais je ne peux pas… Je n’ai pas la combinaison écrite. […] Et il ajoute que Judith s’est créé, qu’elle s’est faite toute seule, qu’elle a été élevée comme un petit chien qu’on laisse courir sur la table, que personne, pour ainsi dire, ne lui a appris à écrire. […] Le curieux, c’est que la proclamation avait été rédigée au crayon, à la lueur d’un bout de bougie, et qu’avec la maladresse qu’a Trochu à écrire, il avait débuté par : “Je suis nommé gouverneur de Paris” et que c’était moi qui avais substitué la phrase qu’il lisait à l’Impératrice. […] Les voyages, c’est la mise en style des choses mortes, des murailles, des morceaux de nature… Il est bien avéré, encore une fois, que l’homme qui écrit cela, n’a pas d’idées… Oui, oui, c’est une tactique, je la connais, avec cet éloge, ils font de moi, un larbin descriptif. » Et comme nous lui disons, qu’il serait bon pour lui de se reposer, de se défatiguer dans la fabrication de la poésie qu’il aime… dans la composition de sonnets : « Oh ! […] Oui, lui dis-je, je comprends votre goût, et les romans que mon frère et moi avons faits, et ceux surtout, que nous voulions dorénavant écrire, étaient les romans que vous rêvez.

2293. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Cette lettre me disait que le saint vieillard ne m’écrivait pas lui-même, parce qu’il pensait que les opinions et les événements avaient élevé trop de barrières entre lui et moi. […] Il me demanda de lui écrire plus correctement ce cantique pour le faire lire au père Debrosse, supérieur du collège, mais il ne le lut point à ses élèves dans la classe, sans doute de peur de manquer à la discipline antipoétique de nos leçons. […] J’écrivis des volumes de détestables élégies amoureuses avant l’âge de l’amour, à l’imitation de ces faux poètes. […] Cette révélation donna malgré moi le ton à plusieurs des essais de poésie vague et informe que j’écrivais au hasard dans mes heures d’adolescence. […] J’ai dit, dans cette demi-confidence de première jeunesse, que, pendant notre séjour dans l’île, j’écrivais de temps en temps des vers mentalement adressés à la charmante fille du pêcheur, bien qu’elle ignorât ce que c’était que des vers et dans quelle langue ces vers étaient écrits.

2294. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Et si l’on n’écrit pas une légende au-dessous du tableau, qui est-ce qui entendra le sujet. […] Maudit maître à écrire, n’écriras-tu jamais une ligne qui réponde à la beauté de ton écriture. […] Ou si vous l’aimez mieux, imaginez, dans un pais où il y auroit une loi absurde qui défendroit d’écrire sur la finance, au bout d’un pont, un charlatan ayant derrière lui, au bout d’une perche, une pancarte où on liroit, de par le roi et Mr le controlleur général et devant lui une petite table avec des gobelets entre deux flambeaux tandis qu’un grand nombre de spectateurs s’amusent à lui voir faire ses tours, il soufle les bougies, et au même instant tous les spectateurs mettent leurs mains sur leurs poches. […] C’est du moins la raison que je rendois à des femmes de la grossièreté prétendue avec laquelle elles accusoient les premiers chapitres de la défense de mon oncle, d’être écrits. […] Cela seroit passable, écrit ; détestable, peint ; et c’est ce que mes confrères ne sentent pas.

2295. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Mérimée, prépare une édition du Baron de Fœneste, ce pamphlet spirituel et souvent énigmatique de d’Aubigné, un de ces écrits qui ressemblent à l’os de Rabelais et qu’il faut briser pour en pouvoir goûter la moelle. […] Sayous) nous fait voir Henri III juge délicat des choses de l’esprit : Henri III savait bien dire quand on blâmait les écrits qui venaient de la cour de Navarre de n’être pas assez coulants : « Et moi, disait-il, je suis las de tant de vers qui ne disent rien en belles et beaucoup de paroles ; ils sont si coulants que le goût en est tout aussitôt écoulé : les autres me laissent la tête pleine de pensées excellentes, d’images et d’emblèmes, desquels ont prévalu les anciens. […] Il comprend la dignité du genre qu’il traite ; il est des particularités honteuses ou incertaines que l’histoire doit laisser dans les satires, pamphlets et pasquins, où les curieux les vont chercher : d’Aubigné, qui aime trop ces sortes de pasquins ou de satires, et qui ne s’en est jamais privé ailleurs, les exclut de son Histoire universelle, et, s’il y en introduit quelque portion indispensable, il s’en excuse aussitôt : ainsi en 1580, à propos des intrigues de la cour du roi de Navarre en Gascogne, quand la reine Marguerite en était : J’eusse bien voulu, dit-il, cacher l’ordure de la maison ; mais, ayant prêté serment à la vérité, je ne puis épargner les choses qui instruisent, principalement sur un point qui, depuis Philippe de Commynes, n’a été guère bien connu par ceux qui ont écrit, pour n’avoir pas fait leur chevet au pied des rois… Quand il s’étend longuement sur certaines particularités purement anecdotiques, il s’en excuse encore ; il tient à ne pas trop excéder les bordures de son tableau ; il voudrait rester dans les proportions de l’histoire : mais il lui est difficile de ne pas dire ce qu’il sait de neuf et d’original ; et d’ailleurs, s’il s’agit de Henri IV, n’est-il pas dans le plein de son sujet, et n’est-il pas en droit de dire comme il le fait : « C’est le cœur de mon Histoire ? » Dans une Histoire contemporaine comme celle qu’il écrit et où il est témoin et quelquefois acteur, il lui est difficile de ne point parler de soi ; il n’évite pas ces sortes de digressions ou d’épisodies, selon qu’il les appelle ; il s’y complaît même ; toutefois, malgré le coin de vanité et d’amour de gloire, qui est sa partie tendre, il a soin le plus souvent de ne pas se nommer, et ce n’est qu’avec quelque attention qu’on s’aperçoit que c’est lui, sous le nom tantôt d’un écuyer, tantôt d’un mestre de camp, qui est en cause dans ces endroits, et qui donne tel conseil, qui tient tel discours.

2296. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Il jugera à l’occasion que c’est une faiblesse au duc de Guise de vouloir écrire de sa main tous ses ordres pour les tenir plus secrets ; et dans une boutade plaisante, au milieu de son admiration pour le grand capitaine, il lui échappera de dire un jour dans son antichambre, et entendu de lui sans s’en douter : « Au diable les écritures ! Il semble qu’il veuille épargner ses secrétaires : c’est dommage qu’il n’est greffier du parlement de Paris, car il gagnerait plus que Du Tillet ni tous les autres. » Ayant à entrer quelquefois dans les parlements de Toulouse et de Bordeaux, quand il était lieutenant pour le roi en Guyenne, il n’en revenait pas de voir que tant de jeunes hommes s’amusassent ainsi dans un palais, vu qu’ordinairement le sang bout à la jeunesse : « Je crois, ajoutait-il, que ce n’est que quelque accoutumance ; et le roi ne saurait mieux faire que de chasser ces gens de là, et les accoutumer aux armes. » Mais toutes ces sorties contre ce qui n’est pas gloire des armes et d’homme de guerre n’empêchent pas Montluc de sentir l’importance de ce chétif instrument, la plume : il s’en sert,-sachant bien que ce n’est que par là et moyennant cet auxiliaire qu’il est donné à une mémoire de s’immortaliser, qu’il n’en sera de votre nom dans l’avenir que selon qu’il restera marqué en blanc ou en noir par les historiens ; et son ambition dernière, à lui qui a tant agi, c’est d’être lu : « Plût à Dieu, dit-il, que nous qui portons les armes prissions cette coutume d’écrire ce que nous voyons et faisons ! […] le maréchal de Brissac, qui l’estimait et l’aimait on ne saurait plus, mais qui craignait de le perdre comme l’un de ses capitaines et auxiliaires essentiels, s’il allait à Sienne, écrivit au roi pour établir dans son esprit (à côté de beaucoup d’éloges) cette fâcheuse réputation de quinteux qu’avait Montluc ; et en même temps il écrivait à celui-ci pour le dissuader d’accepter.

2297. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

On n’a pas à craindre cet inconvénient avec Mme Elliott ; M. de Bâillon s’est borné à la traduire, et il l’a fait en homme d’esprit sans doute et en homme de goût, mais en la laissant d’autant plus elle-même, d’autant plus naturelle, tellement que ce livre a l’air d’avoir été écrit et raconté sous sa forme originale en français. […] Oui, c’est bien ainsi, à supposer qu’au lieu d’écrire pour George III elle se fût adressée à l’un de ses amis de France, c’est ainsi que les mots auraient sauté de son cœur sur le papier. […] Le trône écroulé, le roi arrêté et mis en jugement, lui, prince du sang, il se figurait qu’il allait continuer de vivre à Paris à son aise, dans les plaisirs et en riche citoyen ; et son amie Mme de Buffon, femme gracieuse, qui montra plus tard bien du dévouement, écrivait au duc de Biron (un autre intime), alors à la tête de l’armée du Rhin, une lettre curieuse, incroyable34, où elle lui racontait à sa manière et sur un ton badin, les événements du 10 août, les arrestations qui en étaient la suite, les exécutions qui devaient commencer le lendemain au Carrousel : Au milieu de ces arrestations, disait-elle, Paris est calme pour ceux qui ne tripotent point. — J’oubliais de vous dire que Mme d’Ossun est à l’Abbaye. […] Ce fut d’après le désir du roi son père qu’elle mit par écrit ses souvenirs.

2298. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Il a le mérite, qui devient rare, d’écrire des comédies en vers, et dans une versification svelte, vive, limpide, élégante. […] Voilà trente ans et plus que cet homme de mérite, cet ancien rédacteur du premier Correspondant, suit sa voie, écrit des livres d’histoire bien étudiés, persévère dans ses principes, dans ses honorables travaux : il ne demande en récompense qu’une heure brillante qui les couronne. […] Nous les rend-il, mais vivants, mais rajeunis, et non pas seulement assagis, attiédis, intimidés et comme mortifiés en ses écrits et en sa personne ? […] Éloquence et art d’écrire (philosophie, morale, politique, sciences, etc., tous les genres de prose élevée).

2299. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Dans son beau livre sur Averroès, sur ce philosophe arabe dont le nom signifiait et représentait, bien qu’à tort, le matérialisme au Moyen-Age, il a parlé excellemment de Pétrarque, de ce prince des poëtes et des lettrés de son temps, qu’il proclame le premier des hommes modernes en ce qu’il a ressaisi et inauguré le premier le sentiment de l’antique culture, et « retrouvé le secret de cette façon noble, généreuse, libérale, de comprendre la vie, qui avait disparu du monde depuis le triomphe des barbares. » Il nous explique l’aversion que Pétrarque se sentait pour l’incrédulité matérielle des Averroïstes, comme qui dirait des d’Holbach et des Lamettrie de son temps : « Pour moi, écrivait Pétrarque cité par M.  […] Mais qui l’écrirait ? […] Renan pourrait être contredit par plus d’un passage de ses écrits, sans être réfuté pour cela et sans rester moins vrai. […] Renan, dans ses diversions vers l’Art, n’a rien écrit de plus fin, de plus pénétrant, de plus touchant, que ce qu’il a donné sur la Tentation du Christ, d’Ary Scheffer ; c’est dans ce morceau d’une parfaite élégance et d’un exquis raffinement moral qu’il nous a peut-être livré le plus à nu le secret de son procédé, la nature et la qualité de son âme, et la visée de son aspiration dernière : « Toute philosophie, dit-il, est nécessairement imparfaite, puisqu’elle aspire à renfermer l’infini dans un cadre limité… L’Art seul est infini… C’est ainsi que l’Art nous apparaît comme le plus haut degré de la critique ; on y arrive le jour où, convaincu de l’insuffisance de tous les systèmes, on arrive à la sagesse… » Ceux qui craignaient d’abord que, malgré les précautions sincères de M. 

2300. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits par M.  […] Mais que celui qui, pendant la durée de l’orage, n’a été froissé par aucune secousse douloureuse, qui n’a sacrifié à aucune passion, n’a épousé aucun parti, n’a éprouvé aucun sentiment de haine ou de ressentiment, dont l’opinion a toujours été calme, l’esprit toujours froid, le jugement toujours impartial ; que celui qui peut dire avec Tacite, non dans une épigraphe pompeusement inscrite sur le frontispice de son livre, mais dans l’intérieur de sa conscience : Mihi Galba, Otho, Vitellius, nec amicitia, nec odio cogniti, que celui-là écrive pour nos contemporains l’histoire de la Révolution. […] Jomini écrit ainsi le nom (Histoire critique et militaire des Guerres de la Révolution, tome V, page 284) ; Jean-Bon, dans ses comptes rendus des opérations, écrit également Vanstabel : M. 

2301. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Armand Lefebvre a écrit là-dessus des pages très-vraies, très-fermes et qui, exemples de passion comme de complaisance, expriment très-bien le caractère du régime dominant à l’extérieur depuis 1806 jusqu’en 1813. […] Cette affaire à recommencer, elle était commencée, entamée et nouée depuis 1812 et dès auparavant ; elle était écrite au cœur des souverains avant d’être réglée et formulée dans leurs stipulations. […] Il a su, dans les divers morceaux écrits par lui à des temps différents, éviter l’écueil de la contradiction : entre le morceau du 15 avril 1838 et ses dernières publications de 1857, il y a une harmonie frappante, et ce n’est nullement par fatalisme ou par un excès de logique qu’il est arrivé à ce cachet d’unité, c’est par un esprit d’examen rigoureux et sévère. […] L’aimable reine Caroline, épouse du roi Jérôme, écrivant pour son usage particulier un Journal, y a noté à la date du 30 mai 1811 : « Nous avons passé notre soirée à Nassau, campagne qui appartenait autrefois à M. de Stein, ministre d’État en Prusse, mais qui a été séquestrée depuis la dernière guerre avec l’Autriche, à cause des libelles qu’il avait écrits contre plusieurs princes de la Confédération du Rhin.

2302. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

M. de Merle me menait souvent avec lui chez les princes et les ministres, de sorte que j’ai eu occasion de voir fréquemment le fameux marquis de Pombal, qui n’était pas un grand ministre, comme le disent ses panégyristes, mais qui avait plus d’esprit et surtout plus de caractère que tout ce qui était à la cour de Portugal, où la maison royale, le ministère et le palais, ne présentaient pas un personnage marquant… » Il avait beaucoup écrit sur ce qu’il avait vu et observé en Portugal durant les dix-huit mois qu’il y passa ; ses notes se sont perdues : l’essentiel, c’est qu’il y avait surtout acquis un commencement d’observation et d’expérience. […] L’idée qui prit au duc de Choiseul, après la paix de 1763, de remplacer la perte du Canada par un grand établissement de cultivateurs européens dans la Guyane, se conçoit à peine en théorie : « Il paraît aujourd’hui incroyable, écrivait Malouet en 1802, en se reportant au début de sa vie administrative, qu’un homme d’autant d’esprit que M. de Choiseul ait adopté le projet de faire cultiver les marais de la zone torride par des paysans d’Alsace et de Lorraine. » Mais, si le plan n’était pas raisonnable, les détails d’exécution dépassaient tout. […] Une lettre écrite dans un mouvement d’humeur et confiée à des mains infidèles faillit briser à ce moment la carrière de Malouet et lui suscita une affaire des plus désagréables auprès des ministres, sur le compte desquels il s’était exprimé un peu à la légère. […] Les connaisseurs en matière de xviiie  siècle font cas d’un petit écrit posthume de l’académicien Chabanon, qui a titre : Tableau de quelques circonstances de ma vie ; précis de ma liaison avec mon frère Maugris (1795).

2303. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

«… Ma vie de poëte, écrit-il, recommence pour quelques jours. […] Le devoir d’un écrivain et de tout homme public est en raison  composée de ce qu’il est et de ce qu’il a donné à croire par ses écrits et par ses paroles. On a les bénéfices de sa gloire ; il faut bien avoir pour elle quelque révérence en retour. « Vous savez comment je les écris, ajoute-t-il en parlant de ses pièces de vers, vous savez combien je les apprécie à leur peu de valeur ; vous savez combien je suis incapable du pénible travail de la lime et de la critique sur moi-même. […] Adolphe Dumas, homme d’imagination généreuse et d’essor aventureux, écrivit, à ce qu’il paraît, à M. de Lamartine une épître pour le consoler du peu de succès de son Ange : c’était lui signifier ce peu de succès, et j’imagine que le premier mouvement dut être une légère impatience contre le consolateur malencontreux.

2304. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Il a écrit dans sa Vie d’Ésope : « Comme Planudes vivoit dans un siècle où la mémoire des choses arrivées à Ésope ne devoit pas être encore éteinte, j’ai cru qu’il savoit par tradition ce qu’il a laissé. » En écrivant ceci, il oubliait que dix-neuf siècles s’étaient écoulés entre le Phrygien et celui qu’on lui donne pour biographe, et que le moine grec ne vivait guère plus de deux siècles avant le règne de Louis-le-Grand. […] Septembre 1829 J’écrivais ceci la même année, la même saison où je composais le recueil de Poésies, les Consolations, c’est-à-dire dans une veine prononcée de sensibilité religieuse. Depuis j’ai encore écrit sur La Fontaine quelques pages qui se trouvent au tome VII des Causeries du Lundi, et j’ai essayé d’y répondre aux dédains que M. de Lamartine avait prodigués à ce charmant poëte. […] J’en reviens volontiers et je m’en tiens sur lui à ce jugement de La Bruyère dans son Discours de réception à l’Académie : « Un autre, plus égal que Marot et plus poëte que Voiture, a le jeu, le tour et la naïveté de tous les deux ; il instruit en badinant, persuade aux hommes la vertu par l’organe des bêtes, élève les petits sujets jusqu’au sublime : homme unique dans son genre d’écrire, toujours original, soit qu’il invente, soit qu’il traduise ; qui a été au-delà de ses modèles, modèle lui-même difficile à imiter. » — Voir aussi le joli thème latin de Fénelon à l’usage du duc de Bourgogne sur la mort de La Fontaine, in Fontani mortem.

2305. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

La satire n’est que la contrepartie de ces deux conceptions maîtresses, qui entraînent en effet la dérision de la scolastique et la haine des moines : sur quoi Rabelais se retient d’autant moins qu’il écrit dans le temps de l’indécision du pouvoir royal. […] Se détachant du même groupe d’érudits, collaborateurs tous les deux d’Olivetan dans la traduction de la Bible, Calvin s’en alla écrire le livre de la Réforme française, et Despériers quatre petits dialogues. obscurs et railleurs, où l’on entrevoyait ces choses graves : que la foi consiste à affirmer ce qu’on ne sait pas, et que nul ne sait ; que les théologiens ressemblent à des enfants « sinon quand ils viennent à se battre » ; que Luther ni Bucer ne changeront le train du monde, et qu’après comme avant eux, mêmes misères seront, et mêmes abus ; que toute la puissance de Dieu est dans le livre, entendez que le livre, c’est-à-dire l’homme, a fait Dieu ; que les petits oiseaux montrent aux nonnes les leçons de Nature : que toutes les Eglises et tous les dogmes ne sont qu’imposture et charlatanisme ; que les réformateurs sont en crédit par la nouveauté ; que leur œuvre, quoi qu’ils en aient, rendra chacun juge de sa foi. […] quel paysan « vrai » est plus « comme dans la vie » que « le vieil bonhomme Grandgousier, qui après souper se chauffe à un beau clair et grand feu, et, attendant griller des châtaignes, écrit au foyer avec un bâton brûlé d’un bout, dont on écharbotte le feu, faisant à sa femme et famille de beaux contes du temps jadis » ? […] On concevra facilement quel instrument il lui a fallu pour écrire une pareille œuvre, et l’on se demandera comment la langue de Marot a pu suffire à une si prodigieuse tâche.

2306. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Romans, nouvelles, voyages, critique, toute son œuvre est écrite comme le code civil ou comme du Stendhal, avec une gomme à effacer, a dit quelqu’un. […] Voici donc toute la vérité : Je ne crois pas que Léon Bloy ait écrit un livre : bien peu aujourd’hui sont de force à édifier l’œuvre. […] « Car Dieu est infiniment équitable et chaque homme, en ce monde comme en l’autre, a toujours ce qu’il mérite. » Je ne ferai pas remarquer ce que de telles paroles, écrites pendant que l’innocent souffrait encore, avaient d’odieux. […] À propos de l’inceste qui est le sujet de ce roman, j’écrivais ces lignes d’homme qui voit presque et qui refuse de voir tout à fait : « Léon Daudet n’a pas compris la véritable faute de ses héros.

2307. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Cousin n’a-t-il pas exprimé, en causant, cette noble envie de reprendre tout simplement son cours, de se remettre en communication directe avec cette jeunesse qui ne le connaissait plus que par ses écrits, de la ramener sur bien des points où on l’égarait ! […] Guizot, depuis deux ans, n’a cessé, indépendamment de ses écrits historiques, de recueillir et de publier, en les revoyant, d’anciens morceaux très distingués15, qui vont former toute une bibliothèque morale et littéraire : Méditations et études morales ; — Études sur les beaux-arts en général ; — Shakespeare et son temps ; — Corneille et son temps. […] Qui n’a lu ses écrits sur Pascal, sur la sœur de Pascal, Jacqueline, qui lui doit une réputation ; sur les femmes célèbres du xviie  siècle, dont il s’est si vivement épris ? […] Cousin a trouvé l’une de ses plus belles pages19, et comme lui seul en sait écrire.

2308. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Voici à quelle occasion Marguerite eut l’idée d’écrire ses mémoires, où elle s’est peinte en buste d’une plume si légère. […] Ce qui est bien certain, du moins, c’est que la reine Marguerite n’y avait rien perdu des délicatesses de son esprit, puisque c’est là qu’elle entreprit d’écrire, en quelques après-dînées, ses mémoires pour venir en aide au récit de Brantôme, et le rectifier en quelques points. […] Dès la troisième ligne nous avons un mot grec : « Je louerais davantage votre œuvre, écrit-elle à Brantôme, si elle ne me louait tant, ne voulant qu’on attribue la louange que j’offrais plutôt à la philaftie qu’à la raison » ; à la philaftie, c’est-à-dire à l’amour-propre. […] Ce qu’il faut rappeler à l’honneur de la reine Marguerite, c’est son esprit, c’est son talent de bien dire, c’est ce qu’on lit à son sujet dans les Mémoires du cardinal de Richelieu : « Elle était le refuge des hommes de lettres, aimait à les entendre parler ; sa table en était toujours environnée, et elle apprit tant en leur conversation qu’elle parlait mieux que femme de son temps, et écrivit plus élégamment que la condition ordinaire de son sexe ne portait. » C’est par là, c’est par quelques pages exquises qui sont une date de la langue, qu’elle est entrée à son tour dans l’histoire littéraire, ce noble refuge de tant de naufrages, et qu’un rayon dernier et durable s’attache à son nom.

2309. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Armand Lefebvre, notre parent, écrivait en notre faveur à M. de Royer, procureur général, qui lui répondait une lettre ne laissant aucun doute sur l’imminence des poursuites. […] Sa femme, une vraie paysanne, ne sait ni lire ni écrire. […] — Je n’ai rien de plus à vous dire que ce que je vous ai écrit. […] En dépit de tout ce qu’on écrira, de tout ce qu’on dira, il est indéniable que nous avons été poursuivis en police correctionnelle, assis entre les gendarmes, pour une citation de cinq vers de Tahureau imprimés dans le TABLEAU HISTORIQUE ET CRITIQUE DE LA POÉSIE FRANÇAISE par Sainte-Beuve — couronné par l’Académie.

2310. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Rien de fixe et de positif n’existe comme limite constatée ; mais il y a une limite bien plus certaine que celle des contrats écrits et signés, des actes authentiques faits en présence de témoins ; cette limite, qu’il est impossible de briser, c’est celle des mœurs. […] Cette réconciliation cesse, par une raison contraire à celle qui plaça, dans les sociétés anciennes, les mœurs et les opinions sur deux lignes différentes, et que la suite de cet écrit expliquera. […] Au reste, j’ai besoin de le dire d’avance, il sera prouvé aussi, dans la suite de cet écrit, que les mœurs ne doivent pas rester stationnaires. […] Dans un pays où le bien-être social consiste en des choses de délicatesse et de goût, où l’existence intime repose sur l’honneur, où les discours légers ont tant de gravité, où les interprétations d’une conduite exempte de tout reproche peuvent être si fatales, ou les femmes sont tellement mêlées à la société, et y mêlent tellement toutes les sortes de susceptibilités, et j’oserais dire toutes les sortes de pudeur, où tous les amours-propres sont toujours éveillés et si facilement irritables ; dans un tel pays, avouons-le, la médisance devient de la calomnie, les écrits indiscrets feront des blessures profondes que nulle puissance au inonde ne pourra guérir, la censure deviendra un tribunal public dont les arrêts justes ou injustes seront trop souvent des outrages.

2311. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Trois ans après, dans la discussion la plus vive, il la cite aussi exactement que s’il venait de l’écrire, ouvre le carton à l’endroit précis, et la présente à son adversaire pour ne rien dire que pièces en main. […] Il trouve ennuyeux d’écrire, et ne publiera jamais rien ; il n’a pas envie de sauver le genre humain ; d’ailleurs pour cela il ne compte pas sur les livres. […] « Rabelais a écrit le Pantagruel » Chacun traduit cette phrase à l’instant par le fait le plus net. […] Vous voyez qu’il y a une analyse à faire dans un écrit comme dans une digestion.

2312. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

La belle affaire quand on a écrit Horace et Rodogune ! […] J’écris dans la salle du paquebot, sous les lumières électriques. […] Il m’écrivit, et certain jour j’osai enfin l’aborder dans la rue et me présenter tout d’une haleine. […] On a beaucoup écrit sur le talent de Becque. […] mon cher monsieur, fallait-il que vous vous retirassiez du monde pour écrire des romans ?

2313. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Ce qui le caractérise homme profondément original, c’est son bon sens ; il en fait preuve à chaque ligne dans ces feuilles naïves qu’il écrivait au jour le jour, pour son usage propre ou tout au plus pour celui de sa famille ; l’un des premiers apôtres du sens commun, il le proclame entre toutes les qualités la seule essentielle et suffisante à un ministre. […] Il avait pris l’habitude de se rendre compte à lui-même de ses jugements et de fixer par écrit ses pensées.

2314. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Pourtant ne dirait-on pas une pensée d’Anacréon écrite en bon gaulois ? […] Du sein de son loisir, il ne prend d’autre soin que de saisir au passage et d’écrire en vers ses pensées riantes ou tendres, à mesure qu’elles traversent son âme ; et la plupart de ses pièces sont des impromptus de volupté, qui, au milieu de ses jeux, lui échappent sans plus d’effort que les roses effeuillées de sa guirlande.

2315. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Grâce à ce sortilège, Villiers dompta les mauvaises aventures où d’autres auraient sombré, et il lui fut accordé d’écrire ces drames et ces contes, ces ironies et ces lyrismes par lesquels il demeure pour nous, amis de la première ou de la dernière heure, le maître inoubliable et absolu. […] Mais quand on songe à sa grande jeunesse et quand on lit certaines strophes toutes frissonnantes d’inquiétude et de tristesse, on ne peut s’empêcher de penser au grand génie futur de ce jeune homme qui débute par des souffrances de doute et d’immenses désirs de foi, et dont la dernière parole écrite fut vraisemblablement celle-ci ajoutée au bas du manuscrit retouché à Axël : Ce qui est, c’est croire.

2316. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

On ne sçauroit mettre sur le théatre tout ce qu’un historien peut écrire dans un livre. […] Je n’ajouterai plus qu’un mot à cette observation : c’est qu’à l’exception de Bajazet, et du comte d’Essex, toutes les tragedies écrites depuis soixante ans, dont le sujet étoit pris dans l’histoire des deux derniers siecles, sont tombées, leurs noms mêmes sont oubliez.

2317. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 25, du jugement des gens du métier » pp. 366-374

Sous le nom de gens du métier, je comprens ici, non-seulement les personnes qui composent ou qui peignent, mais encore un grand nombre de ceux qui écrivent sur les poëmes et sur les tableaux. […] Son sentiment a été émoussé par l’obligation de s’occuper de vers et de peinture, d’autant plus qu’il aura été souvent obligé à écrire ou bien à peindre comme malgré lui, dans des momens où il ne sentoit aucun attrait pour son travail.

2318. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

Ils ont crié à la ciguë, parce que, dans cette comédie du Fils de Giboyer, plutôt scribouillée qu’écrite, l’aimable auteur a personnifié ce terrible parti catholique, qui doit avaler prochainement la civilisation si on ne se met en travers, par un marquis Samson, à voix de tabatière, par deux Putiphars, par un Prudhomme, industriel enrichi, etc. […] La faculté de raisonner, chez Émile Augier, est égale à sa faculté d’inventer et d’écrire.

2319. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Elle le connaît, en effet ; elle l’a abordé dans l’original ; et ceci me remet en mémoire une phrase charmante d’une de ses lettres, écrite vers la fin de 1848 où au commencement de 1849, dans un temps où on la croyait plus occupée qu’elle ne l’était de politique. […] Elle écrivait alors de Nohant à une de ses amies : « Vous croyez que je bois du sang dans des crânes d’aristocrates ? […] Les mêmes effets doivent se reproduire sur toute la côte italienne ; et Virgile, composant les Géorgiques à Naples, voyait certainement se former dans le golfe les tempêtes qui venaient fondre sur les campagnes voisines. » Il est deux façons de commentateurs : ceux qui se resserrent, qui écrivent sur une marge étroite et y font tenir le plus de choses dans le moins de mots. […] L’illustre philologue Wolf disait dans ses cours : « Messieurs, vous ne saurez bien une chose que quand vous pourrez l’écrire sur votre ongle : tant que vous ne pourrez pas l’y faire tenir, dites-vous que c’est que vous ne la savez pas encore assez bien. » Orelli et ceux de son école semblent avoir suivi le précepte. […] Le détail des Bucoliques est d’une continuelle et parfaite observation rurale, d’une peinture fidèle, prise sur nature, et du rendu le plus délicat ; elles sont bien d’un poète qui a vécu aux champs et qui les aime, et chaque fois qu’on sort de les relire, on ne peut que répéter avec M. de Maistre : « l’Énéide est belle, mais les Bucoliques sont aimables. » Ayant écrit moi-même autrefois une Étude sur Virgile, il m’est resté quelque surcroît d’idées et de remarques que je demande à joindre ici comme un dernier hommage et tribut au souverain poète à qui j’aurais aimé, moi aussi, à élever mon autel.

2320. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Il mourut âgé de soixante-treize ans, écrit l’honnête Niceron, ayant conservé jusqu’à son dernier moment son bon sens, sa réputation et ses amis : rien que cela ! […] Non, mais un esprit d’équité A combattre le faux incessamment m’attache, Et fait qu’à tout hasard j’écris ce que m’arrache La force de la vérité. […] Des noms graves s’y mêlaient, et sous un reflet très-radouci Elle a écrit à Mascaron une épître badine datée des bords mêmes du Lignon. […] Jay a écrit, dans des Observations sur elle et sur ses œuvres : « Supérieure sous tous les rapports à Mme Des Houlières, mais ne devant peut-être cette supériorité qu’à l’influence des grands spectacles dont elle fut témoin et dont elle reçut les impressions, elle a conquis une palme immortelle… » L’originalité poétique de Mme Dufrénoy (si on lui en trouve) n’est pas dans les chants consacrés à des événements publics, mais dans la simple expression de ses sentiments tendres. […] que je vous aie jamais parlé ni écrit à Charleville ; car, s’il en savait quelque chose, cela nous mettroit en mauvaise intelligence, et feroit cesser celle que vous savez.

2321. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

J’ai beaucoup lu et médité les écrits du prisonnier de Ham, et il m’a été impossible de ne pas reconnaître en loi un socialiste éminent. […] Dans l’ardeur de votre zèle inquisitorial, vous confondez avec des écrits, peut-être méprisables en effet (je ne les ai pas tous lus), le noble Jean Reynaud et sa philosophie religieuse, sa soif d’immortalité, sa vie future dans les astres. […] Je ne la crains pas pour ce que j’écris en ce moment. « Veuillez agréer, monsieur le baron, l’assurance de ma considération respectueuse, « Sainte-Beuve.  » M. le baron de Heeckeren écrivit de nouveau à M.  […] La lettre suivante, écrite peu de jours après ces divers incidents, et publiée dans les journaux, eut alors un grand retentissement ; elle a été souvent reproduite depuis et est restée comme une page célèbre.

2322. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Appendice L’impression de ce volume était achevée quand M. l’abbé Cognat a publié, dans le Correspondant (25 janvier 1883), les lettres que je lui écrivis en 1845 et 1846 26). […] Elle est là, à deux pas de moi, pendant que je vous écris ces lignes. […] Je vous écris ces lignes, mon ami, à la hâte et tout préoccupé du travail, fort peu attrayant, de ma préparation à la licence. […] Je ne trouve pas, dans la classe des hommes qui ont écrit, des gens plus sots que tous vos apologistes modernes, esprits plats, têtes sans critique. […] Mon cher ami, excusez-moi, je vous prie, de vous écrire de la sorte.

2323. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

La princesse Sanguzko est en larmes ; elle présente, prosternée, une supplique à Nicolas ; elle demande grâce pour son mari, elle conjure le maître d’épargner à Sanguzko (polonais coupable d’aimer la Pologne) l’épouvantable voyage de Sibérie ; Nicolas, muet, écoute, prend la supplique, et écrit au bas : A pied. […] Elle a été presque toujours écrite jusqu’à présent au point de vue misérable du fait ; il est temps de l’écrire au point de vue du principe. […] Bossuet écrit sans sourciller, tout en palliant les faits çà et là, là légende effroyable de ces vieux trônes antiques couverts de crimes, et, appliquant à la surface des choses sa vague déclamation théocratique, il se satisfait par cette formule : Dieu tient dans sa main le cœur des rois. […] Toutes ces phrases, expression d’une idée unique, l’idée divine, écrivent lentement le mot Fraternité.

2324. (1802) Études sur Molière pp. -355

Violette, sa soubrette, fait le même sacrifice des lettres qu’Arlequin et Scaramouche lui ont écrites. […] Disons mieux : le rôle d’Agnès est tout entier dans la lettre qu’elle écrit à son amant ; eh ! […] On a souvent écrit que M.  […] Le style. — Il sera toujours le modèle, et peut-être le désespoir des auteurs qui voudront écrire la comédie en vers libres. […] Molière instruit de cet aveu, lui écrit : « je vous envoie un ordre du roi, de l’argent, prenez la poste, venez me joindre ».

2325. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Vacquerie se plaint de ce que les critiques ne savent pas écrire, et de ce que l’Académie préfère le style plat au style accidenté. […] Tant d’auteurs ont écrit pour écrire, ont aligné des phrases dans le seul but de les faire relier, sans songer à dire quelque chose qui ait une valeur, une portée, que le public a pris tous les littérateurs pour des diseurs de banalités ; il a été trompé si souvent, il a lu des choses si invraisemblables qu’il a douté, et son doute s’est étendu de quelques-uns à tous. […] Vacquerie se plaint de ce que les critiques ne savent pas écrire, et de ce que l’Académie préfère le style plat au style accidenté. […] Il est tourmenté par une foule de rêves personnels qu’il est obligé d’écrire pour se soulager. […] (Ceci est écrit en 1802 et en 1856 on en est au même point en France.)

2326. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Medhurst, qui a écrit récemment une dissertation spéciale sur ce sujet, imprimée à Shanghaï, en Chine, se borne encore à discuter le sens dans lequel les auteurs classiques se servent de chacun des termes qu’on a proposés comme équivalents du mot Dieu. […] Il plane sur les écrits de cette nation je ne sais quelle suave médiocrité. […] Qu’est-ce donc qui fait la beauté d’Homère, puisqu’un poème absolument semblable au sien, écrit au XIXe siècle, ne serait pas beau ? […] Il y a dans les idées courantes d’un peuple et d’une époque une philosophie et une littérature non écrites, qu’il faudrait faire entrer en ligne de compte. […] Je ne sache pas qu’au XVIIe siècle on ait écrit un mot plus avancé.

2327. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Mme Daudet a passé toute sa journée à écrire pour le Temps, me dit son mari, un article qui est un bijou, et où elle me donne un peu comme le littérateur de la femme. […] Jeudi 16 février Aujourd’hui, au milieu du malaise de la grippe, j’ai écrit le titre du premier chapitre de mon roman de « Tony Freneuse » (Chérie). […] Ça n’a rien de désagréable cette rédaction cursive, pour le post mortem, seulement la chose, une fois, écrite, n’est pas absolument plaisante à relire, sous le froid de la réflexion, et comme je ne mets des points sur les i qu’à la relecture, mes legs en manqueront. […] * * * — Je voudrais trouver des touches de phrases, semblables à des touches de peintre dans une esquisse : des effleurements et des caresses, et pour ainsi dire, des glacis de la chose écrite, qui échapperaient à la lourde, massive, bêtasse syntaxe des corrects grammairiens. […] Samedi 10 juin Aujourd’hui La Rounat m’a écrit au sujet d’Henriette Maréchal qu’il voudrait reprendre, et j’attends dans le cabinet du secrétaire de l’Odéon.

2328. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Notre maître, le plus cher et le plus grand de tous, Victor Hugo, est en exil ; Lamartine, couronné d’épines, blessé au flanc, crucifié, écrit de longues histoires et se voit condamné à la littérature forcée ; Auguste Barbier se tait depuis qu’il a poussé, dans les ïambes, le cri sublime qui ne s’éteindra pas ; Alfred de Vigny ne parle plus qu’à de rares intervalles et comme attristé de faire entendre sa voix pure au milieu des coassements qui montent de tous côtés ; Balzac est mort après une agonie terrible. […] Ils ont publiquement pris en main la cause de filous condamnés pour vol ; ils avaient des amis ; quand ces amis furent morts, ils écrivirent, sous prétexte d’honorer leur mémoire, d’infâmes libelles qu’ils n’osèrent même pas signer et qu’ils avaient glanés sans doute dans les rognures des manuscrits du marquis de Sade ; en faisant ainsi, en accumulant monstruosités sur monstruosités, en crachant sur tout, en calomniant tout, hélas ! […] Celui qui écrira l’histoire du quarante et unième fauteuil de l’Académie française, écrira la véritable histoire littéraire de la France. […] Figurez-vous un poëte qui serait assez sage et assez ami de sa propre renommée pour écrire l’histoire de la vapeur ou de l’électricité ! […] J’ai connu un homme qui, plus que personne, a appartenu à cette école ; pendant ses longues années de surnumérariat et d’apprentissage, pendant qu’il écrivait je ne sais combien de romans et de poésies qui jamais ne verront le jour, pendant qu’il lisait les maîtres de tous pays, pendant qu’il voyageait et qu’il allait demander à la nature les effluves fécondants qu’elle réserve à ceux qui veulent communier avec elle, il avait cru qu’il suffisait de posséder la Forme pour avoir le droit de parler à ses contemporains.

2329. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Il écrivit le Livre posthume ou les Mémoires d’un suicidé. […] Le bien écrit pour eux est de peu de valeur, ou plutôt ils trouvent mal écrit ce qui charme les stylistes. […] Ne serait-ce pas jouer le rôle de la mouche du coche, que d’écrire, dans vingt ans, que j’avais deviné M.  […] Ce roman, le meilleur à tout prendre qu’il ait écrit, est là pour répondre. […] Même en Alsace, à ce qu’on m’assure, il n’est guère de paysans qui ne connaissent sur le pouce leurs écrits.

2330. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Alors une de ces dames lui dit que, si elle avait fait un pareil écrit, elle serait une sainte ; mais l’auteur, en moraliste avisé, répondit qu’il y a un pont bien large de l’esprit au cœur. […] Vuillart qui écrit : « Ce jeudi 4 mars 1700. — Dieu fait primer encore hautement, cette année, les pères de l’Oratoire dans le ministère de la parole, le père Hubert à Saint-Jean, le père Massillon à Saint-Gervais, le père Guibert à Saint-Germain de l’Auxerrois, le père de La Boissière à Saint-André, le père de Monteuil à Saint-Leu, le père Maur à Saint-Étienne-du-Mont.

2331. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Il s’est jeté dans la littérature polémique, a écrit dans la Minerve, s’est essayé au théâtre. […] C'est bien le cas de redire, comme vous l’avez écrit tant de fois d’après un plus sage : Vanité des Vanités !

2332. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

Le grand critique de Bonn écrivait à M. […] Monmerqué puisés surtout à des sources italiennes et dans une charte du tribun Rienzi, il résulte aussi de ses inductions, d’ailleurs assez obscures et timidement déduites, que cet enfant pourrait bien n’être pas mort au moment où on l’a cru, qu’il y aurait eu substitution pour le soustraire aux intentions funestes des intéressés et de la comtesse d’Artois particulièrement : « Qui ne reculerait (écrit M.

2333. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Vous qui commencez à écrire, ne déguisez pas la platitude de la pensée sous la prétention du style : parlez platement, tant que vous ne penserez pas mieux. […] Mais il n’en est point dont on ne puisse faire un bon emploi : c’est à vous qui écrivez de les bien choisir, de bien les tourner, de bien les entourer, et, déterminés dans leur sens, limités dans les idées et les images qu’ils évoquent, ils vaudront en somme ce que vaudra votre pensée.

2334. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Chirurgie. » pp. 215-222

Cette introduction est admirable de fermeté impérieuse, et si clairement écrite qu’elle peut être lue, avec le plus vif intérêt, même des profanes. […] Non, il n’est pas de tragédie écrite qui égale, en intensité d’émotion, cette tragédie sans paroles.

2335. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

Théodore de Banville avait bien écrit : Elle filait — pensivement — la blanche laine, mais, effrayé de sa propre audace, il n’eut plus de sommeil jusqu’à ce qu’il eût trouve ce correctif : Elle filait d’un doigt — pensif la blanche laine, qui rétablit la paix de sa conscience troublée. […] … Essayez de les déclamer et vous verrez que vous éprouverez tous les effets de l’hiatus, puisque la liaison écrite se fond dans la prononciation.

2336. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

Il ne doit pas écrire avec ce qui a été écrit, mais avec son âme et avec son cœur.

2337. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

C’est pour l’orateur chrétien que ces paroles d’un roi semblent avoir été écrites : L’or et les perles sont assez communes, mais les lèvres savantes sont un vase rare et sans prix 195. […] Celle de la reine d’Angleterre est un chef-d’œuvre de style, et un modèle d’écrit philosophique et politique.

2338. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

À Émile Zola Naguère encore, Émile Zola pouvait écrire, sans soulever de récriminations sérieuses, qu’il avait avec lui la jeunesse littéraire. […] Et les plus hardis n’allaient qu’à chuchoter qu’après tout Zola n’était pas le naturalisme et qu’on n’inventait pas l’étude de la vie réelle après Balzac, Stendhal, Flaubert et les Goncourt ; mais personne n’osait l’écrire, cette hérésie.

2339. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

Mais d’un autre côté nous voïons aussi dans plusieurs lettres de Cassiodore, qui ont été déja citées, et qui sont écrites vers l’an de Jesus-Christ cinq cens vingt, que les théatres étoient encore ouverts à Rome un siecle entier après les temps dont parle S. […] Je reviens au sujet de tant de discussions, je veux dire à l’usage de composer et d’écrire en notes la declamation qui avoit lieu autrefois.

2340. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Il écrit, dans la dédicace de l’Étang de Berre (1915) : « Ce petit livre — dit — la ville et la province — épanouies — dans le royaume — pour les progrès — du genre humain » ; dans la préface de Quand les Français ne s’aimaient pas (1916), mettant en lumière « les services rendus à la beauté et à la vérité par les hommes de sang français », il spécifie que cela doit être considéré « sans perdre un seul instant de vue que la raison et l’art ont pour objet l’universel ». Des écrits plus anciens, remontant comme certains chapitres d’Anthinea à 1896 et 1898, font de même observer qu’« au bel instant où elle n’a été qu’elle-même, Athènes fut le genre humain. »

2341. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Pour excuser le panégyriste, il faut pourtant convenir que ces éloges ont été écrits pendant la vie de Stilicon ; et qu’alors, si l’empereur n’était rien, l’empire eut du moins de la grandeur. […] On ne sait dans quelle langue il est écrit.

2342. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Puissé-je écrire comme ils accolaient la vigne. […] Puissé-je écrire seulement comme ils causaient. […] Et vous-même combien de fois n’ai-je point écrit pour vous. […] Je vis dans le tremblement d’écrire. […] Ils parlent, ils parlent, ils écrivent.

2343. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Chaque jour il écrit les pensées d’amour qui l’agitent, et dans ce long journal continué pendant cent pages, on sent le souffle embrasé croître à chaque instant. […] Entre leurs mains l’amour devient une galanterie ; ils écrivent des chansons, des pièces fugitives, des compliments aux dames. […] Au lieu d’écrire pour dire les choses, on écrit alors pour les bien dire ; on enchérit sur son voisin, on outre toutes les façons de parler ; on fait tomber l’art du côté où il penche, et comme il penche en ce siècle du côté de la véhémence et de l’imagination, on entasse l’emphase et la couleur. […] Ses écrits ne sont que des opinions qui se donnent pour des opinions ; même le principal est une réfutation des erreurs populaires. […] Voyez là-dessus presque tous les écrits de Bacon, et notamment son Histoire naturelle.

2344. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Éreintement de Ponsard, mené par Gautier et nous, à rencontre de la princesse ; au bout de quoi, quelqu’un demande à Gautier, pourquoi il n’écrit pas ce qu’il dit : « Je vais vous conter une petite historiette, riposte tranquillement Gautier. […] Walewski me dit de n’avoir plus d’indulgence, et qu’il m’autorisait à écrire ce que je pensais sur les pièces. — Mais, lui dis-je, il y a cette semaine une pièce de X… — Ah ! […] Au bas de la planche de Lawreince : Le Roman dangereux, sous la femme étendue sur le lit de repos, je vois écrit par une encre contemporaine de Manuel : la duchesse de Berry. L’histoire s’écrira encore longtemps comme ça. […] Et avec un ciseau, dans le pierreux de la chair, Du Camp fait sauter une petite plaque en or, portant une inscription écrite au calame, et découpée en forme d’épervier.

2345. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Taine, je le devinerai ou le conclurai d’une manière générale d’après ses écrits. […] Il a écrit quelque part dans un de ses derniers articles, ces paroles qui, bien qu’ayant un sens plus général là où il les dit, expriment évidemment l’impression qu’ont dû lui laisser les années pénibles de l’apprentissage : Aujourd’hui la lutte est partout, et aussi le sérieux triste. […] Aussi aimerais-je que, lorsqu’on écrit sur un auteur (et j’entends surtout parler d’un poète ou d’un artiste, d’un auteur de sentiment ou d’imagination), on se le figurât présent et écoutant ce que nous en disons. […] Le sol, la lumière, la végétation, les animaux, l’homme, sont autant de livres où la nature écrit en caractères différents la même pensée. » De même, en étudiant l’histoire, il est porté à voir dans les individus, et sans excepter les plus éminents, une production directe, un résultat à peu près fatal du siècle particulier où ils sont venus.

2346. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Le Journal de son voyage, publié très tard pour la première fois, en 1774, n’a rien de curieux littérairement ; mais moralement, et pour la connaissance de l’homme, il est plein d’intérêt, C’est un simple récit, en partie dicté, et de l’écriture d’un secrétaire, en partie de la main de Montaigne, et dont une portion considérable, plus d’un tiers, est même écrite par lui en italien, pour s’y exercer et s’y entretenir. […] Après avoir traversé Munich, la petite caravane arrive aux montagnes et s’enfonce dans les Alpes pour aller par le Tyrol et Inspruck en Italie : « Nous nous engouffrâmes tout à fait dans le ventre des Alpes par un chemin aisé, commode et amusement entretenu. » C’est le secrétaire de Montaigne qui écrit, mais qui visiblement s’inspire de ses impressions et se teint de son langage. […] Quant à l’air, il remerciait Dieu de l’avoir trouvé si doux, car il inclinait plutôt sur trop de chaud que de froid, et en tout ce voyage, jusques lors, n’avions eu que trois jours de froid et de pluie environ une heure ; mais que du demeurant, s’il avait à promener sa fille, qui n’a que huit ans, il l’aimerait autant en ce chemin qu’en une allée de son jardin ; et quant aux logis, il ne vit jamais contrée où ils fussent si dru semés et si beaux, ayant toujours logé dans belles villes bien fournies de vivres, devin, et à meilleure raison qu’ailleurs. » Montaigne, à la veille de quitter l’Allemagne et le Tyrol autrichien, écrit une lettre à François Hotman, ce célèbre jurisconsulte qu’il avait rencontré à Bâle, pour lui exprimer sa satisfaction de tout ce qu’il a vu dans le pays et le regret qu’il avait d’en partir si tôt, quoique ce fût en Italie qu’il allât ; ajoutant qu’excepté quelques exactions à peu près inévitables des hôteliers guides et truchements, « tout le demeurant lui semblait plein de commodité et de courtoisie, et surtout de justice et de sûreté. » Cette première partie de son voyage, dont il se montrait si enchanté, n’avait fait que le mettre en goût et en appétit de découverte. […] Chateaubriand voyage pour en rapporter des tableaux, pour écrire et décrire au retour ; quand il a son image, il en a assez.

2347. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Son premier écrit, Émile, publié en 1827 à l’âge de vingt et un ans, a été le point de départ de tout son développement ; c’est la clef de sa conduite ultérieure et de ses doctrines ; c’est aussi l’anneau par où il se rattache au passé et à toute une famille d’esprits que nous connaissons et qui est nôtre. Un jour que je l’avais entendu raconter avec feu ses premières années, il m’est arrivé d’écrire : « Émile de Girardin est un produit de l’éducation naturelle. […] La composition n’est rien dans Émile ; ce sont des feuillets épars, des fragments écrits jour par jour, à celle qu’il aime, à Mathilde, fille d’un général ami de son père et qu’il a l’espérance d’épouser, si une demande bien tardive d’adoption est accueillie et si l’Arrêt qui doit prononcer de son sort lui est favorable. […] « Que ces mots : « Je vais me battre en duel pour la cause la plus futile et la plus absurde », écrits d’une main calme et ferme par Dujarier, une heure avant qu’il reçut le coup mortel, ne s’effacent jamais de la mémoire d’aucun de nous.

2348. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

À voir, cependant, chez elle l’emploi de ce patois si libre, si naïf, si coloré, je me suis rappelé une remarque du comte Jaubert, qui se trouve des mieux justifiées : « On peut soutenir sans paradoxe, dit-il dans la savante Introduction au Glossaire du centre de la France, que les patois déploient généralement un luxe de tropes à étonner Dumarsais lui-même, une originalité, une sorte de génie propre, capable non seulement d’intéresser, mais même d’offrir certaines ressources au grand art d’écrire. » Il y faut seulement, pour ce dernier point, du choix et de la sobriété. […] L’expression passer fleur n’est pas, je dois le dire, de la façon de l’écrivain. « Dans tout le centre de la France, m’écrit-on, dans l’Ouest, dans le Poitou, il n’y a pas un jardinier qui s’exprime autrement. » Mais la nouveauté consiste à introduire de ces sortes d’expressions naturelles dans la langue écrite ou littéraire, et c’es ce dont je loue l’écrivain. […] Je ne me flatte pas d’avoir tenu la balance parfaitement égale dans la comparaison que j’ai essayé d’établir ; mais si je n’ai pas été tout à fait aussi juste que je l’aurais voulu, je ferai réparation en donnant ici la lettre à la fois gracieuse et véridique que m’a écrite à cette occasion la personne distinguée, ainsi prise à partie par moi sans plus de façon et mise en antagonisme avec Eugénie de Guérin : « Monsieur, « Je reçois le Constitutionnel, et je viens vous remercier d’un cœur sincère.

2349. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

La détresse menaçante, la vue surtout de sa fille, allaient la forcer peut-être à écrire. […] Les jours de marché particulièrement, elle répondait à tous et les aidait quelquefois à écrire l’adresse de leurs lettres ou même la lettre tout entière. […] Elle n’avait pas tardé non plus à distinguer, entre toutes, les lettres qu’il écrivait, tantôt mises dans la boîte par lui-même, qui revenait exprès pour cela, tantôt apportées par un domestique qu’elle eut vite reconnu. […] Mais peu à peu, les obstacles ou les distractions aidant, elle se rabattit à l’amitié (grand mot des femmes, soit pour introduire, soit pour congédier l’amour), et elle en vint le plus ingénument du monde à oublier de plus douces promesses si souvent écrites, et mêmes faites à lui parlant, et non-seulement de la voix.

2350. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Voilà pourquoi les dépositaires de l’esprit de la nation, durant ce long période, semblent écrire sous l’action d’une fièvre intense, qui les met sans cesse au-dessus et au-dessous de la raison, rarement dans sa moyenne voie. […] L’épicurien désabusé qui a écrit l’Ecclésiaste pense si peu à l’avenir qu’il trouve même inutile de travailler pour ses enfants ; aux yeux de ce célibataire égoïste, le dernier mot de la sagesse est de placer son bien à fonds perdu 150. […] Les anciens écrits hébreux ne renferment aucune trace de rémunérations ou de peines futures. […] À chaque ligne des simples écrits de l’Ancien Testament, on voyait l’assurance et en quelque sorte le programme du règne futur qui devait apporter la paix aux justes et sceller à jamais l’œuvre de Dieu.

2351. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Et il explique gentiment : « L’oreille, comme l’œil, apporte au cerveau des sensations d’autant plus précises que le caractère écrit, la ligne tracée ou l’exclamation prononcée sont plus synthétiques. » La bavarde n’entend pas, — heureusement. […] Avant que d’écrire ou d’agir, le classique apprend à penser, et geste ou parole lui semblent beaux qui expriment directement et clairement le pouvoir absolu de la raison. […] Dans l’Action du 25 juin 1903, il écrit ces lignes qui pourraient être de M.  […] Si Napoléon avait été aussi intelligent que Spinoza, il aurait écrit quatre volumes dans une mansarde. » Fuyant M. 

2352. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Au reste, ce n’est point par un désir égoïste de vengeance qu’il écrit cette satire, c’est dans une pensée plus haute : Voici pourquoi j’écris ces vers puissants : c’est pour que le roi y prenne un conseil, qu’il connaisse dorénavant la puissance de la parole, qu’il réfléchisse sur l’avis que lui donne un vieillard, qu’il n’afflige plus d’autres poètes, et qu’il ait soin de son honneur ; car un poète blessé compose une satire, et elle reste jusqu’au jour de la résurrection. […] Le sort a écrit autrement que tu n’aurais voulu, et, comme il te mène, il faut que tu suives. » Sohrab engage le combat ; tout plie devant lui. […] Mon sort était écrit au-dessus de ma tête, et je devais mourir de la main de mon père.

2353. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

La poésie écrite et chantée commence son œuvre, déduction magnifique et efficace de la poésie vue. […] Si vous essayiez d’insinuer à Pythagore qu’il est peu probable qu’il ait été blessé au siège de Troie, lui Pythagore, par Ménélas, deux cent sept ans avant sa naissance, il vous répondrait que le fait est incontestable, et que la preuve, c’est qu’il vous reconnaît parfaitement, pour l’avoir déjà vu, le bouclier de Ménélas suspendu sous la statue d’Apollon, à Branchide, quoique tout pourri, hors la face d’ivoire ; qu’au siège de Troie il s’appelait Euphorbe, et qu’avant d’être Euphorbe il était Æthalide, fils de Mercure, et qu’après avoir été Euphorbe il avait été Hermotime, puis Pyrrhus, pêcheur de Délos, puis Pythagore, que tout cela est évident et clair, aussi clair qu’il est clair qu’il a été présent le même jour et à la même minute à Métaponte et à Crotone, aussi évident qu’il est évident qu’en écrivant avec du sang sur un miroir exposé à la lune, on voit dans la lune ce qu’on a écrit sur le miroir ; et qu’enfin, lui, il est Pythagore, logé à Métaponte rue des Muses, l’auteur de la table de multiplication et du carré de l’hypoténuse, le plus grand des mathématiciens, le père de la science exacte, et que vous, vous êtes un imbécile. […] Ce philosophe, le même qui mourut, à la lettre, de rire en voyant un âne manger des figures dans un bassin d’argent, avait tout étudié, tout approfondi, écrit sept cent cinq volumes, dont trois cent onze de dialectique, sans en avoir dédié un seul à aucun roi, ce qui pétrifie Diogène Laërce. […] Aux environs de ce temps-là, Sophocle écrivait l’Œdipe roi.

2354. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Nous admettons, comme lui, que Corneille, Racine, Molière et La Fontaine ont écrit des chefs-d’œuvre, malgré leur rythmique, « bien qu’ils n’eussent qu’un mauvais outil à leur disposition ». […] L’importance de cette technique nouvelle, en dehors de la mise en valeur d’harmonies forcément négligées, sera de permettre à tout poète de concevoir en lui son vers ou plutôt sa strophe originale, et d’écrire son rythme propre et individuel au lieu d’endosser un uniforme taillé d’avance et qui le réduit à n’être que l’élève de tel glorieux prédécesseur. […] Il nous paraît donc plausible de le scander, en le considérant entre les syllabes environnantes comme un simple intervalle, et en cela nous sommes d’accord avec la déclamation instinctive du langage qui est la vraie base de la rythmique, et même la constitue dès qu’elle se met d’accord avec l’accent d’impulsion qui est son élément de variation, et l’intonation poétique, subordonnée à l’accent d’impulsion, accent et intonation qui comptent, puisque le vers et la strophe sont tout ou partie de phrase chantée et sont de la parole avant d’être une ligne écrite. […] Le poète parle et écrit pour l’oreille et non pour les yeux, de là une des modifications que nous faisons subir à la rime, et un de nos principaux désaccords d’avec Banville, car notre conception du vers logiquement mais mobilement vertébré nous écarte tout de suite et sans discussion de cet axiome « qu’on n’entend dans le vers que le mot qui est la rime ».

2355. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

« Mais il écrit ainsi pour épater, pour ahurir le public. […] Pour eux le Symbolisme n’est qu’un tremplin ; dès qu’ils écriront dans un grand journal, ils feront mieux que personne de la prose anonyme. […] Sous prétexte de philosophie évolutive, ils écrivent une sorte de charabia fort suggestif, dit-on, lorsqu’on le met en musique. […] Un de nos amis qui a vu cette Peau me dit que c’est un assemblage de feuilles dont chacune porte les titres, dédicaces, épigraphes, en un mot tous les accessoires de sonnets… qui ne sont pas encore écrits.

2356. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Car, pour Charles Baudelaire, appeler un art sa savante manière d’écrire en vers ne dirait point assez. […] Il est le misanthrope de la vie coupable, et souvent on s’imagine, en le lisant, que si Timon d’Athènes avait eu le génie d’Archiloque, il aurait pu écrire ainsi sur la nature humaine et l’insulter en la racontant ! […] D’un autre côté, L’Enfer du Dante, pour être plus beau, est aussi un poème, dans toute la splendeur de cette difficulté immense et vaincue, écrit en tercets qui ressemblent à des rayons tordus de foudre, de soleil et de lune, tandis que Les Paradis artificiels de Baudelaire sont un livre de prose, de description et d’analyse psycho-physiologique qu’il a faits sur souvenir, absolument comme un naturaliste étudie à la loupe les fibrilles d’une feuille de mûrier. […] Il y a encore le récit du « monsieur » qui va chez le pharmacien pour se dégriser, qui est un chef-d’œuvre que Swift aurait signé, mais n’aurait peut-être pas écrit.

2357. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Il écrira des hymnes à la Liberté, à l’Esprit, à Florence. […] Il n’était pas assez poète pour se passer d’une langue toute faite, et celle qu’il a parlée purement, mais mollement en ces vers, est toute chargée des influences du temps et de l’heure où il les écrivit ! […] Les gens de Paris l’avaient trouvé si agréablement Breton qu’il s’est dit, connaissant peu son monde du reste, qu’il allait leur donner de la Bretagne ancienne avec de la Bretagne moderne, puisque la moderne leur avait plu ; et il se mit à écrire en vingt-quatre chants son poëme épique et populaire intitulé Les Bretons. […] Rappelez-vous les marais salins du Croisic évoqués par Balzac dans un de ses romans, et la terrible histoire de Cambremer ; puis à côté de cette image naïve du Bon Jésus qui va sur l’eau, mettez encore Jésus-Christ en Flandre et demandez-vous si cette toute-puissante main-là, qui n’écrit cependant qu’en prose, ne casse pas toutes les amusettes du petit pâtre, dans Brizeux !

2358. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

On écrit cela, et, en vérité, il vaut mieux, le plus souvent, ne pas voir le modèle dont on a lu le portrait. […] Elle écrit à sa fille : « Que je vous plains de ne pas être à Livry, puisque je vous ai donné ma folie pour la campagne !  […] On m’objectera ici que plusieurs grands écrivains de notre siècle ont étudié la province, et que, représentants de l’école réaliste, ils n’ont pas dû se borner à suivre une mode, à opiner de la plume parce que les anciens maîtres avaient dit du mal de la province, mais que, s’ils ont persisté à n’en pas écrire favorablement, ils ne l’ont fait qu’après enquête personnelle, scientifiquement et avec le scrupule de la réalité qu’ils apportent en leurs moindres ouvrages. Comment, me dira-t-on, est-ce que le Père Goriot, Ursule Mirouët, le Lys dans la Vallée, les Chouans et dix autres romans de Balzac, est-ce que Madame Bovary, Bouvard et Pécuchet de Flaubert, est-ce que la grande majorité des nouvelles de Maupassant n’ont pas pour théâtre la Touraine, l’Anjou, la Bretagne, la Normandie, la province enfin, qu’ils devaient connaître, puisqu’ils en ont écrit ?

2359. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Après avoir écrit pour notre Académie des sciences morales, il adressait ses mémoires aux Académies de Copenhague et de Berlin. […] Permettez-moi maintenant de prendre une plume et d’écrire la traduction des phrases que vous m’avez citées ; elles ont un sens. […] Ses livres sont des partitions écrites une octave trop haut pour la voix humaine ; transposez et baissez chaque note de six tons. […] Quand vous aurez envie ou besoin de l’autre chose, prenez un port d’armes, et faites écrire en tête, en bien grosses lettres : Par permission de l’autorité. » 14.

2360. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Passionné pour la méthode, parce qu’il était passionné pour la vérité, il employa la meilleure partie de ses meilleurs écrits à marquer les préliminaires de la science, à définir son objet, à marquer ses divisions, à indiquer ses conséquences, à reconnaître son instrument, à mesurer sa certitude. […] Comparés à celui-ci, les écrits écossais et français sur le beau paraissent misérables. […] Ses cours sténographiés sont plus nets que ses livres écrits. […] C’est un homme qui, mourant de soif, s’abstient d’avaler une carafe d’eau glacée et y trempe seulement ses lèvres ; qui, publiquement insulté, reste calme en calculant la plus utile vengeance ; qui, dans une bataille, les nerfs exaltés par une charge, conçoit une manœuvre compliquée, la sonde, l’écrit au crayon sous les balles et l’envoie à ses colonels.

2361. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Jay, homme de sens et fort estimable, mais qui n’avait certes fait preuve, dans l’écrit dont il s’agit, ni d’intelligence de la question, ni d’esprit, ni d’agrément, et qui n’y avait surtout pas mis le plus petit grain d’urbanité ; ce sont là des éloges sur lesquels on doit être coulant et qui sont presque imposés dans un discours de réception. […] Il m’est arrivé d’écrire une grande folie : J’irais à Rome à pied pour un sonnet de lui, c’est-à-dire pour qu’il me fût accordé de trouver en moi un de ces beaux sonnets à la Pétrarque, de ces sonnets après la mort de Laure, diamants d’une si belle eau, à la fois sensibles et purs, qu’on redit avec un enchantement perpétuel et avec une larme. […] M. de Banville, dans cette pièce et ailleurs, n’hésite pas à nommer et à saluer, au rang de ses maîtres divins, un poète qui ne nous saurait être indifférent, le vieux Ronsard. « En ce temps-là, je ronsardisais », écrivait l’aimable Gérard de Nerval au début d’une de ses préfaces.

2362. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Peu d’orateurs alors improvisaient ; on arrivait avec son discours écrit, on le lisait ou on le récitait par cœur : d’où il résultait que, de part et d’autre, on se contredisait sans précisément se répondre. […] pourquoi l’écrire Redoch (t.  […] En revanche, M. de Gentz, le célèbre publiciste viennois, est écrit M. de Geaz (t. 

2363. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Il n’est donné qu’à un petit nombre de peintres d’écrire sur ces pages blanches de la vie. […] Au milieu d’un remarquable soin d’écrire et de peindre, une certaine précision de ligne et une certaine gloire de couleur lui manquent. […] Simiane va porter son écrit à Montesquieu, que les Lettres persanes ont placé à la tête de la réaction qui s’est prononcée contre la grandeur et le despotisme de Louis XIV.

2364. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Chapelain, avec lui, sera aux places d’honneur ; puis défilent Pelletier, Bardin, Perrin, Pradon, Quinault, Mauroy, Boursault, l’abbé de Pure, Neufgermain, La Serre, Saint-Amant, Coras, Las Fargues, Colletet, Titreville, Gautier, Linière, Sauval ; des morts même, Théophile, le Tasse ; les genres aussi, plaidoyers, sermons, odes, églogues, élégies ; enfin l’erreur d’un grand homme, Attila : c’est un terrible massacre de réputations usurpées, et cette neuvième satire, avec son insultante nomenclature, fait l’effet d’être le martyrologe des méchants auteurs et des mauvais écrits. […] Il se contenta d’affirmer dans ses Préfaces qu’il avait usé de son droit en critiquant des auteurs comme auteurs ; que du reste on pouvait écrire contre ses œuvres, « attendu qu’il était de l’essence d’un bon livre d’avoir des censeurs ». […] Bourgeois encore en ceci, il rejetait également la domesticité et la vie de bohème, et c’était pour rappeler les écrivains au sentiment de leur dignité, qu’après certains traits des Satires il écrivait, sans nécessité apparente, le quatrième chant de son Art poétique.

2365. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Lisons un petit fragment, le n°29 de l’édition de M. de Chénier : rien dans le ton ni la couleur ne le distingue des imitations de Théocrite ou de Moschus ; on reconnaîtrait dans ces huit gracieux vers une inspiration antique, sans cette note autographe du manuscrit : « Vu et fait à Catillon près Forges le 4 août 1792, et écrit à Gournay le lendemain ». […] Chénier les écrivit pendant les quatre mois et vingt jours qui séparèrent son arrestation de son exécution. […] Il avait déjà publié quelques écrits politiques.

2366. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Pour lui, la réflexion est un état contre nature ; il écrit cette phrase énergique : « L’homme qui médite est un animal dépravé. » Il se plaît à railler la raison, à l’humilier, à la fouler aux pieds ; il proclame la royauté, que dis-je ? […] Quand Bernardin de Saint-Pierre a publié ses Etudes de la Nature, une jeune fille de Lausanne, dans un accès d’admiration, lui écrit pour lui offrir sa main. […] N’y a-t-il pas dans les écrits de Scarron ou de Cyrano de Bergerac des dislocations comiques de style et d’idées, des contrastes violents qui font rire, des bouffonneries énormes et truculentes ?

2367. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Bientôt aussi le talent de converser devînt le but d’une émulation vive et générale : on en vint plus tard à mettre par écrit les conversations des sociétés particulières, on les livra à l’impression : on envoya ses conversations à ses amis et à ses connaissances13. […] Il écrivit un jour à Sully : « Le prince fait le diable. […] On lit dans les Mémoires de Sully, qu’après la mort du roi le prince « le Condé écrivit à la reine : Vous savez pourquoi j’ai quitté la France, nous faisions cause commune. » (Ibid.

2368. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

a-t-il écrit des portions de discours à l’avance ou ne les a-t-il que préparées ? […] Au début, il a commencé simplement par écrire ses discours et par les lire, puis par les réciter. […] Il a écrit aussi quelque chose contre les destructeurs des monuments gothiques.

2369. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Le Louis XVII de Fauchois et l’Exode du même sont des pièces décidément bien mal écrites. […] Gabriel Boissy écrit : « … D’une succession de faits, un fait majeur s’impose : les lettres françaises, sommeillantes ou vagissantes depuis l’époque romantique, entrent aujourd’hui en effervescence ; un nouvel âge se prépare par les efforts convergents d’un groupe nombreux d’esprits toujours jeunes ou de jeunes esprits. […] Les deux premiers n’ont pas fourni encore toute leur mesure, mais comptent déjà, le dernier a écrit peut-être les seules comédies de ce temps qui ont chance de survivre avec celles de M. 

2370. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Solin qui a écrit quelque temps après Pline semble nous apprendre pourquoi l’usage de cette pierre étoit à préferer à celui de l’airain dans le revêtement intérieur d’une partie des masques. […] Ceux mêmes qui ont écrit méthodiquement sur la poësie, sur l’architecture et sur plusieurs autres arts, jugeant qu’il étoit inutile de faire préceder leurs raisonnemens et leurs dogmes par des descriptions exactes de ce qui étoit sous les yeux de tout le monde, se jettent d’abord dans des préceptes et dans des discussions que les contemporains trouvoient très-claires, mais qui sont des énigmes pour la postérité, à cause que le flambeau qui éclairoit les contemporains s’est éteint. […] Peut-être que cela ne seroit point si nous n’avions pas perdus les livres que Denis D’Halicarnasse, Rufus et plusieurs autres écrivains de l’antiquité avoient écrit sur les théatres et sur les representations.

2371. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Il est évident que, sauf ce précepte général de lire avec attention et réflexion continuelles, l’art de lire ne peut pas être le même pour ces différents genres d’écrits. […] Et vous pouvez encore vous tromper ; mais vous ne mécontenteriez pas Platon qui, comme tous les philosophes, écrit moins pour être admiré que pour être compris et même moins pour être compris que pour faire penser. […] C’est une contradiction, sans doute, et pour mon compte j’en suis persuadé : les grandes idées générales dérivant toujours des sentiments, il est probable que Rousseau, dans la plupart de ses écrits, a tiré ses idées de sa passion pour l’indépendance et pour la solitude, et dans un de ses livres de sa passion, très honorable, pour la République de Genève.

2372. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Musset avait écrit dans Carmosine : Depuis le jour où le voyant vainqueur, D’être amoureuse, amour, tu m’as forcée, Fût-ce un instant, je n’ai pas eu le cœur De lui montrer ma craintive pensée, Dont je me sens à tel point oppressée, Mourant ainsi, que la mort me fait peur. […] Il est aussi dans les membres de phrase courts en même temps qu’ils sont sourds, des membres de phrase déprimés du commencement, auxquels s’oppose le membre de phrase final, non pas allègre, mais libre, mais libéré, s’espaçant discrètement, mais s’espaçant et prenant du champ et qui semble comme l’expression du soulagement et de la reprise de la vie dans un sourire : « les yeux des jeunes filles y sont (verts et bleus à la fois) comme ces vertes fontaines où sur un fond d’herbes ondulées se mire le ciel. » Ainsi, en lisant à haute voix, vous vous pénétrez des rythmes qui complètent le sens chez les écrivains qui savent écrire musicalement ; du rythme qui est le sens lui-même en sa profondeur ; du rythme qui, en quelque façon, a précédé la pensée (car il y a trois phases : la pensée en son ensemble, en sa généralité : « Je suis né en Bretagne » — le rythme qui chante dans l’esprit de l’auteur, qui est son émotion elle-même et dans lequel il sent qu’il faut que sa pensée soit coulée — le détail de la pensée qui se coule en effet dans le rythme, s’y adapte, le respecte, ne le froisse pas et le remplit) ; du rythme enfin qui, parce qu’il est le mouvement même de l’âme de l’auteur, est ce qui, plus que tout le reste, vous met comme directement et sans intermédiaire en communication avec son âme. […] Faites ces observations ou des observations analogues, ou contraires ; mais faites-en pour tirer tout le parti possible des écrivains qui savent écrire en musique.

2373. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Il est très probable que la seconde classe s’est graduellement augmentée, à mesure que la musique s’est retirée de la poésie ; ensuite à mesure que la parole écrite s’est répandue : et maintenant cette seconde classe est devenue la plus nombreuse, sans aucune contestation. […] Mais on peut compter sur le respect pour la règle fixe, pour la loi écrite, pour la lettre en un mot, pour la lettre sans interprétation, pour la lettre devant qui tout rentre dans l’égalité. […] D’abord il a pu paraître assez singulier que j’aie admis aussi facilement une hypothèse que je regarde comme peu exacte ; et que je sois parti d’une donnée aussi contestable, pour en tirer non seulement les inductions que l’on vient de lire, mais encore celles que je me propose d’en tirer dans la suite de cet écrit.

2374. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Quels que soient, d’ailleurs, les titres différents que M. de Coulanges donne à ses ouvrages, ils ne sont tous, si j’en saisis bien le sens et la portée, que les chapitres écrits d’un livre qui se continue, que les parties échafaudées d’un ensemble historique embrassé de haut, comme on embrasse tout un pays du sommet de ses montagnes. […] Mais, en attendant qu’il le dise, on ne saurait trop présumer d’un historien qui introduit dans l’Histoire un point de vue aussi puissant et aussi renversant que celui qu’il vient d’y ouvrir, et qui, s’il est vrai absolument et sans réplique, comme il doit l’être, bouleverse l’Histoire telle qu’elle est écrite et acceptée, et en change instantanément tous les aspects. […] Il a traité l’Histoire écrite par les modernes avec le mépris qu’elle mérite.

2375. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Leur histoire, si on l’écrivait, ne serait cependant rien de plus que de l’histoire naturelle, et il n’y a pas à s’attendrir sur de l’histoire naturelle, ainsi que des benêts corrompus s’attendrissent sur l’histoire naturelle de Manon. […] Il y a un esprit et une volonté qui les conçoivent et qui les écrivent. […] Je sais comme est écrit Gil Blas et même Candide ; mais j’avoue que je n’ai jamais rien vu de pareil au verre d’eau claire du style de Manon Lescaut, qui n’a jamais été chauffé, même au bain-marie, par la passion de son auteur.

2376. (1911) Nos directions

Il écrivait : « J’aime à relire la page exquise où M.  […] Charles Maurras écrivit là-dessus de justes lignes dans un article récent contre le « beau vers » ! […] Que la représentation achève de mettre en valeur ce qui fut écrit pour la scène, il serait absurde de le contester. […] Depuis que ces lignes furent écrites M.  […] Moréas » avait d’ailleurs été écrit à la demande expresse de Gide : voir Gide à Ghéon, mai 1909 : « Je t’envoie cet article de Maurras, qui pourra t’exciter à écrire ton article sur le classicisme, très souhaité pour le numéro de juillet de la NRF ».

2377. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Le célèbre auteur écossais, dans cet écrit qui présente l’ensemble complet de ses observations et de sa doctrine philosophique morale, développe ce qu’il n’avait fait qu’indiquer sommairement pour ses élèves dans ses Esquisses de philosophie morale, que M.  […] Les personnes, auxquelles s’adressent les écrits du philosophe écossais, devront désirer connaître l’ouvrage d’un des hommes qui cultivent en France avec le plus de distinction et de sagesse cette même philosophie transplantée par M. 

2378. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Rousseau tué par les chagrins et par la misère… » Après avoir quelque temps continue sur ce ton,  l’auteur s’attache à une phrase échappée à M. de Custine dans son livre sur l’Espagne : « En France, dit le spirituel touriste, Rousseau est le seul qui ait rendu témoignage par ses actes autant que par ses paroles à la grandeur du sacerdoce littéraire ; au lieu de vivre de ses écrits, de vendre ses pensées, il copiait de la musique, et ce trafic fournissait à ses besoins. […] Mais à la pauvreté hautaine, étalée et presque cynique de Jean-Jacques, à la délicatesse de haut goût et un peu aristocratique de M. de Custine, à cette longue demande d’indispensables millions et de liste civile littéraire par M. de Balzac, je ne veux opposer, comme vérité, tact et dignité, qu’une page d’un écrivain bien compétent : « En vous rappelant sans cesse, écrit quelque part M. de Sénancour, que les vrais biens sont très supérieurs à tout l’amusement offert par l’opulence même, sachez pourtant compter pour quelque chose cet argent qui tant de fois aussi procure ce que ne peut rejeter un homme sage.

2379. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Janin, quand il a un feuilleton à écrire ? Il considère son sujet en plein, sans tant de façon, rondement ; il voit ce qu’il en peut faire avec esprit, avec verve, avec bon sens à travers ; son parti pris, il va ; il s’agit, avant tout, que son feuilleton ait vie, qu’il se meuve, qu’il amuse ; son feuilleton, c’est sa pièce à lui, il faut qu’elle réussisse ; il ne l’écrit pas ce feuilleton, il le joue.

2380. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il a de l’esprit, du caractère, de la décision et assez de connaissance générale du métier pour pouvoir se servir du talent des autres. » Dans une autre lettre du même jour, Napoléon écrivait à Jérôme lui-même : « Mon frère, je vous envoie une lettre du ministre de la marine ; vous y verrez tout le bien que vous pouvez faire à mes flottes par une bonne conduite. […] Il lui confia 25,000 hommes de troupes bavaroises et wurtembergeoises, avec lesquelles le prince Jérôme s’empara de la Silésie, et rendit à la grande Armée, alors en Pologne, d’utiles services : « Le prince Jérôme, disait l’empereur dans un de ses bulletins, fait preuve d’une grande activité et montre les talents et la prudence qui ne sont d’ordinaire que les fruits d’une longue expérience. » — Le 14 mars 1807, Napoléon nommait son jeune frère général de division, et le 4 mai il écrivait au roi de Naples, Joseph : « Le prince Jérôme se conduit bien, j’en suis fort content, et je me trompe fort s’il n’y a pas en lui de quoi faire un homme de premier ordre.

2381. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

Corneille, plus rapproché des temps orageux de la Ligue, montre souvent dans ses tragédies le caractère républicain ; mais quel est l’auteur du siècle de Louis XIV dont l’indépendance philosophique peut se comparer à celle des écrits de Voltaire, de Rousseau, de Montesquieu, de Raynal, etc. ? […] Il faut, pour bien écrire, des habitudes autant que des réflexions ; et si les idées naissent dans la solitude, les formes propres à ces idées, les images dont on se sert pour les rendre sensibles, appartiennent presque toujours aux souvenirs de l’éducation, et de la société avec laquelle on a vécu.

2382. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

De là les jugements sommaires, les mots vagues, dont on remplit ses discours et ses écrits. […] Cependant, si l’on se réduisait à de si sèches notations, on aurait vite fait de dire et d’écrire, et l’on croit de son honneur d’empêcher les autres de parler pendant un temps notable, de noircir ses quatre pages de papier.

2383. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Américain d’origine, il est bien le compatriote de ce suprême et grand Edgar Poë, de celui qui osa penser que la poésie était la création rythmique de la beauté, lorsqu’il écrivit que cette beauté était une des conditions de la parfaite vie « au même titre que la vertu et la vérité ». […] Stuart Merrill est composé de pièces écrites à des époques assez distantes, pour qu’on y trouve réunies toutes les qualités, qui caractérisent chacun des livres précédents.

2384. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Silvestre, Armand (1837-1901) »

Armand Silvestre, en qui le prosateur rendrait injuste pour le poète, — le poète éperdu de seul lyrisme, — a écrit, dans les Paysages métaphysiques notamment, quelques-uns des plus beaux vers que je sache. […] Silvestre écrites en grec, à Alexandrie, et lues dans la fièvre par quelques disciples de

2385. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Il ne suivit point l’exemple de Flaminio Scala : il écrivait le dialogue, tantôt en prose et tantôt en vers. […] Cette pièce est divisée en trois actes : le premier est une comédie, le second une pastorale, et le troisième une tragédie ; le tout est écrit en prose mêlée de quelques stances disposées pour le chant.

2386. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Mais il était ami plus fidèle que courtisan habile, quand il écrivait son élégie Aux Nymphes de Vaux, en faveur de Fouquet, il implorait pour lui la clémence de Louis XIV, sachant très bien, et son élégie même en contient la preuve, qu’il avait à défendre, non, comme le croyait le public, le ministre prévaricateur, mais le galant magnifique et téméraire, qui avait osé prétendre au cœur de la maîtresse du monarque et essayé de la séduire. […] Boileau était courtisan quand il disait à Louis XIV : Grand roi, cesse de vaincre, ou je cesse d’écrire.

2387. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

Qu’il croie en Dieu ou aux dieux, à Pluton ou à Satan, à Canidie ou à Morgane, ou à rien, qu’il acquitte le péage du Styx, qu’il soit du sabbat ; qu’il écrive en prose ou en vers, qu’il sculpte en marbre ou coule en bronze ; qu’il prenne pied dans tel siècle ou dans tel climat ; qu’il soit du midi, du nord, de l’occident, de l’orient ; qu’il soit antique ou moderne ; que sa muse soit une muse ou une fée, qu’elle se drape de la colocasia ou s’ajuste la cotte hardie. […] Et puis, pourquoi n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poëte, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout : fraîches promenades d’orangers le long d’une rivière ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées ; labyrinthes d’édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais, hospices, couvents, casernes, tous divers, tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux ; là-bas, le vieux gibet permanent, dont la pierre est vermoulue, dont le fer est rouillé, avec quelque squelette qui craque au vent ; au centre, la grande cathédrale gothique avec ses hautes flèches tailladées en scies, sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs, sa frise à jour comme une collerette, ses solides arcs-boutants si frêles à l’œil ; et puis, ses cavités profondes, sa forêt de piliers a chapiteaux bizarres, ses chapelles ardentes, ses myriades de saints et de châsses, ses colonnettes en gerbes, ses rosaces, ses ogives, ses lancettes qui se touchent à l’abside et en font comme une cage de vitraux, son maître-autel aux mille cierges ; merveilleux édifice, imposant par sa masse, curieux par ses détails, beau à deux lieues et beau à deux pas ; — et enfin, à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores et les palmiers, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ?

2388. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

Ses écrits sont marqués au coin du génie. […] C’est là que ses idées se développèrent, qu’il puisa cette force de raison, cette fleur de politesse, ce goût exquis & sûr qu’on admire dans ses écrits.

2389. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

Voilà la source de cet amour imaginaire qui se trouve dans la plûpart de leurs écrits. […] Il n’en est pas de même des peintures de l’amour qui sont dans les écrits des anciens : elles touchent tous les peuples ; elles ont touché tous les siecles, parce que le vrai fait son effet dans tous les tems et dans tous les païs.

2390. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

M. de La Fontaine étoit né certainement avec beaucoup de génie pour la poësie ; mais son talent étoit pour les contes et encore plus pour les fables, qu’il a traitées avec une érudition enjoüée, dont ce genre d’écrire ne paroissoit pas susceptible. […] Que de gens seroient de grands auteurs s’ils avoient moins écrit.

2391. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Descartes, ce Robinson de la pensée, qui fait le désert dans l’intelligence pour s’y retrouver, fut continué effroyablement, et jusqu’à l’absurdité, par un autre Robinson sans patrie, sans principes, — la patrie de l’esprit, — échoué à Paris chez les encyclopédistes, qui lui appliquèrent le droit d’aubaine et s’en firent une de ses écrits. […] Je conçois le mot lâche de Voltaire, qui disait : « La vie des hommes littéraires n’est que dans leurs écrits. » Il voulait y cacher la sienne.

2392. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

Or, voilà le seul reproche que j’aie à faire à ce livre de tant de naturel : c’est de ne pas être signé naturellement du nom de la femme qui a pu l’écrire. […] À ce compte, la naïveté, dans son involontaire simplicité de violette des bois, ne serait plus que l’instantanéité d’une combinaison inconsciente, trop rapide pour qu’on puisse l’observer, même en soi… Seulement, et quoi qu’il en puisse être d’ailleurs, il est bien évident que la femme de ces Récits de la Luçotte — qu’il m’est impossible d’appeler un auteur comme tout ce qui fait métier d’écrire — possède cette force mystérieuse, d’où qu’elle vienne, qui nous fait croire à ce redoublement de mystère : le naturel et la simplicité.

2393. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Après tous ces noms, on en trouve d’autres qui sont encore célèbres dans des genres différents ; le président de Thou, immortel par son histoire, et le président Jeannin, qui fut négociateur et ministre ; et le cardinal d’Ossat, qui se créa lui-même ; et le père Mersenne, digne d’être l’ami de Descartes ; et Gassendi, presque digne d’être son rival ; et le fameux Arnaud, qui écrivit avec génie, et fut malheureux avec courage. […] J’ai déjà dit un mot de la manière dont ces éloges sont écrits.

2394. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Derély écrit cela comme l’autre écrivait : « Enfin, Malherbe vint. » C’est faire un peu trop d’embarras, et l’idée de Pisemsky n’est peut-être pas d’une si extraordinaire nouveauté. […] Il n’a jamais écrit que pour le théâtre. […] Elle écrit à son mari une belle lettre qui la fait pleurer. […] Mais enfin il a su l’écrire. […] Janvier de la Motte que je les ai écrites, mais à l’occasion de cette comédie.

2395. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Le XVIIIe siècle a eu des douzaines d’auteurs dramatiques, qui ont écrit des centaines de pièces. […] Abel Hermant était, certes, de force à écrire la comédie du grand mariage franco-américain. […] Il me semble d’abord qu’il est le seul de sa bande qui écrive encore plus pour son plaisir que pour celui des autres ; et que cet esprit, qui plaît si naturellement, ne sacrifie que peu, si l’on y regarde de près, au désir de plaire. […] Pas une phrase « écrite » ; jamais on n’a plus subtilement usé de la syllepse, de l’ellipse, ni de l’anacoluthe. […] Donc, en disant que j’ai voulu jeter le ridicule sur les ménages de pasteurs et écrire un plaidoyer en faveur du célibat des prêtres, vous me faites un procès de tendances.

2396. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il suffisait du talent de Quinault, pour écrire cette tirade. […] De là son usage d’écrire ses pièces d’abord en prose, afin d’éviter l’illusion du poète, et ce chatouillement de l’imagination et de l’oreille, qui aurait pu troubler son jugement. […] Que penserait Racine, lui qui ne se souciait que de l’invention, de tous ces éloges qu’on fait de son talent d’écrire ? […] Ce qu’il a écrit là-dessus ressemble fort à une discussion théologique, où un casuiste essaye de concilier avec un dogme absolu des faits qui le contrarient. […] Ecrire purement en vers, au temps de Corneille, c’était inventer ; au temps de Racine, c’était suivre.

2397. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Deux pièces de lui subirent, l’une à Cluny et l’autre au Palais-Royal, un échec éclatant ; les préfaces et les articles qu’il écrivit pour les défendre firent bondir ses adversaires. […] Zola n’a pas écrit le livre qui passe pour son chef-d’œuvre dans le but de forcer la popularité : sans cela, rien ne l’aurait empêché de le faire plus tôt. […] Non content d’étudier les documents imprimés et les écrits des spécialistes, M.  […] Ce livre est écrit par un homme du peuple, qui connaît les ouvriers pour avoir vécu avec eux et comme eux : nul ne l’accusera de chercher à les noircir. […] En un mot, et pour le résumer par une image, il écrit sous la dictée de tous. » C’est violent, n’est-ce pas ?

2398. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Grandet, encore nommé par certaines gens le père Grandet, mais le nombre de ces vieillards diminuait sensiblement, était en 1789 un maître tonnelier fort à son aise, sachant lire, écrire et compter. […] Il ne disait jamais ni oui ni non, et n’écrivait point. […] Le neveu, de son côté, avait écrit à Paris de vendre tous ses objets personnels ; il en avait reçu un peu d’argent ; il montra de plus à son oncle des bijoux. […] ” — « Comment, Nanon, dit un soir Eugénie en se couchant, il ne m’écrira pas une fois en sept ans ? […] Mais ils écrivent en vers immortels, et Balzac n’écrit qu’en prose modelée sur le cœur humain !

2399. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Combien connaissent un drame entier du Maître : où est l’écrivain qui a lu Ses écrits théoriques ? […] Dans les écrits théoriques, le pessimisme du Maître apparaît davantage. […] L’écrit philosophique « Art et Religion »bl dit le mal de l’existence individuelle, morcelant et opposant nos intérêts ; mais il exalte le retour à l’unité universelle, pleinement bonne, pleinement sainte, — et naturelle, — et bien heureuse. […] L’écrit sur Beethoven nous surprend, entre tous. […] Toutes les chroniques ont été écrites par M. 

2400. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Ce qu’en tout cas nous pouvons dire, c’est que maître Jehan Froissart, qui avait commencé d’écrire ses Chroniques en vers, pour faire plus d’honneur à Prouesse, les remet en prose ; — et voilà l’histoire à la fois détachée de l’épopée et distinguée du roman. […] Mais ce n’est pas ici la question ; et nous nous bornerons à dire que, si « tout l’art d’écrire, selon le mot de La Bruyère, consiste à bien définir et à bien peindre », la scolastique nous en a certainement appris une moitié. […] Il est d’abord comme entendu que l’on n’écrira pas en français pour écrire, mais pour agir ; et que cette action aura pour objet la propagation des idées générales. […] Les Décades ou le Prince du grand Italien sont écrits d’un autre style ; ils sont d’une autre valeur et d’une autre portée que les Mémoires de l’adroit serviteur du Téméraire et de Louis XI. […] Commynes a peu de préjugés, ce qui est toujours une excellente condition pour écrire l’histoire ; il a de l’expérience ; et surtout il a vécu dans la familiarité de l’un des modèles les plus originaux que jamais peintre ait rencontrés.

2401. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Il est le premier de sa race qui écrit. […] Il écrit et fait imprimer. […] Pourquoi tout le monde écrit-il, et qu’est-ce qu’on publie. […] Pour avoir une retraite assurée, (c’est-à-dire de l’argent assuré quand on sera vieux) on ne dit pas, on n’écrit pas ce que l’on pense, ce que l’on a à dire et à écrire, ce que tout le monde sait, ce que personne n’ose dire ni écrire. […] On croyait considérer l’événement que l’on écrivait et on considérait un autre, un même, un faussement même événement que l’on avait écrit.

2402. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Il a été écrit par un savant qui. — et c’est une exception rare, — a le sens commun. […] » me dit Jules Renard, « quand j’écris je veille uniquement à ce que mes phrases se tiennent bien. […] J’écris ce que je sens en écrivant. […] Maurice Barrès me disait ces jours-ci qu’il était en train d’écrire un commentaire sur sa propre œuvre. […] Je ne sais quel sentiment s’empara de moi, tandis que j’écrivais.

2403. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

On s’enferme pendant une quinzaine de jours avec les écrits d’un mort célèbre, poëte ou philosophe ; on l’étudie, on le retourne, on l’interroge à loisir ; on le fait poser devant soi ; c’est presque comme si l’on passait quinze jours à la campagne à faire le portrait ou le buste de Byron, de Scott, de Gœthe ; seulement on est plus à l’aise avec son modèle, et le tête-à-tête, en même temps qu’il exige un peu plus d’attention, comporte beaucoup plus de familiarité. […] Ces premières années, cette vie de famille et d’enfance, qu’il aimait à se rappeler et qu’il a consacrée en plusieurs endroits de ses écrits, laissèrent dans sa sensibilité de profondes empreintes. En 1760, au Grandval, chez le baron d’Holbach, partagé entre la société la plus séduisante et les travaux de philosophie ancienne qu’il rédigeait pour l’Encyclopédie, ces circonstances d’autrefois lui revenaient à l’esprit avec larmes ; il remontait par la rêverie le cours de sa triste et tortueuse compatriote, la Marne, qu’il retrouvait là, sous ses yeux, au pied des coteaux de Chenevières et de Champigny ; son cœur nageait dans les souvenirs, et il écrivait à son amie, mademoiselle Voland : « Un des moments les plus doux de ma vie, ce fut, il y a plus de trente ans, et je m’en souviens comme d’hier, lorsque mon père me vit arriver du collège, les bras chargés des prix que j’avais remportés, et les épaules chargées des couronnes qu’on m’avait décernées, et qui, trop larges pour mon front, avaient laissé passer ma tête. […] C’est une rétractation partielle, une rectification de ce que j’avais écrit précédemment dans un article du Globe, dont je reproduis ici le début : « Il y a dans Werther un passage qui m’a toujours frappé par son admirable justesse : Werther compare l’homme de génie qui passe au milieu de son siècle, à un fleuve abondant, rapide, aux crues inégales, aux ondes parfois débordées ; sur chaque rive se trouvent d’honnêtes propriétaires, gens de prudence et de bon sens, qui, soigneux de leurs jardins potagers ou de leurs plates-bandes de tulipes, craignent toujours que le fleuve ne déborde au temps des grandes eaux et ne détruise leur petit bien-être ; ils s’entendent donc pour lui pratiquer des saignées à droite et à gauche, pour lui creuser des fossés, des rigoles ; et les plus habiles profitent même de ces eaux détournées pour arroser leur héritage, et s’en font des viviers et des étangs à leur fantaisie. […] Sa vie se passa de la sorte, à penser d’abord, à penser surtout et toujours, puis à parler de ses pensées, à les écrire à ses amis, à ses maîtresses ; à les jeter dans des articles de journal, dans des articles d’encyclopédie, dans des romans imparfaits, dans des notes, dans des mémoires sur des points spéciaux ; lui, le génie le plus synthétique de son siècle, il ne laissa pas de monument.

2404. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

De même, selon les idées de Boileau, déterminées par la tradition gréco-romaine, on ne doit pas écrire l’épopée, ni la tragédie, ni la comédie en prose : ne savons-nous pas les colères de Voltaire, quand il entendait parler d’un Maillard ou Paris sauvé, en prose, et qu’aussitôt après la mort de Molière, les comédiens firent mettre son Don Juan en méchants vers par Thomas Corneille, pour ne pas donner au public cinq grands actes d’admirable prose, à laquelle on fut cent cinquante ans à revenir ? […] Il semble même que ce sage esprit pousse un peu bien loin l’enthousiasme, quand il écrit ce vers : Un sonnet sans défauts vaut seul un long poème. […] La comédie de caractère est supérieure à la farce, mais, en son genre, Scapin vaut Alceste, et comme disait Diderot, il ne faut pas moins de génie pour écrire Pourceaugnac que Tartufe. […] Vast-Ricouard même n’a pu faire mieux que Chapelain : « Les bras glissant avec grâce, le long du buste, étaient terminés par des mains dont les doigts potelés, et pourtant effilés, avaient à leurs extrémités de minuscules ongles roses, arrondis à fleur de peau. » Ces réalistes, qui n’ont pas un grain de sentiment artistique, ne se doutent pas qu’il ne suffit pas de savoir le dictionnaire et de faire le tour d’un objet, et d’en coucher par écrit, sous leur nom propre, toutes les particularités visibles. […] Notre littérature, moins mondaine, ou notre monde, moins poli, ne s’effarouchent pas du débraillé : le public d’honnêtes gens auxquels s’adressaient nos classiques, maintenait dans les écrits une sorte de réserve aristocratique, d’une simplicité très raffinée, au moyen de laquelle on pouvait tout faire entendre, mais qu’on n’avait pas le droit de rejeter un seul instant.

2405. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Ils ont ces voix allemandes un peu dures, quelques-uns excessivement, comme Siehr, d’autres moins, comme Winkelmann ; mais c’est pour de telles voix qu’écrivait Wagner ; et tous ils sont excellents musiciens, très sérieux, très consciencieux ; et tous, des acteurs plus ou moins gauches. […] Notes sur Parsifal On a beaucoup écrit sur Parsifal. […] En 1848, en même temps que Wagner écrivait le Mythe des Nibelungs « esquisse d’un drame », il publiait une brochure Les Nibelungs « l’Histoire Universelle dans la Légende ». […] En 1864, donc précisément au moment où il écrivait Parsifal, Wagner dit : « dans le domaine apparemment si éloigné de la religion, je n’ai jamais cherché, en vérité, que mon art … » (VIII, 8) ; en 1850 il avait dit la même chose (III, 77) ; et en 1880 il répète : « si on me demandait ; voulez-vous créer une religion ? […] Et en 1882, dans l’article daté de Venise, 1er novembre, et consacré au souvenir des représentations de Parsifal qui venaient d’avoir lieu, il écrit : « Oublier dans la contemplation de l’œuvre d’art — rêvée mais vraie — le monde réel du mensonge, c’est la récompense pour la douloureuse véracité qui nous a forcés de reconnaître que ce monde n’est que misère » (X, 395). — Nulle part, dans ce poème de Parsifal, nous ne touchons au monde réel.

2406. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Subissant des influences contraires à celles qui auraient pu vraiment féconder le réalisme, il a été conduit d’abord, en dépit de son talent, à écrire un déplorable livre. […] Ce n’est pas assez d’écrire pour apprendre à écrire, il faut encore interroger le public. […] C’est le plus horrible livre qu’on ait jamais écrit ! […] À écrire une œuvre sans âme, à peindre des scènes atroces, à se complaire dans la splendeur de l’horrible, à mêler ensemble le sang et la volupté, comme s’il y avait chez lui un penchant mauvais, — disons le mot, le mot terrible, puisqu’un des maîtres de la critique n’a pas craint de le prononcer à voix haute, — comme s’il y avait chez ce peintre des choses corrompues un coin d’imagination sadique.

2407. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

je ne le pourrais pas dire, mais c’est une espèce d’obsession… Je le reprends donc ce journal, et l’écris sur des notes jetées, dans mes nuits de larmes, des notes comparables aux cris, avec lesquels les grandes douleurs physiques se soulagent. […] * * * Une obsession depuis quelques jours, une tentation que je ne veux pas écrire ici… Si je ne l’aimais pas trop, ou peut-être pas assez pour cela… * * * Quelque chose d’irritant, c’est son obstination sourde, hostile contre tout ce qui est raisonnement. […] * * * Son métier, dont il a été longtemps préoccupé après sa cessation de travail, ne l’occupe plus ; ses livres sont pour lui, comme s’il ne les avait pas écrits. […] Le désespoir de ce vouloir, la colère de cet effort ne peut s’écrire. […] … » C’étaient des flux de phrases tronquées, dites avec l’air de tête, le ton ironique, le mépris d’intelligence hautaine, l’espèce d’indignation qui lui était particulière, quand il entendait une bêtise, ou l’éloge de quelque chose d’inférieur… Parfois, dans l’incessante agitation de la fièvre et du délire, il répétait toutes les actions de sa vie, indiquant le geste de mettre son lorgnon, soulevant ces haltères dont je le fatiguais pendant les derniers mois, faisant enfin son métier, faisant le simulacre d’écrire.

2408. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Jamais (…) n’a eu la signification de retenir, d’arêter, d’écrire dans l’imagination d’un home qui parloit latin. […] L’autre manière d’écrire des anciens étoit (…), en gravant les lettres sur des lames de plomb ou de cuivre ; ou bien sur des tablètes de bois, enduites de cire. […] Telles sont l’ecriture sainte, la tradition contenue dans les écrits des saints péres, les conciles, etc. […] et qu’on répond, il écrit, il dort, il chante, il danse ; tous ces verbes là sont pris alors dans un sens neutre. […] On ne sauroit aporter trop d’atention pour éviter tous ces défauts : on ne doit écrire que pour se faire entendre ; la nèteté et la précision sont la fin et le fondement de l’art de parler et d’écrire.

2409. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Lorsqu’il s’agit de former une maison à Madame Royale, âgée d’un mois, « la reine, écrit l’ambassadeur d’Autriche, veut supprimer une mollesse nuisible, une affluence inutile de gens de service, et tout usage propre à faire naître des sentiments d’orgueil. […] Louis XVI écrit le 31 août 1781 : « Aujourd’hui tué 460 pièces ». […] Tous les matins à sept heures, en hiver comme en été, le duc de Fronsac, par ordre de son père, se trouvait au bas du petit escalier qui conduit à la chapelle, uniquement pour donner la main à Mme de Maintenon qui partait pour Saint-Cyr169. « Pardonnez-moi, Madame, lui écrivait le duc de Richelieu, l’extrême liberté que je prends d’oser vous envoyer la lettre que j’écris au roi, par où je le prie à genoux qu’il me permette de lui aller faire de Ruel quelquefois ma cour ; car j’aime autant mourir que d’être deux mois sans le voir. […] Il écrit rien aux jours où il n’a pas chassé ; c’est que pour lui ces jours-là sont vides. « 11 juillet 1789, rien, départ de M.  […] Il écrivait, dictait au milieu d’une compagnie nombreuse… Sa maison à Paris et son appartement à Versailles ne désemplissaient point depuis qu’il était éveillé jusqu’à ce qu’il se couchât. » — Deux ou trois cents maisons à Paris, à Versailles et aux environs présentent un spectacle semblable.

2410. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Vers la fin de sa vie, l’argent lui manqua ; il était libéral, imprévoyant, et ses poches avaient été toujours trouées, comme sa main toujours ouverte ; quoiqu’il eût écrit immensément, il était obligé d’écrire encore afin de vivre. […] Il savait l’alchimie quand il écrivit l’Alchimiste. […] L’érudition et l’éducation classiques l’ont fait classique, et il écrit à la façon de ses modèles grecs et de ses maîtres romains. […] J’achèterai quelque esclave Que je tuerai, et je te lierai à lui vivante, Et je vous pendrai tous deux à ma fenêtre, inventant Quelque crime monstrueux, que j’écrirai en grosses lettres Sur toi avec de l’eau-forte qui mangera ta chair, Avec des corrosifs brûlants sur cette poitrine obstinée. […] Il est allé plus loin, il est entré dans la poésie pure, il a écrit des vers d’amour délicats, voluptueux, charmants, dignes de l’idylle antique169.

2411. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Aristote en était responsable, bien qu’il n’y eût jamais songé et qu’il fût impossible de les découvrir dans ses écrits. […] C’est une simple lettre en vers qu’il écrit à des amis ; et ce cadre, où il peut se jouer à son gré, lui convient à merveille. […] De plus, on se rappelle qu’Aristote, soit par modestie, soit par nécessité, ne commença que tard à écrire, et qu’il ne publia presque rien de son vivant. […] Quelques fragments mutilés et les écrits d’Aristote, voilà ce qui nous reste de ce genre d’écrits. […] Je ne parle pas de cette philosophie qui écrivait en vers et conservait, au grand préjudice de la pensée, les indécisions de la poésie, sans en garder les grâces.

2412. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

La famille Unwin se composait du père, de Mme Unwin, plus âgée que Cowper de sept ans, et qui devint pour lui comme une mère, du fils dont je viens de parler et d’une fille : Ce sont les plus aimables gens qu’on puisse imaginer, écrivait Cowper à un de ses amis dès les premiers temps de cette relation ; ils sont tout à fait sociables, et en même temps aussi affranchis que possible de toutes ces civilités cérémonieuses, ordinaires au monde comme il faut de province. […] Ils voient peu de monde, ce qui me convient parfaitement ; à quelque moment que j’y aille, je trouve une maison pleine de paix et de cordialité dans tout ce qui la compose, et je suis sûr de n’y entendre aucune médisance, mais, au lieu de cela, un sujet d’entretien qui nous rend meilleurs. — Cette femme, écrit-il encore de Mme Unwin, est une bénédiction pour moi, et je ne la vois pas de fois que je ne devienne meilleur dans sa compagnie. […] Newton essaya d’occuper l’imagination de Cowper et de la détourner par une voie religieuse encore et déjà poétique, en l’engageant à écrire de concert avec lui quelques hymnes pour la petite communauté du lieu. […] Il ne goûtait rien médiocrement : « Je n’ai jamais reçu, disait-il, un petit plaisir de quoi que ce soit dans ma vie : si j’ai une impression de joie, elle va à l’extrême. » Il commençait aussi à écrire à quelques amis de jolies lettres soignées, élégantes, ingénieuses dans leur naturel.

2413. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Mme Swetchine lui écrivait en 1813, en lui déclarant ses sentiments d’admiration et de tendre sympathie : « Croyez-moi, on ne connaît jamais parfaitement que les gens que l’on a commencé par deviner. […] Les premiers mots qu’elle vous disait, et par lesquels elle croyait vous honorer, concernaient votre croyance et l’état de votre âme : elle essayait d’un premier grapin à jeter sur vous. — «  Quand on a fait Volupté, me dit-elle la première fois que je la vis, on a une responsabilité. » Je m’inclinai en silence. — J’ai beaucoup vu, dans un voyage qu’elle fit à Paris, cette charmante Roxandre, cette amie de jeunesse de Mme Swetchine et qui était devenue la comtesse Edling : elle s’est plainte à moi bien souvent (j’en demande bien pardon à ceux qui ont écrit le contraire) d’un certain fonds de froideur ou de réserve qu’elle rencontrait désormais dans son ancienne amie et qu’elle attribuait à la différence de communion. Mme Edling était restée de la communion grecque, et cela faisait glace, à la fin, entre Mme Swetchine et elle28. — Après quelque conversation que j’eus avec Mme Swetchine, au sujet du comte Joseph de Maistre, et où je lui dus des communications précieuses, rentrant chez moi j’écrivais, entre autres notes, ces quelques lignes que je lis encore (1837), et qui ne portent que sur le ton et la façon : « Mme Swetchine, si respectable et si supérieure, a, dans le tour de l’esprit de l’expression, toute la subtilité du Bas-Empire, la stabilité russe ou celle d’un archimandrite grec. » On s’est épuisé en louanges au sujet de son salon, et certes ce serait affaire à un malotru de venir contester aux habitués d’un salon célèbre tous les agréments et les avantages qu’ils y ont trouvés et qu’ils regrettent. […] Ce passage a contrarié les amis de MmeSwetchine qui avaient écrit le contraire ; on a cherché à en infirmer l’exactitude, sans y parvenir.

2414. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Elle avait été la première à lui écrire en 1761 ; elle lui avait adressé à Édimbourg une de ces lettres de déclaration et d’admiration comme les gens de lettres célèbres commençaient à en recevoir alors ; elle savait l’anglais, elle avait lu dans le texte l’Histoire de la Maison de Stuart ; elle admirait cela avec autant d’enthousiasme qu’une femme de nos jours, du temps de notre jeunesse, pouvait en avoir pour Lamartine ou pour Byron. […] Hume, avec son air un peu lourd et son allure de paysan, avait fait fureur dans le beau monde de Paris et à la Cour ; se trouvant au mois de juillet 1764 à Compiègne où étaient le roi et la fleur de la noblesse, il ne se prodiguait pas plus qu’il ne fallait, et il se ménageait dans la journée des heures de recueillement : « Nous vivons, écrivait-il à Mme de Boufflers, dans une sorte de solitude et d’isolement à Compiègne, moi du moins, qui n’ayant qu’un petit nombre de connaissances, et assez peu particulières, à la Cour, et ne me souciant pas d’en faire d’autres, me suis donné presque entièrement à l’étude et à la retraite. […] Hume a désormais à consoler son amie, et, pour y mieux réussir, dans une lettre nouvelle du 10 décembre, il remet en ordre et par écrit, à tête reposée, tout ce qu’il a dû dire de vive voix déjà dans l’intervalle ; il commence par récapituler et analyser la situation, voulant bien montrer qu’il la comprend tout entière dans ce qu’elle a de pénible, de douloureux, de poignant : c’est afin de donner plus d’autorité ensuite à son conseil. […] Dans une des lettres qu’elle écrivait en ce temps à J.

2415. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

On ne s’était pas écrit, on n’avait pas communiqué. […] Dominique, à la veille de quitter les Trembles et se sentant arraché lui-même du lieu où il a pris racine et où il a mis tout son cœur, avait mêlé de ses sentiments à ceux du héros carthaginois, et il avait écrit cette composition scolaire les yeux tout baignés de larmes ; la nature lui parlait plus haut qu’Annibal en ce moment et par cette belle après-midi d’automne, où il essayait de le mettre en scène et de le traduire : « La pierre qui me servait de pupitre était tiède ; des lézards s’y promenaient à côté de ma main sous un soleil doux. […] » — « Mais je lui tendis, sans répondre, la page que je venais d’écrire. » II. […] L’ignorance de Dominique et son imprévoyant bonheur durent quelque temps encore : il ne cesse de mêler à ses impressions la nature ; cette fin d’été lui suggère des descriptions pittoresques non moins touchantes que ne l’avait fait le printemps ; mais je remarque que chacune de ses journées heureuses, de ses promenades champêtres, se termine par des vers, par quelque chose d’écrit.

2416. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

En répondant à la précédente ballade du Pélerin et en parlant aussi des autres morceaux insérés dans le Provincial, Victor Hugo lui avait écrit qu’il possédait au plus haut point les secrets de la forme et de la facture, et que notre Emile Deschamps lui-même, le maître d’alors en ces gentillesses, s’avouerait égalé. […] Aussi, même en ces mois de courte intimité, nous le perdions souvent de vue ; il disparaissait, il s’évanouissait pour nous, pour tous, pour ses amis de Dijon, auxquels il ne pouvait plusse décider à écrire. […] Pensez à nous, écrivez-nous, vous serez soulagé !  […] Ce morceau a été écrit pour servir d’introduction au volume de Bertrand, intitulé Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, qui s’est publié par les soins de M. 

2417. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Car, au contraire, plusieurs des pages qu’il a écrites (les plus nombreuses peut-être) sont surtout remarquables par la vigueur virile et la belle lucidité d’une intelligence proprement philosophique. […] Il est trop évident (mais j’ai besoin de ces truismes pour reprendre confiance) que, comme tout autre écrivain, un critique met nécessairement dans ses écrits son tempérament et sa conception de la vie, puisque c’est avec son esprit qu’il décrit les autres esprits ; que les différences sont aussi profondes entre M.  […] Paul Bourget ait une assez grande influence sur la jeunesse d’à présent, non pas peut-être sur celle dont les études classiques ont été poussées très avant et que la tradition latine et gauloise munit et défend, mais sur la partie la plus inquiète, la plus nerveuse et la plus ignorante de la jeunesse qui écrit. […] Bourget et l’un des plus beaux romans qu’on ait écrits dans ces vingt dernières années ; car je n’en vois point où l’on rencontre à la fois tant de force d’analyse et tant d’émotion, ni qui présente aux plus distingués d’entre nous un plus fidèle miroir de leur âme.

2418. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Jean Jullien : « Le but est d’intéresser le spectateur et surtout de l’émouvoir. » Barberou l’écrivait à Bouvard : « Le théâtre est un objet de consommation comme un autre, cela, entre dans l’article Paris. […] Aussi bien cette émancipation était-elle faite depuis quelque temps en d’autres genres ; on s’était décidé à reconnaître que l’art d’agrément n’est pas synonyme de grand art ; on avait concédé que le roman littéraire n’est pas écrit « pour l’amusement des jeunes demoiselles en chemin de fer ». […] Dans l’académie que je rêve, des artistes désintéressés, réfléchissant la conception de la vie et du monde, spéciale à ce petit groupe, ne ressasseront pas, comme les optimistes conventionnels, le tragique du malheur national et le comique du malheur matrimonial, mais traduiront, en des œuvres écrites bien que jouées, la résignation (dans la vie active) et l’ironie (dans la vie spectative), qui, parmi l’universel déterminisme, sont les seules postures d’esprit non ridicules. […] Des œuvres que seuls quelques délicats pleinement pénètrent, et pour qui seuls elles sont écrites, n’appartiennent pas plus à cet art populaire et en plein air du théâtre, que les Dialogues philosophiques.

2419. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Jean Jullien : « Le but est d’intéresser le spectateur et surtout de l’émouvoir. » Barberou l’écrivait à Bouvard : « Le théâtre est un objet de consommation comme un autre, cela entre dans l’article Paris. […] Aussi bien cette émancipation était-elle faite depuis quelque temps en d’autres genres ; on s’était décidé à reconnaître que l’art d’agrément n’est pas synonyme de grand art ; on avait concédé que le roman littéraire n’est pas écrit « pour l’amusement des jeunes demoiselles en chemin de fer ». […] Dans l’académie que je rêve, des artistes désintéressés, réfléchissant la conception de la vie et du monde, spéciale à ce groupe, ne ressasseront pas, comme les optimistes conventionnels, le tragique du malheur national et le comique du malheur matrimonial, mais traduiront, en des œuvres écrites bien que jouées, la résignation (dans la vie active) et l’ironie (dans la vie spectative), qui, parmi l’universel déterminisme, sont les seules postures d’esprit non ridicules. […] Des œuvres que seuls quelques délicats pleinement pénètrent, et pour qui seuls elles sont écrites n’appartiennent pas plus à cet art populaire et en plein air du théâtre, que les Dialogues philosophiques.

2420. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Un jeune seigneur (Gui de Laval), qui la vit dans le moment de sa gloire, et qui en écrivît une lettre à sa mère et à son aïeule, nous l’a peinte alors de pied en cap, au naturel : « Je la vis monter à cheval, dit-il, armée tout en blanc, sauf la tête, une petite hache en sa main, sur un grand coursier noir qui, à l’huis de son logis, se démenait très fort, et ne souffrait qu’elle montât ; et lors elle dit : “Menez-le à la croix.” » Cette croix était près de l’église, au bord du chemin. […] Elle écrit aux villes d’ouvrir leurs portes à la Pucelle, sur le ton d’un chef de guerre et d’un envoyé d’en haut ; elle fait des sommations au duc de Bedford, au duc de Bourgogne, « de par le roi du ciel, mon droiturier et souverain Seigneur », comme elle l’appelle. […] Elle écrivait aux Hussites de Bohême pour les faire rentrer dans le devoir : Moi, la Pucelle Jeanne, pour vous dire vraiment la vérité, je vous aurais depuis longtemps visités avec mon bras vengeur, si la guerre avec les Anglais ne m’avait toujours retenue ici. […] Le comte d’Armagnac lui écrivait, des confins de l’Espagne, pour lui demander lequel des trois papes d’alors (il y en avait trois pour le moment) était le vrai et le légitime.

2421. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

On a les dépêches qu’il écrivit de là au général Bonaparte. […] Le gouvernement une fois organisé aux îles Ioniennes, le général Gentili passa sur le continent de la Grèce et se mit en rapport avec le fameux Ali, pacha de Jannina, qui guerroyait alors contre la Porte ; pendant son absence, il voulait laisser le gouvernement général de Corfou à Arnault qui refusa : Chargé par vous, écrivait celui-ci à Bonaparte, d’organiser le gouvernement des îles Ioniennes, je l’ai fait le mieux que j’ai pu. […] Sa vie littéraire, pour moi, finit à ce moment : non qu’il n’ait encore écrit, causé, raillé, ou même risqué des tragédies et comédies62 ; mais, si l’on excepte ses agréables Souvenirs, il n’a plus rien fait qui accroisse réellement cet héritage de choix, le seul dont la postérité se soucie. Accueilli en Belgique avec une hospitalité cordiale, il y écrivit des articles de journaux vifs, mordants, satiriques, qui étaient, dans la presse libérale, le pendant de ce que Michaud faisait ailleurs dans la presse royaliste.

2422. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Ainsi, il y a des livres, d’abord, très évidemment écrits avec des préoccupations catholiques. […] Quand l’ancien pasteur de Schaffouse écrivait son Innocent III, les circonstances qui ont déterminé depuis sa conviction en ébranlant sa sensibilité ne s’étaient pas produites. […] Quelle que soit l’histoire qu’on écrive ou qu’on étudie, on ne peut jamais assez se surveiller et prendre garde ; mais quand il s’agit de l’histoire de l’Église au Moyen Âge, il faut redoubler de précautions pour rester dans le vrai et ne faire octroi de rien à l’apparence. […] Il écrivit donc, négocia, s’entremit pour le rétablissement de l’unité.

2423. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

* * * — Il y a des écrivains dont tout le talent ne fait jamais rêver au-delà de ce qu’ils écrivent. […] Une note que me fait écrire aujourd’hui le feuilletage de mon carnet de notes sur l’Italie. […] Le peintre de la Turquie d’Asie veut bien nous communiquer, pour notre futur roman (Manette Salomon), les lettres qu’il a écrites à sa femme ; et voici celle-ci, qui apporte un paquet de ces longues grandes lettres, rendues presque vénérables par une dizaine de timbres. […] À tout moment ils font des contresens à rencontre de ce que vous avez écrit. […] Ma bête de maîtresse, qui a assisté à la représentation d’hier, me disait, cette nuit, qu’elle n’osait plus sortir ce matin, qu’il lui semblait qu’elle avait la chose écrite sur la figure.

2424. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Son ouvrage, utile, instructif, serait encore plus agréable s’il était écrit avec plus de concision et, pour tout dire, avec plus de points et moins de virgules. On est singulièrement frappé, en le lisant, de la longueur interminable des phrases ; Patin, qui professe avec distinction la poésie latine à la Faculté des Lettres, est un charmant et fluide improvisateur, mais il en porte trop les habitudes dans ce qu’il écrit.

2425. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Picard, qui n’aurait besoin que d’être écrite par Beaumarchais ou par Sheridan, pour être délicieuse, a donné au public la bonne habitude de s’apercevoir qu’il est des sujets charmants pour lesquels les changements de décorations sont absolument nécessaires. […] Le poème de l’époque, s’il était moins mal écrit, ce serait la Panhipocrisiade de M. 

2426. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

ses théories sur le théâtre suprême, sur l’union de l’art et de la morale, tout cela rayonne dans ses écrits d’une telle irradiation, que je ne saurais sans altération vous en parler. […] Enfin, on ne saurait trop le répéter, il nous apprit comment il ne faut pas écrire.

2427. (1890) L’avenir de la science « XX »

Quant aux écrits sociaux et philosophiques, où la forme est moins exigeante qu’en littérature, les ouvriers y déploient souvent une intelligence supérieure à celle de la plupart des lettrés. […] Perdiguier a beau nous dire que son histoire est pour les ouvriers ; que tous ses devanciers ont traité l’histoire en hommes classiques, en pédants de collège ; je ne sache pas qu’à y ait deux histoires, une pour les lettrés, une pour les illettrés ; et je ne connais qu’une seule classe d’hommes capables de l’écrire : ce sont les savants brisés par une longue culture intellectuelle à toutes les finesses de la critique.

2428. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Il ne faut point s’en rapporter totalement à ce déluge d’écrits publiés contre sa personne. […] Le plus grand nombre lui fit parvenir des épigrammes, des chansons, des couplets, toutes sortes d’écrits satyriques & scandaleux.

2429. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

En effet, tout homme qui écrit un livre est mû par trois raisons : premièrement, l’amour-propre, autrement dit, le désir de la gloire ; secondement, le besoin de s’occuper, et, en troisième lieu, l’intérêt pécuniaire. […] On commence par écrire sans avoir rien lu, et l’on continue ainsi toute sa vie.

2430. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

Grimm, dispensez-moi d’écrire, ou du moins laissez-moi pleurer un moment. […] On écrit des poétiques ; on imagine de nouveaux genres ; on devient singulier, bizarre, maniéré ; d’où il paraît que la manière est un vice d’une société policée, où le bon goût tend à la décadence.

2431. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Un des plus grands partisans du raisonnement severe que nous aïons eu, le pere Mallebranche, a écrit contre la contagion des imaginations fortes, dont le charme pour nous séduire consiste dans leur fécondité en images, et dans le talent qu’elles ont de peindre vivement les objets. […] Suivant Horace on peut être poëte en un discours en prose et l’on n’est souvent que prosateur dans un discours écrit en vers.

2432. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Le tableau le mieux peint, comme le poëme le mieux distribué et le plus exactement écrit, peuvent être des ouvrages froids et ennuïeux. […] Si les heros du poëte tragique ne m’interessent point par leurs caracteres et par leurs avantures, sa piece m’ennuïe, quoiqu’elle soit écrite purement, et quoiqu’il n’y ait pas de fautes contre ce qu’on appelle les regles du théatre.

2433. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Quand nous avons vu une main purement et fermement catholique comme celle de Wallon, dont nous connaissons le courage, écrire un livre biographique sur le célèbre fondateur de l’éclectisme moderne et y camper cette insolente épigraphe qui le montre au doigt : Esto vir !  […] Puisque, dit Wallon en finissant, « Cousin n’est qu’un enfant de Paris, mais un enfant… sublime », il ne fallait pas écrire à la tête de son ouvrage : Esto vir ! 

2434. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Il coupe la truffe en deux : « Tous les philosophes, déclare-t-il à sa sœur, devraient naître avec trois mille francs de rente à Paris, et deux mille en province, ni plus, ni moins. »‌ Le devis que propose Stendhal est légèrement plus élevé : « Celui qui n’a pas sept mille francs de rentes, écrit-il quelque part, doit y penser toujours. […] Au séminaire il a connu les premières ivresses cérébrales dont est tout soulevé le beau livre qu’il écrivit peu après sur l’Avenir de la Science.

2435. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Il s’exerçait même à écrire et à rimer. […] Milizia, ardent amateur des arts et écrivain érudit, se faisait connaître à la même époque, comme l’un de ceux qui devaient, par leurs écrits, servir et accroître la science nouvelle. […] Cette épée, attachée par un fil, est suspendue sur le sein du mort, et dans la lame est passée une feuille de papier sur laquelle sont écrits ces mots : Je vote la mort du tyran. […] Les lettres écrites par le jeune artiste à cette époque sont doublement intéressantes, car elles peignent l’ardeur avec laquelle il poursuivait ses travaux au milieu des agitations populaires dont il était déjà environné. […] C’est pour la faire cesser que je m’empresse de vous écrire.

2436. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Peut-être eut-il l’intention d’écrire une satire, mais pas un mot amer ne put s’échapper de sa plume, des torrents de compatissante admiration en coulèrent, et il écrivit une apologie. […] Essai écrit à l’occasion du Don Quichotte illustré de M.  […] J’ai à peine besoin de faire remarquer que cet essai a été écrit avant le précédent. […] Écrit à l’occasion des Dialogues sur Dante et Goethe, par Mme la comtesse d’Agoult (Daniel Stern). […] Le prince Hermann de Wied est mort depuis que cet essai a été écrit.

2437. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Roederer, envoyé en Espagne en mission confidentielle par l’empereur auprès de son frère le roi Joseph, écrit le Journal de son voyage. […] Je vous envoie, ma chère amie, écrit-il à sa femme, un dîner militaire avec le général Lasalle. […] Il m’a fait une fois écrire soixante lettres en une matinée.

2438. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

J’ai déjà écrit sur Parny52 ; je voudrais parler de lui une fois encore, et cette fois sans aucune gêne, sans aucune de ces fausses réserves qu’imposent les écoles dominantes (celle même dont on est sorti) et les respects humains hypocrites. […] Le Brun, l’ami d’André Chénier, et qui avait, par science et par envie de métier, tout ce qu’il fallait pour mesurer Parny, l’a appelé un demi-Tibulle : Parny, demi-Tibulle, écrivit mollement     Des vers inspirés par les Grâces     Et dictés par le sentiment. […] [NdA] Ce morceau a été écrit pour une édition des élégies de Parny, publiée chez MM. 

2439. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

L’inspiration, profondément découragée, qui remplit son récent volume, date de ce moment ; c’est à l’une de ces heures de veille et d’agonie où les poëtes comme Lamartine écrivent les Novissima Verba, où les poëtes comme Victor Hugo redisent Ce qu’on entend sur la Montagne, qu’elle, interrompant un peu sa tâche, elle s’écriait dans une plainte étouffée : O Monde ! […] M. de Lamartine le pensait aussi, lorsqu’à la lecture de ce dernier volume et sous l’émotion de cet amer sanglot, il écrivait à Mme Tastu les vers suivants, lui, le consolateur affligé, qui en avait déjà adressé de si pénétrants à Mme Desbordes-Valmore : Dans le clocher de mon village Il est un sonore instrument, Que j’écoutais dans mon jeune âge Comme une voix du firmament. […] Nous avons pu surprendre le poëte en un moment de plainte ; mais il ne faut rien exagérer, et il n’est pas nécessaire pour l’intérêt du portrait de trop prolonger ce court moment dans toute l’habitude d’une vie.) — Depuis que ceci est écrit, Mme Tastu a de plus en plus persévéré dans cette voie toute de raison et de devoir.

2440. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

C’est qu’il ne suffit pas à des vers, écrits pour la scène, d’être admirables en soi, il faut qu’ils soient en situation et qu’ils aient le mouvement dramatique. […] Il est remarquable que les seules poésies de quelque durée où l’on puisse reconnaître son influence soient des poésies écrites par des femmes. […] Il l’écrivit, dit-il, sans effort, comme en se jouant, pour se reposer de ses luttes politiques.

2441. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Madame de Thianges, sœur de madame de Montespan, et madame d’Heudicourt, amie commune de la favorite et de madame Scarron, s’en mêlèrent aussi ; elles écrivirent l’une et l’autre à madame Scarron. […] J’ai écrit à peu près la même chose à madame de Thianges, et c’est une précaution que m’inspire la prudence. […] Je remarque enfin dans la lettre de madame Scarron une espèce de contresens comme il s’en trouve souvent dans les écrits qui ne sont pas francs : « Si les enfants sont au roi, je veux bien m’en charger ; je ne me chargerais pas sans scrupule de ceux de madame de Montespan. » Ces mots signifient, je veux bien me charger des enfants du roi et de madame de Montespan, si le roi me l’ordonne.

2442. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Successivement aide de camp du prince Berthier, puis colonel, il a écrit pour lui-même un journal de ce qu’il a vu et de ce qu’il a fait, ou plutôt de ce qu’a fait et souffert son régiment, qui, dans la retraite, combattait à l’extrême arrière-garde, sous les ordres de Ney. […] M. de Fezensac, nourri de souvenirs littéraires, a eu le droit de mettre en tête de son écrit ces vers touchants du plus pieux des poètes antiques, de Virgile faisant parler son héros : « Iliaci cineres, et flamma extrema meorum… », ce qu’il traduit ainsi, en l’appropriant à la situation : Ô cendres d’Ilion ! […] Quant à ce qui est des services réels en cette campagne, le maréchal Ney écrivait de Berlin, le 23 janvier 1813, au ministre de la Guerre, beau-père de M. de Fezensac : « Ce jeune homme s’est trouvé dans des circonstances fort critiques, et s’y est toujours montré supérieur.

2443. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Celui-ci écrit deux volumes sur la Princesse de Clèves ; celui-ci cinq volumes sur Jean-Jacques Rousseau ! […] Il doit indiquer l’esprit général d’un temps d’après tout ce qu’il sait d’histoire proprement dite ; l’esprit littéraire et artistique d’un temps, ce qui est déjà un peu différent, d’après tout ce qu’il sait d’histoire littéraire et de l’histoire même de l’art ; mesurer, ce qui du reste est impossible, mais c’est pour cela que c’est intéressant, les influences qui ont pu agir sur un auteur ; s’inquiéter de la formation de son esprit d’après les lectures qu’on peut savoir qu’il a faites, d’après sa correspondance, d’après les rapports que ses contemporains ont faits de lui ; s’enquérir des circonstances générales, nationales, locales, domestiques, personnelles dans lesquelles il a écrit tel de ses ouvrages et puis tel autre ; chercher, ce qui est encore une manière de le définir, l’influence que lui-même a exercée et c’est-à-dire à qui il a plu, les répulsions qu’il a excitées et c’est-à-dire à qui il a déplu. […] Est-il entré dans vos idées générales sur la littérature et sur l’art d’écrire, ou les a-t-il contrariées, et par conséquent l’avez-vous hautement approuvé ou condamné sévèrement ?

2444. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Cet éloge, où un particulier loue un prince avec lequel il a quelque temps vécu dans l’obscurité, pouvait être précieux ; le souvenir des études de leur jeunesse et cette heureuse époque où l’âme, encore neuve et presque sans passions, commence à s’ouvrir au plaisir de sentir et de connaître, devait répandre un intérêt doux sur cet ouvrage ; mais nous ne l’avons plus, et nous n’en pouvons juger ; nous savons seulement qu’il était écrit en grec. […] On ne peut douter, en le lisant, qu’il ne fût séduit par cette espèce de théologie platonique qui régnait alors, et dont il parle dans tous ses écrits avec enthousiasme. […] Comme il y avait déjà plus de trois ans que mon ouvrage était écrit, je n’ai pas cru, malgré cette légère ressemblance, devoir rien changer à cet endroit.

2445. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Non seulement il les juge, les condamne ou les justifie à la lumière de sa propre raison ; mais il écrit sur l’art sans s’inquiéter de ce que le Grec a pu dire. […] Ils profiteront sur-le-champ de cette heureuse circonstance pour écrire a priori l’histoire naturelle, et communiquer ainsi à certaines parties de cette science un caractère nouveau de certitude rationnelle, que l’empirisme est incapable de lui donner. […] Il a deux ou trois vers, quelques-uns disent quatre, mal écrits. […] Lysidas me fait une nécessité de mettre mes idées anciennes en langage nouveau, non parce qu’il écrit plus mal ou parle moins, simplement qu’autrefois, mais parce qu’il pense avec beaucoup plus de profondeur. […] N’a-t-il pas écrit dans un docte traité d’Esthétique que le comique est ce qui fait rire, et que Molière n’est point comique, parce qu’il ne fait guère rire ?

2446. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Il me confie que la princesse écrit des Mémoires, et que c’est lui qui l’a décidée, en lui disant que si elle n’en faisait pas, on en ferait de faux qui passeraient pour vrais. […] La femme écrit, et j’ai lieu de la soupçonner d’être un artiste en style. […] Une femme seule pouvait le faire, et je l’engage à écrire un volume, où sa préoccupation soit de faire avant tout, une œuvre de femme. […] Puis, c’est un bureau Louis XV, sur lequel la princesse écrit un billet pressé, inscrit un renseignement, une adresse, le nom d’une plante en latin. […] Il ajoute que toutes les femmes écrivent aussi bien qu’elle, et qu’il apportera, la prochaine fois, cent cinquante lettres de femmes qui valent les lettres de la très célèbre épistolière.

2447. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Nous connaissons mieux, par la seule lecture de ses écrits, la personnalité d’un Pascal que la personnalité de tel ou tel qui nous conte par le menu ses faits et gestes, — choses qui s’oublient, — et qui nous retrace ses moindres pensées, ses moindres paroles. […] Il n’est pas de langue littéraire plus pauvre au fond que celle qui est ainsi composée d’expressions forcées ou simplement rares, parce que ces expressions se font remarquer et deviennent une répétition fatigante dès qu’on les voit revenir. « Laissez-moi vous donner, écrivait Sainte-Beuve à Baudelaire, un conseil qui surprendrait ceux qui ne vous connaissent pas : vous vous défiez trop de la passion, c’est chez vous une théorie. […] Et pourtant, n’est-ce pas l’auteur même des Fleurs du mal qui, en une heure de philosophie, écrivait cette dissertation édifiante : « L’intellect pur vise à la vérité, le goût nous montre la beauté et le sens moral nous enseigne le devoir. […] Le vice porte atteinte au juste et au vrai, révolte l’intellect et la conscience ; mais, comme outrage à l’harmonie, comme dissonance, il blessera plus particulièrement certains esprits poétiques, et je ne crois pas qu’il soit scandalisant de considérer toute infraction à la morale, au beau moral, comme une espèce de faute contre le rythme et la prosodie universels. » — Alors pourquoi écrire soi-même les Fleurs du mal et chanter le vice ? […] On se rappelle le jugement sommaire porté par Vauvenargues et, avec lui, par tout le dix-huitième siècle sur La Fontaine, ce représentant unique, au siècle précédent, de la vie animale, de la nature et presque du naturel : « Il n’a écrit ni dans un genre assez noble ni assez noblement. » L’art, de nos jours, est devenu de plus en plus (démocratique, et il a fini même par préférer la société des vicieux à celle des honnêtes gens.

2448. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Son poëme, dont le texte arabe est perdu, était écrit en vers ; cela du moins est certain à partir du verset 3 du chapitre ni jusqu’à la fin. […] Œuvre tragique, écrite sous la dictée d’un aigle, le poëte ayant au-dessus de sa tête on ne sait quel sombre frémissement d’ailes. […] Il écrit aux nations des lettres de la part de Dieu. […] Sur l’ouverture que Paul avait faite au ciel, l’Église a écrit : Porte condamnée. […] Comme tous les hommes de progrès, il parle avec restriction de la loi écrite ; il lui préfère la grâce, de même que nous lui préférons la justice.

2449. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

L’Enfer] I Lisons maintenant ensemble la Divine Comédie dans l’ordre où Dante écrivit ce poème : l’Enfer, le Purgatoire, le Paradis. […] Françoise de Rimini, une des beautés les plus touchantes de l’Italie à l’époque où écrivait le Dante, était fille du seigneur de Ravenne. […] Le livre et l’auteur qui l’écrivit furent les seuls complices de notre faute. […] La page du Purgatoire, poème de toutes les âmes veuves et aimantes ici-bas, est écrite ou peinte sur toutes les murailles de ses églises, de ses chapelles, de ses monastères, de ses ermitages, et jusque dans les carrefours de ses grands chemins. […] Ainsi il me sembla entendre le murmure d’un fleuve dont l’écume étincelle en courant de rocher en rocher, en témoignant de l’inépuisable fécondité de sa source ; et de même que le son prend sa forme et sa note dans le cou de la harpe, et de même que l’air sonore s’insinue par les trous du chalumeau attaché à la musette, ainsi ce murmure du fleuve monta par le cou de l’aigle comme s’il eût été creux ; et là il devint voix, et de son bec sortirent des paroles telles que les attendait mon cœur, où je les écrivis ! 

2450. (1903) La renaissance classique pp. -

Et ainsi il a pu nous laisser, avant de mourir, la critique la plus atroce et la plus décourageante qu’on ait jamais écrite sur la décadence d’une nation. […] Cependant ils voulaient écrire, et, pour écrire, il fallait observer. […] Il n’admet pas que nous n’écrivions que pour nous seuls, que nous nous considérions comme en dehors de sa sphère. […] Nous respecterons scrupuleusement cette obligation de servir autrui qu’assume tout écrivain dès qu’il publie un livre ; et si nous prenons garde de n’offrir que des exemplaires accomplis de chaque être ou de chaque objet, — sans prêcher ni moraliser, nous conférerons par ce seul fait une valeur édifiante à nos écrits. […] Je ne sais plus quel romancier disait qu’on n’était fait que pour écrire un seul livre et que tous ceux qui venaient ensuite n’étaient en quelque sorte que des « retirages » de ce premier original.

2451. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il est prouvé, par le texte même du drame, qu’il fut écrit en 1589. […] Selon Malone, Coriolan aurait été écrit en 1609. […] On ne sait avec certitude à quelle époque elle a été écrite, quoique Malone lui assigne pour date l’année 1610. […] Vous croyez le voir, son équerre et son compas à la main : « Avez-vous par écrit le rôle du lion ? […] Chalmers et Drake croient qu’elle fut écrite en 1596 ; mais leur opinion, à cet égard, ne s’appuie sur aucun témoignage sérieux.

2452. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

D’abord on écrivait peu ; ensuite les souvenirs qu’avaient pu conserver les mémoires des pontifes et les autres monuments publics ou particuliers, ont presque tous péri dans l’incendie de Rome…, pleraque interiere. […] Les critiques comme Niebuhr, ces provocateurs d’idées et de génie, servent à faire produire en définitive aux doctes judicieux et ingénieux ces écrits qui, sans eux et leur assaut téméraire, ne seraient peut-être jamais sortis. […] Car que faire de toutes ces tables de bois ou de marbre, de tous ces albums sur mur, où s’écrivait l’histoire de chaque année, durant les siècles où il n’y avait pas d’autre histoire ? […] Des journaux privés, il n’en manqua jamais même alors : on écrivait à la dernière page de sa Bible ses bons on mauvais jours ; le moine ou le bourgeois de Paris notaient dans l’ombre les événements monotones ou singuliers.

2453. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Il s’ouvre par les écrits du comte de Boulainvilliers et va jusqu’à ceux de l’historiographe Moreau. […] J’ai souvent pensé qu’il y aurait un chapitre à écrire : De ceux qui ont une mauvaise réputation et qui ne la méritent pas. […] L’un d’eux, Hébroïn, essaye encore de maintenir en honneur l’idée de vieille race et de défendre le pouvoir sacré de ses rois ; mais, après une lutte vigoureuse et des fortunes très-diverses, il succombe ; un de ces leudes dont il combattait, l’avénement lui fend la tête d’un coup de hache. « On peut peser à loisir, écrit l’historien de la Royauté, les crimes, le génie, les vertus et les vices de cet homme extraordinaire : bornons-nous à dire que la hache de son assassin brisa toute la race des Mérovéades. […] Écrit dans le ive  siècle, et, selon quelques scholiastes, cent ans plus tard, le poëme de Daphnis et Chloé reproduit sous une forme idéale sans doute, mais exacte, l’état religieux des campagnes à la dernière époque du culte des dieux.

2454. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Sans entrer dans les détails d’enfance que nous savons écrits et retracé avec émotion par la plume la mieux informée et la plus fidèle, il convient seulement pour notre objet de remarquer que l’éducation première de Prosper de Barante fut plutôt domestique que scolaire. […] J’ai hâte d’arriver aux écrits où nous avons droit de nous étendre. […] Ce dernier, plus jeune, moins engagé, fut aussi celui qui résuma le plus nettement. « L’auteur du Discours dont il s’agit, écrivait Mme de Staël, est peut-être le premier qui ait pris vivement la couleur d’un nouveau siècle. » Cette couleur consistait déjà à réfléchir celle du passé et à la bien saisir plutôt qu’à en accuser une à soi. […] Le caractère de ce premier écrit de M. de Barante a donc été d’introduire une vue moderne dans la critique.

2455. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

M. de Murçay, enhardi par ce signe, la prit et la lut, tandis qu’elle gardait le silence ; il y vit que M. de Pontivy, qui l’écrivait, y parlait, en cas de bannissement définitif, d’un projet de départ pour elle-même qui irait le rejoindre en Espagne : « Eh ! […] mon ami, lui écrivait-elle, quelle femme riche d’amour et de flamme est morte en moi ! […] Il y avait des moments plus sombres et comme désespérés, quand le silence de Mme de Pontivy, après une lettre tendre qu’il avait écrite, se prolongeait trop longtemps. […] Ce qu’il écrivait de ses pensees rompues a Mme de Pontivy ne recevait que réponses rares et bonnes, mais chaque fois plus découragées.

2456. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

De 1660 à 1668, Boileau compose neuf satires, sa dissertation sur Joconde, et son Dialogue des héros du roman ; de 1668 à 1677, il écrit neuf épitres, son Art Poétique (1674), sa traduction de Longin, quatre chants du Lutrin (1674), qui ne sera achevé qu’en 1683 ; de 1687 à 1698, des épigrammes contre Perrault, neuf Réflexions sur Long in (1092-1694), trois Epitres, deux Satires ; de 1703 à 1710, des épigrammes contre les Jésuites et la Satire XII (1705). […] Sous cette réserve, Boileau fut vraiment le premier à se constituer conseiller du public dans le jugement des écrits, à entreprendre, sans passion personnelle, pour de pures raisons de goût, de démolir ou d’élever les réputations littéraires. […] Toutes les pensées et les expressions des pensées doivent avant tout satisfaire la raison : Aimez donc la raison : que toujours vos écrits Empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix. […] Il commença d’écrire des Satires en 1660.

2457. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Au moment unique où le romantisme devient naturalisme, Flaubert écrit deux ou trois romans qui sont les plus solides qu’on ait faits en ce siècle905. […] Il suppléait à toutes les lacunes de l’érudition : il allait chercher à travers les siècles et les races de quoi compléter ses textes, cueillant ici un trait du Sémite biblique, et là faisant concourir sainte Thérèse à la détermination du type extatique de Salammbô. « Je me moque de l’archéologie, écrivait-il ; si la couleur n’est pas une, si les détails détonnent, si les mœurs ne dérivent pas de la religion et les faits des passions, si les caractères ne sont pas suivis, si les costumes ne sont pas appropriés aux usages, et les architectures au climat, s’il n’y a pas, en un mot, harmonie, je suis dans le faux. […] Une fois formé, au gré de son maître, Maupassant se mit à écrire des nouvelles et des romans remarquables par la précision de l’observation et par la simplicité vigoureuse du style. […] Et il y a bien, dans ce dernier roman, les cent cinquante pages d’analyse les plus étonnantes qu’on ait écrites, lorsque M. 

2458. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Elle fera, par exemple, ces vers contre un certain vote de la Chambre des députés (13 avril 1839), vote que je ne prétends point d’ailleurs approuver ; et elle a écrit en novembre 1848 ces autres fameux vers contre le général Cavaignac, où, le voulant exterminer et pourfendre, elle ne trouve rien de plus fort à lui appliquer dans sa colère, parce que le digne général a dormi une heure pendant une des nuits de juin, que ce dernier coup accablant : Vive l’Endymion de la guerre civile ! […] Cette lettre est peut-être ce que Mme de Girardin a écrit de plus sérieux comme moraliste ; car, plus tard, dans ses feuilletons sur le monde parisien, elle s’en tiendra volontiers aux surfaces et à l’épiderme social ; elle se jouera, elle se plaira à ne voir et à ne décrire la nature humaine que depuis le Boulevard jusqu’au Bois. […] L’auteur écrit ces petits feuilletons si légers, d’un style des plus nets, et les compose avec un art parfait ; l’imagination aussi s’en mêle. […] Pourtant c’est gai, surtout si c’est dit plutôt qu’écrit, si c’est lu une première fois plutôt que relu.

2459. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

» Mardi 12 avril Aujourd’hui la lettre de Blancheron, annonçant dans La Faustin son suicide, je l’ai écrite en pleurant comme un enfant ; — aura-t-elle près du lecteur l’effort nerveux qu’elle a produit sur moi ? […] Hier le chapitre que j’ai écrit, me fait entrevoir un duel à la cantonade, aujourd’hui, celui que j’écris, me met dans la pensée la préoccupation d’une poursuite future du parquet. […] Il est tout content, tout guilleret, et dès que nous sommes installés dans la voiture, il s’écrie : « J’ai écrit douze pages de mon roman… douze pages, fichtre !

2460. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Introduction Avant de nous être enlevé par une mort prématurée, — à trente-trois ans, — Guyau, dont l’activité intellectuelle demeura infatigable jusqu’à la dernière heure, venait d’écrire deux nouvelles œuvres de grande portée : l’une sur l’Art au point de vue sociologique, l’autre sur l’Éducation et l’hérédité. […] Zola, avec Balzac, voit avec raison dans le roman une épopée sociale : « Les œuvres écrites sont des expressions sociales, pas davantage ; la Grèce héroïque écrit des épopées ; la France du dix-neuvième siècle écrit des romans. » Le roman, dit Guyau, raconte et analyse des actions dans leurs rapports avec le caractère qui les a produites et avec le milieu social ou naturel où elles se manifestent.

2461. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

 » Ma coutume est d’écrire sur la marge de mes livres ce que je pense d’eux : vous verrez, quand vous daignerez venir à Ferney, les marges du Christianisme dévoilé chargées de remarques, qui prouvent que l’auteur s’est trompé sur les faits les plus essentiels. » (Correspondance gén. […] Le fer libérateur, qui perceroit mon sein, Déjà frappe mes yeux et frémit sous ma main, …………………………………………………… Et puis mon cœur s’écoute et s’ouvre à la faiblesse, Mes parents, mes amis ; l’avenir, ma jeunesse, Mes écrits imparfaits ; car à ses propres yeux. […] Les écrits de ce jeune homme, ses connaissances variées, son courage, sa noble proposition à M. de Malesherbes, ses malheurs et sa mort, tout sert à répandre le plus vif intérêt sur sa mémoire. […] De même qu’on voit un grand fleuve qui retient encore, coulant dans la plaine, cette force violente et impétueuse qu’il avait acquise aux montagnes d’où il tire son origine ; ainsi cette vertu céleste, qui est contenue dans les écrits de saint Paul, même dans cette simplicité de style, conserve toute la vigueur qu’elle apporte du ciel, d’où elle descend.

2462. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Ne nous étonnons donc pas si des philosophes comme Schopenhauer veulent que le rêve traduise à la conscience des ébranlements venus du système nerveux sympathique, si des psychologues tels que Scherner attribuent à chaque organe la puissance de provoquer des songes spécifiques qui le représenteraient symboliquement, et enfin si des médecins tels qu’Artigues ont écrit des traités sur « la valeur séméiologique » du rêve, sur la manière de le faire servir au diagnostic des maladies. […] Cette sonate, Tartini l’écrivit de mémoire à son réveil ; il nous l’a transmise sous le nom de Sonate du Diable. […] Ces expérimentateurs écrivent ou impriment des formules d’un usage courant : « Entrée strictement interdite » « Préface à la quatrième édition », etc. ; mais ils ont soin de faire des fautes, changeant et surtout omettant des lettres. La personne qui doit servir de sujet d’expérience est placée devant ces formules, dans l’obscurité, et ignore naturellement ce qui a été écrit.

2463. (1910) Rousseau contre Molière

Quand Rousseau écrit la Lettre à d’Alembert, il vient de jouer Alceste pendant un an. […] Non, on ne peut pas écrire que Molière ait été le législateur des bonnes mœurs. […] Molière n’offre pas une trace de patriotisme ; on ne sait de quel pays il est que par la langue dans laquelle il écrit. […]   Le mari doit, dans les bonnes coutumes,   Ecrire tout ce qui s’écrit chez lui. […] Que faudrait-il que Molière eût écrit pour passer pour avoir attaqué le libertinage et la débauche ?

2464. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Voici ce qu’écrivait, dans la Muse française, M. Soumet, sur le ton solennel d’un prône ou d’un ordre du jour : « Les lettres sont aujourd’hui comme la politique et la religion ; elles ont leur profession de foi, et c’est en ne méconnaissant plus l’obligation qui leur est imposée que nos écrivains pourront se réunir, comme les prêtres d’un même culte, autour des autels de la vérité ; ils auront aussi leur sainte alliance ; ils n’useront pas à s’attaquer mutuellement des forces destinées à un plus noble usage ; ils voudront que leurs ouvrages soient jugés comme des actions, avant de l’être comme des écrits ; ils ne reculeront jamais devant les conséquences, devant les dangers d’une parole courageuse, et ils se rappelleront que le dieu qui rendait les oracles du temple de Delphes, avait été représenté sortant d’un combat. » Une fois qu’on en venait à un combat dans les formes avec les idées dominantes, on était certain de ne pas vaincre.

2465. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Les formes des livres saints sont celles qu’il affecte ; lui qui autrefois exhalait ses patriotiques douleurs dans les Sonnets de Crimée, ou, comme dans Konrad Wallenrod, semblait emprunter à Byron ses vaporeuses figures, aujourd’hui il écrit en simples versets comme l’apôtre, il parle en paraboles à l’imitation des Évangiles, et distribue aux bannis dans le désert l’humble pain d’une éloquence populaire et forte. […] Le chaleureux Avant-propos que M. de Montalembert y ajoint, fort remarquable par les faits rassemblés, par l’invective de cœur et la science de style, ne nous a paru avoir d’autre défaut que d’être trop écrit au point de vue du poète.

2466. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

La grâce et l’élégance des manières passaient des habitudes de la cour dans les écrits des hommes de lettres. […] Il n’y avait pas sans doute beaucoup de philosophie dans la conduite de la plupart des hommes éclairés ; ils avaient souvent eux-mêmes les faiblesses qu’ils condamnaient dans leurs ouvrages : néanmoins ce qui relevait les écrits et les conversations, c’était une sorte d’hommage à la philosophie, qui avait pour but de montrer que l’on connaissait de la raison tout ce que l’esprit eu peut savoir, et qu’au besoin on pourrait se moquer de son ambition, de son orgueil, de son rang même, quoique l’on fût bien résolu à n’y point renoncer.

2467. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Que le lecteur veuille bien songer qu’entre les naissances des jeunes hommes qui commencent à écrire et celles des écrivains précédents, un grand fait de l’histoire contemporaine a eu lieu, la guerre de 1870-71, à laquelle succédèrent les ensanglantements de la Commune. […] Saint-Georges de Bouhélier lorsqu’il écrivit la Vie héroïque des Aventuriers, des Poètes, des Rois et des Artisans, et qu’il y formula les phrases chantantes et accentuées que voici : « Ces héros ruraux et urbains représentent, incarnent, glorifient, pompeux, une Face de la Terre ou du Firmament… La Nature elle-même nécessite l’auguste ardeur de leur patience.

2468. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il a eu beau représenter que les quatre ou cinq malencontreuses pages vides qui escortaient la première édition, et dont le libraire s’est obstiné à déparer celle-ci, lui avaient déjà attiré les anathèmes de l’un de nos écrivains les plus honorables et les plus distingués1, lequel l’avait accusé de prendre le ton aigre-doux de l’illustre Jedediah Cleishbotham, maître d’école et sacristain de la paroisse de Gandercleugh ; il a eu beau alléguer que ce brillant et judicieux critique, de sévère pour la faute, deviendrait sans doute impitoyable pour la récidive ; et présenter, en un mot, une foule d’autres raisons non moins bonnes pour se dispenser d’y tomber, il paraît qu’on lui en a opposé de meilleures, puisque le voici maintenant écrivant une seconde préface, après s’être tant repenti d’avoir écrit la première. […] C’est donc avec le soin le plus scrupuleux qu’ont été revues les épreuves de cette nouvelle publication, et maintenant l’auteur ose croire, ainsi qu’un ou deux amis intimes, que ce roman restauré est digne de figurer parmi ces splendides écrits en présence desquels les onze étoiles se prosternent, comme devant la lune et le soleil 4.

2469. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

On lui a si souvent reproché de se renfermer en elle-même, de ne point prendre part aux travaux qui se font à côté d’elle et qui touchent de si près à ses études, qu’on voudra bien lui permettre, malgré son incompétence anatomique, de recueillir dans les écrits des maîtres les plus autorisés tout ce qui peut l’intéresser, et intéresser les esprits cultivés dans ce genre de recherches. […] L’ouvrage de la Physiologie de la pensée est écrit dans un très bon esprit, dans cet esprit de circonspection et de doute que l’on peut appeler socratique.

2470. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Vitruve n’a pas écrit son livre de l’architecture avec autant de méthode et de capacité qu’il l’a fait, sans l’avoir écrit en même-temps avec toute la clarté dont son sujet est susceptible.

2471. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Malheureusement (car c’est ce mot-là que Marmont fait toujours écrire) on ne sauve pas son honneur comme un drapeau qu’il est beau de rapporter en pièces. […] Rapetti, qui écrit à la première ligne de la préface de son histoire avec une si noble mélancolie : « Je dois dire d’abord pourquoi j’ai eu le pénible courage de faire un livre contre un homme », Rapetti a suprêmement ce qui fait pardonner l’inflexibilité à l’historien et au juge, et ce qui ferait pardonner, même à la victime, le coup de hache du bourreau.

2472. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

En dehors de Paris, en dehors de cette espèce de cuve qui a ses sorcières, comme la marmite de Macbeth, mais plus jolies, et où tous les champignons gâtés du fumier civilisé bouillonnent incessamment sous le feu des plus diaboliques vanités, on ne sait pas et on ne comprendrait pas un seul mot de l’histoire que Jules Vallès a écrite avec une verve poignante. […] En écrivant toute cette histoire, qui fut un peu la sienne, il renfonce les larmes que Diderot laisserait couler : Diderot, qui écrivit l’histoire du réfractaire Neveu de Rameau, Diderot, qui fit des sermons à un louis pièce pour manger, qui fut un réfractaire comme Vallès, et qui n’en devint pas moins bourgeois de Paris, académicien, père de famille, un gros bonhomme en robe de chambre et en serre-tête, comme un jour le sera peut-être Vallès.

2473. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

C’était toujours vif et spirituel, ce qu’il écrivait, délié et nerveux dans le bon sens du mot, presque aigu, mais n’allant pas jusqu’à la pointe, n’ayant jamais ce défaut du pointu que les esprits aigus ne savent pas toujours éviter. […] Bernardin de Saint-Pierre, qui a fait Paul et Virginie — un nid dans la mousse — et La Chaumière indienne, avait en lui comme la philosophie des brahmes, et il la portait dans ses écrits et dans ses mœurs à une époque où le monde n’était pas beaucoup aux philosophies calmantes et douces, et l’ermite Levallois est, comme lui, un ermite de cette philosophie assagissante, et qui croit que la nature ne fait qu’un avec la sagesse.

2474. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Hebel11 Jean-Pierre Hebel est un poète allemand que nous ne connaissions guères, malgré notre allemanderie, comme parlait déjà le prince de Ligne bien avant que madame de Staël eût écrit son livre De l’Allemagne et que nous fussions coiffés du chapeau sans fond de la philosophie hégélienne, qui ne sera pas pour nous, par parenthèse, le petit chapeau de Fortunatus. […] Sans passion, comme Walter Scott, et comme lui de cette moralité naturelle qui parfume les écrits de tous les deux, il n’était point, assurément, par les facultés, l’égal de l’incomparable Écossais ; mais ils avaient tous deux la faculté de peindre avec des tableaux, des sujets et des procédés différents, et tous deux ils traduisirent la réalité avec une vigueur inouïe et un sentiment qui est à cette réalité qu’ils ont peinte, ce qu’aux objets est le soleil.

2475. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

… Je connaissais le Monselet de tout le monde, le Monselet du journal, du théâtre, du café, du restaurant, le Monselet du boulevard et de Paris, le Monselet légendaire, celui qu’on a représenté les ailes au dos, comme Cupidon, parce qu’il a écrit Monsieur de Cupidon, celui-là qu’on a peint en abbé du xviiie  siècle, parce qu’il avait dans l’esprit comme dans le menton la voluptueuse rondeur des abbés du xviiie  siècle. […] Ce recueil de vers, fait par un artiste toujours inspiré, n’a pas cependant partout la même valeur poétique, et, je vous en préviens, ce n’est pas de celui qui joue avec son talent et son style et qui, par exemple, a écrit ces fameux : Sonnets gastronomiques, — lesquels ne sont, par parenthèse, que de brillantes et charmantes difficultés vaincues — ce n’est pas de cet artiste que je veux vous parler.

2476. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Dans ce temps-là, j’écrivais : « La religion et la philosophie sont produites par des facultés qui s’excluent réciproquement, se déclarent impuissantes… Le système qui essayerait de les réconcilier et de les confondre ne sera jamais qu’un roman. » J’allais même plus loin, et je disais : « Affirmer qu’une doctrine est vraie parce qu’elle est utile ou belle, c’est la ranger parmi les machines du gouvernement, ou parmi les inventions de la poésie3‌. » Eh bien ! […] Mes livres, qui sont écrits pour une minorité, n’enseignent rien que le déterminisme scientifique et la soumission d’un Marc-Aurèle ou d’un Spinoza ; mes obsèques religieuses, qui sont un argument mieux saisissable par la foule, contribueront à approcher mes contemporains de cette haute moralité.

2477. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Tandis que les orateurs dans la tribune, les poètes dans leurs vers, les musiciens dans leurs chants, célébraient publiquement les guerriers, les athlètes et les grands hommes, d’autres écrivains composaient, dans la retraite, des éloges qui étaient écrits et rarement prononcés. […] Il faut en vérité estimer bien peu l’art d’écrire et de parler aux hommes pour donner de pareilles leçons.

2478. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

La princesse lui a écrit de nous, au sujet de notre préface : « Ils ont dit la vérité, c’est un crime !  […] * * * — Ce soir, une jeune fille me disait qu’elle avait commencé à écrire un journal, et qu’elle s’était arrêtée, par peur de l’entraînement de cette causerie confidentielle avec elle-même. […] * * * — Un rêve, malheureusement pas écrit au saut du lit, et où ne se retrouveront pas les cassures et les effacements en certaines parties de la chose rêvée. […] * * * — Il n’y a pas d’homme de nature fausse ou tortueuse, sur lequel ne soit écrit en quelque coin de la bouche ou de l’œil : « Garde à toi !  […] qu’en dites-vous, là-bas, nous lance Taine, vous qui avez écrit que l’antiquité avait été faite pour être le pain des professeurs ?

2479. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Que l’on concilie cependant de pareils vers dans le poète de 1814 avec ceux qu’il écrivit quelques années plus tard ! […] Cette morale qui se modèle de si loin sur ses perfections ineffables, je la trouve écrite par lui-même dans ma conscience. […] Vous m’avez comparé, dans un de vos écrits, à M. de Talleyrand : on a ri de vous et de moi ; mais ce mot prouve que vous m’avez mieux regardé que bien d’autres. […] Il prenait son crayon, il écrivait les noms, les adresses, les heures. « — J’irai, mon enfant, j’irai demain, disait-il ; je tâcherai d’arranger cela pour le mieux. […] Antier, qui m’écrivait les phases de la maladie, tantôt alarmantes, tantôt rassurantes.

2480. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Parmi ces treize chênes, se trouve celui qu’on appelle dans le pays l’arbre de Jocelyn, parce que c’est sous ses feuilles et assis sur ses racines que j’ai écrit ce poème, au murmure du vent d’automne dans ses rameaux. […] La brise seule aurait pu écrire ses improvisations vagabondes, échevelées comme la belle tête blonde de l’Hoffmann de la musique. […] Ces vers, pensés dans le ciel et écrits sur la terre, m’avaient transporté en idée au cap Sunium. […] Veut-on les lire dans leur morale, on les lira dans l’Imitation de Jésus-Christ, par Gerson ; l’Imitation, le plus sublime commentaire qui ait jamais été écrit sur un texte humain ou sur un texte divin depuis que le monde est monde. […] Écrivez vos romans, je reste à mes poèmes.

2481. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

XIII Hugo, qu’il faut toujours nommer le premier dans ces nomenclatures des belles imaginations, nous dit qu’il est par la moitié de son sang Franc-Comtois ; Rouget de Lisle, qui eut le rare bonheur d’être un jour le chant héroïque de la patrie menacée, le tocsin des cœurs, le sursum corda des baïonnettes, était Franc-Comtois ; Charles Nodier, le plus aimable des hommes, le plus fantaisiste des poètes, le plus Romain et le plus Français à la fois des ennemis de la terreur démagogique et de la tyrannie soldatesque, était Franc-Comtois ; Fourier, Considérant, Proudhon, tous ces esprits spéculatifs qui écrivent leur poésie en chiffres et qui jettent leur imagination par-dessus l’ordre social, aimant mieux inventer l’impossible que de ne rien inventer du tout, sont Francs-Comtois. […] Christin, fils de l’ancien et spirituel correspondant de Voltaire, ami aussi de mon grand-père et de mes oncles, m’avait écrit pour se réclamer de ces souvenirs de famille et pour me prodiguer de bons offices. […] XLI C’était là, sans doute, la lampe voilée de l’imagination, qui éclairait, dans ses longues nuits, la petite fenêtre du donjon de Saint-Lupicin, pendant que notre jeune poète écrivait ses poésies cachées, et qu’il étudiait le beau dans l’art devant les débris des statues de son Phidias. […] XLIV C’est sur ces souvenirs d’un double voyage à Athènes et sur l’impression toujours présente du Parthénon, entrevu dans le ciel du pont d’un vaisseau et contemplé ensuite à loisir du pied de ses colonnades, que j’écrivais, il n’y a pas longtemps, un Entretien sur la sculpture, quand je reçus, un matin du mois d’août 1861, le volume de M. de Ronchaud, intitulé Phidias. […] XLV Voici donc ce que moi, ignorant, j’écrivais de hasard sur cette littérature en pierre qui parle à nos yeux du haut du Parthénon.

2482. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Voltaire serait un grand créateur en style, ne fût-ce que pour avoir purgé de l’ennui la polémique, et pour avoir écrit ce vers, le plus français de tous les vers : Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux. […] Ceux-là semblent avoir écrit et mesuré avec le doigt de Dieu les astres, la nature, les animaux, les grandeurs, les formes, les âmes répandues dans les êtres de la création, toute pleine pour eux d’évidence divine, d’intelligence animale et d’amour universel. […] En peut-on douter, surtout quand on voit le grand Frédéric, ce Denys héroïque et pédantesque de la Prusse, rougir de sa belle langue natale, écrire, parler, rimer, causer, correspondre en français avec l’Aristote de la France, et n’employer l’allemand qu’avec ses casernes ? […] Le décalogue de la raison moderne et de la liberté fut écrit en français : la langue ainsi devint monumentale en même temps qu’elle devint véhicule d’éloquence, de législation et de philosophie chez tous les peuples. […] Maintenant voici quelques strophes de sa dernière élégie, écrite la veille de son supplice, pour déplorer le prochain supplice de mademoiselle de Coigny, sa compagne de captivité.

2483. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Lui qui revient d’Égypte, — qui sait l’Égypte à fond, dit-on, — il ne s’est donc pas demandé, avant d’écrire son roman, pourquoi les lois de l’Égypte punissaient de mort l’adultère, si ce n’est parce qu’elles savaient, ces lois sages, que tout adultère, même celui qui dort le mieux dans l’affreuse innocence de son crime, est toujours armé, décidé à tout et à priori assassin ? […] Feydeau est écrit comme il est pensé, avec une ardeur qui n’empêche ni la correction, ni la finesse du trait, ni la solidité. […] Le bourreau de l’adultère a écrit, en effet, sur la première page de son Daniel cette phrase de Chamfort, qui résume l’esprit du livre, mais qui ne lui en a pas donné : « Quand un homme et une femme ont l’un pour l’autre une passion violente, il me semble toujours que, quels que soient les obstacles qui les séparent, un mari, des parents, etc., les deux amantssontl’unàl’autredeparlanature, qu’ils s’appartiennent de droitdivin, malgré les lois et les conventions humaines », et jamais plus flagrante insolence ne fut portée par la main d’un bâtard enragé (et Chamfort était l’un et l’autre) à la face d’une société qui a mis le mariage plus haut, que ses institutions, puisqu’elle en a fait un sacrement. […] Né dans la bauge du xviiie  siècle, le malheureux qui a écrit cette opinion animale pensait peut-être à couvrir de cette orgueilleuse généralité le déshonneur de sa mère, et si cela fut, voilà son excuse ! […] Feydeau, qui n’a pas, en écrivant Catherine d’Overmeire, produit un livre meilleur que Fanny comme exécution, et qui en a produit un très-inférieur comme vue et portée, a pourtant regagné du terrain, le terrain qu’il avait perdu quand il écrivait Daniel.

2484. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

À force d’écrire des récitatifs, des duos et des quatuors, cette forme lyrique est dans leur langage ordinaire. […] Quelques jours après, il écrivait à sa belle pour lui demander un nouveau rendez-vous. […] — Vous m’avez donc écrit ? […] Méry, — un jour qu’il était parvenu à retrouver la plume avec laquelle il écrivait jadis Héva et la Guerre de Nizam, a écrit dans les Nuits anglaises vingt pages qu’il peut revendiquer comme étant l’invention de la photographie. […] Jules Sandeau, un romancier, un homme qui écrit en prose.

2485. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

il arrivait encore parfois qu’elle lui écrivit d’un restaurant ou d’un hôtel sur du papier qui en portait le nom imprimé ; mais c’étaient comme des lettres de feu qui le brûlaient. « C’est écrit de l’hôtel Vouillemont ? […] Je sentais dans cette façon d’écrire une nouveauté d’une importance considérable, mais qui rebroussait encore mes tendances profondes à la musique. […] Un auteur anglais a pu écrire tout un article sur le Platonisme de Proust. […] il arrivait encore parfois qu’elle lui écrivît d’un restaurant ou d’un hôtel sur du papier qui en portait le nom imprimé ; mais c’était comme des lettres de feu qui le brûlaient. « C’est écrit de l’hôtel Vouillemont ? […] Imaginez-vous ce qu’un Barrès par exemple eût écrit, d’ailleurs d’admirable, sur ce thème ?

2486. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Je vous ferai écrire demain ou après-demain : regardez la chose comme faite. » Là-dessus réembrassade. […] J’ai été mordu, ce matin, de l’envie d’écrire : La Fille Élisa, ce livre que nous devions écrire, lui et moi, après Madame Gervaisais. […] C’est à la fois merveilleux et triste, le despotisme qu’exerce sur la pensée de Renan tout ce qui se dit, s’écrit, s’imprime en Allemagne. […] Nefftzer ne veut plus y écrire. […] Le second jour de son emprisonnement, entre dans sa cellule un brigadier, qui lui dit : — « Écrivez votre nom sur cette feuille de papier, écrivez que vous êtes entré, le 29 mai, à Mazas. » Il écrit : le brigadier qui regarde par-dessus son épaule, l’interrompt en lui disant : — « Vous avez écrit à l’archevêque ? 

2487. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

En 1589, il écrivit sa première pièce Periclès, qui frappa quelques lecteurs ; en 1597 il écrivit Roméo et Juliette, copie exacte d’un libretto italien, solennisé et éternisé par une touchante et sublime déclamation de Shakespeare. Six ans après, il écrivit et représenta Hamlet, puis Othello, puis la belle tragédie historique de la mort de Jules César. Il ne livrait point de manuscrit, il écrivait chaque rôle de la pièce sur des feuilles détachées qu’il distribuait à ses acteurs. […] Demain, demain, demain se glisse ainsi à petits pas d’un jour sur un autre, jusqu’à la dernière syllabe du temps qui nous est écrit ; et tous nos hiers n’ont travaillé, les imbéciles, qu’à nous abréger le chemin de la mort poudreuse. […] Il a écrit avec l’atticisme d’un écrivain du siècle de Louis XIV.

2488. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

On sait que les Epicuriens et les Stoïciens, deux écoles de décadence pourtant, avaient beaucoup écrit sur ce sujet. […] Quand la philosophie sera devenue ce qu’elle doit être, qu’il n’y aura plus en elle que du général, des abstractions, des idées, qu’elle sera complètement en dehors des faits, alors il apparaîtra clairement aux yeux de tous qu’elle est une œuvre d’art plutôt que de science : poésie ennuyeuse et mal écrite pour les uns, élevée, puissante, vraiment divine pour les autres. […] Heine (de l’Allemagne), a dit du plus sec des métaphysiciens : « La lecture de Spinoza nous saisit comme l’aspect de la grande nature dans son calme vivant : c’est une forêt de pensées hautes comme le ciel, dont les cimes fleuries s’agitent en mouvements onduleux, tandis que leurs troncs inébranlables plongent leurs racines dans la terre éternelle : On sent dans ses écrits flotter un souffle qui vous émeut d’une manière indéfinissable : on croit respirer l’air de l’avenir. » Les métaphysiciens sont donc des poëtes qui ont pour but de reconstituer la synthèse du monde Ces grandes épopées cosmogoniques disparaîtront-elles ? […] Cousin n’avait écrit. […] Mais que penserait-on d’un statisticien qui, au lieu de nous dire que, dans un certain pays, chaque mariage donne en moyenne quatre enfants, et que les trois cinquièmes de la population savent lire et écrire se bornerait à nous révéler que les mariages produisent quelques enfants et que les gens qui lisent sont nombreux.

2489. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

On ne peut s’empêcher de regretter ici que Ramond n’ait pas écrit ses mémoires ; qu’il n’ait pas, un jour ou l’autre, raconté, et s’il le fallait, confessé toute la vérité sur cet épisode intéressant et mystérieux de sa vie, Toute part faite à la déférence, à l’obéissance qu’il devait aux ordres du cardinal, on se demande quelle était en ceci cette autre part, fort peu aisée à déterminer, mais assez active, ce semble, qui lui était personnelle et propre. […] Daru très jeune, lui ayant écrit en 1788 pour le consulter sur l’opportunité de publier à celle date un poème épique dont la guerre d’Amérique serait le sujet, et ayant paru attribuer la préséance dans la famille des Muses à celle qui présidait aux sciences, Ramond, en répondant, lui rappelait que c’est la poésie au contraire à laquelle il appartient de donner à tout la vie et l’immortalité ; et convenant d’ailleurs que les circonstances étaient peu propices à l’épopée, il ajoutait : Mais c’est la destinée ordinaire des grands ouvrages de ce genre de n’être jamais des ouvrages de circonstance ; et si, par cette raison, leur succès est plus lent et plus difficile, leur gloire est plus pure et moins mortelle. […] Il ne disait pas assez en parlant ainsi ; il ne disait pas que dans ses propres écrits comme dans ceux d’un bien petit nombre de savants exacts, il était entré quelque chose de la beauté de l’art et de la magie du talent, et qu’il y aurait à citer des disciples de premier ordre dans la postérité de Buffon : lui-même, fût-il le seul, en serait la preuve.

2490. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Montluc ne se donne pas pour un historien, c’est un écrivain spécial de guerre ; il semble qu’il tienne à justifier ce mot de Henri IV lisant ses Commentaires, que c’est la Bible du soldat : « Je m’écris à moi-même, et veux instruire ceux qui viendront après moi : car n’être né que pour soi, c’est à dire en bon français être né une bête. » Il commence par établir une bonne police dans la ville ; il la divise en huit parties, dont chacune est sous la surveillance et les ordres d’un des huit magistrats nommés les « huit de la guerre » : dans chacune de ces sections, il fait faire un recensement exact des hommes jusqu’à soixante ans, des femmes jusqu’à cinquante, et des enfants depuis douze, afin qu’on voie quels sont ceux qui peuvent travailler aux choses de siège et à quoi ils sont propres ; dans le travail commun, les moindres ont leurs fonctions ; chaque art et métier, dans chaque quartier, nomme son capitaine, à qui tous ceux du même métier obéissent au premier ordre. […] [NdA] Depuis que ces articles sont écrits, Montluc et son frère l’évêque de Valence ont été l’objet de recherches et d’études approfondies. […] Tamizey de Larroque, un des érudits qui se sont occupés avec le plus de zèle de ces illustres enfants de la Gascogne, insiste pour qu’on écrive Monluc sans t : c’est ainsi, remarque-t-il, que le maréchal et l’évêque, et tous les membres de leur famille, ont constamment signé.

2491. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Certes, M. de Lamartine a rendu en 1848 à la société des services dont il serait ingrat de perdre le souvenir ; mais littérairement, depuis des années, soit qu’il écrive l’Histoire de Turquie, soit qu’il emprunte celle de Russie à M.  […] Que de bons et charmants feuilletons dans la bouche d’anciens ministres, et qui n’ont jamais été écrits ! […] En proposant tout net « la dissolution de cette fade compagnie de bavards » (car c’est ainsi qu’il parle), il a son projet d’une Académie nouvelle : il y veut faire entrer « des lexicographes, des poètes, des étymologistes, des romanciers, des historiens, des philosophes et des savants, qui recevraient la mission de faire un vrai dictionnaire, d’écrire les origines de la langue française (mais c’est ce qu’on fait aujourd’hui à l’Académie !)

2492. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Je n’en sais rien, mais je croirais aisément que Fanny a dû être conçue et écrite par manière de gageure comme Adolphe, c’est-à-dire « pour convaincre deux ou trois amis incrédules de la possibilité de donner une sorte d’intérêt à un roman dont les personnages se réduiraient à deux, et dont la situation serait toujours la même ». […] La naissance, le progrès, les divers temps de ce mal de jalousie chez Roger, ses soupçons tantôt irrités, tantôt assoupis, et que le moindre mot réveille, son horreur du partage, l’exaspération où il s’emporte à cette seule idée, tous ces degrés d’inquiétude et de torture jusqu’à la fatale et horrible scène où il a voulu n’en croire que ses yeux et être le témoin de sa honte, sont décrits avec un grand talent, avec un talent qui ne se refuse aucune rudesse métallique d’expression, qui ne craint pas d’étreindre, de violenter les pensées et les choses, mais qui (n’en déplaise à ceux qui n’admettent qu’une manière d’écrire, une fois trouvée) a certainement sa forme à lui et son style. […] L’amour supplée aux longs souvenirs par une sorte de magie. » Mais il ne nous indique aucun de ces détails qui lui ont paru si charmants, ou il ne les indique que d’une façon très générale ; il aime mieux s’écrier : « L’amour n’est qu’un point lumineux, et néanmoins il semble s’emparer du temps, etc. » — Un jour il écrit à Ellénore, pour lui donner idée de ce qu’il souffre pendant les heures qu’il vit séparé d’elle : « … J’erre au hasard courbé sous le fardeau d’une existence que je ne sais comment supporter.

2493. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Ces sortes de journaux qui, à quelques années de distance, deviennent nécessaires aux contemporains eux-mêmes, s’ils veulent apporter de l’ordre et de la précision dans leurs souvenirs, augmentent de prix, au bout d’un siècle, pour la postérité qui y apprend quantité de choses qu’on ne sait plus, et que presque personne n’a songé à écrire. […] On peut aujourd’hui, grâce aux mémoires de d’Argenson, aux mémoires (malheureusement si mal donnés) du président Hénault, grâce surtout à ce journal quotidien de la Cour rédigé par M. de Luynes, écrire de la première moitié du règne de Louis XV une histoire précise, qui n’eût pas été possible il y a quelques années. […] Son Éminence a besoin de repos ; elle a l’estomac dérangé : M. de Luynes sait dans la dernière exactitude tous les détails de santé qui font rire quand Molière nous les étale, mais qu’on n’écrit plus ; il les note ; on a le compte, le chiffre exact des coliques du cardinal dans les vingt-quatre heures ; et « d’ailleurs, les différentes situations de la santé de M. le cardinal se remarquent aisément, se reflètent — sur le visage du roi. » Quant au cardinal, il continue de s’occuper d’affaires dans ses intervalles de répit ; il reçoit le viatique, mais il ne songe pas à lâcher le ministère ; il n’a pas l’idée qu’il puisse s’en aller déjà, et il le dit même assez agréablement à l’adresse de ceux qui attendent.

2494. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Par malheur, le gouvernement qui régissait alors la France ne présentait plus qu’un simulacre d’autorité ou de liberté, et n’était de force à relever et à maintenir résolûment ni l’une ni l’autre. « Les messieurs sont divisés entre eux », écrivait Bonaparte à Joubert, à la veille du retour. […] Bonaparte lui écrivait le 30 mai : « Tous les renseignements qui me viennent sur la discipline de votre division, ainsi que sur la bonne conduite des officiers qui la commandent, lui sont favorables : cela vient de l’exemple que vous leur donnez et de la vigilance que vous y portez. » En faisant connaître à ses troupes cette lettre d’éloges, Joubert y joignait l’expression de ses sentiments en des termes qui, pour avoir été souvent répétés depuis et un peu usés par d’autres, ne cessent pas d’être les plus honorables et d’avoir tout leur prix dans sa bouche : Je fais connaître avec plaisir la lettre que je viens de recevoir du général Bonaparte, et je saisis cette occasion de témoigner mes sentiments à mes braves camarades. […] Cela perce dans trois lettres qu’il lui écrit de janvier à mars 1798, pendant que Joubert commande l’armée d’occupation en Hollande, et un peu avant le départ pour l’Égypte.

2495. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Il est loin le temps où, la critique française commençant à peine, l’abbé de Saint-Réal déclarait qu’on ne devait critiquer par écrit que les morts, et qu’il fallaitse borner à juger en conversation les vivants. Aujourd’hui on se juge tous indifféremment les uns les autres, en public et par écrit, vivants, amis de la veille et confrères. […] Les derniers écrits de M. de Laprade sont donc empreints d’une certaine hostilité générale contre le développement de la société moderne ; il y perce même desaccents d’un aigreur particulière encore plus marquée.

2496. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Élevé au hasard, mis pour toute école à la mutuelle, puis petit clerc d’avoué, il s’est formé lui seul ; il a dû faire lui-même son éducation, acquérir sans maître sa littérature : il a commencé d’écrire avant de commencer à étudier. […] — Cet autre homme, lui, est chrétien ; il admet la divinité, une émanation plus ou moins directe de la divinité, une inspiration d’en haut dans la vie, dans les actes et les paroles du Christ : mais il se permet de rechercher quels ont été au vrai ces actes et ces paroles ; il étudie les témoignages écrits, les textes ; il les compare, il les critique, et il arrive par là à une foi chrétienne, mais non catholique comme la vôtre : homme pur d’ailleurs, de mœurs sévères, de paroles exemplaires : et cet homme-là, parce qu’il ne peut en conscience arriver à penser comme vous sur un certain arrangement, une certaine ordonnance, magnifique d’ailleurs et grandiose, qui s’est dessinée surtout depuis le ve siècle, vous l’insulterez, vous l’appellerez à première vue blafard en redingote marron ! […] Veuillot a beaucoup écrit, et je ne puis parler de tous les livres qu’il a composés : le volume les Français en Algérie (1845) résume avec intérêt les souvenirs d’un voyage qui remonte à 1841, et dans lequel il fut l’hôte, le commensal et presque lesecrétaire du maréchal Bugeaud, nouvellement nommégouverneur général.

2497. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

On n’est pas journaliste pour mettre de temps en temps des articles dans les journaux ; on l’est, pour être prêt à y écrire n’importe sur quoi, à toute heure et à toute minute ; il faut tirer au vol et ne pas manquer : « Le talent du journaliste, dit-il, c’est la promptitude, le trait, avant tout la clarté. […] se trouve la réfutation écrite du discours que l’orateur précédent a tâché d’improviser. […] ; et le sonnet qui suit, écrit au bord de la mer, et où le poète dit énergiquement à sa manière : « Je suis soûl des hommes. » Je ne conclus pas.

2498. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Sage, judicieuse, bien pensée et bien écrite, cette Notice ne laisse un peu à désirer que pour la vivacité et le mouvement ; mais Mme de Sévigné qui succède en a de reste pour deux et pour mille. […] Sa fille lui avait écrit qu’elle était un peu jalouse de voir cette tendresse extrême pour l’enfant : elle croyait sans doute, en parlant ainsi, faire plaisir à sa mère qui lui avait quelquefois reproché son air de froideur et d’indifférence. […] Il est abondant, débordant (exundans), irrégulier ; mais quand on est à ce degré chez soi, dans le plein de la langue et de la veine françaises, on peut tout oser et se permettre, on peut hardiment écrire comme on parle et comme on sent, on n’est pas hasardé.

2499. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

— Et revenant sur ce chapitre des chants de guerre qu’on lui aurait voulu voir composer dans sa chambre et au coin de son feu en 1813, il souriait de pitié : « Écrire au bivouac, où la nuit l’on entend hennir les chevaux des avant-postes ennemis, à la bonne heure ! […] Comment aurais-je pu écrire des chants de haine sans haine ? […] Il les associait encore dans une lettre écrite à Zelter vers le même temps : « Si tu ne les connais pas déjà, je te conseille de lire le théâtre de Clara Gazul et les Poésies de Béranger.

2500. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

L’auteur, il est vrai, ne les écrivit pas de suite et avec continuité ; il y revint à plus d’une reprise et comme par époques, sans se soucier beaucoup des liaisons. […] Dans les premiers morceaux, qui furent écrits au xviiie  siècle, avant 1800, je note bien d’anciens oripeaux de style qui sont une date. […] Mais l’esprit, qui s’évapore en bons mots s’il n’est que viager, prend plus sûrement sa revanche après la mort, s’il se fixe en des écrits durables.

2501. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Pendant qu’ils furent fermés et leur personnel dispersé, et plus tard avant que l’Université impériale eût solidement renoué la tradition, s’éleva librement la génération qui, vers 1820, commença d’écrire ; au reste, il était impossible de vivre au collège, comme autrefois, absorbé dans l’antiquité : et le présent disputait victorieusement au passé les âmes des enfants. […] Échappant aux influences du monde et du collège, nos poètes se trouvèrent affranchis de cette crainte du ridicule, qui paralyse toutes les originalités dans la vie mondaine, et dotés sur les petits secrets de l’art d’écrire de certaines ignorances favorables à la spontanéité de l’expression. […] Nisard (1806-1884) écrivit aux Débats et au National, professa au Collège de France et à la Sorbonne, et fut, de 1857 à 1807, directeur de l’École normale supérieure.

2502. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

J’ai, pour écrire quelques pages sur Pascal, un désavantage, c’est d’avoir fait moi-même autrefois tout un gros volume dont il était presque uniquement le sujet. Je tâcherai, en parlant cette fois, devant tout le monde, d’un livre qui a rang parmi nos classiques, d’oublier ce que j’en ai écrit de trop particulier, et de me borner à ce qui peut intéresser la généralité des lecteurs. […] Car c’est ainsi que s’exprime Pascal dans ces Pensées courtes et brèves, écrites pour lui seul, un peu saccadées, et sorties, comme par jet, de la source même.

2503. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Je suis cet habitant solitaire de la vallée, et j’écris mon journal pour être prêt à répondre si jamais je suis interrogé. […] L’auteur de cet écrit a sans doute, comme la plupart de ses lecteurs ; ses opinions d’affection et ses opinions de raisonnement : il est, sous ce rapport, le représentant des opinions anciennes et des opinions nouvelles. […] Nous l’essaierons cependant par la suite, mais avec une respectueuse circonspection ; car cet écrit, qui ne peut renfermer toutes les vérités sur lesquelles repose la société, est destiné du moins à en faire naître le sentiment, sentiment qui a quelque chose de religieux, et qu’on est trop parvenu à éteindre parmi les peuples.

2504. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Cent ans plus tard, en France, Balzac écrit Le Prince, sous Richelieu, préparant Louis XIV ; tandis qu’en Italie le grand patriote Machiavel ne peut s’inspirer que d’hommes tels que Cesare Borgia, Giuliano di Medici ou Lorenzo di Piero di Medici ; aventuriers, tyranneaux de province… En 1494 déjà, une invasion française interrompait l’épopée de Boiardo ; au xvie  siècle Arioste se réfugie dans les domaines intangibles de la fantaisie, il écrit une œuvre de beauté durable, universelle, mais inefficace pour la patrie ; ses prophéties sur l’avenir de la maison d’Este sont pleines de rhétorique et… d’ironie involontaire aussi ; après lui, Torquato Tasso subit à la fois la réaction catholique et le joug des traditions académiques. — En France, le triomphe du catholicisme est aussi celui de l’unité nationale ; « Paris vaut bien une messe » n’est pas une boutade, c’est un mot qui résume une grande nécessité ; ce catholicisme-là n’asservit pas la pensée ; pour plusieurs écrivains, qui nous l’ont dit expressément, il est la liberté ; il ne soumet pas la France à la Papauté, il mène au gallicanisme de Bossuet ; de même, la tradition académique, malgré tous ses défauts, contribue à la discipline nationale. […] On me dira : Pétrarque, fils d’un Florentin exilé, n’a vu la ville de Florence qu’à une époque où il était déjà célèbre ; et Boccace, né à Paris, a écrit ses premières œuvres à Naples. — Sans doute ; et je crois que Pétrarque, vivant à Florence, serait tout autre.

2505. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

On n’écrivait, on ne prononçait rien où le nom de Louis XIV ne fût mêlé. […] Ainsi, tout prédicateur, tout orateur, tout historien, tout poète, enfin tout ce qui parlait, tout ce qui écrivait sous ce règne, louait et flattait à l’envi. […] Louis XIV paraîtrait, animant tout de ses regards : et au bas de sa statue la postérité écrirait ces mots : sous lui les Français furent grands.

2506. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Il nous confie le grand désir qu’il a eu, désir auquel il n’a pas renoncé, d’écrire un livre sur l’Orient moderne, sur l’Orient en habit noir. […] Il y a cette année une épidémie sur les mères de ses pareilles… Elle me dit qu’elle regrette bien que nous n’ayons pas fait connaissance avec elle, quand elle était notre voisine, que nous aurions vu, nous qui écrivons, des choses bien curieuses chez elle. […] Nous allons au fin fond de l’hôpital, à une grande porte jaunâtre, sur laquelle il y a écrit en grosses lettres noires : AMPHITHÉÂTRE. […] est-ce mal écrit ! […] Et la farce commence, une farce qui paraît écrite au pied levé, une nuit de carnaval, dans un cabaret de Bergame, avec de jolis vers qui montent s’enrouler ainsi que des fleurs autour d’une batte.

2507. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Voici donc ce que Saint-Évremond écrivait au ministre de Lionne, au sujet d’une tragédie d’Andromaque. […] C’est une satire cruelle, mais écrite avec une finesse, une gaîté, une malice et une plaisanterie du meilleur ton : c’est le premier volume d’un recueil qui en contient cinq ; les quatre derniers n’offrent la plupart au lecteur que de grossiers mensonges et de pitoyables anecdotes qui paraissent écrites par des laquais. […] Pendant qu’il s’occupait de la cithare et du chant, son affranchi Hélius lui écrivit que les affaires de l’empire demandaient à Rome sa présence. […] et toute la pièce est écrite de même : ah ! […] L’art d’écrire est bien plus rare et bien plus précieux que l’art de compiler.

2508. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Ce qui est la passion plus ou moins cachée de beaucoup se trouve représenté assez au naïf et sous forme de manie dans les écrits d’un homme de Lettres célèbre de ce temps. […] Nous voyons que M. de Lamartine se justifie dans les journaux amis d’avoir écrit un seul vers durant ce dernier voyage, et même depuis longtemps : nous avons en conséquence à lui faire réparation de l’en avoir soupçonné.

2509. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Soit qu’on lise, soit qu’on écrive, l’esprit fait un travail qui lui donne à chaque instant le sentiment de sa justesse ou de son étendue, et sans qu’aucune réflexion d’amour-propre, se mêle à cette jouissance, elle est réelle, comme le plaisir que trouve l’homme robuste dans l’exercice du corps proportionné à ses forces. […] Il parle, il écrit sur des sujets divers, mais pendant ce temps son âme continue d’être la proie d’une même douleur.

2510. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

C’est contre Desmarets que Boileau, par une malheureuse application de sa doctrine, prohiba au troisième chant de son Art Poétique l’emploi de la religion chrétienne en poésie, et, juste au moment où Milton venait d’écrire son Paradis perdu (ce que, du reste, il ignorait), nia assurément la valeur poétique de Satan. […] Boileau le sentait : car lorsqu’on l’eut réconcilié avec Perrault, il lui écrivit en 1700 une lettre excellente, où, reprenant à son compte la thèse de son adversaire en la limitant, il égalait le xviie  siècle non pas à toute l’antiquité, mais à n’importe quel siècle de l’antiquité.

2511. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

C’est un lieu commun des fraîches écoles que de dénier au romancier le droit de penser avant que d’écrire. […] Ils sont certainement écrits avec amour, et il est demeuré aux pages un peu de la fièvre sincère et communicative de l’écrivain, malgré la lourdeur unique du style, les gaucheries et les calinotades : M. 

2512. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

L’abbé Testu m’y croit déjà ; mais dites-lui, s’il vous plaît, qu’il se contente de m’écrire de très froids billets et qu’il vous laisse faire des gazettes de tout ce qui vous viendra à la tête. […] Le 19, elle écrit à d’Aubigné une lettre qui respire la reconnaissance, l’amour pour le roi, et le sentiment de la faveur toute particulière à laquelle d’Aubigné doit cette place.

2513. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Prétend-on dire par-là que ses Fables sont toutes écrites de la même maniere, du même ton ? […] Tout le monde sait combien le repentir expia ces écarts de son imagination, quand on eut dissipé sa sécurité : Vrai dans tous ses Ecrits, vrai dans tous ses Discours, Vrai dans sa pénitence à la fin de ses jours, Du Maître qui s’approche il prévient la justice, Et l’Auteur de Joconde est armé du cilice*.

2514. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

D’un autre côté son attention à ne choisir pour modeles que nos meilleurs Ecrivains, forma dans lui cette diction pure, élégante, correcte, harmonieuse, qui le rend le plus exact & le plus agréable de tous ceux qui ont écrit dans notre Langue. […] Faites-vous des Amis prompts à vous censurer ; Qu’ils soient de vos Ecrits les confidens sinceres, Et de tous vos défauts les zélés adversaires.

2515. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Travaillée avec beaucoup de soin et surtout écrite avec cette impulsion qui est particulière à l’auteur, cette préface a la prétention d’être une réponse aux objections qu’a soulevées le livre qu’elle précède. […] Dupont-White, qui, avec son nom mêlé de français et d’anglais, est, dit-on, un Suisse, entend probablement, quand il dit l’État, la constitution politique d’une patrie, et, puisqu’il écrit en français et ne parle pas expressément de Genève, il entend par l’État la France.

2516. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

L’auteur de Césara 25, le prêtre de l’Église Hugo, est aussi, par la même occurrence, l’apôtre de cette autre Église humanitaire qui flambe neuf et va remplacer incessamment la vieille religion divine qui avait suffi jusque-là aux plus forts et aux plus nobles esprits, mais qui ne suffit plus maintenant, même aux plus imbéciles… Or, c’est dans les intérêts de cette religion humanitaire que l’auteur de Fanfan la Tulipe, laissant là les amusettes du théâtre où il s’est oublié si longtemps, s’est mis à écrire cette grande pancarte, qui aura plusieurs cartons, et qu’il appelle Les Chevaliers de l’Esprit, titre un peu vague. […] Mais pour cela il ne faudrait pas que les idées philosophiques de l’auteur eussent préexisté au roman qu’il devait écrire, pour en diminuer ou pour en détruire le pathétique et la vérité !

2517. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

C’est à la même idée que tenait l’apothéose de leurs prédécesseurs ; la fantaisie de se faire adorer de leur vivant ; les temples qu’on leur élevait dans toutes les parties de l’empire ; la multitude énorme de statues d’or et d’argent, de colonnes et d’arcs de triomphe ; le caractère sacré imprimé à leurs images et jusqu’à leurs monnaies ; le titre de seigneur et de maître que Tibère même avait rejeté avec horreur, et qui fut commun sous Domitien ; la formule des officiers de l’empereur, qui écrivaient, voici ce qu’ordonne notre Seigneur et notre Dieu 50 ; et quand les princes, par les longs séjours et les guerres qui les retenaient en Orient, furent accoutumés à l’esprit de ces climats ; la servitude des mœurs, l’habitude de se prosterner, consacrée par l’usage et ordonnée par la loi. […] Les deux empereurs51 lui écrivirent à ce sujet la lettre la plus honorable.

2518. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

« Il n’est pas permis au sculpteur, a écrit Ruskin, d’être en défaut soit pour la connaissance, soit pour l’expression du détail anatomique. […] Le savant écrit l’histoire précise et détaillée du monde, le poète en fait pour ainsi dire la légende. […] Il faut maintenant plus que de l’inspiration, il faut du courage pour écrire en vers, « Trouver six beaux vers ! […] Plusieurs poètes contemporains, renouvelant les tentatives du seizième siècle, ont écrit des vers de neuf, onze, treize, quatorze, quinze et seize pieds. […] « Un vrai statuaire, a écrit récemment M. 

2519. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Il a écrit là-dessus un livre entier, sorte de pamphlet moral et demi-politique, le Livre des Snobs. […] La nature n’invente point ces jeux de scène ; l’on s’aperçoit vite qu’on est devant une rampe, en face d’acteurs fardés, dont les paroles sont écrites et les gestes sont notés. […] Esmond est un vieillard qui écrit pour ses enfants et leur commente son expérience. […] Le colonel Esmond écrit comme en 1700. […] En écrivant le nom de ma femme, j’écris l’achèvement de toute espérance et le comble de tout bonheur.

2520. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Et La Bruyère qui dit : « L’art d’écrire est l’art de définir et de peindre. » Là-dessus, Flaubert nous avoue ses trois bréviaires de style : La Bruyère, quelques pages de Montesquieu, quelques chapitres de Chateaubriand. […] Il a beaucoup écrit à sa sortie de collège et n’a jamais rien publié, sauf deux petits articles dans un journal de Rouen. […] Peut-être, un jour, ces lignes que nous écrivons froidement, sans désespérance, apprendront-elles le courage à des travailleurs d’un autre siècle. […] « C’est inadmissible, dit Gautier, vous figurez-vous mon âme gardant la conscience de mon moi, se rappelant que j’ai écrit au Moniteur, quai Voltaire, 13, et que j’ai eu pour patrons Turgan et Dalloz… » Coupant Gautier, Saint-Victor jette : « L’âme de M.  […] On doit s’occuper à avoir une maîtresse qui respecte vos nerfs, à convenablement arranger son chez soi, à posséder des tableaux passables… et surtout à bien écrire.

2521. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Usant de cet art sobre et puissant des indications disconnexes que nous avons appris à connaître, employant quelque solennité de ton, s’abandonnant à tout le morose d’une imagination qui s’était lassée de trop d’humour, Dickens composa dans Les Grandes Espérances, dans L’Ami commun, Le Mystère d’Edwin Drood, dans certaines parties de Dombey et fils, de La Petite Dorrit, quelques épisodes d’une sinistre beauté, puissamment, écrits, et dans lesquels, par aventure, il atteignit du même coup la force d’un réalisme presque profond, et l’intérêt intense du fantastique. […] Aussi le style d’un littérateur affectif sera exubérant, grandiloque, tout de premier jet et d’inspiration, tourmenté, sans mesure, sans grâce ; cet auteur se lancera à propos de n’importe quel sujet en infinis développements, et comme c’est son sentiment qui le fait écrire et qu’au moment où il écrit, ce sentiment d’aversion, de bienveillance, de raillerie, constitue son moi tout entier, cet auteur parlera surtout de lui-même et de ce qui l’agite toutes les fois qu’aucune raison supérieure ne l’empêche. […] Or l’écrivain affectif étant de nature émotionnelle, ressent les dispositions imaginaires dans lesquelles il se met, avec une violence extrême ; de plus, au moment où il écrit, l’inspiration, l’excitation intérieure le porte ; l’occasion commande une sorte de transport. […] Pas un billet qu’il écrive pour proposer une promenade en commun, pour inviter à dîner, pour expliquer une affaire, qui ne soit conçu en termes rapides, d’un style concité, frémissant de passion, de vitalité, d’exubérante bonne humeur ; il y narre à ses correspondants les petits faits qui arrivent chez lui, avec autant de drôlerie et de vivacité qu’il en met dans ses livres ; ses pages les plus célèbres ne sont ni meilleures ni autres que la lettre dans laquelle il raconte au pied levé, avec tout l’humour des grandes occasions, le lamentable trépas d’un corbeau familier qu’il tenait à sa villa. […] « Je me parus être haut de douze pieds », écrit-il à cette occasion.

2522. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Est-ce dans les livres, ces monuments écrits de la pensée des peuples ? Si nous en jugeons par les sublimes fragments que la Chine, l’Inde primitive, la Grèce, Rome, nous permettent de déchiffrer, nous ne voyons rien d’inférieur, dans ces monuments écrits, aux pages de notre moyen âge obscurci de ténèbres, et de nos deux ou trois derniers siècles, crépuscule d’une renaissance de la pensée. […] Je n’ai jamais pu voir une page écrite sans éprouver la passion de la lire. […] Tout à coup je tombai sur un fragment de trente ou quarante lignes qui étincelèrent à mes yeux comme si ces lignes avaient été écrites, non avec le pinceau du poète trempé dans l’encre, mais avec la poussière de diamants et avec les couleurs de feu des rayons que le soleil levant étendait sur la page ; ce fragment était un éblouissement de l’âme mystique, appelant, cherchant, trouvant, embrassant son Dieu à travers l’intelligence, la vertu, le martyre et la mort, dans l’ineffable élan de la raison, de la poésie, de l’extase. […] Je ne pleurai pas, parce que j’ai les larmes rares à l’enthousiasme comme à la douleur, mais je remerciai Dieu à haute voix, en me relevant, d’appartenir à une race de créatures capables de concevoir de si claires notions de sa divinité, et de les exprimer dans une si divine expression. » Si le poète inconnu qui avait écrit ces lignes quelques milliers d’années avant ma naissance, assistait, comme je n’en doute pas, du fond de sa béatitude glorieuse, à cette lecture et à cette impression de sa parole écrite, prolongée de si loin et de si haut à travers les âges, que ne devait-il pas penser en voyant ce jeune homme ignorant et inconnu dans une tourelle en ruine, au milieu des forêts de la Gaule, s’éveillant, s’agenouillant, et s’enivrant, à quatre mille ans de distance, de ce Verbe éternel et répercuté qui vit autant que l’âme, et qui d’un mot soulève les autres âmes de la terre au ciel !

2523. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Il avait écrit un livre en faveur du dogme de l’immortalité de l’âme. […] Cependant qu’on lise et qu’on juge, en me tenant compte de mes regrets : XVI « La reine, après avoir écrit et prié, dormit d’un sommeil calme quelques heures. […] « Le peuple croyait et des témoins ont écrit que son attention légère et puérile était attachée à cette décoration extérieure de républicanisme. […] Quand la Providence veut parler aux hommes avec la rude éloquence des vicissitudes royales, elle dit en un signe plus que Sénèque ou Bossuet dans d’éloquents discours, et elle écrit un vil chiffre sur le registre d’un fossoyeur. » Que peut-on accuser dans ce jugement ? […] L’époque où nous écrivons nous-même n’est pas propice à ce jugement.

2524. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Et c’est cette conception qui lui donne la force de vivre à l’écart, dans sa « tour d’ivoire », de rechercher la gloire peut-être, jamais le succès ni la popularité, de n’écrire que pour dire quelque chose et, par suite, de n’imprimer que tous les dix ou vingt ans : irréprochable vie d’écrivain, et à laquelle on ne peut comparer que celle d’un Flaubert ou d’un Leconte de Lisle. […] Mes amis me le reprochent souvent… Cette disposition native n’a fait que s’accroître pendant seize ans de vie à l’armée, où le silence est une consigne ; cette coutume s’est accrue encore par un long séjour en Angleterre… Il en résulte qu’il y a sur mon caractère une enveloppe de taciturnité, qui fait que j’aime à parler des idées et des sentiments, jamais des personnes. » Et ailleurs : « Quand j’étais dans la Charente, d’où je vous écrivais souvent, je fus atteint de la fièvre typhoïde. […] Le lendemain, la plupart retournaient à leur vomissement ; mais quelques-unes devenaient sainte Thaïs ou sainte Marie l’Égyptienne. « Les voies de Dieu sont mystérieuses… » Henri Lavedan La saveur si particulière des écrits de M.  […] Tel autre, dessinant à grands traits impérieux l’histoire des idées ou l’histoire des formes littéraires, semble toujours écrire contre quelqu’un ou quelque chose et, même avant d’être moraliste, est invinciblement orateur et « dialecticien. » Faguet est un « logicien », et de quelle puissance ! […] Je reviens à son âme, qui était gracieuse et noble, et qui alla toujours s’embellissant. — Il faut se souvenir ici que les pages les plus douloureuses peut-être et les plus imprégnées de l’amour de la terre natale qui aient été écrites sur l’« année terrible » sont d’Alphonse Daudet. — Il ne faut pas oublier non plus que cet homme dont la sensibilité et l’imagination furent si vives et l’observation si hardie, n’a pas laissé une seule page impure ; qu’en ce temps de littérature luxurieuse, et même lorsqu’il traitait les sujets les plus scabreux, une fière délicatesse retint sa plume, et que l’auteur de Sapho est peut-être le plus chaste de nos grands romanciers.

2525. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Un musicien n’est plus guère qui se veuille contenter de pure musique ; à tous sont des émotions terribles, énormes, totales ; aucun ne consent à écrire, s’il ne doit chanter une damnation de Faust ; le romantisme, vraiment, n’était pas en 1830, aujourd’hui il est ; nous vivons dans un âge effroyablement dramatique. […] Esquisse au drame musical buddhique : les vainqueurscd En 1853, Richard Wagner, ayant achevé le poème de l’Anneau du Nibelung et la musique du Rheingold, fut initié à la philosophie de Schopenhauer, et, interrompant la composition de la Tétralogie, il écrivit une première esquisse de Tristan et Isolde. […] Les journaux ont souvent parlé d’un Buddha(les Vainqueurs) que le Maître aurait laissé inachevé ; l’esquisse qu’on a trouvée dans ses papiers est tout ce qui en a été écrit : — Parsifal a remplacé le Buddha, en l’achevant. […] Il faudrait pouvoir analyser à l’infini la délicatesse de chaque situation pour bien goûter la profonde et vivante poésie que Wagner a dû sentir en lui-même lorsqu’il écrivait ces pages. […] I s’agit ici de prendre une scène, un tableau, et d’écrire un texte s’inspirant de la scène originale en la décrivant, la commandant, la discutant… Jules Laforgue, dans ses Morales légendaires, présente ainsi en particulier un Lohengrin réécrit de façon parodique.

2526. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Le plus fameux auteur, en ce genre, est Chrétien de Troyes57 qui écrivait, comme je l’ai dit, à la cour de Champagne, dans la seconde moitié du xiie  siècle. […] C’est pour elles qu’il écrit. […] Aussi lui sera-t-il beaucoup pardonné, pour avoir écrit çà et là quelques vives pages, où le conteur de choses folles a montré quelque sens de la vie réelle et quelque intuition de ce qui se passe dans les âmes moyennes. […] L’Arioste, comme le titre même de son Roland furieux l’indique, n’a fait qu’une étincelante parodie, où l’involontaire extravagance de nos trouvères se transforme en bouffonnerie consciente ; et Cervantès écrit son Don Quichotte pour combattre les ravages que faisait dans de chaudes cervelles d’hidalgos la contagieuse chevalerie des Amadis, légitimes fils des Yvain et des Lancelot, plus fous que leurs pères, ainsi que le voulait la loi d’hérédité.

2527. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

L'exposition du systême de Spinosa, par exemple, ne se trouve point dans leurs Ecrits. […] On diroit que c'est un Ouvrage de commande, & que, forcé d'écrire contre les Apôtres de l'Incrédulité, l'Auteur s'est fait un systême de les ménager, de les caresser même en les combattant. […] Les Ecrits philosophiques se sont si fort multipliés de nos jours, la Philosophie ou l'Incrédulité est tellement devenue à la mode parmi nous, que la seule maniere aujourd'hui d'écrire avec fruit pour la Religion, est de chercher à diminuer, à détruire, s'il est possible, l'autorité que les prétendus Philosophes ont acquise sur l'opinion publique.

2528. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Un jour enfin, c’était, à ce qu’il croit, le lendemain de l’exécution d’Ulbach, il se mit à écrire ce livre. […] Si jamais, par impossible, leur échafaud eût été dressé un jour en Grève, nous ne doutons pas, et si c’est une illusion nous voulons la conserver, nous ne doutons pas qu’il n’y eût eu une émeute pour le renverser, et celui qui écrit ces lignes eût été de cette sainte émeute. […] Au moment où nous écrivons, il n’a que dix jours de date. […] N’est-il pas vrai que, tandis qu’il écrit, sous sa table, dans l’ombre, il a probablement le bourreau accroupi à ses pieds, et qu’il arrête de temps en temps sa plume pour lui dire, comme le maître à son chien : — Paix là !

2529. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Psyché écrit (comme un personnage de l’Astrée), écrit, au milieu de ses épreuves, les vers suivants sur les rochers d’un désert affreux qu’elle est forcée de traverser : Que nos plaisirs passés augmentent nos supplices ! […] Il écrit à sa marraine, c’est-à-dire celle qu’il appelait ainsi parce qu’elle lui avait donné un sobriquet, à Mme Jaubert : Il est donc vrai, vous vous plaignez aussi, Vous dont l’œil noir, gai comme un jour de fête, Du monde entier pourrait chasser l’ennui ! […] Je suis bien loin d’être le chêne, Mais, dites-moi, vous qu’en un autre temps… J’aurais nommée Iris, ou Philis ou Climène, Vous qui, dans ce siècle bourgeois, Osez encor me permettre parfois De vous appeler ma marraine, Est-ce bien vous qui m’écrivez ainsi, Et songiez-vous qu’il faut qu’on vous réponde ?

2530. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

« Pardon, si je fais des pointes ; je viens de lire deux pages de La Vie de Marianne », écrivait Voltaire à M. de Mairan. […] Il a surtout écrit avec prédilection pour la scène italienne. […] Ce prélat parla, ce me semble, assez bien de Marivaux ; il le loua d’abord, non pas tant pour ses écrits que pour son caractère : « Ce n’est point tant à eux, dit-il, que vous devez notre choix, qu’à l’estime que nous avons faite de vos mœurs, de votre bon cœur, de la douceur de votre société, et, si j’ose le dire, de l’amabilité de votre caractère. » En venant aux ouvrages, il s’exprime plutôt comme par ouï-dire, afin de n’avoir point, lui homme d’Église, à se prononcer directement en ces matières légères de roman et de théâtre : « Ceux qui ont lu vos ouvrages racontent que vous avez peint sous diverses images, etc.

2531. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Malgré les découvertes et les exhumations qu’on n’a cessé de faire dans cette étude de notre Moyen Âge, malgré les publications nombreuses dont il a été l’objet depuis quelques années, on peut dire encore avec l’ancien bénédictin don Brial et avec Daunou qu’à part quelques écrits de petite dimension, quelques textes de lois, quelques sermons, et sans parler des traductions de livres sacrés, la relation de Villehardouin est le premier ouvrage original étendu qu’on ait en prose française. […] Il y a pourtant plus de six cents ans qu’il a écrit dans le français qu’on jargonnait alors, et qu’il parlait, pour son compte, avec gravité et avec éloquence. […] La parole est une faculté qui, à toutes les époques, et dans un degré éminent, est donnée naturellement à quelques-uns : c’est entre la parole parlée et cette même parole écrite que la plus grande différence a lieu et qu’il se fait un naufrage de bien des pensées.

2532. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Les deux écrits que nous annonçons ne font, chacun à sa manière, que les exposer et les développer. […] Poujoulat écrit dans toute la confiance et la sécurité des convictions françaises, qui ne soupçonnent pas assez la nature et la force des objections mises en avant par une science critique plus indépendante, plus étendue. […] [NdA] M. de Lamartine, disons-le une fois pour toutes, est si léger en telle matière de faits, il possède à un si haut degré le don d’inexactitude, qu’il a trouvé moyen, en énumérant les amis de Bossuet, dans son article final (Constitutionnel du 25 avril 1854) d’écrire coulamment : « Pellisson, précurseur de Boileau !

2533. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

La plupart de ses docteurs refusèrent de consulter, soit au lit des malades, soit par écrit, avec les médecins dits sociétaires. […] Il ne reste plus que des lambeaux suspendus au-dessus de quelques sièges sur lesquels les noms se trouvent écrits : Marforio. […] Les sciences accessoires à la médecine, telles que la chimie, l’anatomie, l’histoire naturelle, y étaient surtout très négligées : mais on y savait tout ce que les Grecs, les Latins et les Arabes ont écrit sur ces divers sujets ; et, si l’on y avait connu la nature aussi bien que les livres, M. 

2534. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Goethe a très bien raconté comment, ayant écrit Werther, il se trouva tout d’un coup soulagé et guéri ; mais, en s’en débarrassant, il avait inoculé son mal aux autres ; ce fut le tour de bien des lecteurs, par le monde, d’être atteints de la même fièvre. […] C’est après avoir lu ces belles pages des Notes sur la Suisse que Buffon, accueillant l’auteur, lui disait magnifiquement : « Monsieur, vous écrivez comme Rousseau. » Et en effet, ces parties du premier Voyage de Ramond rappellent notablement les formes et le ton du maître ; et, parmi les écrivains célèbres que nous avons vus depuis, Lamennais, George Sand, ces grands élèves de Rousseau, n’ont rien écrit de mieux, de plus plein, de plus nombreux et de plus correct dans leurs descriptions de nature.

2535. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Première et deuxième édition9   Je croyais en être quitte pour quelque temps avec M. de Pontmartin ; j’avais écrit sur lui et sur ses ouvrages, il y a peu de mois, un article développé, presque une étude ; elle était sérieuse, sévère dans sa sincérité, et l’éloge n’y venait qu’après le blâme. […] Un jour qu’il était ruiné, un libraire de Londres lui offrit je ne sais combien de guinées pour qu’il écrivît ses Mémoires et qu’il y dit une partie de ce qu’il savait sur la haute société anglaise avec laquelle il avait vécu. […] Je suis bien sûr que de ces hommes qui viennent de me serrer la main, aucun ne me trahira, n’ira écrire incontinent contre moi (entendez-vous, Monsieur le gentilhomme-propriétaire du Comtal ?)

2536. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Et ses compagnons d’exil, l’entendant s’expliquer avec ce feu, cette netteté, cette éloquence, lui disaient : « Sire, écrivez comme César, soyez vous-même l’historien de votre histoire. » Il s’y refusait d’abord : le désespoir, sous cette forme tranquille, était en lui trop profond. […] Il est très vrai que la manière d’écrire de M.  […] Thiers me fit l’honneur de m’écrire pour me remercier de l’avoir défendu contre les écrivains à effet ; mais il trouva, sans peine à ajouter à ce que j’avais dit, et il le fit si bien, d’une telle abondance de cœur et d’une telle verve, qu’il me semble que je ne saurais choisir aujourd’hui d’autre avocat pour lui que lui-même : « Il y a entre ces messieurs et moi, disait-il, un malentendu irréparable.

2537. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Sibylle venue à Paris, chez ses grands-parents maternels, y voit le monde, soupçonne, sans y entrer, le tourbillon de la capitale et le-juge très-bien ; elle écrit là-dessus de fort jolies pages. […] C’est insensé : car d’abord Raoul n’a point là-dessus de parti pris absolu et irrévocable ; car, de plus, Sibylle, qui exerce un grand ascendant sur lui, doit espérer, Dieu aidant, de modifier son opinion et de l’amener à la sienne ; car, même chrétiennement parlant, il n’y a pas lieu, en pareil cas, de jeter le manche après la cognée, puisque saint Paul a écrit que « la femme fidèle justifierait le mari infidèle. » Aussi, à partir de ce moment, tout intérêt selon moi, cesse raisonnablement de s’attacher à Sibylle, qui se conduit en personne peu éclairée, en fille volontaire et opiniâtre, en fanatique fidèle à la lettre plus qu’à l’esprit, et, pour trancher le mot, comme une petite sotte. […] Je sais qu’il y a en tout ceci bien du jeu, que l’art est une chose fort différente de la nature, que ce qui s’appelle roman en particulier est fait pour plaire et amuser à tout prix, et le plus souvent moyennant illusion : je ne voudrais pourtant pas qu’on y mentît par trop, qu’on y donnât des idées par trop fausses et chimériques. et j’ai présent à l’esprit en ce moment la boutade d’un moraliste un peu misanthrope, qui écrivait pour lui seul après la lecture de quelqu’un de ces romans à la Sibylle ou à la Scudéry : « Quand je me reporte en idée aux débuts de l’espèce humaine sur cette terre, à cette longue vie sauvage dans les forêts, à ces siècles de misère et de dureté de l’âge de pierre qui précéda l’âge de bronze et l’âge même de fer ; quand je vois, avant l’arrivée même des Celtes, les habitants des Gaules, nos ancêtres les plus anciens, rabougris, affamés et anthropophages à leurs jours de fête le long des fleuves, dans le creux des rochers ou dans les rares clairières ; — puis, quand je me transporte à l’autre extrémité de la civilisation raffinée, dans le salon de l’hôtel de Rambouillet ou des précieuses spiritualistes de nos jours, chez Mme de Longneville ou chez Mme de…, où l’on parle comme si l’on était descendu de la race des anges, je me dis : L’humanité n’est qu’une parvenue qui rougit de ses origines et qui les renie.

2538. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

L’âge de l’innocence est partout l’âge du bonheur, même en amour. » Cependant Bonstetten dut quitter Rome ; il en emporta un sentiment aimable et léger comme lui ; il écrivait quelquefois à la belle reine, qui lui répondait sur le ton de l’amitié ; il ne la revit que plus de trente ans après : ah ! […] La comtesse mit dans ses intérêts le cardinal d’York, frère de son mari, qui lui écrivit de Frascati le 15 décembre 1780, c’est-à-dire quelques jours après l’événement : « Ma très chère sœur, je ne puis vous exprimer l’affliction que j’ai soufferte en lisant votre lettre du 9 de ce mois. […] Vers la fin de la lettre que le cardinal d’York avait écrite à sa belle-sœur, il lui disait, par allusion à l’éventualité, si peu à prévoir, d’un rapprochement avec son mari : « Surtout ne dites jamais à qui que ce soit que vous ne voulez jamais entendre parler de retour avec votre mari.

2539. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Le ministre de l’Instruction publique, M. de Salvandy, lui écrivit, tout électrisé, au sortir de la séance : « Monsieur, je double le prix… Je regrette de ne pouvoir mieux vous prouver l’estime que m’ont inspirée vos patriotiques vers : eux aussi semblent sculptés en granit. » Sur des sujets moins ambitieux et moins solennels, Boulay-Paty avait pendant des années remporté toutes les formes et les variétés de prix que l’Académie des Jeux floraux peut décerner : ces fleurs artificielles (souci, églantine, amarante, etc.), étaient rangées chez lui et conservées sous verre, chacune dans son bocal. […] Cambouliu, professeur à la Faculté des Lettres de Montpellier, a écrit à l’un de ses amis, à l’occasion de ce mien jugement : « … Il n’y a rien en effet chez les Félibres de comparable à Mistral (à qui j’ai consacré cet hiver une leçon qui a eu un grand succès), et Jasmin a largement obtenu tout ce qu’il méritait, — j’oserai même ajouter plus qu’il ne méritait ; car je vous avoue franchement que je ne le tiens pas en très haute estime et que je ne puis guère voir en lui qu’un écolier de nos maîtres parlant patois ; je mets une grande différence entre lui et l’auteur de Mireïo, qui est, celui-là, un véritable poëte. […] Hippolyte Lucas, son ami intime et de tous les temps, qui avait été son témoin dans ses duels, son confident dans ses amours, qui lui vi faire son testament, m’écrit : « Sur la fin, il était devenu un peu mystique ; il se reprochait les vivacités de ses poésies juvéniles, et à son lit de mort il recommanda de brûler les derniers exemplaires de son Elle Mariaker (une dernière tendresse sous forme de remords).

2540. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Cherchant à me rendre compte de son talent lyrique et poétique, et des limites naturelles de cette vocation, j’écrivais dans le Globe (20 mars 1827), lorsque parurent les Sept Messéniennes nouvelles, le jugement que voici : — Quand un beau talent a remporté, du premier coup, un succès d’enthousiasme, et qu’une prédilection presque unanime s’est plu à le parer, jeune encore, et des louanges qu’il méritait déjà et de celles qu’on rêvait pour lui dans l’avenir, il arrive difficilement qu’une gloire où l’espérance a tant de part soutienne toutes ses promesses, et que l’augure si brillant de son début ne finisse point par tourner contre elle. […] A l’occasion de la Popularité, j’écrivais dans la Revue des Deux Mondes (15 décembre 1838) l’article suivant : — La Comédie Française est en veine heureuse : un jeune talent lui rend ses anciens chefs-d’œuvre ; et son poëte moderne, qui l’a accoutumée à des succès légitimes et sûrs, vient d’en obtenir un nouveau. […] Un homme d’esprit, dont on citait dernièrement de rares pensées, a dit : « Ce ne serait peut-être pas un conseil peu important à donner aux écrivains que celui-ci : N’écrivez jamais rien qui ne vous fasse un grand plaisir. » Au théâtre, et pour des sujets de comédie, le précepte peut surtout sembler de circonstance.

2541. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

On recommence à mesurer un homme qui écrit à la toise académique. […] 2º Elle accueillerait, je crois, aujourd’hui, Gustave Flaubert ou Baudelaire, mais à la condition que Gustave Flaubert ou Charles Baudelaire aient écrit en 1914 ce qu’ils écrivirent au siècle dernier.

2542. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Interrogez là-dessus un peintre, un musicien ou un sculpteur, ou même un poète, du moment qu’il n’écrit pas en prose, car le journalisme et le roman forcent l’artiste à l’usage du monde : s’il est franc, il conviendra que le secret de son « air » est dans cette remarque psychologique. […] Il y aurait à donner le coup de grâce à des créations aussi funestes que celle de Murger ; avant de contribuer de nouveaux ouvrages d’imagination à la bibliothèque des auteurs actuels, il y aurait à écrire un livre de première nécessité sur l’organisation sociale des créateurs eux-mêmes. […] L’homme qui, appuyé sur l’expérience de la vie parisienne, et mû par une puissante compassion pour les êtres qui promènent sans défense des dons admirables à travers les dangers de la vie, écrirait ce code de leur organisation morale et matérielle, cet homme réaliserait une des œuvres les plus hautement bienfaisantes de tous les siècles.

2543. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

On écrivait très peu ; les docteurs juifs de ce temps ne faisaient pas de livres : tout se passait en conversations et en leçons publiques, auxquelles on cherchait à donner un tour facile à retenir 268. […] Des hommes d’une médiocre moralité ont écrit de fort bonnes maximes. […] Le Talmud, résumé de ce vaste mouvement d’écoles, ne commença guère à être écrit qu’au deuxième siècle de notre ère.

2544. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Aussi on ne peut se figurer la sensation prodigieuse que fit sur toute l’Italie ce poëme national, rempli de hardiesses contre les papes, d’allusions aux événements récents et aux questions qui agitaient les esprits ; écrit d’ailleurs dans une langue au berceau, qui prenait entre les mains de Dante une fierté qu’elle n’eut plus après lui, et qu’on ne lui connaissait pas avant. […] * * * Du poëme de l’Enfer. — Au temps où Dante écrivait, la littérature se réduisait en France, comme en Espagne, aux petites poésies des Troubadours. En Italie, on ne faisait rien d’important dans la langue du peuple ; tout s’écrivait en latin.

2545. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Il l’embrassa et lui envoya, peu de jours après, son portrait : « Le duc de Reichstadt, dit M. de Montbel, y est représenté à mi-corps, assis vis-à-vis du buste de son père, ayant l’air d’écouter avec beaucoup d’intérêt en dehors du tableau. » Au bas, il avait écrit de sa main les vers d’Hippolyte à Théramène : Attaché près de moi par un zèle sincère, Tu me contais alors l’histoire de mon père. […] Le talent proprement dit, l’art d’écrire lui vient chemin faisant ; il dira à propos des sépulcres restés vides, qui furent construits près de Jérusalem par Hérode le Tétrarque : « Alors, comme à présent, il y avait des grandeurs passagères ; et des tombeaux promis et élevés ne recevaient pas les cendres qui devaient les occuper. » Mais c’est l’Égypte surtout qui est le but où tend le voyageur ; il y retrouve, en y mettant le pied, les souvenirs présents et les émotions héroïques de sa jeunesse. […] Comme on préparait, vers le temps de sa mort, une nouvelle édition de ses Voyages, et que l’un de ses amis avait songé que ce pourrait être une occasion de faire appel à la justice, il écrivait (8 janvier 1852) : En résumé, mon cher ami, je vous le répète, celle publication me fera plaisir, et j’espère qu’elle me donnera quelque jouissance.

2546. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Taine, seul, s’est à peu près dispensé de cette tâche secondaire et s’est appliqué dans ses études, soit par la biographie de ses auteurs, soit par des indications induites de leurs écrits, à définir leur organisation mentale, en des termes encore bien vagues. […] Il écrira, il peindra, il composera, comme le lui permettront ses facultés acquises et naturelles, comme le lui commanderont ses désirs, son idéal ; c’est-à-dire que les caractères particuliers de son œuvre résulteront de certaines propriétés de son esprit. […] Maudsley [Henry Maudsley (1835-1918) : dans sa Pathologie de l’esprit (1867 / 1879), ce physiologiste britannique, qui fut aussi professeur de jurisprudence médicale à Londres, écrit en effet, contre la thèse de Moreau de Tours : « un grand génie n’a aucune parenté avec la folie » (Germer-Baillière, 1883, p. 324).

2547. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Il a même pris la précaution d’écrire le nom de ces personnages allegoriques sous leur figure. […] Il fit donc dessiner la muse de l’histoire, personnage allegorique mais très-connu, qui tenoit un livre, sur le dos duquel étoit écrit, vie du prince De Condé . […] Peut-être même, qu’elles ne devineroient pas le quart de ce qu’a voulu répresenter ce peintre trop ingenieux, sans l’explication de ces tableaux qu’une tradition encore recente avoit conservée, quand Monsieur De Felibien la mit par écrit et l’insera dans ses entretiens sur les vies des peintres.

2548. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Bailly a très bien remarqué que l’absurdité même de certaines fables prouve qu’elles n’ont pas été inventées : c’est un langage hiéroglyphique dont nous n’avons plus la clef, dont nous ignorons les racines ; et c’est aussi la raison qui a déterminé quelques archéologues à croire la langue écrite douée d’une telle énergie. […] Ce qui se passe là, sous nos yeux, est la preuve écrite de ce qui se passe partout dans toutes les circonstances analogues. […] L’ère nouvelle n’est donc point, comme on l’a cru, celle de la liberté civile, ni même celle de l’égalité devant la loi, et de l’admissibilité de tous à tous les emplois : c’est l’ère de l’indépendance et de l’énergie de la pensée ; celle des lois écrites substituées aux lois traditionnelles ; celle des institutions sociales et des institutions religieuses marchant sur deux lignes séparées ; celle du bien-être social appliqué à toutes les classes ; celle de la raison humaine devenue adulte, et s’ingérant de décider par sa propre autorité ; celle de la démonstration rigoureuse, qui repousse les axiomes en géométrie et les préjugés en politique ; celle du discrédit des faits antérieurs pris comme base convenue et incontestable ; celle de l’opinion consultée à chaque instant, et à part même de toute conjoncture nouvelle.

2549. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Je pourrais bien le clore, comme j’ai fait pour d’autres, par une sorte de préface en Post-scriptum ; je devrais peut-être répondre à quelques critiques, à des attaques même (car j’en ai essuyé de violentes et vraiment d’injustes) ; mais j’aime mieux tirer de mon tiroir quelques-unes de ces pensées familières que je n’écris guère que pour moi. […] — Écrire des choses agréables, et en lire de grandes.

2550. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Avec un chef héréditaire, mais renfermé dans d’étroites limites ; avec un Corps législatif investi du droit de déclarer la guerre, une rigide économie des contributions publiques, l’interdiction absolue de toutes dépenses inutiles, on peut réaliser à un très haut degré les conditions d’un gouvernement honnête et éloigné de toute oppression ; mais la seule garantie de tout cela est une presse libre. » Si Jefferson vivait en ce moment ; si, âgé de 90 ans, et de son poignet de plus en plus perclus, il écrivait à son même ami, après une expérience nouvelle, ne lui manderait-il point, par hasard, que cet autre accommodement qu’il se figurait possible ne l’était guère plus en réalité que celui qu’il conseillait en 89 ? […] Le peu de lignes qui précèdent le décalogue de conduite écrit pour son petit-fils un an avant sa mort, nous montrent le vieillard bénissant, déjà délivré à demi de sa dépouille et ayant fait un pas dans la majesté de la tombe.

2551. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

J’ai dit que les Grecs, les Romains, les classiques français du dix-septième et du dix-huitième siècle, la plupart de ceux qui écrivent ou qui causent, ont toujours dogmatisé en littérature et jugé d’après des dogmes. […] Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles.

2552. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

. — Souvent il lui est arrivé de se trouver à une courte distance de sa demeure et de ne pouvoir reconnaître son chemin qu’après de longs efforts de réflexion ; deux ou trois fois, il s’assit sur la route, désespérant de retrouver sa maison, et se mit à pleurer à chaudes larmes. » Un autre malade130 écrit : « J’avais horreur d’aller à Divonne, pays nouveau pour moi. […] Notes autobiographiques manuscrites, écrites après la guérison complète.

2553. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Il me dit qu’il était en train d’écrire une longue nouvelle, dont la première partie se passait dans un mauvais lieu et la seconde dans une église. […] Peu de temps après, je priais Eugène Yung de me laisser écrire un article sur les Contes de Maupassant.

2554. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Georges Mesnil, est celui qui écrit directement. […] Entre 1887 et 1891, traversant une crise physiquement maladive, il écrit les Soirs, les Débâcles, les Flambeaux noirs, « abrupte et puissante trilogie trahissant ce que les heures mauvaises lui ont enseigné de lui-même » : les Soirs, la peine du corps infirmé par la douleur ; les Débâcles, la détresse de l’âme que le mal envahit et révolte.

2555. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Elle n’est nommée ni dans les écrits de l’Ancien Testament, ni dans Josèphe, ni dans le Talmud. […] C’est devant des objections souvent répétées qu’on aura ajouté, en tête de l’évangile de Matthieu, des réserves dont la contradiction avec le reste du texte n’était pas assez flagrante pour qu’on se soit cru obligé de corriger les endroits qui avaient d’abord été écrits à un tout autre point de vue.

2556. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

La première comprend tout le moyen âge et se prolonge, jusque vers le milieu du xvie ° siècle ; les œuvres qui la remplissent offrent ces caractères communs d’être, en immense majorité, d’inspiration féodale et catholique, d’appartenir à des genres nés spontanément sur le sol même de la France : la langue seule dans laquelle elles sont écrites, langue à deux cas qu’on nomme aujourd’hui le vieux français, suffirait à les séparer de celles qui les ont suivies. […] On écrivit des choses utiles sur l’agriculture : tout le monde les lut, excepté les laboureurs. » Et en même temps qu’un élan rapide entraînait la France d’alors vers la liberté et l’égalité, naissait un mouvement parallèle qui, au nom de la nature, allait renouveler la littérature française.

2557. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

On a le droit de conjecturer que l’énorme fatigue que Flaubert éprouvait à écrire et qu’il communique parfois à ses lecteurs n’est pas sans relation avec les ravages que l’épilepsie exerça sur son tempérament. […] Sainte-Beuve a écrit22 : « On serait étonné si l’on voyait à nu combien ont d’influence sur la moralité et les premières déterminations des natures les mieux douées quelques circonstances à peine avouables, le pois chiche ou le pied-bot, une taille croquée, une ligne inégale, un pli de l’épiderme  ; on devient bon ou fat, mystique ou libertin à cause de cela. » Il arrive mainte et mainte fois, témoin les dernières années de la vie de Rousseau, que le biographe est obligé de faire appel, pour comprendre certains actes et certains écrits, au secours de la science médicale.

2558. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Lessing avorté, qui n’eût pas pensé une ligne du Nathan ni écrit une page du Laocoon, qui domina, non ! […] Comme lui, ils mettent tous leur orgueil et leur gloire à refaire le premier feuilleton qu’il écrivit il y a trente ans.

2559. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Gautier ait jamais écrits ! […] Il a beau écrire Diamant du cœur, pour dire une larme et vouloir pétrifier tous ses pleurs pour en faire jaillir un rayon plus vif, dans son amour de l’étincelle, l’émotion est plus forte que sa volonté.

2560. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Malgré l’incontestable talent d’école de l’homme qui a écrit, sans changer de plume, et en trois manières, Le Linceul des forts et Le Dernier soupir du Maure, égaux pour le moins en beauté aux plus belles Orientales de M.  […] Le poète des Verselets est au fond un artiste ingénieux, patient, assoupli, qui introduit toujours la plus ferme composition dans tout ce qu’il écrit, comme Béranger dans ses chansons.

2561. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Le Manfred, tout merveilleux qu’il soit, pourrait Être joué, et dans la pensée de Byron, quand il l’écrivait, il supposait un théâtre, tandis que dans la pensée de M. de Laprade les Idylles héroïques sont de la poésie lyrique au premier chef. […] Hugo, écrite en ce rythme, ce petit chef-d’œuvre que Rubens signerait ?

2562. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

L’homme qui a écrit La Famille Percier, — cette tragédie domestique qui n’est pas du tout un mélodrame, — et Le Mariage de Caroline, où l’observation a tant de regard, — est bien capable d’acquérir en les développant ces qualités de profondeur, de couleur et de sensibilité qu’il a en germe, et dont nous ne pouvons pas nous passer au dix-neuvième siècle. […] … La gloire de de Musset ce sillon rose dans l’air que le temps n’efface pas et qui traînera longtemps encore derrière ce jeune homme, lient autant à la légèreté de son esprit qu’à sa passion et à son éclat ; et, pour mon compte, je suis persuadé qu’un livre moderne, plein des choses modernes, qui aurait le bonheur d’être écrit avec la légèreté perdue des Mémoires du chevalier de Grammont, par exemple, nous paraîtrait un phénomène et nous tournerait la tête à tous, graves caboches du dix-neuvième siècle !

2563. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 294

On a de lui des Sermons écrits en Latin, dans le même goût que ceux de Maillard, son Confrere.

2564. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

L’Homme d’Etat qui écrit pour ses semblables, est dispensé de la régularité du style.

2565. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « [Dédicace] »

COIGNET, c’est à ce volume-ci qu’il attacherait son nom ; c’est ici qu’il lui dirait quelle place exceptionnelle elle tenait à ses yeux parmi les femmes qui écrivent.

2566. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » p. 62

Auteur singulier, qui n'a écrit que sur des sujets singuliers, & dont les Ouvrages en vingt volumes in-folio, conduisirent Boissat, son Libraire, à l'Hôpital : fin aujourd'hui plus ordinaire aux Auteurs qu'aux Libraires.

2567. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Duchosal, Louis (1862-1901) »

Charles Fuster Ce livre a été écrit sous les toits, devant un ciel triste, par un poète qui souffre, qui souffre véritablement et dont un mal cruel rend la voix plus étrangement suave… []

2568. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article »

Il a écrit sur l’Histoire Naturelle, & fourni quelques articles à l’Encyclopédie.

2569. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rocha, Ida »

Charles Fuster Ce livre est un des plus pénétrants qu’une femme poète ait jamais écrits.

2570. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — W — Wismes, Gaëtan de (1861-1944) »

Charles Fuster Ces poésies, si chantantes et si fraîches, ont dû être écrites dans la paix des champs devant le sourire des choses.

2571. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Féline, Michel »

Jean Court Les jolis vers ne sont point rares dans cette œuvrette, mais l’âme de l’adolescent qui écrivit ces pseudo-confidences est sans doute un peu artificieuse et dénuée de toute sincérité !

2572. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 527

Tel est son Dictionnaire des Hérésies, qui, par la maniere dont il est écrit, mérite d’être distingué de la foule des Compilations de cette espece.

2573. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » p. 408

Notre Histoire lui a de grandes obligations, non pour l'avoir écrite en Latin, mais pour avoir su bien débrouiller le chaos de la Chronologie, & surtout pour avoir publié une excellente Notice des Gaules, dont les Historiens, qui l'ont suivi, ont tiré de grandes lumieres.

2574. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Canivet, Charles (1839-1911) »

Auguste Lacaussade Ses vers écrits et composés de temps à autre, entre deux articles de journal, ne sont guère qu’une distraction ou plutôt une récréation littéraire prise et reprise à de rares intervalles.

2575. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Les Gens de Lettres peuvent les lire avec plaisir, parce qu’ils sont écrits avec aisance, avec méthode, & même avec une sorte d’élégance ; les Gens de Loix peuvent les lire avec fruit, parce que les principes en sont clairs, bien discutés, & presque toujours sûrs.

2576. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 487

Ses Ouvrages ne forment pas un grand volume ; mais il a assez bien écrit pour faire honneur à ses lumieres, à son goût, à son style, & mettre en évidence l’ineptie de ces Productions bizarres, dont le Public a eu la bonté de s’infatuer.

2577. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article »

On ne peut lui refuser de l’esprit & du talent pour écrire ; mais dans ses Ouvrages, qui ne sont que des Romans, elle a plus consulté l’imagination que la nature.

2578. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Je ne voulais pas non plus écrire, et, entre mon grand-père et moi, commença un duel sans répit. […] tâche d’apprendre à écrire, au moins, pour pouvoir tracer son nom. […] Il écrivait des livres. […] Elle me les avait donnés pour m’inciter à écrire à ma famille, mais je n’avais rien à lui dire. […] — Écrire !

2579. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Godet, Philippe (1850-1922) »

Godet a écrit des vers d’une couleur toute locale et d’un charme tantôt mélancolique, tantôt joyeux.

2580. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 186

Ses Romans sont écrits avec assez de chaleur & d’intérêt, mais d’un style trop négligé.

2581. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Il a écrit l’Histoire de ses Voyages, où l’on trouve des détails curieux.

2582. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 326

Les deux volumes de ses Lettres écrites en Latin, ont été traduits en François par MM. de Port-Royal, sous le nom de Brianville.

2583. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article »

DAILLÉ, [Jean] Ministre Protestant, né à Chatelleraut en 1594, mort à Paris en 1670, a beaucoup écrit sur la Religion & sur divers sujets de controverse.

2584. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article »

Tout ce qu’il a écrit annonce le Sectaire hardi, violent & fanatique, & n’est plus lu aujourd’hui, parce que les déclamations intéressent peu quand la cause des démêlés ne subsiste plus, & qu’elles révoltent toujours quand elles sont portées à l’excès.

2585. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 71

Les autres Ouvrages de Languet consistent en des morceaux d’Histoire, & des Traités de Politique, assez médiocrement écrits, qui furent cependant recherchés dans leur nouveauté, faute de mieux.

2586. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article »

Il est connu par plusieurs bagatelles littéraires en prose & en vers, écrites d’un style aussi pétillant d’esprit que de gaieté.

2587. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article »

Arnaud, [Henri] Evêque d’Angers, frere du précédent, né à Paris en 1597, mort en 1692, n’est connu dans les Lettres que par cinq volumes de négociations qui font juger qu’il étoit aussi propre à agir en bon politique, qu’à écrire en bon Historien.

2588. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article »

De tous les Voyageurs qui ont écrit sur les pays qu’ils ont parcourus, il n’en est pas dont les Mémoires soient plus curieux.

2589. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 187

Son Livre des Loix civiles dans leur ordre naturel, excellent dans son espece, très-estimé de ceux qui étudient le Droit & la Morale, n’est point dépourvu du mérite littéraire, par la maniere pure & lumineuse dont il est écrit, & sur-tout par l’Introduction qui est à la tête de l’Ouvrage.

2590. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article »

Il a publié des Essais, des Lettres, des Poëmes, des Comédies, des Proverbes, des Eloges historiques, des Recueils d’anecdotes, des Opuscules en vers & en prose, & dans tous ses Ecrits il montre une facilité assortie à ses idées.

2591. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 392

Fréron, il a enrichi l’Année Littéraire de plusieurs articles écrits avec autant de sagesse que de goût, & capables de consoler les Amateurs de la bonne critique de la perte de ce Journaliste, si ces articles étoient en plus grand nombre.

2592. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 477

Ce dernier Ouvrage lui a attiré les anathêmes de leur Chef ; mais cette étrange maniere de réfuter les bons Ecrits, n’a point nui au succès de ce Livre, & ne découragera pas sans doute le zele de l’Auteur.

2593. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article »

Il possédoit assez bien les Langues Orientales ; mais sa Traduction de l'Alcoran est écrite d'un style si diffus, qu'on n'en peut soutenir la lecture.

2594. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Schaller, Elisabeth (Pseud. François Casale) »

Aussi n’avez-vous rien écrit de mieux que Les Hirondelles, Les Oubliés, La Petite Fille aux étoiles, Les Trois Gouttes de sang, et cette Forêt muette qui me plaît pour des raisons personnelles.

2595. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 114

Son Traité, en latin, sur les devoirs des Evêques & des Vicaires généraux, annonce du jugement & de la facilité pour écrire.

2596. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article »

Le Traité de la paix intérieure est tout à la fois un Ouvrage de Religion & de Belles-Lettres : de Religion, par les réflexions sages, les maximes solides, les principes lumineux, les sentimens pleins d’onction qu’il offre à son Lecteur : de Belles-Lettres, par la maniere dont il est écrit, c’est-à-dire, avec netteté, élégance & précision.

2597. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article »

Ce qu’il a écrit sur l’économie domestique annonce l’Homme instruit, le Citoyen zélé & l’Auteur utile.

2598. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Ceux qui ont eu le courage de lire quelques-uns de ses Ecrits, ont été dans le cas d’éprouver qu’un style correct & facile ne suffit pas pour intéresser ; qu’il faut dire des choses, éviter la confusion & le verbiage.

2599. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 328

La Préface du premier est supérieurement écrite ; aussi le P.

2600. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 412

On est étonné qu’il ait entrepris d’écrire aussi la vie d’Henri IV, après celle que nous avons de Péréfixe.

2601. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 126

Ainsi en pense-t-on, du moins en Allemagne, en Angleterre & dans tous les autres pays [sans doute barbares], où l’on n’est pas encore persuadé, d’après nos graves Littérateurs, qu’il est impossible à un Moderne de bien écrire dans une langue morte.

2602. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 99

Le seul titre qu’il ait pour être placé parmi les Littérateurs, est son Histoire du Collége de Navarre ; encore faut-il faire grace à sa maniere dure & barbare d’écrire, en faveur des recherches curieuses qu’il offre au Lecteur.

2603. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 472

Ceux qui l’ont connu particuliérement, assurent que les Lettres ont fait une grande perte par sa mort prématurée ; ceux qui ont lu sa Traduction, intitulée Choix de petites Pieces du Théatre Anglois, doivent au moins convenir qu’il savoit écrire avec naturel, élégance & facilité.

2604. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 108

Ses Ouvrages sont écrits d’un ton qui répond à sa conduite ; ils contiennent pour la plupart des hérésies, des rêveries, des absurdités.

2605. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 468

Ses différens Ecrits contre les Jansénistes, sont ce qu’on a publié de plus impartial & de plus judicieux sur ces matieres.

2606. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 503

Personne n’a peut-être plus écrit que lui, & plus inutilement.

2607. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 508

Ses Ouvrages de Controverse, presque tous écrits d’un style éloquent, furent réfutés par Bossuet, Arnaud & Nicole [Adversaires, dont le nom célebre est un préjugé pour le mérite du Prédicant], & donnerent lieu à l’excellent Livre de la Perpétuité de la Foi touchant l’Eucharistie, composé par ces deux derniers.

2608. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article »

Cet Auteur réunit au savoir & au talent de bien écrire, des qualités sociales qui donnent un nouveau prix à son mérite littéraire.

2609. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « À mon frère, l’abbé Léon Barbey d’Aurevilly »

À mon frère l’abbé Léon Barbey d’Aurevilly Tu as le grand honneur d’être prêtre, et le grand avantage de ne pas écrire.

2610. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Forget, Jules (1859-19..) »

Forget écrivit ses poésies forestières, réunies sous le titre d’En plein bois (1887) et dédiées au grand paysagiste lorrain, au poète forestier par excellence, enfant lui-même du Barrois, André Theuriet.

2611. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 533

Ses Poésies recueillies bordent aujourd’hui les Quais, après avoir occupé quelques pages dans le Mercure, & avoir fait dire à M. l’Abbé le Blanc, qui étoit sans doute son ami : Quand je lis ces Ecrits où ta plume s’exerce A peindre avec tant d’art les amoureuses loix, Je croirois lire Ovide, ou Tibulle, ou Properce, Si l’un des trois, jadis, eût fait des vers François.

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