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1291. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Il faut connaître leurs défauts, tantôt les ménager, tantôt les dominer ; mais se bien garder de cet amour-propre qui, accusant une nation plutôt que soi-même, ne veut pas prendre l’opinion générale pour juge suprême du talent.

1292. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Nous n’avons réussi en ce genre qu’à fabriquer de jolies machines en carton vernissé, bonnes à garder sous verre à titre de curiosités historiques.

1293. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Rien ne pourra se faire tant que le monde gardera sa souveraineté ; le monde ayant disparu, les règles ne se soutiendront plus : mais rien n’aboutira tant que la langue littéraire ne sera pas refondue.

1294. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Ceux qui ne gardaient aucune attache avec la religion portaient dans le culte de l’humanité, dans l’amour du progrès même industriel, un enthousiasme d’apôtres, des dons étranges d’attendrissement sentimental et du ravissement mystique.

1295. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Brunetière : il ôtait à leurs idées ce qui en faisait des systèmes, il en gardait ce qui donnait moyen d’interroger, d’embrasser le plus de réalité possible.

1296. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Il en garda sans doute une impression favorable, car plus tard il défendit Jésus contre les préventions de ses confrères 622, et, à la mort de Jésus, nous le trouverons entourant de soins pieux le cadavre du maître 623.

1297. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

On se gardera, d’ailleurs, de vouloir, par un amour périlleux de l’unité, concentrer tout un caractère dans une seule faculté.

1298. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Il s’est bien gardé de prendre ce mot dans le sens qu’un amateur des modernes lui eût probablement donné.

1299. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

L’empirisme garda le sceptre du roman.

1300. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Dans cette situation, l’observateur, quel qu’il soit, pour peu qu’il se soit livré quelquefois à la publicité, doit, s’il veut conserver entière son indépendance de pensée et d’action, garder l’incognito comme s’il était quelque chose et l’anonyme comme s’il était quelqu’un.

1301. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Garder son libre arbitre dans cette dilatation, c’est être grand.

1302. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Je me ferai ton ange ou me ferai ta chienne,                          Et, tienne, Je consens à souffrir et consens à mourir Dans l’holocauste heureux de mon être asservi, Si la souffrance de mon âme doit t’orner de joie, Si la mort de ma chair doit te garder la vie !

1303. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

En d’autres païs, comme dans le roïaume de Naples, il est presque un animal féroce duquel il faut se garder avec attention.

1304. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Mais une fois ces types constitués, il y aura lieu de distinguer dans chacun d’eux des variétés différentes selon que les sociétés segmentaires, qui servent à former la société résultante, gardent une certaine individualité, ou bien, au contraire, sont absorbées dans la masse totale.

1305. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Je crois pourtant que c’est à distance égale ou à peu près de ces deux heureux qu’il faut être et tâcher de se maintenir, pour garder cette liberté d’esprit qui est le bonheur intellectuel véritable.

1306. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

L’empire russe depuis le congrès de vienne5 I Quoique l’influence des circonstances politiques meure au seuil des ouvrages de critique purement littéraire, il n’est pas moins vrai qu un livre sur la Russie publié à cette heure doit attirer vivement l’attention… En effet, solitairement et pour son propre compte, la Russie, ce colosse de neige, sort enfin de l’énigmatique immobilité qu’elle a gardée pendant quarante ans vis-à-vis de l’Europe, et qui était peut-être tout le secret de la fascination qu’elle exerçait sur les esprits.

1307. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Ainsi, tout d’abord et sans conteste, telle est la grande place que prend et gardera le livre de l’Empire Chinois dans la littérature historique de l’Europe.

1308. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

III Nous l’avons dit déjà, ce qui brille et se voit d’abord dans le style du capitaine d’Arpentigny, ce qui lui communique pour nous un charme vainqueur, — et ce mot de romance va bien ici, — c’est le reflet militaire qu’il a gardé de sa jeunesse !

1309. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Puisque Véron a tant parlé d’ouvrier et tant félicité Buloz d’en être un, disons que Buloz en a gardé l’air et la tenue.

1310. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

— au sortir de leurs rêveries gardèrent en eux ce grand et précoce amour du Dieu qui les fît plus tard des Saints l’un et l’autre.

1311. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Gaston Boissier s’est bien gardé de poser une thèse carrée et retentissante.

1312. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Le comte de Gasparin était, malheureusement, protestant, — mais nous arrivons à ce moment épouvantable dans les croyances et dans les mœurs, où ceux qui ont gardé, à travers toutes les méconnaissances, toutes les erreurs et toutes les révoltes, un pauvre atome de foi chrétienne dans leur esprit et dans leur cœur, ont, de cela seul, une supériorité relative qui les met bien au-dessus de la tourbe des écrivains de la libre incrédulité.

1313. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Caro s’est bien gardé d’une vue si superficielle et si confiante.

1314. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

Elle y avait gardé ce défaut, qui n’empêchait pas mademoiselle de Retz d’être charmante et d’être aimée de son cousin le cardinal.

1315. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Les larmes que les yeux de l’homme ont pleurées gardent la chaleur du cœur qui les répandit, et quand ce sont les yeux d’un homme de génie, elles se réchauffent encore, pendant des siècles, à la chaleur généreuse de celles qu’elles font verser !

1316. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Gozlan avait longtemps vécu dans l’intimité de Balzac, comme il était allé je ne sais où en Afrique sur un vaisseau négrier, et il avait gardé ces deux coups de soleil : l’impression de Balzac sur sa pensée, la lumière d’Afrique dans ses yeux ; il s’était doré à ces deux choses.

1317. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

D’organisation et d’habitude, elle a peut-être gardé d’un passé qu’on ignore je ne sais quelle pente vers les choses qui préoccupent et dominent la pensée et l’imagination de son temps ; peut-être même que sans l’amour, avec toutes les notions fausses qui circulent présentement autour de nos têtes, dans ce misérable siècle égaré, elle aurait incliné, elle aussi, vers le bas-bleuisme universel.

1318. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Je n’ai gardé, je l’avoue, de la Belle au bois rêvant qu’une vision incohérente et vague. […] Il crie aux prétoriens qui le gardent ; « Vous avez été mes amis. […] Tout se passe à souhait : Sylvette crie, Percinet accourt l’épée haute ; les ruffians s’évaporent ; Straforel tombe transpercé ; Sylvette se jette dans les bras de son sauveur ; le bonhomme Bergamin n’a pas le courage de l’en arracher ; il dit au jeune héros : « Gardez-la », et tend la main à son vieil ennemi Pasquinot. […] Les familles de l’aristocratie républicaine marient entre elles leurs enfants, commencent à se garder des mésalliances. […] Rien ne la fera parler : elle sacrifiera son honneur et sa vie, s’il le faut, pour garder un secret d’où dépend l’honneur d’une autre femme. « Inutile de discuter : ce sont là de ces sentiments féminins que les hommes ne peuvent pas comprendre.

1319. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il gardait, dans son renoncement, l’amour de la littérature. […] » Sans doute par un souci excessif de garder une certaine unité et harmonie de ton. […] Par qui votre maison a-t-elle été gardée ? […] Durant quatre actes sur cinq, Bajazet est gardé à vue. […] Lorsque Phèdre a découvert qu’Hippolyte aime Aricie, elle la fait arrêter et « garder dans son cabinet ».

1320. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

J’admire son haut et tranquille dédain des agitations contemporaines ; comme lui, je pense que la foi des anciens jours, qui fait encore des martyrs et des prophètes, est bonne à garder et douce aux hommes à l’heure de la mort. […] Plutôt, gardons la tradition de nos pères, qui semble un peu nous prolonger nous-mêmes en nous liant plus intimement aux hommes passés et aux hommes à venir. […] Tandis que, pour ma mère, j’ai presque gardé intactes mes croyances d’autrefois. […] Heureux l’homme en qui survit ainsi l’enfant et qui a conservé un cœur assez jeune pour y garder les douces espérances de l’au-delà ! […] La Bastille ne fut pas prise, mais ouverte par douze soldats invalides qui la gardaient sans la défendre, qui se rendirent et furent massacrés.

1321. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Nous l’avons gardée, en la poussant au noir. […] Au moment du coup d’Etat, Abner a laissé faire et a gardé son commandement. […] Henri III pourrait garder du moins l’intérêt d’un document littéraire. […] elle peut garder son titre, il ne s’y reconnaîtra pas davantage. […] Jupillon vient emprunter à Germinie les quarante francs qu’elle avait gardés pour faire ses couches.

1322. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Il est absurde, parce qu’il demande aux époux une fidélité qu’il n’est pas en eux de garder. […] Si, dans ces derniers romans, l’auteur a déserté sa vieille théorie du triomphe du mal, il a gardé le goût de la peinture du mal. […] Garderait-on quelque scrupule sur la vraie pensée de l’auteur ? […] Ces questions, pleines de tempêtes, ne sont point de notre sujet, et pour bien des raisons nous nous garderons d’y toucher. […] En matière aussi grave, il faut se garder des exagérations.

1323. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Il n’a pas compris, surtout, que la manie de rimer donne à Marie un certain ridicule dont elle devrait, telle qu’elle est, se garder passionnément. […] On ne peut pas se garder de cela plus que de l’influenza. […] Aurait-on gardé mon souvenir ainsi que j’avais traversé mes épreuves ? […] Cette partie était gardée par Chateaubriand très secrètement, avec un soin jaloux ; il ne la communiquait à personne, absolument à personne. […] Dans ces conditions il garda une neutralité, moitié bienveillante, moitié dédaigneuse.

1324. (1923) Au service de la déesse

Des Grieux, qui a tant fait que de partir avec elle, pour l’amour d’elle, veut la préserver ; il n’a qu’un moyen de se déclarer son défenseur et de la garder : c’est de se dire son mari. […] Il gardait la sûreté de son jugement, sa clairvoyance et une sévérité judicieuse. […] Ils nous donnaient à aimer de bons sauvages doux et obligeants, que la civilisation n’avait pas contaminés et qui gardaient les ravissantes vertus de l’âge d’or. […] Gardons la mesure. […] J’en doute, quitte à le fâcher, quand je lis cette page de lui : « La Flandre gardait de très vieux métiers.

1325. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Comment garder dans un pareil taudis, nourrir d’andouilles gâtées et de pommes de terre une femme accoutumée au bien-être ? […] Gardez tout le bien ; il vient de vous, il me serait odieux. […] Augier a gardé l’optimisme du dix-huitième siècle et des hommes de la Révolution française. […] Enfin, il a été son amant ; ils ont gardé ensemble, si j’ose m’exprimer ainsi, les porcs de l’Écriture ; cela est un lien. […] Il paraît orgueilleux et dur, il a gardé son assurance et sa sécheresse d’homme d’esprit et d’homme fort.

1326. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Sans doute, il ne faut être la dupe de personne, c’est le principe d’une sage critique ; mais il faut aussi garder une mesure. […] Molinier ne l’a pas toujours gardée dans son introduction ; il ne l’a pas gardée non plus dans son commentaire ! […] Pradon n’est pas seulement responsable et coupable d’avoir osé refaire une tragédie de Racine ; il est responsable encore de ce silence de douze ans que garda le poète. […] Aux grands de la terre il est incapable de garder rancune. […] Vingt autres, en sa place, eussent même gardé l’implacable rancune des leçons qu’il avait déjà reçues.

1327. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Mais je me garderais d’en troubler le cours. […] Ils se gardent d’exprimer le sens caché des choses, de nous faire pressentir l’énigme derrière les contingences. […] Il a donc pu, sans contrainte, se garder de l’influence norvégienne, comme de la conception pionne de l’idéal marseillais. […] Un de mes plus grands étonnements — j’en éprouvai plusieurs — fut le silence prudent qu’ont gardé et que gardent encore avec ensemble les plus ou moins autorisés de nos « donneurs d’immortalité » autour de l’œuvre, pourtant significative, d’Adrien Mithouard. […] Gardons-nous de prendre ce mot idéal pour un lieu métaphysique.

1328. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

S’il y avait de ces critiques infaillibles, il y aurait de ces ouvrages dont nous parlions tout à l’heure, de ces chefs-d’œuvre sur lesquels la critique ne peut rien, et nous appartiendrions à ce monde paradisiaque de l’intelligence dont il faut garder le rêve pour une vie meilleure que celle-ci. […] S’il crée l’intéressante figure de Marguerite, il se gardera pourtant de nous la montrer sous une forme trop angélique. […] Gardons-nous d’imiter les jugements étroits et les absurdes proscriptions du catholicisme, en rejetant du sein de notre nouveau temple les grands hommes dont les formules ne s’accordent pas encore avec notre orthodoxie idéaliste. […] N’imitons pas le pape ; gardons-nous de railler les victimes. […] Je les ai tous gardés, et je regrette de ne pouvoir les publier.

1329. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Je leur dirai combien…Non, je te le défends ; Gardons-lui toujours pur l’amour de ses enfants ! […] À coup sûr, si l’on voulait poursuivre la comparaison, on trouverait, toute proportion gardée, les Brutus et les Cassius bien inférieurs au César. […] J’admire le sacrifice de Georges, pouvant, sans manquer à la loi, garder la fortune de sa mère, et n’écoutant que la voix de l’honneur, qui lui ordonne de payer à tout prix les dettes paternelles. […] Théophile Gautier en tête, n’ayant pas les mêmes ménagements à garder avec cette filiation poétique et déjà lointaine qui rattachait M.  […] Permettez-moi, avant de finir, ce court plaidoyer pro domo mea ; l’humilité est une vertu, l’humiliation est un malheur : gardons l’une, et tâchons d’amoindrir l’autre.

1330. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Ce penchant trop longtemps gardé est un signe de petit esprit, je l’avoue ; on ne doit pas passer tant de temps à inventer des centons ; Addison eût mieux fait d’élargir sa connaissance, d’étudier les prosateurs romains, les lettres grecques, l’antiquité chrétienne, l’Italie moderne, qu’il ne sait guère. […] Ce sont des lettres de toutes sortes de personnages, ecclésiastiques, gens du peuple, hommes du monde, qui chacun gardent leur style et déguisent le conseil sous l’apparence d’un petit roman. […] Quand il va au théâtre, il munit ses gens de gourdins pour se garder des bandits qui, à son avis, doivent infecter Londres.

1331. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Dans un angle est placée une boîte à cases numérotées qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses, de chaque pensionnaire. […] Elles veulent me combler de toutes sortes de cadeaux ; je les en empêche, je leur dis : Gardez donc votre argent ! […] M. de Chessel disait la vérité, mais un hasard heureux semble si fort cherché que madame de Mortsauf garda quelque défiance ; elle tourna sur moi des yeux froids et sévères qui me firent baisser les paupières, autant par je ne sais quel sentiment d’humiliation que pour cacher des larmes que je retins entre mes cils.

1332. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Pour les places militaires, les nobles seront préférés, et pour la magistrature, ils passeront avant les roturiers, à mérite égal, avec le droit de garder l’épée. […] En enseignant le pur amour, il croyait rester orthodoxe ; de même, en composant une peinture des rois absolus avec des traits pris à Louis XIV, il croyait avoir gardé les égards et la reconnaissance. […] Tant de périls qui nous sont signalés par ce livre, tant d’embûches, tant d’issues si surprenantes des desseins les mieux calculés, tant d’attention à avoir sur soi-même pour se garder des autres et de soi, tout cela nous ferait haïr le monde, ou nous en donnerait trop de crainte, si en même temps, par la beauté du spectacle des choses humaines, par la douceur que Fénelon a su attacher à l’activité, au devoir, aux victoires remportées sur soi, au bien qu’on fait, à l’espérance, on ne se sentait porté d’une généreuse ardeur à affronter les combats qui nous y attendent.

1333. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Mais on se garda bien de poser cette alternative. […] Zola avait dépassé la moyenne ; qu’il était déjà trop en évidence ; qu’il fallait bien se garder d’accorder une distinction à un homme qui fixait déjà tous les regards, faisait le sujet de toutes les discussions. […] nous nous garderons bien de trouver infâmes des actions qu’on nous peint toutes roses, de trouver sales les crimes poétiques que vous nous représentez !

1334. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Il a eu une jeunesse fiévreuse, une jeunesse aimant les coups, les trimballements dans les milieux canaille, une jeunesse qui a longtemps gardé, selon son expression, les vagues retardataires, les dos de monstres de la mer après une tempête. […] Je lui dis qu’il faut bien se garder de les atténuer, qu’un des caractères de ce siècle, c’est la petitesse des hommes dans la grandeur et la tourmente des choses ; que s’il veut le faire absolument supérieur, il fera un Maxime de Trailles, un de Marsay, il construira enfin une abstraction. […] Je lui adresse la parole, il sort comme des aboiements, et rien que des espèces d’aboiements du vieil homme mourant, et qui n’a gardé un reste de vie, que pour la jouissance furieuse de sa manie.

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