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1094. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Au surplus, il faut toujours supposer qu’il s’agit de la science unie au bon sens ; car, comme a dit Molière : Un sot savant est sot, plus qu’un sot ignorant.

1095. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

En province, où elle vécut d’abord ; à Paris, où elle vint plus tard, elle n’aspira jamais qu’à être la Philaminte d’un cercle mieux composé que celui des Femmes savantes, et dont les Vadius et les Trissotin ne furent rien moins que Soumet, alors dans toute sa gloire, — Soumet, sur le corps de qui ont passé Lamartine et Victor Hugo, — Guiraud, Émile Deschamps et le marquis de Custine, un grand artiste à peu près inconnu, très grand seigneur avec la gloire qu’il n’a pas courtisée, et dont le marquis de Foudras, l’héritier de son immense fortune, a oublié de publier les œuvres complètes, quand on imprime celles de Mme Gay !

1096. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Je ne dis pas savant ni docte.

1097. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

On peut concevoir très bien un traducteur supérieur à Saliat, un helléniste plus savant, un artiste plus profond et plus souple, mais, en dehors du seizième siècle, de traduction supérieure à la sienne, non !

1098. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Elles sont écrites beaucoup plus pour des instituts de savants que pour le commun des lecteurs.

1099. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses.

1100. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort, comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses.

1101. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Lacombe a exposé avec une clarté savante et une force de déduction qui font, selon nous, un grand honneur à son intelligence et à son éducation historique.

1102. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Aussi, pour peu qu’on aimât les lettres et qu’on tînt à elles, au bien qu’elles font, à la gloire qu’elles donnent, par quelque ardente sympathie, on était heureux de penser que les lettres seules avaient préservé les quarante premières têtes de France de cette contagion d’idées fausses qui, à cette époque, avait saisi tous les esprits, et les savants plus que personne.

1103. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Il n’a pas cessé d’être un vrai paysan, un vrai jaugeur de bière, écrivant, sous le coup de l’inspiration la plus désintéressée, ses admirables chansons de vieux ponts, de vieux diables et de vieux mendiants, pour les jeunes filles et les meuniers de sa patrie, et non pour les cercles choisis et savants de Londres et d’Edimbourg.

1104. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Homme d’imagination plus savante que dévorante, il aimait les choses d’art, les belles étoffes, les armes, les camées, les urnes antiques, tout le bric-à-brac des civilisations lointaines et disparues, qui donnaient à son imagination l’élan fécond qu’elle n’avait pas naturellement.

1105. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Mais, il faut le dire, dans ces divers poèmes, M. de Vigny ne fut ni plus brillant ou plus profond d’inspiration, ni plus savant ou plus inattendu de forme que les illustres Renaissants de 1830.

1106. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Ainsi, on peut se demander si c’est là de la poésie naïve ou de la poésie raffinée, sous couleur de naïveté… si le poète qui s’est traduit lui-même dans une de ces traductions interlinéaires, lesquelles plaquent brutalement le mot sur le mot et sont le plâtre sur le visage vivant, ne serait pas, après tout, un de ces profonds et savants comédiens intellectuels, comme ce faux moine de Chatterton, par exemple, qui se composa à froid une inspiration à laquelle se prit, un moment, l’Angleterre ?

1107. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Or, l’école à laquelle appartient le poète funambule est cette école verbale, savante, antithétique, compliquée, visible et sonore, extérieure, enfin matérielle, dont M. 

1108. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Pécontal possède plus que personne, mais auxquelles l’esprit de notre époque préfère le rythme, tourmenté, poli, aiguisé, affiné, savant enfin et si souvent vide ; le rythme, dernière expression de la beauté poétique, et que l’Imagination dégoûtée finira par rejeter, pour sa peine d’avoir rejeté l’âme, — comme le roi de Thulé jeta à la mer sa coupe épuisée, quand ses yeux mourants n’eurent plus de larmes pour la remplir !

1109. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Gustave Flaubert, qui a bien mis le bout de sa botte dans le réalisme, mais dont la tête artiste et savante aspire à des sphères d’observation plus hautes que celles dans lesquelles il a jusqu’ici limité et contenu son genre de génie23 !

1110. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

Non plus les jurisconsultes professionnels, mais les quelques hommes supérieurement conscients et géniaux que possède chaque nation, philosophes, poètes et savants.

1111. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Disons seulement que les érudits de profession, mais de la bonne marque et du juste aloi, les savants continuateurs de l’Histoire littéraire de la France, pour ne citer que ceux-là, quand ils abordèrent les chansons de geste et les fabliaux, se gardèrent bien de surfaire leur œuvre en surfaisant cette littérature qu’ils ramenaient au jour. […] Certes, si ce n’était là que des erreurs de goût, quelques taches dans des livres très savants et, d’ordinaire, quoique assez mal faits, assez intéressants, il ne vaudrait pas la peine d’insister. […] Au fond, c’est tout simplement méconnaître ici l’une des beautés de la prose française du xviie  siècle, je veux dire cet agencement savant, ou, pour donner l’idée de quelque chose de plus vivant, cette savante articulation des parties qui se tiennent si bien toutes ensemble, par le seul jeu des conjonctions, que le secours de la virgule et du point et virgule en devient presque superflu. […] Est-ce à dire que Molière ne soit donc redevable à Louis XIV que de ce patronage hautain et de celle protection un peu banale que le noble orgueil du prince étendait à tous les gens de lettres, et jusqu’aux savants étrangers ? […] J’attendais mieux de ces savants hommes.

1112. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

On sourit d’entendre les gros mots savants échappés de ces lèvres roses. « Les voilà le long des bancs comme des colombes au matin sur le chaume du toit, quand le soleil tombe sur leurs blanches poitrines » ; elles écoutent des tirades d’histoire et des promesses de rénovation sociale, en robes de soie lilas, avec des ceintures d’or, « splendides comme des papillons qui viennent d’éclore » ; parmi elles une enfant, Mélissa, « une blonde rose, pareille à un narcisse d’avril, les lèvres entr’ouvertes, —  et toutes ses pensées visibles au fond de ses beaux yeux, —  comme les agates du sable qui semblent ondoyer et flotter au matin, —  dans les courants de cristal de la mer transparente1528. » — Et croyez que l’endroit aide à la magie. […] Il est doux de sortir de notre civilisation savante, de remonter vers l’âge et les mœurs primitives, d’écouter le paisible discours qui coule abondamment et lentement comme un fleuve sur une pente unie. […] Sa poésie ressemble à quelqu’une de ces jardinières dorées et peintes où les fleurs nationales et les plantes exotiques emmêlent dans une harmonie savante leurs torsades et leurs chevelures, leurs grappes et leurs calices, leurs parfums et leurs couleurs.

1113. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Pendant que nous écrivions ces pages sur Mozart, et que nous regrettions vivement de ne pas pouvoir nous rafraîchir l’oreille dans l’audition de ces délicieuses mélodies entendues autrefois et restées en tronçons dans notre mémoire comme des échos de jeunesse et d’Italie, voilà que nous lisons par hasard, sur une affiche de théâtre, Les Noces de Figaro, au Théâtre-Lyrique, sur le boulevard de Paris ; et pour comble d’étonnement et de bonne fortune, voilà que nous recevons, sans nous y attendre, du spirituel et savant directeur de ce théâtre, M.  […] « Je ne l’ai écrit, disait modestement Mozart aux hommes qui n’étaient pas aptes à l’apprécier de son temps, je ne l’ai écrit que pour mes chers habitants de Prague, pour moi et pour quelques amis. » XV Nous voudrions pouvoir donner ici à nos lecteurs l’analyse savante et sentie de cette œuvre accomplie de littérature musicale, telle que la donne M.  […] Nous n’échappons pas nous-même à la toute-puissance sensuelle de ce spectacle où le poète compose et versifie, où le peintre décore, où l’architecte construit, où la danseuse enivre l’œil par la beauté, le mouvement, l’attitude ; où le déclamateur récite, où le personnage tragique ou comique rit et pleure, se passionne, tue ou meurt en chantant ; où l’orchestre enfin, semblable au chœur de la tragédie antique, accompagne et centuple toutes ces impressions du drame par ces soupirs ou par ces tonnerres d’instrumentation savants qui caressent ou qui brisent chaque fibre sonore du faisceau de nos nerfs en nous.

1114. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Il n’accepterait point le système actuellement en vogue auprès de quelques savants, qui proscrit la métaphysique, et la relègue parmi les hochets dont s’amuse la science à ses premiers pas. […] Le premier livre de l’Histoire des animaux commence par une belle et savante anatomie de l’homme, destiné à servir de type à la construction des animaux inférieurs à l’homme. […] Il eut toute l’intelligence que le monde antique pouvait léguer au monde à venir, mais l’âme lui manqua : il fut le premier des savants, le moindre des philosophes.

1115. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Il n’est pas stupide ce grand siècle si émouvant, si savant, mais il reste à y voir clair et à classer les valeurs qu’il nous lègue. […] Il a des poètes qui peuvent lutter avec ceux du xvie , des romanciers qui écrasent ceux du xviiie , des auteurs dramatiques qui ne sont pas indignes de ceux du xviie et du xviiie  ; des critiques, des essayistes, des moralistes, des voyageurs, des orateurs et des savants. […] Ses écrivains, ses savants, ses philosophes, ses poètes sont les nôtres par excellence.

1116. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Il est probable que les libertins les plus corrompus et les plus savants (comme fut Tibère) ont été des vieillards. […] Sur le fond de mes nuits, Dieu de son doigt savant Dessine un cauchemar multiforme et sans trêve. […] Quant aux « législateurs », ils n’ont point besoin de romans pour étudier les vices sociaux de cet ordre et leurs remèdes : c’est aux savants de profession qu’ils doivent s’adresser.

1117. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Ainsi les derniers dépôts tertiaires renferment beaucoup de coquilles que la majorité des naturalistes croient identiques avec des espèces vivantes ; mais d’autres savants paléontologistes, tels que M.  […] Et quoique le nombre des articulations et des doigts qu’indiquent les empreintes corresponde avec la forme des pieds des oiseaux vivants, quelques savants doutent cependant encore si ces empreintes sont bien réellement dues à des oiseaux ou à quelque autre classe d’animaux inconnus. Encore tout récemment ces mêmes savants auraient pu soutenir que la classe entière des oiseaux avait été soudainement appelée à l’existence au commencement de la période tertiaire ; et plusieurs d’entre eux l’ont soutenu ; aujourd’hui nous savons, au contraire, sur l’autorité du professeur Owen, qu’un oiseau incontestable a certainement vécu pendant l’accumulation du grès vert supérieur.

1118. (1921) Esquisses critiques. Première série

Il les poursuit dans l’art, dans la nature, dans les êtres, et les aiguise par les savantes ressources d’une culture compliquée. […] Leurs imbroglios sont de même nature, peut-être même plus savants, et témoignent toujours de la même imagination. […] La subordination des éléments secondaires aux principaux s’établit de façon toujours plus savante. […] * *    * Cet art est extrêmement savant. […] C’est la même couleur violente et rude, le même dessin sûr et résumé, la même façon de se poser en face de la nature avec une savante ingénuité.

1119. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Amour de savants. — 1890. […] Des amours de savants ne sont pas toujours chastes, mais rien n’est malsain, et pas un mot brutal ne blesse. […] « Le salon de l’Abbaye-aux-Bois était comme une école d’acclimatation et de dressage pour les plus farouches tempéraments littéraires ; n’était-ce pas en cette chapelle, dans la demi- obscurité des abat-jour savants et des chuchotements discrets que se préparaient les élections académiques ? […] Avec l’église Saint-Gervais, l’hôtel de Sens, etc., continuent les explications de notre savant cicerone. […] La figure du Prince eut été incomplète sans cette dernière série de lettres où le duc d’Orléans se révèle à chaque page tantôt comme un général expérimenté, tantôt comme un savant, un écrivain ou un artiste, toujours comme un homme supérieur, plein de cœur et de bravoure.

1120. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Les savants lisent pour s’instruire. […] C’est toujours, on le voit, le délayage savant d’une même pensée. […] Jusqu’alors, en effet, Homère n’avait été traduit que par des savants, par des hommes de cabinet : avec Leconte de Lisle, Homère est enfin traduit par un artiste. […] Lisez ce portrait du grand prêtre : Personne à Carthage n’était savant comme lui. […] Le savant sait et s’enquiert, dit un proverbe indien ; mais l’ignorant ne sait pas même de quoi s’enquérir.

1121. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

On sait que les vérités auxquelles s’immola Galilée n’eurent d’abord dans le monde savant d’autre appui que sa conviction. […] Cette réunion d’hommes savants et d’hommes du monde fut profitable à tous. […] J’aurais cité la savante pièce de Britannicus, si je n’avais eu ces deux beaux exemples. […] Ce genre n’est soutenable que par une surabondance de verve plaisante, par le jeu enflammé des plus savants comiques, et par les vives enluminures de ses masques. […] (A) D’accord, Monsieur ; mais le jugement d’une société savante condamna ces mêmes défauts dans cette illustre tragédie.

1122. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

D’abord, il faut louer le savant professeur de n’avoir point voulu être cru sur parole et de nous apporter ses preuves. […] Le savant écrivain a ici le tort de devancer l’histoire. […] La « vieille amoureuse » est devenue la Bélise des Femmes savantes. […] Ce rimeur si savant fait songer aux poètes involontaires des toutes jeunes civilisations. […] Mais peut-être, étant un peu plus savante, est-elle moins savoureuse.

1123. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

L’Encyclopédie ne fut donc pas un monument pacifique, une tour silencieuse de cloître avec des savants et des penseurs de toute espèce distribués à chaque étage. […] A la manière dont Diderot sentait la nature extérieure, la nature pour ainsi dire naturelle, celle que les expériences des savants n’ont pas encore torturée et falsifiée, les bois, les eaux, la douceur des champs, l’harmonie du ciel et les impressions qui en arrivent au cœur, il devait être profondément religieux par organisation, car nul n’était plus sympathique et plus ouvert à la vie universelle.

1124. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

On croit au premier coup d’œil n’avoir affaire qu’à des fragments rangés les uns après les autres, et l’on marche dans un savant dédale où le fil ne cesse pas. […] beaucoup de savoir-faire, de facilité, de dextérité, de main-d’œuvre savante, si l’on veut, mais aussi ce je ne sais quoi que le commun des lecteurs ne distingue pas du reste, que l’homme de goût lui-même peut laisser passer dans la quantité s’il ne prend garde, le simulacre et le faux semblant du talent, ce qu’on appelle chique en peinture et qui est l’affaire d’un pouce encore habile même alors que l’esprit demeure absent.

1125. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Montaigne a résumé avec originalité cette habitude d’appropriation savante dans son style tout tissu, en quelque sorte, de textes anciens : « Il fault musser, dit-il, sa foiblesse soubz ces grands crédits. » Quant aux poëtes d’alors, ils n’y entendent point malice à beaucoup près autant que Montaigne, et ils sont aussi bien moins créateurs que lui ; ils y mettent moins de pensées de leur cru ; mais souvent, quand le fonds les porte, ils ont l’expression heureuse, forte ou naïve, et une véritable originalité se retrouve par là. […] Pour le coup, on croit avoir saisi chez le savant un aveu, une pointe de naturel, un grain de Rabelais.

1126. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

En allant aux informations, on sut qu’à l’âge de neuf ans elle avait été recueillie par son oncle, pasteur fort savant, qui se promenait d’ordinaire, après son dîner, dans un couloir attenant à la cuisine et répétait alors ses morceaux favoris d’hébreu rabbinique et de grec. […] « À son départ pour la Grèce, un de nos savants fut renverse de sa voiture par une violente secousse ; une boîte, peu lourde pourtant, lui tomba sur la tête ; il ne s’ensuivit ni douleur ni plaie des téguments ; mais le blessé oublia totalement le pays d’où il était sorti, le but de son voyage, le jour de la semaine, le repas qu’il venait de faire, toute l’instruction qu’il avait acquise.

1127. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Mais Alessandra lui préféra Marcellus, aussi savant et plus beau que lui. […] « Ne pensez pas, écrivait Politien à un de ses amis, qu’aucun des savants qui composent notre société, même ceux qui ont consacré leur vie tout entière à l’étude, puisse prétendre à quelque supériorité sur Laurent de Médicis, dans tout ce qui tient à la subtilité de la discussion et à la solidité du jugement, ou dans l’art d’exprimer ses pensées avec autant de facilité que d’élégance.

1128. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

N’y reconnaît-on pas tout de suite l’artiste savant et le poète de race ! […] Le style est d’une facture très savante, mais il est laborieux et tendu.

1129. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Avant ce siècle, ainsi qu’il résulte des livres tant savants qu’écrits en langue vulgaire, l’idée de l’humanité est à peine touchée ; et, dans cette universelle préoccupation du présent, elle ne paraît guère qu’un souvenir involontaire qui se glisse parmi les pensées données aux choses contemporaines. […] C’est ce fameux mélange des langues savantes et des patois provinciaux, la plus étrange des nouveautés conseillée par un homme qui tient toute nouveauté pour suspecte.

1130. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

A regarder ce genre trop en savant, on se jette, comme Lessing, dans des subtilités. […] L’antiquité même de cette langue, la difficulté d’arriver au sens ôte le sel aux plus piquants ; c’est un plaisir de savant, trop indirect pour être dangereux.

1131. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Le savant lui dira : Je doute fort de vos conjectures. […] Le savant est hardi lui aussi, mais il garde toujours un solide capital qu’il pourra produire à l’occasion pour couvrir ses billets ; et il sait que s’il l’excède, la banqueroute l’attend.

1132. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Il s’entendait blâmer de ces demi-retraites, il s’en irritait, il se relançait par accès dans le monde qui lui était à la fois insupportable et nécessaire, — nécessaire, car c’était le théâtre où il déployait avec le plus de succès cette plaisanterie acérée, escrime savante où il était passé maître. […] Lorsqu’on me donnera des républicaines comme Mme Roland, lorsqu’on me montrera des républicains simples, droits, intègres et savants comme M. 

1133. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Celle-ci me fait l’effet d’une horloge savante à mettre sous verre et à placer dans un conservatoire comme curiosité. […] Pour lui, il songe à réformer la langue comme le reste ; et même c’est par là, selon lui, qu’il faudrait commencer ; car une découverte qu’il croit avoir faite, c’est que « nos langues sont plus savantes que nos idées, c’est-à-dire annoncent des idées, des connaissances qui n’existent pas, et qui cependant fixent tous les jours les efforts d’une quantité prodigieuse de scrutateurs. » Ces scrutateurs se repaissent tant bien que mal de ce qui leur apparaît sous forme d’expressions consacrées.

1134. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

« Considérez, dit Kant, le cerveau d’un homme, par exemple d’un savant, avec tous ses souvenirs : une puissance supérieure n’aurait qu’à dire : Que la lumière soit ! […] Tel psychologue annonce au lecteur une simple étude de « psychologie descriptive », mais en réalité, outre les descriptions psychologiques les plus ingénieuses et les plus savantes, il est bien obligé de lui présenter encore une série de pures hypothèses, et il aboutit, en somme, à des solutions d’un caractère exclusivement mécaniste.

1135. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Un petit homme à la figure énergique, aux moustaches grises, à l’aspect d’un grognard ; marchant en boitaillant, et sans cesse, d’un coup de plat de main sec relevant ses manches sur ses bras osseux, diffus, débordant de parenthèses, zigzaguant d’idées en idées, déraillé, perdu, mais se retrouvant et reprenant votre attention avec une métaphore de voyou, un mot de la langue des penseurs allemands, un terme savant de la technique de l’art ou de l’industrie, et toujours vous tenant sous le coup de sa parole peinte et comme visible aux yeux. […] Puis se livrant à nous, ses copains politiques et artistiques, selon son expression, il se met à nous parler de son ambition de décrire les métopes du Parthénon, furieux d’enthousiasme, et désespérant, désespérant de pouvoir dire cela avec des mots, et se lamentant qu’il n’y ait pas dans la langue française de vocables assez religieux pour rendre ces torses « où la divinité circule comme le sang ». — « Le Parthénon, le Parthénon, répète-t-il deux ou trois fois, ça me remplit de l’horreur sacrée du lucus. » Et le voilà, prenant feu sur le beau antique, comme un dévot à propos de sa foi, et il nous conte en riant, mais avec une sorte de peur au fond de lui, la peur d’un païen contemporain des Éginètes, il nous conte l’histoire de ce savant allemand Ottfried Muller, qui avait nié la divinité solaire d’Apollon, et qui fut tué d’un coup de soleil.

1136. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Sans qu’on puisse les soupçonner d’avoir littéralement traduit le latin savant trifolium hepaticum, les divers dialectes méridionaux lui ont, cependant, donné le nom d’herbe au foie, erba del fetje, d’aou fégé, au fedzo, etc. ; en italien, c’est aussi la fegatella ; en catalan, l’erba fetgera ; en espagnol, la higadela. […] Formica-leo est, en effet, soit une forme bâtarde calquée sur notre fourmi-lion, soit une déformation, par étymologie trop savante, du bas-latin formiculo, formiculonem, diminutif de formica.

1137. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Si le savant peut parfois produire quelque chose de matériellement nouveau dans le monde extérieur, tandis que le génie du pur artiste crée seulement pour lui et pour nous, cette différence est plus superficielle qu’on ne pourrait le croire : tous les deux poursuivent le même but d’après des procédés analogues et cherchent également dans des domaines divers à faire du réel, à faire même de là vie, à créer. […] Avec les capacités modérées que je possède ; il est vraiment surprenant que j’aie pu influencer à un degré considérable l’opinion des savants sur quelques points importants. » A ces diverses qualités, il faut en ajouter une dont Darwin ne parle pas et dont ses biographes font mention : la faculté de l’enthousiasme, qui lui faisait aimer tout ce qu’il observait, aimer la plante, aimer l’insecte, depuis la forme de ses pattes jusqu’à celle de ses ailes, grandir ainsi le menu détail ou l’être infime par une admiration toujours prête à se répandre.

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