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73. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Visiter l’Angleterre pour elle, c’était abdiquer tout le passé de son rôle de reine, et en sacrifier désormais jusqu’au rêve et à la gloriole ; c’était reconnaître les faits accomplis et couronnés. […] Il y a quelquefois des étrangers qui passent et qui sortent du commun, mais c’est encore bien rare, et je puis vous assurer que les soirées que je passe seule avec le poète me paraissent bien plus courtes. […] Un fait significatif, et qu’on ne saurait cependant omettre dans la vie de Mme d’Albany, s’était passé en 1809. […] C’est pour cela que je vous ai appelée à Paris, où vous pourrez tout à loisir satisfaire votre goût pour les beaux-arts. » Mme d’Albany était traitée comme une puissance, elle s’en serait bien passée. […] Et quand les choses se sont ainsi passées d’une manière presque semblable, dans des circonstances analogues, c’est qu’il y avait raison, c’est qu’il y a excuse pour qu’il en soit ainsi.

74. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

J’ai quelquefois entendu demander pourquoi j’aimais tant à m’occuper de ces femmes aimables et spirituelles du passé, et à les remettre dans leur vrai jour. […] On vit l’instant, sous la régence, où la légèreté de Ninon, encore excitée par celle du temps, passa toutes les bornes et fut sur le point d’amener un éclat. […] Du Marais où elle habitait d’abord, elle était allée au faubourg Saint-Germain où il paraît que se passa le temps de sa plus grande licence. […] Tout se passait chez elle avec un respect et une décence extérieure que les plus hautes princesses soutiennent rarement avec des faiblesses. […] écrit Ninon ; je me passerais de toutes les nations.

75. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Le roi passait les étés à la frontière, où l’on se battait rudement ; il revenait ensuite d’ordinaire passer les hivers à Paris, et tous les divertissements étaient alors de saison, jeu, billard, paume, chasse, comédie, mascarade, loterie, tout ce qu’engendre une entière oisiveté, mais surtout l’amour. […] Pourvu qu’il passât ses après-midi et ses soirs à entretenir Mme de Mazarin, il n’avait pas perdu sa journée et il était content. […] Il y avait là, convenons-en, de quoi faire, enrager un gentilhomme de bonne race et lui faire manger son cœur ; et c’est en effet à quoi Bussy passa le reste de sa vie. […] Il atteignit et passa peut-être l’âge de soixante-douze ans ; on n’a pas exactement la date de sa mort. […] Il crie, il est rude, il rompt en visière, et s’il gronde quelqu’un, il lui remet devant les yeux toutes ses iniquités passées.

76. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Comme d’autres, en se rappelant leur temps passé, disent naturellement : Quand j’étais jeune… lui, il disait naturellement : Quand j’étais vieux. […] Il croit peu à la règle, il se fie beaucoup aux inclinations, il aime à se passer de discipline. […] Je racontais a Gray ma vie et mon pays, mais toute sa vie à lui était fermée pour moi ; jamais il ne me parlait de lui, il y avait chez Gray entre à présent et le passé un abîme infranchissable : quand je voulais en approcher, de sombres nuées venaient le couvrir. […] Il est en action du matin au soir ; il n’a d’autre récréation que de passer d’une étude à l’autre ; il n’aime rien de ce qu’il voit ici, et cependant il désire rester plus longtemps, quoiqu’il ait passé déjà toute une quinzaine avec nous. […] Au moment du départ de son jeune ami pour la France, il écrit à leur ami commun Nicholls : C’est pour le coup que mes soirées solitaires vont me paraître moins légères à passer qu’avant de l’avoir connu.

77. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Nous avons ici les sept dernières années que le comte de Maistre passa à la cour de Russie. […] Et voilà que quelque chose de ce qui s’est passé dans les temps antiques recommence sous nos yeux, au grand étonnement et au scandale de plusieurs. […] pourquoi ne pas s’emparer de ce qui se passe sous nos yeux, pour se rendre compte de la manière dont les choses ont dû se passer dans des temps hors de notre portée et qui nous fuient ? […] Au lieu d’expliquer les événements de l’histoire par les causes secondes, naturelles, par le rapport exact des faits, et même quand il a cette explication sous la main, il passe outre, il veut quelque chose au-delà ; il s’y complaît. […] Les dernières années que de Maistre passa en Russie furent moins heureuses que ne l’avaient été celles de la grande crise ; le lendemain du triomphe fut presque partout le commencement de la désunion.

78. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

La croyance aux événements ou existences réelles peut avoir pour objet le présent, le passé, le futur. […] Cette croyance implique le souvenir dont la nature a été examinée sous le titre de la mémoire ; ensuite une extension dans l’avenir des faits passés : on l’étudiera ci-après. 2° La croyance qui a pour objet un fait passé se ramène à la mémoire. […] Quand nous parlons du futur, nous parlons en réalité du passé. […] Ce sont là des idées du passé.

79. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Elle ne semble intelligible que si, par une inconsciente prestidigitation intellectuelle, on passe instantanément du réalisme à l’idéalisme et de l’idéalisme au réalisme, apparaissant dans l’un au moment précis où l’on va être pris en flagrant délit de contradiction dans l’autre. […] Mais la vérité est qu’on passe inconsciemment du point de vue idéaliste à un point de vue pseudo-réaliste. […] Vous ne le conservez que parce que vous passez subrepticement au système de notation idéaliste, où l’on pose comme isolable en droit ce qui est isolé dans la représentation. […] De là vous avez passé brusquement à une réalité qui sous-tendrait la représentation : soit, mais alors elle est subspatiale, ce qui revient à dire que le cerveau n’est pas une entité indépendante. […] Alors, comme nos actions dérivent de nos représentations (aussi bien passées que présentes), il faut sous peine d’admettre une dérogation à la causalité mécanique, supposer que le cerveau d’où part l’action contenait l’équivalent de la perception, du souvenir et de la pensée elle-même.

80. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Nous avons une armée en Chine, nous avons une expédition en Cochinchine ; nous portons une escadre d’observation sur les côtes septentrionales des États-Unis d’Amérique, nous avons une colonie militaire en Afrique, nous avons une armée en Syrie, nous en avons une au cœur de l’Italie, à Rome ; nous avons une expédition française à Taïti, route égarée où ne passe aucune voile et qui ne mène à aucun but français sur l’immensité de ces mers futures ; nous avons un établissement armé dans un coin des Indes orientales, triste et impuissant mémento d’un empire qui n’est plus qu’un comptoir. […] Tout cela passe successivement sous vos yeux comme un panorama parlant du globe, qui vous dit la biographie complète du globe, des temps, des races, des idées, des religions, des empires, par où l’humanité a passé, passe et passera avant de tarir, en faisant ce petit bruit que les historiens profanes appellent gloire, civilisation, puissance, et que les philosophes appellent néant ! […] Si j’étais père de famille, au lieu d’être un solitaire de l’existence entre deux générations tranchées par la mort, du passé et de l’avenir de ce globe, qui n’a plus pour moi que le tendre et triste intérêt du tombeau ; ou si j’étais un instituteur de la jeunesse, chargé de lui enseigner le plus rapidement et le plus éloquemment possible ce que tout homme doit savoir du globe et de la race à laquelle il appartient, pour être vraiment intelligent de lui-même, je suspendrais un globe terrestre au plancher de ma modeste école, et j’expliquerais, avec ce miraculeux démonstrateur de l’astronomie, le second Herschel, la place et le mouvement de notre globule au milieu des espaces et des mouvements de cette armée des astres, qui exécutent, chacun à son rang et à son heure, la divine stratégie des mondes. […] Dufour et Le Chevalier a créé, pour abréger le globe et pour l’éclairer sur toutes ses faces, afin que les lieux racontent les choses, que les choses rappellent les hommes, que les hommes retracent leur histoire, que les cosmos soient contenus dans quinze ou vingt pages in-folio, et que ces quinze ou vingt pages, muettes jusqu’ici, mais rendues tout-à-coup plus éloquentes qu’une bibliothèque, soient devenues la photographie parlante du monde où nous passons sans le connaître, mais qui nous dira lui-même, pendant que nous passons, ce qu’il fut, ce qu’il est, ce qu’il sera ? Les anciens gravaient les distances pour les voyageurs sur les bornes milliaires qui bordaient les voies romaines, du Capitole aux extrémités de l’empire ; combien le voyage eût été plus instructif et plus intéressant, si chaque borne milliaire, en vous disant la distance, vous eût raconté en même temps tout ce qui s’était passé avant vous sur chacun de ces espaces circonscrit entre ces deux pierres, et s’il avait reproduit ainsi tous les faits et tous les acteurs, en même temps qu’il reproduisait le lieu de la scène de tous ces grands drames de l’humanité !

81. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

— Le steam-boat a passé : les vagues accourues Se dressant comme au bruit de flottes apparues, S’ébattent à grand’aise et rêvent d’Armadas. […] voilà ce à quoi ne pensent pas assez nos poëtes, et c’est là précisément la grande infériorité des œuvres d’aujourd’hui, même les plus brillantes, en regard des chefs-d’œuvre du passé. […] C’est là, j’ose le dire, un pont aux ânes un peu trop commun et trop simple ; je demande la permission de n’y point passer. […] En raisonnant ainsi, ou oublie même ce qui s’est passé chez les Latins. […] et pourtant il passe pour être du bon siècle, et il en est ; il imite Callimaque, Philétas, et cela nous reporte aux Alexandrins.

82. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Il passa du tempérament athlétique à ce tempérament diminué qui est le sien, moyennant une gastrite permanente qui ne lui dura pas moins de dix ans. […] N’appauvrissons pas la mémoire humaine et le Panthéon du passé d’une grande image. […]  » Grande et haute pensée sans doute, à laquelle je ne ferai qu’une objection : c’est qu’elle suppose une postérité de plus en plus sérieuse et bien révérente pour le passé, et un passé de plus en plus digne du respect de l’avenir. […] Je passe le plus vite que je puis, car chacune de ces étapes de M.  […] Comte ; il entendait bien avoir trouvé la formule précise de ce développement humain, tant dans le passé que dans le présent et l’avenir.

83. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Il ne notera plus seulement l’état actuel de la réalité qui passe. […] Et comme il n’y a pas de différence essentielle entre un passé qu’on se remémore et un passé qu’on imagine, il aura vite fait de s’élever à la représentation du possible en général. […] Pour se représenter qu’une chose a disparu, il ne suffit pas d’apercevoir un contraste entre le passé et le présent ; il faut encore tourner le dos au présent, s’appesantir sur le passé, et penser le contraste du passé avec le présent en termes de passé seulement, sans y faire figurer le présent. […] Il passe au premier plan. […] Et passé, présent, avenir se rétractent en un moment unique, qui est l’éternité.

84. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Recul des événements dans le passé—. […] Le peintre voit son passé à travers des couleurs et des formes, des couchers de soleil, des aurores, des teintes de verdure. […] L’école historique, au contraire, reporte les événements sur le passé concret. […]  » Un esprit passa devant ma face, et le poil de ma chair se hérissa d’horreur.  […] Un oiseau plongeur passe : il est petit, léger, mouvant comme un regard.

85. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Qu’on réfléchisse encore à ce qui se passe dans le jeûne prolongé. […] Mais chacune des espèces, à travers lesquelles la vie passe, ne vise qu’à sa commodité. […] Il faut donc un langage qui permette, à tout instant, de passer de ce qu’on sait à ce qu’on ignore. […] Mais encore faut-il que la virtualité passe à l’acte. […] Il ne se borne pas à jouer sa vie passée, il se la représente et il la rêve.

86. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il était gentilhomme et pauvre ; il passa sa première jeunesse au service et à Lunéville, à la cour de Stanislas. […] Dans tout ce que fera Saint-Lambert en poésie légère, on notera les mêmes qualités et les mêmes défauts : c’est sec, spirituel, galant et bien tourné : « Ce sont autant de myrtes dont une feuille ne passe pas l’autre », disait de lui Parny ou Boufflers, je ne sais lequel. […] Durant cette dernière moitié de sa vie, il passait la belle saison dans la vallée de Montmorency, à Eaubonne, à Sannois, et ses hivers à Paris dans le monde des Beauvau, tant qu’ils vécurent, et de leur fille la princesse de Poix. […] C’est proprement le poète visiteur qui passe de jardin en jardin, de volière en volière : tous les beaux lieux à la mode, il les a vus, il les a fêtés, et a payé l’hospitalité d’un jour ou d’une semaine par de jolis vers que la société la plus mondaine applaudissait. […] Le marchand qui va à deux pas de la capitale respirer la poussière de la grande route, et qui se croit dans une Tempé ; les belles qui chaque année courent aux eaux, aux bains de mer, et y portent avec elles leur frivole tourbillon, passent et posent devant lui tour à tour.

87. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Que l’éternité vous console du jour qui passe ! […] Elle se passa ainsi ; mais enfin nous entendîmes quatre coups du marteau de l’horloge du couvent voisin sonner les matines. […] Les sentinelles me laissèrent librement passer la grille de l’arsenal et entrer dans la cour intérieure des galériens. […] Les sbires de Lucques, dont il passait pour avoir tué le chef par trahison, l’avaient recommandé aux sbires des galériens comme un monstre de méchanceté. […] Que de mois, monsieur, nous passâmes ainsi : lui, toujours plus languissant ; moi, toujours vaillante !

88. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

V Passez, passez, bonhomme ! […] Mais il peut passer maintenant, — et il passera, — on ne lui donnera plus ! […] Celui-ci passa, — transiit, — le Thabor ne flamba qu’une minute, et la Passion ne fut qu’une semaine. Quelques groupes d’hommes dans l’humanité, sur ce point de terre calciné, la Judée, virent passer l’adorable visage et en sentirent sur eux les rayons, — quelques groupes, morts maintenant, représentés, en tout, par quatre témoignages… Mais l’Église, elle, ne passe point. […] Elle ne pensait pas que l’Église, c’était précisément cette robe bleue de Jésus-Christ qu’elle demandait ; mais avec cette différence que cette robe ne passait point et qu’on pouvait la voir toujours !

89. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Barrière Nous sommes décidément le plus rétrospectif des siècles ; nous ne nous lassons pas de rechercher, de remuer, de déployer pour la centième fois le passé. […] Barrière, publie un choix fait avec goût parmi les nombreux Mémoires du xviiie  siècle, depuis la Régence jusqu’au Directoire ; c’est une heureuse idée, et qui permettra de revoir au naturel une époque déjà passée pour plusieurs à l’état de roman. […] Puisque, à propos de femmes, j’ai prononcé ce mot de siècle (terme bien injurieux), on me passera encore d’insister sur quelques distinctions que je crois nécessaires, et sur le classement, autre vilain terme, mais que je ne puis éviter. […] Lemontey a cherché grande malice dans quelques mots d’elle sur l’abbé de Chaulieu, lorsqu’elle le va voir en sortant de la Bastille, et qu’elle le trouve si différent de ce qu’il était par le passé : « Il étoit déjà fort mal, dit-elle, de la maladie dont il mourut trois semaines après. […] Il est un degré d’expérience et de connaissance du fond, passé lequel il n’y a plus d’intérêt à rien, pas même au souvenir ; il faut se hâter, à cet endroit-là, de tirer la barre, et fermer à jamais le rideau.

90. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

., si, pour passer ma vie avec elle, il avait fallu me résigner à cet état, j’aurais mendié depuis trente ans, et nous aurions encore été bien heureux ! […] Il faut pour jamais renoncer à voir celui dont la présence renouvellerait vos souvenirs, et dont les discours les rendraient plus amers ; il faut errer dans les lieux où il vous a aimé, dans ces lieux dont l’immobilité est là, pour attester le changement de tout le reste ; le désespoir est au fond du cœur, tandis que mille devoirs, que la fierté même commande de le cacher, on n’attire la pitié par aucun malheur apparent ; seule en secret, tout votre être a passé de la vie à la mort. […] L’amour est l’histoire de la vie des femmes, c’est une épisode dans celle des hommes ; réputation, honneur, estime, tout dépend de la conduite qu’à cet égard les femmes ont tenue, tandis que les lois de la moralité même, selon l’opinion d’un monde injuste, semblent suspendues dans les rapports des hommes avec les femmes ; ils peuvent passer pour bons, et leur avoir causé la plus affreuse douleur, que la puissance humaine puisse produire dans une autre âme ; ils peuvent passer pour vrais, et les avoir trompées : enfin, ils peuvent avoir reçu d’une femme les services, les marques de dévouement qui lieraient ensemble deux amis, deux compagnons d’armes, qui déshonoreraient l’un des deux s’il se montrait capable de les oublier ; ils peuvent les avoir reçus d’une femme, et se dégager de tout, en attribuant tout à l’amour, comme si un sentiment, un don de plus, diminuait le prix des autres. […] Mais s’il est un exemple qui puisse donner à la vertu même des instants de mélancolie, quelle femme, toutefois, quand l’époque des passions est passée, ne s’applaudit pas de s’être détournée de leur route ? […] Je crains qu’on ne m’accuse d’avoir parlé trop souvent, dans le cours de cet ouvrage, du suicide comme d’un acte digne de louanges ; je ne l’ai point examiné sous le rapport toujours respectable des principes religieux, mais politiquement, je crois que les républiques ne peuvent se passer du sentiment qui portait les Anciens à se donner la mort ; et dans les situations particulières, les âmes passionnées qui s’abandonnent à leur nature, ont besoin d’envisager cette ressource pour ne pas se dépraver dans le malheur, et plus encore, peut-être, au milieu des efforts qu’elles tentent pour l’éviter.

91. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Et je suis encore plein de respect pour les érudits parce que leur manie implique l’amour du passé, et que cet amour est une piété et une vertu. C’est le passé qui nous a faits : malheur à qui ne s’y intéresse point et honte à qui le méprise ! […] C’est le passé qui fait le prix du présent et qui donne au présent sa forme. C’est dans le passé qu’il faut vivre, fût-ce pour en avoir pitié : en nous attendrissant sur nos ancêtres, c’est sur nous-mêmes que nous nous attendrissons. […] Joignez que l’étude du passé est souvent une excellente leçon de sagesse et qu’elle nous enseigne doucement la vanité des choses tout en nous intéressant à cette vanité même.

92. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Des maîtres dans l’art d’écrire, nous passons aux badigeonneurs du carrefour ! Des rois et des princes nous passons, aux valets de la garde-robe ! […] Passez, à mademoiselle Mars, son flacon d’éther et son éventail ! […] l’homme heureux qui se passe de moi, qui avais tant de peine à me passer de lui !  […] on la saluait du regard ; on disait, la voyant passer : — La voici !

93. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

… Vouloir ressusciter le passé, ce n’est pas d’un homme, c’est d’un Dieu ; l’homme ne peut que le revoir et le pleurer. […] Et comment passez-vous le temps que Dieu vous a mesuré plus large qu’aux autres hommes ? […] C’est un abrégé de notre passé. […] J’y suis resté plus longtemps aujourd’hui et plus absorbé dans le passé et dans l’avenir, qu’à aucun autre de mes retours ici. […]   J’ai passé la soirée à vous écrire : ce cœur a besoin de crier quand il est frappé.

94. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

On m’envoie les lettres à la poste de quelque grande ville par laquelle je passe. […] Si c’était des oies, encore passe ! […] Passe encore. […] Le moment de l’intérêt et de la curiosité a passé trop vite. […] S’il n’y passait que deux heures par jour, il serait pour lui la meilleure étude.

95. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Tous me rappellent toujours un peu celui-là, qui passait sa vie à étudier des dessins anciens. […] Oui, une habitude du passé, qui, certains jours, faisait entrer le domestique dans la famille. […] Le passé qui ne revient que dans l’esprit, est un passé mort. […] Tous les hommes de lettres passeraient ici, que pas un n’irait figurer dans ce trémoussoir. […] Alors il se mit à me raconter qu’il venait de passer une revue.

96. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Par la conception de l’art, par la recherche philosophique, il appartient tout entier à l’avenir, et ne s’enchaîne au passé par aucun préjugé d’école ; mais en même temps, c’est au passé surtout étudié positivement et avec impartialité, qu’il demande ses conjectures et ses espérances sur la destinée du siècle. […] Le dernier mois s’était passé aux querelles politiques, à aiguiser ses épées, à négocier des cartels : n’était-il pas juste de varier un peu son humeur ? […] L’apothéose anticipée d’un avenir inconnu employait les mêmes expédients, les mêmes pratiques idolâtriques que l’adoration réchauffée d’un passé enseveli. […] Assez pour ton passé de deuil et de silence ! […] Les choses se sont passées comme elles se passeront toutes les fois qu’on confrontera le génie, défenseur d’une liberté, face à face avec le pays.

97. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Dans ses pièces mêmes de théâtre, il a, une ou deux fois, essayé d’un certain genre qui passe, avec raison, pour plus noble, plus sérieux et plus profond. […] Dumas vient de le porter tout d’un coup, de l’élever au niveau du Théâtre-Français, de l'y lancer avec verve et largeur : cela a passé sans faire un pli. […] Une fois le ton pris et accepté et applaudi, le reste passe ; le sujet a beau être scabreux, graveleux même : peu importe ! […] Aujourd’hui, on ne supporterait plus le mot si franc, si gros ; la chose passe toujours, et d’autant mieux, avec quelque ragoût rajeuni. […] Sans dire même où elle a passé la nuit, il lui suffisait tout d’abord de protester qu’elle ne l’avait point passée dans l’appartement, pour tranquilliser le chevalier.

98. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Enveloppé dans la grande parole de Leibnitz : le passé est gros de l’avenir , comme dans un talisman de vérité, il a cherché dans le passé la clef du difficile problème qu’on pose en ce moment, comme un sphinx qui le garderait au seuil d’une société à reconstruire. […] Maîtrisé par l’idée spéciale de son livre, il a passé vite sur tous les caractères qui distinguent le monde moderne de l’ancien monde ; car il n’y a qu’une grande division en histoire, et c’est la croix de Jésus-Christ qui l’a faite. […] Les hommes qui ne croient pas que le progrès puisse se produire autrement que dans un sens unique, répondront peut-être par la phrase courante qui dispense, en France, d’une raison : qu’avec de telles idées on veut recommencer le passé. Recommencer le passé, voilà le grand mot ! Mais d’abord pourquoi pas, si ce passé fut intelligent, et en tant que cela soit possible ?

99. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Mais nul sentiment, venant de plus haut ou de plus profond qu’un épiderme, rougissant ou pâle, ne passe dans cette langue ouvragée comme une cassolette pour contenir, à ce qu’il semble, les plus immatériels éthers de la vie, et qui ne gardera pas même cette goutte de larmes moins pure ! […] Hugo, dont on reconnaît la coupe, la solennité du mouvement et l’image, mais renversée du sérieux au burlesque : Un jour Ali passait, les têtes les plus hautes, etc. Un jour Dumas passait, les divers gens de lettres, etc. […] L’acrobatisme (qu’on nous passe le mot !) […] On se dit bien que l’instrument a un défaut, qu’il est imparfait, près de se casser, près de se rompre, mais l’haleine pure qui passe dans les trous du misérable roseau semble mieux porter & l’âme le son de la poitrine inspirée…, et les plastiques, les acrobates et les funambules sont oubliés !

100. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Si Mme de Créqui avait pu lire L’Émigré et si l’on avait osé en introduire en France un exemplaire à son adresse, elle eût reconnu son ami à chaque page et se fût écriée : « C’est bien lui. » L’action du roman est censée se passer en 1793. […] — Pour moi, j’ai été obligé de rester aux Tuileries, il n’y a pas eu moyen d’en sortir avant neuf heures. — Vous avez donc vu passer le roi ? […] À la voir ainsi passée à l’état d’élément déchaîné, il n’estime pas qu’elle sera de courte durée, ni que la contre-révolution sera prochaineam. […] L’émigré paye sa dette à son opinion en mettant là l’ancienne monarchie ; mais pour tout le reste, comme il sent qu’on a rompu à jamais avec tout un passé, et qu’on est entré sous l’invocation des tempêtes dans un océan nouveau ! […] Il lui fait l’effet d’être plus jeune qu’il ne l’était, et M. de Meilhan passa longtemps dans le monde pour être plus jeune que son âge : elle le plaint et elle compatit à le voir ainsi désabusé comme un vieillard, et il semble qu’en mettant son propre désenchantement en commun avec le sien, elle ait quelque désir de le consoler : « Vous êtes destiné, monsieur, lui disait-elle au début, à passer une vie douloureuse : vous voyez le jeu des machines, et alors plus de bonheur.

101. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Egger) : c’est que l’un des estimables travailleurs qui ont passé et repassé sur cette époque, M.  […] Le souffle de la Renaissance avait passé les monts, et Lyon était la première étape où l’on s’arrêtait en venant d’Italie : Louise se ressentit du voisinage. […] Il paraît que ce bon mari ne s’inquiéta pas trop du passé avec elle, et qu’il lui laissait même dans le présent et pour l’avenir une honnête liberté. […] Louise Labé ne passa guère quarante ans ; on ne sait pas exactement la date de sa mort, on n’a que celle de son testament (28 avril 1565). […] Près de nous la Jeunesse a passé les mains vides, Sans nous avoir fêtés, sans nous avoir souri.

102. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

Quels gages a-t-il, lui, donnés au passé, pour vouloir refaire ce passé funeste ? […] Spirituel dans une certaine mesure, frotté d’esprit plu ; encore que spirituel par les gourmets intellectuels avec lesquels il a vécu, comme un crouton est frotté d’ail, riche, facile, ayant des goûts fastueux, une bonne table surtout, l’autel des illusions et de la fédération universelle, Véron, avec de la tenue et du silence, aurait pu passer pour un esprit politique. […] s’il y avait une chose qui dût faire passer par-dessus l’inconséquence et la légèreté qui ont dicté ce livre, au titre impatienté : Où en sommes-nous ?  […] C’était enfin une généreuse et lumineuse initiative, un de ces éclairs qui ne passent guères dans l’esprit des hommes quand ils n’ont ni croyances, ni idées, ni mœurs. […] Nous sommes tous issus d’un passé mauvais, entraînés par des courants contraires.

103. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Mais ils nichent en grand nombre dans le Maine, et probablement dans le Massachusetts, quoiqu’il y en ait peu qui passent l’hiver, même dans ce dernier État. […] Les jours passèrent l’un après l’autre. […] Mon compagnon, qui déjà plusieurs fois avait passé dessus, s’offrit à parier qu’il me conduirait jusqu’au beau milieu, sans même que je me fusse douté de son existence. […] Tous deux passèrent la nuit debout pour veiller sur mon repos ; et moi, je dormis serré contre leurs marmots, comme sur un lit du plus moelleux duvet. […] Un observateur pourra reconnaître ce moment, en voyant les parents passer et repasser au-dessus de l’extrémité du tuyau sans y entrer.

104. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Cela s’est passé, comme ça devait se passer. […] Je passais en voiture découverte sur le boulevard Saint-Michel. […] Des années se passent. […] Un chauffeur d’un train qui passe à un chauffeur d’un train arrêté : « Pas le temps d’arroser seulement sa casquette !  […] C’est ce que m’affirme une jeune fille, qui a passé deux ans, dans un couvent de Rouen.

105. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

L’Académie a pu se passer de Descartes et de Pascal. […] passe vite, ami, ne pèse point sur elle. […] Cela se passait en 1860. […] L’Empereur passe. […] Toute idée doit passer en acte.

106. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Car, lorsqu’on passe des anciens aux modernes, la première différence qui frappe est l’envahissement de la littérature par l’amour. […] A ce moment, passent cent cavaliers musulmans, qui sont sur le point de s’emparer du fugitif. […] reprend dame Guibourg, l’ennemi passe à votre portée et vous ne l’attaquez pas ! […] Il en fait gaillardement l’oraison funèbre et prédit qu’il passera bientôt de mode. Mais enfin, quand la mode en sera passée, faudra-t-il que le monde, devenu un immense monastère, soit réduit au célibat à perpétuité ?

107. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

La tradition de la famille est que chaque enfant passe sous le drapeau ; l’uniforme est la robe virile qu’il revêt avant d’entrer dans la vie. […] Baronnette sort de sa cachette, retrouve son ombrelle en loques, reconnaît que les ongles d’une femme du monde ont passé par là, et se pique au jeu. […] On la voit comme elle a dû se passer : quelques mots émus échangés à voix basse, un incident de famille qui passe presque inaperçu pour le bataillon. […] Caverlet et par sa maîtresse passe la mesure et force la note. […] Je n’ai vu le plan de la ville du Havre, où l’action se passe, gravé, pour la circonstance, dans aucun journal.

108. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Le règne de Louis XIV avait trop duré : la dernière partie de ce règne produisit un bon nombre d’esprits, très sensibles aux défauts, aux abus et aux excès d’un si long régime, qui passèrent à une politique tout opposée et rêvèrent une amélioration sociale moyennant la paix, par de bonnes lois, par des réformes dans l’État et par toutes sortes de procédés et d’ingrédients philantrophiques. […] Il y en avait, dans le nombre, qui étaient réformateurs en arrière, aspirant à rétrograder vers je ne sais quelle constitution antérieure, vers je ne sais quel régime féodal-libéral qu’ils se figuraient dans le passé. — Un projet de gouvernement, rédigé par Saint-Simon à l’intention du duc de Bourgogne et récemment publié par M.  […] Cet arrangement fait, il se mit à profiter de toutes les ressources que fournissait ce savant quartier pour l’étude et l’instruction dans toutes ses branches : Mes études du collège étant achevées, j’eus le bonheur, dit-il, de passer trois ou quatre années à l’étude de la physique. […] Je crois qu’il l’a entièrement passé sous silence. […] Mais si l’on juge par le passé de l’avenir, quelles choses nouvelles nous sont inconnues dans les arts, dans les sciences, dans la nature, et, j’ose dire, dans l’histoire !

109. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Il y a, en Suisse, le voyage obligé, le voyage classique, le Rubicon de l’adultère qu’on passe sur tous les lacs de ce pays. Hélène le passe très bien, enchantée, heureuse, enivrée de le passer. Mais, en le passant, voilà qu’elle cause dans la barque avec cet amant qui le lui fait passer ; et elle ne passe plus ! […] Avec leur dureté et leur étroitesse avare, les fauteuils d’orchestre, dans lesquels on a les genoux sciés par ceux qui passent, sont des instruments de torture, et il n’y a de pire, j’imagine, que le pal ! […] L’auteur les a laissés très respectueusement dans la Bible, mais il s’est permis de prendre leurs noms pour mieux dire que c’est l’homme et la femme de tous les mariages qui vont lui passer par les mains !

110. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — X. Service de nuit. »

Je passe devant la maison de Michas… et tout à coup je vois quelque chose qui, partant du sol, montait si haut que mes yeux n’en pouvaient voir la fin. […] Je lui donne une forte claque pour le forcer à passer. […] me dis-je et un vent froid me passe dans le cou et sur le crâne ! […] Je le fais tourner pour prendre une autre rue, je passe enfin. […] Les guinné passent en effet pour venir jouer la nuit avec les chevaux.

111. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Villars sentit le prix d’une telle générosité, et entre Bouflers et lui tout se passa dans les termes de la plus cordiale estime. […] Villars avait les bras liés : lui qui passait pour chercher les occasions, il dut les refuser, et même quand elles s’offraient avec l’apparence d’un avantage. […] Je connais cette rivière : elle est très difficile à passer ; il y a des places qu’on peut rendre bonnes. […] Le roi rêva un moment et lui répondit : « On ne croira jamais que, sans m’en avoir demandé permission, vous parliez de ce qui s’est passé entre vous et moi. […] À force de célérité, de hardiesse, de précision dans les mesures et de brusquerie dans l’attaque, tout se passa comme il l’avait réglé.

112. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Je ne sais, mais cette journée-là fut longue, sérieuse, et nous la passâmes presque tous à dormir sous la tente. […] Je passai une heure entière couché près de la source à regarder ce pays pâle, ce soleil pâle, à écouter ce vent si doux et si triste. […] Il aime, dit-il, en arrivant dans une ville arabe, à choisir, pour bien voir, le point de vue le plus élevé, le pied d’une tour, ce qu’on appellerait en Grèce l’acropole ; et là, montant dès le matin, il passe en contemplation et en rêverie des heures entières. […] On peut dire alors que la matinée est finie ; « la seule heure à peu près riante de la journée s’est passée entre l’aller et le retour des gangas ». […] Fromentin ne se borne pas, dans ses Voyages, à l’expression directe du pays ; il s’inquiète de l’historique, du passé, des mœurs et du naturel des habitants, du caractère différent et individuel de ceux qu’à première vue on est porté à confondre.

113. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

va demain faire une course à Néris ; elle y passera vingt-quatre heures. […] Vous connaissez la passion de la princesse pour les chevaux gris ; elle en a trouvé deux ici qu’elle a bien vite arrêtés pour le temps qu’elle passerait à Bourbon. […] Mes projets de retour ne sont pas encore fixés : ils dépendent un peu de ceux que l’on forme à Néris, où j’irai passer quelques jours. […] Royer-Collard en a profité pour venir à Château-Vieux passer quelques jours. […] Passer tout l’été si près de M. 

114. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Mais bientôt la somme, à peu près entière, passa au service du prince. […] Cela le fit rire… » Dans les quelques jours qu’il a passés au camp, Gourville fait de ces remarques positives et curieuses comme il en a partout, et qui peignent les mœurs. […] C’est le seul endroit de ses Mémoires que Mme de Coulanges passait toujours quand elle les lisait. […] Il se montre à nous le même jusqu’à la fin, l’esprit aux aguets, curieux de nouvelles, le premier averti de ce qui se passe, et en faisant des relations pour ses amis de province : Enfin le jour se passe doucement. […] Ce n’avait été qu’une distraction dans sa vie peu sentimentale et tout affairée, et il semble s’en être peu ressouvenu dans sa vieillesse, comme d’un de ces goûts fugitifs qui passent avec l’âge.

115. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Et la fillette passait des demi-journées dans un coin de la chambre à rêvasser, se refusant de sortir, quand il lui proposait. […] » En revenant de Médan, je me dis qu’un ménage peut se passer d’enfants dans un appartement de Paris, mais non pas dans une maison de campagne. […] Et le feuilletage de ce Paris du passé, dans le crépuscule, et dans le contact de nos trois tristesses, rassemblées autour du vieux carton, a cependant quelque chose de doux. […] Celui-ci, sa page d’écriture donnée, passait son temps à me retirer des doigts ma plume, à la jeter au milieu de la chambre, et à la remplacer par une toute neuve. […] Je trouve que la manière d’être la plus utile à sa patrie : c’est de passer toute sa vie, sans toucher un sou du budget de l’État.

116. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Elles devaient se le passer de l’une à l’autre ; elles allaient le dévorer, quelle gimblette ! […] Compromise et compromettante, Mme de Chevreuse ne passera jamais cette limite dans la médiocrité du mal, malgré M.  […] Tous les soirs, on trouverait chez Mabille (qu’on nous passe le mot et l’endroit !) […] À ses propres yeux, il a passé gentilhomme, presque Luynes ! […] Vous le voyez passer entre Benserade et le Père Lemoine, et il est moins brillant que le jésuite !

117. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Voilà cinquante ans passés qu’en France on ne recommande guère autre chose. […] Leur petit doigt pris dans l’engrenage, ils y passent tout entiers. […] Passons vite. […] Un dimanche, le maître d’étude est invité à venir passer la journée au château. […] Nous voici maintenant initiés à tout ce qui passe dans un atelier de brocheuses.

118. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Ses lettres, voilà sa gloire, si gloire il y a pour ces choses légères, pour ces pastels pâlis et ces arcs-en-ciel sitôt évanouis, et qui, pâlissant et s’évanouissant, plaisent encore, et, peut-être, comme les blondes qui furent rayonnantes et que le monde appelle passées, plaisent aux âmes tendres davantage ! […] Dans ses lettres, il y a deux mots de détestation sur eux et il passe… Et Lamennais ? […] Il y a, dans ces lettres de Doudan, deux lignes dénigrantes et insolentes sur Balzac, et il passe… Il fait à Balzac cet honneur de passer, après avoir déjà passé devant Bonald et devant de Maistre ! […] Tout ce qui nuit à sa grâce native, il le doit à ce salon dans lequel il a passé sa vie. […] Nous sommes aussi curieux que Doudan lui-même, qui était curieux de tout et qui disait : « Je n’ai jamais passé devant un chenil sans avoir envie de savoir comment on y pensait et comment on y vivait. »

119. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

franchement, je dis que pareille chose passe la permission. […] Gautier n’y fût juste ce qu’il a été dans son roman d’aujourd’hui du Capitaine Fracasse, c’est-à-dire un faiseur d’images inanimées, quoiqu’elles parlent et se remuent, et qui passent devant nous sans nous intéresser ni nous plaire, à travers un style que ses amis peuvent appeler un tour de force ou de souplesse, mais que je hais comme un parti pris. […] Écrivant un roman dont l’action se passe au dix-septième siècle, il a mimé la langue du dix-septième siècle, qui ne vaut pas d’ailleurs celle du seizième, qu’il avait si bien reproduite dans sa préface de Mademoiselle de Maupin ; — c’est comme si Walter Scott, en écrivant Kenilworth, avait parlé la langue du temps d’Elisabeth ! […] Il n’a été que le copiste d’œuvres passées dont il a cherché à reproduire le ton et la couleur, à très-grand’peine, et il s’est trouvé avoir fait un livre tout en réminiscences et sans personnalité virtuelle ! […] Théophile Gautier, eut un jour la fantaisie d’art de faire un livre du passé dans le style du passé, et, dans le passé, il prit, pour se couler tout vivant dans son génie, le plus difficile génie auquel l’imitation pût atteindre.

120. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Il aimera avec résignation : car il sait bien que ce n’est en effet qu’un rêve, et qui passera. […] Quelle joie de passer et de n’être rien, puisque les autres êtres ne sont rien et passent ! […]      Plonge sans peur dans le gouffre béant, Ainsi que l’épervier plongeant dans la tempête : Car tout ce rêve une heure a passé dans ta tête : Tu fus la goutte d’eau qui reflète les cieux, Et l’univers entier est entré dans tes yeux ; Et bénis donc Allah, qui t’a pendant cette heure Laissé comme un oiseau traverser sa demeure. […] Quand mon esprit aspire à la pleine lumière, Je sens tout un passé qui le tient enchaîné ; Je sens rouler en moi l’obscurité première : La terre était si sombre, aux temps où je suis né ! Et je voudrais pourtant t’affranchir, ô mon âme, Des liens d’un passé qui ne veut pas mourir…      Mais c’est en vain ; toujours en moi vivra ce monde De rêves, de pensers, de souvenirs confus, Me rappelant ainsi ma naissance profonde, Et l’ombre d’où je sors, et le peu que je fus.

121. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

J’y venais, presque tous les jours, passer la soirée comme en famille. […] C’était contre l’étiquette, mais les rois passent par-dessus et les poètes par-dessous. […] Il y passait chaque jour des heures de recueillement et de larmes, dont cette plate-forme funèbre avait seule le secret. […] Ô terre du passé, que faire en tes collines ? […] Je vins passer un long congé à Paris.

122. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Ce journal unique en effet, et dans lequel durant plus de trente ans Dangeau écrivit ou dicta tous les soirs ce qui s’était fait ou passé à la Cour dans la journée, n’est qu’une gazette, mais exacte et d’un prix qui augmente avec le temps. […] Après la mort de Louis XIV, Mme de Maintenon, retirée à Saint-Cyr, et vivant dans le passé, lisait le journal manuscrit de Dangeau, et elle en disait à Mme de Caylus : « Je lis avec plaisir le journal de M. de Dangeau : j’y apprends bien des choses dont j’ai été témoin, mais que j’ai oubliées. » Et un autre jour, après avoir marqué le désir d’en faire prendre des extraits sur ce qui la concerne : Remerciez bien M. de Dangeau de la permission qu’il me donnera sur ses mémoires ; ils sont si agréables que j’ai tout lu : vous entendez ce que cela veut dire (cela veut dire qu’il y a des choses qu’on passe de temps en temps). […] il y avait mieux, il y avait de l’exactitude du physicien, du statisticien qui prend note chaque jour de certaines variations du temps et de ce qui se passe dans l’atmosphère. […] Ne chicanons point Dangeau ; passons-lui les défauts qui lui ont fait faire son journal, et sans lesquels il ne l’eût point mené à fin. […] Saint-Simon dans une note commente, explique ; Dangeau rapporte le mot purement et simplement, et passe outre.

123. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Thiers passe et passera auprès de la postérité pour un amateur. […] Un souffle passait comme un murmure dans la cime des grands peupliers. […] Elle a passé presque une bonne nuit. […] Êtes-vous passé, et vous retournez-vous ? […] Nous ne nous saluons pas… Ça se passe en famille à l’Académie, voyez-vous.

124. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

On s’est donc fort longtemps passé d’un principe conservateur universel. […] Le même ne demeure pas ici le même, mais se renforce et se grossit de tout son passé. […] Elle le montre en effet ; et nous admettrons sans peine, quant à nous, l’existence d’une relation entre l’état actuel et tout état nouveau auquel la conscience passe. […] Mais le déterministe, sentant bien que cette position lui échappe, se réfugie dans le passé ou dans l’avenir. […] Cela signifie que je passe par une série d’états, et que ces états se peuvent répartir en deux groupes, selon que j’incline davantage vers X ou vers le parti contraire.

125. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Berlin l’aîné, pour y voir Victor Hugo qui y passait l’automne avec sa famille. […] Il faisait sentir l’éloquence dans la conversation, et cela sans excès, sans passer la mesure. […] Guizot arrange, systématise le passé ; mais il n’a pas d’ouverture à l’horizon. […] Royer-Collard m’en ayant parlé un jour et m’ayant raconté comment les choses s’étaient passées. […] En ces passes lugubres, toute la France s’amusa un moment de son hégire à Lausanne.

126. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Il n’est que neuf heures et j’ai déjà passé par l’heureux et par le triste. […] Ainsi, nous passerons la vie sans nous voir. […] « Que s’est-il passé aujourd’hui pour l’écrire ? […] Ainsi le temps passe et nous emporte sur sa croupe. […] Les objets passés vont au cœur ; papa le regrette autant que moi.

127. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Si du poète nous passons à l’homme, nous voyons que M. de Lamartine a passé en Italie, et par choix, les premières années de sa jeunesse ; qu’il y est revenu sans cesse à différentes époques ; qu’il y revient encore aujourd’hui. […] Elle prit un appartement à Florence, où nous passâmes quelques mois ensemble dans une intimité douce, mais irréprochable, au milieu du petit cercle d’amis et d’admirateurs de sa merveilleuse beauté. […] Le comte de Neiperg, grand-maître de sa maison et son premier ministre, qu’elle passait pour aimer en secret depuis son retour à Vienne (1814), avait vis-à-vis d’elle la déférence respectueuse qui convenait à sa situation officielle. […] Je passais le temps qui sera si long aujourd’hui ! […] C’est donc à la vieille mère de parler la première, car elle a vu passer bien des ombres du châtaignier sur la bruyère de la montagne, et tomber bien des lits de feuilles mortes sur les racines et sur votre toit.

128. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

C’est dans ce milieu que se passa mon enfance, et j’y contractai un indestructible pli. […] Les longues heures que j’y passais ont été la cause de ma complète incapacité pratique. […] Faire des vers français passait pour un exercice des plus dangereux et eût entraîné l’exclusion. […]  » Ses journées se passaient à ourler du linge, à le marquer. […] On ne sortait pas de ce raisonnement : « Le voleur est entré par la porte de la sacristie ; or la sacristine seule a pu passer par cette porte, et il est prouvé qu’elle y a passé en réalité ; elle-même l’avoue. » On cédait trop alors à l’idée qu’il était bon que tout crime fût suivi d’une arrestation.

129. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

D’une part, on risque de prendre le déroulement de toute l’histoire passée, présente et future de l’univers pour une simple course de notre conscience le long de cette histoire donnée tout d’un coup dans l’éternité : les événements ne défileraient plus devant nous, c’est nous qui passerions devant leur alignement. […] Elles sont en réalité là ; elles nous attendent, alignées ; nous passons le long du front. […] Je vois votre univers « solide », selon notre manière de parler ; il est fait de l’entassement de toutes vos images plates, passées, présentes et futures. […] Il se contentera de décrire ce qui vient de se passer. […] Prenons maintenant le cas plus général où les événements A′ et B′ se passent à des moments différents pour l’observateur en S′.

130. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Quand on les a passés, on arrive sur « une petite placette carrée », devant deux portes de métal qui « jour et nuit battent sans cesse », si bien qu’il semble qu’on n’y pourrait passer sans être saisi et mis en morceaux. […] Mais les jours passaient, et l’absolution ne venait pas. […] Pendant tout le temps qu’il a passé à Hambourg et à Dantzig on ne l’a jamais vu rire. […] Giovanni serviteur de Dieu répondit : « Tâche d’être aussi bon que tu passes pour l’être !  […] Je passe ici huit vers qui répètent à peu près les précédents.

131. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Lamartine a dit, en parlant du souffle de la poésie : Ce vent qui sur nos âmes passe, Souffle à l’aurore ou souffle tard ; Il aime à jouer avec grâce Dans des cheveux qu’un myrte enlace Ou dans la barbe du vieillard. […] Nous trouvons cette sorte d’amour énergiquement exprimée dans une pièce de vers inédits adressée à un jeune homme qui se plaignait d’avoir passé l’âge d’aimer : Va, si tu veux aimer, tu n’as point passé l’âge ; Si le calme te pèse, espère encore l’orage ; Ton printemps fut trop doux, attends les mois d’été ; Vienne, vienne l’ardeur de la virilité, Et, sans plus t’exhaler en pleurs imaginaires, Sous des torrents de feu, au milieu des tonnerres, Le cœur par tous les points saignant, tu sentiras, Au seuil de la beauté, sous ses pieds, dans ses bras, Tout ce qu’avait d’heureux ton indolente peine Au prix de cet excès de la souffrance humaine ; Car l’amour vrai, tardif, qui mûrit en son temps, Vois-tu, n’est pas semblable à celui de vingt ans, Que jette la jeunesse en sa première sève, Au blondi duvet, vermeil et doré comme un rêve ; C’est un amour profond, amer, désespéré, C’est le dernier, l’unique ; on dit moins, j’en mourrai ; On en meurt ; — un amour armé de jalousie, Consumant tout, honneur et gloire et poésie ; Sans douceurs et sans miel, capable de poison, Et pour toute la vie égarant la raison. […] Nous nous assîmes sur des chaises de paille dans l’antichambre de son fils, où nous n’avions qu’un quart d’heure à passer. […] Et puis voilà des éclats de rire, la lassitude qui s’oublie, le sommeil qui s’en va et la nuit qui se passe à causer. » Il y a encore une autre conversation où il lui explique toute la valeur de ce mot je vous aime ; c’est un petit chef-d’œuvre d’analyse morale exquise, assaisonnée d’épigrammes et nuancée de volupté. […] Je lui dis que c’était une des plus puissantes affections de l’homme. « Un cœur paternel, repris-je ; non, il n’y a que ceux qui ont été pères qui sachent ce que c’est ; c’est un secret heureusement ignoré même des enfants. » Puis continuant, j’ajoutai : « Les premières années que je passai à Paris avaient été fort peu réglées ; ma conduite suffisait de reste pour irriter mon père, sans qu’il fût besoin de la lui exagérer.

132. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Quant au mystique, au millénaire, il avait surtout à lui justifier le passé, à lui démontrer la réalisation et le perfectionnement du christianisme dans cette papauté que de Maistre a vengée. S’emparant de l’idée d’unité qui lui est commune avec son contradicteur, il lui explique à quelles conditions l’unité est produite, bien qu’incomplètement, dans le passé catholique, et il en conclut à quelles conditions elle devra se constituer pleinement dans l’avenir saint-simonien. […] Tous ces exemples historiques au reste, ces interprétations diverses d’un passé que la doctrine nouvelle embrasse et domine, ne sont, sous la plume du jeune apôtre, que des lumières qui sillonnent pour lui le chemin de la foi, des rayons qui ramènent au foyer dont ils émanent, des excitations fécondes pour passer outre et entraîner ceux que le grand développement providentiel saisit au cœur, et qui, à l’aspect des antiques traditions enfin comprises, se sentent le désir de travailler, pour leur part, à en continuer l’enchaînement éternel. […] Tel fut Eugène ; il mérita d’être compté au nombre des premiers disciples du maître dont il embrassa la foi, et maintenant il reçoit au milieu de nous la récompense de ses mérites. » Eugène fut un théologien du premier ordre ; né dans la religion juive, il ne passa point ses premières années au milieu de cette indifférence convenue et de cette tiédeur morale qui est la plaie de tant de familles chrétiennes. […] Il rejeta la matière, méprisa l’industrie, se passa des beaux arts ; il abdiqua le royaume de la terre pour atteindre plus vite, à travers l’espace et les lieux, à travers l’empire de César, au but de ses conquêtes spirituelles.

133. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Qu’avez-vous besoin de mes souvenirs d’un passé que vous n’avez pas connu ? […] Passez ces mêmes montagnes que je vois sur ma tête. […] De l’ennui de l’isolement je passe à l’ennui de la foule. […] Tout est fini, vie passée comme vie présente. […] Lenormant, savant distingué, avait passé, grâce au parti doctrinaire, aux places scientifiques, récompenses de ce parti.

134. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Elle ne répond pas, passe devant moi, et me fait signe de la suivre dans le premier salon, le promenoir de ses causeries intimes et de ses tête-à-tête confidentiels. […] Nous faisons passer nos cartes à sa femme, et nous attendons dans l’antichambre. […] Toute la nuit, je passe à me tortiller en chemin de fer, comme un ver coupé. […] Il a passé dix nuits sans dormir et sans avoir envie de dormir. […] Vingt jours passés ici, les vingt jours les plus mauvais de notre vie.

135. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Existerait-il enfin, derrière nous, un passé bien autrement colossal que celui que nous connaissons ? […] Nous allons, nous marchons, nous cognant à des morceaux de forum, pendant que Chenavard nous expose des théories de découragement et d’écrasement de l’art sous son passé, son victorieux passé, comparé à son triste présent…. […] On passe dans la salle à manger et on dîne. […] Le gros Primoli passe, jetant une égrillardise dissimulée dans de l’italien, et s’en va. […] Et les heures passent.

136. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

A la première Restauration, âgé d’environ seize ans, on le fit entrer dans une des compagnies rouges de la maison du roi ; et lors de la suppression de ces compagnies, en 1816, il passa dans la garde royale à pied. […] A un autre endroit, il cite Grotius, ce qui sent fortement son érudit ; passe encore quand il ne citait qu’Ossian ! […] Dans son récent volume, qui est un retour de souvenir vers le passé, M. de Vigny a laissé le poëte pour s’occuper du soldat, cet autre paria, dit-il, des sociétés modernes. […] et ensuite je m’enferme avec vous ou bien je vous emporte sous une allée où je marche tout seul, et je frappe sur le livre et je jette des cris de plaisir à me faire passer pour fou. […] Je vous répéterai le ravissement où m’a mis la vue de mon Eloa passée comme en proverbe dans vos vers plus beaux qu’elle.

137. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

En m’écoutant, le vieux docteur en jurisprudence fronçait le sourcil et se pinçait les lèvres avec un sourire d’incrédulité et de mépris qui montrait assez ce qui se passait dans son âme. […] Nous restâmes douze grands jours sans le voir remonter et sans rien apprendre de ce qui se passait en ville. […] La fenêtre était si étroite, qu’une grosse barre de fer scellée en bas et en haut dans la pierre de taille, derrière le vitrail, suffisait pour empêcher un regard même d’y passer. […] — Non, non, dis-je, raconte-moi d’abord tout ce qui s’est passé entre le père et toi ! […] J’aurais voulu que ces heures ne coulassent pas, ou bien que toutes nos heures passées et futures fussent contenues dans une de ces heures.

138. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Ils savent les styles, ils ont le coup d’œil, le tact. « Apprendre à voir, ont-ils dit, est le plus long apprentissage de tous les arts. » Ils ont fait depuis longtemps cet apprentissage ; ils sont passés maîtres en matière de xviiie  siècle. […] Il se passera encore du temps avant que le public français ait de la considération pour l’histoire qui intéresse. » Le xviiie  siècle revu et repeint par eux prend un aspect tout neuf et bien vivant ; ils en adorent surtout les peintres. […] Je n’exige pas qu’ils aiment Suard et Morellet, mais qu’ils les voient tels qu’ils étaient, ni plus ni moins, dans ce milieu social où tout se passait encore avec convenance, avec mesure. […] Très-bien, passe encore ! […] Nous devons à MM. de Goncourt et à leur procédé, j’ai hâte enfin de le dire, bien des croquis, bien des esquisses franches, de petites eaux-fortes qu’eux seuls ont faites et que d’autres plus circonspects, plus soucieux du passé, n’auraient osé faire.

139. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Au contraire, ce nuage des petits intérêts étant tombé pour le passé, il nous apparaît grave, sévère, désintéressé. […] Ce n’est pas le fracas de la rue et du comptoir qui passe à la postérité. Quand l’avenir nous verra dégagés de ce tumulte étourdissant, il nous jugera comme nous jugeons le passé. […] De là, cette mauvaise humeur que les représentants actuels du catholicisme montrent contre toutes les réformes les plus rationnelles des abus du passé, réforme de la justice, réforme de la pénalité, etc. […] Quand Cléanthe passait ses nuits à puiser de l’eau, il faisait œuvre aussi sainte que quand il passait les jours à écouter Zénon.

140. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Mais ces enfants, perdus ou trouvés, d’un tel père n’en sont pas pour cela (qu’on nous passe le mot !) […] passons. […] Passons ! […] Mais passons toujours. […] Et si sublime qu’il soit, ce génie, les mœurs ne manquent jamais de lui passer au cou ce collier de cuivre que Walter Scott met au cou de Gurth, le gardeur de pourceaux.

141. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Que se passa-t-il ? […] Egerton Castle est fidèle, tant il y passe de mouvement et de vie. […] » Quelqu’un passe à Tolstoï une revue russe. […] Faire des lieues pour la voir passer seulement de loin ! […] J’y passe toutes les semaines.

142. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Quinze ans se passèrent ; le peuple, dégoûté d’intrigues, avait renversé son idole. […] Il passa sa première jeunesse au château de Marcellus, dirigé dans ses études par son père, aussi classique que lui. […] Elle passa trois mois dans la ville de Brousse en Bithynie, au pied du mont Olympe, et fut tentée de s’y fixer pour toujours. […] « On lui fait passer de Londres ses revenus : sa fortune est en Syrie au moins égale à celle d’un scheik puissant. […] On cherche un désert en Asie pour passer en vivant entre les pensées de Dieu et l’oubli des hommes.

143. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Becque y passe au fil de sa langue tous ses ennemis. […] J’ai passé la nuit à vous lire. […] Us passent sans s’arrêter. […] Bientôt il passa de l’indécence à l’injure. […] L’un passe, l’autre passe, je passe aussi.

144. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Ce sont, presque sans ordre, les images qui me sont apparues et les réflexions qui me sont venues à l’esprit, pendant que j’évoquais ainsi un passé vieux de cinquante ans. […] J’aime le passé, mais je porte envie à l’avenir. Il y aura eu de l’avantage à passer sur cette planète le plus tard possible. […] Dans le passé, aux meilleures heures, nous n’avons été que tolérés. […] Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé.

145. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Seulement, ce que je veux exclusivement vous faire entendre pour vous prouver que nous avons ici affaire à un poète, ce n’est pas l’expression réussie de la haine qui se croit victorieuse, mais c’est l’accent éternellement cruel et doux de la vie passée, qui, finie, crée immédiatement l’infini du souvenir dans nos cœurs. […] ces candeurs sont bien vite passées ; Et nous ne pouvons pas garder dans nos pensées            La patience du respect. […] C’eût été beau D’emporter un effroi de ces choses sacrées, Comme un enfant, suivant des routes égarées,            Qui passe devant un tombeau. […] Talent spontané, trop vrai et trop fort pour ne pas échapper à l’espèce d’endiguement où il ne peut pas tenir et où il étouffe, de temps en temps il passe sublimement par-dessus. […] S’il y passait toujours et s’il prenait le parti de fouler aux pieds l’Athéisme et la Démocratie, ces deux déshonneurs de sa pensée, il serait (voyez si son livre des Réveils n’est pas le livre des Regrets !)

146. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Les premières scènes qui se passent dans la maison du comte et de Chimène sont de pure confidence. […] Tandis que dans la pièce française les premières scènes se passent en confidence, dans le drame espagnol tout est en tableau. […] La musique seule serait capable de bien rendre ce qui se passe, à ce moment, d’orageux, de contradictoire et de déchirant dans l’âme de Rodrigue. […] Cette scène se passe dans un lieu vague, sur quelque place voisine du palais. […] On passe de là dans l’appartement de l’infante.

147. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

D’ailleurs j’ai purement passé les jours mauvais, Et je sais d’où je viens, si j’ignore où je vais. […] Ils passent, et le monde Ne connaît rien d’eux que leur voix. […] Sa fièvre passée, Lahorie put sortir et chercher une retraite plus sûre. […] Il passa une année dans une petite chambre rue Mézières, puis rue du Dragon, étudiant et travaillant à force, jaloux de prouver à son père qu’il pouvait se suffire à lui-même. […] Sa fièvre de royalisme passée, il est revenu à la liberté, mais à la liberté vraie, plénière et pratique, à celle que bien des libéraux n’ont jamais comprise, et que nous réclamons vainement encore.

148. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Nous passons dans le monde étrangers à sa joie, L’un vers l’autre attirés ; De crainte, d’espérance incessamment la proie, Unis… et séparés ! […] Que l’oubli du passé me vienne à côté d’elle ; Que, rentré dans la paix, je craigne d’en sortir… Que cet amour surtout, bien que noble et fidèle. […] Peu de jours sont passés, et déjà ces blés, comme les gazons d’un parc anglais, s’étendent au loin avec des nuances et des ombres variées jusqu’aux bords des chemins et le long des haies des fermes. […] Ses dernières années se sont passées dans les mêmes sentiments, dans les mêmes regrets et les mêmes fluctuations morales qu’il avait éprouvés de tout temps : seulement les craintes et les regrets, ou même les remords chrétiens surnageaient de plus en plus. […] Les choses se passèrent bientôt avec plus de laisser aller.

149. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Gibbon passa cinq années dans cet agréable exil, depuis l’âge de seize ans jusqu’à vingt et un. […] Mais tout ceci se passa de la part de Gibbon avec une égalité et une tranquillité, même dans le chagrin, qui fait sourire. […] Il ne faut pas non plus leur peindre des mœurs particulières : parlez-leur toujours avec un porte-voix à l’extrémité de la chaîne, et ne vous hasardez jamais à vouloir les faire passer de chaînon en chaînon. […] Elle revient alors sur le passé, elle aime à y revivre. […] Je croyais voir l’âge d’or sous une administration si pure ; je ne vois que l’âge de fer ; tout se réduit à faire le moins de mal possible. » Aussi, dès ce moment, le regret du passé la ressaisit : Le regret du passé, s’écrie-t-elle, tourne toujours mes regards vers cet Être pour qui aucun temps n’est passé.

150. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

» * * * — Littré, à une demande de renseignements historiques, que lui adressait Renan, lui répondait par une lettre, où il le suppliait de le laisser tranquille, dans cette belle et désolée phrase : « J’ai le droit de passer pour mort !  […] Puis on passe dans l’atelier, et les yeux amusés par les japonaiseries des murs, et la cigarette à la lèvre, c’est quelque belle musique d’artiste, quelque sonate de Beethoven, vous remuant les dedans immatériels de votre être. […] Et ma pensée de ce jour va à notre passé, et aussi à sa fille, que je revois, au moment où elle venait de naître, en sa nudité embryonnaire, devant le feu de cheminée de sa mère. […] Le soir, parmi les quelques minutes, que je passe à l’Odéon, avec les Daudet, Rousseil sur la scène engueule lyriquement ma littérature. […] D’abord la caresse de passes magnétiques, de gestes à distance qui ne sont plus les gestes d’autrefois, où il y avait un peu du poing sur la hanche du modèle d’atelier, mais la caresse d’un corps onduleux, serpentant, gracieuse en des contournements légèrement pédérastiques.

151. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Des hommes voient avec génie : rien de ce qui a passé sous leurs yeux ne leur est impossible à évoquer. […] Les clichés définitifs, en effet, avant de mourir dans l’abstraction, passent par la phase du ridicule. […] Passé en anglais, le mot « beau » prit le sens de « fat », et, passé en français, le mot « dandy (élégant) » se trouva très vite chargé d’une acception ironique. […] Cependant on rencontre le plus souvent : « le spectre clérical — le spectre de 93 — le spectre du moyen âge — le spectre du passé — le spectre du despotisme — l’hydre des révolutions — l’hydre de l’anarchie » ; en 1848, on invitait le pouvoir à « bâillonner l’hydre des rues ». […] Quel jour se passe sans qu’on nous informe « du flot montant de la démocratie, de l’invasion de la démocratie, de la nécessité de se retremper dans le sein du suffrage universel », sans qu’on flétrisse ces patrons inhumains « qui s’engraissent de la sueur du peuple » ?

152. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Tous les journaux ont raconté ce qui s’y passa. […] Puis nous avons encore le malheur de passer pour être riches, de passer pour être heureux, de passer pour être arrivés facilement. […] Il se passait un an, dix-huit mois, au bout desquels il lui arrivait un accident de voiture, dans le voisinage du château de celle qu’il aimait. […] Nous allons battre la banlieue, regardant bêtement, ahuris et muets, à la portière du chemin de fer, passer les arbres et les maisons. […] regardant et jugeant ce qui se passe, le théâtre m’apparaît comme bien malade, comme moribond presque.

153. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

— Passons ! […] J’ai envisagé courageusement mon passé, et j’ai été effrayé un moment de l’abîme de mes affaires personnelles. […] En 1850, ma dette passait deux millions. […] Il est pauvre, et jusqu’aux livres de son étude, il s’en passe, faute de quoi. […] Lorsque, comme nous, on déplore les sottises des deux partis, on passe sa vie à gémir.

154. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Passons. […] Si, après sa mort, l’empire doit passer dans les mains de sa fille, dont j’aurai fait mourir le fils, à quels dangers ne suis-je pas exposé ? […] C’est ainsi que tout s’est passé, ô roi, et par quel genre de mort l’enfant a péri. » « Harpagus avait dit la vérité. […] « Darius, frappé du rapport de ses gardes, et de ce qui se passait sous ses yeux, ordonna qu’on amenât cette femme en sa présence. […] Il laissa donc passer quatre jours, espérant que les Grecs se retireraient.

155. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

M. de Montalembert nous fait passer dans son cabinet. […] Il se passe des choses énormes chez les bourgeois. […] On se lève de table, on passe au salon. […] Je me sens le nuage qui passe, la feuille qui remue, l’eau qui coule. […] Il fallait passer bien au milieu du chemin, et tenir contre soi les pans de sa redingote.

156. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Pendant son absence, que se passait-il à la cour et à l’armée ? […] Une de nos folies a été de souhaiter de découvrir tous les dessous de cartes des choses que nous croyions voir et que nous ne voyions point, tout ce qui se passe dans les familles où nous trouverions de la haine, de la jalousie, de la rage, du mépris, au lieu de toutes les belles choses qu’on met au-dessus du panier ; et qui passent pour des vérités115. […] Elle était informée de tout ce qui se passait. […] Cela est difficile à accommoder, et je passe ma vie dans des horribles qui m’ôtent tous les plaisirs du monde et la paix qu’il faudrait pour servir Dieu. […] Boucherat a passé par Véret.

157. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

J’ai des yeux qui ne voient pas uniquement les beautés du xviiie  siècle, mais qui voient les beautés du siècle passé ainsi que du siècle présent. […] Je passais quelques jours de vacances chez cette cousine nouvellement mariée, et qui était jeune et jolie et blanche comme une Flamande. […] Elle contient cette phrase sortie, dit le correspondant, d’une des plus jolies bouches de Paris : « Nous devons empêcher nos maris de lire Chérie, ça leur en apprend trop sur notre passé !  […] Comme en un pays de la soif, je ne songe qu’à boire, et gonflé d’eau rougie, je passe la journée sur mon lit, dans une somnolence qui est comme un demi-évanouissement. […] Mme de Nittis qui a passé cinq ou six fois, cette nuit, devant nos yeux, comme un fantôme, fait sa rentrée dans le salon, et reprend son va-et-vient inlassable.

158. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Loève-Veimars n’a pas cru devoir résister au vœu de son éditeur ; il lui a donc trouvé pour cette publication, qui certes pouvait autant qu’aucune autre s’en passer, un titre à la fois inconnu, érudit, piquant, et de plus très juste pour peu qu’on y songe. […] Ce voyageur qui passe et qui n’a pas le temps de s’approcher ni d’entrer, a-t-il donc tout à fait tort dans l’idée qu’il emporte de cette ville ? […] Cette espèce de critique est le refuge de quelques hommes distingués qui ne se croient pas de grands hommes, comme c’est trop l’usage de chaque commençant aujourd’hui ; qui ne méconnaissent pas leur époque, sans pour cela l’adorer ; qui, en se permettant eux-mêmes des essais d’art, de courtes et vives inventions, ne s’en exagèrent pas la portée, les livrent, comme chacun, à l’occasion, au vent qui passe, et subissent, quand il le faut, avec goût, la nécessité d’un temps qu’ils combattent et corrigent quelquefois, et dont ils se rendent toujours compte. […] Sachant bien plusieurs langues, rompu aux littératures étrangères dont, le premier, il a produit parmi nous de fantastiques chefs-d’œuvre, habile à se souvenir et à démasquer les larcins, s’inspirant lui-même de ses lectures et l’avouant, laborieux au logis, ingénieux et facile à tout dire, propre à tout, ne se faisant guère d’illusion, croyant peu, capable d’admirer le passé, quoique d’une érudition trop spirituelle pour être constamment révérente, et avec cela toujours maître de sa plume, l’arrêtant, la dirigeant à volonté, un peu recherché et joli par endroits, comme quand l’esprit domine, il a gardé quelque chose de très français à travers son premier bagage d’outre-Rhin et a aiguisé sa finesse au milieu des génies allemands qui avaient ou n’avaient pas de fil : qu’on se souvienne en effet qu’il a passé par Vandervelde avant de donner la main à M.  […] puisque j’en suis sur les conjectures hasardées après coup sur le génie de Racine, n’ai-je pas prétendu quelque part qu’il était bien plus propre à l’élégie, au lyrique, qu’au dramatique, et qu’en d’autres circonstances il se fût aisément passé du théâtre pour s’adonner à la poésie méditative et personnelle !

159. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Il ne se contente pas de saluer avec un respect froid cette religion qui passe (on l’espère bien) et qu’on ne salue que parce qu’on croit qu’une fois passée elle ne reviendra plus et que la philosophie pourra s’installer à sa place. […] Pendant que les talents qui fondèrent l’une et rejetèrent l’autre, et qui avaient trop de personnalité et de vie pour se laisser grossièrement éteindre, s’en allaient successivement à la file, il resta et passa maître, les maîtres partis. […] Saint-René Taillandier a repris une millième fois la thèse maintenant abandonnée de tout ce qui a quelque ressource de discussion dans la pensée, cette distinction banale de l’avocasserie philosophique, d’un christianisme du passé, mis en contraste avec le christianisme de l’avenir. Le christianisme du passé est judaïque, — dit-il insolemment pour les juifs, nos ancêtres, et pour nous, — il est judaïque parce qu’il prétend maintenir, sans hérésie, sans atteinte à la tradition, l’intégrité de la croyance ! […] … Spiritualiste de prétention, spiritualiste que nous connaissons bien, et dont toute la visée et tout l’espoir est de spiritualiser tellement le christianisme qu’il n’en reste absolument rien, il pouvait s’épargner ces comédies de queue que les renards jouent aux dindons ; il pouvait s’épargner les filières par lesquelles il veut faire passer sa pensée… qui n’y passe pas et que nous voyons toujours !

160. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Gaussin ne s’en doute guère, elle est plus âgée que lui et a droit à un « passé ». […] Il se passa une éponge mouillée sur le front. […] Pour nous divertir, nous mélangions le passé au présent. […] Je passe bien des pages émouvantes. […] La nuée et le vent passaient en se tordant.

161. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

À la fin il s’en ennuya ; il s’aperçut qu’il n’était qu’affligé, et que la dévotion passait avec la douleur. […] La raison d’État intervint, et le secrétaire d’État Le Tellier, instruit de ce qui se passait, et qui avait fait avec M. de Lorraine le traité par lequel les duchés devaient être cédés au roi, conseilla de profiter de la conjoncture et de cet intérêt de passion pour tâcher d’obtenir ou confirmation ou mieux commencement d’exécution immédiate de ce qui avait été convenu. […] la longueur de ma vie me paraît insupportable quand je la compare à la longueur des jours que j’ai passés depuis la perte effroyable que j’ai faite. […] Il prit son parti et résolut de se remettre dans le train ordinaire par quelque coup d’éclat, qui rompît avec le passé. […] Il le croyait du moins, et récapitulant sa vie dans sa vieillesse, revoyant ses affections passées dans leur vrai jour, et ne comptant que celles qui méritaient de survivre, il disait : « La source de tous mes malheurs et ce qui ne se peut réparer, est d’avoir perdu une femme que j’avais choisie selon mon cœur, et pour qui j’avais tout quitté.

162. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Le duc de Rohan, par un article du traité, ou plutôt de la grâce (c’est le titre qu’on y donna), obtint en ce qui le concernait l’abolition générale et l’oubli du passé : il obtint de plus qu’on lui rendît ses biens et 100000 écus pour dédommagement des pertes qu’il avait subies (il en devait plus de 80000), et il dut sortir du royaume. […] Il passa le premier temps de sa retraite (1630) occupé de la composition de ses mémoires sur les guerres de religion, qui ne furent publiés que plus tard, par les soins de Sorbière, en 164447. […] Rohan vit avec plaisir qu’on prenait confiance en lui, et que les services prochains qu’il pouvait rendre hâtaient l’oubli du passé : il ne quitta point Venise sans s’assurer de l’agrément du Sénat pour la mission où il s’embarquait. […] La manière dont il sut traverser la Suisse à l’improviste sans prévenir les cantons qu’au moment même, étant déjà entré avant qu’on s’aperçût qu’il y dût passer ; la rapidité, la précision de sa marche, la justesse de ses ordres et de ses calculs, tout répondit à sa réputation d’habileté. […] Pour plus de sûreté, et se méfiant même d’une troupe de cavaliers qui avait été vue à Versoix en ce temps-là, il passa le lac et traversa la Suisse par les terres de Berne ; il se rendit à l’armée du duc de Weimar, qui assiégeait Rhinfeld.

163. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Guéroult, cet esprit, ce cœur si dévoué à la cause moderne, a été élevé religieusement ; il a passé par le séminaire. […] On sentait qu’il y avait chez l’altier théocrate bien des vues justes et perçantes, au moins en ce qui était de l’appréciation du passé. […] En fait, aucun de ceux qui ont passé par le Saint-Simonisme, ou qui y ont touché d’un peu près, n’y a passé impunément. […] Si, sous un mauvais gouvernement ou une mauvaise administration, sous une faible police, fût-elle républicaine, je ne puis rentrer chez moi passé minuit sans risque d’être assailli et dévalisé, je n’ai pas pleinement la liberté de rentrer passé minuit, tandis que sous une administration vigilante, qui éclaire les rues, même les plus écartées, et qui les surveille par ses gardiens, j’ai cette liberté de rentrer à l’heure qu’il me plaît. […] Tâchons pourtant, en France, de ne pas nous en passer trop souvent.

164. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

De mon temps, il ne passait pas pour un grand jurisconsulte, ni pour un avocat utile ni aux autres ni à lui-même. […] Voilà comment en jugeait le bon sens un peu cru, et longtemps après que la première séduction était passée. […] Malherbe passait des années à faire une ode et à retoucher une strophe : Patru était de cette école. […] Je lui promis que je le suivrais, et que, s’il ne marchait devant moi, je passerais le premier. […] « Tout cela fut trouvé fort joli. » Enfin, pour donner l’image et la représentation d’une séance complète, on passa à la lecture d’un article du Dictionnaire.

165. (1925) Dissociations

Voyez ce qui se passe à Alzonne. […] Pourtant, huit cents ans sont bientôt passés. […] Qu’il se passe donc d’étranges choses au fond de la mer ! […] Toutes les républiques du Pacifique y passeront. […] Camoens avait cet avantage de ne pas tenir beaucoup de place et même de passer inaperçu, attendu qu’on ne passe guère dans son avenue.

166. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Et me promenant dans la demeure de ce grand passé, il me prend une tristesse, en pensant à la petitesse du présent. […] Un désert où passent des voitures vides. […] la grande jouissance, après ces temps, si implacablement beaux, de passer la soirée à entendre la pluie tomber, goutter, avec son doux bruit, sur les feuilles. […] Dix ou douze ans se passaient, au bout desquels, un médecin venant le chercher, et lui rappelant sa consultation, le menait chez Henri Heine. […] Du reste m’étant couché ce matin à trois heures, je suis mort de fatigue, et n’ai qu’une vague conscience de ce qui se passe.

167. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Des années passèrent ainsi. […] Pourquoi ne saurait-il durer, ce passé irrévocable ? […] Était-ce cette espèce d’attendrissement que porte avec soi tout ce qui est du passé ? […] Mais c’est alors justement que l’orage est passé. […] » Nous avions passé la rivière.

168. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Balzac me dit une fois qu’avant que d’être content d’un certain billet au maire d’Angoulême, il y avoit passé plus de quatre matinées. […] Cette dernière qualité plaît surtout dans la jeunesse ; prenez garde qu’elle ne passe avec elle aussi, comme une fleur ou comme un songe. […] Les anciens avaient remarqué que de toutes les écoles de philosophie on passait dans celle d’Épicure, mais qu’une fois dans celle-ci on y restait et qu’on ne passait point à d’autres. […] Il est vrai que tout cela se passait en carnaval49. […] Le plus sensible est celui de l’amour ; mais il passe bien vite si l’esprit n’est de la partie.

169. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

L’homme, ayant pris confiance dans sa force au Dix-Huitième Siècle, a rêvé des destinées nouvelles ; il a abdiqué le passé, rejeté la tradition. et s’est élancé vers l’avenir. […] Mais s’inspirer uniquement du passé, refaire ce qui a été fait, c’est imiter, c’est traduire ; c’est manquer son époque ; c’est faire de l’art intermédiaire, de l’art qui n’a pas sa place marquée dans la vie de l’art. […] Que sont devenus, je le demande, dans leur développement même, ceux qui se complaisaient, il y a quinze ans, à reconstruire le passé et à farder leur muse d’un vernis de Christianisme ? […] Un tel état de l’âme est une grave, une affreuse maladie, bien que cette maladie vaille mieux que le calme de l’incrédulité pure, ou que le calme de la religiosité du passé. […] Le roman dure deux ans, suivant toujours les vicissitudes des saisons ; et Werther, après avoir passé par l’extrême délire en été, s’affaisse avec l’automne, et se tue en hiver.

170. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

L’une consiste à donner une idée générale de ce qui va se passer dans le cours de la pièce, par le récit de quelques événements que l’action suppose nécessairement. […] L’étonnement qu’il montre en entrant dans l’intérieur du sérail, fait voir qu’il s’est passé quelque chose d’important dans son absence, et qu’il ne peut savoir. […] Aussi cette exposition passe-t-elle pour un modèle unique en son genre. […] Ainsi, quand ils viennent rendre compte de ce qui s’est passé sous leurs yeux, ils sont dans cet état de trouble qui naît du mélange des passions. […] Pendant qu’on passe en revue une longue file de circonstances, le feu se ralentit nécessairement, et l’impression qu’on veut faire sur l’auditeur languit en même temps.

171. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Sans le vouloir, elle passe à la Cour, a la ville, chez l’étranger, et dans la République des Lettres pour une des premières femmes de sa nation et de son siècle. […] Pomme (un médecin en renom pour le traitement des maladies nerveuses et des vapeurs), de qui elle attend sa guérison, et qui habite dans cette ville, l’ont déterminée à s’y établir pour y passer l’hiver. […] Le jeune prince avait passé quelque temps chez elle à Auteuil, à la condition qu’elle lui rendrait sa visite à Stockholm. […] Croirait-on que jusqu’à ces derniers temps, l’existence de Mme de Boufflers, passé ce moment de 1789 et ce dernier voyage qu’elle fit en Angleterre, était restée un problème, et que cette figure si animée et si constamment en vue s’éclipsait totalement ? […] Parent-de-Rosan ; elles ont leur éloquence et font rêver sur la vanité du monde, de ses pompes, de ses triomphes, de tout ce qui passe.

172. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

La lune illuminait si bien ce bal improvisé, qu’on pouvait se passer d’autres lumières. […] Que s’est-il passé ? […] Que s’est-il donc passé dans l’intervalle ? […] L’adolescent, tout en restant écolier encore, a passé d’un âge à l’autre ; il a franchi la ligne qui sépare l’enfant du jeune homme. […] tout ce passé perdu revient à peu près au même.

173. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

On compte les heures ; il ne faut point passer les vingt-quatre. […] Quand on peut se passer d’entr’acte et frapper coup sur coup sur son parterre, c’est mieux. […] Il éloigne Rodrigue, le fait passer dans une autre pièce, et l’on va supposer qu’il a été atteint d’une blessure mortelle et qu’il a péri dans sa victoire. […] Cette trop généreuse infante passe son temps à donner ce qui ne lui appartient pas. […] On l’a dit avec vérité : tout ce qui passe par la France, à une certaine heure, va vite en célébrité et en influence.

174. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Que s’est-il passé littérairement de saillant, de sensible à tous, depuis quelques années ? […] Et la jeunesse a pu être trompée en cela par bon nombre de ceux qui précédaient ; il a passé dans tous les rangs comme un souffle de relâchement et de confusion. […] ni d’harmonie idéale comme les grands siècles tant cités, les choses pourtant étaient loin de se passer de la sorte. […] Celui de jeunesse, bien qu’il passe plus vite et qu’il cesse en quelques printemps de ressembler, est pourtant très-essentiel. […] Le temps des essais, des escarmouches brillantes est dès longtemps passé ; on a déjà dû livrer sa grande bataille.

175. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Les choses se passent comme si les deux doubles trajets étaient égaux, comme si la vitesse de la lumière par rapport à la Terre était constante, enfin comme si la Terre était immobile dans l’éther. […] Et les choses se sont passées comme dans l’expérience Michelson-Morley, avec cette différence toutefois que les miroirs ont été remplacés par des personnes. […] L’observateur immobile dans l’éther suivra d’ailleurs de point en point ce qui s’est passé. […] Pour le temps comme pour l’espace, j’aurai passé de mon point de vue au tien. » Ainsi parlerait Paul. […] Mais, pour le spectateur immobile sur la rive, le bateau s’est contracté quand il a passé du repos au mouvement, le Temps s’y est dilaté, les horloges n’y sont plus d’accord.

176. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

A une époque comme celle-ci, où la marche est libre, dégagée, où il ne s’agit point de renverser le mauvais, mais seulement de ne plus le reconstruire, où les passions ardentes et aveugles ont cédé à une raison calme, patiente et vigoureuse, il faut se garder des fausses analogies ; et, puisqu’on a tout loisir d’étudier le passé, de le comparer avec le présent et d’en tirer des leçons, puisque l’expérience est invoquée à chaque instant, il importe de ne point s’abuser sur ces réponses de l’histoire, et que le passé, au lieu de nous éclairer, ne nous embrouille pas. […] On dirait en effet, après ce qui s’est passé dans les rues de Paris pendant trois jours, qu’il n’y a plus qu’à accorder le moins de nouvelle liberté possible ; car chaque part de liberté nouvelle devant augmenter l’appétit démocratique, nous serions bientôt en proie au parti populaire ; la chambre des députés, qui se trouve précisément dans le cas de la Constituante, serait vite dépassée par une Législative ; et Dieu sait ce qu’il adviendrait alors ; il n’y aurait plus qu’à se voiler la tête et à tendre le cou comme les Girondins, à moins d’oser être Montagnard : Di meliora piis ! […] Si ce n’était pas l’état de la société en 1830 ; si après ce qui s’est passé durant ces trois jours fameux et tout ce qui en est sorti, il y avait encore dans le pays les mêmes éléments de passions et de désordres qu’aux deux époques précédentes, je craindrais fort que la méthode politique de nos trembleurs ne nous sauvât pas plus que la méthode expectante en médecine ne sauve un homme jeune et vigoureux qui a le délire au cerveau. […] Au 14 juillet, l’orage populaire commençait ; toutes les haines amassées par l’ancien régime et descendues jusque des hauteurs du moyen âge débordaient à la fois, prêtes à entraîner dans leur cours, bastilles, palais, églises et châteaux : avant que ces haines, nourries durant des siècles, fussent taries, que ces passions implacables fussent étanchées, il fallait des monceaux de ruines, des torrents de sang ; il fallait de longs intervalles d’oubli, des révulsions puissantes ; il fallait surtout que rien ne restât debout du passé pour irriter les souvenirs. […] Charles X, son fils, et son petit-fils, sortirent de France à pas lents, et du passé contre lequel s’arma 89, il ne demeura plus un vestige.

177. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

La composition m’en a paru très belle ; c’est la chose comme elle a dû se passer. […] L’accordée debout aussi, un bras passé mollement sous celui de son fiancé ; l’autre bras saisi par la mère qui est assise au-dessous. […] Derrière ce groupe, un jeune enfant qui s’élève sur la pointe des pieds pour voir ce qui se passe. […] Sans s’intéresser à ce qui se passe, il regarde les papiers griffonnés, et promène ses petites mains par-dessus. […] Il faut avouer que tout cela est d’une convenance parfaite avec la scène qui se passe, et avec le lieu et les personnages.

178. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Zola visite les lieux où son action doit se passer. […] Zola a passé des heures dans ce théâtre ; il l’a visité de fond en comble, et en a dressé lui-même un plan très exact. […] Les deux amis passèrent quelques heures à étudier la question. […] Bouchons-nous seulement le nez quand nous passons ! […] Pour retrouver l’origine de ce mouvement, vieux comme le monde, il faudrait remonter bien loin dans le passé.

179. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Nous avons passé de bonnes soirées à la chaumière. » En lisant cette page, on est très certainement ému. […] Passons aux comédies en prose que l’œuvre de M.  […] Nicolas Becker démontrait surabondamment que nous n’avions jamais passé le Rhin. […] Janin, ce serait déjà sortir du rôle réservé que je me donne, et vouloir passer pour un railleur. […] Il osa se passer de tout cela et il fit bien, qui plus est ; car il donna à son public une nouveauté.

180. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Margueritte de peindre sous des couleurs aussi vives ; et qui semblent palpiter, un tel passé de tristesse. […] Dans la nation actuelle, issue de la Révolution, l’individu a tous les droits que le passé conférait seulement au groupe familial. […] Attachés au passé, nous entreprendrons de préparer un avenir qui s’harmonise avec lui. […] L’idée « du passé opprimant le présent » est le principe qui anime les Morts qui parlent. […] Il s’est plongé dans le passé lui aussi ; il a exploré ce sol de la Savoie où sa famille a vécu longtemps.

181. (1933) De mon temps…

Il le faisait passer outre à ses préférences personnelles. […] Ce furent des journées délicieuses et qui passèrent vite. […] Tout s’y passa avec une émouvante simplicité. […] Il était souffrant et m’avait demandé de passer chez lui. […] Le temps passe et l’heure de se séparer est venue.

182. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Seulement, quand vous avez passé Valladolid, il faudra laisser la route de Ségovie de côté et prendre l’autre. […] Je ne veux point de votre escorte. » — J’ai passé, n’ai rien vu, et me voilà. […] Plus loin, tu peux t’en passer. […] ) Savez-vous que l’empereur m’a donné l’année passée cinquante mille livres de rentes ? […] Je passe avec le général Thiébault dans son cabinet.

183. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Se souvenant qu’il avait autrefois lui-même insulté et sans doute calomnié bien des noms, il dut faire son mea culpa, un retour sur son propre passé : je n’en vois pas assez la trace dans ses derniers vers. […] Il y avait de la maladie dans cette disposition ; il y avait du converti violent, de l’homme qui avait passé d’un excès à l’autre sans jamais habiter dans l’entre-deux. […] On dirait qu’il s’est passé des siècles entre les deux descriptions, tant le même objet y est présenté sous un jour différent et contraire. […] — Le sang fume sur l’hécatombe, L’impie et le tyran frappent sans se lasser, Détourne tes regards et laisse-les passer ! […] Il rend à l’aimable et douloureux génie tous les hommages que lui doivent les générations filles ou sœurs, mais il ne lui passe point son mépris de toute humanité, de toute réforme supérieure, ses airs de débauche, son indifférence affichée pour tout ce qui n’était pas Ninette ou Ninon.

184. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Comment se fait-il que, dans les ouvrages d’esprit qui ont plu en naissant à de bons juges, il entre ainsi toute une partie qui se mortifie avec le temps et qui passe ? […] Bref, il savait faire toutes sortes de personnages avec tant de grâce et d’agrément, qu’il était difficile de se passer de lui quand il voulait bien prendre la peine de plaire. […] Mais cela est touché à point et de ce tour qui fait tout passer. […] Quand son héros passe à la cour d’Angleterre, la manière de l’historien change un peu ; on entre dans une série de portraits et dans une complication d’aventures où l’on a quelque peine d’abord à se démêler. […] On noterait deux ou trois traits pareils d’un goût équivoque, et ce ne serait que justice chez un railleur qui ne passe rien.

185. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Il ne voyait rien de ce qui se passait, et avait seulement l’écho de l’émotion populaire par des gamins, montés sur des arbres. […] Quand ma pensée va à cette nomination, elle ne s’y arrête pas, comme elle s’arrête aux événements de votre vie qui, vous donnent de la sincère joie, et passe de suite à autre chose. […] Ces chants d’église balancent en moi, tout le douloureux de mon passé, et moi, le sceptique, l’incrédule, sur lequel l’éloquence de la chaire ne pourrait mordre, je sens que je serais convertissable par du plain-chant, ou de la musique qui en descend. […] Flammarion, l’astronome, déjeune avec nous, et après déjeuner, se livre à une célébration enthousiaste de l’aérostation, célébration qui me fait lui dire, en riant : — Auriez-vous passé votre lune de miel, en ballon ? […] Alors succédaient les biographies d’art et les livres historiques, écrits un peu sous ma pression, et la tendance naturelle de mon esprit vers la vérité du passé ou du présent : œuvres, où il y avait peut-être un peu plus d’appoint de moi, que de mon frère.

186. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Buloz a passé près de ce comédien sans le voir et sans l’entendre. […] Quatre volumes y passèrent. […] Passons à M.  […] Passons à George Sand. […] Passons à moi.

187. (1929) Amiel ou la part du rêve

Sentez passer d’un vieux sur un jeune visage le feu tournant de Genève ! […] Ils avaient passé leur vie et écrit leur œuvre dans leur pays. […] Frederika passe cet été de 1857 en Suisse. […] Elle dit un jour à Amiel qu’elle se plairait à passer sa vie avec lui. […] Mais tout ne passe point hors d’eux, rien ne se passe hors d’eux, parce que leur communication avec l’univers subsiste, que leur cordon ombilical avec les Mères n’est pas coupé.

188. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Il a comparé très joliment cette opération difficile de mettre dans un sonnet un peu plus qu’il ne peut tenir, et sans pourtant le faire craquer, à cette difficulté de toilette bien connue des dames et qui consiste à passer une robe juste et collante. […] Ceux de nos maîtres qui n’y étaient point intéressés par curiosité et par goût s’en sont passés, et n’ont eu que faire de cette prison. […] Il s’agit d’une de ces beautés à la mode qui baissent et qui savent encore réparer ; à force de toilette et d’art, les premières traces des années ; mais qu’une jeunesse toute simple passe dans sa fraîcheur à côté d’elles, et les voilà trahies, éclipsées. […] Ce n’est pas un de ces sonnets savants, fortement pensés, habilement ciselés, comme Soulary sait les faire ; c’est un sonnet tendre et chaste : un souffle de Pétrarque y a passé. […] j’aurai passé près d’elle inaperçu, Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire ; Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre, N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

189. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Ses livres passent les mers & traversent les Alpes. […] Elle se passa très-bien. […] Ils l’instruisirent de ce qui s’étoit passé, le prièrent d’ordonner lui-même du sort du novateur. […] En y allant, il passe à Cluni, monastère célèbre. […] Il passa de bien loin les artistes, les arts.

190. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VI. La littérature et le milieu social. Décomposition de ce milieu » p. 155

Il faut donc encore étudier les rapports que chaque époque a pu avoir soit avec le dehors, soit avec le passé et ces rapports, comme tous ceux que nous avons à relever, sont de trois sortes. […] Tantôt donc on découvrira une coïncidence entre ce qui s’est passé en France et ce qui se passait vers le même temps chez les nations voisines ; c’est le cas, par exemple, pour le retour à la nature qui a été un des faits saillants du dix-huitième siècle. […] Quand nous aurons passé en revue tous ces facteurs sociaux de l’évolution littéraire, nous aurons enfin rassemblé tous les éléments qui nous permettront d’esquisser la formule d’une époque donnée.

191. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

La beauté des campagnes, les coteaux qui encadrent Lyon, Grigny où se passèrent les années cachées de la Terreur, lui sont aussi doux à la pensée que la terre de Milly à Lamartine. […] Le livre du Sentiment, publié en 1801, ne passa point sans être remarqué de quelques-uns ; les journaux de Paris s’en occupèrent. […] Ballanche, l’homme peut faire sa destinée ; mais il ne peut rien sur les destinées du genre humain ; Dieu, dans ses conseils éternels, saura bien se passer de vos pensées mûries avant le temps. […] C’est ce milieu du tableau que j’aime et que j’admire dans l’Orphée ; c’est là que circule le sentiment des temps incertains, cette musique du passé dont M. […] Il a profité pourtant des écrits originaux de ce philosophe qui aurait pu se passer d’être charlatan ; l’idée d’Adam, l’homme universel, et d’Ève qui est la faculté volitive d’Adam, lui a probablement été suggérée par Fabre.

192. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

On peut être tranquille, je ne viens parler ici ni du drame de Cénie, ni même des Lettres péruviennes, de ces ouvrages plus ou moins agréables à leur moment, et aujourd’hui tout à fait passés. […] Pendant les deux mois que Mme de Graffigny fut à Cirey, elle passa par des impressions très diverses. […] C’est là que cette femme singulière, et supérieure bien plus qu’aimable, passait les nuits à l’étude, à approfondir la géométrie et à écrire sur la physique. […] À quoi se passe-t-elle donc ? […] Lorsqu’elle passait à Cirey vingt ans auparavant, elle ne se doutait pas, en jugeant l’excès de susceptibilité de Voltaire, qu’elle serait un jour elle-même auteur à ce point.

193. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Les regrets et les affections, je les conçois, je les respecte ; là où de tels sentiments sincères se rencontrent, on ne peut que passer en s’inclinant. […] Tâchons donc, même quand nous ne prendrions aucun plaisir au temps qui passe, de remonter notre montre tous les soirs et de la tenir à l’heure ; c’est une habitude excellente pour l’esprit. […] Mais plutôt mettez votre honneur et votre supériorité à n’avoir ni dépit ni colère, à garder de vos idées ce que vous en croyez juste et durable, sauf à les confronter perpétuellement avec l’état de la société, à les corriger sans cesse par l’observation de ce monde qui marche et qui change, et qui de nos jours tourne si vite à l’indifférence du passé. […] Maurepas, qui fut exilé vingt-cinq ans dans sa terre, après avoir été ministre et avant de le redevenir, avait passé ce long intervalle avec une légèreté de grand air, qui faisait illusion, même à Montesquieu : « J’arrive de Pontchartrain avec Mme d’Aiguillon, où j’ai passé huit jours très agréables, écrivait-il ; le maître de la maison a une gaieté et une fécondité qui n’a point de pareille. […] Si vous saviez combien de fois il m’avait assuré que nous passerions notre vie ensemble, et que je n’avais pas au monde un meilleur ami que lui !

194. (1922) Gustave Flaubert

Flaubert passait de belles vacances chez les Chevalier aux Andelys. […] Saint Antoine est maintenant du passé. […] La trentaine passée, Flaubert s’est calmé ou résigné. […] La Logique est présente, qui dit à Antoine que puisque ces dieux sont passés, le sien passera. […] Il passe une vieillesse triste.

195. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

quoi le nuage passe ! […] Je passe rapidement sur cette journée. […] Passons la journée où vous voudrez. […] Le temps passe et justice se fait. […] Heureusement que tout cela passe, et que les gens de talent regardent passer et continuent leur chemin.

196. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Il nous dit qu’il se passe des choses, dont nous ne pouvons nous douter, et qu’il nous dira longuement, un jour. […] Enfin, il y a une chose qui m’embête chez le plus grand homme de lettres incontestablement du passé : c’est le défaut d’imagination. […] Et il est décidé — ça me paraît bien prématuré — que la pièce passera, le mardi 19 mars. […] C’est une jeunesse à l’image de la République, elle raye le passé. […] que de souvenirs des bonnes journées de mon enfance, passées à Neufchâteau.

197. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Pourquoi ne pas remonter un peu dans le passé, surtout quand des noms connus et engageants nous y appellent ? […] Plus de trois ans se passèrent avant l’exécution du vœu, pendant lesquels saint Louis fit ses préparatifs et pourvut à l’ordre du royaume durant son absence. […] Toute une moitié de la semaine se passa en fêtes et en danses, et, le vendredi venu, il leur dit : « Seigneurs, je m’en vais outre-mer, et je ne sais si je reviendrai. […] Pour laisser la délibération plus libre, il se lève et sort du conseil, et il en passe sans débat par tout ce qui est décidé. […] Ce n’est pas moi qui suis roi de France ni qui suis la sainte Église ; je ne suis qu’un seul homme dont la vie passera comme celle d’un autre homme quand il plaira à Dieu.

198. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Un grand silence s’est établi, et j’entends comme les voix de mille souvenirs doux et touchants, qui s’élèvent dans le lointain du passé et viennent bruire à mon oreille. […] La pure amitié de la chaste épouse et le bonheur dont il était témoin, sans effacer ni abolir l’autre image, la firent passer à l’état d’ombre légère. […] Je veux coucher ici l’histoire du séjour que j’y ferai, car les jours qui se passent ici sont pleins de bonheur, et je sais que dans l’avenir je me retournerai bien des fois pour relire le bonheur passé. […] Heureux qui regarde, du haut de la montagne, le lion bondir et rugir dans la plaine, sans qu’il vienne à passer un voyageur ou une gazelle ! […] Je marcherai le regard attaché sur ces douces formes, et je passerai sans ressentir aucun froissement.

199. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Il était très ignorant des choses du passé ; il n’avait presque aucune lecture. […] Louis XIV, attentif à tout ce qui se passait dans ces contrées, offre ses services et sa protection à l’Électeur et met aussi de la partie l’Évêque de Munster, prélat guerroyant. […] A peine les premières de mes troupes furent passées, que le prince de Condé, le duc d’Enghien son fils, et le duc de Longueville, qui au bruit du passage avait accouru à toute bride d’auprès du comte de Roye, avec lequel il était détaché, passèrent le Rhin dans une petite barque, et leurs chevaux à la nage. Le prince ne songea d’abord qu’à mettre ce qu’il y avait de cavalerie passée en bataille, afin de marcher ensuite avec un corps réglé aux ennemis, ou pour les combattre, ou du moins pour les inquiéter dans leur retraite. […] Je fis passer brusquement des troupes, afin de fortifier le corps du prince de Condé ; je fis travailler diligemment à un pont de bateaux sur le Rhin, et je demeurai avec mon frère, le vicomte de Turenne, et le reste de l’armée sur les bords du Rhin, pour m’opposer au prince d’Orange, en cas que, sur l’avis du passage forcé du Rhin, il eût pris le parti de passer brusquement l’Yssel et de marcher à moi pour tomber sur l’armée à demi passée et attaquer mon arrière-garde », Vous aurez remarqué ces mots : « le passage qui fut glorieux pour la nation… » ; Louis XIV ne se donne que comme ayant été présent et reporte la gloire sur la nation même.

200. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

le temps se passe, des difficultés surviennent, des troubles à l’intérieur du pays ; et puis, la diffusion de l’esprit nuit à l’œuvre, la science opprime un peu le nerf de l’art. […] Clément Brentano, venu là comme curieux, y est resté comme croyant, et a passé des années à recueillir, presque sous la dictée de l’humble fille, les paroles et descriptions en bas allemand, qui ne tarissaient pas sur ses lèvres. […] Il ne me déplaît pas d’ailleurs de passer à la postérité sous l’habit que vous m’avez fait, et dont je vous remercie cordialement. […] Ce qu’il affectionne le plus, en effet, dans sa polémique, c’est de pouvoir dire à ses adversaires qu’ils ont renié leur passé, qu’ils sont des renégats, et que, par conséquent, ils sont méprisables et vils. […] Son Histoire des Moines d’occident, si éloquente qu’elle soit, montre d’ailleurs à quel point il sait se passer de critique.

201. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Le comble, c’est qu’il a réussi à se faire passer pour un être dangereux auprès de François Coppée, Paul Bourget et Leconte de Lisle qui le signalent comme un écueil à tous les vents de l’opinion. […] À la versification plate et monotone des Parnassiens, ils ont substitué une poésie vibrante et sonore où l’on sent passer comme des frissons de vie. […] Ils ont passé leur temps à bégayer les principes d’une esthétique bizarre, inharmonique au grand Tout et à parader comme des clowns sur les tréteaux de la littérature. […] Mais si nombreuses que soient leurs écoles, elles peuvent facilement se ramener à deux : l’une qui cherche son idéal dans le passé, l’autre dans l’avenir. […] Les autres, malgré l’apparente divergence de leurs idées, ont un principe commun : le Dogme ; ils ne représentent que le passé, sous quelque forme que ce soit.

202. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Le pape, en racontant cela au gouverneur de Rome, voulait passer à ses yeux pour un brave ; mais il ne voyait pas qu’il se faisait aussi passer pour un coupable. […] « C’était ainsi que se passait ma vie, lorsque le cardinal de Ferrare parut à Rome. […] Si quelqu’un de vous ici parle de ce qui vient de se passer, leur dis-je en bon français, il peut être certain de sa mort. […] Je les lui expliquai le plus clairement qu’il me fut possible, et je les passerai ici sous silence, pour n’être pas trop long. […] Cellini devait nécessairement y passer pour se rendre du pont au Change au Petit-Nesle.

203. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Passons ! […] Passons encore ! […] Il passait pour en être le père et le rigide défenseur. […] Mais passons. […] De la simple puissance, elle la fait passer à la réalité entière et complète.

204. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Et voici ce qui se passe. […] » Royer-Collard préféra se retirer dans sa maison de famille, une façon de ferme près de Vitry-le-François, exploitée par sa mère, et là il passa tout le temps de la Terreur. […] Malgré tout ce que je me rappelle de pas gentil à mon égard, j’ai passé une partie de la nuit à penser affectueusement à Burty. […] Toute la soirée s’est passée dans le racontage, et tour à tour par le père et la mère, du mariage de Léon, follement amoureux de Jeanne Hugo, depuis des années. […] Passé midi, plus rien : la lecture des journaux, sa correspondance qu’il faisait lui-même, n’ayant jamais eu de secrétaire, — et des promenades.

205. (1888) Portraits de maîtres

De là comme pour tous les poètes d’alors, le regret du passé. […] Les Latins, les Italiens, les Anglais y passent. […] Il aimait la France comme Thraséas aimait Rome, avec trop d’attache au passé. […] Que n’as-tu senti tout ce qui a passé dans mon cœur depuis quelques jours ? […] L’art et l’héroïsme du passé combattaient encore pour cette terre sainte.

206. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

L’esprit passe sur le visage, l’efface, et le transfigure ; il y palpite, il y tressaille, il y respire ; et mettant en jeu toutes ces fibres invisibles qui le transforment par l’expression, l’assouplissant jusqu’à la manière, lui donnant les mille nuances du caprice, le faisant passer par les modulations les plus fines, lui attribuant toutes sortes de délicatesses, l’esprit du xviiie  siècle modèle la figure de la femme sur le masque de la comédie de Marivaux, si mobile, si nuancé, si délicat et si joliment animé par toutes les coquetteries du cœur, de la grâce et du goût ! […] Mais, en vieillissant, elle sut y mettre tant d’art et de mesure, tant de justesse toujours et tant d’à-propos, qu’on en passait volontiers par sa sévérité et qu’on n’y voyait qu’un jugement sans appel. […] Horace Walpole d’abord, cet ami de Mme du Deffand, juge un peu lestement la maréchale, et non-seulement son passé, mais son avenir. […] Je crois qu’en tout elle aura été assez contente de son voyage… » On distingue bien en tout ceci l’art, le jeu, l’amabilité naturelle, la considération, et aussi cette crainte qu’on avait de ne pas réussir auprès d’elle, même d’égale à égale. — D’autres visites et voyages à Chanteloup se passent encore mieux les années suivantes : « La chatte rose est tout aussi douce et aussi aimable cette année (mai 1772) que l’année passée. » Elle s’accorde avec tous. […] Ce souper, tout à l’heure annoncé avec tant d’aigreur, se passe à ravir, et, le lendemain matin, Mme du Deffand fait amende honorable : « J’eus hier la compagnie que j’attendais.

207. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Il vivait à Paris en gentilhomme élégant et spirituel, dans ce temps où la noblesse et l’élégance étaient à la fois, comme la restauration elle-même, un retour vers le passé et un élan vers l’avenir. […] Je m’installai, avec ma malle, dans une petite chambre de son appartement, où personne ne passait, et qui communiquait avec la sienne. […] Je n’éprouvais aucun besoin de sortir ; ma respiration était tout intérieure ; je passais le jour à attendre le soir. […] Ce livre était bien plus qu’un chef-d’œuvre, c’était un mystère ; c’était bien plus encore, c’était un sentiment, une résurrection, un passé évoqué de toutes les tombes, de tous les cœurs. […] Le monde a soif de justice ; l’engouement nécessaire à toute vérité en Europe passe enfin du côté des persécutés.

208. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Un nuage vient de passer sur leur ciel, une de ces brouilles qui se fondent dans des raccommodements délicieux. Trois jours passés sans se voir ! […] Or, un beau soir, la dame était à l’orage, un vent de fièvre avait passé sur ses nerfs : elle riait, elle étincelait, elle passait d’une gaieté convulsive à une stupeur morne. […] Mais, ce qui nous passe, c’est l’air de triomphe que prend d’Estrigaud, après avoir lâché cette sottise. […] La pièce est remplie de ces questions sans réponses : passons donc et n’insistons pas.

209. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Pendant tout le temps que le jeune Joseph passa à Turin pour suivre le cours de droit à l’Université, il ne se permit jamais la lecture d’un livre sans avoir écrit à son père ou à sa mère à Chambéry pour en obtenir l’autorisation. […] Il vécut trois ou quatre années en Suisse, particulièrement à Lausanne, y vit tout ce qui y passait de distingué, surtout Mme de Staël, à qui il tint tête, et qui le jugea dès lors un homme de génie. […] Ces scènes à mourir de rire qui s’étaient passées entre Mme de Staël et lui, M. de Maistre les appelait, aussi ses Soirées helvétiques, et il est dommage qu’il n’en soit rien resté. […] Je ne passerai pas de meilleures soirées que celles que j’ai passées chez elle, les pieds sur les chenets, le coude sur la table, pensant tout haut, excitant sa pensée et rasant mille sujets à tire-d’aile… Elle est partie, et jamais je ne la remplacerai ! Quand on a passé le milieu de la vie, les pertes sont irréparables… Séparé sans retour de tout ce qui m’est cher, j’apprends la mort de mes vieux amis ; un jour les jeunes apprendront la mienne.

210. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

De là il passa à la composition de son Histoire ancienne, dont il donna treize volumes en huit années. […] Son sujet n’est le plus souvent qu’un prétexte à de beaux extraits tirés de Cicéron, de Pline, d’Homère, dont il nous fait passer sous les yeux les beautés choisies. […] Rollin, dans ses vingt dernières années, passait souvent à Colombes d’heureuses saisons en compagnie du maréchal et de l’abbé d’Asfeld, ses amis. […] Les ruines les environnent, et ils passent devant elles sans éprouver seulement la curiosité ordinaire à un voyageur : ils ont déjà oublié ces temps d’une éternelle mémoire. […] Aujourd’hui, s’il faut en toucher un mot, d’autres générations sont venues et ont pris rang, animées elles-mêmes d’une inspiration toute différente, mais qui n’ont pas fait pour cela un seul pas de retour vers le passé ; car le passé, pour la masse des générations humaines, ne revient jamais.

211. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Dans ce rien méprisé par l’histoire des temps passés, dans ce rien, chiffon, poussière, jouet du vent ! […] Miroir magique où se passe l’intention visible, et la pensée nue ! […] Bien des ventes se passent sans vous rien apporter sur l’homme que vous poursuivez. […] L’âge légendaire de la Grèce est fini ; l’âge républicain de Rome est passé. […] Nous avons cherché le passé partout où le passé respire.

212. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Il évoquait l’âme des morts et l’esprit des temps passés. […] Mais ces reliques du passé deviennent de plus en plus rares. […] La sensualité nue passe pour vulgaire. […] Un hardi compagnon grimpa jusqu’au haut et passa une corde au cou de Napoléon, dont la statue en bronze se dresse sur la colonne. “— Passe-la au cou du tyran ! […] Il est devenu troupier ; il est en passe (Dieu me pardonne !)

213. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Elle m’a tout raconté ce qui se passe ici. […] Une lanterne passait dehors sous le hangar. […] « Allons, Schwartz ; allons, Horni… retournez-vous… laissez-moi passer !  […] » Tout cela lui passa devant les yeux, et bien d’autres choses encore. […] Le percepteur l’engage à l’accompagner dans une tournée pour passer le temps.

214. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Il eut, en un mot, une saison morale toute poétique et divine, quatre mois célestes et fugitifs qui suffisent à illuminer tout un passé. […] Dans l’intervalle, il s’était passé deux événements. […] Quoi qu’il en soit, tout se passa dans le domaine de l’imagination. […] Il a toujours considéré le temps passé dans votre famille comme le plus heureux de sa vie. » Sur ce point, Goethe est invariable. […] Je te dis cela en ma qualité d’homme du monde, qui apprend peu à peu comment les choses se passent.

215. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Les trois premières journées se passèrent régulièrement, chacun des orateurs inscrits montant à son tour à la tribune et venant y développer ses arguments pour ou contre la loi. […] Que si l’on en vient aux questions, on pourrait même se demander si, en se décidant à passer d’un système à l’autre, le meilleur moment et le plus propice a été choisi. […] Tout cela n’aboutit qu’à gêner le talent : la satire trouvera toujours moyen de passer à travers les mailles du réseau. […] Messieurs, les choses ne peuvent pas se passer de cette façon-là, on n’entend pas un mot. […] Mais même à ne regarder que le passé, ô France !

216. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Après qu’enfin on eut retrouvé le calme et le loisir, on se mit à rappeler le temps passé ; on le rêva dans le présent, on le chanta avec ses joies sans retour évanouies. […] Une Esquisse sur la poésie érotique, où l’écrivain passe en revue les divers auteurs qui ont cultivé ce genre, depuis Homère jusqu’à madame Dufresnoy, depuis la Bible jusqu’aux Amours des anges, nous a paru également intéressante et instructive. […] Ses premières années, qu’il passa à La Haye, furent cultivées avec les soins en usage dans l’exacte discipline d’alors. […] Qui le lirait, hors les savants, si le choix du sujet ne faisait passer sur le choix du langage ? […] Tissot, déjà honoré à sa première publication du suffrage de Chénier, nous paraît un service de plus rendu par le respectable écrivain à la poésie et aux lettres latines, dont il fait passer dans notre langue une des plus agréables productions.

217. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Il n’en faut pas davantage pour renouveler les méthodes appliquées à des branches d’études qui passaient autrefois pour être presque exclusivement littéraires. […] On relève les transformations microscopiques par où ont passé les mots, les lettres, les sons ; on analyse à la loupe les métamorphoses incessantes de la vie linguistique d’une nation. […] Je crains que ces ouvrages, où le vrai et le faux, le réel et le chimérique s’enchevêtrent d’une façon inextricable, ne satisfassent guère, passé un certain âge, ni la raison ni l’imagination. […] Et qu’on ne craigne pas la disparition de ce mystère, de cette pénombre chers aux rêveurs et aux défenseurs de la poésie du passé. […] Les figures imparfaites dont elles se servent pour l’invention ou la démonstration ne sont qu’un auxiliaire dont elles peuvent se passer.

218. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari pourrait passer pour un millionnaire en idées, mais il n’en est rien, et c’est le contraire qui est le vrai. […] C’est dans le règne du passé et de la mort que la fatalité révèle sa force inexorable à l’œil le plus vulgaire. […] Est-ce qu’elle n’est pas la faute passée en acte ? […] Regarde et passe ! […] Tout pour lui s’y passe et y revient dans d’intraitables et d’éternelles combinaisons.

219. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Paul quitte brusquement le système animé de la vitesse + v par rapport à la Terre et passe dans le système de vitesse — v. […] Le personnage succède à la peinture, Paul référé redevient Paul référant ou capable de référer, dès qu’il passe du mouvement à l’immobilité. […] En S″ aurait passé le temps fantasmatique. […] À tout instant, d’ailleurs, il y aura encore réciprocité entre S″ et S′ : si l’observateur en S″ se transportait en S′, aussitôt S′ s’immobiliserait et toutes les accélérations qui étaient en S′ passeraient en S″ ; les Temps ralentis, simplement attribués, passeraient avec elles en S″, et c’est en S′ que serait le Temps réel. […] Doublement fantasmatique sera alors la notation faite par lui de ce qui se passe en S′ ; ce sera une représentation attribuée à un observateur qui n’est lui-même qu’une représentation.

220. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

(Benjamin) passe l’hiver à Paris. […] Enfin le grand fleuve passera sur tout cela, j’espère. […] Elle avait passé auprès de lui, à Lyon, les derniers mois de 1812. […] Il passe tout son temps renfermé seul au fond de son palais. […] — Quelle douce soirée nous avons passée hier !

221. (1904) Zangwill pp. 7-90

Au plus fort de juin, les nuages passent en troupes, et souvent dès février, la brume enveloppe les arbres de sa gaze bleuâtre sans se coller en givre autour de leurs rameaux. […] Un historien doit conserver, au contraire ; il est essentiellement un conservateur de l’univers passé ; comment conserver, si on brise. […] Dans un siècle, l’humanité saura à peu près ce qu’elle peut savoir sur son passé ; et alors il sera temps de s’arrêter ; car le propre de ces études est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir. […] On conçoit ainsi une conscience qui résume toutes les autres, même passées, qui les embrasse en tant qu’elles ont travaillé au bien, à l’absolu. […] Indications indispensables, en ce sens que nous ne retiendrons que ce dont nous ne pouvons rigoureusement pas nous passer ; mais indications indispensables en ce sens aussi qu’elles sont capitales et commandent tout le reste ; et c’est pour cela que nous ne pouvons pas nous en passer.

222. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Nous sommes avec un esprit sage, prudent, modéré, doué des qualités civiles ; il a ses préférences, ses convictions ; il ne les cache pas, il les professe ; mais nous sommes aussi avec un esprit droit qui ne procède point par voies obliques ; lui du moins, en écrivant l’histoire, il ne songe à faire de niches à personne (ce qui est indigne d’esprits éclairés et mûrs, ce qui fait ressembler des hommes réputés graves, des hommes à cheveux gris et à cheveux blancs, à de vieux écoliers malins tout occupés à jouer de méchants tours à leur jeune professeur) ; il ne pense pas sans cesse à deux ou trois choses à la fois, il ne regarde pas toujours le présent ou l’avenir dans le passé : il étudie ce passé avec scrupule, avec étendue et impartialité, et il nous permet de faire avec lui, ou même sans lui, toutes sortes de réflexions sur le même sujet. […] La propriété même avait en grande partie passé en d’autres mains, et les débris de l’Ancien Régime étaient si complètement dispersés qu’un aveuglement extrême pouvait seul concevoir la pensée de les rassembler pour le reconstruire. […] L’abbé de Montesquiou le dit un jour très vivement au roi, à propos de M. de Blacas : « Votre Majesté ne doit pas oublier que, si les Français ont passé à leurs souverains toutes leurs maîtresses, ils n’ont jamais pu supporter un favori. » La politique de Louis XVIII, à son meilleur temps, fut viciée au cœur par le favoritisme. […] Guizot : « Il a la force, mais M. de Serre avait la grandeur ; son éloquence à lui se passait dans une région supérieure, — que vous dirai-je ? […] Clausel de Coussergues qu’on fait passer par toutes sortes d’orthographes (t. 

223. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

A ceux qui seraient tentés de s’inscrire en faux contre une telle affirmation révolutionnaire, je proposerai l’exemple des siècles passés. Combien le passé nous présente, à cet égard, d’enseignement et combien l’avenir s’éclaire à sa lueur ! […] Si nous passons des lettres aux arts, nous découvrons le même phénomène La peinture, par exemple, n’admettait avant ce siècle qu’un nombre restreint de sujets, interprétés d’une certaine manière, susceptibles de prétendre à la dignité de l’art. Dès lors, pour quelle sorte d’hommes auraient pu passer, à la Renaissance, les Degas, les Manet ou les Raffaëlli, qui ont prouvé, par leur exemple, que tout objet, tout spectacle, tout être, contenait autant de réelle beauté qu’une Madone ou qu’un gentilhomme en prière ? […] Si vous soutenez que l’on peut attendre de l’architecture métallique des effets de beauté au moins égaux à ceux dont le marbre et la pierre ont jusqu’ici fourni la preuve, vous passerez pour un vulgaire « philistin ».

224. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Un vague sourire passe et disparaît sur son visage. — Galopin d’enfant ! […] oui, mon amour, quand tu m’embrasses, il me passe des frissonnements partout. […] Vous savez, toutes les fois que vous passerez par ici, vous avez vos entrées. […] Nous pouvons nous passer de religion parce que d’autres en ont pour nous. […] D’autant plus qu’il affirme que les choses se passent comme si elle existait.

225. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Tismet lui passe des compresses. […] Faites passer.” […] J’en passe de plus épouvantables encore. […] La scène se passe sur un paquebot. […] La mode artiste passe comme toutes les autres modes.

226. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Passons alors au théâtre. […] Passons maintenant à la comédie. […] Quand une scène comique a été souvent reproduite, elle passe à l’état de « catégorie » ou de modèle. […] Passons à une forme moins générale. […] Du calembour on passera d’ailleurs par gradations insensibles au véritable jeu de mots.

227. (1932) Les idées politiques de la France

Ils ont passé du suffixe fort au suffixe faible. […] L’école unique passerait-elle au référendum ? […] Quarante-deux ans ont passé. […] ce Méridional passait le charbon sur elle, comme les républicains, soldats de l’alliance russe, avaient passé le charbon sur la Pologne. […] Son canot du lac Léman ressemble à celui du batelier qui a à passer le loup, la chèvre et le chou, et qui n’en peut passer qu’un à la fois.

228. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

J’y passais des journées entières à le voir travailler et à respirer la poussière de son génie à chaque coup de ciseau. […] J’ai passé autant d’heures de contemplation délicieuses au pied du mausolée de Clément XIV, à Saint-Pierre, entre le Génie de la Mort et les lions de la force au repos, que j’en ai passé au pied du mausolée de Julien de Médicis, par Michel-Ange, à San-Lorenzo de Florence. […] Détourne la tête et va passer cette belle automne seul, selon ta coutume, sous les ardoises de Saint-Lupicin ! […] et passe ainsi tes jours dans les extases d’une passion pétrifiée et toute divine, et ne te mêle ni à la politique, ni à l’ambition, ni à rien de ce qui passe ; enrichis ton âme et la nôtre des seuls biens qui ne passent pas, la contemplation de ce qui est éternellement beau dans les lieux, dans les formes, dans la pensée, dans la poésie, sans en tirer ni salaire, ni orgueil, ni gloire vaine, mais en en tirant le bonheur de vivre et d’entrevoir ainsi avec certitude le but de la vie et de la mort, le grand et le beau. […] Heureux les hommes par lesquels passent ces souffles divins !

229. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Pourquoi y a-t-il des romanciers distingués dont toute l’œuvre aura passé sans que j’aie dit le plaisir ou l’estime qu’on leur doit ? […] Il semblait qu’on passât d’une chambre étouffante à une pièce où il y avait de l’air et où l’on respirait. […] Un point y est très-bien observé : la crise des honnêtes femmes, passé trente ans et aux approches de quarante. […] En fait, les personnages étant ce qu’ils sont et les choses ainsi posées et amenées, que se passerait-il dans le monde, dans la vie réelle et hors du roman ? […] Son front même est ombragé de cheveux noirs comme dans sa première jeunesse, et l’on ne se douterait pas que la main du temps y a passé.

230. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Guizot, acceptant ou subissant celles-ci, devait faire passer la morale et le christianisme avant tout ; ce qui semblait progrès à l’un aurait bien pu paraître un recul à l’autre. […] Le génie du siècle, on le répète assez souvent, c’est l’industrialisme ; les intérêts matériels dominent : il ne s’agit pas de s’en passer, mais de les pénétrer, de les animer, s’il se peut, de les passionner en les ennoblissant. […] On cherche dans le passé les noms des quelques hommes qui ont assez aimé la science et la société en elles-mêmes pour s’y vouer avec cette ardeur. Ceux qui n’ont pas connu Condorcet, qui ne l’ont étudié qu’en gros et qui ne le jugent que par son dernier livre et par sa mort, croient qu’il avait en lui cet esprit du sacrifice moderne, ce feu sacré qui se passait d’autel. […] Lemercier qui, après quelque préambule, venait le sommer de supprimer le nom, attendu que Mme Lemercier ne pouvait passer dans cette rue sans que cela lui fît une impression pénible.

231. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

… » Le pis, c’est que la méthode autoritaire, dogmatique, passait de la théologie aux autres branches du savoir humain. […] Si l’on désire voir la littérature réagissant à son tour sur l’éducation, il suffit de regarder ce qui se passa quand ce même moyen âge fut à l’agonie. […] Vous avez là sous une forme plaisante l’image de ce qui se passe dans ces jeunes esprits, quand, au sortir du collège, ils se trouvent aux prises avec la réalité. […] C’est d’abord un dédain profond du passé le plus proche. […] Bien que l’auteur m’eût demandé communication de mon livre épuisé en librairie, il a jugé bon de le passer sous silence.

232. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

« À vingt et un ans, il avait terminé son droit et passé ses examens. […] Je passe les nuits au travail ; ne lui en dis rien, car elle s’inquiéterait. […] … Oui, mais ils passent leur temps entre le gruyère et le savon. […] Il faut, comme lui, glisser sur cette jeunesse qui passe comme un orage du matin. […] À quoi bon la fortune et les jouissances quand ma jeunesse sera passée ?

233. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

C’était quelque chose qui vous parlait discrètement, passait, filait dans le lointain. […] Il avait du reste passé sa vie à citer des vers de La Pucelle… toujours faux. […] Il passe le reste du dîner à me faire de petites confidences intimes. […] Il croit l’avoir décidé à partir pour Pierrefonds et à aller passer l’hiver à Nice. […] Lard, salé, farine, tout y passe.

234. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Barbier, qui passe sa vie à courir après M.  […] — Elle a passé deux fois auprès du buffet sans me demander à boire. […] bien oui. — La neige fond en la voyant passer. […] La pièce fit passer les ponts à tout Paris. […] Je passe la main à un maître du genre descriptif intelligent.

235. (1903) Le problème de l’avenir latin

Les nouveaux venus sont enlacés à leur tour par le passé et par la tradition. […] Le passé était trop lourd, la tradition trop enracinée. […] Tout ce qui appartint au passé sera pacifiquement ou violemment écarté. […] C’est probablement que l’expérience du passé a porté ses fruits. […] Sur les vieux territoires saturés de passé, les germes ne peuvent grandir.

236. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Il passait les années insensibles du déclin dans sa retraite de Vienne, dans sa petite maison du rempart ou dans son Refuge au Leopoldsberg. […] Avant de la connaître (si elle n’avait pas passé par Vienne), je ne l’aurais jamais vue à Paris. […] dit-on ; comme le temps s’est passé ! […] On se trouve si loin, si loin de ces beaux moments qui ont passé si vite, et qu’une chanson qu’on a entendue alors, un arbre au pied duquel on a été assis, rappellent en faisant fondre en larmes ! […] elle revenait quelquefois au duc de Marlborough tombé en enfance et jouant avec ses pages ; et un jour qu’un de ses portraits, devant lequel il passa, la lui rendit, il arrosa de pleurs ses mains qu’il porta sur son visage.

237. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Le Roi sait toutes ces histoires, celle des rues58, celle des maisons : ici La Bruyère a logé ; ici André Chénier a passé une saison ; là le bon Ducis a longtemps vieilli. […] passons-en par là puisqu’il le faut, et allons jusqu’au bout tant qu’elle nous conduit. […] Si l’on avait passé outre, il y avait, de la part du ministre, menace de procès, et pour le pauvre bibliothécaire qui avait copié la pièce, M.  […] Jamais roi qui passa pour se bien porter ne fut plus souvent malade ou près de l’être, plus fréquemment indisposé et plus sujet à des incommodités diverses. […] Passons.

238. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Cuvier, Arago s’étaient, dans la première moitié du siècle, fait une réputation, comme autrefois Fontenelle, par les éloges académiques : le genre a passé de mode, ou bien leurs dons d’exposition littéraire n’ont pas passé à leurs successeurs. […] Il se rencontrera peut-être alors quelque moraliste, qui aura passé sa vie à noter chaque acquisition de son expérience. […] Dans cette Cité antique qui révèle la force des institutions religieuses parmi les sociétés antiques, je sens passer le même courant d’idées contemporaines que dans les études de Renan sur le christianisme ou de M.  […] Fuslel de Coulanges ne cherche rien au-delà de la représentation explicative du passé : Taine emploie l’histoire à faire la psychologie et la sociologie. […] Mais il a agi sur quelques intelligences, quelques âmes d’élite, et par elles passe, par elles surtout passera dans le domaine commun de la pensée le meilleur de l’œuvre du maître.

239. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Prisonnière d’abord, elle avait séduit celui qui la gardait, et s’était emparée de la place, où elle passa le temps des troubles, et bien au-delà, dans un asile impénétrable. […] L’enfance se passe, et le premier éveil des choses sérieuses est donné à Marguerite vers le temps de la bataille de Moncontour (1569). […] Un peintre n’aurait qu’à traduire et à copier, pour être fidèle, les lignes mêmes sur lesquelles Marguerite a si heureusement passé. […] Elle avait passé trente ans : les guerres civiles s’allumèrent pour ne plus s’éteindre qu’après des luttes acharnées et par l’entière défaite de la Ligue. […] Que s’y passa-t-il ?

240. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Il n’y a guère qu’une quinzaine que nous avons quitté Londres, mais la variété des scènes que nous avons parcourues fait que ce temps paraît égal à six mois passés à la même place. […] Les Espagnols passent communément pour être cruels, les Anglais orgueilleux, les Écossais insolents, les Hollandais avares, etc. ; mais je pense que les Français n’ont aucun vice national qu’on leur attribue. […] Il y a seulement quelques bagatelles en sus, et dont on pourrait se passer. […] Le fait est qu’une méfiance assez singulière, entretenue par les négociateurs anglais, et dont il serait trop long d’expliquer la cause, s’était glissée depuis quelque temps dans l’esprit des commissaires américains, et leur avait fait passer outre à la politesse. […] Un homme n’est point né complètement jusqu’à ce qu’il ait passé par la mort. » La fin paisible de ses vieux amis qui avaient vécu en justes lui paraissait comme un avant-goût du bonheur d’un autre monde.

241. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Les deux premières journées de la lutte entre le peuple et les troupes étaient passées ; le combat languissait. […] Des années se passèrent pour moi à souffrir, à me contraindre, à me dédoubler. […] Ils passent ; mais sans eux votre existence est pleine. […] Je ne suis pas embarrassé pour Virgile de ce qu’il eût passé pour être s’il eût vécu chez les modernes ; je crois qu’il eût passé pour un peu mieux que cela, et que la vraie morale eût eu à se louer plus qu’à se plaindre de lui, aussi bien que la parfaite convenance. […] Puis vous passez à la discussion sur le mérite de son poème.

242. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Désirez-vous qu’il vous passe, accordez-lui bonne récompense. […] Il passa aussi les neuf mille varlets. […] J’en ai tant à donner que je puis me passer de vos dons. […] La noble Reine passa devant eux et leur fit un salut plein de haine. […] Je m’étonne de ce qui se passe, et qu’allez-vous m’apprendre ?

243. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Appelé un peu inopinément à l’honneur de venir ici entretenir nos lecteurs d’un homme de guerre aussi éminent, je dirai par quelle succession d’impressions j’ai passé moi-même à son égard. […] Dès l’âge de neuf ans, celui-ci était formé par son père aux exercices violents et ne passait pas un seul jour sans chasser. […] Puis, se remettant à une parole encourageante du grand géomètre, il passa un bon examen, et fut reçu en même temps que Foy et Duroc. […] Toutes les bouches passèrent ainsi, et, en peu de jours, l’équipage eut franchi les Alpes. […] Je passais pour le conseiller du général en chef (Brune).

244. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

On sait combien il est difficile, même pour un tireur, de couvrir une balle, de suivre une seconde fois le chemin frayé une première ; c’est le même tour de force que doit exécuter sans cesse l’écrivain, devinant dans chaque cœur les blessures plus ou moins profondes faites par la vie même, les chemins par où a passé une première fois l’émotion et par où elle peut passer une seconde fois, visant dans le sens précis où la nature a tiré au hasard. […] L’intelligence peut seule exprimer dans une œuvre extérieure le suc de la vie, faire servir notre passage ici-bas à quelque chose, nous assigner une fonction, un rôle, une œuvre très minime dont le résultat a pourtant chance de survivre à l’instant qui passe. […] Les hommes passent et leurs vies avec eux le sentiment demeure. […] Au contraire, il n’est pas de genre qui passe plus vite que l’éloquence. […] Athéniens, vous n’avez pas failli. » Presque tout le reste a passé.

245. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

pouvait bien s’en passer. […] Il ne savait donc pas ce qui se passe dans la vie ? […] Il procède par feuilles détachées… Il est intuitif et rapide comme l’intuition, et, de fait, qu’y a-t-il de plus rapide, de plus vite passé qu’un regard ? […] Alors, il se passa dans l’ordre spirituel un fait analogue à celui qui se produisit dans nos églises. […] La flamme qu’il avait dans l’esprit, je n’aurais pas voulu la voir passer si vite sur des sujets qu’elle eût pu magnifiquement dévorer.

246. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

Il est de Jeaurat.Mais je passais le Songe de Joseph ; c’est que ce Songe de Joseph n’est autre chose qu’un homme qui s’est endormi la tête au-dessous des pieds d’un ange. […] La Vierge passe sur le Du même. fond du tableau, portant entre ses bras l’enfant Jesus. […] Le beau tableau, si le peintre avait su faire des montagnes au pied desquelles la Vierge eût passé ; s’il eût su faire ses montagnes bien droites, bien escarpées et bien majestueuses ; s’il eût su les couvrir de mousses et d’arbustes sauvages ; s’il eût su donner à sa Vierge de la simplicité, de la beauté, de la grandeur, de la noblesse ; si le chemin qu’elle eût suivi eût conduit dans les sentiers de quelque forêt bien solitaire, et bien détournée ; s’il eût pris son moment au point du jour ou à sa chute. […] Venus est à son triomphe, et oublie ce qui se passe à côté d’elle. […] Que la scène se passe donc au bout de l’univers ; que l’horizon soit caché de tous côtés par de hautes montagnes ; que tout annonce l’éloignement des regards indiscrets ; que de nombreux troupeaux paissent dans la prairie et sur les coteaux ; que le taureau poursuive en mugissant la génisse ; que deux béliers se menacent de la corne, pour une brebis qui paît tranquillement auprès ; qu’un bouc jouisse à l’écart d’une chèvre ; que tout ressente la présence de Venus, et m’inspire la corruption du juge ; tout, excepté le chien de Paris, que je ferais dormir à ses pieds.

247. (1901) Figures et caractères

J’ai passé là, un jour d’été. […] Tout se passa dignement et simplement. […] Tout ce qui y louche au passé est excellent. […] Elles-mêmes passent pourtant, et le souvenir de leur passé est un des plus mélancoliques et des plus émouvants plaisirs du présent. […] Mais passons.

248. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

C’est à Pétersbourg qu’il passe les hivers. […] Vous passerez la journée à chasser et reviendrez le soir chez moi. […] Un quart d’heure se passe. […] — me dit le forestier. — Il faut attendre qu’elle passe. […] Je connaissais le moyen de lui faire passer quelques instants agréables.

249. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Quiconque a traversé ses cours, dont l’aspect réjouit les cœurs, ne les a point passées vite comme le vent. […] On fit passer ces présents un quart d’heure après que les ambassadeurs eurent pris séance. […] Pour gagner, il faut faire passer les boules entre les piliers opposés qui sont aux bouts de la place et qui servent de passe. […] Ils demeurèrent tous d’accord que nul Européen n’avait jamais été affranchi de ce droit, et il fallut que l’envoyé français en passât par là. […] On l’attache au bandeau, à l’endroit des tempes ; il passe sur les joues et sous le menton.

250. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

On parle de cet Almanach de Bottin, où passent les deux critiques fraîchement décorés, Brunetière et Lemaître. […] Et par là-dessus il passe une partie des nuits à lire et à écrire. […] Ceci se passait en 1861. […] Porel annonce, aujourd’hui, que Germinie Lacerteux passera, samedi 15 décembre. […] Ça passe, et je conclus en moi-même que la salle est bien disposée.

251. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Enfin elle prit une chaise, et ils commencèrent à manger en parlant des temps passés. […] Elle lui parla, en peu de mots, de sa condition passée et de ses besoins présents. […] Le bruit de ses eaux effraya Virginie ; elle n’osa y mettre les pieds, pour la passer à gué. […] Les oiseaux de mer, attirés par ces retraites paisibles, y venaient passer la nuit. […] s’écriait-il ; la beauté de votre âme a passé dans votre ouvrage.

252. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Je passe bien des pages et j’arrive au dernier chapitre. […] Je passe rapidement sur des pages que je voudrais citer. […] Aucun souffle ne passe. […] Je m’arrête, le volume y passerait. […] tout passe.

253. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Lequel vaut mieux du passé ou du présent, — du passé ou de l’avenir ? […] Tant qu’il ne s’occupait que des lettres, il ne pouvait se séparer d’elle et la regarder assez à distance pour se dire : « Et moi aussi je vaux autant que toi, ou mieux que toi. » On restait dans la religion du passé. […] En France, où s’est passé le fort du débat, on commence à le dater de Desmarets de Saint-Sorlin, vers 1670 ; les manifestes de cet esprit un peu extravagant, et qui mêlait quelques bonnes idées à beaucoup de chimères, devancier de Chateaubriand en théorie et qui faisait mieux que pressentir la veine de poésie propre au christianisme, se prolongèrent jusqu’en 1675. […] Il veut peut-être concilier et assembler trop de choses, tenir trop d’éléments en présence et en équilibre, religion et philosophie, régularité et liberté, impartialité et émotion, stabilité et progrès, culte du passé et aspiration vers l’avenir… C’est après tout une noble ambition, l’ambition des esprits jeunes, même quand ils sont le plus modérés. […] Même en les suivant, je ne leur obéis point, j’opine comme eux. » Il y avait, à côté de ces libres esprits, ouverts dès lors à toutes les perspectives, d’humbles adorateurs et des sectateurs exemplaires du passé.

254. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

L’Histoire y est aussi esquissée en traits rapides, mais il y a peu de passé encore dans cette vie d’un peuple, et l’expérience qu’il fait est si nouvelle, que l’avenir, bien plus que le passé, y prend le regard de l’historien. L’idée de presque tous les historiens de l’Amérique est de croire que la divination doit s’exercer, en matière d’histoire américaine, bien plus en regardant l’avenir qu’en se retournant vers le passé… Erreur profonde, selon moi ! […] On passe le chancellement à l’ivresse, mais chanceler sans être enivré ! […] Enfin, car il faut en finir, je voudrais, après avoir passé par toutes ces brumes pointées de petites lueurs, et par toutes ces petites lueurs clignotant dans ces brumes, savoir, en fermant ce livre de faits incohérents et d’opinions confuses, si l’auteur de La République américaine croyait à l’avenir de sa République, quand, préalablement, il nous a avoué que le passage aux affaires d’un homme comme le général Jackson pourrait détruire de fond en comble le système américain, et qu’il est convenu de la justesse du mot de l’orateur anglais qui prétendait que Jackson avait fait passer un char attelé de quatre chevaux à travers cette pauvre Constitution américaine ! […] — si la question de l’esclavage déchirera un jour, pour en faire des cartouches, cette Constitution de papier, à travers laquelle ce n’est pas des chars attelés à quatre chevaux, mais les événements, les choses et les hommes, qui, dans un temps donné, passent toujours à travers les Constitutions !

255. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Mais il a eu soin de ne pas mettre cette phrase au passé, après sa descente. […] De là, on passait toujours au général André et à M.  […] Heureusement, tout cela se passe sur un plan métaphorique et littéraire, et, si M.  […] Il le fallait, et nous nous sommes passés de bon reportage beaucoup plus aisément que nous ne nous serions passés de la victoire. […] Le snobisme a fait la trouée, et Grammaire-Club a passé.

256. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Il l’étend sans hésiter à l’explication du passé. […] Que s’est-il donc passé depuis ses débuts ? […] Lemaître comprend mieux le présent que le passé. […] Si nous passons aux modernes, M.  […] que par exemple il aurait aussi facilement passé à M. 

257. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Notre-Dame de Paris est un roman de l’an passé. […] Stello est un roman de l’an passé. […] C’est un chef-d’œuvre de l’année passée. […] Alexandre Duval pour faire la comédie ; l’Opéra passe de M.  […] Tant pis pour celui qui passe !

258. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Les jours passent, les semaines, les mois, parfois les années. […] Ce métier passe pour lucratif. […] Passons du grave au doux. […] De la théorie, le professeur passe très vite à la pratique. […] Cela se passait au mois d’août 1890.

259. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Que s’est-il passé ? […] « Rêver dans le passé, — surtout dans le passé de la France !  […] Passera-t-il les âges ? […] Il passe. […] Vingt ans ont passé.

260. (1881) Le naturalisme au théatre

Je ne nie donc pas le passé, je constate le présent. […] Que s’est-il donc passé ? […] Et que de raies pourries on passe dans le tas ! […] On ne galvanise pas le passé. […] que s’était-il donc passé ?

261. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Tout se passe en ordre dans un régiment. […] Ici, j’oublie ce qui se passa. […] Ce n’est pas le passé qui nous intéresse, c’est l’avenir. […] Les enfants sont plus près du passé. […] Prenons tout entier ce passé fabuleux qu’ils répudient.

262. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Ces formes sont tombées, deux mille ans ont passé, et on voulait les faire renaître ! […] Du harem oriental, du gynécée de la Grèce, elle passa par le Christianisme dans le mariage. […] Tu ne veux plus du passé, et tu t’efforces d’échapper à l’avenir qui t’invite et t’appelle. […] C’est, dans notre âme, l’ombre d’un nuage qui passe entre Dieu et nous. […] Va-t-elle donc réédifier le passé, et rendre à la tiare et aux sceptres leur puissance ?

263. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Certes, l’imagination livrée à elle-même nous égare ; et pourtant, sans elle, le passé est mort ; guidée par les faits, elle est nécessaire à l’histoire. Pour revivre le passé, il faut sympathiser avec lui. […] Lavedan dialogue ses romans, puis il passe au théâtre ; Gyp en reste au roman dialogué (mais est-ce bien encore de la littérature ?)  […] Le roman de cette période, passé au second plan, est encore vigoureux, du moins jusque vers 1900. […] Le roman naturaliste est en effet la forme particulière par laquelle l’épopée passe le plus aisément au drame.

264. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Les gardes du chevalier du guet y passent de temps en temps durant la nuit: c’est proprement à eux d’en répondre, parce que c’est à eux qu’il s’en prend. […] Les deux premières faces sont ouvertes en arcades, qui donnent sous les bazars, et sont traversées d’une chaîne pour empêcher les chevaux d’y passer. […] Le roi, par respect, ne la passe jamais à cheval. […] C’est par cette allée qu’on fait passer les ambassadeurs pour aller à l’audience, et les autres étrangers de qualité aussi, afin qu’ils voient cette pompe merveilleuse. […] Pensez-vous que les autres grands veuillent passer pour des gens sans loi et approuvent vos suffrages ?

265. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Comment méconnaître qu’elles passent en même temps par des phases semblables ? […] Il resterait à se demander combien de temps une littérature peut se passer de clarté et vivre dans des régions crépusculaires. […] Le mot de style n’a-t-il point passé de l’une à l’autre ? […] Si l’on passe au temps de Louis XV, tout s’allège, devient leste, pimpant, coquet. […] Donc, que l’historien d’une littérature ouvré les yeux et ne dédaigne pas de regarder de près cette face du passé !

266. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Dieu n’a pas permis qu’on sût par quel organe ce flot de sa sagesse avait passé ; il a voulu que l’ouvrage fût immortel et l’auteur ignoré. […] Il passa plusieurs mois enfoui dans cet asile et réfléchissant aux dangers de contredire les multitudes. […] Qui peut dire ce qui se passe dans son âme pendant son agonie de tant de jours et de tant de semaines ? […] que la gloire du monde passe vite ! […] Il faut passer par le feu et par l’eau avant d’entrer dans le lieu de rafraîchissement.

267. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

S’asseoir tous deux au bord du flot qui passe,                Le voir passer ; Tous deux, s’il glisse un nuage en l’espace,                Le voir glisser ; A l’horizon, s’il fume un toit de chaume. […] Il eût fallu continuer de la même manière, faire passer sous nos yeux les systèmes vivants, comme des idées devenues des âmes. […] Alfred de Musset a vu surtout dans la mort l’obstacle infranchissable où vient se heurter l’amour, qui, au milieu d’une nature où tout passe, s’enivre d’une chimérique éternité. […] Mme Ackermann, reprenant le même sujet, mais avec beaucoup moins de poésie, nous montre à son tour le contraste de la réalité qui passe avec les aspirations infinies de l’amour : Regardez-les passer, ces couples éphémères ! […] Dans le temps et dans l’espace Je ne suis, insoucieux, Qu’un paquet de chair qui passe.

268. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Le passé et le présent. […] I Je commençais à démêler ces idées lorsque, pour la première fois, je débarquai en Angleterre, et je fus singulièrement frappé des confirmations mutuelles que se prêtaient l’observation et l’histoire ; il me sembla que le présent achevait le passé et que le passé expliquait le présent. […] Dans cette fumée jaunâtre, les objets semblent des fantômes effacés ; la nature a l’air d’une mauvaise ébauche au fusain sur laquelle un enfant a maladroitement passé la manche. […] Son tempérament le fait raisonnable ; il peut se passer de gendarme ; les chocs de l’homme contre l’homme n’aboutissent point ici à des explosions. […] En effet, c’est ainsi que les choses se passent ; tous les jours des centaines de gens riches quittent Londres pour passer un jour à la campagne ; c’est qu’ils ont convocation pour les affaires de leur commune ou de leur Église ; il sont justices, overseers, présidents de toutes sortes de Sociétés, et gratuitement.

269. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

En Bretagne, avant 1830, le passé le plus reculé vivait encore. […] Pris par les Anglais, il passa plusieurs années sur les pontons. […] Toute notre bibliothèque y a passé. […] Elle me montra, dans mon enfance, les lieux où tout s’était passé. […] Le grenier de Système passait pour le réceptacle de toutes les impiétés.

270. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Émery, il ne sut rien de ce qui se passait dans le monde. […] Le supérieur de la maison d’Issy, quand j’y passai, était M.  […] Un moment, le fil passe si près du trou qu’elle s’écrie : « M’y voilà !  […] Il ne comprit rien à la nature de mon esprit, ne devina passes futures évolutions logiques. […] On voit poindre, en effet, un âge où l’homme n’attachera plus beaucoup d’intérêt à son passé.

271. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Pourquoi rions-nous d’une chevelure qui a passé du brun au blond ? […] Et, conséquemment, un nez rouge ne peut être qu’un nez sur lequel on a passé une couche de vermillon. […] » Passons à la société. […] Passons à la seconde, et voyons où elle nous conduira. […] Passons alors de l’idée précise d’une mécanique à l’idée plus vague de chose en général.

272. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

L’enfant passa ses jeunes années à jouer sous le calvaire et sur les tombes. […] Notre-Dame ne passe point pour ingrate. […] Un cousin pourtant était passé à la Guadeloupe et y avait fait fortune. […] » C’était un mouvement passager de haine, et j’ai passé à travers avec un grand serrement de cœur. […] Pour moi, je t’avoue que j’en passe la moitié à genoux.

273. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Quelque chose du souffle de l’antique Pléiade avait passé sur eux tous. […] Combien de fois en France la plus grande poésie, à une époque donnée, a-t-elle ainsi passé avec armes et bagages, et à la rime près, du côté de la prose ! […] Il n’en est pas moins à regretter que l’élément négatif, répulsif du passé, soit entré pour une si grande part dans la disposition du réformateur. […] Régnier, au reste (et on ne Yen saurait louer), fut aussi négatif de l’avenir que Malherbe l’était du passé. […] Jouissons tous ensemble de la saison passée, mais que ce soit encore pour en tirer bon conseil, et en vue de la saison à venir.

274. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Royer-Collard, l’un des assistants, m’a raconté à moi-même comment les choses se passèrent. […] Tout cela se passait dans la matinée. […] Gréé prince de Bénévent, il négligea toujours de remplir les formalités attachées à ce titre : il croyait apparemment pouvoir s’en passer. […] Il avait la faculté singulière de dormir très peu : il passait la nuit au jeu ou à causer, ne se couchait, le plus souvent, qu’à quatre heures du matin et se trouvait réveillé de fort bonne heure. […] Dans ce prétendu pays démocratique, chacun tâchant de se faire passer pour noble et d’être un homme comme il faut, fait mine aussi d’être religieux.

275. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Le second problème était donc de refaire le passé avec le présent et de conserver les choses en apparence perdues. […] De plus, elles passent mécaniquement de la forme positive à la forme négative, par l’épuisement nerveux. […] Ce qui ne nous émeut en aucune manière, au contraire, passe à notre surface sans exciter notre attention et sans laisser de trace. […] Ainsi, nous n’avons par le souvenir qu’une très faible reproduction d’un mal de dents passé, d’une brûlure, d’un frisson produit par une eau glacée, du mal de tête, etc. […] Je retire de l’expérience un agacement général des dents et une impulsion à passer ma langue sur les gencives.

276. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Journaliste, romancier, poète, on le voit passer tour à tour de la rêverie au pamphlet ; il fait la petite guerre en tous sens et se disperse. […] L’article passa le lendemain 16 juillet 1817, et Le Constitutionnel fut supprimé du coup. […] Cette fois, ses amis même trouvèrent que le procédé passait les bornes du jeu et que la ruse n’était pas de bonne guerre. […] « Les tortures de son caractère passent dans son style », me dit M.  […] Alors, sur cette terrasse où, si souvent appuyés l’un près de l’autre, nous avions vu passer d’autres fêtes, je me suis incliné tout en larmes.

277. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

C’est un Italien, au passé inconnu, vivant autrefois à Londres où il tirait de connaissances, à peu près tous les jours, de quoi risquer quelques schellings dans les maisons de jeu de la populace. […] Puis, tout à coup, de Belloy ne voit plus son ami, il passe un matin chez lui, et trouve au lit… un monstre. […] « Passez, messieurs et dames », glapit encore la voix. […] Il a l’air de porter son passé sur les épaules, avec la gêne et la réserve d’un monsieur qui ne veut tendre la main, que bien sûr d’en trouver une autre au bout, — sympathique après tout, et même vous attristant de pitié. […] Cependant où va cela, où va ce siècle qui n’avait plus de culte que dans son passé historique ?

278. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

nous connaissons toutes les filières par lesquelles le mal a passé. […] il avait passé, avant de devenir un physiologiste tout à fait ? […] Avant Michelet, jamais flamme plus échevelée ne passa dans l’Histoire, pour y montrer… ce qui n’y est pas. […] L’historien du passé essaie, dans ce livre, de préparer l’histoire future. […] Michelet, qui a passé sa vie à faire de l’histoire, devrait savoir cela.

279. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Mais nos vieux héros s’en passent. […] Enfin, grâce à lui, ils font entrer en scène, même sans en parler, le passé, le passé que toute noblesse évoque naturellement, et qui est en nous à l’état de passion, amour ou haine. […] Ceux qui passent n’entendent pas sa voix. […] Je pourrais passer en revue bien d’autres groupes humains, et dire ainsi les raisons d’ordre littéraire qui peuvent les faire choisir ou rejeter par les écrivains. […] Alors une vision émouvante s’ouvre devant l’écrivain, une vision qui lui fait oublier toute la peine passée, qui soutiendra son courage dans les épreuves nouvelles qui vont suivre.

280. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Un respect vous saisit, quand on entre dans ces chambres pleines de registres en vélin blanc, entre lesquels vous passez comme dans un couloir. […] Là est le passé de Paris. […] Et quelle anonyme poussière ferait tout ce passé de millions d’hommes, qui est sous nous, sans cette signature de leur nom et de leur vie déposée là ! […] On sent dans ces portraits, l’ordre de la société passée, avec l’orgueil chez chacun, de sa profession, de sa position. […] De Sœur Philomène, il passe aux femmes, aux vieilles femmes, comme Mme de Boigne, auprès desquelles il a pu retrouver l’accent du xviiie  siècle, et nous félicite de vivre un peu, ainsi que nous le faisons, dans un siècle passé, de vivre une double existence.

281. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

— « Qu’on me le passe !  […] Je suis arrêté en plein… je ne puis plus travailler… et il me prend des grippes pour celui-ci… mais ça passera… des grippes pour celui-là… ça, ça passera encore », — fait-il ironiquement et désespérément, en manière de refrain. […] » — et sans attendre la réponse, la faisait passer du creux de sa main dans son gousset. […] Dans ce cas, il va trouver une maison de banque, et dit au banquier qu’il a besoin de 10 000 taëls pour passer ses examens. La maison de banque prend des renseignements sur la capacité de l’aspirant, et lui prête les 10 000 taëls demandés, à condition qu’il en rendra 20 000, quand il aura passé ses examens.

282. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

» Et plus loin : « Nous avons passé le reste de la soirée en Pologne avec M.  […] Mme de Coigny m’a dit que le temps paraissait passer plus vite quand on l’employait d’une manière uniforme. […] elles la passent dans leur lit. […] ma petite, passé vingt-cinq ans, que vaut tout le reste ?  […] Sachons passer de l’un à l’autre, et ne garder de ce qui précède que ce qui est salutaire et bon.

283. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Dans les villes où il passe, à Montpellier, à Nîmes, Pelleport est des plus mal accueillis par les bourgeois pour qui il a un billet de logement. […] L’armée d’Italie, bien qu’elle fût républicaine, voyait avec indifférence ces réactions dans la capitale, qui faisaient passer le pouvoir d’un parti à un autre sans résultat utile pour elle. […] Le 4 avril, Bonaparte passa la revue de la 18e demi-brigade, qui s’était réunie à Albenga. […] En rentrant en France par la Suisse, la 18e passe à Coppet : À mon passage, je fus assez heureux pour être agréable à M.  […] Jusque-là il n’y avait pas de mal, et nos relations se passaient sur le pied de la plus grande politesse, lorsqu’un jour il aborda carrément l’affaire en question, et m’offrit une somme énorme pour laisser pénétrer quelques petits ballots de marchandises en Hollande.

284. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Niebuhr passe pour battu, et il ne l’est pas autant qu’on veut bien dire. […] Ces écoles audacieuses sont d’abord comme un torrent qui passe ; les gens établis dans l’ancienne idée se révoltent et se garent. […] le torrent à passé ; on l’enjambe bientôt, non sans ramasser les débris et les troncs d’arbres charriés. Esprits riverains, ne méprisons pas les torrents : le premier ravage passé, ils font alluvion sur nos rivages. […] Il est impossible, ce nous semble, d’apporter une érudition plus complète, mieux munie de tous les textes, de les mieux colliger, épuiser et discuter, de les passer à un creuset plus sévère que M.

285. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Encore est-ce un instrument dont on ne peut se passer, sinon pour agir, au moins pour philosopher. […] Le fait brut c’est : je vois le spot se déplacer sur l’échelle, et le fait scientifique c’est : il passe un courant dans le circuit. […] Y a-t-il quelque chose à changer à tout cela quand nous passons aux échelons suivants ? Quand j’observe un galvanomètre, ainsi que je le disais tout à l’heure, si je demande à un visiteur ignorant : le courant passe-t-il ? […] Quand on me demandera : le courant passe-t-il ?

286. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Si j’ai pris la peine de les rappeler, c’est que la littérature passe à la même époque par des phases tout à fait semblables. […] Faut-il passer à une autre secte catholique ? […] Plus visible est encore l’influence littéraire des idées religieuses, quand on passe des catholiques aux réformés. […] Les nations catholiques ne savent pas marcher posément ; elles se meuvent par bonds et saccades ; elles passent de la soumission absolue à la révolte complète, et réciproquement ; elles vont presque incessamment d’un extrême à l’autre ; elles disent volontiers, comme l’Église qui les a conquises et façonnées : Tout ou rien. […] Ces limites se déplacent incessamment d’une génération à une autre ; tel qui fut rangé parmi les mécréants peut, vingt ans après, sans avoir changé d’opinion, se trouver classé dans le gros des demi-croyants  ; de l’aile gauche il a passé au centre sans avoir fait un mouvement.

287. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Mais on sait que le bonhomme passait pour être un peu bizarre et que la fable n’eut pas l’honneur de figurer dans l’Art poétique. […] Le passé de la veille se survit encore dans les débris de l’école précieuse, dans les réputations éclipsées qui peuplent l’Académie et jalousent les gloires les plus éclatantes ; et, frappant exemple de la façon dont l’avenir se relie au passé par-dessus le présent, ces groupes secondaires, comme des chaînons vivants, rattachent la fin du siècle à son commencement. […] On peut commencer par passer rapidement en revue tout ce qui environne la littérature, les milieux divers où elle se développe, les influences qui agissent sur elle du fond des pays étrangers ou des siècles passés, la condition faite alors aux écrivains. […] De 1715 à 1760, la prose méritera de passer avant la poésie et la littérature à visées philosophiques sera sans doute celle qu’il faudra mettre au premier plan. […] Elle fausserait la vérité, si elle ne savait établir dans sa reproduction du passé une hiérarchie de talents et d’œuvres correspondant à ce que fut la réalité vivante.

288. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Le roi, à cette époque, était amoureux fou d’elle, au point même d’être jaloux dans le passé, de s’inquiéter s’il était bien le premier qui se fut logé dans son cœur, et si elle n’avait point eu quelque première inclination en province pour un M. de Bragelone. […] Cela était d’autant plus dur, qu’au lieu de rester chez elle, il ne faisait que passer pour aller chez la Montespan. […] Que se passait-il, durant ce temps-là, dans l’âme sincère et tendre, dans l’âme repentante qui s’abreuvait ainsi comme à plaisir de l’amertume du calice, afin de se laisser punir par où elle avait péché ? […] avec une vive et amoureuse douleur de ses infidélités passées, et avec tout le respect et le religieux tremblement que mérite votre souveraine majesté. » De talent, d’imagination proprement dite, il ne saurait en être convenablement question, en appréciant un écrit de cette simplicité. […] Quand je considère ces choses, j’entre dans le désir de me taire et de me cacher… pauvre canal où les eaux du ciel passent, et qui à peine en retient quelques gouttes !

289. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Tout a passé, pour être broyé, sous cette information supérieure, sous cette critique à laquelle on peut appliquer ce qu’Amelot de la Houssaye disait du gouvernement de Venise : C’est une verge couverte d’yeux. […] Cette assertion, tant de fois renouvelée et modifiée, est la première que Cassagnac passe au fil de l’épée d’une critique qui brille à force de couper. […] Sieyès disait encore, avec une tristesse significative : « Ce qu’il y a de véritablement malheureux, c’est que les trois articles qui forment la réclamation du tiers (c’est-à-dire du peuple), sont insuffisants pour lui donner cette égalité d’influence dont il ne saurait se passer… » Il s’en passait très bien ! mais Sieyès et les autres ne voulaient pas qu’il s’en passât. […] Je vais montrer comment ces hommes passent à leur tour sous le laminoir implacable et s’y réduisent jusqu’à n’être plus que ce qu’ils furent aux yeux de Dieu même, — des sots, des lâches et des méchants.

290. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Il exagère beaucoup le Lycée et ce qui s’y fît, mais il n’exagère pas ce mouvement d’idées, ce courant, ce conflit brillant et tumultueux qui passa par son modeste salon de 1825 à 1830. […] Je conçois qu’un homme qui laisse des ouvrages achevés, des monuments peu accueillis d’abord et peu compris de ses contemporains, mais remplis de beautés ou de vérités qui éclatent après lui, soit proclamé, homme de génie sur sa tombe, tandis qu’il ne passait de son vivant que pour un original distingué. […] Il poussait le goût du franc et de l’imprévu jusqu’à passer outre à cette bonne compagnie trop émoussée, trop monotone, et à préférer la mauvaise : là était l’écueil. […] » Que cet homme qui passait pour méchant auprès de ceux qui le connaissaient peu était aimé de ses amis ! […] Delécluze n’y fait nullement la part des deux premières, et il ne tient pas à lui que Beyle ne passe pour un pur extravagant.

291. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Un des défauts des générations nouvelles (lesquelles ont leurs qualités d’ailleurs, que je ne conteste pas), c’est de vouloir dater de soi seul, c’est d’être en général dédaigneux du passé, systématique, et, par suite, roide et rude, ou même un peu farouche. […] Dès les premiers temps de l’étroite liaison de Mme du Châtelet et de Voltaire (1734), celui-ci, ayant pris l’alarme sur un avis qui lui était venu, avait cru devoir partir de Cirey en plein hiver, et était passé pour plus de sûreté en Hollande. […] Elle craint qu’il ne s’accoutume là-bas à se passer d’elle ; la liberté a de grands charmes, et les libraires hollandais aussi, ces libraires qui vous tentent de tout imprimer et de tout dire. […] Mme du Châtelet aime Voltaire, et, en se rendant compte de tout à elle-même, elle passe outre, elle est entraînée. […] Le paradis terrestre de Cirey était devenu un enfer de tracasseries et d’inquiétudes : « En vérité il est bien dur, disait-elle, de passer sa vie à batailler dans le sein de la retraite et du bonheur.

292. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Royer-Collard à passer pour son maître, et tous les autres pour ses lieutenants41. […] C’était une description large, transparente et très significative, des divers degrés de décroissement dans la foi par où passent les antiques religions avant de finir, et il indiquait en même temps sa manière de concevoir les croyances recommençantes. […] Conclusion : Ne nous célébrons pas sans mélange dans le passé, ne nous complimentons et ne nous adonisons pas si constamment en arrière en nous revoyant dans notre heureuse génération et dans notre jeunesse. […] Mignet remarque un peu trop fortement qu’on était vingt, et non vingt et un, afin de ne point passer le nombre voulu, et pour éviter qu’un cours de philosophie fût assimilé à un complot contre le gouvernement. […] C’est alors qu’on apercevrait, j’imagine, combien les mailles du filet, toutes bien faites qu’elles sont, se trouvent trop larges et laissent souvent passer le poisson.

293. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Xavier de Maistre qui passait. […] Au printemps de 1839, elle quitta Paris pour aller passer quelques mois à Nevers et aux environs chez une amie. […] Cela ne passe pas, au contraire : les douleurs profondes sont comme la mer, avancent, creusent toujours davantage. […] Déchirante apparition du passé : berceau et tombe… Maurice, mon ami, qu’est-ce que le ciel, ce lieu des amis ? […] Je me suis assise à l’ombre d’un cerisier, et là, pensant au passé, j’ai pleuré.

294. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le maréchal de Villars n’était pas fâché par là de le donner à entendre : il n’était pas seulement ambitieux en avant, il l’était aussi dans son passé. […] Le roi, qui s’était informé plusieurs fois de ce qui se passait de si opiniâtre dans cette demi-lune, fit appeler Villars au retour : « Mais ne savez-vous pas que j’ai défendu, même aux volontaires, d’aller aux attaques sans ma permission ? […] Servant, cette même année, en Alsace sous le maréchal de Créqui, il désira passer d’une brigade dans une autre, n’étant pas en bons termes avec le brigadier. […] Je passe sur ces quatre occasions considérables que rencontra Villars en cette campagne. […] Sous ses airs bouillants il observe ; il étudie les terrains où il passe.

295. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Il avait aimé, il avait pleuré et chanté ses peines pendant une saison passée dans son beau Midi, la dernière avant son départ pour La Chênaie. […] Elles ont passé au miroir intérieur et sont vues par réflexion. […] comment se fait-il que mon repos soit altéré par ce qui se passe dans l’air, et que la paix de mon âme soit ainsi livrée au caprice des vents ?  […] Que l’on se figure, à La Chênaie, qui s’appelait encore une maison sainte, le jour de Pâques de cette année 1833, le 7 avril, une matinée radieuse, et ce qui s’y passait une dernière fois de touchant. […] si l’on nous l’eût dit, quel frisson eût passé dans nos veines !

296. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Un livre d’histoire, qu’il publia quelque temps après (Revue de l’Histoire universelle), et qui semblait ne répondre qu’à une demande de librairie, lui servit à se remémorer les faits principaux du passé, dont il faut être muni dans le présent, et à rassembler sous une vue sommaire les résultats d’idées qui sont des conquêtes ; c’étaient des armes qu’il préparait. […] Fortoul, cet ami des talents, l’avait distingué et lui confia la chaire de littérature française à la Faculté d’Aix, cette même chaire qu’il avait occupée lui-même avant de passer à la politique. […] C’est le contraire de Rigault, lequel cependant avait en partie les mêmes origines intellectuelles et avait passé par la même éducation. […] Il a sur les coalitions une théorie commode, la théorie anglaise, la plus large possible ; il oublie la différence des deux pays, ou plutôt il la sait très bien et il n’en tient compte, il passe outre. […] Nous rêvions aussi un peu en arrière ; nous jetions un peu de notre enthousiasme et de notre mélancolie dans le passé.

297. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Delécluze, né vers 1781, a aujourd’hui quatre-vingts ans passés, et habite depuis quelques années Versailles. […] Les premières heures que l’élève passe seul dans l’atelier (car Moreau ne venait que tard et rarement) sont occupées à des réflexions sans nombre ; le propre d’Étienne est de réfléchir sur tout et de chercher à se rendre compte de tout par lui-même : « Malgré l’inexpérience du jeune élève, cette journée passée dans l’atelier des Horaces et les réflexions que tant d’objets nouveaux lui firent faire agirent avec puissance sur son esprit. […] Puis, lorsqu’en avançant dans sa lecture il en fut à l’autre passage sur Mme de Noailles et son joli cou qu’il supposait soumis à la guillotine, je laisse à penser si cela ne répandit pas un nuage sur le front de gens dont les proches y avaient en effet passé et avaient eu le cou coupé tout de bon. […] Après l’état des lieux, on a le dénombrement et le signalement, des élèves dont aucun, à ce moment-là, si, l’on excepte Granet, n’était destiné à devenir un grand peintre ; le temps des Gérard, Gros, Girodet, était passé : celui d’Ingres ne devait venir qu’un peu après. […] Leurs figures paraissaient émues, et d’un air timide, mais où perçait un sourire plein de joie, ces deux jeunes artistes remercièrent leur généreux camarade de manière à laisser entendre à tous les assistants qu’ils attachaient plus d’importance encore qu’eux à ce qui venait de se passer.

298. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Dès que l’armée est installée dans la plaine de Sicca, il passe des journées entières à vagabonder, ou bien il reste immobile, étendu sur le sable. […] Passons. […] Il lançait des flèches aux vautours qui passaient. […] Les Carthaginois attribuent ces nouveaux échecs à la perte du voile, et s’en prennent à la fille d’Hamilcar qui passe pour y avoir participé. […] il passe outre à l’archéologie incontinent ; il invente, sur la fin de ces funérailles, des supplices, des mutilations de cadavres, des horreurs singulières, raffinées, immondes.

299. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

On ne sait trop comment se passèrent ses premières années ; il s’est bien gardé d’en parler jamais, et il paraît s’être expressément interdit, comme une honte, tout souvenir d’enfance ; c’était mal imiter Horace pour le début. […] Tout cela se passait vers 1710. Mais, comme nous l’avons déjà indiqué, et comme il le dit lui-même avec une élégance parfaite, il s’était accoquiné à la hantise du café Laurens ; c’était rue Dauphine, non loin du Théâtre-Français, qui de la rue Guénégaud avait passé dans celle des Fossés-Saint-Germain-des-Prés. […] Un poëte lyrique, c’est une âme à nu qui passe et chante au milieu du monde ; et selon les temps, et les souffles divers, et les divers tons où elle est montée, cette âme peut rendre bien des espèces de sons. […] Les cantates de Rousseau jouissent encore d’une certaine réputation ; celle de Circé, en particulier, passe pour un beau morceau de poésie musicale.

300. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Chacun a son idéal dans le passé, et la nature, la vocation de chaque esprit ne se déclarerait jamais mieux, j’imagine, que par le choix du personnage qu’on irait d’abord chercher si l’on revenait dans un temps antérieur. […] À ce prix-là, si l’on pouvait aller passer une journée tout entière au xvie  siècle, et s’en aller causer chacun avec son auteur, avec son philosophe, où iriez-vous ? […] Or, dans cette journée que je suppose qu’on puisse aller passer au xvie  siècle avec son auteur préféré, je doute que Calvin, de nos jours, eût beaucoup de chalands. […] La débauche de Rabelais se passait surtout dans son imagination et dans son humeur : c’était une débauche de cabinet, débauche d’un grand savant, plein de sens, et qui s’en donnait, plume en main, à gorge déployée. […] Il s’est passé dans les intervalles du Gargantua, du Don Quichotte et du Télémaque, plus de choses que Bernardin de Saint-Pierre ne paraît en soupçonner.

301. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Cousin publia les œuvres de Maine de Biran, il semble que le moment était déjà passé où le germe philosophique déposé dans ces œuvres eût pu fructifier. […] Descartes lui-même, malgré le cogito, n’avait guère fait que traverser un instant le point de vue de l’intériorité, et avait immédiatement passé à la chose pensante, à la chose en soi, pour parler le langage de Kant. […] Cependant leurs idées, lorsqu’elles passent dans le vulgaire, prennent en quelque sorte une forme solide et grossière qui fournît par là même de nouveaux prétextes aux réactions sceptiques et matérialistes. […] Enfin Kant, avec ses formes de la pensée pure, ne trouve aucun moyen de passer du monde sensible au monde intelligible, du monde des phénomènes à celui des noumènes. […] L’esprit ne sait rien intuitivement sur son passé, il n’en sait pas davantage sur son avenir.

302. (1887) La banqueroute du naturalisme

Zola, dans La Terre, a passé toutes les bornes. […] Qu’un roman puisse à la rigueur se passer d’aventures et d’intrigue, de composition et de style, de grammaire et d’esprit, on le conçoit encore ; et il y en a des exemples ; mais ce que l’on n’a jamais vu, c’est un roman sans psychologie. […] Manger, boire, et le reste, il ne se passe guère autre chose dans les quatre-vingt-quinze feuilletons que j’ai lus de La Terre, et le « reste » surtout en remplit des colonnes entières. […] Mais, au contraire, Pot-Bouille a passé le soixante-cinquième mille, L’Assommoir le cent onzième, Nana le cent quarante-neuvième ; et de tous les romans de M.  […] Zola, si demain La Terre passe en nombre de mille Pot-Bouille, L’Assommoir et Nana !

303. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Et pourquoi les choses se seraient-elles passées autrement dans l’esprit du peuple que dans la tête de ses poètes ou théologiens ? […] Presque tous les peintres de ruines vous montreront autour de leurs fabriques solitaires, palais, villes, obélisques, ou autres édifices renversés, un vent violent qui souffle ; un voyageur qui porte son petit bagage sur son dos et qui passe ; une femme courbée sous le poids de son enfant enveloppé dans des guenilles et qui passe ; des hommes à cheval qui conversent, le nez sous leur manteau, et qui passent. […] Tout passe, l’homme et la demeure de l’homme. […] Il y aurait un contresens, à faire passer le voyageur le long du tombeau, et à l’arrêter entre des ruines. Si le tombeau comporte autour de lui quelques êtres qui se meuvent, ce sont ou des oiseaux qui planent au-dessus à une grande hauteur, ou d’autres qui passent à tire-d’aile, ou des travailleurs à qui le labeur dérobe le terme de la vie, et qui chantent au loin.

304. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Son avenir lui paraît trop assuré, son passé trop imposant, sa renommée trop retentissante pour qu’elle conçoive une inquiétude sérieuse. […] La seconde opinion est celle des penseurs de plus large envergure, de ceux qui passent pour appartenir à l’élite. […] Gaston Deschamps, si, dans quelques années, il y aura encore une France digne du passé, et non pas une république sud-américaine… » La conclusion de cette étude me paraît surtout saisissante : « Cette verte mercuriale ne peut que profiter au bien public. […] Si des paroles aussi graves avaient été prononcées par tels autres écrivains de réputation moins assise, il est évident qu’elles auraient passé pour de puériles exagérations. […] Le temps des grandes naïvetés est passé, et il est grand temps d’étudier les causes de la grandeur et de la faiblesse des autres peuples ; il faut apprendre aussi à connaître les dessous des choses ».‌

305. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Ils sont déjà loin de nous ces loisirs faciles, dédaigneux, où l’élite de la société, au balcon, regardait passer et se heurter la masse. […] Des questions sociales, si nous passons aux politiques, à proprement parler, lesquelles ne sont pas tant à dédaigner que certains esprits soi-disant avancés se le figurent ; ces derniers jours ont produit une manifestation des sentiments publics bien imposante et qui doit donner à réfléchir. […] Si, après ce qui s’est passé depuis dix années, on pouvait douter encore de la toute-puissance de la presse et de l’autorité qu’elle exerce et qu’elle confère, c’en serait là une preuve bien triomphante. […] L’auteur, qui a passé, à ce qu’il semble, par les doctrines saint-simoniennes, est arrivé à considérer le système de M.  […] Fourier lui-même déploie d’ordinaire une éloquence cynique que rien n’égale, comment passer à M. 

306. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

L’événement capital de l’histoire du monde est la révolution par laquelle les plus nobles portions de l’humanité ont passé des anciennes religions, comprises sous le nom vague de paganisme, à une religion fondée sur l’unité divine, la trinité, l’incarnation du Fils de Dieu. […] Son tombeau passe pour celui d’un méchant, sa mort pour celle d’un impie. […] Ce fut quelque chose de très — analogue à ce qui se passa sous Néron, deux cent trente ans plus tard. […] A mesure que le pouvoir se sécularisait et passait en des mains incrédules, le peuple juif vivait de moins en moins pour la terre et se laissait de plus en plus absorber par le travail étrange qui s’opérait en son sein. Le monde, distrait par d’autres spectacles, n’a nulle connaissance de ce qui se passe en ce coin oublié de l’Orient.

307. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

C’est aussi dans ces temps où les princes ne se montraient qu’à moitié, que le roi s’amusant à la campagne (à Clagny sans doute) à renverser à demi les fauteuils des dames, passa droit derrière celui de madame Scarron, en disant : Pour celle-là je n’oserais. […] Il est bien juste que je passe ici pour sa mère, moi qui en ai toute la tendresse et qui partage avec vous tous ses maux. » À la même, Anvers, 20 avril 1674 : « Madame, le médecin visita hier le prince. […] Elle s’en exprime ainsi dans une lettre du 15 juin, à son frère : « La vie que l’on mène ici est fort dissipée, comme vous savez, et les jours y passent fort vite. […] qu’était-ce que ces choses terribles qui se passaient entre elles ? […] Madame Scarron avait passé trois nuits près de ces enfants malades, et elle croyait n’avoir encore rien fait.

308. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Madame de Sévigné va nous apprendre comment les choses se sont passées. […] L’une lui tient le pot a pâte à genoux devant elle ; l’autre lui apporte ses gants ; l’autre l’endort. » Ainsi se passaient les choses pendant l’absence de madame de Montespan. […] Je vous crois trop bon Français pour n’avoir pas été ravi de ce qui s’est passé. » (Ravi ne peut être là qu’ironiquement. […] La peur de m’en repentir m’a fait passer par-dessus les mouvements que mille autres auraient appelés vocation. […] Elle est incapable d’amitié, et je ne puis m’en passer.

309. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

C’est un principe qui a été suffisamment démontré par l’histoire de la philosophie, et nous ne voyons pas pourquoi on ne l’appliquerait pas au temps présent comme on l’applique généralement au passé. […] L’idée spiritualiste, n’ayant point exclu la variété et le mouvement dans le passé, ne l’exclut pas davantage dans l’avenir. […] Il est évident, pour tous ceux qui savent ce qui se passe, qu’un travail de rajeunissement et de rénovation s’opère dans le sein de la philosophie spiritualiste. […] Nous sommes passés du dogme à la liberté ; elles passent au contraire de la liberté au dogme. […] Le bruit qui se fait à la surface de notre société agitée ne lui est pas la vraie mesure de ce qui se passe véritablement au fond des esprits.

310. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

C’est à lui qu’on doit cette coquille qui est digne de passer à la postérité la plus reculée : « Tu fais la honte de mes chapeaux gris !  […] Deux jours se passent : il n’est plus temps d’écrire votre article. […] D’abord, elle passe chez le petit blond, qui lui abandonne une boucle de ses cheveux. Puis… puis, comme il n’est pas avec le train des accommodements, elle n’eut pas le temps de passer chez le grand brun. […] Vers 1814, Napoléon passait par Poitiers.

311. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

en effet, excepté Démosthène, vrai comme l’amour de la patrie et l’intérêt bien entendu de son État, que reste-il d’un peuple qui passait pour le plus éloquent de tous les peuples ? […] Il pouvait s’enfoncer dans le sanctuaire, dans la solitude, dans l’absence, dans la vie lointaine, dans la tombe… Il a passé. […] Car voilà l’orateur : une figure qui passe ! […] C’est l’homme qui a mis la main sur les artères de l’humanité, et qui a compté goutte par goutte ce qu’il y passe de sang orageux ou de sang corrompu. […] Il en a eu un autre, qui passera comme les idées politiques par lesquelles on pourrait l’expliquer, mais l’empire qu’il tient de sa connaissance du cœur de l’homme ne passera point ; il restera son vrai mérite et sa vraie gloire.

312. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Vers ce même temps, et non plus dans l’ordre de l’action, mais dans celui du sentiment, de la méditation et du rêve, il y avait deux génies, alors naissants, et longuement depuis combattus et refoulés, admirateurs à la fois et adversaires de ce développement gigantesque qu’ils avaient sous les yeux ; sentant aussi en eux l’infini, mais par des aspects tout différents du premier, le sentant dans la poésie, dans l’histoire, dans les beautés des arts ou de la nature, dans le culte ressuscité du passé, dans les aspirations sympathiques vers l’avenir ; nobles et vagues puissances, lumineux précurseurs, représentants des idées, des enthousiasmes, des réminiscences illusoires ou des espérances prophétiques qui devaient triompher de l’Empire et régner durant les quinze années qui succédèrent ; il y avait Corinne et René, Mais, vers ce temps, il y eut aussi, sans qu’on le sût, ni durant tout l’Empire, ni durant les quinze années suivantes, il y eut un autre type, non moins profond, non moins admirable et sacré, de la sensation de l’infini en nous, de l’infinienvisagé et senti hors de l’action, hors de l’histoire, hors des religions du passé ou des vues progressives, de l’infini en lui-même face à face avec nous-même. […] Nodier l’invoquait dans sa préface des Tristes, et regrettait qu’Oberman se passât de Dieu. […] me suis-je dit, Oberman a passé familièrement ici ; il y a passé aussi familièrement que Saint-Preux ; il a touché la main de Lélia. […] Une existence agitée est un suicide, si elle fait perdre le souvenir du monde meilleur ; et, quand on a conscience de sa dignité, il me semble que c’est une profanation d’employer son énergie et de ne pas lui laisser toute la sublimité des possibles… J’aime à vivre retiré, à faire les mêmes choses, à passer par les mêmes chemins : il me semble qu’ainsi je me mêle moins à la terre, et que je conserve toute ma pureté.

313. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Ou encore ils sont comme ces seigneurs voleurs, les burgraves du Rhin, qui barraient le fleuve : aucune vérité ne passe. […] L’esprit (je l’entends au sens le plus fin) est une des choses dont on se passe le plus aisément entre soi dans la jeunesse : on a l’imagination, la sensibilité, le mouvement. […] Ou encore, comme un poëte devenu critique le disait : Jeune, on se passe très-aisément d’esprit dans la beauté qu’on aime et dé bon sens dans les talents qu’on admire. […] En vain les Adolphe et les René se croient le privilége de leurs orages ; tous les jeunes cœurs sensibles passent à peu près par les mêmes phases d’émotion, comme plus tard les judicieux arrivent aux mêmes résultats d’expérience. […] En général, nous autres hommes, nous nous plaignons trop ; nous accusons le sort et la nature, ou la société, comme si toute notre vie se passait à subir le malheur.

314. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Il existe un petit nombre de lettres curieuses de Mme de Tencin au duc de Richelieu, écrites dans le courant de 1743 ; informée par son frère, le cardinal, de tout ce qui se passe dans le Conseil, cette femme spirituelle et intrigante en instruit le duc de Richelieu, alors à la guerre. […] Ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder : il n’est affecté de rien ; dans le Conseil, il est d’une indifférence absolue ; il souscrit à tout ce qui lui est présenté. […] On raconte qu’à son dernier automne (1765), ayant désiré revoir à Versailles le bosquet qui portait son nom et dans lequel s’était passée son enfance, il dit avec pressentiment, en voyant les arbres à demi dépouillés : « Déjà la chute des feuilles !  […] La vraie morale à en tirer, c’est, sans s’exagérer le présent, et tout en y reconnaissant bien des grossièretés et des vices, de ne jamais pourtant regretter sérieusement un passé où de telles monstruosités étaient possibles, étaient inévitables dans l’ordre habituel. […] de pareils récits et les turpitudes mêmes où ils font passer ont un sens sérieux : la nécessité et la légitimité de 89 sont au bout, comme une conséquence irrécusable.

315. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIV. Rapports de Jésus avec les païens et les samaritains. »

Le prêtre, par état, pousse toujours au sacrifice public, dont il est le ministre obligé ; il détourne de la prière privée, qui est un moyen de se passer de lui. […] Il eut plusieurs disciples à Sichem, et il y passa au moins deux jours 667. […] Un prêtre passe, le voit et continue son chemin. Un lévite passe et ne s’arrête pas. […] La route de Jérusalem en Galilée passe à une demi-heure de Sichem 670, devant l’ouverture de la vallée dominée par les monts Ebal et Garizim.

316. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Tandis qu’on fait un conte, on est gai, on ne songe à rien de fâcheux, le temps se passe, et le conte de la vie s’achève sans qu’on s’en apperçoive. […] Quand on a fini son triennat, on passe à Rome où nous avons une autre école. […] La porte était obsédée, il demanda qu’on lui fît passage ; la foule s’ouvrit, et tandis qu’il la traversait on lui criait : passe, foutu âne. l’élève injustement couronné parut ensuite. […] Mais ce projet ne tint pas contre la crainte du guet et du châtelet ; ils se contentèrent de former deux files entre lesquelles tous leurs maîtres seraient obligés de passer. […] En effet, si ce projet avait passé, les décimés étaient bien résolus de cribler Cochin de coups d’épée.

317. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

De la dédicace et de la préface il résulte que l’auteur a reçu force compliments et cartes de visite pour sa pièce : avant la représentation, c’était le suffrage (je copie textuellement) des hommes les plus éminents dans le monde littéraire, dam le monde politique et dans le monde social ; depuis la représentation et pour contrecarrer les impertinences qu’en ont dites des critiques mal placés, « les juges réels de la pièce, ceux qui vivent parmi les choses et qui les voient, viennent tour à tour, auprès de l’auteur, s’inscrire en témoignage et lui apporter leur formelle adhésion. » Le moyen, maintenant, de refuser cette adhésion formelle et de prétendre à passer pour un juge ! […] De cette objection générale sur le peu de vérité scénique, si l’on passait à la vérité réelle, et, pour ainsi dire, biographique des personnages, il y aurait beaucoup à dire. Il est faux, par exemple, que Dampré ait pu attendre si longtemps pour s’expliquer avec Émilie ; avec ces sortes d’assiégeants, les années entières ne se passent pas dans des manœuvres si discrètes et si respectueuses. […] Les scènes assises, dont il a été tant question, sont clair-semées de petits traits, de petites épigrammes anecdotiques qui ne seraient piquantes que si on en savait les personnalités, et qui ne peuvent, dans aucun cas, passer pour plaisantes. […] Des années ont passé déjà là-dessus, mais ce ne sont point des titres à être un bon recommandeur. » 40.

318. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

Louis XIV, roi à l’âge de 5 ans, sous la régence d’Anne d’Autriche sa mère, assistée du cardinal de Mazarin, avait passé l’intervalle de 1643 à 1648, époque de sa minorité, à écouter chaque jour le récit des victoires que le prince de Condé, âgé seulement de 22 ans, remportait sur les ennemis de la France. Le roi enfant n’entendait parler que de la gloire de ses armes ; en 1646, à l’âge de huit ans, il était conduit par sa mère à l’armée de Flandre et la passait en revue : alors il n’avait pas encore atteint l’âge où Marié de Médicis faisait donner le fouet à Louis XIII. […] Mais des deux parts, il y eut des transfuges qui passèrent d’un côté à l’autre. […] Le duc d’Orléans, père de Mademoiselle, flotta toujours entre les deux partis ; il passa plusieurs fois de l’un à l’autre. […] Aussi quelle réception l’attendait dans la capitale, au retour de ces campagnes, où il s’était toujours passé quelque chose à son honneur !

319. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Elle passa presque inaperçue. […] Ce qui se passe en dessous de lui, sans l’atteindre directement, lui fait passer le temps sans l’émouvoir. […] En quelle année de quel siècle se passe son drame ? […] Masson-Forestier a passé la quarantaine. […] Ce Renaud passe pour fou.

320. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Les Martyrs sont tournés, comme l’épopée elle-même, vers le passé. […] D’autres fragments ont passé dans les Mémoires. […] C’est le pont de bateaux sur le Rhin, qui se défait quand l’armée est passée. […] Ce qui se passe et ce qu’on pense à Véretz ressemble à ce qui se passe et se fait dans des milliers de communes de France. […] La maison de Saint-Simon peut passer pour un quartier général de l’antilégisme.

321. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Que se passait-il donc dans le fossé ? […] Avec un grand fracas la vitre se cassa et je passai au travers. […] Il y eut surtout un certain abbé, corpulent et peu agile, qui ne pouvait passer. […] Passe-moi ma boîte de pâte pectorale. […] J’y allai, en effet, passer quelques jours.

322. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Des oiseaux passaient en poussant un cri faible. […] Alors celui-ci passe ses journées dans les pleurs, et ses nuits sans repos. […] J’ai passé là-bas, dans ma jeunesse, des mois charmants. […] Quatre ans passèrent. […] Ballotté entre le passé et l’avenir, il s’en allait à la dérive.

323. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Quelles passes d’armes. […] Tout ce qu’on a passé n’est rien. […] Il passait, mais il passait lentement. […] Le temps passe. […] Le temps passe.

324. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Molière passait dieu. […] Le style de théâtre est celui qui passe par-dessus la rampe. […] Aux siècles passés, un homme qui avait de trente-cinq à quarante ans, s’écriait de bonne foi, comme La Fontaine : « Ai-je pas passé le temps d’aimer ?  […] lui aussi il y passera ! […] Il passe à autre chose.

325. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

— Avez-vous vu passer M.  […] Tout passe avec de l’esprit. […] La France passa condamnation. […] Elle n’en pouvait plus de l’hiver qu’elle venait de passer. […] Combien de temps se passa ?

326. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Il faudra passer par ici, tourner par là ». […] C’est toujours ainsi que cela se passe. […] C’est toujours ainsi que cela se passe. […] Moréas passait pour un bohème. […] Les heures passent.

327. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Mais, « tout passe », a dit Lamartine après bien d’autres. Oui, tout passe, heureusement, et M.  […] Racontez-nous le passé, les habitants de la lune, etc. […] Ceci, vous le voyez est passé à l’état d’idée fixe chez moi. […] C’est comme si Socrate passait en cour d’assises.

328. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Il parcourt sa vie passée et note déjà ce qu’il appelle ses âges . […] Des sensations à peine commencées se pressaient en lui, des images informes et riantes passaient devant ses yeux. […] passe encore si c’eût été une chanson. […] Voyons-le à l’œuvre dans le passé ; il s’y est mis de bonne heure, et voilà près de trente ans. […] l’esprit trouve encore moyen de passer par-dessus.

329. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Tous ces messieurs autour du tapis vert, tous ces mielleux bonshommes de la Commission, tous ces administratifs littérateurs, poussant leur carrière par la toute-puissance du « passe-moi la casse, je te passerai le sené » m’inspirent presque un dégoût physique. […] J’ai vu vendre de vieux tapis persans, de vieux morceaux d’harmonieuses couleurs très passées, des 6 000, des 7 000, des 12 000 francs. […] Charles-Edmond, — s’écrie-t-il, — vous rappelez-vous les heures passées près de ce temple, dans cette enceinte, occupée par des cordiers… Ah ! […] Saint-Victor disait, ce soir, que la Russie nous avait fait avertir que, passé cette année, elle ne répondait plus de rien. […] On passe dans la salle à manger.

330. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Il avait le plus grand talent pour les négociations, comme on le voit dans les mémoires de Dalrimple imprimés de nos jours ; mais de son temps, il ne passait que pour un homme de beaucoup d’esprit et un homme de plaisir. […] J’ai passé les déserts ; mais nous n’y bûmes point. C’est quelque propos populaire et trivial dont on se passerait bien ; mais il n’appartient qu’à La Fontaine de rendre cette sorte de naturel supportable aux honnêtes gens ; nous en verrons plus bas un autre exemple dans la fable du singe et du léopard. […] On peut objecter que, dans cette fable, le marchand est forcé de passer la rivière, comme il a été forcé de passer le torrent, et que la fable serait meilleure, c’est-à-dire, la vérité que l’auteur veut établir mieux démontrée, si le marchand, ayant le choix de passer par la rivière, ou par le torrent, eût préféré la rivière.

331. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Il y passe des éclairs singuliers entre les ténèbres. […] Sismondi ne fut point, lui, amoureux de Madame de Staël, mais, quand il mettait la tête hors de ses livres comme une carpe met la sienne hors de l’eau, il l’admirait naïvement et passait sa vie à l’entendre. […] , pliée, repliée et figée dans une soixantaine de lettres, à peu près, adressées à Madame d’Albany, une femme dont Sismondi avait hanté la maison à Florence, comme il avait hanté, en Suisse, celle de Madame de Staël, — ces sortes de lanternes magiques où l’on voit passer devant soi beaucoup de figures, ces espèces de belvédères ouverts sur le monde, intéressant beaucoup le badaud qui est le fond de tout érudit, pour peu qu’il ne soit pas un distrait. […] Les huit piètres lettres adressées à Madame d’Albany que Taillandier publie à la suite de celles de Sismondi, quoique moins pataudes, ne se recommandent ni par le fond, ni par la forme, à une Critique saine et robuste, qui ne passe point son temps à compter, loupe en main, les grains de tabac tombés sur un jabot jauni ! […] Nulle part on ne sent, sur ces fragments hâtés, le toucher de cette main de feu qui y est passée et qui aurait dû y laisser au moins une tiédeur, — au moins quelque odeur affaiblie de cette feuille de laurier qu’elle roulait incessamment dans ses doigts !

332. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Iis ne savent que dire du passé et ils présument tout de l’avenir : voilà leur science et leur sagesse ! […] Fière source de certitude pour ceux-là qui, du haut de leurs incertitudes, nous insultent, nous autres qui buvons à la source de la tradition et du passé ! […] Armand Hayem a du moins sur eux l’avantage d’être jeune, et, malgré le scepticisme qui n’a pas encore passé de ses idées dans ses sentiments, d’avoir les enthousiasmes de la jeunesse. La science, si vaine qu’elle soit et dont un jour peut-être il sentira le creux, est pour lui présentement ce que la religion est pour nous, et l’avenir ce qu’est pour nous le passé. […] Après Hegel, voici du Renan, ce lâche hégélien que Hegel aurait méprisé : « Nous nous consolons de passer à travers le souvenir de la pensée universelle, comme passent les êtres à travers la vie, dans l’immensité de l’inconnu. » « La dispute philosophique, — dit encore, par la plume d’Armand Hayem, le vaniteux mandarin des mandarins qui veut constituer à son profit l’aristocratie de l’écritoire, — la dispute philosophique est le privilège de quelques esprits, jusqu’aux temps où ils pourront ouvrir à l’humanité des vues et des destinées nouvelles.

333. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

On dirait d’une cour d’Orient qui, pour se mouvoir, entraîne tout un monde : « quand elle va s’ébranler, il faut, si l’on veut passer, prendre la poste d’avance ». […] Cela fait, le roi prescrit l’ordre de la journée, et passe avec les premiers de sa cour dans son cabinet, où parfois il donne des audiences. […] On représente et on reçoit ; on fait figure et on passe son temps en compagnie. […] Quand les dames de la cour et surtout les princesses passent devant le lit du roi, elles doivent faire la révérence. Quand les officiers du palais passent devant la nef, ils doivent faire le salut  De même le prêtre ou le sacristain qui passe devant l’autel.

334. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Nous nous étions construit au pied d’un rocher de petites huttes, couvertes de branches de sapin, pour y passer la nuit sur un sol sec. […] La tête énergique de Fabvier rappelait les hommes des siècles passés, et nous revînmes à lui plusieurs fois. […] Passé la soirée chez Goethe. […] Le soir, l’accès était passé. — Le malade était dans son fauteuil qu’il ne quitta plus pour son lit. […] Napoléon passe à Weimar et y voit Goethe.

335. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

En réalité, il me paraît que les choses se passent différemment. […] Mon bien-aimé est avec moi, comme un sachet de myrrhe ; il passera la nuit entre mes mamelles (I, 13). […] Je ne cite que trois passages ; dans le dernier, D’Annunzio a mis au futur le passé du texte d’Ézéchiel. […] Le premier acte commence à 11 heures du matin ; le deuxième suit immédiatement, et le troisième se passe à 5 heures du soir. […] La réclame n’est qu’un bruit qui passe ; la noblesse demeure, et noblesse oblige.

336. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

J’ai ordonné que l’on eût un peu de cruauté pour ceux que l’on trouve cachés dans les montagnes, qui donnent la peine de les aller chercher, et qui ont soin de paraître sans armes lorsqu’ils se voient surpris étant les plus faibles.Ceux que l’on peut prendre les armes à la main et qui ne sont pas tués, passent par les mains du bourreau. » Atrocité à jamais regrettable chez un guerrier humain l'erreur chez un esprit sage ! […] … Deux ou trois années se passèrent ; le mal du pays tenait à cœur aux Vaudois exilés ; ils se comparaient aux Hébreux en captivité, et, comme le peuple de Dieu, ils croyaient fermement au retour et à la délivrance. […] Il s’agissait, pour ce peuple errant et dispersé, de se donner un rendez-vous à l’extrémité du lac de Genève, à Bex, aux portes du Valais, d’entrer en Savoie, « de l’effleurer par le territoire de Saint-Maurice, de passer à Martigny, de suivre la vallée du grand Saint-Bernard jusqu’à Orsières, de remonter le val Ferret, puis traverser le col Letrevre, descendre à Courmayeur, passer de là au petit Saint-Bernard, tourner ainsi le Mont Blanc, et venir retomber en Savoie entre le col Bonhomme et le mont Iseran du côté de Scez, sur la route qu’avaient reconnue leurs premiers éclaireurs. » Cet itinéraire habile et hardi ne fut pas suivi comme il avait été tracé d’abord ; le premier projet échoua ; la pratique et la nécessité en suggérèrent un autre : ce fut à Prangins, près de Nyon, que le rendez-vous patriotique eut lieu ; on traversa le lac à cet endroit (16 août 1689) ; on passa par Cluse, Sallanches, on attaqua le Mont-Blanc et le col du Bonhomme par un autre côté. […] Catinat menaçait toujours de passer le Rubicon, mais il ne le passait point, et tout en étant ferme dans sa consigne, il eut quelque lenteur dont l’ennemi profita. […] Fénelon, ami de Croisilles, ne put s’empêcher de lui dire que son frère avait un peu trop négligé le style dans sa narration, sur quoi Catinat répondait : « Je l’ai écrite naturellement et currente calamo, ayant été extraordinairement occupé depuis que l’armée a passé en Piémont.

337. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Sa première fougue de tempérament passée, les livres devinrent bientôt sa passion principale et dominante. […] — Création : peut-on se passer du système de De Luc, qui considère les six jours comme six époques indéterminées ?  […] Cependant les jours passent, et les mois et les années emportent la vie dans leur fuite rapide. […] Ma vie se passe dans une sorte de milieu vague entre toutes ces choses, avec un penchant très fort à une indolence d’esprit et de corps, triste, amère, fatigante plus qu’aucuns travaux, et néanmoins presque insurmontable. […] Il passe son temps à se dévorer lui-même et à forger des armes de controverse.

338. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Et puis les mœurs avaient perdu en saillie depuis que la régularité d’Henri IV avait passé dessus : Louis XIV allait imposer le décorum. […] Au reste, ces incertitudes et ces inconséquences étaient inévitables en un siècle épisodique, sous un règne en quelque sorte accidentel, et qui ne plongeait profondément ni dans le passé ni dans l’avenir. […] Si de la théorie poétique de Boileau nous passons à l’application qu’il en fait en écrivant, il ne nous faudra, pour le juger, que pousser sur ce point l’idée générale tant de fois énoncée dans cet article. […] Qu’est-ce, je le demande, qu’un indiscret qui passe de bouche en bouche et s’accroît en marchant ? […] et de la nôtre, combien en ont-elles fait passer dans celle des étrangers !

339. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Si maintenant nous en venons de la terre aux plantes et aux animaux qui vivent ou ont vécu, les faits nous manquent pour vérifier la loi ; non qu’il soit douteux pour l’organisme individuel que le progrès se fait du simple au composé ; mais si nous passons des formes individuelles de la vie à la vie en général, nous ne pouvons dire si les Flores et Faunes modernes sont plus hétérogènes que celles du passé. […] Si nous passons à l’humanité considérée dans son organisme social, nous trouvons de nombreux faits à l’appui de notre loi. […] A mesure que nous passons de la prévision qualitative à la prévision quantative, nous passons de la science inductive à la science déductive. […] Comment passons-nous de la perception vague de l’égalité à la perception exacte propre à la science ? […] S’il regarde intérieurement, il voit que les deux extrémités de cette chaîne qui forme la conscience sont hors de sa portée ; il ne peut se rappeler quand ou comment la conscience a commencé, et l’état de conscience qui existe à chaque moment, il ne peut l’examiner, car, ce n’est que quand un état de conscience est déjà passé qu’il peut devenir l’objet de la pensée, et jamais pendant qu’il passe.

340. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Les prétendus passent et s’éloignent : ils se plaignent avec raison que la mariée est trop belle. […] Le Casino d’Étretat, où l’action se passe, est un vrai champ de combat social. […] Cette naïveté passe quelquefois la mesure. […] Elle s’engage cependant à venir passer la soirée dans le chalet qu’occupe madame Aubray au bord de la mer. […] Elle en dit trop : son dévouement passe les bornes ; un mot de plus, on se méfierait.

341. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

C’est ainsi qu’en parlaient tous ceux qui ne la connaissaient que de réputation : « Mélise peut passer pour une des plus raisonnables précieuses de l’île de Délos », est-il dit dans Le Grand Dictionnaire des précieuses. […] Ainsi pour cette âme égale et tempérée se passa la vie, sans grand éclat, sans trouble intérieur, et dans une maturité constante. […] Mais la partie originale de ces Mémoires est celle qui prend à partir de là, et qui traite de ce qui s’est passé à portée de vue de l’auteur. […] Par cette droiture de procédé, elle se fait tort auprès du ministre ; mais la reine a dans le cœur assez d’élévation pour lui pardonner ces témoignages de probité et, la première froideur passée, pour ne pas lui en garder de rancune. […] J’ai vu de ses portraits, qui étaient faits du temps de sa beauté, qui montraient qu’elle avait été fort aimable, et, comme sa beauté n’avait duré que l’espace du matin et l’avait quittée avant son midi, elle avait accoutumé de maintenir que les femmes ne peuvent plus être belles passé vingt-deux ans.

342. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Sa rupture avec le passé est évidemment trop radicale. […] Le drame étant tout idéal, peu importe en quel lieu, en quel temps il se passe. […] Il a fallu la Révolution pour donner à la France le souci du passé et le sentiment de la tradition française. […] L’ignorance et l’indifférence du passé lui fermaient les yeux sur l’avenir. […] Ce temps est comme Dieu : il vit dans un éternel présent, sans passé et sans futur.

343. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Fingal restera le dernier de sa race ; la gloire que j’ai acquise passera. […] C’est Carril, le chantre des temps passés. […] Le murmure de tes ruisseaux, ô Lora, rappelle la mémoire du passé. […] il faudra donc que je passe la nuit, abandonnée, sur cette colline ! […] ils passent et ne regardent point leur père.

344. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

On déjeune, puis on passe fumer dans la vérandah, où souvent la princesse allume le cigare des fumeurs, en injuriant la puanteur du tabac. […] Vers les une heure, elle passe dans son atelier, et travaille elle-même, sérieusement, conseillée par Giraud, sa vieille Giraille, dans son dos. […] Nous avons passé trois semaines à vivre cette vie. […] C’est alors qu’il passe à un morceau d’éclat sur les Muses, oui les Muses avec une grande lettre, où il dit qu’elles méprisent ceux qui passent leur vie à leurs genoux, et que les faveurs les plus sérieuses sont réservées au mortel courageux, qui, en allant à son travail, les salue avec un mâle amour. […] … Voyez-vous, quand même le 3e acte nous reviendrait de la censure, il faudrait que cela se passât dans la rue… Des passants, du peuple, vous voyez ça… Et pas un endroit fermé… C’est très remarquable… du style, oh !

345. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Le passé maudit subsiste encore. […] Passons donc en revue les plus beaux rêves de M.  […] Nous nous sentons passer, mais au moins nous passons. […] Grenier a vu passer les fantômes de merveilleux poèmes. […] de ce qui se passe de nos jours !

346. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

La chose s’est passée d’une façon tout à fait naïve et allemande. […] Qu’a-t-on besoin de savoir tout ce qui se passe ! […] Qu’on n’ait pas connu la pièce de Van Brugh, passe encore ! […] Il passe. […] Maintenant, que s’est-il donc passé ?

347. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Mais, par malheur, aussitôt le premier éclair d’éblouissement passé, la comparaison ne tourna pas à l’avantage du moins des doctrines ; il apparut clairement qu’elles n’avaient pas la portée et la consistance qu’on leur avait attribuées. […] Ils s’arrêtèrent donc à l’endroit juste où on les déposa, et dès le 7 août ils s’y étaient cantonnés, proclamant hautement, les uns (c’étaient les plus effrayés) que le pays d’au-delà était semé de périls, peuplé d’animaux féroces et d’anthropophages ; les autres (c’étaient les plus hébétés) que par cela seul qu’on avait passé de la rive droite à la rive gauche, on était nécessairement, et tout d’abord, en pays de Cocagne. […] Peut-être, après avoir parcouru ces Lettres, pensera-t-on qu’elles se rattachent à des études commencées, à un dessein général que je demande au temps la permission de poursuivre. » Les Lettres Berlinoises sont un dernier travail critique, un relevé analytique et pittoresque de la situation générale de la France après juillet, un hardi règlement de compte avec les hommes et les choses du passé, un déblaiement, en un mot, de ces débris sous lesquels nous sommes un peu plus écrasés qu’il ne conviendrait à des vainqueurs. […] Lerminier passe outre ; renouant étroitement avec la philosophie du xviiie  siècle et avec la Révolution française, seules origines fécondes et génératrices pour notre âge, il se pose en plein les problèmes sociaux qui, voilés durant quinze ans d’un rideau fleurdelisé de théâtre, ont été de nouveau démasqués par les trois jours. […] Quand on entend les hommes renommés par l’étendue de leur savoir et de leur esprit épuiser les sophismes de la logique et mille fausses lueurs détournées de l’histoire, au service d’une négation cynique de tout progrès social, il y a plaisir à contempler un esprit ardent qui, l’œil sur un but magnifique et lointain, ne ménage aucune étude, aucune indication empruntée aux philosophies et aux révolutions du passé, pour diminuer l’intervalle qui reste à franchir, pour tenter d’ajouter une arche de plus à ce pont majestueux où l’humanité s’avance.

348. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Alla-t-il passer, dès 1704, les vacances d’automne dans les terres et les châteaux où on l’invitait ? […] On reconnaît presque là ce vaudeville dont parle Boileau : Agréable indiscret qui, conduit par le chant, Passe de bouche en bouche et s’accroît en marchant1. […] Massillon avait ce don qui lui permettait de décrire toutes les situations de l’âme, comme s’il y avait passé lui-même. […] Les Sermons de Massillon n’étant pas imprimés de son vivant, il semble qu’il y ait ici un anachronisme : mais il se pouvait qu’il y eût quelques copies en circulation parmi les écoliers de Clermont, ou qu’une édition incomplète leur eût passé par les mains. […] retentissaient de toutes parts : « Jamais, dit l’Estoile, ne vit-on un si grand applaudissement de peuple à roi que celui qui se fit ce jour à ce bon prince partout où il passa. » On le faisait remarquer à Henri IV, qui répondit en secouant la tête : « C’est un peuple ; si mon plus grand ennemi était là où je suis, et qu’il le vît passer, il lui en ferait autant qu’à moi et crierait encore plus haut qu’il ne fait. » On cite une réponse toute pareille de Cromwell ; mais dans la bouche de Henri IV le mot, ce me semble, a encore plus de poids.

349. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Toutefois, après qu’on s’est emparé de ses propres aveux à lui-même, après qu’on a écouté sur son compte des adversaires tels que Retz et qu’on a recueilli leurs paroles, il n’y a plus qu’à passer outre sans insister. […] Vaincu, évincé des premiers et des seconds objets de son ambition, rejeté dans son fauteuil par l’âge, par la goutte, par l’attrait de la douceur sociale et de la vie privée, il trouve à raisonner sur le passé, à en tirer des leçons ou plutôt des remarques, des maximes, qui s’appliquent aux autres comme à lui. […] Telle n’était point autrefois la conversation de l’honnête homme dans la vie privée, selon M. de La Rochefoucauld, qui passe pour en avoir été le vrai modèle. […] Nos deux célèbres contemporains, par ces oppositions manifestes, ne font que déclarer leur propre nature, proclamer ce qui leur manque, et deviner dans le passé ceux qui les auraient finement pénétrés et raillés avec sourire, ou simplement critiqués par leur exemple. […] Rien ne serait plus sot et plus déplacé ; mais j’ai appris à connaître les hommes en vieillissant, et je crois que le meilleur est de se passer d’eux sans faire l’entendu… Cette rareté de bonnes gens est la honte du genre humain.

350. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

De retour à Berne, et en attendant son entrée dans la vie publique, Bonstetten passa quelques années de fin de jeunesse, très animées encore et très variées, qu’on suit à la trace dans ses correspondances. […] C’est du malheur, mais cela passera ; et tout là-bas est le beau lac où les ondes des torrents auront de plus nobles destinées. […] Le matin, en s’éveillant dans son cabinet, mon ami jouissait de la belle vue ; puis il travaillait jusqu’à une heure avant le dîner qu’il passait le plus souvent à se promener seul avec moi. […] La nuit se passe en courses, et quelle est ma stupéfaction, en rentrant chez moi le lendemain matin, de trouver la fatale clef dans ma poche ! […] Tous jugeaient mal la Révolution, tous étaient clairvoyants dans les choses passées, et plus ou moins aveugles pour les choses présentes !

351. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Je conçois que de temps en temps on attaque, s’il y a lieu, si l’occasion vous tente, s’il y a une justice à faire, une revanche à prendre : puis on passe outre, et l’on n’y revient plus que de loin en loin et le moins possible ; le public vous en sait gré. […] Le cardinal de Retz passa les derniers jours de sa vie à faire un livre unique, qui reste le bréviaire de tous ceux qui ont vu ou verront des révolutions, même autrement formidables. […] Le roi se ressouvenait du passé pour mieux régner ; tous les autres ne s’en souvenaient que pour mieux servir. […] Un Shakspeare s’est à peu près passé de tout cela, dira-t-on, et pourtant il a tout su. […] Elle a produit de brillants et vigoureux réactionnaires, des restaurateurs ou des prédicateurs du passé, Bonald, de Maistre, Chateaubriand ; des marcheurs en avant et même des utopistes en partie clairvoyants, et, par opposition aux injurieux prophètes du passé, des prophètes plus ou moins aventureux de l’avenir, tels que Saint-Simon, Comte ; de savants législateurs surtout, dans l’ordre du possible, les Tronchet, les Cambacérès, les collaborateurs du Code Napoléon… La simple observation morale eût paru un jeu un peu trop égoïste et désintéressé après de tels naufrages.

352. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Peu à peu tout l’Ancien et le Nouveau Testament y passèrent et y défilèrent, mis et traduits en scènes et en personnages ; et les Vies des Saints, et les Miracles de la Vierge également. […] Le Roy72, s’émerveille à son tour d’une assez jolie scène qui se passe entre des bergers. […] On a sous les yeux une suite de scènes qui devaient avoir beaucoup d’intérêt pour des spectateurs nourris de ces sujets saints, et dont toute la vie se passait au sein des croyances, au milieu de tout ce qui les retraçait. […] Pour leur peine, tout en arrivant, ils sont battus ; frottés, torchonnés de la belle manière et passés au feu par Astaroth et Belzébuth et tous les diables ameutés. […] Pilate passait devant un jardin ; il voit de belles pommes et en a envie ; singulière envie pour un gouverneur de Judée !

353. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Daru a souvent depuis raconté à l’auteur comment les choses s’étaient passées. […] Lebrun était donc receveur principal — dans les Droits réunis, je crois, — au Havre, avec autorisation de non-résidence, et il passait ses étés solitaire, travaillant ou rêvant, dans la tour de Tancarville, au bord de la Seine, en face de Quillebeuf. […] Les navires qui passent à la hauteur de Quillebeuf aperçoivent, à l’autre bord, une tour s’avançant à l’entrée d’un enfoncement vert et ombragé : c’est la tour principale de Tancarville, la tour de Aigle. […] On ne sait plus que croire… « Dans cette retraite, éloignée des villes et des grandes routes et alors tout à fait infréquentée, je passais donc ainsi les jours, étudiant, me préparant à de sérieux travaux, commençant de grands ouvrages. […] J’ai vu passer un char entouré de puissance.

354. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Ses écrits fourniraient les plus belles et les plus précieuses maximes en ce sens et à ce sujet : « Que s’est-il donc passé dans la société, qu’on ne puisse plus faire aller qu’à force de bras une machine démontée qui allait autrefois toute seule, sans bruit et sans effort ?  […] Les effets en furent lents, il est vrai, et deux siècles se passèrent avant qu’on se ressentît et qu’on s’aperçût des résultats :  « Mais alors arriva le Génie du mal, Richelieu ; il commença l’application de ces édits, application malheureusement continuée par Louis XIV. […] J’ai tenu à montrer l’excès dans ce système de restauration pure du passé, dont M. de Bonald nous représente le sommet le plus éminent et le plus imposant, mais dont M.  […] L’intolérance, en effet, selon sa remarque, est un défaut français par excellence ; nous sommes prompts, nous sommes vifs et exclusifs ; nous portons notre prévention du moment dans toutes nos idées ; nous passons vite de la parole à l’acte35. […] Je rappellerai encore une pensée de M. de Bonald : « Il y a des hommes qui par leurs sentiments appartiennent au temps passé, et par leurs pensées à l’avenir : ceux-là trouvent difficilement leur place dans le présent. » Lui, il a voulu faire mentir le mot et montrer qu’il appartient au présent36.

355. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Singulière énergie, révolution indiviiluelle à jamais étonnante, que celle qui raye d’un trait de plume et renvoie comme à néant tout le passé d’une telle vie, et qui fait qu’à plus de cinquante-trois ans on en recommence une nouvelle, — à beaucoup d’égards une contraire, — avec toute la ferveur de la jeunesse, avec tout le dégagé et tout l’absolu d’une première entreprise ! […] Nous ne le perdons pourtant point de vue encore ; mais, à travers cette vue, il est simple que le souvenir du passé tienne une grande place.  […] Sur son passage à Avignon, par exemple, croirait-on qu’un pèlerin croyant eût dit : « Ce passé triste, mais non sans grandeur, remplit d’une émotion profonde l’âme de celui qui traverse ces silencieux débris, pour aller au loin chercher d’autres débris, encore palpitants, de la même puissance ?  […] Dans les conclusions du présent livre sur le vrai christianisme qui doit désormais régir le monde, je remarque avec peine la même intrépidité de prédiction que quand l’auteur des Réflexions sur l’État de l’Église (1808) s’écriait en terminant : « Non, ce n’est pas à l’Église à craindre… Les siècles s’évanouiront, le temps lui-même passera, mais l’Église ne passera jamais. […] Si, au contraire, ceci est la fin, et que le monde soit condamné, au lieu de rassembler ces débris, ces ossements des peuples, et de les ranimer, l’Église passera dessus et s’élèvera au séjour qui lui est promis, en chantant l’hymne de l’Éternité ; » — ou bien quand, à la fin des Progrès de la Révolution, en 1829, il écrivait : « Vient le temps où il sera dit à ceux qui sont dans les ténèbres : Voyez la lumière ! 

356. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Une fois passé, on n’a plus à s’occuper d’eux, et l’on va rejoindre les gens d’esprit d’au delà. […] « Un consul romain passait à Téanum, ville de la Campanie, dans le pays des Sidicins. […] Cela se passait vers 630, » c’est-à-dire un peu plus de trente ans avant les représailles à main armée d’un autre Marius sous ces murs de Téanum. […] » Et il se passe l’épée à travers le corps. — Un autre chef, Judacilius, s’étant jeté dans Asculum aux abois, voit d’abord qu’il ne peut s’y défendre, et que les habitants sont à bout. […] Il est aussi une certaine atmosphère intellectuelle, soit pour les sociétés, soit pour les individus ; notre auteur en tient trop peu de compte et, dans les traits précis où il est maître, il s’en passe volontiers.

357. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Droz fut reçu par Carnot, qui, voulant lui être agréable, lui permit de passer quinze jours à Paris. […] Les principales scènes s’y passent dans le canton d’Appenzell, chez un pasteur protestant. […] Un antique poète21, qui passe cependant pour sage, a dit : « Insensés et bien puérils les hommes qui pleurent la mort, et qui ne pleurent point la fleur envolée de la jeunesse !  […] Mais les flots passent, l’inondation baisse, et la digue insensiblement se continue. […] Nous passons en revue les divers ordres de l’État, les diverses classes de la société, aux approches du règne de Louis XVI.

358. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Les gens occupés et ambitieux n’ont pas le temps d’être gais, et ils ont des fils qui leur ressemblent : on a tant d’examens à passer avant l’âge de vingt ans, que cela coupe la veine. […] On arrive à Arles dans la famille de la dame, et les deux amants sont prêts à y célébrer leurs noces, quand tout à coup celui qui passait pour mort depuis plus de huit mois, délivré très mal à propos de captivité par des religieux, tombe des nues comme un revenant et un trouble-fête. […] Cette période tout amoureuse et presque platonique de Regnard dure peu ; il n’est pas homme à se fixer dans ce genre de d’Urfé, et il passera vite à Rabelais. […] Il ne songe d’abord qu’à faire un voyage de Hollande ; mais, après quelques mois passés à Amsterdam, apprenant que la cour de Danemark était à quelques journées de là, lui et ses compagnons se décident à pousser vers le Nord. […] Je jetai d’abord la vue sur les agitations de ma vie passée, les desseins sans exécution, les résolutions sans suite et les entreprises sans succès.

359. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

About, qui passe pour avoir recommencé Voltaire, n’avait-il donc lu que M.  […] Il est dans le passé, il est dans l’avenir qu’il éclaire de lueurs prophétiques. […] Il faut seulement que quelques années aient passé. […] c’est l’heure délicieuse où l’on voit passer sur les boulevards M.  […] Il était allé passer la journée à Samois chez M. 

360. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Ces deux vagabonds sont les seuls liens qui rattachent les autres personnages au passé et à la tradition. […] L’immense liberté académique moderne de l’Allemagne abuse notre jugement sur un passé encore bien récent. […] qu’il a tort de passer ! […] C’est en vain que vous demanderiez secours contre ce passé qui vous étreint à un passé plus ancien. […] Le monde est plein de fantômes et d’apparitions qui passent auprès de nous sans attirer notre attention.

361. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Sa main était comme une flamme qui passe ! […] Six mois se passent. […] c’est la tragédie qui passe ! […] — c’est la vieille comédie qui passe ! […] on lui a refusé, l’an passé, le prix de poésie !

362. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Pitt avait faites aux catholiques ; ils l’ont menacé de passer à l’opposition. […] Elle est passée la pluie de l’orage, maintenant l’air est frais et parfumé. […] Mackenzie passa plusieurs jours chez cette nation. […] La révolution a creusé un abîme qui a séparé à jamais l’avenir et le passé. […] Mais comment passer le temps sur un sol étranger ?

363. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Non, ce ne serait pas honorer le passé, ce serait méconnaître l’avenir. […] Ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans le monde vrai. […] Ce qui se passe en littérature, depuis quelques années, est peut-être plus étonnant. […] Lisez la page 54 de sa belle introduction, et passez de là à la page 545 ; vous verrez que M.  […] Pour unir le passé au présent et les ranimer l’un par l’autre, M. 

364. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Voulez-vous savoir comment il passe ses jours d’été au village voisin, entre le travail et les heures nonchalantes de son repos ? […] Le moins que j’attrapais de grives, c’était deux ; le plus, c’était sept : c’est ainsi que j’ai passé tout le mois de septembre. […] L’avenir ne revient jamais sur une prévention du passé. […] Des chefs de bandes, enrôleurs de troupes mercenaires, la plupart étrangères, passent, selon le poids de l’or qu’on leur paye, du service d’un prince au service d’une république. […] Que s’était-il passé de nouveau dans la Péninsule qui pût autoriser le monde moderne à dire au fantôme de l’Italie unitaire : Lève-toi et marche !

365. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

« Que s’était-il passé pendant ces dix mois ? […] « L’éclair passé, la nuit retombait, et où était-il ? […] Il passe. […] Maintenant, que s’est-il donc passé ? […] Passez l’invraisemblable à J.

366. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Le roi ne partit que dans les derniers jours de mai : tout juin se passa à des mouvements de troupes, à des fourrages, à des escarmouches. […] Je voudrais bien être sur une des chaises de la brune, à côté de toutes les perruques rousses, pour entendre le haricot qu’ils font de nous tous, et aussi pour y voir passer des paniers. […] Il voulait être bien des choses à la fois, il lui passait par la tête bien des idées qu’il n’accomplissait qu’à demi. […] Il s’agissait de remplacer M. de Boze : Bougainville, le traducteur de l’Anti-Lucrèce, était sur les rangs et allait passer. […] a de peine à passer sans secousse d’un règne moral à l’autre, et que ceux qui essayent d’établir des pentes insensibles, des transitions graduelles, sont les malvenus !

367. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Prenez, de ces œuvres, les plus saluées d’abord et les plus applaudies : combien de places déjà mortes, combien de couleurs déjà pâlies et passées ! […] Le poète est allé revoir des lieux qui lui furent chers, quelque forêt, celle de Fontainebleau peut-être, où il avait passé des jours heureux. […] Mais M. de Musset éprouva le contraire, et ce réveil du passé qu’on craignait pour lui et qu’il craignait lui-même, il nous dit comment il l’a trouvé plutôt consolant et doux. […] Ne les essuyez pas, laissez sur mes paupières               Ce voile du passé ! […] Loin de moi les vains mots, les frivoles pensées, Des vulgaires douleurs linceul accoutumé, Que viennent étaler sur leurs amours passées               Ceux qui n’ont point aimé !

368. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Par la vision directe, la conscience se voit une actuellement, avec un cortège vague de représentations passées ou à venir que saisit la vision indirecte. […] De plus, l’image de la jouissance passée continuant d’accompagner la sensation présente, l’être tendra à maintenir cette image, à faire ainsi du passé le perpétuel accompagnement du présent, à multiplier le présent par le passé : il deviendra avide du souvenir, ce moyen de prolonger en arrière son existence, comme il est avide de tout ce qui peut amplifier et étendre sa vie. […] Une telle représentation de l’existence est d’autant plus inévitable qu’elle est utile, nécessaire même à l’être vivant pour l’adapter à l’avenir par le moyen du passé. […] Que l’image de la dent subsiste avec celle de la douleur, le mouvement de fuite se produira et, l’identité se projetant du passé à l’avenir, l’être deviendra capable de prévision par le souvenir même. […] L’être qui se prolongera par la représentation dans le passé et dans l’avenir sera donc mieux armé dans la lutte pour l’existence : par cela même qu’il concevra sa conservation, il la réalisera dans la même mesure : il aura sa ligne tracée, sa direction, son but ; il saura d’où il vient, où il est, où il va.

369. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Seulement, de quart d’heure en quart d’heure les deux battants ferrés de toutes les portes de Jérusalem s’ouvraient, et nous voyions passer les morts que la peste venait d’achever, et que deux esclaves nus portaient sur un brancard aux tombes répandues tout autour de nous. […]   Voilà la poésie tout entière dans le passé ; mais dans l’avenir que sera-t-elle ? […] Le jour baissait, il fallait trouver un asile, ou sous la tente, ou sous quelque voûte de ces ruines, pour passer la nuit et nous reposer d’une marche de quatorze heures. […] Ce spectacle nous saisit tellement d’abord que nous n’arrêtâmes nos regards sur aucun détail de la vallée ; mais quand le premier éblouissement fut passé et que notre œil put percer à travers la vapeur flottante du soir et des eaux, une scène d’une autre nature se déroula peu à peu devant nous. […] Pipe où le tabac passe dans l’eau avant d’arriver à la bouche.

370. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Ça devait se passer à la porte Saint-Martin. […] Et il passe une revue générale, en citant les noms, de la situation financière des commerçants du boulevard. […] « Eh bien, comment ça s’est-il passé ?  […] Sait-on comment se passaient ses nuits. […] Passé six heures, rien des choses politiques ne m’intéresse plus, ne me passionne plus, ne m’est plus de rien.

371. (1886) Le roman russe pp. -351

Comment abolir le passé et par où se reprendre les uns aux autres ? […] Tout ce qui passe sur la terre et dans le ciel russes lui appartient. […] Il passa pour avoir jeté le « premier cri ». […] Passons aux femmes de la même classe. […] comme on passe vite vieux bonze en littérature !

372. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Passons à l’histoire moderne. […] La mécanique et la physique passent dans la chimie, laquelle passe à son tour dans la physiologie végétale, laquelle a sa place aussi dans l’économie animale. […] Voilà comme aujourd’hui se passent les choses ; mais se sont-elles toujours passées de même ? […] Voilà comme se passent les choses dans la conscience de l’individu, et elles se passent de même dans l’histoire du genre humain. […] Donc il passera et il méritait de passer sous les fourches caudines de la conquête.

373. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Cervantes et Lesage ont passé par la même épreuve que Fielding. […] Maïs cela ne suffit pas, surtout lorsqu’il s’agit du passé. […] Bulwer, publié en 1827, a passé presque inaperçu. […] Le cinquième acte se passe sous les murs de Pavie. […] Toute sa vie jusqu’ici s’est passée en lectures et en conversations.

374. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Portoul ; non-seulement il se raille volontiers de la direction humanitaire dans la critique ou dans l’art, mais il se passe très bien, dans l’une et dans l’autre, d’un point de vue moral et d’un but utile quelconque ; il lui suffît en toutes choses de rencontrer ou de chercher la distinction, la fantaisie, l’éclat, la rareté de forme ou de couleur. […] Dans son premier point de vue intitulé la Vie dans la Mort, le poète, errant le 2 novembre dans un cimetière, y suppose la vie non encore éteinte, et essaye de se représenter les tourments, les agonies morales, les passions ulcérantes de tous ces morts, si, vivant encore d’une demi-existence, ils pouvaient sentir et savoir ce qui se continue sans eux sur la terre : Sentir qu’on a passé sans laisser plus de marque Qu’au dos de l’océan le sillon d’une barque ;   Que l’on est mort pour tous ; Voir que vos mieux aimés si vite vous oublient, Et qu’un saule pleureur aux longs bras qui se plient   Seul se plaigne sur vous. […] Le second point de vue, la Mort dans la Vie (et ces espèces de jeux de mots symétriques, vie dans la mort, mort dans la vie, sont bien dans le goût du moyen âge), présente une vérité réelle plus aisée à reconnaître, tout ce qu’il y a de mort et d’enseveli au fond de l’âme de ceux qui passent pour vivants : Et cependant il est d’horribles agonies Qu’on ne saura jamais ; des douleurs infinies    Que l’on n’aperçoit pas. […] Il a senti (certains de ses accents l’attestent) le mal qu’il a exprimé avec tant de violence ; l’angoisse du néant a passé par là.

375. (1902) La poésie nouvelle

C’est peut-être, leur latin, quelque langue forgée… Passons au grec. […] L’ennui, c’est, à l’arrivée, de passer devant les contrôleurs. […] Le poète revient sur son passé. […] Ici l’on verra, par exemple, notées avec une étonnante précision, plusieurs silhouettes d’un steamer qui passe. […] Le présent est déjà dans le passé, l’avenir aussi.

376. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Pascal, en son temps, remarquait que « c’est un grand avantage que la qualité (la naissance) qui, dès dix-huit ou vingt ans, met un homme en passe d’être connu et respecté comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans : ce sont trente ans gagnés sans peine ». […] Le paysan d’Athènes ne le pardonnait pas à Aristide ; je ne saurais le passer à M.  […] Et, par exemple, il passera en un clin d’œil de l’Œdipe ou du Roi Lear à une scène du Père Goriot, ou encore d’un père noble de Térence à une parabole de l’Évangile. […] Le nom d’Aristarque, le maître en ce genre de sagacité grammaticale, est passé en circulation à l’état de type, et signifie l’oracle même du goût. […] Que si l’on passe aux rhéteurs modernes, à ceux des bons et grands siècles, on descend de haut : la critique, en ces belles époques, n’a pas pris tout son développement et son essor, elle se contente souvent de suivre : pourtant, en un ou deux cas, elle dirige, elle guide aussi ; elle semble recouvrer son antique autorité.

377. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Or, cette espèce est très moderne en France et il a fallu les transformations successives par lesquelles nous sommes passés depuis la Révolution française, pour que des femmes qui n’étaient ni bossues, ni laides, ni bréhaignes, eussent l’idée de se mettre en équation avec l’homme, et que les hommes, devenus aussi femmes qu’elles, eussent la bassesse de le souffrir. […] En ce moment du siècle, il roule dans les esprits, qui en tressaillent, l’idée d’une égalité bien autrement profonde que cette égalité chétive ; et les femmes qui, en Gaule, passaient pour prophétesses, la pressentent et pour leur compte, la provoquent, en la demandant. […] Elles tendirent à devenir dans la réalité la femme libre, que le saint-simonisme avait révélée ; car des romans passionnés popularisent une idée et la font passer plus vite dans les idées et dans les mœurs que la plus crâne et la plus cambrée des théories. […] Et le grand cercle lui passa la jambe. […] la femme, qui est le petit cercle, passera-t-elle la jambe à l’homme, qui est le grand, ou l’homme continuera-t-il de la lui passer ?

378. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

L’entrevue se passe dans la villa de madame Lecoutellier, un des personnages importants de la comédie. […] Au quatrième acte, le drame bifurque et nous fait, en quelque sorte, passer ses frontières. […] Madame Guérin elle-même s’insurge et passe à son fils. […] La marquise Galeotti, courtisée par d’Estrigaud, s’est passé la fantaisie de faire venir chez elle sa maîtresse. […] Les filles aiment les bandits, mais elles les lâchent quand ils se font prendre. « Passons à l’étranger, dit timidement d’Estrigaud ; — Passez-y seul, mon cher, réplique Navarette, vous n’êtes plus un parti pour moi. — Hein ?

379. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Chez Sandeau, chez le romancier aux petits yeux noirs, dans des carnations grises, délavées, comme passées à la lessive, il y a de la chair dépassionnée, recouverte de l’impassibilité de l’homme revenu de tout et d’ailleurs. […] C’est le coup de hache qui coupe la dernière amarre retenant le temps présent au passé. […] Je leur lis quelques notes de mes Mémoires : ils ont l’air sincèrement étonnés de la vie de ces pages parlant du passé mort. […] » De là, on passe à la question du Tonkin, et quelqu’un dit ceci : « Du moment qu’on laisse pénétrer près du Gouvernement un membre de la Société de géographie, on a la guerre. […] Cela se passait, pendant que le mari, appelé par la cour d’Espagne, était à Madrid.

380. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Nous appellâmes un docteur qui vint à passer. […] c’est elle-même qui passe avec tout l’attirail d’une duchesse ? […] Jetée dans le grand monde par sa naissance & par ses entours, elle n’ignore rien de ce qui s’y passe. […] Pauvre métier que celui de passer sa vie à faire des libelles ! […] Tout ce monde qui passe, & repasse sous vos yeux, vous fournit d’agréables réflexions.

381. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

On passait le déisme de J. […] et que c’est dommage qu’il soit passé ! […] Le jeune auteur est d’ailleurs passé maître en ces escrimes. […] Les peuples avaient passé les fleuves et les montagnes. […] J’en passe et des meilleurs !

382. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Puis Jeanniot nous raconte un long temps, passé à l’hôpital de Metz, où il avait écrit sur un calepin de petites notes, pas en faveur de la guerre. […] » Et la femme passa dans un accès de fureur. […] Et après dîner, tous deux partaient pour le spectacle, mais au moment où ils passaient au contrôle, Delpit disparaissait. […] À se promener là dedans, vous êtes pris, empoigné, emporté de votre temps par le passé moyenâgeux, comme vous êtes pris par le passé romain, en errant dans les via de Pompéi, et en marchant dans l’ornière de ses chars. […] Et Daudet, dans le confort de ce voyage, en attendant l’heure de son chloral, me conte ses marmiteux voyages en diligence du Midi à Paris, dans les temps passés.

383. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Weiss n’est pas un moindre historien du passé. […] Elle est plus triste de toute sa gaieté passée. […] Le passé ne s’efface point, et le présent est fait du passé. […] Elle passe ses journées à rêvasser orgueilleusement. […] Elle sera enchantée d’avoir un cadavre dans son passé.

384. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

que s’y est-il passé ?  […] Enfin la guerre passa. Mais l’œuvre de Proust ne passa pas. […] Je passai donc sans prononcer un mot. […] que s’y est-il passé ? 

385. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Quand des Tuileries je veux aller au Panthéon, ou de mon cabinet à la salle à manger, je prévois à chaque tournant les formes colorées qui vont se présenter à ma vue ; au contraire, s’il s’agit d’une maison où j’ai passé deux heures, et d’une ville où j’ai passé trois jours, au bout de dix ans les images seront vagues, pleines de lacunes, parfois nulles, et je tâtonnerai ou je me perdrai. — Cette nouvelle propriété des images dérive aussi de la première. […] Les choses se passent encore ici comme dans une balance ; un plateau ne s’élève que parce que l’autre s’abaisse, et l’abaissement croît par l’élévation, comme l’élévation par l’abaissement. […] Pour les autres, l’aptitude est trop faible ; lorsque reparaît un lambeau d’expérience lointaine auquel jadis elles étaient liées, elles ne reparaissent pas avec lui ; la tendance qui jadis les évoquait est vaincue par d’autres tendances constituées dans l’intervalle ; et le passé récent barre la voie au passé ancien. […] « Un homme, dit Abercrombie, né en France, avait passé la plus grande partie de sa vie en Angleterre, et, depuis plusieurs années, avait perdu entièrement l’habitude de parler français. […] Quelques mois après, elle fut reprise d’un profond sommeil, et, quand elle s’éveilla, elle se retrouva telle qu’elle était avant son premier sommeil, ayant toutes ses connaissances et tous ses souvenirs de jeunesse, par contre, ayant complètement oublié ce qui s’était passé entre ses deux accès. » Pendant quatre années et au-delà, elle a passé périodiquement d’un état à l’autre, toujours à la suite d’un long et profond sommeil… « Sa première manière d’être, elle l’appelle maintenant l’ancien état, et sa seconde, le nouvel état.

386. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Il y passa successivement par tous les degrés du sacerdoce, et y reçut la prêtrise en 1511. […] Rabelais, outre la poésie, où il passait pour exceller, s’occupait aussi de théologie, mais, à ce qu’on peut croire, sans vocation particulière, et seulement comme d’une des branches de la science universelle. […] L’auteur avait écrit51 : « Les premiers jours je te ferai passer docteur en gaye science » Dolet y substitue docteur en Sorbonne » ; comme si la gaie science n’eût pas été à un pôle, et la Sorbonne à l’autre. […] Pantagruel est l’homme né, le riche ; il a des qualités dont il pourrait se passer. […] Une des qualités de cette langue, parmi tant d’autres qui méritent d’être étudiées61, c’est cette souplesse dont il donnait le premier exemple, et qui consiste à passer du noble au familier, sans gêne et sans disparate.

387. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Je m’ennuie avec les quelques idées monotones et ressassées qui me passent et me repassent dans la tête. […] » Soirée passée avec les mêmes chez Soulié. […] Et les choses prenant un rôle plus grand que les êtres, — et l’amour, l’amour déjà un peu amoindri dans l’Œuvre de Balzac par l’argent, — l’amour cédant sa place à d’autres sources d’intérêt ; enfin le roman de l’avenir appelé à faire plus l’histoire des choses qui se passent dans la cervelle de l’humanité que des choses qui se passent dans son cœur. […] On voit passer des figures de buis, balayées des flasques barbes d’un bonnet de nuit, le châle dépassant la camisole : des caricatures lentes, appuyant leur pas qui tremble sur la béquille d’un vieux parapluie. […] Il semble qu’une main du passé ait tenu la pointe du graveur, et que mieux que la pierre du vieux Paris soit venu sur ces feuilles de papier.

388. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

* * * Après des mois, bien des mois passés, je reprends la plume, tombée des mains de mon frère. […] Retrouver aujourd’hui cette prononciation enfantine, entendre sa voix, comme je l’ai entendue dans ce passé, effacé, lointain, où les souvenirs ne rencontrent que la mort, cela me fait peur11. […] si l’on pouvait lire ce qui se passe dans une cervelle, en ces moments-là ! […] Le fils, mince et joli comme une fille, marche le coude appuyé sur l’épaule du vieillard, la main passée derrière la tête, et jouant avec les cheveux blancs du collet. […] Il s’est mis à causer, sa mémoire a retrouvé des noms et du passé que je croyais sombrés.

389. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Si le principe coïncidait avec les intérêts du groupe, il y aurait arrêt de vie ; le groupe, c’est le passé, l’acquis ; le principe c’est l’idéal, l’avenir. […] Ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux est particulièrement intéressant. […] Sans qu’on puisse dire ni quand ni comment, cet ordre viendra, à son heure ; l’histoire du passé nous en donne la garantie. […] Nous en sommes déjà aux grandes individualités ; elles montrent en puissant relief ce qui se passe chez tout homme pensant, d’une manière plus effacée. […] Tout s’y fond en une synthèse, fût-ce même à l’insu du créateur : le passé lointain, l’âme d’un peuple, les amours charnelles, les angoisses divines.

390. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Il lui offrit de passer sa vie loin du monde, seul avec elle. […] « Le passé, disait-il, est à jamais passé. […] Ce Slave, qui a passé sa vie à se moquer de ses amis, rien ne prouve qu’il ne l’ait point passée, pareillement, à se moquer de ses lecteurs ! […] Les fonctionnaires l’accusent de se passer d’eux. […] Toujours hésiter, douter, passer de l’espérance à la désillusion !

391. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Jésus passa l’automne et une partie de l’hiver à Jérusalem. […] Comme il était de petite taille, il monta sur un sycomore près de la route où devait passer le cortège. […] En d’autres termes, nous pensons qu’il se passa à Béthanie quelque chose qui fut regardé comme une résurrection. […] Les autres miracles de Jésus étaient des actes passagers, acceptés spontanément par la foi, grossis par la renommée populaire, et sur lesquels, une fois passés, on ne revenait plus. […] Il y vécut quelques jours avec ses disciples, laissant passer l’orage.

392. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

que le docteur Favrot ne fût et ne soit très capable encore de l’écrire, mais pour une raison ou une autre, qu’il connaît sans doute mieux que moi, il a passé des mains compétentes mais trop rapides sur l’ensemble d’un sujet qu’il fallait attaquer et creuser fort et ferme… Il a fait moins un livre que le programme d’un livre qu’il complétera peut-être un jour, en le reprenant en sous-œuvre. […] Créatures de courte mémoire, qui ne peuvent pas même avoir peur longtemps, et dont les sensations ne sont que des éclairs qui passent, les hommes oublient ces deux questions redoutables, malgré l’impression qu’ils en reçoivent quand on les soulève devant eux. […] Capitales et nécropoles sont, en effet, des choses et des mots congénères Ce qui se passe sur la terre dans ces furieux entassements d’hommes, en un espace déterminé, se passe identiquement dessous, et la corruption de la mort est adéquate ainsi à la corruption de la vie. […] Eux comme lui, lui comme eux, n’ont résolu complètement, péremptoirement, une fois pour toutes, cette question des inhumations précipitées qui pend comme un poids étouffant sur nos têtes et sur nos poitrines, et qui devrait être l’anxiété, la transe universelle, puisqu’elle embrasse également et notre avenir, à nous vivants, et le passé des êtres aimés que nous avons perdus ! […] Mais le docteur Favrot, qui, en sa qualité de matérialiste, ne se préoccupe pas beaucoup d’ordres religieux, passe outre sur cette question, dont il ne se doute pas, comme sur toutes les autres, et son livre finit tout à coup sans que sur aucun point on soit, comme on le voudrait, édifié.

393. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Un pétard a été attaché à la queue de ce misérable livre, et ce pétard a fait trop de bruit pour que je puisse me taire et passer en disant que nous n’avons rien entendu. […] La thèse de l’auteur, ou des auteurs du Maudit, — car des critiques plus aigus ou plus fins que moi, malgré l’unité de platitude qui règne dans ce livre de l’un à l’autre bout, ont prétendu qu’il y avait plusieurs astres en conjonction sous les trois étoiles de l’occulte abbé, qui ne serait pas un si pauvre diable alors et pourrait s’appeler Légion, — la thèse donc du Maudit, qu’on a voulu traduire en récit romanesque, sans doute pour plus vite la vulgariser, est la malédiction jetée par l’Église sur la tête du prêtre qui comprend que le vieux sacerdoce du passé croule de toutes parts, pour faire place au sacerdoce de l’avenir ! […] Une remarque à faire en passant, c’est que tous ces drôles qui sont, comme le Julio, issus du Vicaire Savoyard, ont le goût pour la botanique de Rousseau, leur père ; seulement, Julio y joint le goût de la géologie, et, comme madame Sand, qui fait présentement des voyages dans le cristal, il fait des voyages dans la pierre et passe sa vie, au lieu de dire son bréviaire comme tout curé y est tenu, à casser de petits cailloux pour leur regarder dans le ventre. […] J’ai passé bien d’autres détails aussi fastidieux que le reste. […] nous ne sommes plus ici dans la littérature, pas même dans la littérature à quatre sous, — puisque, la démocratie de nos mœurs ayant passé dans nos esprits, nous avons maintenant dans la langue française la littérature à quatre sous.

394. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

» Très initié malgré tout, et nonobstant les ennuis, dans ce monde de Chantilly et de Saint-Maur, devenu coûte que coûte allié des princes du sang et appartenant dorénavant du côté gauche à la maison de Condé, Lassay passait sa vie dans la familiarité du plus grand monde ; s’il essuyait quelquefois la chanson et la satire, il les rendait bien. […] En vieillissant, il était, il est vrai, fort las du monde, ou du moins il le disait volontiers, mais il y revenait sans cesse : « On méprise le monde, et on ne saurait s’en passer. » Il reconnaissait que, pour un homme qui en a pris le train et l’habitude, c’était encore la meilleure manière d’être que de ne pas s’en séparer trop longtemps. […] Un honnête homme se passe aisément de la fortune, mais il ne saurait s’accommoder du manque de considération qui, en France, est indispensablement attaché à ce genre de vie. […] » En avançant en âge, il se trouva peu à peu affranchi des gênes et des principales servitudes au milieu desquelles il avait passé une si grande partie de sa vie. […] Être des Êtres, ayez pitié de ces chères femmes, écoutez leurs prières, et faites-moi la grâce de les revoir quand j’aurai accompli les jours que vous voulez que je passe sur la terre ; mais, mon Dieu, donnez-moi, non pas ce que je souhaite, mais ce que vous savez qui m’est nécessaire, et que vos ordres éternels s’accomplissent !

395. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

. — Passe au service de Russie. — Situation difficile ; conseils à Dresde, à Leipsick. — Services rendus à la Suisse en 1814. […] En effet, il y a à peine quelques années que vous êtes passé d’un service étranger au service de France, où vous avez débuté comme officier supérieur. […] Que se passait-il cependant dans l’état-major du prince Berthier ? […] Il attendait, il hésitait, il espérait toujours ; il faisait et refaisait en tous sens à sa manière le monologue de Coriolan prêt à passer aux Volsques. […] Napoléon, au moment où il est obligé de se passer de Jomini, fait fi de lui le plus qu’il peut : c’est son droit.

396. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Fabre, étant Méridional, prodigue, même dans les dialogues familiers, le passé défini. […] Il est bien vivant du reste, encore qu’il puisse passer pour le type même de la charité sacerdotale. […] Le prêtre qui écrit sera volontiers archéologue, étant par profession conservateur du passé. […] Et vous la retrouverez, si vous passez des romans ecclésiastiques aux romans campagnards. […] Il a peu connu les autres, et la vie moderne passerait presque tout entière entre ses pastorales et ses drames cléricaux.

397. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Sans marché passé voire tacitement, en toute liberté. […] Tout voyage se passe après, en esprit, il vaut, par recherche ou comparaison, quand on est de retour. […] Le rendement doit atteindre les débutants, par le soin de littérateurs, leurs aînés, représentation impartiale du passé. […] Suivez, que se passe-t-il ? […] j’y succombai une dernière fois ou couronne, avec les Universités Anglaises, un passé que le destin fit professoral.

398. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

L’éternel seul a du prix ; or ces frivoles ne s’attachent qu’aux floraisons successives, sachant bien qu’ils passeront comme elles. […] Nous ne nous imposons pas à l’avenir, pas plus que nous n’acceptons sans contrôle l’héritage du passé. […] Mais cet âge touche à son terme ; le rôle principal va de plus en plus, ce me semble, passer aux hommes de la pensée. […] Où se passaient alors les grandes choses ? […] Les quelques bribes de philosophie allemande qui ont passé le Rhin, combinées d’une façon claire et superficielle, ont fait une meilleure fortune que les doctrines elles-mêmes.

399. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

il passera une vie frivole à s’occuper de chicanes grammaticales, de règles de goût, de petites sentences littéraires ! […] Il passe d’un excès à l’autre. […] Ainsi, depuis sa démission, après le meurtre du duc d’Enghien, jusqu’à sa mort (1804-1848), il passa environ quarante-deux ans sur quarante-quatre dans l’opposition et la bouderie. […] se venger avant tout, montrer qu’il était nécessaire, qu’il était redoutable, et qu’on s’était fait bien du mal à soi-même en croyant pouvoir se passer de lui. […] Il se plaisait à dire de la Restauration, comme Pascal de l’homme : Je l’élève, je l’abaisse , jusqu’à ce qu’elle comprenne… qu’elle ne pouvait se passer de moi.

400. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

M. de Montperreux est un brétailleur qui passe sa vie dans les salles et sait se battre, tout coquin qu’il est. […] Que se passa-t-il alors ? […] Ce Dialogue se passe tout entier à combattre les scrupules de Sophie, à réfuter philosophiquement ses idées sur le devoir, sur la pudeur. […] mon ami, que ne puis-je faire passer dans votre âme le sentiment de bonheur et de paix qui règne au fond de la mienne ! […] A-t-il passé en Suisse comme on le dit, et comme cela lui était si facile à cette frontière ?

401. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Le badaud qui flâne dans la rue, reste béant devant un cortège ou une mascarade qui passe, imperturbable tant que dure le défilé. […] Quand les deux excitations sont de même nature, on no perçoit bien que la première, la seconde passe inaperçue. […] Après cette classification rapide, passons aux détails. […] À l’état morbide, quelques éléments nerveux sont seuls actifs, ou du moins leur état de tension ne passe pas à d’autres groupes. […] Ce travail de réserve, emmagasiné dans la substance nerveuse, est lui-même l’effet des actions chimiques qui s’y passent.

402. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Passe encore si ces nobles formes étaient remplies d’humanité : elles sont vides. […] La tourmente passée, rien ne saurait la soutenir. […] Je ne vous le donne pas pour complet, ni en ce qui concerne le passé le plus lointain, ni en ce qui concerne le passé le plus récent. […] Mais si tous nos rêves ne sont pas encore passés dans la réalité, leur réalisation ne tardera plus guère. […] Voici deux ans, la Comédie-Française passait aux mains de M. 

403. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Il passa, à un certain jour, de l’échoppe paternelle (si échoppe il y a) aux bancs de l’Université ; il fut écolier, et de cette race immortelle, célèbre dès le temps de Rutebeuf et que nous décrivait hier encore Henri Murger. […] Leurs plus innocentes occupations se passaient à en conter aux belles du quartier, marchandes ou autres, la belle heaulmière, la belle gantière, la gente saulcissière, Blanche la savatière, etc. […] Passa-t-il ses derniers jours en Poitou, comme on peut l’inférer de l’anecdote qu’on lit dans Rabelais et qui nous découvre un dernier tour pendable de l’incorrigible mauvais sujet ? […] Après une nuit passée, en dépit de la cloche du couvre-feu, dans quelque taverne du voisinage, la tête encore lourde de l’orgie de la veille, ne lui était-il jamais arrivé sur le seuil de se sentir renaître au souffle matinal qui lui arrivait, tout frais, à la figure, de ces champs de blé, de ces vergers et de ces pampres échelonnés le long de la pente qui regardait Gentilly, Fontenay et Meudon ! […] — Mais où sont les neiges d’antan (les neiges de l’an passé) ?

404. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Horace Vernet n’en faisait point parade, et, sous ses airs brusques, il en avait autant et plus que d’autres qui passent pour très sages. […] J’en passe. […] A peine une émotion passée, une autre toute différente commence. […] Autrement ils écoutent, ne répondent qu’après avoir jugé et regardent attentivement leur interlocuteur ou ce qui se passe sous leurs yeux. […] Horace, qui passait pour léger, avait du coup d’œil, et l’honneur était l’âme de son caractère.

405. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

La rhétorique est éventée ; on s’en passe. […] Un des dignes amis, témoins de ses derniers instants, écrivait à un autre ami peu de jours après sa mort : « Je ne sais si vous avez connaissance d’un fait bien remarquable qui a empreint d’un sceau de douleur l’un des derniers jours que Manuel a passés en ce monde. […] Mais je passe outre, n’ayant point ici à discuter ni à juger. […] Les autres bonheurs passent vite ; les moins fugitifs s’usent avec le temps et se déflorent par l’habitude. […] Je nie que pour les grandes œuvres du passé, Homère, Dante, Shakespeare, je nie absolument qu’on les puisse bien comprendre, et par conséquent bien goûter, sans des études fort longues et où la méthode a sa grande part.

406. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Il continue : « J’ai été élevé à la Cour d’Auguste, et j’ai passé ma première jeunesse à Varsovie. […] Ce livre des Rêveries lui-même fut écrit trop tôt (1732-1733), comme par un auteur amateur, avant son entière maturité et toute son expérience, du temps qu’il passait encore pour mener les troupes françaises à la tartare. […] Le comte Vitzthum insiste et s’étend sur toutes ces circonstances d’alors en homme d’Etat et en patriote saxon qui cherche dans le passé des lumières pour le présent, des enseignements ou du moins des rapports, des présages, des prophéties. […] La scène ne se passait pas dans une tente, mais sous le ciel, à la revue, et la colonelle n’est autre que la première compagnie du premier bataillon, celle qui portait le drapeau. […] Tepin a vu sa découverte partout accueillie, tant il y a complaisance, mollesse, absence de critique chez des esprits même qui passent pour sérieux.

407. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Chatouilleux et prompt, il ne laissait rien passer, à sa connaissance, sans le réfuter. […] « Vous gémissez autant sur le présent que sur le passé : hélas ! […] Quant à moi, je vous déclare que je vis tout entier sur le passé ; les souvenirs seuls me retiennent encore au nombre des vivants. […] S’il la faisait favorable ou simplement impartiale, ne passerait-il point pour manquer à ses nouveaux devoirs et ne soulèverait-il pas les accusations des militaires antifrançais ? Si d’autre part il la faisait sévère et trop peu bienveillante, il ne manquerait pas moins à son passé et au grand capitaine qu’il avait servi.

408. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Les erreurs des mortels, leurs fausses passions, Les récits du passé, quelques prédictions  Que vous ne recevez que de votre mémoire.  […] Le génie pittoresque du prosateur a passé tout entier en cette muse : il s’y est éclipsé et s’est détruit lui-même en la nourrissant. […] Lamartine n’est pas un homme qui élabore et qui cherche ; il ramasse, il sème, il moissonne sur sa route ; il passe à côté, il néglige ou laisse tomber de ses mains ; sa ressource surabondante est en lui ; il ne veut que ce qui lui demeure facile et toujours présent. […] Il passa là, avec ses sœurs, une longue et innocente enfance, libre, rustique, errant à la manière du ménestrel de Beattie, formé pourtant à l’excellence morale et à cette perfection de cœur qui le caractérise, par les soins d’une admirable mère, dont il est, assure-t-on, toute l’image. […] Il décore çà et là quelques endroits de son passé ; il rallume de loin en loin, au soir, ses feux mourants sur quelque colline, puis les abandonne ; l’espérance et l’avenir l’appellent incessamment ; il se dit : Mais loin de moi ces temps !

409. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Ayant passé depuis lors de longues années à Naples, sur cette terre de soleil et d’oubli, il ne s’était pas douté qu’il devenait, durant ce temps-là, ici, un de nos auteurs les plus connus et les mieux aimés. […] Hamilton, tout Irlandais qu’il était, avait du moins passé sa jeunesse à la cour de France, ou, ce qui revient presque au même, à celle de Charles II. […] Que de jours ont passé sur ces chères empreintes ! […] La Chambre des députés, chaque fois qu’il passait devant, lui rappelait involontairement le Vésuve, disait-il. — Oui, pour la fumée au moins, sinon pour le péril de l’explosion ; mais, lui, il croyait même au péril. Il n’aimait guère mieux le quai Voltaire (antipathie de famille), et y passait le plus rapidement qu’il pouvait, baissant la tête, disait-il, et détournant ses regards vers la Seine.

410. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

C’était le moment où des troubles commencèrent à éclater dans cette province, et l’on passa vite à la rébellion ouverte. […] c’est M. le Régent qu’il faut voir. » Un sourire rapide et équivoque passa sur quelques visages de femmes, mais presque toutes s’accordèrent à répéter : « C’est M. le Régent qu’il faut que vous voyiez !  […] Ainsi se passèrent des années. […] Leur roman était là, car le roman n’est jamais le jour que l’on vit : c’est le lendemain dans la grande jeunesse ; plus tard c’est déjà la veille et le passé. […] Mais il était tard déjà, et ils se trouvaient si heureux, si amoureux du passé, qu’ils craignirent de rien déranger à une situation accomplie, d’où disparaissait même la crainte lointaine.

411. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Il passe tour à tour par toutes les conditions, par les plus vulgaires et les plus basses : il ne se déplaît trop dans aucune, bien qu’il cherche toujours à se pousser et à s’avancer. […] C’est nous-même, encore une fois, qui passons à travers les conditions diverses et les divers âges. […] Gil Blas, après mainte aventure, est passé au service d’un vieux fat qui se pique encore de galanterie, don Gonzale Pacheco. […] En faisant parler Arlequin, il ne croyait pas si fort déroger ; il passa même, un instant, d’Arlequin aux marionnettes. […] La petite maison de la haute ville de Boulogne, où il passa ses derniers jours, et que j’ai tant vue et regardée dans mon enfance, était certes moins riante et moins jolie.

412. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

La jeunesse s’enflamme ; les vieillards, pour la première fois, ne regrettent plus le temps passé, ils en rougissent. […] Il a bien soin d’ajouter : « Mais l’horreur de leur crime passe encore l’horreur de leur supplice. » Il exalte en un autre endroit le procédé de justice expéditive du savetier de Messine, cet homme « dévoré du zèle du bien public », qui se chargeait d’exécuter lui-même le soir, à l’aide d’une arquebuse à vent, les coupables que lui et ses ouvriers avaient condamnés à huis clos dans la journée. […] Le degré de licence et d’invective que se permet dans ce journal un écrivain qui, de loin et relativement, peut passer encore pour modéré, excède toutes les bornes que nous supposerions. […] Si nous ne considérions aujourd’hui ce journal que comme un témoignage d’un passé éloigné, comme une mazarinade du temps de la Fronde, nous pourrions y relever littérairement des portraits piquants, des caricatures très gaies : toutes les fois que l’auteur sent sa verve se refroidir, il la ravive et se remet en goût en taillant quelque tranche de l’abbé Maury ou de Mirabeau-Tonneau. […] Pour faire passer sa modération nouvelle, Camille sent le besoin de la déguiser plus que jamais en bonnet rouge ; il n’a même pas de honte de la mettre sous l’abri de Marat, qu’il ose appeler divin.

413. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Le roi passa par Provins, et, à cette occasion, Moreau fit sa chanson patriotique qui a pour titre : Vive le Roi ! […] Dans ce dernier genre pourtant, quoiqu’il rappelle Béranger, Moreau a un caractère à lui, bien naturel, bien franc et bien poétique ; il a du drame, de la gaieté, de l’espièglerie, un peu libertine parfois, mais si vive et si légère qu’on la lui passe. […] » Quand soudain sur mon front passa ce vent glacé Qui sur le front de Job autrefois a passé. […] Pierre Dupont sentit en lui le démon plus fort que la règle ; il brisa ou délia sa chaîne légère, je ne l’en blâme pas ; il voulut être tout à fait libre et indépendant, sans rester moins reconnaissant du passé. […] Le péril, pour lui, est dans cette disposition à se laisser aller au souffle qui passe.

414. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Aussi, pour Guyau, la métaphysique même est une expansion de la vie, et de la vie sociale : c’est la sociabilité s’étendant au cosmos, remontant aux lois suprêmes du monde, descendant à ses derniers éléments, allant des causes aux fins et des fins aux causes, du présent au passé, du passé à l’avenir, du temps et de l’espace à ce qui engendre le temps même et l’espace ; en un mot, c’est l’effort suprême de la vie individuelle pour saisir le secret de la vie universelle et pour s’identifier avec le tout par l’idée même du tout. […] Guyau passe en revue ces conditions, dont la première et la plus fondamentale, est que l’être représenté par l’artiste soit vivant : « la vie, fût-ce celle d’un être inférieur, nous intéresse toujours par cela seul qu’elle est la vie ». […] Guyau, pour le montrer, passe en revue les grands poètes de notre temps, Lamartine, Vigny, Musset ; il insiste de préférence sur celui qui a vécu le plus longtemps parmi nous, et qui a ainsi le plus longtemps représenté en sa personne le dix-neuvième siècle : Victor Hugo. […] Il s’est peint lui-même et il a peint le véritable artiste, en disant : « Pour comprendre un rayon de soleil, il faut vibrer avec lui ; il faut aussi, avec le rayon de lune, trembler dans l’ombre du soir ; il faut scintiller avec les étoiles bleues ou dorées ; il faut, pour comprendre la nuit, sentir passer sur nous le frisson des espaces obscurs, de l’immensité vague et inconnue. […] Les hommes passent et leurs vies avec eux, le sentiment demeure… Ce qui fait que quelques-uns d’entre nous donnent parfois si facilement leur vie pour un sentiment élevé, c’est que ce sentiment leur apparaît en eux-mêmes plus réel que tous les autres faits secondaires de leur existence individuelle ; c’est avec raison que devant lui tout disparaît, s’anéantit.

415. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Mais le vent passe dans les arbres, les feuilles sèches bruissent ironiquement, le cavalier reprend sa route et se souvient. […] Son esprit a passé et repassé le Rhin comme sa personne. […] La mélodie vibrait plus attirante, La ronde allait deçà, delà, Mais nous, nous passâmes, tristes Et sans espoir sur la vaste mer. […] Du charme au désespoir, de la mélancolie à la dérision, du gai au grave, de l’admiration au mépris, il existait dans l’esprit de Heine de rapides transitions, des passes soudaines qui mêlaient et heurtaient le sombre au gai, comme succède l’obscur au clair dans un ciel fouetté de nuages. […] Il a passé ses dernières années à draper décemment autour de son pauvre corps les plis d’une tunique mortuaire, sans oublier jamais son rôle de malade spirituel, sans une lamentation, une demande de grâce, sans même la raideur théâtrale du stoïcien.

416. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Fermons les yeux et voyons ce qui va se passer. Beaucoup de personnes diront qu’il ne se passe rien : c’est qu’elles ne regardent pas attentivement. […] Quant au rêve lui-même, il n’est guère qu’une résurrection du passé. Mais c’est un passé que nous pouvons ne pas reconnaître. […] Ils voudraient bien passer tous.

417. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Goethe me dit qu’il avait passé là de joyeuses années et y avait travaillé dans la tranquillité. […] Nous passâmes près d’un tas de pierres. […] La mouette, volant dans ce temps au-dessus de la mer qui a couvert ces hauteurs, ne pensait guère que nous y passerions un jour tous deux en voiture. […] « Autrefois, me dit-il, nous avons passé ici plus d’une bonne journée. […] Je me remets à parcourir les rues, et plusieurs fois il me semble la reconnaître dans les personnes qui passent ; mais, en m’approchant, j’étais détrompé.

418. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte, Sébastien-Charles (1860-1934) »

— L’Esprit qui passe (1897). — Les Bijoux de Marguerite (1899). […] Gustave Kahn Le sujet de ce poème, car l’Esprit qui passe est bien une sorte d’épopée à la fois enchaînée et variée, c’est-à-dire composée de poèmes simplement juxtaposés d’après une unité de sujet, de rythme et de mouvement, en somme la forme actuelle du poème, ce serait la vie en un poète de l’Esprit, se cherchant dans le passé pour prendre conscience de lui-même.

419. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Paul Bourget, Études et portraits. »

Mais au fait, d’ignorer complètement la langue de Shakespeare et de n’avoir jamais passé le détroit, est-ce bien une raison pour ne point connaître l’Angleterre ? […] Principaux signes caractéristiques : race sanguine, rosbif, gin, thé, orgueil insulaire, sport, canotage, lawn-tennis, la plus puissante aristocratie du monde, keepseakes, home, parlementarisme, loyalisme, politique féroce, respect du passé, esthètes, sentiment religieux, bible, armée du salut, dimanche anglais, hypocrisie anglaise, etc.  […] Antithèses étranges et profondes, plus profondes qu’ailleurs, ou plus sensibles, ou plus souvent rencontrées : Entre le soleil et la pluie ou le brouillard, entre les paysages de gares, de docks, d’usines et de mines et les paysages de bois, de lacs et de pâturages ; Entre le passé et le présent, qui partout se côtoient, dans les institutions, dans les mœurs, dans les édifices ; Entre la richesse formidable et l’épouvantable misère ; Entre le sentiment inné du respect et l’attachement inné à la liberté individuelle ; Entre la beauté des jeunes filles et la laideur des vieilles femmes ; Entre l’austérité puritaine et la brutalité des tempéraments ; Entre le don du rêve et le sens pratique, l’âpreté au travail et au gain ; Entre les masques et les visages, etc. […] Et le mauvais chemin, c’était toute la nuit passée dehors. […] Passons-nous de cette vanité-là.

420. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Il ne voulut pas qu’un jour on pût lui reprocher ce passé, passé d’erreur sans doute, mais aussi de conviction, de conscience, de désintéressement, comme sera, il l’espère, toute sa vie. […] Aucun moyen de traduire naïvement, grandement, loyalement sur la scène, avec l’impartialité, mais aussi avec la sévérité de l’artiste, un roi, un prêtre, un seigneur, le moyen-âge, l’histoire, le passé. […] On le sent attentif, sympathique, plein de bon vouloir, soit qu’on lui fasse, dans une scène d’histoire, la leçon du passé, soit qu’on lui fasse, dans un drame de passion, la leçon de tous les temps. […] Des siècles passés au siècle présent, le pas est immense.

421. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

Combien l’expérience a-t-elle découvert d’erreurs dans les raisonnemens philosophiques qui étoient tenus dans les siecles passez pour des raisonnemens solides ? Autant qu’elle en découvrira un jour dans les raisonnemens qui passent aujourd’hui pour des veritez incontestables. […] Suivant le sentiment du chancelier Bacon, elles n’en épousent aucun dans la crainte que l’envie de justifier ce systême ne fascinât les yeux des observateurs, et ne leur fit voir les expériences, non pas telles qu’elles sont, mais telles qu’il faudroit qu’elles fussent pour servir de preuves à une opinion qu’on auroit entrepris de faire passer pour la verité. […] Monsieur Leibnitz ne se hazarderoit jamais à passer en carosse par un endroit où son cocher l’assureroit ne pouvoir point passer sans verser, même étant à jeûn, quoiqu’on démontrât à ce sçavant homme dans une analyse géometrique de la pente du chemin, et de la hauteur, comme du poids de la voiture, qu’elle ne devroit pas y verser.

422. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

D’ailleurs, il faut bien en convenir, les circonstances politiques par lesquelles nous sommes passés, et qui ont tenu si longtemps le pistolet sur la gorge de cette pauvre société, n’étaient-elles pas une préoccupation antilittéraire ou une distraction suffisante pour expliquer que le livre fût une marchandise qui ne donnât plus ? […] Il en est, au contraire, qui tombent d’un trait si rapide dans le silence et dans l’oubli — étoiles filantes, moins l’éclat, — qu’il faut noter vite leur passage pour qu’on n’ignore pas qu’ils ont passé. […] … D’une confusion de termes, qu’on nous passe le mot ! […] Nous qui ne sommes ici que le watchman du livre qui passe et de l’heure qui sonne, nous n’avons point mission de critiquer. […] Mais, devenue égoïste parce qu’elle n’avait plus de fonctions utiles à remplir, la féodalité épuisée, ayant refusé de faire un pas de plus dans le sens qui emportait tout, des hommes inspirés du génie civilisateur de la France, Louis XI, Richelieu, la jetèrent sous leurs haches impatientes, et la révolution française acheva ces terribles nécessités par lesquelles devait passer une société qui résistait, dans les débris de son ancienne organisation politique en ruines, à la centralisation définitive que Couture assied largement sur l’égalité politique de tous.

423. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Je passe au discours de M.  […] Celui-ci, par le même motif, les fit passer à un autre frère. […] De nouveau, je passe de l’autre côté des décors. […] L’action se passait chez un marquis. […] Si le temps est un océan et s’il y passe des barques d’amoureux, il peut donc y passer aussi des navires ou, en style moins noble, des bateaux.

424. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

… Mais que se passait-il aux mêmes temps sur la Rive Gauche ? […] Pour le reste, tout se passe comme hier. […] Lafforgue, Stuart Mérill… J’en passe et des moindres ! […] — De vous embêter   Je vous passe le mot. […] On peut se passer d’Eden, quoi qu’en dise M. 

425. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Il ne ressemblait pas à ceux qui portent partout avec eux les lunettes de leur village ; il prenait celles de chaque endroit où il passait, sauf à n’en croire en définitive que ses propres yeux. […] Montaigne, en quittant les Vosges, passe par Mulhouse, Bâle, Bade. […] Quelques jours après, le Pape passe à cheval sous les fenêtres du logis de Montaigne : nouveau portrait et description exacte du costume, des mouvements et du cortège. […] A visiter, à étudier ainsi Rome, Montaigne se pique d’honneur ; il apprend bientôt à se passer de guide, et il est de force à en remontrer aux plus habiles ciceroni eux-mêmes. […] Montaigne, à ce premier séjour, avait passé à Rome près de cinq mois ; il se rendit de là aux bains de Lucques et revint encore à Rome avant de repartir pour la France.

426. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

L’atmosphère générale des esprits est, en quelque sorte, assainie dans ses grands courants, tandis qu’en ce temps-là les foyers de contagion étaient partout existants, rapprochés, échauffés, et l’on ne faisait guère que passer de l’un à l’autre. […] C’est donc au sein de cette ville même que s’est passé l’événement que nous racontait, chemin faisant, le brave Aristomène !  […] L’âne Lucius a bien d’autres aventures encore et passe par bien d’autres conditions que le service des voleurs. […] Tel est, avec Pétrone, le seul romancier latin que nous possédions. — Le genre du roman a donc son passé, et un assez beau passé sans doute, si surtout on le fait remonter jusqu’à l’Odyssée ; il a encore plus d’avenir. […] Quand un romancier nous a donné une telle histoire que Psyché, on n’est guère en droit de lui faire de querelle ; on lui passe beaucoup et on le remercie, surtout quand il y a joint tout auprès tant d’historiettes familières et piquantes qui n’ont nullement besoin qu’on leur pardonne.

427. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Le Gavarni-Fragonard passait insensiblement au La Bruyère. […] Il y était allé, croyant n’y passer que quelques jours : il y resta presque quatre ans. […] Que se passa-t-il dans l’esprit de Gavarni ? […] Encore une fois, que se passa-t-il dans l’esprit de l’artiste ? […] Quand on lui rappelait le temps passé, et qu’on lui demandait s’il ne regrettait pas l’emploi de sa fortune, il répondait en souriant et de l’air d’un chat qui vient de boire du lait : « Ah !

428. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Louis XIV, sur un échiquier aussi déterminé, aussi rapproché du centre, et où l’échec au roi était à tout coup si menaçant, avait un avis militaire personnel ; il passait des heures à étudier les cartes de Flandre, et il répondait ou faisait répondre à Villars sur ses moindres démarches en parfaite connaissance de cause. […] On passait par bien des incertitudes et des péripéties. […] Villars se détermina donc à passer la Sambre et à se disposer comme pour une bataille. […] Le marquis de Vieuxpont, qui commandait l’avant-garde, manda, à cinq heures du matin, qu’il ne pourrait passer l’Escaut qu’à huit heures. […] Le maréchal de Montesquiou, qui semblait avoir fait de cette opération sur Denain son affaire, insista pour continuer ; on arriva à l’Escaut à l’heure dite, et tandis que Montesquiou faisait construire en toute hâte des ponts, Villars diligenta l’armée et l’arrivée des troupes : les deux maréchaux passèrent ensemble l’Escaut.

429. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

C’est un corridor où le vent passe. » Non, le poète n’est pas une chose si simple, ce n’est pas une résultante ni même un simple foyer réflecteur : il a son miroir à lui, sa monade individuelle unique. Il a son nœud et son organe à travers lequel tout ce qui passe se transforme et qui, en renvoyant, combine et crée ; mais le poète ne crée qu’avec ce qu’il reçoit. […] Il dut à sa condition de papiste de n’être point élevé dans les universités et de ne point passer par la voie commune et par les méthodes ordinaires. […] Et là-dessus, ajoute-t-il, nous convînmes de jeter sur le papier toutes les réflexions spontanées qui nous passeraient ainsi par la tête, tout le temps que nous serions ensemble. […] La grande époque d’inspiration est passée ; l’époque rassise et de déclin laisse lieu à bien des agréments encore, et même (Tacite et Swift l’ont prouvé) à de la véritable éloquence.

430. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Il y a du passé, et probablement de l’enfance, dans ces sortes d’impressions. […] Les pâles figures passent et repassent derrière les barreaux. […] » La religieuse secoue la tête : « Abandonnez-vous à Dieu. » Cette fois nos mains passent comme elles peuvent au travers des barreaux ; elles vont chercher, elles vont presser les mains des dominicaines. […] Ce sont des courses à la montagne, des courses aux cruches, des courses à l’Âne, des courses en sac et des danses locales ; le tout est joli, amusant et se passe avec un ordre parfait. […] « La course au lac, il faut bien en parler, mais cela ne se dit pas, il faut le voir ; il faut passer par ces chemins en l’air pour en avoir l’idée.

431. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Les deux personnes qui venaient occuper cette humble et assujettissante position, et passer de longues journées sans murmure à ces fenêtres monotones et en vue de cette grille de bois, étaient bien loin de s’y trouver accoutumées par leur vie antérieure. […] Parmi ces autres papiers grossiers, la netteté du pli les séparait et disait qu’un ongle délicat y avait passé. […] Pourtant, depuis des mois déjà que le comte Hervé venait plusieurs fois par semaine, il ne s’était rien passé au dehors entre Christel et lui, rien qui fût le moins du monde appréciable, sinon à la sagacité d’un cœur tout à fait intéressé. […] En peu de temps ils mirent ainsi bien du passé dans leur amour. […] Car l’amour en soi n’est rien de tout cela, et, en de certains moments étranges, il s’en passerait.

432. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

La résurrection intégrale du passé : Michelet. […] Dès le premier moment, deux courants se distinguent dans le genre historique : les uns s’appliquent à dégager la philosophie de l’histoire ; les autres à ressusciter la forme du passé, à représenter les mœurs et les âmes des générations disparues. […] Il saisit très adroitement dans les documents originaux l’expression colorée qui date et caractérise le récit, qui contient comme l’âme du passé : mais, malgré tout, il n’est pas suffisamment artiste. […] La résurrection du passé : Michelet. […] C’est là qu’il a touché le but qu’il avait fixé à l’histoire : la résurrection intégrale du passé.

433. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Et même il se passe ici quelque chose de curieux et de touchant. […] Il y a donc encore du respect en France, et quelque attache au passé, à la tradition. […] Ferdinand Brunetière, le mépris, la haine et peut-être l’inintelligence du passé et des traditions qui en maintiennent le respect. […] Que s’est-il donc passé enfin, soit entre les deux amants, soit dans l’âme de Mari’ Anto, depuis le moment où nous l’avons vu sauter à cheval pour rattraper son joli jeune homme à la station ? […] (Croyez-vous cependant que nous ne nous intéresserions pas davantage au candidat Freydet, si l’éducation, la jeunesse, le passé de ce hobereau homme de lettres nous étaient racontés tout tranquillement, tout bellement, à la papa ?)

434. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Joubert, déjà marié, et qui passait une partie de l’année à Villeneuve-sur-Yonne, l’avait rencontrée en Bourgogne à la porte d’une chaumière où elle s’était réfugiée. […] Si on pouvait n’en avoir aucun besoin, je m’y résignerais facilement, et je me passerais fort bien de corps si on me laissait toute mon âme. […] Ma vie intime va tout entière se passer entre le ciel et moi. […] Malgré toutes ses religions de l’antique et ses regrets du passé, on distingue aussitôt en lui le cachet du temps où il vit. […] Il sent qu’il n’est pas exempt de quelque subtilité, et il s’en excuse : « Souvent on ne peut-éviter de passer par le subtil pour s’élever et arriver au sublime, comme pour monter aux cieux il faut passer par les nuées. » Il s’élève souvent aux plus hautes idées, mais ce n’est jamais en suivant les grandes routes ; il a des sentiers qui échappent.

435. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Ce sentiment d’équité en vue surtout des petits, ce bien du peuple le préoccupe encore visiblement en d’autres endroits ; mais ceci ne nous apprendrait rien de nouveau, et je passe aux autres lettres du Recueil. […] Le premier grand homme a fait son devoir avec ampleur et majesté, selon son habitude, et il a passé outre. […] Tout ce qui passait de distingué à Cambrai (et presque toute l’armée y passait à chaque campagne, durant ces guerres des dernières années de Louis XIV) voyait Fénelon, était traité par lui ; et, avec cet attrait particulier qui était le sien, il lui restait, de ces connaissances de passage, plus d’une liaison durable. […] Quiconque ne passerait pas de telles choses aux hommes deviendrait misanthrope ; il faut éviter pour soi de tels écueils dans la vie, et les passer facilement à son prochain. […] Rien ne serait plus sot et plus déplacé ; mais j’ai appris à connaître les hommes en vieillissant, et je crois que le meilleur est de se passer d’eux sans faire l’entendu. — J’ai pitié des hommes, dit-il encore, quoiqu’ils ne soient guère bons.

436. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Au cours des récits où figureront ces personnages surnaturels, je leur conserverai le nom que leur donne l’indigène du pays où l’action se passe. […] S’ils jacassent bruyamment c’est un signe que la faro n’est point en colère et que l’on peut passer sans péril. […] Pour la faro, il y a des précautions particulières à prendre, notamment quand on passe à proximité de l’île appelée Faroti entre Mopti et Ségou. […] Quant à leur intelligence, elle passe pour très bornée. […] Samako Niembelé m’a rapporté le fait suivant : « Il y a à Kayes un nommé Diéna Moussa qui passe pour avoir été élevé par les faro.

437. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il ne sait pas juger le passé ; il le méprise. […] » La langue de ces portraits est celle de La Bruyère passée à un digne héritier. […] Eux aussi font passer l’art avant la matière et la vraisemblance avant la vérité. […] Le plus mauvais temps de Gil Blas est celui qu’il passe à la cour. […] Gil Blas en ce point passe un peu la moyenne ; mais s’il a plus d’esprit que nous, il n’en a que du nôtre.

438. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Tout y passera peut-être ! […] Des métaphores on passe aux assonances, — une assonance, au dire de Flaubert, devant être évitée, quand même on devrait passer huit jours entiers à y arriver. […] Du reste, leur grand homme, Murger, est en train de renier la Bohème, et de passer, armes et bagages, aux lettrés, gens du monde. […] Nous sommes trop nerveux pour attendre tranquillement la réponse chez nous, et nous nous sauvons à la campagne, regardant bêtement à la portière du chemin de fer passer les maisons et les arbres. […] Je monte dans une chambre : c’est une très mauvaise chambre d’auberge dans une ville où les diligences ne passent plus.

439. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Une première journée se passe sans manger, et la nuit, il couche dans une vigne. […] Il était près de Chaigny, croit-il, quand une noce passe, une noce déjà un peu égayée par le vin de Bourgogne. […] Il allait refuser, quand le monsieur, en le priant de passer à son hôtel, le lendemain, lui remet sa carte, portant le nom de duc de Devonshire. […] De là, il passe à la description de types littéraires, qui nous font prendre en pitié nos bohèmes de France. […] Et quand j’ai passé une soirée avec ce marbre, qu’est Saint-Victor, je rentre chez moi, avec l’envie de pleurer.

440. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Dumas ne prétend pas nous montrer comment les choses se passent ordinairement, mais comment elles devraient se passer. […] C’est une image assez exacte de ce qui se passe dans le théâtre de M.  […] C’est déjà de l’histoire d’hier ; c’est presque du passé. […] Zola s’est trouvé passer chef d’école. […] celui qui a risqué ce rapprochement ne passera jamais pour un timide.

441. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Flaubert s’est astreint à décrire de niaises campagnes, comme les environs d’Yonville, où les plates rives de la Seine entre lesquelles se passe le début de son second roman. […] J’ai passé tout le mois de juin à étudier le bouddhisme, sur lequel j’avais déjà beaucoup de notes, mais j’ai voulu épuiser la matière autant que possible. […] Et parmi ces architectures, entre l’embrasement des catastrophes, sous les yeux droits et mâles, d’étranges femmes passent. […] Il faut ajouter à ses renseignements isotériques sur Flaubert ceux que fournissent la connaissance de sa méthode de travailla lenteur et la difficulté de sa rédaction, son effort constant, une fois le plan général arrêté et les notes recueillies, pour achever chaque phrase, chaque paragraphe, chaque page avant de passer à la suite. […] « Quelle forme faut-il prendre pour exprimer parfois son opinion sur les choses de ce monde sans risquer de passer plus tard pour un imbécile ?

442. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Comment avez-vous passé la nuit ?  […] Quelques jours se passèrent. […] Ainsi se passa l’hiver. […] Ceci se passait au printemps. […] Ainsi se passa une année.

443. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

On la soupçonne alors et un peu tôt de ce qui n’est pas encore ; elle est questionnée sévèrement par l’évêque Simon Théodorsky sur ce qui s’est passé : « Mais comme il ne s’était passé rien du tout, il fut un peu penaud quand il vit qu’avec l’ingénuité de l’innocence on lui dit qu’il n’y avait pas même l’ombre de ce que l’on avait osé supposer. » Cette innocence injustement soupçonnée ne s’y laissera pas prendre à deux fois, et la revanche sera de la bonne sorte. Il paraît bien cependant que des années se passèrent (sept ans environ), avant que cette charmante jeune fille devînt femme et pût espérer de donner un héritier au trône. […] Cependant, quand les dames avaient ordre d’y venir en habits d’homme, j’y venais avec des habits superbes, brodés sur toutesles coutures ; ou d’un goût fort recherché, et cela passait alors sans critique : au contraire cela plaisait à l’Impératrice, je ne-sais pas trop pourquoi (on vient de voir au contraire qu’elle soupçonne bien pourquoi). […] Je passai, sans m’arrêter, au travers de la galerie, et m’en allai dans les appartements qui en faisaient le double. […] Je revins à la maison très-contente de mon invention de simplicité, tandis que tous les autres habits étaient d’une richesse rare. » Que dites-vous du portrait et des sous-entendus charmants qui passent comme de légères ombres, et de la délicatesse des nuances ?

444. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Un critique de cette nouvelle école, — moi-même, — après vingt ans écoulés, je m’avise de rechercher dans le passé ceux de nos devanciers dont les reliques ont quelque prix et qui, sans être arrivés jusqu’à la gloire, méritent un pieux souvenir et l’honneur d’un modeste monument. […] Que s’est-il passé ? […] La semaine ne se passa point sans que lui-même fût venu à l’École normale, alors au collège du Plessis, déposer sa carte à l’adresse des deux jeunes gens. […] argente à peine Un front où la douleur a gravé le passé. S’ombrageraient encor de leur touffe d’ébène Aussi purs que la vague où le cygne a passé : L’amour ranimerait l’éclat de ces prunelles.

445. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Cette fièvre d’audace et de propre bonheur, cette ébullition, ce rien qu’on appelle la jeunesse se passe, et l’attaquant, s’il a quelque valeur et s’il cherche dans la société toute la place à laquelle il peut prétendre, commence un jour à lorgner de loin l’Académie. […] Il y a enfin dans l’Académie le grand corps de l’État, — je passe et m’incline. […] Il avait déjà trouvé, par piété filiale, dans ses journées passées aux sections, quelque chose de l’art d’aborder, de deviner, de manier les hommes. […] Cette fois, les sollicitations, les efforts désespérés du jeune homme ne purent rien ; il passait sa vie à épier à la sortie quelques membres du tribunal ou de la Convention, quelque ancienne connaissance, telle que Hérault de Séchelles, qu’il avait vu chez son père. […] Et on ne la comprend, l’histoire, que quand on la revivifie avec ces impressions devinées, ressaisies dans le passé, à l’aide de celles que nous éprouvons nous-mêmes dans le présent.

446. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Voilà deux ans passés que je converse sans interruption avec mes indulgents lecteurs, et je voudrais pourtant bien par moments, comme tout écolier émérite, prendre quelque semaine de congé. […] Cependant on ne saurait marcher toujours ; une voiture passe, une charrette attelée d’un petit cheval vigoureux et conduite par un manant assez poli, qui engage l’entretien. […] Le long du chemin, du côté de Chenevierres, à une montée, il faut passer devant la terrasse d’un château. […] Aussi force est bientôt aux amoureux de passer au pied de la terrasse sous le feu des lorgnettes et des brocards. […] Louise passera ainsi de l’amour pour Eugène au caprice pour Hubert, et finalement les quittera tous deux pour aller retrouver un des beaux seigneurs de la terrasse, qui l’a relancée jusqu’à ce château.

447. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

En sortant du Temple, si on ose se former l’idée de ces mystères de la douleur, il me semble que la vie comme l’âme de Madame Royale était achevée dans ce qu’elle avait d’essentiel ; elle était fermée du côté de l’avenir : toutes ses sources et toutes ses racines étaient désormais dans le passé. […] C’est dans cette suite de transes, d’énigmes et de cauchemars pénibles que se passèrent pour elle les années et le songe d’ordinaire si léger de l’enfance. […] Cette jeune fille royale, qui croit naturellement au droit de sa race, veut exprimer par là que la fidélité à ses rois dans le malheur est un devoir et une vertu ; mais, même quand il n’en serait pas tout à fait comme elle le pense, son expression droite et naïve ne l’a point trompée ; elle dit vrai encore : car ce qui n’était plus un devoir de fidélité peut-être, en était un pour le moins d’humanité, et quiconque a passé le seuil du Temple en ces trois années et y a paru compatissant à de telles infortunes, mérite l’estime, de même que quiconque y a passé sans être touché au cœur ni serviable, a une mauvaise marque. […] Elle passe seule, avec Madame Élisabeth, l’hiver de 93-94 : « On nous tutoya beaucoup pendant l’hiver, dit-elle. […] Le 21 janvier et le 16 octobre, jours de la mort de son père et de sa mère, elle s’enfermait seule, ou quelquefois elle faisait demander, pour l’aider à passer ces journées cruelles, quelque personne avec laquelle elle était à l’unisson de deuil et de piété (feu Mme de Pastoret, par exemple).

448. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Le spectateur, au contraire, part de ce qu’il voit et de ce qu’il entend d’abord ; et il passe de là aux progrès et au dénouement de l’action, comme à des suites naturelles du premier état où on lui a exposé les choses. […] C’est cet art de suspendre qui fait passer le spectateur de l’espérance à la crainte, du trouble à la joie : c’est l’artifice du cinquième acte de Tancrède. […] On y exige encore, non seulement que l’action soit une, mais qu’elle se passe toute en un même jour, en un même lieu. […] Comme toute l’action se passe en un lieu, ce lieu doit être convenable à la qualité des acteurs. […] Dans le premier cas, s’il n’y a qu’un personnage principal, il est vertueux, ou méchant, ou mixte ; et il passe d’un état heureux à un état malheureux, ou au contraire.

449. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Tant de gens, qui passent plutôt pour éclectiques que pour absolus, se font tous les jours si grosse, sous nos yeux, la part du lion, quia nominor leo, que c’est plaisir de trouver M. de Maistre à ce point libéral et modeste. […] On sait la phrase finale du Pape, dans laquelle il est fait allusion au mot de Michel-Ange parlant du Panthéon : Je le mettrai en l’air. « Quinze siècles, écrit M. de Maistre, avaient passé sur la Ville sainte lorsque le génie chrétien, jusqu’à la fin vainqueur du paganisme, osa porter le Panthéon dans les airs, pour n’en faire que la couronne de son temple fameux, le centre de l’unité catholique, le chef-d’œuvre de l’art humain, etc., etc. » Cette phrase pompeuse et spécieuse, symbolique, comme nous les aimons tant, n’avait pas échappé au coup d’œil sérieux de M.  […] Vous ne m’en avez rien dit ; cependant des personnes en qui je dois avoir confiance prétendent qu’il ne passera pas, et je le crois de même. » Mais, de ces mots-là, quelques-uns ont passé par manière d’essai, pour tenter notre goût aussi, à nous lecteurs français, lecteurs de Paris : nous voilà bien prévenus. […] En revanche, on doit au patient collecteur, en le feuilletant, de voir passer sous ses yeux quantité de textes dont quelques-uns nouveaux, assez intéressants et qui ont trait de plus ou moins loin aux doctrines critiquées. […] Il entend, il comprend, était le mot de passe, faute de quoi on était exclu à jamais de la sphère supérieure des belles et fines pensées.

450. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Exposer son sujet, c’est-à-dire indiquer le temps, le lieu, toutes les circonstances particulières, présenter les personnages, marquer les caractères, annoncer l’action qui va mettre aux prises ces personnages et ces caractères, en rappelant tous les événements antérieurs qu’il est nécessaire de connaître pour comprendre ce qui va se passer ensuite ; développer le sujet, c’est-à-dire montrer le jeu des caractères, l’évolution des idées et des sentiments, la série des faits qui résultent des états d’âme et qui les modifient aussi, faire agir en un mot et souffrir les personnages, dénouer enfin le sujet, c’est-à-dire pousser l’action et les caractères vers un but où l’une s’achève et les autres se complètent, de telle sorte que le lecteur n’ait plus rien à désirer et que toutes les promesses du début soient remplies, voilà la formule classique de l’œuvre dramatique, qui s’adapte merveilleusement aux conditions des brèves narrations. […] Généralement aussi, nous ne les voyons ni dormir, ni s’habiller, ni tousser ; ils entrent, ou sortent, sans qu’on nous dise qu’ils ouvrent les portes, qu’ils montent ou descendent les escaliers ; quand ils vont dans la rue, il ne nous importe guère de quel côté du trottoir, et ce n’est que par le caprice d’une nouvelle école que nous lisons parfois l’émouvante énumération des rues, quais et boulevards par où passe un homme pour aller de Montrouge aux Batignolles. […] Cet homme que nous fait entrevoir le grand romancier Tolstoï, lorsqu’il peint le défilé interminable des blessés de Borodino qui passe sous les yeux de son héros ému et navré, cet homme couché sur le ventre au fond d’une charrette, dans la demi-ombre de la bâche, blessé, on ne sait où ni quand, d’on ne sait quelle blessure, sans visage, sans nom, sans passé, sans avenir, forme obscure et vague un moment devinée et disparue pour jamais : c’est là, semble-t-il, un détail insignifiant ; et pourtant que de pensée, que d’émotion ramassée en ce seul trait ! […] Il ne suffit pas alors de donner les raisons pour lesquelles on s’est rangé d’un côté : il faut aussi discuter celles qui pourraient engager à passer de l’autre. […] Vous écartez les difficultés qui peuvent empêcher de la recevoir, vous réfutez les objections, et quand vous avez ainsi doublement débarrassé et aplani le terrain, vous passez aux preuves directes, positives, décisives.

451. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Penser ainsi de soi, passe encore : nous sommes de si plaisants animaux ! […] » Un vieux monsieur la traite tout à fait familièrement et vient passer chez elle deux ou trois heures par jour. […] J’ai passé la nuit hier avec Mélanie. » (J’adoucis l’expression.) […] Il dit, en regrettant de n’avoir pas eu de maîtresse à dix-huit ans : « Elle eût trouvé en moi une âme romaine pour les choses étrangères à l’amour. » Or, il passe toute sa vie dans d’assez médiocres emplois. Il écrit ses deux romans à cinquante ans passés, et meurt consul à Civita-Vecchia, sans avoir connu la gloire qu’il avait tant désirée.

452. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Et ce n’est pas non plus au temps qui passe qu’il l’a donnée, car pareille histoire restera. […] L’historien des femmes a passé à l’histoire des hommes, et il a déployé, dans cette histoire, une capacité plus forte que celle qu’on lui connaissait. […] Écartez le Pape, la splendeur se retire de cette tête autour de laquelle Renée essaierait en vain d’attacher avec tout son talent une auréole, et la voilà qui n’est plus qu’une de ces individualités féodales comme il en passa tant, pour s’y perdre, dans cette histoire d’Italie où le savant Ferrari comptait avec désespoir sept mille révolutions. […] Béranger venait de nier la présence réelle, c’est-à-dire d’un coup tout le Christianisme dans son dogme générateur, et le concubinat, passé presque à l’état d’institution, avait eu l’ambition du sacrement. […] Ceux qu’il avait désignés passèrent après lui sur le trône.

453. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Eh bien, à part la pelisse rouge, — et encore la Gloire ne lui a-t-elle pas passé cette veste de pourpre dans laquelle elle fagote ses favoris ! […] … Après des années, après la fuite de ce char rapide des années qui passe sur tout et entraîne tout, quand le Romantisme a été mort et enterré comme Malbrough s’en va-t’en guerre (il y était allé !) […] qui travaillait son souffle comme un flûtiste travaille le sien pour le faire passer dans le petit trou de sa flûte, est devenu plus qu’un homme et plus que Shakespeare. […] De personne il a passé système ; d’idée concrète il a passé idée générale ; on l’a invoqué comme la philosophie même de l’art ! […] Le propre de l’engouement c’est de passer vite ; car, s’il durait, on étoufferait.

454. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Il est encore plus inutile, car Dangeau lui-même n’était d’aucune nécessité pour l’histoire et le monde pouvait se passer très bien de sa rapsodie. […] Aussi, quand nous, venus longtemps après tous les effacements de la révolution française, nous ne lisons le duc de Luynes, qui n’était pas un écrivain, qu’à cause de son nom qui dit le rang qu’il tint et celui de son petit-fils, qui autorise la publication de ses mémoires, et quand nous ne trouvons à la place des choses qu’il pouvait savoir en raison même de son rang, que les vieilles inanités déjà connues, certes, nous avons le droit de dire que nous sommes, qu’on me passe le mot : attrapés ! […] il passe toute sa vie à nous raconter gravement… quoi ? […] Seulement, et quoi qu’il en puisse être, en présence de faits pareils, ramassés avec une telle loyauté, on se demande le compte des pensées qui passèrent, durant toute sa vie, par l’esprit de l’homme qui ramassait ces faits et tellement s’en préoccupait ? Et si nous disons, nous, chrétiens, qu’un jour nous aurons à répondre devant Dieu de nos actions et paroles oiseuses, nous demandons ce que ceux-là qui étaient nés et faits pour gouverner les hommes et qui passèrent ainsi toute leur vie dans des méditations ou des souvenirs de maîtres à danser, répondront, en attendant le jugement de Dieu, devant l’histoire… ?

455. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Bonne lorgnette, du reste, pour bien les voir, que cette lunette sanglante de la guillotine par laquelle passa la plus noble des têtes que la Révolution ait coupées ! […] Au xixe  siècle, Chateaubriand, Lamennais, Bonald et Louis Veuillot, qu’il faut nommer après eux, eurent du christianisme dans leur génie, et le Christianisme tient tant de place dans les choses humaines qu’il est impossible à des hommes qui se mêlent aux choses de ce monde de s’en passer sans se diminuer, quand ils sont les combattants de tous les jours dans la bataille des idées, en attendant celle des hommes ! […] Oscar de Vallée, qui, par amour pour André Chénier, s’est donné la peine de repêcher, au courant du siècle qui les emporta, des pages dont le destin était de passer comme le siècle, M.  […] … Cette trombe impure et sanglante des Jacobins a passé. […] Seulement, la trombe hideuse reviendra, et pas plus dans l’avenir que dans le passé, cette poésie de Chénier ne l’empêchera de nous passer sur le corps !

456. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

Armand Carrel n’est sérieusement ni un penseur, ni un écrivain, ni un esprit politique, ni un historien, quoique une fois dans sa vie il ait touché à l’histoire, à ces pierres d’un passé en ruines qui nous écrasent quand nous voulons les détacher pour les jeter à nos ennemis. […] David d’Angers avait fait à Carrel une statue contre laquelle le Temps, qui était passé, ne serait pas revenu. […] Mais, hors cela, qui n’implique, après tout, ni la supériorité de l’intelligence, ni même l’éloquence du talent, il n’y a rien dans les trois volumes de Carrel qui ne soit vieilli, passé, mesquin, et qui méritât qu’on s’y arrête si on ne nous forçait pas à les lire à la lumière de son nom. […] C’est lui qui écrivait d’Espagne qu’il avait passé les Pyrénées, et qu’il ne se sentait pas d’aise d’avoir pu contempler ces monts fameux, traversés autrefois par Annibal pour aller livrer la bataille de Pharsale. […] Ce n’était qu’un journaliste comme tant d’autres, un touche-à-tout qui met audacieusement une main familière sur l’épaule des plus hautes questions, un de ces agitateurs d’une minute et demie auxquels, cette minute passée, le monde qu’ils ont troublé ne pense plus.

457. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Et le Sonnet, au contraire, c’est la règle inflexible, le rythme sévère et circonscrit, l’anneau infrangible et enchanté, passé au pied divin de la Muse pour qu’elle ne s’envole pas et qu’on puisse mieux juger de la grâce et de la longueur de ses ailes ! […] J’aime ces doux combats, et je suis patient : Dans l’étroit vêtement qu’à son beau corps j’ajuste, Là serrant un atour et là le déliant, J’ai fait passer enfin tête, épaules et buste ! […] Joséphin Soulary a peut-être l’esprit plus grand que ses Sonnets, et son humour, à ce bizarre, ce vin noir comme le sang d’un cœur triste, finira peut-être par devenir fougueuse à force d’être comprimée, et passera par-dessus le bord, rose et or, du verre de Bohême aux pans régulièrement taillés, dans lequel il la sert avarement aux lèvres qui l’aiment et qui en voudraient beaucoup plus ! […] Passez-moi un sonnet encore ! […] Quel dommage qu’un poète de ce faire émouvant et pensé passe dix ans de sa vie à rimer des sonnets comme ce niais, souvent sublime, de Wordsworth, qui, du moins, écrivit l’Excursion, — une œuvre d’ensemble, un grand poème, — et voue sa vie (mais l’a-t-il réellement vouée ?)

458. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Évidemment, je n’appelle pas romans-feuilletons tous les livres publiés en feuilleton, tels chefs-d’œuvre qui, comme les Parents pauvres, par exemple, auraient été ou seraient obligés de passer par cette porte basse de la publicité, sous cette fourche caudine de l’imagination publique. […] » ou plutôt : « Vous êtes déjà passés. » II Et d’autant que les prétentions de l’auteur de ces livres sont immenses. […] Attaqué, depuis son début, dans sa moralité d’écrivain, ce qui, au fond, lui est bien égal, il n’en a pas moins relevé le gant pour le compte de la moralité de son œuvre, afin de n’avoir point à le relever pour le compte de son talent contesté, et il a écrit une longue préface qu’il a plaquée à la tête de ces trois volumes, précisément, dit-il en capitales, « pour qu’on la passe !  […] Dans cette préface, qu’il serait bien fâché qu’on ne lût pas, et avec raison, car c’est ce qu’il y a de meilleur dans les trois volumes, l’auteur fait une passe d’armes, fastueuse et inutile, en l’honneur de l’art pour l’art, disant, du reste, de très bonnes choses, claires comme de l’eau, contre les moralistes camards, qui ne voient pas plus long que leur nez et qui piaillent pour la morale en quatre points, la prêcherie et la pédagogie catéchisante en littérature ! […] Quant aux autres personnages, tout à fait secondaires, tourbe qui entre, passe et sort dans ces romans sans y être nécessaire, sinon pour amener des épisodes, la princesse Wanda, — la conspiratrice polonaise dont toute la caractéristique est d’avoir une épaule plus grosse que l’autre (il faut être exact !)

459. (1914) Boulevard et coulisses

Elle se passait lors de la bataille de Coulmiers. […] Je passai donc, cette année-là, un hiver incertain et sans humour. […] Le regret du passé est déprimant. […] L’état des sociétés actuelles les irrite, le passé leur fait horreur. […] Ce n’est pas dans l’avenir, c’est dans le passé.

460. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

On reproche à notre jeune siècle d’être irrespectueux envers le passé, de ne rendre hommage qu’aux gloires modernes, et de jeter à peine quelques regards en arrière sur les hommes honorables et utiles qui ont fait sa destinée. Et cependant jamais le passé ne fut plus étudié qu’aujourd’hui ; jamais les gloires anciennes ne furent plus envisagées face à face ; jamais les hommes qui ont bien mérité de la postérité ne furent mieux appréciés et connus. […] Ce fut un beau jour pour lui que celui où la liberté des cultes fut proclamée ; ce jour-là, il parla longuement et gravement ; ses paroles furent dignes et contenues ; elles devaient retentir bien haut dans sa bouche, et y recevoir une signification bien profonde pour qui savait que le malheur avait passé par là. […] Quelques nuages se promènent encore sur le ciel de la France  ; mais la Constitution est faite, la masse de la France est assise … Illusion naïve du savoir et de la vertu, qui fait sourire en même temps qu’elle attriste, illusion de tous les temps, de tous les lieux, de tous les hommes, la nôtre aussi, toutes les fois qu’il nous arrive de juger le passé d’hier avec nos idées du réveil et de croire y lire l’éternel avenir !

461. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Oui, si elle passait inaperçue. […] On allait passer sans s’arrêter. […] passé même ce coucher. […] Mais cela ne me regarde point, passons. […] J’en passe, et des meilleurs.

462. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Passons à M.  […] Un frisson passe, aussitôt réprimé. […] J’en passe. […] Que le passé soit aboli. […] On s’en passe très bien.

463. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Le même jour ce sonnet se répandit dans tout Paris et passa dans les mains de M.  […] À la tête du parti qui n’aime pas la guerre, et qui travaille pourtant contre la paix, est le duc de Newcastle, qui passe pour regretter sa place, et qui n’y peut revenir que par le bouleversement du ministère. […] Et il a ajouté en note : Voir la correspondance du duc de Nivernais, qui, à la Cour, passait pour trop savant, 1763. […] Vous pouvez compter que votre cousin (le duc de Choiseul) et vous, vous passez à Londres pour les deux plus grands ministres qu’il y ait jamais eu, et il ne s’en faut guère qu’on ne me joigne à vous deux. […] La première passe en jacasserie le duc de Newcastle, et la seconde, Mme de Gisors, épuise une éloquence de Pitt à défendre l’archevêque de Paris.

464. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Ce ne sera plus lui avec qui nous partagerons nos vendanges, mais la séve de nos vignes sera toujours à lui, car c’est lui qui les a enracinées avec nous dans le roc. » Et je passe. […] Si ce que je reçois ne suffit pas, je demanderai de nouveau une autorisation au ministre. » Je fais valoir cette considération, mais l’heure est passée ; l’autorisation avec elle. […] Là nous prîmes un chemin de traverse sur la droite, et nous arrivâmes bien fatiguées sans passer par Châlon à Sennecey. […] Toute la journée se passa ainsi. […] Nous passâmes toute la journée entière à marcher et à parler et à rêver, et à prier sur vos traces.

465. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

C’est aussi le moment où la cour et la ville, comme on disait alors, passent sans relâche d’un divertissement à un autre. […] Les sourires du prince coûtèrent au banquier quelques millions qui passèrent de ses coffres dans ceux de l’État. […] Le goût des voyages, inhérent aux commerçants (témoin les Anglais qui sont le peuple le plus commerçant et le plus vagabond du monde), passe peu à peu aux autres classes de la nation. […] Et je passe sur le nombre énorme de romans, de pamphlets, qui depuis lors ou auparavant ont représenté au vif les manœuvres, les travers et les vices de ces aventuriers de la fortune. […] C’est donc chose grave quand ce patronage des écrivains passe d’un groupe social à un autre, quand il échappe par exemple aux autorités officielles.

466. (1913) Poètes et critiques

Ils passent, ils chantent. […] Passe pour les sonnets bigornes. […] La tradition du passé. […] aux dépends de l’exactitude, faire passer dans ma langue un peu de leur rythme et de leur langueur. […] Almanach pour l’année passée. — IX.

467. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Barrès, passèrent par cette revue d’une laideur (physique) si originale et si barbare. […] Barrès, et bien davantage, car il connaît le passé mieux et plus loin, M.  […] Passons. […] Je passe et on ne me voit pas, je parle et on ne m’écoute pas. […] Pourtant Dieu passe incessamment parmi nous, arbres, barques, tabernacles ou pierres !

468. (1932) Le clavecin de Diderot

Un jour que, dans une réception officielle, Mme de Noailles passait au bras de M.  […] Et pas moyen de passer d’une cosmogonie à l’autre. […] Wilde est passé par là : Mettre le génie dans sa vie, le talent dans son œuvre. […] L’âge du feu, l’âge du foyer était bien passé, mais l’âge du billet de banque durait toujours. […] Crevel a passé de longs mois en sanatorium en Suisse à partir de 1926 à cause de sa tuberculose.

469. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Il a passé toute sa première enfance à la campagne, dans le domaine de Milly, dans un domaine qui appartenait à son père. […] De même, il traverse la littérature, il renouvelle la poésie lyrique et il passe. […] Et Victor Hugo suppose que du temps se passe, que des siècles s’écoulent, que la ville qui fut Paris n’est plus qu’un amas de ruines, et que sur ces ruines se dresse encore cet arc de triomphe, témoin d’un passé glorieux. […] Nous ne pouvons pas être « ce monsieur qui passe. » Eh bien ! […] Il aperçoit passer un enterrement.

470. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Tous ceux qui ont eu à passer sur un des chemins que M. de Maistre a traversés savent à quoi s’en tenir sur son exactitude et ses scrupules en matière de citation. […] M. de Lamartine, dans une conclusion éloquente qui termine ses Entretiens sur de Maistre, a également relevé cette suite de démentis éclatants donnés au prophète du passé ; et, comme pour les consommer et les résumer en un seul, la vieille Savoie elle-même, avec ses glaciers, ses rochers et ses chalets, ne vient-elle pas de rouler, de glisser vers la France ? […] Pour un homme qui avait des parties si élevées de philosophie et des prétentions à tout fonder ou reconstruire, il se payait souvent de mots ; on n’a jamais tant usé et abusé des mots passé et avenir ; ils ont pour lui un sens absolu ; ce sont des êtres complets, déterminés, des abstractions distinctes, des idoles ; il maudit l’un et adore l’autre. Il ne soupçonne pas que le présent est mêlé et comme tissu, à tout moment, de passé et d’avenir. […] Taine et Ernest Renan, de plus en plus goûtés du public, ils peuvent très bien, se passer de notre surcroît de critiques et d’éloges.

471. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan fut envoyé au collège Stanislas et y passa une quinzaine en compagnie de l’abbé Gratry, cet homme d’esprit et de talent, mais dont les méthodes ne pouvaient avoir sur lui aucune prise. […] Je sais des gens qui, par esprit d’opposition, après avoir passé leur vie à combattre la philosophie de M.  […] Partout où il avait passé, les choses paraissaient autres après qu’auparavant ; il vous apprenait à voir le pays comme du haut d’une colline. […] C’est ce qu’il appelle la conscience du genre humain, — une sorte de miroir supérieur et mobile où se réfléchissent et se concentrent les principaux rayons, les principaux traits du passé, et qu’à chaque époque le nombre plus ou moins grand des hommes qui pensent promène avec soi et transmet à ceux qui suivent. […] Un tel enseignement n’est bon qu’en tant qu’il produit des contradicteurs : et encore vaudrait-il bien mieux se passer de certaines questions que de les poser.

472. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

On prendra idée de la masse de notions précises ainsi amassées par lui et passées ensuite au creuset, pour ainsi dire, de son rigoureux esprit, en sachant que depuis 1829 jusqu’en 1853, c’est-à-dire pendant vingt-quatre ans, il fit un voyage de six mois chaque année, et un voyage d’étude, non une tournée de plaisir. […] Le Play, en rassemblant les éléments du problème social qu’il avait dès lors en vue, a fait un premier ouvrage qui, sans parti pris, est un modèle et qui devrait être une leçon pour tous les réformateurs, en leur montrant par quelle série d’études préparatoires, par quelles observations et comparaisons multipliées il convient de passer avant d’oser se faire un avis et de conclure. […] Le Play était en visite chez les Bachkirs voisins des Kirghiz, au-delà de la frontière nord-est de l’Europe, aux premiers confins de la Sibérie, et depuis quelques jours il observait tous les détails de ce régime à demi nomade, cette manière de vivre très voisine de la primitive et par laquelle ont dû passer autrefois ceux qui furent peut-être nos ancêtres et nos pères. […] Il avait passé de l’étude des métaux à celle des hommes ; il passait maintenant de celle-ci au traitement des sociétés : il se préparait à aborder résolument les questions de réforme. […] Poussée à ce degré, l’espèce (qu’on me passe ce mot scientifique) n’est-elle pas aussi un inconvénient, — Dieu me garde de dire un danger ?

473. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Chapitre III La clinique subjective Passer de l’examen des autres au retour sur soi-même, c’est évidemment restreindre son champ d’enquête, mais, en revanche, c’est incomparablement gagner en pénétration d’analyse et puissance d’expression. […] C’est que les documents passés se raniment à cette émotion résiduelle, sous laquelle tremble encore la main qui les écrit. […] Incapable d’une activité quelconque, « il était maintenant incapable de comprendre un mot aux volumes qu’il consultait », il se rangeait parmi ces épigones de Nietzsche, toujours tournés vers le passé. […] Sans doute pour entourer son expérience de plus de couleur locale — car le déplacement n’était pas nécessaire pour se procurer la « fumée brune » — il alla passer deux ans en Extrême-Orient. […] Son règne littéraire a vu naître et passer les écoles et les genres.

474. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Vous vous rappelez les propos mélancoliques de Fantasio sur un monsieur qui passe : « … Je suis sûr que cet homme-là a dans la tête un millier d’idées qui me sont absolument étrangères ; son essence lui est particulière. […] Nous concevons plus vivement, en effet, nous nous représentons dans un plus grand détail et nous perpétrons avec plus d’application l’acte qui passe pour péché que celui qui est moralement indifférent. […] Mais, quand on en est réellement, vous savez bien qu’on se passe tout, au faubourg Saint-Germain !  […] Les agréments extérieurs, l’élégance des habits, la politesse des manières, tout cela passe, non seulement aux yeux des sages, mais même aux yeux des gens du monde quand ils s’avisent d’être sérieux, pour des avantages très inférieurs à l’esprit, aux talents et à la valeur morale. […] Et comme, ayant pris la mieux reconnue des vanités, il a su l’égaler aux occupations qui passent pour les plus nobles, il nous fait aussi entendre par là que tout est vain.    

475. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

C’est ainsi que sont payés les momens que l’homme de Lettres a passé dans la solitude. Le tems écoulé & perdu pour l’homme de Lettres a passé dans la solitude. […] Oubliez-vous que si la malice humaine sourit quelquefois aux traits ingénieux de la Satyre, elle passe avec la foule interessée à le recevoir, & que l’équité proscrit bientôt cette petite vengeance en marquant du sçeau du mépris le jaloux censeur. […] L’éloge d’un homme de génie, n’est-il pas la plus douce récompense d’un autre homme de génie dites c’est mon frere qu’on admire, qu’on loue, qu’on persécute, je dois le consoler, le défendre, puisque les méchans le punissent d’être éclairé & vertueux ; pour jouir de l’estime de mes contemporains, il me faudra un jour passer par les mêmes épreuves. […] Songez enfin que la justice, la générosité, la grandeur d’ame doivent vous animer si vous voulez les peindre avec force, & les faire passer dans les cœurs de ceux qui vous écoutent.

476. (1842) Essai sur Adolphe

Ma paupière ne s’abaissera pas devant ces mères orgueilleuses qui parlent bas à l’oreille de leurs filles en me voyant passer ; je marcherai près d’elles d’un pas ferme ; je sentirai la rougeur monter à mon front, mais je retiendrai mes larmes, et je les accumulerai pour les verser à flots dans le cœur de mon bien-aimé. […] Elle était forte, et défiait le danger ; elle était confiante et résignée, et ne demandait au ciel que des jours pareils aux jours évanouis ; et voici que tout à coup la vaillance de cette femme s’est affaissée ; voici que son espérance a fléchi comme le peuplier sous le vent qui passe. […] Tout ce qui se passe autour de nous avait pris un aspect nouveau, un sens imprévu. […] Mais le mensonge, d’abord si riche en métamorphoses, si habile à se déguiser, si fécond en ressources, devient de jour en jour plus maladroit et plus facile à surprendre : il n’est plus qu’une habitude, et se passe de volonté. […] car ils ont au moins, pour se consoler pendant le reste de la route, le souvenir du bonheur passé ; ils peuvent se rappeler dans une amitié durable un amour évanoui ; ils assistent muets aux funérailles de leur enthousiasme, et en parlent sans amertume comme d’un fils emporté par la guerre.

477. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Il y en a qui se félicitent que le temps des controverses religieuses soit passé. […] On l’admira et on la rechercha curieusement dans le passé ; on la honnit dans le présent. […] Ainsi un régime qui réalisa l’idéal de l’éclectisme passera, dans l’histoire de l’esprit humain, pour une période assez inféconde. […] Le prophète, le poète des premiers âges passeraient pour des fous au milieu de la terne médiocrité où s’est renfermée la vie humaine. […] Vous avez pensé librement, nous penserons de même ; ces grands hommes du passé que vous nous avez appris à admirer, ces illustres promoteurs de la pensée que vous répudiez aujourd’hui, nous les admirerons comme vous.

478. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Je sais les difficultés d’en parler convenablement : le temps des illusions et des complaisances est passé ; il faut absolument dire des vérités, et cela peut sembler cruel, tant le moment est bien choisi. […] Selon lui, moyennant une corde lancée d’un toit à l’autre avec une flèche, son père et sa mère correspondaient, et son père put même quelquefois sortir la nuit de sa prison, pour aller passer quelques heures avec sa mère. Quelles nuits, s’écrie le poète, que ces nuits furtives passées à retenir les heures dans le sein de tout ce qu’on aime ! […] Cette préoccupation du présent qu’il porte dans le passé, deviendrait piquante à l’étudier de près. […] Necker, disait Mme de Vincy ; nous sommes de la religion du passé.

479. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Jamais vous n’avez rencontré d’érudition si légère, si ailée, si insoucieuse d’elle-même, et qui passe plus vite sur les épis de blé sans les courber ; mais non sans les couper, car elle les coupe et les emporte ! […] Il est des hommes qui passent obscurs dans la vie, et qui seraient grands si l’occasion historique leur venait. […] Son action, à elle, fut autrement puissante que celle de cette Italienne qui passa dans la vie de Louis après l’amour troublé. […] Les Nièces de Mazarin ne sont guères là qu’un titre et un prétexte, quoique le titre soit justifié et que le prétexte puisse passer fort bien pour un motif. […] Notre adorable La Fontaine, qui passe si malhonnêtement pour une bête de génie, s’y transforme en homme dont les femmes ne riaient pas, ce qui cause un plaisir immense !

480. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Je serai seul à mourir d’ennui, comme l’an passé… » Je m’éloignai rapidement, et je me mis à penser à autre chose. Tout à coup je me dis : « Lieutenant Louaut, tu es un… — Et les soixante-sept jours que le rhumatisme m’a retenu au lit l’an passé, dit le parti de la prudence ! […] Mais est-il une doctrine pratique qui puisse se passer de tout aperçu théorique ? […] Ils méditent les songes d’un malade du temps passé : le rien n’engendre rien, au rien rien ne retourne ! […] » qui passe pour un mot sublime et qui est attendu au passage par tous les spectateurs.

481. (1923) Nouvelles études et autres figures

Ce livre passa inaperçu. […] Où se passe-t-elle ? Quand se passe-t-elle ? […] La France du passé proteste. […] Que s’est-il passé ?

482. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Il en résulte qu’entre l’ancien art dramatique et le nouveau il n’y a pas eu de pont et qu’on n’a point passé. […] Plusieurs des romans de Walter Scott venaient de passer le détroit. […] Mais, répondait-on, toute la pièce se passe dans l’intérieur du château de Fotheringay ; on ne sort pas de l’enceinte. […] Nous n’avons plus apparemment cette dent-là, et de plus odieux que Leicester passent dorénavant, sans dire gare, au théâtre. […] Depuis le voyage de 1820, la Grèce était devenue à la mode, et le troupeau des rimeurs y avait passé.

483. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

L’intimité qui s’ensuivit eut un effet durable sur l’esprit de Mme de Rémusat, et détermina en quelque sorte le milieu social où elle passa sa vie. […] Mme d’Houdetot était de ces âmes qu’on peindrait d’un mot : elles ont passé dans le monde en voyant le bien. […] Dès qu’ils sont au monde, osez vous dire que votre jeunesse va passer dans la leur ; ô mères ! […] Les romans de Walter Scott passaient alors le détroit ; on commençait à songer à l’exactitude dans la reproduction des lieux et des époques. […] Le sourire et l’accent les faisaient passer ; mais, fixées sur le papier, c’est autre chose : le papier est bête.

484. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Un penchant mélancolique l’entraînait au fond des bois ; il y passait seul des journées entières, et semblait sauvage parmi des Sauvages. […] « Souvent assis dans une église peu fréquentée, je passais des heures entières en méditation. […] Qu’ils sont doux, mais qu’ils sont rapides, les moments que les frères et les sœurs passent dans leurs jeunes années, réunis sous l’aile de leurs vieux parents ! […] « Cependant Amélie n’avait point encore prononcé ses vœux ; et pour mourir au monde, il fallait qu’elle passât à travers le tombeau. […] « Je pris donc subitement une autre résolution, je me déterminai à quitter l’Europe et à passer en Amérique.

485. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Quand il eut cinquante ans et qu’il eut passé l’âge d’être décemment amoureux, il jeta le masque, et s’en donna de persifler les amoureux. […] Hier et tout le passé sont plus forts qu’aujourd’hui, pour donner sa forme à demain. […] Quoi d’étonnant si ses plus vifs, ses plus impérieux mouvements, aussitôt exprimés, passent ? […] Ensuite il n’est pas vrai qu’il se passe de toute moralité. […] Dès 1471, il est pensionné par Louis XI, à qui il passe en 1472.

486. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

On veut se venger de ses respects passés, sitôt que l’échafaudage est dépouillé de sa tenture. […] Le catholicisme est là, satisfaisant à ce besoin ; passe pour le catholicisme. […] Car on peut se passer d’originalité religieuse, mais on ne peut se passer de religion. […] Ces bonnes gens n’étant pas du XIXe siècle, il ne faut pas trouver mauvais qu’ils soient de la religion du passé. […] Le temps des petits hommes et des petites choses est passé ; le temps des saints est venu.

487. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

— « Pas un lieu de la terre où je n’aie passé ! […] Celui qui nous présente des mains pures, jamais notre colère ne se jette sur lui, il passe une vie saine et sauve. […] Lui seul représentait la série passée des ancêtres et celle des descendants à venir. […] Le baptême de l’euphémisme effacera la tache de leur passé malfaisant. […] Eschyle passa à l’état d’archaïque et de primitif ; toujours vénéré, mais peu fréquenté.

488. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Thiers, aurait conclu un marché non moins fabuleux, non moins excellent : il a vendu, assure-t-on, ses œuvres passées, présentes et futures : le libraire aurait acheté la source même avec tout ce qui en pourra jaillir. […] L'écrivain heureux passe, bon gré, mal gré, à l’état de fermier-général, et trop souvent il acquiert les défauts en même temps que les bénéfices industriels. […] Mais, sous peine de se pervertir, elle ne saurait passer au delà : l’aurea mediocritas, entendue aussi largement qu’on le voudra, est son domaine naturel. […] Nous nous rappelons très-bien, en énonçant cette loi fâcheuse, que Byron, Walter Scott, Chateaubriand, sont ou étaient au nombre des enrichis ou de ceux qui auraient dû l’être ; des sommes immenses, produit de leurs œuvres, leur ont passé par les mains ; mais ces grands exemples même ne font que nous confirmer dans la triste conséquence que nous tirons. […] philosophique qui l’aura occupé, car nous tenons d’une personne qui l’a rencontré dans ce voyage et qui passait au retour par nos contrées, que l’illustre écrivain, chaque matin, méditait quelque chose.

489. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Car, pour comprendre le Moyen Âge, cette gestation laborieuse et profonde d’une société qui a fini par s’organiser dans la plus merveilleuse harmonie, il faut avoir de deux choses l’une ou la raison du grand historien qui voit l’entre-deux et le dessous des faits, qui en perçoit les causes et les détermine, ou la sensibilité du grand poète qui, par le sentiment et une transposition sublime de son être dans le passé, arrive à l’intuition complète du temps qui n’est plus. […] Ni Hallam, ni Thierry (nous parlons du Thierry du passé, car qui sait si Dieu ne nous garde pas le véritable historien du Moyen Âge dans le Thierry de l’avenir ?), ni Guizot, qui a vu les mélanges du bien et du mal, mais qui n’a pu les expliquer, ni personne, enfin, parmi les gloires modernes, n’a porté la lumière et la main sur le nœud gordien de ce temps et son implication formidable, tandis que quelques vers de Shakespeare, quelques pages de Walter Scott, en font du moins passer l’âme dans nos esprits, comme une vision trop tôt évanouie ! […] De l’une à l’autre de ces dates, ce qui passe à travers le temps ce sont des luttes, des événements et des personnages empreints de la grandeur sauvage de ces pirates, rois de la mer (sea kings), qui, blasés d’Océan et de neige, voulurent ajouter quelques miettes de terre à leur liquide empire, et s’abattirent sur la côte de France par la route des Cygnes, cygnes eux-mêmes, ou plutôt cormorans, pressés comme les vagues et inépuisables comme elles ! […] Mais le Christianisme, mais l’Église, le Moyen Âge, le passé dont nous sommes les fils, voilà ce qui importe à tous et ce qu’on retrouve dans ce livre, nous ne dirons pas sous la lumière, mais sous le clair-obscur le plus faux.

490. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Ceci se passait vers 1855. […] Le César, qui s’attendait à des titres de romans, sourit et passa. […] Tout son temps se passait à lire en cachette. […] Deux ou trois mots de passe étaient exigés. […] Le présent n’existait guère à ses yeux, et il ne vivait que dans le passé.

491. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

On trouve dans le passé, on trouverait même aujourd’hui des sociétés humaines qui n’ont ni science, ni art, ni philosophie. […] Mais il n’y a pas toujours eu des romanciers et des dramaturges, tandis que l’humanité ne s’est jamais passée de religion. […] Nous passons à l’étude de ces formes générales, de ces tendances élémentaires. […] Les esprits une fois posés, l’humanité aurait passé de la croyance à l’adoration. […] C’est ce qui se passa à Rome.

492. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Pour une frivole cour, tenue longtemps sous une tutelle étroite et monastique, c’était le seul moyen éclatant de venger sa contrainte passée et de constater son émancipation. […] Or, il y avait, près de la chambre de madame, un petit endroit où notre historienne se tenait d’habitude, et d’où elle entendait tout ce qui se passait. […] La scène se passait, je crois, à l’entresol de la marquise. […] Représentant de toute cette partie immorale et dépravée du règne de Louis XV, et, même sous le roi honnête homme et citoyen qui lui succéda, opiniâtrement fidèle à la corruption du passé, le maréchal de Richelieu s’occupait encore aux approches de 89 à publier les scandales de sa longue vie, et les confessions cyniques que balbutiait le courtisan en cheveux blancs se perdaient dans les acclamations solennelles dont un peuple rajeuni saluait déjà sa nouvelle aurore.

493. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Le livre est dédié à Hubert Crackanthorpe et à Charles Lacoste ; « À toi, Crackanthorpe, déjà célèbre en ton pays, et qui a senti passer en toi le souffle de l’amour et de la pitié humaine (sic). […] Il vit comme cela, pion dans une boite, et passe parfois sur son front sa main moite… [Mercure de France (1893).] […] Francis Jammes passe déjà les 300 pages ; il compte plus de cent poèmes qui se ressemblent terriblement. […] Il existe assez réellement lui-même pour pouvoir se passer d’adjuvants, des communes ressources littéraires ; de sorte qu’on s’étonne d’abord, tant sa littérature emprunte peu à celle des autres.

494. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Il fallait ou les récrire, ou s’en passer. […] Il prit le parti de passer outre. […] Mais il est peut-être d’autres lecteurs qui n’ont pas trouvé inutile d’étudier la pensée d’esthétique et de philosophie cachée dans ce livre, qui ont bien voulu, en lisant Notre-Dame de Paris, se plaire à démêler sous le roman autre chose que le roman, et à suivre, qu’on nous passe ces expressions un peu ambitieuses, le système de l’historien et le but de l’artiste à travers la création telle quelle du poëte. […] Et l’on ne parle pas ici seulement de ce qui se passe en province, mais de ce qui se fait à Paris, à notre porte, sous nos fenêtres, dans la grande ville, dans la ville lettrée, dans la cité de la presse, de la parole, de la pensée.

495. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Les princes et les rois s’honoraient d’y venir passer quelques instants, et d’y prendre, pour ainsi dire, leurs grades de beaux-esprits ou d’esprits-forts. […] Valérie a des côtés durables en même temps que des endroits de mode et déjà passés. […] Mlle de Scudéry et Mme Cottin, malgré le grand esprit de l’une et le pathétique d’action de l’autre, sont tout à fait passées. […] On sut d’ailleurs un gré médiocre à Mme de Krüdner, dans le monde allemand poétique, d’avoir déserté sa langue pour la nôtre, et Goëthe a lui-même exprimé quelque part le regret qu’une femme de ce talent eût passé à la France. […] Qui a osé douter qu’il n’y ait là de hautes inspirations, et qui n’a dit avec l’Apôtre : « Les choses vieilles sont passées, voici que toutes choses sont faites nouvelles ? 

496. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Guizot raconte qu’il a passé par trois sentiments successifs au sujet de l’ouvrage de Gibbon. […] Dans tous les cas, il a passé le but, il a été déclamateur ; et, en faisant montre de ses défauts à son tour, il nous a seulement prouvé combien la famille d’esprits à laquelle il appartient est en tout l’opposé de celle de Gibbon. […] À ce moment, il y a un léger mouvement de baisse, une légère impression d’ennui qui de la lecture du livre a presque passé sur l’auteur : (10 août). […] Quelques lettres même, les dernières, ont des accents d’émotion qu’on n’attendrait pas ; celle qu’il écrit à lord Sheffield à la première nouvelle de son malheur, et au moment de partir pour le rejoindre, est belle et touchante ; on dirait presque qu’un éclair de religion y a passé. […] Ceux encore aujourd’hui qui auront vécu par la lecture dans cette intimité tempérée et ornée, n’y eussent-ils passé comme moi qu’une quinzaine, comprendront que Gibbon, sans être de l’ordre des génies, sans être même de ceux qui avec du talent troublent ou passionnent les hommes, ait eu ses fidèles et ses pèlerins affectueux.

497. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Cette idée de secourir les demoiselles pauvres pour les préserver des dangers où elle-même avait passé, fut chez elle très ancienne, très naturelle ; elle l’envisageait comme une dette et comme une rançon, devant Dieu, de sa grande fortune. […] Je m’offre avec tous mes gens pour les servir ; et je n’aurai nulle peine à être leur servante, pourvu que mes soins leur apprennent à s’en passer. […] L’idée de la fondation de Saint-Cyr fut décidée, et le roi en parla au Conseil le 15 août 1684 ; deux années se passèrent, durant lesquelles on bâtit la maison, on régla les dotations et les revenus et on prépara les constitutions. […] Pendant ces années de labeur et d’essai, Mme de Maintenon ne cessait de visiter, d’animer et de corriger Saint-Cyr : elle y venait de deux jours l’un au moins ; elle y passait des journées entières dès qu’elle le pouvait. […] Elle aidait à peigner et à habiller les petites, passait deux ou trois mois de suite à une classe, y faisait observer l’ordre de la journée, leur parlait en général et en particulier, reprenait l’une, encourageait l’autre, donnait à d’autres les moyens de se corriger.

498. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Je vais mettre à la suite, faute de portraits de la main d’un grand peintre, quelques esquisses faites pour donner une juste idée du personnage éminent qui passa, en quelque sorte, à côté de l’histoire sans y entrer. […] Si de la société il passe aux affaires, il étonne par sa perspicacité ; il a tout deviné, et il n’y a point de magistrat ni de praticien qui n’en soit surpris. […] Mais vous ne pouvez certainement vous attendre qu’un si grand événement se passe sans critique : il conviendrait mal à mon amitié de vous flatter sur ce chapitre. […] Personne n’a été plus généralement connue que vous, et dans ces dernières années et dans votre première jeunesse : se peut-il qu’un si grand nombre de connaissances vous voient avec plaisir passer du rang de leur égale à celui de leur supérieure, et si fort supérieure ? […] » Douze jours se sont passés : la résolution est prise ou elle va l’être ; tout fait présager qu’elle sera défavorable.

499. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Ils seraient bien coupables ou bien bornés, le roi lui-même ne serait pas excusable, s’il prétendait réduire ces États généraux aux mêmes termes et aux mêmes résultats qu’ont eus tous les autres : cela ne se passera pas ainsi ; ils doivent avoir un plan d’adhésion ou d’opposition à certains principes. […] Diderot ne se charge de la besogne qu’a une condition léonine : Tout ou rien, et Raynal en passe par là ! […] Il est mieux de passer sans transition d’un récit à l’autre ; ce sont des changements à vue, et le lecteur y reçoit presque la même impression au vif qu’un témoin et un contemporain : «  Il m’écrivit de Berlin, nous dit Malouet, qu’il avait grande envie de passer du nord de l’Allemagne au midi de la France, et que probablement il viendrait à Toulon, où il arriva un mois après. […] Ce fut surtout en ces années passées chez Malouet que ses opinions se modifièrent, et que la peur le prit sérieusement de voir la France mettre en pratique les doctrines de ses livres. […]  » Ce sont là de ces traits qui traversent un homme et qui sont versibles sur tout son passé.

500. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Le jeune Gresset fit ses études au collége des Jésuites à Amiens ; d’élève devenu novice et admis dans la compagnie, il passa au collége Louis-le-Grand, et de là fut envoyé pour professer en divers lieux, à Nevers peut-être, certainement à Moulins, dans le voisinage de ce couvent de Visitandines qu’il a si joliment célébré. […] Celui du Perroquet est très-joli et passe bien les deux autres ; mais il est bien libertin, et fera très-certainement des affaires aux jésuites, s’ils ne s’en défont. […] Au commencement de 1751, il se maria dans sa ville natale, et n’en sortit plus qu’en deux ou trois occasions obligées ; il y passa les vingt-six dernières années de sa vie. […] L’honorable biographe s’est tellement appliqué et a si bien réussi à retrouver tous les canevas et projets qui ont pu passer dans l’esprit ou s’ébaucher sous la plume de l’auteur sommeillant et indécis, que nous nous perdons avec lui dans cette multitude d’essais oiseux, de dédicaces sans but et de faciles avortements. […] Qu’est-ce que cette mollesse et finesse de l’air que les Anciens trouvaient au ciel d’Athènes, que les Latins du temps des Césars croyaient ressentir à Rome (proprium quemdam gustum urbis), que Voltaire recommandait si fort aux poëtes trop absents de Paris, et dont lui-même, à ce qu’il semble, il savait se passer si bien ?

501. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

se dit-il, et il faut passer à d’autres. […] C’était au physique comme un redoutable jugement de la nature qui passait au creuset chaque beauté. […] Ces sortes de variantes, à l’endroit des impressions passées, se trouvent-elles donc inévitablement jusque dans nos relations les plus sincères ? Peut-être, car en matière si déliée il faut tout voir, peut-être la lettre à Sophie n’est-elle aussi que d’une fidélité suffisante ; peut-être fut-on plus dure et plus dédaigneuse en effet avec La Blancherie, qu’on n’osa le raconter à la confidente, par amour-propre pour soi-même et pour le passé. […] La sœur aînée de Sophie, Henriette, vient passer quelque temps à Paris et entre en tiers dans l’intimité ; sa vivacité d’imagination et son brillant d’humeur font un peu tort à la langueur de sa douce cadette ; du moins on se partage.

502. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Jean-Jacques Rousseau usa fort de ce miroir-là, et le passa aux femmes de son temps. […] La voilà donc à trente ans passés, un peu embellie si l’on veut, ou du moins vue par des yeux amis, un jour de beauté et de soleil. […] Toutes les scènes où elle figure sont excellentes et prises sur nature : mais la première, dans laquelle elle arrache le secret à la jeune femme et l’excite à aller plus avant, passe toutes les autres. […] C’est alors que l’accorte et insidieuse conseillère paraît : Mlle d’Ette est venue passer la journée avec moi, écrit Émilie. […] Je fondis en larmes. — « Pleurez en liberté, me dit-elle en me serrant entre ses bras ; dites-moi tout ce qui se passe dans cette jolie tête.

503. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

La comtesse Fanny de Beauharnais vint à passer dans cette ville en 1790. […] Michaud dans ces petits écrits politiques de 1800, et cette première opposition au gouvernement consulaire, l’envoyèrent passer quelques semaines au Temple. […] Sa corruption à lui, toute décente, c’était qu’on le mît à même d’être vrai dans l’histoire et de louer dignement le passé. […] L’art de faire passer l’esprit des anciens chroniqueurs dans un récit moderne, ferme et neuf, n’était pas trouvé à cette date de 1811, à laquelle M.  […] Faites-leur dire, pour leur bien, que les temps de La Quotidienne sont passés.

504. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Coupeau et Gervaise passent par d’admirables gradations d’une bonne santé morale à l’extrême abaissement. […] Dans la Faute de l’Abbé Mouret, le Paradou fournit inépuisablement de décors assortis, l’amour qui s’y passe. […] Coupeau revenant pour la première fois aviné chez Gervaise débraillée, passe par la puanteur du linge que l’on recompte. […] Florent, arrêté et envoyé à Cayenne pour s’être épouvanté sur le cadavre d’une fille tuée par la troupe, passe, à son départ, près d’un carrosse de femmes dont les rires l’accompagnent. […] Faut-il citer toute la psychologie scientifique et toute l’ethnologie pour montrer que c’est rétrograder vers le passé, que de considérer en l’homme l’être instinctif et inconscient de préférence à l’être conscient, pensant, voulant, résolu et moral ?

505. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

La timide et modeste école écossaise elle-même manifeste un égal dédain à l’endroit du passé, et croit qu’avant elle on a complètement ignoré l’existence de l’esprit humain. […] La part faite au passé est également plus grande qu’elle ne l’était autrefois. […] De cette manière, on pourrait concilier le respect du passé avec les besoins de l’avenir, tenir compte de ce qui a précédé sans s’y asservir, ne pas sacrifier la philosophie à son histoire, et tout en absorbant les systèmes passés créer cependant des systèmes nouveaux. […] Par la même raison qu’elle s’est développée dans le passé, elle doit se développer encore dans l’avenir. […] Heureux encore ceux qui, ne l’ayant pas reçue, ne cherchent ni à se tromper eux-mêmes, ni à tromper les autres en se faisant passer pour inspirés !

506. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Si vous voulez que je m’en aille, pourquoi passez-vous par ici ?  […] Commendeur qui a mangé la truite ; je lui ai passé le plat, dit le gourmand chanoine. […] Commendeur, qui voulait absolument passer pour malade tout en dévorant. […] Se passer de lieux communs. […] Voici ce qui s’est passé.

507. (1894) Critique de combat

a passé sur les âmes jeunes. […] Mais passons. […] Nous ramène-t-il vers le passé ? […] Mais nous passerons au large. […] Mais passons.

508. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

On voit que le but est resté le même : spiritualiser, guérir, moraliser chrétiennement une société passée du matérialisme à l’indifférence ; mais dans le second procédé, auquel M. de La Mennais a recours depuis cinq ans environ, c’est à la société elle-même, c’est à ses éléments vierges et profonds, c’est au peuple en un mot qu’il s’adresse pour le régénérer par la parole et l’épurer. […] « Le murmure confus et le mouvement intérieur des peuples en émoi sont le signe précurseur de la tempête qui passera bientôt sur les nations tremblantes. […] « Quand on veut passer une rivière rapide, on se forme en une longue file sur deux rangs, et, rapprochés de la sorte, ceux qui n’auraient pu, isolés des autres, résister à la force des eaux, la surmontent sans peine.  […] Quand le Saint-Simonisme, dans sa brusque apparition, n’aurait eu d’autre effet que d’inspirer à des intelligences chrétiennes cette émulation d’inquiétude et de recherche à l’article des souffrances profondes, nées de l’excès industriel, il n’aurait point passé sans fruit pour le monde.  […] Mais le Machiavel de Modène ne devait pas être pris si à la lettre, la vérité ici passe la vraisemblance ; et comme goût d’abord, et un peu comme justice, j’aurais voulu qu’il fût tenu compte des autres coupables dans la société, des coupables par assentiment et par égoïsme inerte, des coupables aussi par passions haineuses et brutalité, comme en offrent sans doute les rangs populaires. 

509. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Galatin, également seul, luttait dans la Chambre des représentants ; si, avec l’autorité de son nom, de ses services passés, de sa parole exacte et judicieuse, il n’avait pas hâté le désabusement public et présenté une tête honorée aux suffrages des républicains longtemps épars, il est douteux que la volonté du peuple se fût dégagée et se fût fait jour : cette noble constitution, qui est comme l’honneur du monde, aurait succombé peut-être à l’incurable corruption qui s’y infiltrait dès sa naissance. […] « Notre gouvernement, dit-il, avait besoin d’un lien plus fort ; mais il faut bien nous garder de passer d’un extrême à l’autre et de resserrer le nœud outre mesure. » Il regrette l’absence d’une déclaration explicite de droits ; il craint aussi que l’abandon absolu du principe de rotation pour les fonctions de président et de sénateur ne dégénère en abus, et que ces magistrats, perpétuellement rééligibles, ne soient par là même réélus indéfiniment. à son retour d’Europe, en mars 1790, Jefferson, arrivant à New-York, et entrant, comme secrétaire d’État, dans le Conseil de Washington, trouva déjà d’étranges idées ébauchées sur la représentation et l’étiquette, sur la centralisation et la pondération des pouvoirs. […] Traitée pendant huit années par ce chef intègre, frugal, économe, la République assainie a passé ensuite aux mains non moins pures des Madison, des Monroë, des Jackson : la seule interruption qu’on puisse signaler dans cette continuité de régime tout démocratique se rapporte à la présidence, d’ailleurs bien modérée, de John Quincy Adams, qu’un revirement fortuit de suffrages porta, en 1824, à la première magistrature. […] Retiré du timon des affaires, à partir de 1808, Jefferson passa dans sa résidence de Monticello les dix-huit années de sa vieillesse qui furent paisibles à l’exception de la dernière, où des banqueroutes désastreuses l’assaillirent. […] Quand le peuple se lève et passe, ces gens-là se jettent à plat-ventre : on les croirait morts en ces moments, si en ces moments l’on songeait à eux ; mais sitôt que le peuple en personne est passé, vite ils regardent alentour et se ravisent.

510. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Voilà un genre d’écrits dont on s’est passé pendant six mille ans. […] pour rien) les petites choses qui se passent autour d’eux. […] Entretenir le public de choses qui ne vous intéressent pas du tout et, là-dessus, faire semblant d’avoir des impressions pour les gens qui n’en ont pas, mais qui pourraient si bien se passer d’en avoir ! […] Il apporte dans cet horrible métier qui consiste à tenir le public au courant de ce qui se passe dans les salons, dans les théâtres, dans la rue, dans tous les mondes, une bonne grâce toujours égale et un sourire toujours prêt. […] S’il va pendant les vacances visiter son pays natal et la maison où il a passé son enfance, il sait qu’il faut s’attendrir, et il s’attendrit.

511. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

La chose se pourrait passer aisément entre habitués des fortifications ou des boulevards extérieurs : car les « faits-divers » nous avertissent que c’est surtout dans ce monde-là que se rencontrent encore les sombres amours et les violences effrénées des tragédies raciniennes. […] Les héroïnes de Feuillet, même perverses, gardaient dans leurs erreurs des façons qui passaient pour « aristocratiques ». […] C’est le passé, l’obscur passé qui détermine nos passions. […] Pensez-vous qu’un amant, même très lettré, ait jamais parlé ainsi à sa maîtresse   Et Thérèse à Le Ménil : « Méprisez-moi, si vous voulez, et si l’on peut mépriser une malheureuse créature qui est le jouet de la vie… Mais gardez-moi un peu d’amitié dans votre colère, un souvenir aigre et doux, comme ces temps d’automne où il y a du soleil et de la bise… Ne soyez pas dur à la visiteuse agréable et frivole qui passa à travers votre vie… », etc. […] Le passé et la religion leur sont assaisonnements de volupté.

512. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

Nous passons au bureau, deux ou trois heures par semaine, à attendre, chaque fois que s’entend un pas dans cette rue où l’on passe peu, à attendre l’abonnement, le public, les collaborateurs. […] * * * — Nous qui avons passé notre enfance à regarder, à copier des lithographies de Gavarni, nous qui étions, sans le connaître, et sans qu’il nous connût, ses admirateurs, nous avons décidé Villedeuil à lui demander des dessins. […] s’écria Balzac, un ami comme ça, je le ferai passer à la postérité ! » * * * — Nos soirées, presque toutes les soirées, où nous ne travaillons pas, nous les passons dans le fond de la boutique d’un singulier marchand de tableaux, dans la boutique de X…, qui, sous le prétexte d’occuper l’oisiveté de sa vie, va encore manger une cinquantaine de mille francs à son père. […] * * * — Un soir, le monde de la boutique se décide à faire une excursion dans la forêt de Fontainebleau, à passer quelques jours chez le père Saccaux, à Marlotte, la patrie d’élection du paysage moderne et de Murger.

513. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Il est de sa nature révolutionnaire de se passer d’ancêtres. […] En présence du passé monstrueux, lançant toutes les foudres, exhalant tous les miasmes, soufflant toutes les ténèbres, allongeant toutes les griffes, horrible et terrible, le progrès, contraint aux mêmes armes, a eu brusquement cent bras, cent têtes, cent langues de flamme, cent rugissements. […] Ceux-là mêmes d’entre eux, il y en a, qui sont nés aristocrates, qui sont arrivés au monde dépaysés en quelque sorte dans des familles du passé, qui ont fatalement reçu une de ces éducations premières dont l’effort stupide est de contredire le progrès, et qui ont commencé la parole qu’ils avaient à dire au siècle par on ne sait quel bégaiement royaliste, ceux-là, dès lors, dès leur enfance, ils ne me démentiront pas, sentaient le monstre sublime en eux. […] Ils passaient en effet du droit divin au droit humain. […] Oui, génies, oui, poètes, philosophes, historiens, oui, géants de ce grand art des siècles antérieurs qui est toute la lumière du passé, ô hommes éternels, les esprits de ce temps vous saluent, mais ne vous suivent pas ; ils ont vis-à-vis de vous cette loi : tout admirer, ne rien imiter.

514. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Passons au détail. […] Il ne faisait que passer. […] Ne passons pas à La Fontaine sa mauvaise rime de transportée et couvée. […] Il fallait passer bien vite à ces deux vers admirables : Le bien nous le faisons : le mal c’est la Fortune. […] Un torrent réveille l’idée d’une chose qui passe, et cela fut et sera toujours, exprime précisément l’idée contraire.

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