Il faut bien se garder surtout de la confondre avec la Renaissance. […] C’est bonne médecine et pertinent dépuratif qu’il ne faut pas garder pour soi. […] Il n’y avait autre chose qui les induit à demeurer en l’Église au milieu des méchants que l’affection qu’ils avaient de garder unité. […] Calvin a tenu et gardé avec un soin jaloux les clefs du tabernacle, il en a peu répandu l’huile sainte. […] Leur honneur est du moins de les avoir sentis, ce qui est le commencement de s’en corriger, et de les avoir signalés, ce qui est le commencement d’en garder les autres.
Rosette (c’est le nom de la jeune fille) sait très-bien disputer et garder à travers maint péril la fleur de rosier qu’elle ne doit donner qu’à l’hymen ; un jeune berger, en définitive, l’emporte sur un vieillard chargé de pommes d’or et sur un bel esprit qui est d’une Académie. […] Piron enrhumé a gardé la chambre trois jours, et il dit que de plusieurs côtés on a envoyé savoir de ses nouvelles : « Voltaire, avec tant d’autres, a envoyé régulièrement chez moi ces trois jours-là ; aussi hier je ne l’oubliai pas dans mes visites. […] On a les deux hommes en présence : Piron fait bien de noter complaisamment ses triomphes d’un soir ; Voltaire tient le haut bout auprès des neveux ; il le gardera. […] Dépouillons nos femmes, enrichissons des filles perdues ; ne gardons du beau tragique usé qu’un peu de comique larmoyant ; du haut comique, que des farces et des parades : nous bâtirons les théâtres chez nous ; nos jeunes parasites barbouilleront les pièces ; et nous, marguilliers, échevins, magistrats, officiers généraux, ducs et princes même, nous y jouerons, si l’on veut, les rôles d’Arlequin, Scaramouche, Pierrot, etc. […] Tabarin est l’Apollon du jour ; que le nôtre s’en retourne chez Laomédon gâcher du plâtre, ou chez Admète garder les dindons.
Le but sérieux que je me proposerais d’examiner et de réfuter toutes ces erreurs ; le respect qu’on doit toujours garder pour la pensée d’autrui, lorsqu’elle est raisonnée et sincère ; la nécessité pénible d’avoir à répéter des sottises, et surtout ma préoccupation constante d’être un interprète à la fois intelligible, intelligent et fidèle : tout cela m’interdirait la gaieté. […] Nous verrons si Molière a toujours gardé la mesure et la délicatesse convenables, et si ses personnages, trop grossiers dans leur comique, n’accentuent pas eux-mêmes à l’excès leurs propres ridicules. […] À la faveur de la perte à jamais regrettable des ouvrages de Ménandre, et grâce à l’ignorance des critiques français qui méprisaient Aristophane, ne connaissaient pas Shakespeare, et néanmoins imposaient leur goût à l’Europe étonnée, un homme s’est rencontré qui a usurpé et gardé jusqu’à aujourd’hui le premier rang parmi les poètes de la comédie nouvelle et même de toute la littérature comique. […] Grâce à ce système d’équilibre et de pondération qui ne laisse aucune sottise se développer sans que le bon sens ne reçoive un développement parallèle ; grâce à ces docteurs qui savent Pour toute leur science, Du faux avec le vrai faire la différence96, le poète, mêlant l’utile à l’agréable, nous empêche de prendre le mal pour le bien, le bien pour le mal, et de tomber dans l’erreur d’Orgon, auquel Cléante disait : Vous ne gardez en rien les doux tempéraments. […] Pourquoi Legrand n’a-t-il pas gardé le sceptre qu’un tel critique lui avait rendu ?
Ce jeune homme a gardé son cœur, et il a près de vingt ans, et ce cœur est sensible, aimant ; c’est le cœur d’un poète. […] Je croyais voir alors l’Ange à la torche sainte : Terrible, il me chassait du divin paradis, Et, debout à la porte, il en gardait l’enceinte, Ainsi qu’il la garda jadis. […] Et son front et ses yeux ont gardé le mystère De ces chastes secrets qu’une femme doit taire. […] « Si votre ami est beau, bien fait, amoureux des avantages de sa personne, ne négligez pas trop la vôtre ; gardez-vous qu’une maladie ne vous défigure, qu’une affliction prolongée ne vous détourne des soins du corps ; car cette sorte d’amitié, qui vit de parfums, est dédaigneuse, volage, et se dégoûte aisément.
Car enfin, ajouta Astyage, puisque tu voulais donner la royauté à quelque autre et ne pas la garder pour toi, n’était-il pas juste, du moins, que la puissance tombât entre les mains d’un Mède, plutôt que dans celles d’un Perse ? […] Quant à Astyage personnellement, Cyrus ne lui fit aucun mal, et le garda constamment près de lui jusqu’à sa mort. […] Il prit un certain nombre d’ânes, sur chacun desquels il plaça une outre remplie de vin, et les chassa devant lui, se dirigeant vers les soldats qui gardaient le corps suspendu à la muraille. […] Interrogé par elle comme les autres, il lui dit : « que ce qu’il avait fait de plus hardi et de plus criminel était d’avoir coupé la tête de son frère, pris à un piége tendu dans le trésor du roi ; et que ce qu’il avait fait de plus adroit était d’être parvenu à enlever le corps de ce frère, après avoir enivré les soldats chargés de le garder. » Lorsque la fille du roi entendit cet aveu, elle se jeta sur le jeune homme et crut l’avoir arrêté, mais comme elle n’avait saisi que le bras mort dont il s’était muni, il s’évada par la porte et parvint à s’enfuir. […] Les Grecs, rangés par ordre de peuples, prirent part tour à tour à ces divers combats, à l’exception cependant des Phocidiens, qui, placés sur la montagne en gardaient les sentiers.
De plus, le souvenir tend à laisser échapper ce qui était pénible pour ne garder que ce qui était agréable ou au contraire franchement douloureux. […] Il nous raconte que tous les matins il allait se promener au Luxembourg, un Virgile ou un Jean-Baptiste Rousseau dans sa poche : « Là, jusqu’à l’heure du dîner, je remémorais tantôt une ode sacrée et tantôt une bucolique. » S’il a gardé de Jean-Baptiste Rousseau un restant de mauvais goût, il a conservé aussi quelque chose du mouvement de la strophe, quelque chose de la contrefaçon de l’enthousiasme prophétique. […] Tandis que, dans les arts plastiques, les objets représentés gardent une beauté intrinsèque de forme ou de couleur, dans la littérature ils valent surtout comme centre et noyau d’associations d’idées et de sentiments. […] La poussière, aussi éternelle en Egypte que le granit, avait moulé ce pas et le gardait depuis plus de trente siècles, comme les boues diluviennes durcies gardent la trace des pieds d’animaux qui la pétrirent.
Ainsi, on sait qu’il faut se garder de classer ensemble deux variétés de l’Ananas, simplement parce que leurs fruits, bien que fournissant un caractère important, sont à peu près identiques. […] Dans l’une comme dans l’autre supposition, nous pouvons supposer que la Viscache a gardé plus de ressemblances héréditaires avec son ancien progéniteur que ne l’ont fait d’autres Rongeurs ; et, par conséquent, elle ne doit avoir de rapports particuliers avec aucun des Marsupiaux vivants, mais indirectement avec tout ou presque tous les représentants de cet ordre, parce qu’elle a retenu partiellement les caractères de leur commun progéniteur ou d’un très ancien membre du groupe. […] Les organes rudimentaires gardent quelquefois leurs facultés actives, et ne manquent que d’un développement suffisant. […] C’est pourquoi aussi l’on dit souvent d’un organe rudimentaire chez un adulte qu’il a gardé son état embryonnaire. […] Tout changement de fonction qui peut s’effectuer par des degrés insensibles est du ressort de la sélection naturelle ; de sorte qu’un organe, devenu inutile ou nuisible à certains égards, par suite d’un changement dans les habitudes de vie, peut se modifier de manière à servir à quelque autre usage ; ou bien un organe peut ne garder qu’une seule de ses fonctions primitives et s’y adapter exclusivement.
Aujourd’hui elles peuvent être en grande toilette sans en garder la moindre trace. […] Il se garda bien d’y oublier le colonel : « Brave homme, écrivit-il, un peu bête peut-être, mais si décoratif ! […] Il m’a été impossible jusqu’ici de garder mes domestiques. […] Quelle contenance gardera-t-il sous leurs félicitations ? […] Qui donc, pensez-vous, a gardé intactes à travers les siècles notre religion et notre nationalité ?
Un sentiment, un désir n’entrent dans la conscience qu’en forçant une résistance dont ils gardent l’empreinte et qui les déforme. […] Il faut garder à la pensée de Freud sinon un certain vague, du moins une certaine généralité pour bien en comprendre toute la valeur. […] Mais il faut se garder de trahir par trop de précipitation l’idée même de Freud, sa conception de la sublimation. […] Mais justement c’est le moment où il s’est trop dit, cet Inconscient, pour avoir gardé aucune fécondité. […] Cet amour était vrai, puisque je subordonnais toutes choses à les voir, à les garder pour moi seul, puisque je sanglotais si, un soir, je les avais attendues.
Gardons-nous bien de confondre le bon ton et le bon goût.
Une place modeste dans une administration publique suffisait à ses besoins ; il la garda jusqu’au jour où il s’aperçut que son indépendance allait en souffrir.
Mais le vice était devenu un besoin d’habitude ; on le garda, et comme on n’avait plus à faire ses preuves, on en usa désormais à son aise, à son loisir, ne le voilant ni même ne l’affichant plus ; on en fut à cette indifférence raisonnée, dernier degré de l’impudeur.
Et puis ce paysan du Danube qui, devenu bourgeois et avocat, sait encore si bien régenter l’illustre sénat assis pour l’écouter, a des moments singuliers où il lui prend une fluxion ou un mal de gorge, comme à Démosthènes, duquel on disait alors qu’il philippisait, et il garde ces jours-là un silence aussi prudent que celui que garda toute sa vie l’académicien Conrart.
Elles scellent entre eux l’engagement mutuel de garder fidèlement cette naïve croyance ; de n’estimer qu’eux au monde ; d’être rogues, dédaigneux, formalistes ; d’être absolus et abstraits ; d’appliquer à tout une étroite et outrecuidante logique ; d’user aveuglément de l’« esprit géométrique » là même où l’« esprit de finesse » serait le plus nécessaire ; de mépriser les autodidactes (si intéressants !)
Le Roi ordonna à son Chirurgien de prendre un soin particulier de Mlle Déon, qui ne put se servir de sa jambe qu’après avoir gardé plus de trois mois le lit.
Soit par douceur de caractère, soit par considération pour son ancien maître, Euripide ne vouloit pas éclater, Il garda toujours les bienséances.
Il a été l’organe d’idées justes, neuves, opportunes le plus souvent, immédiates, qui ont eu leur effet au moment où elles se produisaient ; il a coopéré à l’éducation littéraire de son époque ; ces services de journaliste et d’écrivain de revue, si essentiels en eux-mêmes et si méritoires, sont depuis longtemps consommés et épuisés : nous, ses contemporains et ses amis, nous en avons mémoire et conscience, notre devoir est de les rappeler et de les mentionner ; mais nous ne saurions exiger des nouveaux venus de s’en former la même idée et d’en garder la même reconnaissance que nous. […] Il voulait, dit-on, les unir, les coordonner suivant les matières pour en former un volume nouveau : il aurait mieux fait de suivre simplement l’ordre des dates et de recueillir tout ce qui avait gardé de l’intérêt. […] Il faut se garder d’oublier son Histoire des Marionnettes (1852), qui promet pourtant un peu plus qu’elle ne tient.
Louise, en terminant, allait au-devant des objections, et, s’adressant au cœur des personnes de son sexe, elle faisait noblement appel à leur indulgence : Ne reprenez, Dames, si j’ai aimé,… Et gardez-vous d’estre plus malheureuses. […] Le silence que Louise a gardé dans les dix dernières années de sa vie et le soin qu’elle prit, dans sa publication de 1555, de marquer à plusieurs reprises que ces petits écrits ont été composés depuis longtemps et que ce sont œuvres de jeunesse, pourrait faire conjecturer qu’elle entra à un certain moment dans un genre de vie un peu moins ouvert à la publicité. […] Qui nous dit même que l’ode légère d’Olivier de Magny (1559) n’est pas du fait d’un ami brouillé qui gardait quelque rancune au mari ?
. — Quand un corps a gardé dans sa main les cordons de sa bourse, il obtient bien des complaisances ; elles sont l’équivalent de l’argent qu’il accorde. […] Bref, grosses ou petites, les quinze cents sinécures ecclésiastiques à nomination royale sont une monnaie à l’usage des grands, soit qu’ils la versent en pluie d’or pour récompenser l’assiduité de leurs familiers et de leurs gens, soit qu’ils la gardent en larges réservoirs pour soutenir la dignité de leur rang. […] Ici encore la noblesse s’est laissé dérober l’autorité, l’action, l’utilité de sa charge, à condition d’en garder le titre, la pompe et l’argent109.
Elle ne se souvenait pas du jeune royaliste inconnu de 1815 qui gardait la porte de son palais ou qui escortait à cheval la fuite nocturne de son oncle sur la route de la Belgique ; mais elle lisait dans les Girondins le 10 août, la tour du Temple, le 21 janvier, le cachot de la Conciergerie, le martyre royal de sa mère disculpée et sanctifiée par les larmes de l’Europe, et le peintre qui avait déversé tant d’horreur sur ces supplices, tant de pitié sur ces victimes, ne lui apparaissait pas comme un sacrilége, mais comme un vengeur. […] L’Assemblée constituante se serait bien gardée de placer aux frontières de la France les bornes de ses vérités et de renfermer l’âme sympathique de la Révolution française dans un étroit patriotisme. […] « S’agit-il de se conserver, de se reproduire, de se développer dans cette espèce de végétation lente et insensible que les peuples ont comme les grands végétaux ; s’agit-il de se maintenir en harmonie avec le milieu européen, de garder ses lois et ses mœurs, de préserver ses traditions, de perpétuer les opinions et les cultes, de garantir les propriétés et le bien-être, de prévenir les troubles, les agitations, les factions : la monarchie est évidemment plus propre à cette fonction qu’aucun autre état de société.
C’est la rosée du matin que le soleil du jour n’a pas encore pompée, et qui même après qu’elle a été bue par les rayons, laisse au fond du calice quelques gouttes mal séchées qui gardent encore un arrière-goût de rose mouillée. […] Telle que celle-ci : Comme parloye, erroient dans la prairie Blancs agnelets, broustant l’herbe flourie ; De rame en rame oysillons voletoient, Et du printemps le retour se contoient En sy doulx airs, que n’auroit peu s’eslire Cil qu’eust Linus accordé sur sa lyre ; Plus loing sembloit appendue au roschier La chefvre folle ; et bergers d’approschier, Prompts à garder de l’alme nourriciere, Des arbres nains la seyve printaniere. […] Elles ont et elles garderont dans ma bibliothèque le rang qu’un souvenir garde dans ma mémoire et qu’une impression pathétique a dans mon cœur.
Le Napoléon de Béranger a gardé plus de croyants que je ne l’eusse imaginé. […] Et ce jour-là nous nous garderons de suspecter sa bonne foi, même si nous remarquons qu’en pareille matière la sincérité du neveu de l’empereur doit être exposée à plus de tentations que celle du philosophe sans aïeux. […] Je veux bien (quoique, après tout, cela ne soit nullement prouvé) qu’elle ait été déçue soit dans son amour, soit dans son ambition ou sa vanité ; je veux qu’elle en ait gardé du dépit, et qu’elle ait vu Napoléon d’un tout autre œil qu’auparavant.
*** Nous nous sentons ainsi au terme des seuls développements dont nous avons voulu élargir le texte des Principes, — auquel il nous plut de garder un sens et une atmosphère ainsi que rares, et la sensation de vertige qui émane de l’Essence… De l’entier développement toute la poétique mouvance, maintenant l’épandra en dramatique diaprure des natures et des êtres l’Œuvre qui prit âme en mon esprit en même temps que la Méthode, dont (au titre générique de Œuvre) elle sort. […] En quoi, il eût été le plus hautement et évolutivement propre aux intellectuelles spéculations, tandis que par la phonalité (et par le sens du Rythme, qui, nous le verrons, ne s’en peut séparer), il aurait gardé l’émotivité et le mouvement même de la sensation traduite primordialement parle cri. […] L’émotion a produit l’expression phonétique, et le souvenir l’a gardée et reproduite en la nuançant.
dans une de ces chambres de domestiques, où le soleil, donnant sur une tabatière, fait l’air brûlant comme en une serre chaude, et où il y a si peu de place, que le médecin est obligé de poser son chapeau sur le lit… Nous avons lutté jusqu’au bout pour la garder, à la fin il a fallu se décider à la laisser partir. […] ……………………………………………………………………………………………… Au milieu du dîner rendu tout triste par la causerie qui va et revient sur la morte, Maria, qui est venue dîner ce soir, après deux ou trois coups nerveux du bout de ses doigts sur le crêpage de ses blonds cheveux bouffants, s’écrie : « Mes amis, tant que la pauvre fille a vécu, j’ai gardé le secret professionnel de mon métier… Mais maintenant qu’elle est en terre, il faut que vous sachiez la vérité. » Et nous apprenons sur la malheureuse des choses qui nous coupent l’appétit, en nous mettant dans la bouche l’amertume acide d’un fruit coupé avec un couteau d’acier. […] Joubert, l’auteur des Pensées, n’avait pas cette servile préoccupation du suffrage universel en matière de style, quand il adjurait Mme de Beaumont de recommander à Chateaubriand « de garder avec soin les singularités qui lui étaient propres » et « de se montrer constamment ce que Dieu l’avait fait », corroborant ce brave conseil par cette curieuse phrase : « Les étrangers… ne trouveront que frappant, ce que les habitudes de notre langue nous portent machinalement à croire bizarre dans le premier moment. » Et parmi le déchaînement de la critique, c’est encore Joubert, qui engage l’écrivain, attaqué dans les modernités de sa prose nouvelle, à persister à chanter son propre ramage 17.
Déjà Victor Hugo, le père de bâtards qui devraient, quand il les regarde, lui faire honte de sa paternité, nous avait donné le prêtre amoureux, Claude Frollo ; mais, tout en le traînant dans la fange enflammée de sa passion pour une coureuse de places publiques, il lui avait gardé sur son énorme front chauve un rayon d’intelligence qui, du moins, tout coupable qu’il apparaissait, faisait reculer le mépris. […] Zola croit peut-être ne l’avoir gardée que pour sa bucolique, — à la Daphnis et Chloé, — mais dont le Daphnis est un curé, ô ridicule immense ! […] Zola, ce ne sont que détails pareils, subtils et dégoûtants, saillant, avec un raffinement ordurier, même sur le fond de fumier et de fiente où il pose triomphalement sa favorite Désirée, — laquelle, du reste, n’est là que pour justifier ces manières de peindre et peut-être aussi pour lancer le mot de la fin de ce livre immonde, — aussi bien sous les roses de son Paradou que sur le fumier de sa basse-cour… Ce mot de la fin, je me garderai bien de l’oublier, parce qu’il donne en une fois l’idée de l’abjection intégrale du livre de M.
Son caractère en garda une dignité singulière. […] Il faut croire qu’il en garda quelque rancune contre la Compagnie, où d’ailleurs il ne s’acclimata jamais bien. […] Hugo semble s’y garder soigneusement de tout ce qui l’y dépenserait. […] De cette conversation et de quelques autres, j’ai gardé un souvenir vif et durable. […] Elle peut garder son attitude foncière et se permettre les gestes les plus divers.
Mme de Staël apparaissait par intervalles, et, j’ai gardé le nom plus glorieux pour le dernier, c’est là que Chateaubriand connut les premiers enivrements du génie reconnu. Tous ceux qui ont traversé ce petit monde en gardèrent un souvenir qui ne s’effaça jamais. […] De leur jeunesse ils avaient gardé le goût des idées générales sans lequel la causerie dégénère en médisance mesquine ou en bavardage futile. […] La rapidité foudroyante avec laquelle lui avaient été enlevés tous les siens, lui enseignait à ne rien négliger des tendresses qu’elle pouvait inspirer et garder encore. […] Joubert, au contraire, n’avait gardé de l’ensevelie de Saint-Louis des Français que des souvenirs d’une pure, d’une suave poésie.
De guerre lasse, enfin, il s’est mis à l’étude : il sait les langues, il sort même d’Europe, il explore l’Inde et voyage de temps en temps en Chine… par les livres, s’entend ; on le croit revenu de sa chimère ; on le prend en estime, on est près de le féliciter… Gardez-vous en bien ! […] Au soir, en s’en revenant, comme il faisant froid et que l’abbé, en petite redingote grise, n’avait pas de manteau, Janin lui jeta le sien et l’obligea de le garder. […] Molé : « Mais, en le réfutant, je me suis bien gardé de le nommer, disait-il l’autre jour chez la princesse de Craon ; je me suis souvenu que Corneille et Racine avaient donné l’immortalité à certains critiques en les nommant. » — Il a dit cela sans rire. […] Mais gardons-nous de la nier. […] Je les avais gardés pour moi seul, ne sentant aucun juge véritable auprès de moi.
Ce plan, il se garda bien de l’avouer à personne, de peur qu’on ne soufflât sur sa chimère : les aventureux craignent les conseils. […] XX On comprend, sans qu’il soit besoin de le dire, que l’envoyé du roi de Sardaigne en Russie se garda bien de consulter sa cour sur une si étrange hallucination de sa propre politique ; la cour proscrite, mais scrupuleuse, de Cagliari aurait, au premier mot, désavoué et rappelé son ministre. […] Le comte de Maistre en eut le pressentiment sans doute, car il garda un profond silence, silence très répréhensible, envers sa cour sur ces aventures de diplomatie très compromettantes pour ceux dont il était censé être le diplomate. […] Il a jugé à propos, au reste, de garder un silence absolu sur cette démarche ; car je n’ai nulle preuve qu’il en ait écrit à son ambassadeur ici, et je suis sûr qu’il n’en a pas parlé au comte Tolstoï à Paris.
S’il le compte pour le premier des rois de France, c’est surtout pour obéir à la tradition et pour suivre l’ordre qui a été gardé jusque-là par les historiens. […] Il sait y faire entrer les circonstances qui parlent et qui animent un récit : « Quand il allait par les champs, dit-il de Louis XII, les bonnes gens accouraient de plusieurs journées pour le voir, lui jonchant les chemins de fleurs et de feuillages, et, comme si c’eût été un Dieu visible, essayaient de faire toucher leurs mouchoirs à sa monture pour les garder comme de précieuses reliques. » J’essaie, en ramassant tous ces exemples, de donner l’idée et le sentiment du genre de mérite et de charme que je trouve au style ou plutôt à la langue et à la touche éparse de Mézeray ; il me reste à insister sur ses parties sérieuses d’historien, et aussi à traiter des originalités ou bizarreries de l’homme.
Les émigrés, selon lui, ont emporté l’honneur (dans le sens royaliste) ; les rebelles n’ont gardé de leur nation que l’intelligence et le courage : il oublie que ces rebelles, qui sont à peu près tout le monde, ont, de plus, gardé intact le sentiment de patrie.
que de mesures à garder du côté de la bienséance et de la gloire ! […] Massillon abonde un peu trop en ce sens ; il n’y apporte aucun correctif ; il ne maintient pas le coin de fermeté, et il faut avoir gardé quelque chose du rêve de la monarchie pastorale selon le xviiie siècle pour s’écrier avec Lémontey : « Le Petit Carême de Massillon, chef-d’œuvre tombé du ciel comme le Télémaque, leçons douces et sublimes que les rois doivent lire, que les peuples doivent adorer !
Il comprit à première vue qu’il n’y avait que la prose qui pût suffire à embrasser ainsi et à porter à l’aise tous ces événements, et, malgré la facilité tout ovidienne qu’il avait à rimer, il se garda bien d’imiter Philippe Mouskes, l’évêque de Tournai, et d’aller emprisonner sa Chronique dans des rimes. […] Néanmoins on ne saurait dissimuler que, surtout dans ses premiers livres, il ne penche visiblement pour l’Angleterre dont il avait tant à se louer et de laquelle lui venaient pour cette première partie la plupart de ses renseignements : et ce faible pour elle, il l’a gardé toujours.
Son défaut particulier, c’est de garder un reste de Scaliger en français, d’avoir des paroles qui sentent leur xvie siècle, de dire à ses adversaires qu’ils ne savent ce qu’ils disent, et de citer M. […] La Motte eut (toute proportion gardée) le genre de succès de Fénelon répondant à Bossuet dans ce grand duel théologique qui fit tant d’éclat.
Le duc de Chevreuse, comme la comtesse de Grammont, était un ancien élève de Port-Royal ; mais, à la différence de la comtesse, il n’en avait rien gardé dans le cœur. […] Il perd le duc de Chevreuse ; il se plaît à garder autour de lui, à Cambrai, les petits-enfants de ce seigneur, les fils du duc de Chaulnes, à s’entourer de toute cette petite jeunesse.
On trouverait de quoi justifier l’une et l’autre de ces opinions, à condition que la première l’emportât en définitive, et que le génie de Bossuet, là comme ailleurs, gardât le plus haut rang. […] Il n’y a nul doute que, si Bossuet avait poursuivi cette carrière de sermonnaire qu’il remplit de 1661 à 1669, il n’eût gardé le sceptre et que Bourdaloue ne fût venu dans l’estime générale qu’après et un peu au-dessous.
Mlle de Joyeuse devint la marquise de Brosses, et Maucroix, soit à Paris où il était allé se distraire, soit de retour à Reims où il retrouva l’objet de son mal, gardait un beau reste d’attache et de sentiment. […] Les défauts de Maucroix, comme ceux de La Fontaine, étaient purement naturels, et jusque dans leur malice ou leur licence gardaient de la bonhomie.
Il gardait au cœur, en toutes ses licences, un coin de puritain qui persista sans jamais tuer le vieil homme, et qui gagna seulement avec l’âge. […] Voilà Monsieur (le duc d’Alençon) chef de ceux qui ont gardé votre berceau… N’êtes-vous point las de vous cacher derrière vous-même, si le cacher était permis à un prince né comme vous ?
Il y portait une gaieté de réfectoire qu’on se gardait bien de lui ôter, et qui tranchait avec les délicatesses de ce monde poli. […] Cette prévention où étaient les médecins les obligea à lui donner par deux fois de l’émétique, qu’il garda toujours très fidèlement ; remède entièrement contraire à son mal, qui était, comme on l’a depuis reconnu, une inflammation au bas-ventre.
Chez les Latins, Catulle est resté fidèle à l’esprit grec ; il eut l’épigramme simple, naïve, passionnée même ; mais, à partir de Martial, elle prit un autre caractère, le caractère qu’elle a gardé chez les modernes, pour qui l’épigramme antique et à la grecque aurait trop peu de sel et de saveur. […] Il correspondait volontiers avec le Mercure galant : « Un peu de critique, disait-il, exerce l’esprit et raffine le goût, et j’en use ainsi pour ma propre instruction dans toutes les nouveautés qui me tombent entre les mains. » Il avait gardé des relations avec l’évêque de Fréjus, le cardinal de Fleury ; il l’appelait son patron et son protecteur, et lui adressait de temps en temps des vers.
L’armée qu’on lui donnait présentement à conduire avec le titre de lieutenant général était plus considérable ; il n’en devait garder qu’une partie. […] Qu’on l’aide un peu du côté de France, qu’on le renforce d’infanterie et de cavalerie pour garder les passages, qu’on le secoure surtout d’argent, ce nerf de la guerre, et plus nécessaire encore au pays des Grisons ; que le duc de Savoie aussi veuille bien l’épauler, et Rohan, à la tête de 4000 hommes de pied et de 500 chevaux, son idéal de petite armée, répond d’entrer dans le Milanais avec des desseins tout mûris, de s’emparer de Lecco et de Côme, et maître de tout le lac, ruinant le fort de Fuentes qui en est la porte du côté de la Valteline, de condamner les Allemands à n’avoir plus que le passage du Saint-Gothard pour entrer dans le nord de l’Italie.
On conjecture que, né dans un village près de Dourdan, il fut élevé à la campagne ; car il garda toujours de la nature une impression vive qu’il a exprimée avec bonheur, et il porte à l’homme des champs, pour l’avoir vu de près à la peine, un sentiment de compassion et d’humanité qu’il a rendu d’une manière poignante. […] Le ressentiment qu’il en a gardé se laisse voir en maint endroit de son livre, et s’y marque même parfois avec une sorte d’amertume.
On avait vu, à propos du Béranger des Familles, descendre des hauteurs où il se tient d’ordinaire, et se lancer dans l’arène, un esprit fin, délicat, élevé, un peu dédaigneux, une intelligence aristocratique, et qui a gardé des abords du sanctuaire et du commerce des Prophètes l’habitude du respect et une sorte de démarche religieuse jusque dans la suprême philosophie. […] Il n’en gardait pas copie d’abord, et il semble qu’il y tenait assez peu ; c’est pendant une maladie du peintre Guérin, l’un de ses amis, et en passant les nuits à son chevet, en 1812, qu’il eut l’idée, pour la première fois, de recopier ses anciennes chansons ; il s’en rappela ainsi une quarantaine : il y en eut de perdues et d’oubliées.
Ses maîtres l’appréciaient fort, et si une telle analyse ne nous échappait ici par son détail et sa ténuité, on pourrait faire remarquer qu’ils lui laissèrent chacun quelque chose de leur empreinte ; il gardait non seulement de leur influence, mais de leur forme, de leur pli. […] Il avait gardé de cette disposition comme journaliste et devant le public, et c’est peut-être une des conditions du métier.