C’est que ceux-ci ont vraiment aimé les humbles et les dédaignés, cette foule anonyme et obscure, que le grand art, l’art officiel et d’apparat, si l’on peut ainsi dire, avait rayée de ses papiers.
Il a une confiance entière dans les oracles de la Pythie et dans une foule de légendes naïves. […] « J’ai vu souvent, dit-il, la foule hésiter devant ces masses énormes de l’architecture gothique, se demandant si elles sont vraiment belles. […] On lui a reproché d’expliquer les religions exclusivement par l’imposture des chefs et la sottise des foules. […] Invectives fréquentes de Schiller contre les Schlegel : Goethe n’en est pas fou, mais objecte qu’ils servent utilement les lettres contre une foule de sots, de médiocres et de pieds-plats. […] Les foules romanesques et les poètes s’intéressent de préférence aux amours jeunes et coupables, ou au moins traversées.
Comment auraient-ils daigné s’assujettir aux maîtres des humains, eux qui ne se soumettaient pas même aux passions de la foule de leurs sujets, par lesquels ils furent presque tous injuriés ou proscrits de leur vivant, et même déprimés longtemps après leur mort ? […] Nous plaignons le malheur parce qu’il rappelle les âmes à la modération et aux vertus : nous haïssons les passions de la prospérité, parce qu’elle foule les lois et la faiblesse à ses pieds dans le triomphe qui l’étourdit et qui l’aveugle ; de là naît le sentiment unanime qui nous fait aimer et embrasser la cause de tous les vaincus ; de là naissent l’aversion et les mépris universels pour les férocités qui souillent la gloire de tous les vainqueurs. […] Les voilà marchant dans l’ombre, et cherchant à travers les dangers, et dans la foule des morts, le précieux cadavre de leur maître. […] Les six derniers chants seront destinés aux images de la guerre, et se rempliront d’une foule d’incidents tantôt pathétiques ou gracieux, tantôt majestueux ou terribles. […] Leur masse, agglomérée par les temps, contribuerait plutôt à l’ensevelir qu’à le rehausser : rejetons-la pour un moment dans l’oubli ; dégageons l’ouvrage d’Homère de tout ce qu’en ont écrit les rhéteurs ; remontons à lui seul pour mieux l’admirer, et n’atténuons pas le sentiment primitif de ses beautés, en multipliant les impressions secondaires par lesquelles nous fatiguerait la foule de ses interprètes ; renonçons à l’ostentation fastueuse d’un savoir qui ne ferait qu’embarrasser et obscurcir la simplicité de nos aperçus, et parlons de l’Iliade, non d’après ses commentateurs, mais d’après nous-mêmes, et comme si personne, avant nous, n’en eût parlé.
Le reste, la foule, ne compte pas. […] Et il a pensé que le poète moderne doit, comme les grands seigneurs aumôniers du moyen âge, se tourner vers les foules et leur faire largesse de beauté. […] Ici, c’est le cœur de Mérimée, livré tout chaud à la curiosité de la foule. […] » Les hurlements à la mort sont de mauvaises suggestions pour les foules inconscientes. […] Sa renommée a traversé, sans effort, le brouhaha de la foule et les hurlements des camelots.
Hésiode sort de la foule des ombres et des vagues homérides, Il dit : Je suis Hésiode, berger de ce troupeau et citoyen d’Ascra. […] « Le vice, nous dit le poète, il nous est aisé de l’atteindre, même en foule : la roule est unie, et il habite près de nous. […] Une foule menaçante envahit les abords de la maison, et, en une seule journée, les parents retirent plus de deux cents pensionnaires. […] Mais de la foule des voix montèrent qui lui demandaient pourquoi il ne parlait point de prier pour le Roi. […] Tous ses biographes nous le montrent d’une habileté surprenante à se glisser au milieu de la foule sans lever les yeux de son livre et sans heurter personne.
À une foule peuvent être offertes seulement les grosses émotions d’une foule : l’orchestre, jusqu’au jour où il deviendra vraiment invisible où il sera lu en un livre doit se borner à dire uniquement les grandes passions collectives, les blocs d’émotions générales. Ainsi les œuvres orchestrales de Beethoven, au contraire des sonates et quatuors, expriment toujours des états très généraux, revivent l’âme des foules, non d’individus choisis. […] Ils se savaient une race supérieure, étrangère aux vils besoins qui embarrassent la foule. […] Brunetière a mis dans son histoire de la poésie une unité réelle ; il en a fait une façon de biographie, la biographie d’un genre littéraire, poursuivant son chemin tout le long d’un siècle à travers une foule d’aventures et de péripéties. […] J’ai vu reparaître aux Salons de cette année une foule de grands peintres de jadis, depuis le Frère Angélique jusqu’à Corot et Ricard.
La ville tout entière se passionna pour ces recherches ; et un jour que la foule impatiente se pressait devant le Bargello, l’effort des ouvriers fit tout à coup apparaître, dans une ouverture, les traits sévères de Dante. […] La foule y était compacte, et il essaya vainement de se frayer un chemin jusqu’au pont d’Arcole. […] — Sur les sots, répondit Philippe, car ce sont eux qui me nourrissent en venant en foule voir danser mes pantins. […] Toutefois, il se moque des folk-loristes extravagants et de ces disciples outrés de Wolf qui ne voulaient voir dans l’Iliade et l’Odyssée qu’un travail de juxtaposition, entrepris à travers les siècles par une foule d’aèdes anonymes. […] À Venise De Brosses ne manque pas de faire un tour vers la place Saint-Marc, où il se mêle à la foule des promeneurs, composée de robes de palais et de robes de chambre, de manteaux, de Turcs, de Dalmates et de Levantins, hommes et femmes.
Dans le premier volume : la vue intéressante du temple sinthoïste Shimméi avec sa sobre architecture, et le pont de Nihon-bashi avec la foule grouillante qui l’emplit tout le jour. […] Une vue de l’entrée d’un théâtre, avec les têtes de la foule d’hommes et de femmes rassemblés pour entendre le boniment des acteurs sur l’estrade. […] Dans le second volume, voici le pont de Riôgokou, qui joint les deux rives de la Soumida, et que traverse une foule compacte au-dessus de laquelle s’élèvent les lances de l’escorte d’un daïmio. […] Ces préparatifs occupaient toute la matinée où, dès les premières lueurs du jour, se pressaient dans la cour du temple, pour voir exécuter le dessin, une foule de nobles, de manants, de femmes de toutes sortes, de vieillards, d’enfants. […] Une feuille d’un grand caractère : l’exposition d’une tête coupée, regardée par toute une foule.
Il sera donc vrai que ces bureaux de la police ont été pour nous la boîte à Pandore ; tous les maux en sont sortis en foule jusqu’aujourd’hui ; et maintenant l’espérance cachée au fond de la boîte paraît enfin, et c’est vous qui l’accompagnez. […] Annonçant à Fauriel son Commentaire sur Montesquieu, qui n’était qu’une occasion pour lui, disait-il, d’agiter une foule de questions, il écrivait encore avec une grâce aimable, mais cette fois avec une certaine verdeur d’espérance : « Je voudrais surtout ne pas me croiser avec vous ; mais, puisque vous dépendez d’événements lointains, je pense toujours que le mieux est de vous aller chercher. […] En effet, les premières pensées étant une fois trouvées, la nécessité de la rime, quand on se l’impose, suggère une quantité d’autres pensées de détail, et surtout une foule de ces menues images qui sont réputées les élégances d’une composition, et qui achèvent même la pensée principale quand elles n’en détournent pas. […] Il résulte seulement de cette combinaison de soins que l’esprit de l’histoire vit sincèrement dans un sujet de tragédie d’ailleurs populaire, et que Gœthe, par exemple, ou Fauriel, étaient satisfaits en même temps que l’eût été la foule, si elle avait pu y applaudir. […] Si certains faits contenus dans la Dorothée n’allaient pas jusqu’à entacher la jeunesse de Lope, je ne doute point que tout biographe en quête de documents ne s’accommodât volontiers de cette source, qu’une foule d’indices, très-bien relevés par M.
Ritter et une foule d’autres braves gens. […] Que gagne-t-on à dire de naturels désirs, un direct remède, une âme décente, aigri pour aigre, et une foule de choses pareilles ? […] Puis le poète nous transporte dans Jérusalem, sur le chemin du Calvaire, au moment où la foule y conduit Jésus. […] La foule, personnage du drame, accable d’invective sa victime. « La voix de ce peuple, dit Ahasvérus, m’enivre comme une outre de vin du Carmel. […] Il perce, pour arriver à Dieu, la foule des nations qui le maudissent, et sa famille, qui le reconnaît et le bénit.
Paul Voyez dans Shakespeare la foule acclamant Brutus qui a tué César et s’écriant : « Faisons-le César. » On ne résumera jamais mieux les remous de l’opinion publique. […] La foule aime aussi qu’on ait raison et ne pourrait non plus suivre un raisonnement.
Bien souvent c’est injuste : il y a un million de fois plus de génie, plus de vertu, dans tel homme obscur, perdu dans la foule et entraîné avec les autres par le courant dans la mer d’oubli, qu’il n’y en a dans tel demi-dieu, dans tel conquérant, dans tel illustre criminel qui surnage sur cet océan d’hommes. […] L’iniquité est partout ; la mémoire humaine n’est pas démocratique, ou plutôt elle est trop étroite et trop fragile pour contenir et pour garder les peuples tout entiers dans ses annales ; elle s’attache à quelques figures grandioses, pittoresques, pathétiques, culminantes, qui sortent à ses yeux de la foule, et elle en fait l’aristocratie privilégiée de l’espace et du temps.
Sa taille était élégante ; sa tête, dégagée de ses épaules minces, semblait s’incliner de peur d’humilier la foule ; son œil était limpide, sa bouche ferme ; sa physionomie intéressait avant qu’on eût appris son nom ; il y avait dans ses traits cette dignité qui survit aux éclipses du sort. […] Il avait donc été convenu entre nous, par l’intermédiaire d’un ami commun, que nos conversations seraient à double entente ; que nous ne nous regarderions jamais face à face en causant ensemble, mais que nous aurions l’air de nous adresser à un troisième interlocuteur dans la confidence des deux ; que chacun de nous paraîtrait adresser à ce tiers complaisant ce que nous avions à nous dire ; que nous nous entretiendrions obliquement, par ricochet, et que nos paroles, insaisissables ainsi à la foule, ressembleraient à ces projectiles qu’on dirige d’un côté pour frapper ailleurs.
Mireille va et vient dans la foule, semblable à la jeune âme de la maison et de la saison. […] Ô père dur, qui me foules aux pieds, si tu voyais de mon cœur le déchirement et le trouble, tu aurais pitié de ton enfant !
J’y suis quand je veux avec Lamartine, Chateaubriand, Fénelon : une foule d’esprits m’entoure ; ensuite ce sont des saints, sainte Thérèse, saint Louis, patron de mon amie Louise, et une petite image de l’Annonciation où je contemple un doux mystère et les plus pures créatures de Dieu, l’ange et la Vierge. […] Allons encore quelques pas dans cette belle vie, et voyons-la finir comme elle a commencé : dans la douce candeur de la douleur confiante, comme dans la naïve joie de la fleur qui vient d’éclore pour jouir, aimer, souffrir, et embaumer ce qui la foule aux pieds sans la cueillir et sans la voir.
Le plaisir de me sentir libre et de fouler avec mon amie ces mêmes chemins que plusieurs fois j’avais parcourus pour aller la voir ; la satisfaction de pouvoir, à mon gré, jouir de sa sainte présence, et de reprendre sous son ombre mes études chéries, tout ce bonheur me remit tant de calme et de sérénité dans l’âme, que, d’Augsbourg à Florence, la source poétique s’ouvrit de nouveau, et les vers jaillirent en foule. […] Ainsi avaient été arrêtés sous le titre d’otages une foule de jeunes gens des plus nobles familles.
Si on le rencontrait le matin, fatigué par douze heures de travail, courant aux imprimeries, un vieux chapeau rabattu sur les yeux, ses admirables mains cachées sous des gants grossiers, les pieds chaussés de souliers à hauts quartiers passés sur un large pantalon à plis et à pieds, il pouvait être confondu dans la foule ; mais s’il découvrait son front, vous regardait ou vous parlait, l’homme le plus vulgaire se souvenait de lui. […] « Je suis plus engoué que jamais de ma carrière par une foule de raisons dont je ne déduirai que celles que tu n’aperçois peut-être pas.
Mais comme je remontais la rue de la Munitionnaire, voilà que j’entends, au coin du collége, le tambour du sergent de ville Harmantier, et que je vois une grande foule autour de lui. […] J’étais déjà sur la place, au milieu des Italiens et d’une foule de gens qui criaient et pleuraient en reconduisant leurs garçons, et je ne voyais rien, je n’entendais rien.
Il se tient à l’écart, il le regarde de loin, dans la foule, plus ébloui qu’attiré par l’auréole lumineuse qui entoure sa tête. […] Tel de ses caractères est une foule confuse ; ce n’est pas une personne.
Les grandes apparitions religieuses présentent une foule de faits inexplicables pour celui qui n’en cherche pas la cause au-dessus de l’expérience vulgaire. […] On peut s’adresser sur la résurrection, sur les miracles évangéliques, sur le caractère de Jésus et des apôtres, une foule de questions auxquelles il est impossible de répondre, en jugeant le premier siècle d’après le nôtre.
En approchant pourtant, la nuée poudreuse se remplit de pas et de chants, comme si elle enveloppait la foule des initiés revenant en procession de la fête. […] Phémé exprimait mieux encore : le pressentiment soudain, l’impression unanime et irrésistible qui s’empare, au même instant, d’une armée ou d’une multitude ; l’élan qui emporte et le cri qui part sans mot d’ordre ; l’idée qui jaillit, rapide comme la lumière, de milliers d’âmes qui n’en font plus qu’une ; l’acte de foi qui éblouit les esprits d’une foule, comme un éclair d’évidence.
dit la foule. […] Dans Shakespeare, les oiseaux chantent, les buissons verdissent, les cœurs aiment, les âmes souffrent, le nuage erre, il fait chaud, il fait froid, la nuit tombe, le temps passe, les forêts et les foules parlent, le vaste songe éternel flotte.
Élevé dans la solitude et dans la simplicité de la campagne, la grande nature et la grande foule me donnaient des éblouissements. […] De grandes rumeurs de la foule, mêlées de mugissements de bœufs, de bêlements de brebis, de hennissements de chevaux, se faisaient entendre à l’extrémité de la petite rue du côté du pont de la Trinité.
En vain je m’adresse à leur foule : Leur pitié m’échappe, et s’écoule Comme l’onde au flanc des coteaux. […] « Jette les yeux sur les impies, et qu’ils soient confondus ; foule-les aux pieds dans le lieu de leur gloire.
quand j’ai franchi le seuil du temple sombre, Dont la seconde nuit m’ensevelit dans l’ombre ; Quand je vois s’élever entre la foule et moi Ces larges murs pétris de siècles et de foi ; Quand j’erre à pas muets dans ce profond asile, Solitude de pierre, immuable, immobile, Image du séjour par Dieu même habité, Où tout est profondeur, mystère, éternité ; Quand les rayons du soir, que l’Occident rappelle, Éteignent aux vitraux leur dernière étincelle, Qu’au fond du sanctuaire un feu flottant qui luit Scintille comme un œil ouvert sur cette nuit ; Que la voix du clocher en sons doux s’évapore ; Que, le front appuyé contre un pilier sonore, Je la sens, tout ému du retentissement, Vibrer comme une clef d’un céleste instrument, Et que du faîte au sol l’immense cathédrale, Avec ses murs, ses tours, sa cave sépulcrale, Tel qu’un être animé, semble, à la voix qui sort, Tressaillir et répondre en un commun transport ; Et quand, portant mes yeux des pavés à la voûte, Je sens que dans ce vide une oreille m’écoute, Qu’un invisible ami, dans la nef répandu, M’attire à lui, me parle un langage entendu, Se communique à moi dans un silence intime, Et dans son vaste sein m’enveloppe et m’abîme ; Alors, mes deux genoux pliés sur le carreau, Ramenant sur mes yeux un pan de mon manteau, Comme un homme surpris par l’orage de l’âme, Les yeux tout éblouis de mille éclairs de flamme, Je m’abrite muet dans le sein du Seigneur, Et l’écoute et l’entends, voix à voix, cœur à cœur. […] Ceux d’entre vous qui préfèrent, à cause de leur âge plus tendre, les promenades et les jeux de cette belle matinée à des délassements d’esprit peuvent se retirer ; les autres resteront librement avec moi pour jouir d’autres plaisirs. » La foule s’élança dans les jardins avec des cris de joie qui se confondirent avec les gazouillements des oiseaux libres des charmilles ; huit ou dix adolescents des plus âgés ou des plus lettrés restèrent, retenus par la confiance qu’ils avaient dans le goût délicat du maître et par leur attrait déjà prononcé pour les plaisirs d’esprit.
C’est une foule d’idées fines qui ne peuvent se rendre, ou qui rendues seroient sans effet. […] Les peintres, les poëtes, les sculpteurs, les musiciens et la foule des arts adjacents naissent de la terre, ce sont aussi les enfants de la bonne Cérès ; et je vous réponds que partout où ils tireront leur origine de cette sorte de luxe ils fleuriront et fleuriront à jamais.
Si L’on suppose, ici encore, une foule de répétitions possibles de la totalité de nos souvenirs, chacun de ces exemplaires de notre vie écoulée se découpera, à sa manière, en tranches déterminées, et le mode de division ne sera pas le même si l’on passe d’un exemplaire à un autre, parce que chacun d’eux est précisément caractérisé par la nature des souvenirs dominants auxquels les autres souvenirs s’adossent comme à des points d’appui. […] Il y aurait d’ailleurs ici une foule de distinctions à faire, non seulement entre les diverses formes de l’aliénation, mais encore entre l’aliénation proprement dite et ces scissions de la personnalité qu’une psychologie récente en a si curieusement rapprochées 90.
La foule pourtant les y gênait.
En ce monde, les grands ont leurs peines comme les petits, ce qui n’est pas étonnant ; mais ce qui est le plus fâcheux pour les premiers, c’est qu’ils sont toujours entourés d’une foule nombreuse, de sorte qu’ils ne peuvent ni cacher leurs chagrins, ni s’y livrer dans la retraite ; ils sont toujours en spectacle.
Isidore Geoffroy Saint-Hilaire : Et les maîtres de la science eux-mêmes ne se séparaient pas ici de la foule.
Les orateurs qui argumentent sont plus facilement compris par la foule que les orateurs qui s’enthousiasment ; il faut des ailes pour suivre l’orateur lyrique… Cette théorie faite toute exprès à la plus grande gloire des orateurs lyriques et des hommes démesurés est ici en défaut.
Il est bon de se proposer quelques points de vue, et de se tracer quelques perspectives déterminées, dans ce Journal de Dangeau qui offre au premier aspect l’apparence d’une foule mouvante et confuse : c’est le moyen de s’y reconnaître et d’y prendre de l’intérêt.
Car tel homme est disgracié de visage, mais un dieu répare sa figure en le couronnant d’éloquence, et le monde trouve un charme à le regarder ; et lui, sûr de lui-même, il parle avec une pudeur toute de miel, et il brille parmi la foule assemblée, et jorsqu’il passe à travers la ville, chacun le contemple comme un dieu.
Au reste, sans être Santeul, on comprend la joie, l’enivrement presque légitime qui devait inonder son cœur lorsque lui, fragile, mais croyant et fidèle, perdu dans la foule, il entendait le chœur entier des lévites et de l’assistance entonner quelqu’une de ces hymnes aux nobles accents, dont l’une au moins, le Stupete gentes, a été comme touchée du souffle sacré et mérite, ce me semble, de vivre. — Dans ce vent soudain sorti du sanctuaire, et qui tend aujourd’hui à tout balayer de Santeul et à n’y rien laisser de sa mémoire, s’il était permis de faire entendre un humble vœu littéraire, je demanderais grâce pour une seule hymne de lui, et pour celle-là.
Et cependant, toi, l’ami et l’élève éclairé des sciences ; toi, mon ami, tu cherches avec plus d’ardeur à te faire confondre dans la foule des grands d’un petit État, qu’à obtenir par tes travaux l’estime et l’amitié des véritables grands de la terre !
Elle supplie le duc d’Orléans de ne pas traverser ostensiblement la ville, et elle lui offre sa voiture : « J’avais cru d’abord, dit-elle, que le duc voulait se montrer à la foule, et qu’il avait réellement le projet de se créer un parti en agissant ainsi ; mais je ne vis jamais une surprise moins feinte que celle qu’il montra en apprenant tous ces événements.
Dans le second discours, prononcé à Louis-le-Grand, s’inquiétant moins des attaques du dehors, il disait agréablement et en famille bien des vérités à la jeunesse : non pas qu’il fut décidé à louer le passé en tout aux dépens du présent : « Cette élégie sur la décadence perpétuelle du genre humain est d’ancienne date, disait-il ; elle a probablement précédé l’Iliade, et j’affirmerais volontiers que l’aïeul de Nestor lui a reproché plus d’une fois de n’être, en comparaison du vieux temps, qu’un parfait mauvais sujet. » Mais, tout en se gardant des banalités du lieu commun, il opposait, dans un parallèle ingénieux, l’éducation sévère ef terrible d’autrefois à celle d’aujourd’hui, si molle et si propre à faire de petits sybarites ; l’élève choyé de Louis-le-Grand était mis en présence de l’écolier si souvent fouetté et si affamé de Montaigu : « Et cependant, dans ces séjours terrifiés, on voyait accourir en foule une jeunesse prête à tout souffrir, la faim, le froid et les coups, pour avoir, le droit d’étudier.
Ce n’est plus cette liturgie dramatique du chœur et du sanctuaire où éclate en hymnes si richement rimées et comme en rosacés magnifiques le talent et le bel esprit d’un saint Bernard ; c’est déjà le régal et l’émotion de la foule.
Ici rien de tel : nos perspectives, en avançant dans cette voie des Mystères, ne sont que des entassements de foule plus ou moins endimanchée et de confus échafauds.
» Et comme on est à l’Académie des inscriptions, on n’oublie pas de citer la médaille frappée en l’honneur de Foucault par décision des États du Béarn, au revers de laquelle étaient représentés les députés venant en foule signer, à la face des autels, l’abjuration de leurs erreurs, avec une légende latine qui signifiait : « La Religion catholique rétablie dans le Béarn par des délibérations publiques de toutes les villes. » Au contraire, j’ouvre l’ouvrage d’Élie Benoît Histoire de l’Édit de Nantes, à la date de 1685 : qu’y vois-je ?
Tout, dans les sociétés humaines, la liberté comme le reste, nous paraît essentiellement relatif et dépendant d’une foule de circonstances.
Et toutefois il a exprimé, en plus d’un endroit de ses écrits, des vœux de méditation individuelle et de hauteur solitaire, si fervents, si profondément sentis, il a marqué un tel désir d’idéal et une telle prédilection élevée pour les sommets infréquentés de la foule, que l’on conçoit très-bien qu’il ait pu, par moments, regretter aussi de ne pas vivre en des temps où cette lutte sur un terrain commun et public, cette bataille à livrer en plaine, ne lui aurait point paru nécessaire.
Lorsqu’on remonte au jour, du Paris souterrain, Gloire, richesse, honneurs, que suit la foule avide.
Quand la société s’est compliquée, que les mœurs se sont effacées à force de se polir, que le goût usé se blase de chefs-d’œuvre, il faut cependant faire quelque chose, ou répéter dans une suite de contre-épreuves, de plus en plus pâles, les types classiques… Si Marivaux n’avait pas les défauts que l’on critique en lui et qui ne sont, à vrai dire, que des qualités poussées à l’excès, il se perdrait obscurément parmi la foule obscure des plats imitateurs de Molière.