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712. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Les toits de chaume, tapés à cru du jaune d’or de la lumière de midi, avaient des tons de poissons rissolés dans le beurre28. […] Attiré par tout ce qui se fane et disparaît, Rodenbach craint la lumière, le mouvement, la vie. […] Mais tout apparaîtra peu à peu dans une lumière de rêve ; les nuages se joindront pour se prêter une mutuelle force et les idées vont naître avec elle dans une tremblante clarté. […] Maeterlinck ne fut-il pas certain matin projeté brusquement en lumière par Octave Mirbeau ? […] Monté à Paris, en 1911, avec Mme Georgette Leblanc dans le rôle de La Lumière.

713. (1914) Une année de critique

Qui donc, en effet, prétendrait mettre des œillères au citoyen libre, et l’empêcher de décider de tout par ses propres lumières ? […] Par l’étroit passage, avec la rapidité d’un regard, coule un rais de lumière. […] Mais la lumière qui va éclairer un aspect un peu pervers de cette âme, je voudrais qu’elle fût projetée par un de ces anarchistes auxquels M.  […] Il répand une lumière vive sur l’esprit du narrateur, et ne nous apprend rien sur les autres personnages, que ne puisse savoir celui-là. […] Quelle lumière sur une âme !

714. (1921) Esquisses critiques. Première série

Si le grand jour de la réputation, si la lumière crue de la notoriété se posent sur eux, leurs traits s’effacent comme il arrive sous un soleil trop blanc. […] S’acharnant contre eux en ennemi, il étale en pleine lumière leur hideur morale. […] Les arômes, les couleurs, la lumière, s’amalgament par l’artifice de ce devin. […] D’autres, Stendhal Flaubert, concentrent une lumière intense sur des figures isolées ou peu nombreuses : Mme Bovary, la Sanseverina. […] L’eau comme vaporisée par l’intime pénétration de la lumière, ne réfléchit plus les objets qui s’y posent : elle simule un amas de brumes splendides, calmes, etc.

715. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Avec le renouvellement universel de la pensée et de l’imagination humaine, la profonde source poétique qui avait coulé au seizième siècle s’épanche de nouveau au dix-neuvième, et une nouvelle littérature jaillit à la lumière ; la philosophie et l’histoire infiltrent leurs doctrines dans le vieil établissement ; le plus grand poëte du temps le heurte incessamment de ses malédictions et de ses sarcasmes ; de toutes parts, aujourd’hui encore, dans les sciences et dans les lettres, dans la pratique et la théorie, dans la vie privée et dans la vie publique, les plus puissants esprits essayent d’ouvrir une entrée au flot des idées continentales. […] La lumière s’abat par nappes éblouissantes ; les pétales lustrés, dorés, éclatent avec un coloris trop fort ; les plus magnifiques broderies, le velours constellé de diamants, la soie chatoyante couturée de perles n’approchent pas de cette teinte profonde ; la joie déborde comme d’une coupe trop pleine. […] Une fumée brumeuse, pénétrée du soleil, les enveloppe de son voile roussâtre ; c’est l’air lourd et charbonneux d’une grosse serre ; depuis le sol et l’homme jusqu’à la lumière et l’air, tout est transformé par le travail. […] Poëmes sérieux et grandioses qui, ouvrant une échappée sur l’infini, laissent entrer un rayon de lumière dans l’obscurité sans limites et contentent les profonds instincts poétiques, le vague besoin de sublimité et de mélancolie que cette race a manifestés dès l’origine et qu’elle a conservés jusqu’au bout.

716. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

L’habit noir ou la jaquette des hommes, les chiffons des femmes, l’asphalte du boulevard, le petit journalisme, le bec de gaz et demain la lumière électrique, et une infinité d’autres choses en font partie. […] L’observateur regarde les objets l’un après l’autre, y poursuit la fuite lente du jour, note où en est sur chacun d’eux l’effacement de la lumière au moment où son regard s’y porte. […] Voici un paysage de MM. de Goncourt : La lune pleine, rayonnante, victorieuse, s’était tout à fait levée dans le ciel irradié d’une lumière de nacre et de neige, inondé d’une sérénité argentée, irisé, plein de nuages d’écume qui faisaient comme une mer profonde et claire d’eau de perles ; et sur cette splendeur laiteuse, suspendue partout, les mille aiguilles des arbres dépouillés mettaient comme des arborisations d’agate sur un fond d’opale… Anatole prit à gauche… Il était dans une petite clairière. […] L’épithète étant toujours, dans cette manière d’écrire, le mot le plus important, voici des tournures qui mettent l’épithète au premier plan en la transformant en substantif neutre (à la façon des Grecs) : «… Mais c’était le ciel surtout qui donnait à tout une apparence éteinte avec une lumière grise et terne d’éclipsé, empoussiérant le mousseux des toits, le fruste des murs…37 » — «… Des voix fragiles et poignantes attaquant les nerfs avec l’imprévu et l’antinaturel du son38. » — « Et il mit une note presque dure dans le bénin de sa parole inlassable et coulante39. » Les mots abstraits surabondent dans cette prose si vivante : ce qui semble contradictoire, mais s’explique avec un très petit effort de réflexion.

717. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Ces connaissances, sous leur forme abstraite et philosophique, à cette hauteur où mon œil les aperçoit à peine, pareilles à ces lumières qui brillent dans les espaces infinis et qui ne percent pas l’ombre où nous sommes, de quel usage me sont-elles dans les détails de mes actions ? […] Il dut lui paraître étrange que la lumière de la révélation eût été refusée au monde ancien, et qu’à deux âges différents du genre humain, la morale eût eu deux principes contradictoires. […] Où est le philosophe qui s’estime assez éclairé sur sa nature, par les seules lumières de sa raison, pour s’étonner que Pascal ait senti l’insuffisance de la sienne, et qu’il l’ait employée à croire à une lumière venue d’en haut, qui découvre aux plus humbles esprits ce qui se dérobe à la curiosité des plus superbes ?

718. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Pour coïncider avec le moi, il faudrait au moins que le caractère devint tout entier conscient, diaphane, de toutes parts à jour et pénétré de lumière. Et ce n’est pas encore assez : pour constituer la liberté véritable, il faut que ce soit la lumière même qui agisse, il faut que ce soit le moi conscient et réfléchi. […] Si nous pouvions n’agir qu’en vertu de motifs tous parfaitement éclairés, si nous pouvions être pour nous-mêmes comme une sphère de pure lumière, nous nous rapprocherions davantage de l’idéal. […] La liberté, terme du développement volontaire, est ainsi la motivation par excellence, la motivation complète, s’étendant aussi loin qu’il est possible, embrassant dans la pleine lumière un ensemble de fins aussi vaste qu’il est possible, pour les ramener à l’unité du moi.

719. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

J’ai essayé de montrer quelle lumière le principe de perfectionnement graduel jette sur l’admirable talent constructeur de l’Abeille domestique. […] On ne peut tirer une objection valable de ce que la science, en son état actuel, ne jette encore aucune lumière sur le problème bien plus élevé de l’essence ou de l’origine de la vie. […] Lorsque nous serons certains que tous les individus de la même espèce, et toutes les espèces alliées de la plupart des genres, sont descendus d’un commun ancêtre à une époque relativement peu éloignée et qu’ils ont émigré d’un berceau unique ; lorsque aussi nous connaîtrons mieux leurs divers moyens de migration ; alors, à la lumière que la géologie jette dès aujourd’hui et jettera plus encore à l’avenir sur les changements survenus dans les climats ou dans le niveau des terres, nous pourrons sûrement suivre et retracer avec une grande exactitude les anciennes migrations des habitants du monde entier. […] Une vive lumière éclairera alors l’origine de l’homme et son histoire.

720. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Il est certain que tout tient à tout dans l’univers : il existe par conséquent entre toutes les sciences humaines certains rapports qui ne permettent à aucune de refuser les lumières que peuvent lui offrir celles qui s’en éloignent le plus dans l’ordre de parenté. […] Lorsque Pinel et Esquirol déterminèrent les états et les causes physiologiques de la folie par un ensemble aussi complet d’observations et d’analyses ; lorsque Gall et Spurheim, même en des recherches qui ne devaient aboutir qu’à une doctrine bientôt abandonnée, essayèrent de montrer, à la surface du cerveau, les nombreux organes de nos diverses facultés mentales ; lorsque Magendie et surtout Flourens commencèrent leurs belles expériences sur les êtres vivants, continuées avec tant de succès par les naturalistes et les physiologistes de nos jours, afin d’arriver à déterminer d’une façon précise et sûre les vraies conditions organiques des fonctions de la vie intellectuelle et morale : — tous ces travaux, exécutés par les facultés les plus rares de l’esprit aidées des méthodes les plus ingénieuses et des instruments les plus délicats, ont répandu de telles lumières sur la question des rapports du physique et du moral qu’il en est sorti, non plus une doctrine vague et conjecturale, mais une véritable science. […] Voilà de bien curieuses révélations dues aux récentes méthodes de recherche, et qui éclairent d’une lumière toute nouvelle la question des rapports de l’âme et du corps. […] L’antithèse de la science et de la conscience, qui serait si fatale à la moralité humaine, si elle était réelle, n’est heureusement qu’apparente et destinée à disparaître devant la lumière d’une science plus fidèle à l’expérience que celle qui s’inspire des hypothèses matérialistes.

721. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Dans la nature même, un paysage inondé de lumière le touche moins qu’à demi embrumé. […] Elle tourne en étude, en curiosité, les grandes impressions qui inclinent l’âme du côté de la lumière. […] Sera-ce Dieu avec sa lumière ou l’homme avec ses ténèbres ? […] Est-ce du moins la lumière ? Mais la question est de savoir si c’est la lumière de la foudre ou celle du soleil, et si la lumière sans la grâce est une lumière.

722. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Une fois Saint-Cyr établi, Mme de Maintenon s’y adonne tout entière ; se considérant comme chargée d’une mission par le roi et par l’État, elle y consacre les moindres parcelles de son temps et y dirige toute la lumière et tout l’effort de son esprit. […] L’une après l’autre se sont éteintes toutes les lumières dans mon âme, tous les glorieux songes de mon printemps.

723. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Depuis que ces cinq hommes forts, réduits au silence pour une cause ou pour une autre, nous font défaut, « la nuit est revenue, dit M. du Camp ; chacun se traîne à travers l’obscurité pour chercher la lumière, et nul ne la trouve. […] Ici nous retrouvons des paroles connues et qui ont été proclamées il y a plus de vingt-cinq ans. — L’âge d’or, qu’on place toujours en arrière, est devant nous. — Aimons, travaillons, fécondons l’imprescriptible progrès. — La littérature, dans l’avenir, aura à formuler définitivement le dogme nouveau. — Tout cela encore est bien vague, bien peu défini ; Déroulant devant nous le mouvement scientifique et le mouvement industriel de notre temps, l’auteur essaie de préciser ce rôle qu’il assigne au littérateur, au poète, et qui est, selon lui, d’expliquer la science, de la revêtir de charme et de lumière : « Il se passe parfois, dit-il, de planète à planète, de fer à aimant, de mercure à mercure, de chlore à hydrogène, des romans extraordinaires qu’on dissimule pudiquement derrière des chiffres et des A+B. » L’auteur voudrait que le poète expliquât et rendît sensibles à chacun de nous ces mystères.

724. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Il y a bien des années, et avant qu’une critique investigatrice eût rassemblé autour de cette figure de Bossuet tous les éclaircissements et toutes les lumières, un écrivain de beaucoup d’esprit, s’essayant à définir le grand évêque gallican, disait : « Bossuet, après tout, était un conseiller d’État. » Si par là on ne voulait dire autre chose, sinon qu’il y avait en Bossuet un homme politique, un homme capable d’entrer dans le ménagement des personnes et la considération des circonstances, on avait raison ; mais si l’on prétendait aller plus loin, toucher au fond de sa nature et infirmer l’idée fondamentale du prêtre, on se tromperait : car au fond de cette nature, telle qu’elle ressort aujourd’hui de tous les témoignages et qu’elle nous apparaît dans une continuité manifeste, il y a avant tout et après tout un croyant. […] L’impression que laisse la lecture du journal de Le Dieu, au milieu des particularités oiseuses et quelquefois bien vulgaires qui s’y rencontrent, a cela d’utile qu’elle met cette vérité et cette sincérité de la nature de Bossuet dans une entière et incontestable lumière.

725. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Il avait mis d’ailleurs dans tout son jour et en pleine lumière le côté tendre, affectueux, de Vauvenargues, ce côté le plus connu, la beauté de sa nature morale, et avait parfaitement marqué le trait dominant de son caractère, la sérénité dans la douleur ; et il concluait en disant que l’espèce de gloire réservée à Vauvenargues était celle qui peut sembler le plus désirable aux natures d’élite, l’amitié des bons esprits et des bons cœurs. […] Il fit une maladie grave et qui mit ses jours en danger en 1739 ; les lettres que lui adresse Vauvenargues à ce sujet sont les plus précieuses de cette correspondance, en ce qu’elles jettent quelque lumière sur les vrais sentiments en matière de religion et les croyances de celui qui les écrivait.

726. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Fizeau sur la lumière. […] si les bois, l’ombrage aimé du chêne, Ont trop caché la lumière à mes yeux, Soufflez, ô vents que Dieu sitôt déchaîne, Feuilles, tombez, laissez-moi voir les cieux.

727. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot sur ce parfait isolement et cet aparté de la science, et je ne vois pas pourquoi, arrivés au sommet de leur ordre et à la plénitude de leur vie, les savants ne seraient point légitimement appelés et invités à concourir de leurs lumières à la chose publique, à résoudre tant de questions pratiques et utiles qui intéressent la bonne police des sociétés humaines, et sur lesquelles ils ont qualité, plus que personne, pour décider. […] Biot eut, à son tour, sa découverte : il fit une remarque féconde en conséquences, et à l’aide de laquelle il put indiquer et conseiller l’emploi de la lumière polarisée pour étudier diverses questions de mécanique chimique.

728. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Selon lui, quatre ou cinq faits authentiques et « plus clairs que la lumière du soleil », suffisent pour garantir tout le reste de la tradition. […] On dirait même qu’il a d’avance quelque pressentiment de ce que notre siècle a ressaisi et remis en lumière des mystères ensevelis de l’antique Égypte ; il exhorte Louis XIV à faire fouiller la Thébaïde ; il est très au courant pour son temps, il cite les Voyages publiés par M. 

729. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Les anciens poètes grecs avaient un seul mot pour dire lumière et homme (φώς), comme si l’homme était réellement le phare de la création. […] Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer, seraient réparties dans toutes les parties basses du désert, dans le lac Mœris, le lac Maréotis et le Fleuve sans eau, jusqu’aux Oasis et beaucoup plus loin du côté de l’ouest, — du côté de l’est, dans les Lacs Amers et toutes les parties basses de l’Isthme de Suez et des déserts entre la mer Rouge et le Nil ; un grand nombre de pompes à feu, de moulins à vent, élèveraient les eaux dans des châteaux d’eau, d’où elles seraient tirées pour l’arrosage ; de nombreuses émigrations, arrivées du fond de l’Afrique, de l’Arabie, de la Syrie, de la Grèce, de la France, de l’Italie, de la Pologne, de l’Allemagne, quadrupleraient sa population ; le commerce des Indes aurait repris son ancienne route par la force irrésistible du niveau… » Le mot de civilisation ne s’est pas rencontré encore ; il n’échappe qu’à la fin et aux dernières lignes, comme le résumé de tout le tableau ; il introduit avec lui et implique l’idée morale, qui a pu paraître jusque-là assez absente : « Après cinquante ans de possession, la civilisation se serait répandue dans l’intérieur de l’Afrique par le Sennaar, l’Abyssinie, le Darfour, le Fezzan ; plusieurs grandes nations seraient appelées à jouir des bienfaits des arts, des sciences, de la religion du vrai Dieu ; car c’est par l’Égypte que les peuples du centre de l’Afrique doivent recevoir la lumière et le bonheur ! 

730. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

La Cour de Sceaux, même en son meilleur temps, fut toujours un peu arriérée sans doute, cantonnée dans son vallon, fermée aux lumières et au souffle du dehors, obstinément cartésienne par M. de Malezieu ; mais ce Malezieu était un homme de savoir, nourri de premières études très fortes, qui lisait Sophocle dans le texte, et chaque jour il passait là, dans ce cercle de la princesse, des personnes du premier ordre par l’esprit : Voltaire, Mme du Châtelet, Mme du Defland ; Mlle de Launay, ce témoin exquis qui fait loi devant la postérité, y était en permanence. […] Il ne participe en rien aux lumières, aux idées générales du temps : il n’en est que par une certaine bonhomie et simplicité de ton et par une certaine douceur de mœurs.

731. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Ce funeste trait de lumière frappe la raison avant d’avoir détaché le cœur ; poursuivi par l’ancienne opinion à laquelle il faut renoncer, on aime encore en mésestimant ; on se conduit comme si l’on espérait, en souffrant, comme s’il n’existait plus d’espérances ; on s’élance vers l’image qu’on s’était créée ; on s’adresse à ces mêmes traits qu’on avait regardés jadis comme l’emblème de la vertu, et l’on est repoussé par ce qui est bien plus cruel que la haine, par le défaut de toutes les émotions sensibles et profondes : on se demande, si l’on est d’une autre nature, si l’on est insensé dans ses mouvements ; on voudrait croire à sa propre folie, pour éviter de juger le cœur de ce qu’on aimait ; le passé même ne reste plus pour faire vivre de souvenirs : l’opinion qu’on est forcé de concevoir, se rejette sur les temps où l’on était déçu ; on se rappelle ce qui devait éclairer, alors le malheur s’étend sur toutes les époques de la vie, les regrets tiennent du remords, et la mélancolie, dernier espoir des malheureux, ne peut plus adoucir ces repentirs, qui vous agitent, qui vous dévorent, et vous font craindre la solitude sans vous rendre capable de distraction. […] Et comme les femmes ont besoin d’admirer ce qu’elles aiment, les hommes se plaisent à exercer sur leur maîtresse l’ascendant des lumières, et souvent ils hésitent entre l’ennui de la médiocrité, et l’importunité de la distinction.

732. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Telle grosse question métaphysique y trouvera sa solution : par exemple, on verra, dans une note de cet ouvrage, quelles lumières la névropathie cérébro-cardiaque, décrite par le Dr Krishaber, jette sur la formation et sur les éléments de la notion du moi. […] Le cerveau humain est alors un théâtre où se jouent à la fois plusieurs pièces différentes, sur plusieurs plans dont un seul est en lumière.

733. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

En même temps, quatre Indiens font un petit bal à la moresque ; enfin les perroquets s’envolent des mains de leurs maîtres et les laissent désespérés de cette perte ; après quoi s’achève la pièce, et s’en vont tous s’embarquer pour la guerre de Troie. » La Finta Pazza obtint un brillant succès, auquel les cantatrices, « la gentille et jolie Gabrielle Locatelli, qui était une vraie lumière de l’harmonie, Giulia Gabrielli et Marguerite Bertolazzi, dont la voix était si ravissante qu’on ne pouvait les louer dignement », paraissent avoir eu la plus grande part33. […] À la page 6 de l’imprimé, on lit : « Flore sera représentée par la gentille et jolie Louise-Gabrielle Locatelli, dite Lucile, qui, avec sa vivacité, fera connaître qu’elle est une vraie lumière de l’harmonie. » À la page 7 : « Cette scène sera chantée, et Thétis sera représentée par la signora Giulia Gabrielli, nommée Diane, laquelle à merveille fera connaître sa colère et son amour. » Même page : « Le prologue de cette pièce sera exécuté par la très excellente Marguerite Bertolazzi, dont la voix est si ravissante, que je ne puis la louer assez dignement. » Une scène est suivie de cette note : « Cette scène sera toute sans musique, mais si bien dite qu’elle fera presque oublier l’harmonie passée. » 34.

734. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Dans son rez-de-chaussée de l’avenue Trudaine, bas et sombre, il vit seul, les rideaux tirés sur la lumière du jour, occupé à explorer les arcanes de la science spagirique. […] Là, en pleine foire foraine de Montmartre, à deux pas du Moulin-Rouge où triomphent Grille-d’égout, la Goulue et Valentin-le-désossé, dont les entrechats suffisent à combler le vœu esthétique des foules, une élite de cœurs fervents s’emploie à retourner aux sources de la lumière et à cueillir le rameau de l’antique sagesse, et, comme si tout à coup le monde s’était reculé de milliers d’années, la voix d’Hermès trismégiste se met à retentir, fraîche comme au premier jour.

735. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Entre la psychologie qui ramène les faits intellectuels à quelques facultés et celle qui les réduit à la loi unique de l’association, il y a la même différence, selon nous, qu’entre la physique qui attribue les phénomènes à cinq ou six causes, et celle qui ramène la pesanteur, la chaleur, la lumière, etc., au mouvement. […] Lumière implique ténèbres, la chaleur suppose le froid.

736. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Or, je ne saurais recevoir cette impression-là, quand l’auteur, dans la traduction qu’il nous donne du portrait du peintre, s’épuise à nous décrire ces yeux, « qui sont, dit-il, imbibés de lumière jusqu’au fond, mais un peu humides des rayons délayés dans la rosée ou dans les larmes. » Je sens là une intention voluptueuse qui ne ressort pour moi d’aucune figure peinte par Raphaël, pas même de la sienne. […] » Et, si épris, si enivré que fût son amant, il ne s’exprimait point encore alors comme il fait aujourd’hui : J’ouvrais les bras à l’air, au lac, à la lumière, comme si j’eusse voulu étreindre la nature et la remercier de s’être incarnée et animée pour moi dans un être qui rassemblait, à mes yeux, tous ses mystères, toute sa bonté, toute sa vie, tout son enivrement !

737. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

L’auteur a eu affaire ici à une vie très belle, très pure et très uniment développée, même à travers les orages ; il s’est plu à l’exposer avec charme, avec étendue et lumière, et à composer une grande biographie de Moyen Âge, qui, cette fois, est faite pour plaire à bien des esprits, pour désarmer (tant M. de Rémusat y a mis d’impartialité et de réserve !) […] Rempli au-dedans de la lumière pénétrante de la sagesse, il savait, dit-on, si sûrement discerner les mœurs des personnes de tout sexe et de tout âge, que, lorsqu’il en discourait ensuite, il semblait, en l’écoutant, qu’on se sentait révéler les secrets de son propre cœur.

738. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Ce que Spencer n’a pas assez mis on lumière, c’est qu’à la loi physique qui veut que le mouvement commencé se continue répond dès l’origine, dans la conscience, une certaine tension, une certaine tendance psychique, la conscience d’une activité qui demande à s’exercer, à se poursuivre, à s’achever. […] Au moment où un éclair jaillit de la nue, nous avons beau regarder dans notre conscience, nous n’y trouvons rien qui explique pourquoi nous avons la sensation de lumière soudaine.

739. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Quels traits de force & lumière, quelle diction pure && de lumière, quelle diction pure & coulante dans saint Jérôme !

740. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

(les fortes tentatives de Taine et de Sorel pour fixer la psychologie de l’époque révolutionnaire appartiennent à la psychologie comme celles de Balzac et de Stendhal pour fixer celle de l’époque où ils vivaient, et toute la psychologie bien faite d’une époque apporte une lumière sur la nature générale de l’homme.) — Joignez-y même (vous ne serez pas au bout, mais vous atteindrez au moins un chiffre consacré) comme une septième lignée la plus ancienne, la plus obscure, la moins écrite, et, dans les temps modernes, la source vraie des autres : tout l’ordre religieux qui cristallise dans l’église catholique autour de la confession auriculaire et qui pousse encore au XIXe siècle, de Lamennais à l’abbé Bremond, de vigoureux rameaux. […] Chacune en sa loi cherche en guerre sa lumière.

741. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Que si vous l’eussiez fait intervenir un peu plus souvent, en deux ou trois endroits bien distincts, cela eût suffi pour que votre pensée se dégageât, pour que tous ces rêves du mal, toutes ces formes obscures et tous ces bizarres entrelacements où s’est lassée votre fantaisie, parussent dans leur vrai jour, c’est-à-dire à demi dispersés déjà et prêts à s’enfuir devant la lumière.

742. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

Elle a pu se croire une puissance dans le siècle, du moment qu’elle s’en est venue accomplir, vers l’an de grâce 1800, je ne sais que le mission prédestinée, dogmatisant parmi les châteaux et les palais, à la plus grande gloire d’en haut ; et maintenant que la lumière est revenue, qu’on n’a plus que faire de précurseur, et que la vie militante a fait place à la vie privée, c’est peut-être un devoir à ses yeux d’enregistrer publiquement les mérites et indulgences qui lui reviennent de cette pieuse lutte, engagée sous son patronage.

743. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

C’est là qu’isolé, tout à fait aveugle, après avoir passé par les horreurs d’une tentation sinistre de mort, un matin de printemps, il s’avisa de demander à la poésie, au chant, quelque chose de ce qu’il avait demandé vainement au pinceau et à la lumière, un haut refuge du moins, une patrie idéale où se reposer.

744. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

Il voyait l’immense avenir d’une science qui nous fournira un jour sur la haute antiquité des lumières inattendues.

745. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

Il est si vrai que le christianisme jette une éclatante lumière dans l’abîme de nos passions, que ce sont les orateurs de l’Église qui ont peint les désordres du cœur humain avec le plus de force et de vivacité.

746. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Échappant aux règles du goût par l’excentricité même de sa nature intellectuelle, — car c’est un excentrique que Mercier, et il a je ne sais quoi dans l’esprit qui rappelle la bizarrerie de certaines imaginations anglaises, — méconnaissant l’autre règle de la vie, plus importante que le goût, c’est-à-dire la religion, qui, en nous éclairant le cœur, fait monter la lumière jusqu’à la pensée, Mercier s’adapte exactement à l’époque qu’il a plutôt inventoriée que peinte.

747. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

Mais, à côté de ces philosophes qui ont l’épouvantante netteté de l’erreur complète, il y en a d’autres, à lumières équivoques et troublantes, sur les lèvres de qui, par exemple, le respect du christianisme n’est pas effacé et qui se servent de la vérité même pour détruire la vérité.

748. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

Elle est le centre d’une si grande lumière, elle offre à tout le monde, même aux myopes, une telle facilité de se renseigner, une si bonne occasion de voir clair, que, pour savoir et voir plus que les autres, il faut un effort d’autant plus grand ou une pénétration supérieure.

749. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Amants violents et hardis, ils portent la main sur elle, s’enivrent de sa lumière, se roulent dans ses fleurs et se relèvent le corps imprégné de ses parfums. […] Taine n’en a pas oublié un seul ; chacun s’allume à sa juste place, à son vrai moment, et brille avec la lumière qui lui est propre. […] auteur de la lumière qui brille en ce moment sur moi ; toi qui illumines le fond de nos âmes, j’adjure ta bonté infinie de pardonner à la plus audacieuse requête que puisse t’adresser un pécheur. […] Il n’y a donc dans cette existence que huit années de pleine lumière, encore l’intérêt de ces huit années est-il comme tari et desséché par la maladie et la perspective de la mort prochaine. […] Ce sourire paternel, ce sourire doux et triste que Sterne rencontra à sa naissance, fut la lumière qui éclaira sa vie et son talent, et dont il ressentit toujours l’influence.

750. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

car il n’est plus digne de voir la lumière !  […] Si ces justes ne se nourrissent que de lumière, on se demande alors à quoi servent les fruits qui pendent aux arbres. […] Cimarosa, pour s’exciter, cherchait la lumière et le bruit. […] Seulement il respirait cet air, il s’imprégnait de cette chaude lumière. […] Léonard de Vinci disait que rien n’enseigne mieux au peintre le jeu de la lumière et de l’ombre, que de modeler d’abord en terre.

751. (1927) Approximations. Deuxième série

Une autre, pareille à un fruit pesant, se hisse hors d’une baignoire qu’irise la lumière. […] — Il préparait à la lumière un instrument incomparable, qui la répandit, toute affectée de formes intelligibles et de propriétés presque musicales, dans l’espace où se meuvent les mortels. […] Que de pièces « vingt fois sur le métier » remises avant que ne sortent, ne s’irisent, à la lumière, ces coupes infrangibles où s’accusent des formes toujours si élégantes, — usant parfois, pour feinte dernière, de je ne sais quel « jeté » qui provoque. […] Ravisseur parce que lui-même ravi47, il fond sur nous, nous aveugle de sa lumière, arrache à ses proies l’adhésion. […] Dans le terrible suspens des derniers jours — et plus encore depuis l’événement, — quel recours, pour tromper l’angoisse, puis pour endiguer la désolation, sinon de saisir presque au hasard tel livre, tel article, telle note de lui, et toujours de sentir aussitôt — à côté même de ces lumières dont déjà on savait tout le prix, dont on n’avait laissé perdre nul rayon — d’autres lumières surgissant pour la première fois, surgissant de toutes parts : toutes les divergences à l’instant de se composer en la gloire d’un invulnérable faisceau.

752. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Mais il y a des gens qui ont cette faculté de ne voir en toute chose que ce qui est noble et ce qui est grand, l’aspect de la beauté et non pas celui de la laideur, le bien et non pas le mal, la lumière et non pas l’ombre. […] Eh bien, ces purs enfants de gloire et de lumière, ce sont les poètes, parmi lesquels Lamartine a sa place ; il est un de ceux, en effet, qui n’ont que des visions glorieuses et lumineuses. […] Il y a, dans les Orientales, une couleur, une lumière, des visions matérielles qui n’avaient pas encore paru dans la poésie. […] Victor Hugo, quand il regarde en lui, y trouve des images matérielles, y trouve des formes, des couleurs, des jeux d’ombre et de lumière. […] Car ce sont des pleurs de lumière, Non des rayons, que vous versez.

753. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

C’est le premier éclat simple (nitor), la lumière même de la pensée dans la parole, et que les grands esprits droits préfèrent à toute fausse couleur. « La netteté, on l’a dit depuis, est le vernis des maîtres. » Aristote donnait, entre autres éloges, cette louange à Homère ; il lui reconnaît une qualité entre mille autres, qu’il définit très-bien par le mot ένάργεια, lequel signifie une peinture toute distincte, toute pleine d’évidence, de lumière et de clarté : blancheur, éclat parfait, comme venant άργός, d’où argentum. […] C’est qu’aussi il s’est fait et vu en nos jours beaucoup de choses splendides, depuis le gaz et la lumière électrique jusqu’à la poésie, et il n’est pas d’autre mot que celui-là pour les qualifier.

754. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Embrassons, étreignons en nous ces rares moments, pour qu’après qu’ils auront fui, ils augmentent encore de perspective, pour qu’ils dilatent d’une lumière magnifique et sacrée le souvenir. […] Le premier, il s’est retourné contre le xviiie siècle et lui a montré le bouclier inattendu, éblouissant de lumière, et dont quelques parties étaient de vrai diamant. […] Quand René jette ses regards sur une foule, sur ce désert d’hommes comme il l’a appelé, il peut s’écrier sans crainte, ainsi que s’écriait l’infortuné dans l’Essai à la vue des petites lumières des faubourgs : La, j’ai des frères !

755. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

. — Je me rappelle en ce moment une soirée passée à Laveno, sur le lac Majeur, et, à mesure que j’insiste, je revois mon dîner d’auberge, la grosse nappe toute blanche, la jolie servante effarée ; puis, un peu après, le sentier tortueux parmi les thyms et les lavandes, le lac d’un gris bleuâtre sous une enveloppe moite de vapeur, les plaques de lumière, les traînées scintillantes, les broderies d’argent qu’un rayon égaré semait çà et là sur la nappe unie, le bruissement imperceptible des petits flots qui venaient mourir sur la grève, et les clochettes des vaches qui tintaient çà et là dans le silence. […] Quand j’imagine le monument, je retrouve bien les lignes qui toutes les fois sont demeurées les mêmes ; mais les coupures d’ombre et de lumière, les valeurs changeantes des tons, l’aspect du pavé grisâtre ou noirci, la bande du ciel au-dessus ; bleuâtre et vaporeuse dans un cas, charbonneuse et ternie dans un autre, tantôt d’un blanc enflammé, tantôt d’une pourpre sombre, bref, toutes les diversités qui, selon les moments divers, sont venues se joindre à la forme permanente, s’effacent mutuellement. […] Parfois tel ruisseau, plus gonflé et tombant de plus haut, réchauffe jusque dans les bas-fonds d’anciennes couches inertes ; elles remontent alors à la lumière ; le hasard de l’afflux et les lois de l’équilibre ont échauffé telle couche pour la mettre au-dessus des autres.

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