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457. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Comos le suit, éclatant de rire jusqu’aux oreilles, comme le Masque ébauché de la comédie, qu’il essaye de temps en temps à son front hardi. […] Bacchus, assis à la proue, rit de leurs bonds convulsifs et de leurs corps qui s’enduisent d’écailles. […] Cependant un des conviés, Vettius Valens, est pris de cette folie sardonique, signe des mauvais présages de Bacchus, qui fait sangloter le rire des Prétendants de l’Odyssée attablés a leur dernier festin. […] Sans doute le Dieu déchu, tombé de sa gloire hellénique dans cette basse sorcellerie gothique, se rappelait alors ses fêtes lumineuses, ses triomphes au soleil de l’Inde, ses autels couronnés de roses, les belles danses de nymphes et d’éphèbes que dirigeait son sceptre fleuri, ses fraîches vendanges de l’Archipel accompagnées par le rire éclatant des flûtes.

458. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Il me confessait que ces petits êtres ont quelque chose d’adorable : le rire de leur sommeil, le rire aux anges, — c’est le nom que les sages-femmes ont donné à ce rire. […] Et les deux assassines, qui travaillaient debout, penchées sur une table, m’attaquaient d’œillades, avec des fous rires qui les courbaient et les aplatissaient sur la table, toutes remuantes de torsions de reins et de frétillements de hanches.

459. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

En voici un singulier : « Le roi, tout content qu’il était toujours, riait aussi. » On s’étonnait de trouver Louis XIV bonhomme, guilleret et joyeux compère, et l’on ne savait pas que le manuscrit porte contenu au lieu de content. — Le pis, c’est que le Saint-Simon prétendu complet ne l’était pas. […] Attendez ; voici un de ces soupers et un de leurs personnages : « Madame Panache était une petite et fort vieille créature avec des lippes et des yeux éraillés à faire mal à ceux qui la regardaient, une espèce de gueuse qui s’était introduite à la cour sur le pied d’une manière de folle, qui était tantôt au souper du roi, tantôt au dîner de Monseigneur et de madame la Dauphine, où chacun se divertissait de la mettre en colère, et qui chantait pouille aux gens à ces dîners-là pour faire rire, mais quelquefois fort sérieusement et avec des injures qui embarrassaient et divertissaient encore plus les princes et les princesses, qui lui emplissaient ses poches de viandes et de ragoûts, dont la sauce découlait tout du long de ses jupes ; les autres lui donnaient une pistole ou un écu, les autres des chiquenaudes et des croquignoles dont elle entrait en furie ; parce qu’avec des yeux pleins de chassie, elle ne voyait pas au bout de son nez, ni qui l’avait frappée, et c’était le passe-temps de la cour. » Aujourd’hui l’homme qui s’amuserait d’un tel passe-temps passerait probablement pour un goujat de bas étage, et je ne raconterai pas ici ceux qu’on prit avec la princesse d’Harcourt. […] Voilà la mort telle qu’elle est, pleurée par l’intérêt et par le mensonge, raillée et coudoyée par des contrastes amers, entrecoupée de rires, ayant pour vraies funérailles le hoquet convulsif de quelques douleurs débordées, accusant l’homme ou de faiblesse ou de feinte, ou d’avarice, traînée au cimetière parmi des calculs qui ne savent se cacher, ou des « mugissements » qui ne savent se contenir. […] Mes yeux fichés, collés sur ces bourgeois superbes, parcouraient tout ce grand banc à genoux, ou debout, et les amples replis de ces fourrures ondoyantes à chaque génuflexion longue et redoublée, qui ne finissait que par le commandement du roi par la bouche du garde des sceaux ; vil petit-gris qui voudrait contrefaire l’hermine en peinture, et ces têtes découvertes et humiliées à la hauteur de nos pieds. » Qui songe à rire de ces pédanteries latines et de ces détails de costumier ?

460. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

il vous rirait au nez avec pitié et n’aurait pas assez de mépris pour de tels empiriques qui s’avisaient d’examiner et de panser une à une, pour les guérir, les plaies de la France. […] — Il racontait que, sous la Restauration, étant allé un soir assister chez le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld à je ne sais quelle séance de ce qu’on appelait la Congrégation, il y avait entendu tant de sottises qu’il n’y put tenir, et en sortant il fut pris d’un fou rire à se tenir les côtes, tellement qu’il avait dû s’asseoir sur un do ces bancs de pierre comme il y en avait alors dans le faubourg Saint-Germain à la porte des hôtels, jusqu’il ce qu’il eût fini de rire tout son soûl.

461. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

La comédie, quand elle ne reste pas un exercice littéraire, aimable et puéril, dans le style des Epitres de Boileau plus ou moins mouillé de sentimentalité, tourne au vaudeville, et cherche à forcer l’intérêt ou le rire par l’ajustement d’une intrigue curieuse ou par la cocasserie des mots, des types et des situations. […] Dumas y vint, après que sa fièvre de 1830 fut calmée, lorsqu’il fut rendu à son naturel de bon enfant qui aimait à conter des histoires, et à son tempérament d’homme de théâtre, apte à faire jouer tous les trucs qui tirent le rire et les larmes. […] Lire toute la page, qui finit ainsi : « Ce serait le rire, ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la Providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand ! 

462. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Le critique est un eunuque, etc  Shakespeare est sublime  Brumoy est un âne  Le rire est une mitraille  Laharpe, Lebatteux, Patouillet, Rapin, Bouhours, etc., sont des ânes et des pourceaux  La nature fut la nourrice d’Homère et d’Hésiode  Tous les grands hommes et les penseurs sont insultés, Mazzini par Thiers, Washington par Pitt, Juvénal par Nisard, Shakespeare par Planche, Homère par Zoïle, etc […] Voici la fin d’une de ces joyeuses énumérations : Zeb plante une forêt de gibets à Nicée ; Christiern fait tous les jours arroser d’eau glacée Des captifs enchaînés nus dans les souterrains ; Galéas Visconti, les bras liés aux reins, Râle, étreint par les nœuds de la corde que Sforce Passe dans les œillets de sa veste de force ; Cosme, à l’heure où midi change en brasier le ciel, Fait lécher par un bouc son père enduit de miel ; Soliman met Tauris en feu pour se distraire ; Alonze, furieux qu’on allaite son frère, Coupe le bout des seins d’Urraque avec ses dents ; Vlad regarde mourir ses neveux prétendants, Et rit de voir le pal leur sortir par la bouche ; Borgia communie ; Abbas, maçon farouche, Fait, avec de la brique et des hommes vivants, D’épouvantables tours qui hurlent dans les vents… etc… car ça continue. […] Mais l’Homme qui rit ou Quatre-vingt-treize, croyez-vous qu’il les ait lus ?

463. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

L’un, épicurien, exagérant trop souvent les excès du dernier du troupeau, au visage enjoué et fleuri, chargé sur la fin de sa vie de tout l’embonpoint qu’il reprochait aux moines, un Démocrite riant de son propre rire ; l’autre, une sorte de stoïcien chrétien, petit et maigre de corps, au visage pâle, exténué, où la vie ne se révélait que dans le regard, représentant l’esprit de discipline jusqu’au point où il devient tyrannie, de même que Rabelais représente l’esprit de liberté jusqu’au point où il devient licence. […] Des personnes dénoncées pour avoir, à un sermon de Calvin, ri d’un homme qui s’était laissé choir de sa chaise étaient condamnées à la prison, au pain et à l’eau. […] On appelait Faret, par dérision du nom de Farel, une sorte de poisson très-commun, dont on mangeait la chair coriace au milieu des rires.

464. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

J’aurai l’honneur de vous les nommer, lorsque j’aurai celui de vous voir ; ils n’en ont fait que rire. M. de Malesherbes avait ri aussi et le lui avait passé. […] Voltaire avait riposté par une plaisanterie, Les Quand, qui fit beaucoup rire cette société désœuvrée.

465. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

On dira : Il fut sot tel jour, ce qui ne m’étonnerait pas beaucoup si j’étais là pour l’entendre. » Et il riait de son petit rire en parlant ainsi.

466. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Il entre une autre fois dans une assemblée, se place où il se trouve, sans nulle attention aux autres, ni à soi-même : on l’ôte d’une place destinée à un ministre, il s’assied à celle du duc et pair : il est là précisément celui dont la multitude rit, et qui seul est grave et ne rit point.

467. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Il sera grave, comme qui fait œuvre éternelle et divine ; plus enthousiaste que plaisant, et dédaigneux des saillies qui font rire. […] Mais Ronsard s’élève contre les Français qui « écorchent le latin » : il serait le premier à se rire de l’écolier limousin.

468. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

À l’écart d’une troupe de virtuoses : les Parnassiens voués aux apparences, soucieux de sonorités verbales, exaltant de la même encre aujourd’hui le Bouddha et demain Apollon, dignitaires de cet empire du néant : l’Art pour l’Art, il écoutait la vie hurler, rire ou se plaindre dans son âme. […] Colombine y rit et les échos simples et purs vibrent quand elle gouaille.

469. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

« Dès sa jeunesse, dit Brantôme, elle aimait fort à voir jouer des comédies et même celles des Zanni et des Pantalon, et y riait tout son saoul comme une autre. » Une troupe, dirigée par un nommé Ganasse ou Ganassa, était venue à Paris en 1570 et avait donné un certain nombre de représentations publiques. […] Mais la pauvre jeune fille, voyant ma fureur et mon rire de Satan déchaîné, eut une telle peur, que le Scarabombardin sortit… LE PÉDANT.

470. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Qu’un homme répande des larmes sans objet, qu’il pleure sur l’universelle douleur, qu’il rie d’un rire long et mystérieux, on l’enferme à Bicêtre, parce qu’il ne cadre pas sa pensée dans nos moules habituels.

471. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Elle disait elle-même, en se souvenant d’un ancien ami : « J’ai vu ici M. de Larrey, fils de notre pauvre ami Lenet, avec qui nous avons tant ri ; car jamais il ne fut une jeunesse plus riante que la nôtre de toutes les façons. » Sa beauté un peu irrégulière, mais réelle, devenait rayonnante en ces moments où elle s’animait ; sa physionomie s’éclairait de son esprit, et l’on a pu dire, à la lettre, que cet esprit allait jusqu’à éblouir les yeux. […] Mais je crois que c’est un défaut qu’on m’impute, pour ne m’en avoir pu trouver d’autres, et que je dois pardonner à ceux qui disent que je n’ai point la bouche tout à fait régulière, quand ils conviennent en même temps que ce défaut est d’un agrément infini et me donne un air très spirituel dans le rire et dans tous les mouvements de mon visage.

472. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Cet homme de sourire et de rire épanoui, de rondeur, de bonhomie, d’enfance de caractère, de pleine main, cet aimable et gai garçon n’eut jamais un seul grain de fatuité dans sa personne. […] Et il riait, et il emportait ses quatre sous, heureux, pour le coup, comme un Prince !

473. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

cette comédie du mariage, qui a inspiré tant de choses et de rires cruels aux grands comiques et aux grands moralistes de tous les âges, est, au fond, l’histoire du désenchantement de deux cœurs unis. […] Depuis la première page jusqu’à la dernière de son livre, cette moraliste aimable, qui voit tout et qui sourit de tout, — car elle ne va pas jusqu’au rire, cette délicate, — cette fine femme, assez fine pour être profonde si elle voulait enfoncer l’aiguille de son observation un peu plus, n’a pas oublié du mariage un seul de ces faits qui paraissent n’être rien et qui sont tout, puisque, immanquablement, dans un temps donné, ils tuent l’amour.

474. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXI » pp. 87-90

Ce génie, s’il se donnait la peine de naître, trouverait bien quelques difficultés sans doute à rajeunir les points de vue, à ressaisir avec nouveauté les grands caractères déjà tracés, à les offrir par des aspects à la fois reconnaissables et imprévus, à peindre sans copier, à tirer de tous nos petits ridicules assez peu gais une large veine de plaisanterie, et à convoquer toutes nos petites vanités maussades à un rire immense.

475. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de mademoiselle Bertin sur la reine Marie-Antoinette »

Le seizième siècle eut la docte manie des commentaires ; on se pique aujourd’hui d’en rire : serait-ce pour faire grâce à une prétention moderne qui n’a pas du moins pour elle le désintéressement ?

476. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blémont, Émile (1839-1927) »

Mariage pour rire, comédie en un acte, en vers (1898)

477. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 115-120

On est tenté de rire, mais dans un sens contraire à celui qu’il s’est proposé, lorsqu’on lit les gentillesses répandues dans la plupart de ses Epîtres.

478. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 6, de la nature des sujets que les peintres et les poëtes traitent. Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes » pp. 51-56

Un conte en vers dont le sujet ne seroit point plaisant par lui-même, ne feroit rire personne quelque bien versifié qu’il pût être.

479. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Quand on avait bien ri, bien chanté, bien causé  l’on soupait et c’était alors comme un feu d’artifice de folles plaisanteries et d’aimables extravagances. […] » Et Balzac de rire, sans s’expliquer davantage, de ce bon rire qu’il avait. […] Balzac gardait un séreux d’augure, et malgré le proverbe, nous avions beau lever les yeux sur lui, nous ne le faisions pas rire ! […] Le poëte lui-même en rit comme un fou. […] Paul de Kock avait cet avantage d’être absolument pareil à ses lecteurs, d’en partager les idées, les opinions, les préjugés, les sentiments : mais il possédait un don particulier, celui de rire, non pas du rire attique, mais du gros rire largement épanoui et bêtement irrésistible qui fait se tenir les côtes et soulève les flancs par des hoquets convulsifs.

480. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Nous savons bien encore, si vous voulez, qu’Alceste est ridicule ; mais nous n’avons pas le cœur de rire de lui : voilà la différence. […] Enfin ils ont ri, ce qui est toujours un grand bien. […] les étudiants d’aujourd’hui ne savent plus rire ni aimer ! […] Mais il est certain que Gotte ne vous secoue pas d’un rire innocent, libre, aisé et purement hygiénique. […] Je n’y trouve pas le plus petit mot pour rire.

481. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Chantez quand je vous le commande. » Le comte s’étant mis à rire, la dame pleura et se retira. […] Wood972. » Un gros rire éclatait ; les bouchers, les maçons, étaient gagnés. […] On rit, ou plutôt on ricane, le cœur serré, comme devant les extravagances d’un fou d’hôpital. […] Quel rire de fou, et quel sanglot dans cette gaieté rauque ! […] Homme du monde et poëte, il a inventé la plaisanterie atroce, le rire funèbre, la gaieté convulsive des contrastes amers, et, tout en traînant comme une guenille obligée le harnais mythologique, il s’est fait une poésie personnelle par la peinture des détails crus de la vie triviale, par l’énergie du grotesque douloureux, par la révélation implacable des ordures que nous cachons.

482. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Dans un corridor, Saint-Victor tombe sur Crémieux, qui juge de haut la pièce et, avec un de ces gros rires balourds, une de ces ironies crevantes et solides qu’il a, il lui jette : « Ah ! […] » Et Saint-Victor de rire comme un éléphant qui recevrait une noix d’un singe. […] La table rit. […] Et sur le rire de la table, il ajoute : « Mais c’est très important. […] Toutes riaient, criaient, se démenaient : une charretée de bonheurs de dix ans, et point de peintre pour rendre cela.

483. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Les Romantiques, ces pleurards à nacelles, ne riaient pas beaucoup et ils faisaient les échevelés. Ils opposèrent au rire de Voltaire l’enthousiasme de Diderot. […] Voltaire haïssait Dieu et riait contre lui, comme Satan, qui est de bonne maison et qui a plus d’esprit que les autres diables dont il est le chef. Mais Diderot et Rousseau haïssaient Dieu sans pouvoir rire, sérieux, lourds, pesamment insolents. […] Tous les hommes graves, occupés, vertueux, sages et philosophes, avaient des amies (et nous rions des Anglaises !!).

484. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — II »

On l’appelait en face Mécène-Atticus, parce qu’il faisait des vers et qu’il était fermier général ; en arrière on riait de son faste de bel esprit et de vertu, de ses disgrâces d’auteur et d’époux, et Mécène n’était plus rien que Turcaret.

485. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Judith (1845-1917) »

Les cheveux noirs sont légèrement frisottants et crêpelés, ce qui leur donne l’air ébouriffé ; le teint d’un brun mat, les dents blanches, petites et espacées, les lèvres pourprées d’un rouge de corail, les yeux petits et un peu enfoncés, mais très vifs, et qui prennent l’air malin quand le rire les éclaire, les narines ouvertes, les sourcils fins et droits, l’oreille exquise, le col un peu fort et très bien attaché, sont d’une sphinge tranquille et divine, ou d’une guerrière de Thyatire dont la beauté simple, accomplie et idéalement parfaite ne peut fournir aucun thème d’illustration aux dessinateurs de La Comédie humaine.

486. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Madeleine, Jacques (1859-1941) »

Eschyle, ni le rire énorme et obscène d’

487. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Angelo, tyran de Padoue » (1835) »

La curiosité, l’intérêt, l’amusement, le rire, les larmes, l’observation perpétuelle de tout ce qui est nature, l’enveloppe merveilleuse du style, le drame doit avoir tout cela, sans quoi il ne serait pas le drame ; mais pour être complet, il faut qu’il ait aussi la volonté d’enseigner, en même temps qu’il a la volonté de plaire.

488. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

On peut bien « s’ennuyer », puisque Jupiter s’ennuie, partant se désennuyer, admettre chez soi des bouffons, des plats-pieds, s’en distraire un moment, en rire, se laisser aduler, et même parfois consentir à les gratifier de quelque auguste sourire. […] On tâche de n’être point dupe ; on se répète tout bas avec un rire sournois, qu’il faut tirer son épingle du jeu. […] Ce gros rire libertin n’est qu’une fanfaronnade de mauvais goût. […] Qu’il renonce à l’impertinence ; qu’il rentre dans son caractère et se contente d’être lui-même ; qu’il redevienne homme de ménage ; il cessera de prêter à rire, et peut-être, un jour, se moquera du seigneur. […] Chétif hôte des bois, Tu ris !

489. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Comme l’aveu faisait rire autour d’elle, elle reprit : « J’ai toujours été un peu portée vers les gens d’âge, je n’ai jamais apprécié les tout jeunes gens ; ils sont d’un creux, d’un vide… Puis les jeunes gens, ça remue, il faut toujours que ça soit en l’air, que ça danse, que ça soit à cheval. […] On causait, on riait, on fumait. […] Une maison, pendant toute la saison de Vichy, une maison d’allants et de venants, où les honneurs sont faits par les M… un curieux ménage de nomades de la société, ne dînant jamais chez eux à Paris, et tout l’été se partageant entre des maisons de campagne d’amis : le mari, le chanteur comique, à la tête de capucin de la chansonnette, avec son front d’ivoire, ses sourcils d’astrakan, ses yeux et son rire de poussah ; la femme, une très gracieuse et aimable femme. […] Le village pétrifié, avec des silhouettes d’autochtones étagés sur leurs escaliers et finissant à un chien idiotisé sur la dernière marche : une population sans rire, sans voix, muette, concentrée. […] On essaye d’égayer le champagne, mais le rire est froid et se glace.

490. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Léon Daudet n’écrit point pour s’amuser et nous amuser à de petites histoires romanesques, de petits adultères sans importance, de pauvres petites immoralités pour rire. […] L’anarchisme, le socialisme, le féminisme, l’antisémitisme, toutes les formes préparatoires de l’inéluctable révolution, autant d’accidents négligeables, et qui ne signifient rien, et dont il faut rire. […] mon vieux, c’était à se tordre de rire… Et sous ce rire débridé, éclatant, mais bon enfant, il y avait une rude philosophie, va ! […] … Avant qu’il ne fonctionnât, le suffrage universel était, lui aussi, une utopie… Et comme les Cornély du temps devaient pouffer de rire, à l’idée de cette chose ridicule et inapplicable ! […] — Je rêve d’instituer des records mondiaux, des coupes nationales et internationales, toutes sortes de primes et de prix, pour assassinats, viols, agressions nocturnes et diurnes… des bourses de voyage, pour cambriolages lointains… Se mettant à rire, d’un rire retentissant et très gai, il cria : — La bourse de voyage ou la vie !

491. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Celui-ci me salua, et son maître eut l’air de rire, et me renvoya le gentilhomme espagnol pour me demander les hardes que j’avais données à Ascanio, auxquelles d’ailleurs il ne tenait pas, parce que ce jeune homme n’en manquerait jamais. […] Ces paroles inattendues nous firent beaucoup rire, quoique nous n’en eussions point envie. […] Comme il était fort laid, que sa bouche, déjà fort grande, s’était élargie de la moitié, et qu’il parlait son baragouin milanais d’une manière fort ridicule, nous ne pouvions nous empêcher de rire, mais surtout lorsqu’il dit au chirurgien qui lui recousait sa bouche, de lui en laisser au moins pour passer sa cuiller. […] Je venais de donner en ce moment un coup de pied à un petit garçon français, qui m’avait fait une sottise, et qui alla se cacher dans les jambes du roi ; ce qui le fit beaucoup rire. […] Et le duc se mit à rire en disant : Puisque Michel-Ange ne veut pas venir, tant pis pour lui !

492. (1922) Gustave Flaubert

Le Garçon avait des gestes particuliers qui étaient des gestes d’automate, un rire saccadé et strident à la façon d’un rire de personnage fantastique, une force corporelle. […] Il ne me fait pas rire, mais rêver longuement. […] eux rire de moi ! […] Je comprends que tes occupations, que le tourbillon du monde aient pu t’écarter du soin de ton salut… » Mais ce rire a pour victime Hippolyte autant et plus que Bournisien, et c’est un rire authentique de bourgeois certainement ; même de bourgeois tout court. […] , — c’est-à-dire en poussant le rire du Garçon.

493. (1895) Hommes et livres

Alberoni a fait rire les fins seigneurs habitués à la pointe aiguë des beaux esprits de Paris. […] Il a le rire étincelant, le vers sonore, l’intrigue folle, les mœurs extravagantes. […] Les gens qui ont l’idée du bien sans cesse présente à l’esprit ne rient guère, ils se relâchent tout au plus à sourire. […] Car enfin la comédie ne pouvait rester impassible, et, dès qu’elle ne faisait pas rire, il fallait qu’elle fît pleurer. […] C’est un fait : avant La Chaussée, la comédie en France est orientée vers le rire ; après lui, elle s’oriente vers les larmes.

494. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Ce genre d’humour se traduit peu par des paroles ; la seule manière de le louer, c’est de le goûter et d’en rire. […] Une épigraphe commune sert de préface à ces petits drames en caricature : « Va, petit livre et choisis ton monde ; car aux choses folles, qui ne rit pas bâille ; qui ne se livre pas résiste ; qui raisonne se méprend, et qui veut rester grave en est maître. » Mais, sans vouloir raisonner, et en croyant seulement consulter notre goût d’ici, j’avouerai que je leur préfère et je n’hésite pas à recommander surtout deux relations de voyages par M. […] De là le fou rire de l’écolier, de là les sorties de M. Ratin à tout propos contre le fou rire et contre les immoralités qu’il engendre. « Réfléchissant depuis à cette verrue, dit notre historien, je me suis imaginé que tous les gens susceptibles ont ainsi quelque infirmité physique ou morale, quelque verrue occulte ou visible, qui les prédispose à se croire moqués de leur prochain. » Chez quelques-uns, par une. variété de la maladie, au lieu de se croire moquée, la verrue se flatte d’être admirée, elle se rengorge.

495. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

C’est une mascarade puérile et qui ferait rire si elle n’était pas si triste. […] De quel fou rire ne serions-nous pas pris, mon Dieu, si maintenant, à l’heure qu’il est, à Sébastopol ou ailleurs, nous voyions arriver un chevalier armé de pied en cap, portant écu, haubert et gorgerin, et qui viendrait tranquillement lancer des javelots contre des batteries de canons à la Lancastre ? […] La puissance de ces rois des rois, de ces pasteurs des hommes, ferait rire de pitié le prince de Monaco lui-même ; tout cela est fané, usé, rapetassé ; il faut le savoir, mais ne plus le raconter. […] Celui qui viendrait à cette heure pour renter les poëtes ferait rire de pitié.

496. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Je ne lis jamais de poète, ni d’ouvrage d’éloquence, qui ne laisse quelques traces dans mon cerveau ; elles se rouvrent dans les occasions, et je les couds à ma pensée sans le savoir ni le soupçonner ; mais lorsqu’elles ont passé sur le papier, que ma tête est dégagée, et que tout est sous mes yeux, je ris de l’effet singulier que fait cette bigarrure, et malheur à qui ça tombe ! […] Gilbert, faisant à merveille son devoir d’avocat et d’ami de Vauvenargues, observe d’ailleurs avec justesse qu’on ne doit pas prendre trop au sérieux une idée en l’air, et dont Vauvenargues avait été le premier à faire bon marché et à rire. — La seule conclusion que je veuille tirer, c’est que nous avons désormais en Vauvenargues un sujet plus compliqué qu’on ne l’imaginait, un sujet plus mélangé et plus humain, et moins pareil (au moral) à une belle statue d’éphèbe.

497. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Elle sera dans quinze jours une pataude blanche comme de la neige, qui ne cessera de rire. […] Mais on est heureux, avec une personne aussi pure, aussi morale et d’une vie au-dessus de tout soupçon, de trouver la belle et bonne qualité française de nos mères, la franchise du ton, la rondeur des termes, le contraire de tout raffinement et de toute hypocrisie. et, avec tant de délicatesse et de fleur, l’éclat du rire, la fraîcheur au teint, la santé florissante de l’esprit.

498. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Souvent le geste est merveilleux de décision ; ailleurs il s’éclaire et disparaît comme en une vision enchantée : Seul, j’étais seul, malgré qu’à mes deux bras Pesait — à peine — un rire de tendresse Et frissonnait, à mes genoux, leur robe. […] La forêt vaste éclate en voix vers les prairies D’où les papillons lourds proviennent brûler l’or De leur vol nocturne autour des torches fleurie ; Et des rires, abeilles dont l’essaim vif mord Et harcèle ceux qui les voulurent captives, M’assaillent dans la nuit si l’une échappe encor ; Toutes ont défié les folles tentatives De mains à saisir l’ombre inerte où fuit l’odeur De leurs cheveux épars et des chairs évasives.

499. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

On rit ; il alla. […] On ne rit plus, on voulut savoir.

500. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Gabriel Moureybq L’or du Rhin Les fluides enfants du fleuve qui ruisselle, Chairs à peine, déjà femmes, ondes encor, Wellgunde avec Woglinde et Flosshilde, vers l’Or Lèvent leurs yeux d’eau verte où le rire étincelle. […]   Mais, près de l’Or ouvrant son radieux halo, Wellgunde rit, Woglinde fuit, Flosshilde chante, Innocence mêlée à la candeur de l’eau,   Et tout l’obscur destin — l’âme au gouffre penchante Les héros morts, les deux déchus, la fin, la nuit — Pour les folles enfants est un jouet qui luit !

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