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1017. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Et cette foule vivante se grise et oublie. […] Il ne faut pas chercher ailleurs la cause du succès de Hugo parmi les foules. […] J’assimilerai volontiers leur rôle à celui de l’orateur de race au milieu d’une foule. […] La conclusion serait, semble-t-il, que la plupart du temps ce succès a été l’œuvre d’une élite, qui a imposé les poètes à la foule, ou bien, quand cette foule a d’elle-même applaudi le poète, ç’a été pour des motifs étrangers à ce qui constitue l’essence même du génie poétique. […] Pareil sur ce point à l’orateur, le dramaturge est une vivante synthèse des idées éparses dans une foule.

1018. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Si c’est un jugement, le juge est là, pour eux, à cette place, avec sa trogne et ses verrues ; le plaignant à cette autre, avec ses besicles et son sac de procédures ; l’accusé en face, courbé et contrit, chacun avec ses amis, cordonniers ou seigneurs ; puis la foule grouillante par derrière, tous avec leurs museaux risibles, leurs yeux ahuris ou allumés56. […] Une bataille s’est livrée ; au lieu de la raconter, ils l’amènent devant le public, clairons et tambours, foules qui se bousculent, combattants qui s’éventrent. […] Comment ont-ils réussi, et quel est cet art nouveau qui foule toutes les règles ordinaires ? […] Le duc de Lancastre, protecteur de Wyclef, « menaça de traîner l’évêque hors de l’église par les cheveux » ; et le lendemain la foule furieuse pilla le palais du duc. —  Pictorial history, I, 780.

1019. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

C’est leur faute, suivant nous, bien plus que celle de la nature, qui n’a jamais manqué aux grandes époques de l’humanité ; alors les hommes de génie naissent en foule. […] En effet, Jacquemont vit bien aux empressements de la foule, aux félicitations qui l’accueillirent, et surtout à l’attention grave et respectueuse dont il devint l’objet de la part de ses hôtes de la Grande-Bretagne, que la révolution de juillet l’avait grandi de plusieurs pieds, et que toute l’importance politique de ce prodigieux événement se résumait en quelque sorte dans sa personne : « Je défie M. de La Fayette lui-même, écrit-il à son père, d’avoir donné en un jour plus de poignées de main. » Jacquemont en conçut un légitime orgueil ; mais en même temps il eut le bon esprit de comprendre que l’enthousiasme, assurément très réel, de ses hôtes pour la nouvelle révolution, couvrait je ne sais quelle anxiété tout anglaise qui avait besoin d’être calmée. […] C’était donc un curieux spectacle qu’une pareille fête, donnée à notre spirituel compatriote par cette foule d’Anglais à la fois impatients et inquiets de l’entendre, comme si de la bouche de ce jeune étranger, si renommé dans l’Inde pour la maturité de son esprit, devait sortir quelque importante prophétie de la destinée de deux grands peuples. […] La population de Cachemyr se distingue dans cette foule par l’éclat de son histoire et la renommée de son industrie, si chère à notre vieille Europe.

1020. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Et quant au matamore, au pédant, au poète timbré, à la nourrice bavarde, au parasite glouton et au valet loustic, qui ne voit que ce sont éminemment des poètes désireux d’amuser la foule par une imitation telle quelle des ridicules humains ? […] Il lui en veut aussi de faire courir la foule à ses farces, de lui désapprendre le chemin des pièces du genre noble, d’abaisser enfin le goût du public. […] Mais il est clair comme le jour qu’aucune des soixante pièces jouées en trois ans au Théâtre-Libre (sauf peut-être Tante Léontine) n’aurait attiré la foule. […] Il oublie surtout que le théâtre (comme les romans et tout l’art en général) n’est et ne peut être pour la foule qu’un divertissement, et que la foule est juge de son propre plaisir. […] Plus l’art se vulgarise en bas, plus il s’affine en haut, par dédain de la foule.

1021. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Scudéry ayant beaucoup voyagé, avait la mémoire ornée d’une foule d’aventures romanesques, d’histoires singulières, de traits bizarres, d’idées amusantes, de telles sortes que les intrigues étaient pour lui tout ce qu’il y avait de plus facile à nouer et à dénouer. […] Le public se pressait en foule aux représentations théâtrales, et le nombre des auteurs augmentait dans une proportion notable. […] Nous avons expliqué, dans un de nos chapitres précédents, comment la foule qui se pressait aux représentations dramatiques, avait amené les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, en 1600, à se séparer en deux troupes, ce qui avait donné naissance à une seconde scène élevée au Marais. […] Cela n’a pas empêché que je n’aie reçu tout le contentement que j’en pouvais légitimement attendre, et que les honnêtes gens qui se rendirent en foule à ses représentations, n’aient honoré de quelques louanges l’invention de mon esprit, etc. » Bientôt après, parut la première tragédie de Corneille, Médée. […] On se rendit en foule à la Phèdre de Pradon, qu’on applaudit, qu’on vanta, qu’on porta aux nues, bien qu’elle fût détestable et que le public dût en faire bientôt justice.

1022. (1910) Rousseau contre Molière

Invasion de la maison par la foule, ce qui sent 1790 plus que 1670, mais il n’importe. […] C’est certainement sur le théâtre que la foule cherche le plus des sermonnaires. Pour obéir à cette inclination de la foule, les auteurs mettent le plus souvent sur la scène un personnage qui, soit par ses actes, soit par ses discours, donne la leçon morale à remporter chez soi. […] Et si quelqu’un s’avisait d’émettre une condamnation sévère ou d’approuver sérieusement, d’instinct la foule rirait de lui. […] C’est dans les drames que l’on part en guerre contre les grands criminels et qu’on les écrase sous les mépris de la foule.

1023. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Étourdi par ce grondement continu d’une foule où tout le monde parle ensemble à haute voix, où les cris déchirés et variés de la corbeille font l’effet des instruments aigus d’un monstrueux orchestre, on a peine à rassembler ses idées et à concentrer son attention sur un point. […] C’est intelligible aux seuls initiés comme un de ces coups de démence qui frappent les foules. » En présence des faits qui se multiplient sous vos yeux à chaque page, d’un défilé d’événements dans lesquels figurent plus de soixante personnages, on se sent pris aussi d’un peu de vertige, et on se demande comment l’auteur sera assez habile pour ne pas brouiller tous ces personnages, s’il est vrai, comme le disait Thiers, que les grandes armées ne sont que des embarras pour les généraux. […] Il y avait presque foule déjà dans les salons quand enfin, et précédent de fort près sa fille, Mme de Pétensac apparut dans une toilette grenat qui lui donnait l’air d’une bombe framboisée d’où son nez s’élançait comme un pic de vanille. […] Drumont, très convaincu de ce qu’il écrit, poursuit un but, traversant la foule au pas de course, sans se soucier des meurtrissures que ses coudes et ses enjambées font autour de lui. […] Alphonse Karr a vécu volontairement loin du monde, et il a eu tort ; un philosophe qui étudie l’humanité ne doit pas la voir de trop loin, le détail en est précieux ; mais quand il dit qu’il s’est promené sans être arrivé, il a raison, car il eût été bien autrement apprécié de la foule s’il eût fait ce qu’on appelle un métier de la littérature, s’il eût pratiqué les lettres comme un employé va à son bureau, de telle heure à telle heure, et ne s’occupant que d’une chose toute sa vie, politique, poésie ou critique à son choix.

1024. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Il marche d’un certain pas rituel, d’un certain pas de procession, d’un certain pas cérémonieux, d’un certain pas content, lent et pressé, un pas de foule, un pas de province, affecté pressé, qui sait bien qu’il arrivera toujours (où sont nos pas, nos hâtes de Paris), (un pas de foule, affecté foule, officiellement de foule ; conscient, content, se sachant, se sentant foule ; il faut bien qu’on sache qu’il y a foule à Orléans) défilant sous les auvents des petites baraques, pour les petits marchands, (aujourd’hui si gros, apparemment si cossus), s’attroupant, sérieuse et pressée, sage et s’amusant, sagement, (follement), devant les boniments, que dis-je, devant les parades des grandes baraques, des vraies baraques, des baraques proprement dites, et partout aussi hélas, un peu partout s’arrêtant devant les pavillons des phonographes. […]     Qui, débouchant brusquement de l’immortelle rue Victor-Cousin, prolongement de notre rue de la Sorbonne, pressé pour aller prendre le train avec vous à cette gare du grand-duché de Luxembourg, comme disait un réserviste de Palaiseau, ce qui prouve que Palaiseau n’a point dégénéré depuis Bara, et ce qui prouve aussi que la réserve n’a point dégénéré, n’est point devenue indigne de l’active, le même train, je pense le train de cinq heures 53, qui est votre train, parce qu’il s’arrête à Massy-Palaiseau, qui débouchant brusquement rue Soufflot vous dira, au premier mot de vous, sans autre sommation les vers du Panthéon qui est au bout de la rue Soufflot : Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie. […] Quelques demi-célèbres, et emplissant tout la foule innombrable des obscurs. […] Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule Sur la face des mers, sur la face des monts Sur les fleuves d’argent, sur les forêts où roule Comme un hymne confus des morts que nous aimons.

1025. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Les grands esprits y ont trouvé une foule d’idées variées, intéressantes, sensées, bonnes pour les autres. […] D’autres ont beaucoup d’élèves dont aucun ne sort de la foule. […] Je ne vois pas d’individualité dans votre lettre, au contraire cela ne me semble être qu’une voix dans la foule comme dans les drames de votre empereur Victor Hugo. […] Je ne veux pas dire que cette philosophie ait réussi outre mesure, mais elle a fait des ravages dans certains cerveaux et ne demande à cette heure qu’à profiter du calme où nous sommes pour se propager dans la foule. […] L’instinct irraisonné et naïf de la foule et la raison profonde des penseurs se donneraient la main si, comme un cordon de gardes municipaux un jour de revue, ces idéalistes ne les empêchaient de communiquer par leurs analyses pleines de fatuité, de vanité et de vide, qui irritent l’une et intimident l’autre.

1026. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

. —  Ils envoyaient leurs dards — dans la foule des chefs… —  Eux qui auparavant avaient enduré — les reproches des étrangers,  — les insultes des païens,  — leur payèrent à ce jeu des épées — tout ce qu’ils avaient souffert. » Entre tous ces poëtes inconnus65, il y en a un dont on sait le nom, Cœdmon, peut-être l’ancien Cœdmon, l’inventeur du premier hymne, en tout cas semblable à l’autre, et qui, repensant la Bible avec la vigueur et l’exaltation barbare, a montré la grandeur et la fureur du sentiment avec lequel les hommes de ce temps entraient dans leur nouvelle religion. […] À quelle distance ces spéculations et ces réminiscences planent-elles au-dessus de la grande foule barbare qui hurle et s’agite dans les bas-fonds ? […] Dans ce chapitre il a rassemblé une foule de traits qui marquent la persistance de l’ancienne mythologie.

1027. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Quelle foule d’accessoires heureux à recueillir pour ton talent ! […] Ailleurs immolerai-je des hommes mutilés, une foule de femmes emprisonnées, à ma débauche et à ma jalousie ? […] Je me rappellais la foule des grands hommes et des belles femmes dont la qualité qui les avait distingués du reste de leur espèce avait fait le malheur.

1028. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Pour peu qu’on apperçoive deux ou trois personnes discourir avec chaleur, on les entoure ; & dans un clin d’œil le peloton grossit de maniere à faire foule. […] Onze heures vinrent à sonner, & c’est alors que nous vîmes arriver en foule des originaux en tout genre. […] Les secrets de la nature, observoit judicieusement Boerhaave, existent dans tant d’objets, vils en apparence, & qu’on foule sous les pas, qu’il ne faut rien rejeter. […] Nous parlions encore, lorsqu’une voix glapissante retentit au milieu de la foule, malgré le bourdonnement & le murmure qui se font entendre, lorsque des milliers de personnes conversent en se promenant ; c’étoit une femme furieuse de ce qu’un jeune militaire lui avoit enlevé un fichu bordé de dentelles, qu’il portoit élégamment à son col. […] On se promenoit, & c’étoit le moment où l’on vient en foule étaler des graces, des ridicules, des vertus, des vices, enfin tout ce qui forme l’ensemble des différentes sociétés.

1029. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

L’auteur de Jules pratique à la Jean-Jacques et à moins de frais la nature et la foule ; il y recueille, chemin faisant, une quantité de petits tableaux, qu’il nous rend au vif et qui ont la transparence d’un Teniers ou d’un Ostade. […] Le lendemain, au réveil, c’était dimanche ; la foule va venir, il n’est plus l’heure de s’esquiver.

1030. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

On trouverait enfin dans les diverses critiques du temps la preuve qu’une foule d’expressions courantes et déjà usées, telles que les charmes arrondis, les plaisirs par centaine, les chaînes et les peines accouplées invariablement à la rime, et autres lieux communs érotiques, ne satisfaisaient pas les bons juges. […] La société, qui renaissait et qui obéissait déjà à tout un autre reflux d’idées, y accourut en foule et dans les dispositions d’une curiosité quelque peu malicieuse ; c’était le même monde qui venait d’inaugurer le Génie du Christianisme, et tout récemment de faire le succès de la Pitié de Delille, succès qu’on peut considérer comme une revanche sociale de celui de la Guerre des Dieux.

1031. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

La foule attentive le reçut, la tête découverte. […] Il commence, en remontant par la science l’échelle des temps inconnus, et jette ses regards de la terre qu’il foule au fond des cieux que le télescope et le calcul rapprochent de lui.

1032. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Dans Shakespeare, les oiseaux chantent, les buissons verdissent, les cœurs aiment, les âmes souffrent, le nuage erre, il fait chaud, il fait froid, la nuit tombe, le temps passe, les forêts et les foules parlent, le vaste songe éternel flotte. […] Je n’en veux pas voir davantage. — Et cependant en voilà un huitième qui paraît, portant un miroir où j’en découvre une foule d’autres : j’en vois quelques-uns qui portent deux globes et un triple sceptre.

1033. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Montesquieu reste impassible, ne veut convenir de rien, et s’éloigne à la faveur de la foule qui l’entourait. […] On n’y rencontre qu’une expression toujours ingénieuse et une foule d’idées aventurées et fausses.

1034. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

On veut jeter sur cette défaite une sorte de voile tout chargé de mystère ; on veut mettre de la cire aux oreilles du public ; on l’entoure de paravents pour lui dissimuler les sifflets ; on s’enveloppe soi-même d’une sorte de peplum de Chalchas-Critique, et l’on crie à la foule un de ces gros mots à l’aide desquels on explique la Raison universelle et la Cause efficiente et probante des choses ! […] On ne fait pas des révolutions avec des bonshommes de bois ; et si Bobèche avait voulu remplir le rôle de Mirabeau, la foule eût sifflé et tourné le dos.

1035. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

René jeune, ambitieux, vigoureux, embrasé du désir de la femme, vivait « inconnu dans la foule » et les femmes parées et enivrantes allaient et venaient autour de lui et l’ignoraient. […] On peuplait, lors de la publication d’Atala, le Jardin des Plantes de Paris d’animaux sauvages importés d’Égypte et enlevés de la Hollande : ils excitaient la curiosité des Parisiens, qui couraient en foule les contempler, les observer et qui lisaient avec avidité les détails fournis par les journaux sur leurs mœurs, leur attachement aux gardiens.

1036. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Sa mère, dit-on, avait souvent rêvé pendant sa grossesse qu’elle mettait au monde un enfant revêtu d’une robe rouge et entouré d’une foule de gens qui le lui enlevaient.

1037. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

On hésite toujours à se mettre en avant quand l’opinion de la foule ne nous a pas frayé le chemin : il faut même, pour cela, une espèce particulière de courage, ce que j’appelle le courage du jugement.

1038. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Quand les hommes forts de notre race ont paru dans la foule, quand Victor Hugo, Lamartine, Auguste Barbier, Alfred de Vigny, Balzac, ont parlé, il s’est fait tout à coup un grand silence autour d’eux ; on a recueilli religieusement chacune de leurs paroles, on a battu des mains, et, d’un seul élan, on les a placés si haut que nul encore de nos jours n’a pu les atteindre.

1039. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Le temps a manqué, et de la foule des admirateurs (cela n’a rien d’étonnant), il n’est pas sorti du premier coup un bon juge.

1040. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Il dut cette faveur d’exception aux nombreux témoignages qui arrivèrent en foule du Midi, à la franchise de son langage, à l’originalité de sa personne, et, qui sait ?

1041. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Mais il importe de discerner pour chaque auteur célèbre son vrai public naturel, et de séparer ce noyau original qui porte la marque du maître, d’avec le public banal et la foule des admirateurs vulgaires qui vont répétant ce que dit le voisin.

1042. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

« Heureux, est-on tenté de s’écrier quand on lit ces choses, heureux qui réussit à passer sa vie sans être dans ces alternatives de faveur et de disgrâce ; que les nécessités d’une carrière, l’aiguillon d’un continuel avancement ne commandent pas ; qui n’a pas soif de pouvoirs et d’honneurs ; qui n’est pas ballotté entre Colbert et Louvois, au risque d’oublier entre les deux sa conscience, d’étouffer ses scrupules et d’y perdre même le sentiment d’humanité ; qui n’est ni persécuteur ni victime, ni hypocrite, ni dupe, ni écrasant ni écrasé ; qui, après avoir connu sans doute quelques traverses de la vie et avoir essuyé quelques amertumes inévitables (sans quoi il ne serait pas homme), s’échappe le plus tôt qu’il peut, retire son âme de la foule et de la presse (comme dit Montaigne), passe le restant de ses jours « entre cour et jardin », ne voyant qu’autant qu’il faut et n’étant pas vu ; aussi loin de l’ovation que de l’insulte ; qui se soustrait en soi-même aux appels et aux tentations de la fortune non moins qu’aux irritations sourdes de l’envie et des comparaisons inégales qu’elle suggère, aux ennuis de toutes sortes, aux iniquités souvent qui s’en engendrent ; qui aime de tout temps quelques-unes de ces choses innocentes et paisibles qu’aimait et cultivait Foucault dans la dernière moitié de sa vie, mais sans en avoir taché comme lui le milieu, sans y avoir imprimé une note brûlante, et en pouvant, d’un bout à l’autre, reparcourir doucement, à son gré, et supporter du moins tous ses souvenirs ! 

1043. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Ces deux hommes s’opposent à l’accommodement et agitent en tous sens les foules.

1044. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Et quel naturel plus ingénu, plus fait pour exciter la sympathie, que celui de cette jeune fille éplorée, oublieuse de la foule et se renversant dans le sein d’un ami : flens quam familiariter ?

1045. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Trébutien a fait en ceci comme ces moines et ces clercs du Moyen-Age dont il porte volontiers lui-même l’habit austère, de ce Moyen-Age qu’il sait dans sa lettre comme dans son esprit et dont il a été l’un des premiers propagateurs et des rénovateurs parmi nous : loin de la foule, loin des bruits modernes, il s’est voué dans sa cellule de bibliothécaire à une sainte amitié pour les deux auteurs de sa prédilection et de son culte, Maurice et Eugénie !

1046. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Le mérite de ses pièces dramatiques n’égale pas celui qu’il a eu de se former en ce pays-là, où il fait toutes sortes de personnages, où il complimente avec la foule, où il blâme et crie dans le tête-à-tête, où il s’accommode à toutes les intrigues dont on veut le mettre ; mais celle de la dévotion domine chez lui : il tâche toujours de tenir ceux qui en sont le chef.

1047. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Jugeant les hommes avec indulgence, les événements avec sang-froid, il a cette modération, le vrai caractère du sage… « Amène ne songe pas à élever en un jour l’édifice d’une grande réputation ; parvenue à un haut degré, elle va toujours en décroissant, et sa chute entraîne le bonheur, la paix ; mais il arrivera à tout, parce qu’il saisira les occasions qui s’offrent en foule à celui qui ne violente pas la fortune.

1048. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Après cela vient le gros de l’armée, et plus de groupe ; la foule des rimeurs, parmi lesquels, certes, bien des cœurs sincères, quelques caporaux, et de bons soldats.

1049. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Bérénice entre en scène comme aurait fait La Vallière, si elle eût osé ; elle entre le cœur tout plein de son amour, empressée de se dérober à la foule des courtisans, ne pensant qu’à l’objet aimé, n’aimant en lui que lui-même.

1050. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Parmi la foule des noms, aujourd’hui oubliés, qui se firent remarquer par l’élégance et la douceur des imitations, Léonard fut le premier en date et en talent, Berquin le second.

1051. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Il y a un moment de jouissance dans toutes les passions tumultueuses, c’est le délire qui agite l’existence, et donne au moral l’espèce de plaisir que les enfants éprouvent dans les jeux qui les enivrent de mouvement et de fatigue : l’esprit de parti peut très bien suppléer à l’usage des liqueurs fortes ; et si le petit nombre se dérobe à la vie par l’élévation de la pensée, la foule lui échappe par tous les genres d’ivresse ; mais quand l’égarement a cessé, l’homme qui se réveille de l’esprit de parti, est le plus infortuné des êtres.

1052. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Poètes légers Par ses œuvres secondaires, ainsi que je l’ai dit, La Fontaine se relie à la foule des petits poètes du xviie  siècle.

1053. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Et c’est pour cela que la passion scientifique a chez quelques savants la sérénité et l’énergie d’une foi religieuse et qu’ils apparaissent à la foule avec quelque chose de l’antique prestige des prêtres.

1054. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Moréas et Gustave Kahn, mais riche et sapide autant qu’elles, sa vivante variété eût, je crois, séduit le grand Théophile Gautier : Le pays était plantureux et riche en vins, Gai du soleil qui dans la mer se mire Et le port Était vivant matin et soir, De la foule bigarrée ; Toute l’heure de marée Était de bon espoir, D’accueils, d’adieux : Il entrait des navires de tous les horizons, De Carthage, de Rome et d’Orient Et du Nord et de l’Ouest mystérieux ; Il partait des vaisseaux vers tous les cieux — Avec leurs voiles claires, comme en riant.

1055. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Le ballet de L’Amour malade avait laissé de si joyeux souvenirs parmi les contemporains, que lorsque huit ans après, fut joué L’Amour médecin de Molière, les hommes qui, comme le fameux médecin Guy Patin, ne fréquentaient pas beaucoup le théâtre, prenaient un titre pour l’autre et parlaient de L’Amour malade, de Molière, que Paris allait voir en foule.

1056. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Là, en pleine foire foraine de Montmartre, à deux pas du Moulin-Rouge où triomphent Grille-d’égout, la Goulue et Valentin-le-désossé, dont les entrechats suffisent à combler le vœu esthétique des foules, une élite de cœurs fervents s’emploie à retourner aux sources de la lumière et à cueillir le rameau de l’antique sagesse, et, comme si tout à coup le monde s’était reculé de milliers d’années, la voix d’Hermès trismégiste se met à retentir, fraîche comme au premier jour.

1057. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

On conçoit que l’auteur ait voulu traiter à part ce souvenir unique, et ne pas le confondre avec la foule de ses réminiscences.

1058. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Dans les foules, du bord de sa calèche élégante qui n’avançait qu’avec lenteur, elle remerciait chacun de son admiration par un signe de tête et par un sourire.

1059. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Imaginez une fusée sentante, lancée dans l’espace au milieu d’une foule d’autres fusées : chaque étincelle qui brille et meurt sera une sensation.

1060. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Après tout, comme les sciences valent par elles-mêmes et non par le bruit qu’elles font, cette sorte de discrédit ne serait qu’un très-petit mal, ce serait peut-être même un bien (au point de vue de la vraie science), si beaucoup de bons esprits ne se joignaient à la foule en cette circonstance, et si des objections dignes d’un examen sérieux n’étaient mêlées à des entraînements peu éclairés.

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