Les esprits tremblaient dans l’anxiété sociale comme les feuilles à l’approche de l’orage. […] « Un ciron importe ; le petit est grand, le grand est petit ; tout est en équilibre dans la nécessité ; effrayante vision pour l’esprit. […] Machine faite d’esprit. […] L’esprit du couvent, dont elle s’était pénétrée pendant cinq ans, s’évaporait encore lentement de toute sa personne et faisait tout trembler autour d’elle. […] Le premier quelquefois est un sophiste d’esprit ; mais le second est un sophiste de cœur !
Thomas Corneille403 est un de ces souples esprits, distingués et médiocres, qui sont capables de tout, et ne font rien supérieurement. […] Il est d’une autre génération, d’un autre goût ; et dès son début, dès Timocrate, on sent en lui l’authentique et propre esprit de Quinault. […] Quatre cantiques spirituels (1694), des épigrammes mordantes contre de méchants auteurs et de méchantes tragédies, firent encore voir qu’il gardait toute la vivacité, toutes les ressources de son esprit. […] Et cependant, par l’originalité de son génie, il a coulé dans la tragédie un esprit nouveau, il l’a modifiée intérieurement de telle sorte qu’il nous semble le créateur d’un système dramatique. […] Ses effets paraissaient trop crus, et blessaient l’optimisme galant des salons : Saint-Evremond, un homme d’esprit, trouvait Britannicus trop noir ; et la pièce, en effet, n’est pas « consolante ».
C’est un art que j’appellerai moyen, une manifestation subalterne de l’esprit créateur. […] Jamais on n’aura mieux vu combien l’esprit humain est incompressible, et combien il est chimérique de prétendre l’enfermer dans les règles étroites d’un système qu’à notre époque, où à côté d’une brillante école de romanciers uniquement épris de réalités, s’est formée une école de poètes réfugiés, comme le savant de Hawthorne en sa serre, dans un monde absolument artificiel. […] Nous avons déjà proposé la dénomination du Symbolisme comme la seule capable de désigner raisonnablement la tendance actuelle de l’esprit créateur en art. […] Mais enfin, le passé de l’esprit humain lui échappe en partie et, quand il a essayé d’établir les prolégomènes du naturalisme dans le roman et au théâtre, il a montré beaucoup d’incertitude. […] Un art que vous connaissez bien, car il est la gloire du pays adorable dont vous êtes originaire, la sculpture grecque n’a pas trop souffert de cet esprit d’imitation qui inspirait ses écoles.
Transformées en vérités universelles, elles se sont réclamées, selon la maturité de l’esprit humain, de Dieu ou de la raison. Or, cette origine fictive, où disparaît leur caractère humain, leur donne accès dans l’esprit de tous les hommes. […] Mais il n’a pas semblé qu’un exemple aussi saisissant dût être écarté, parce qu’il touche à un sujet actuel et qui passionne les esprits. […] Pourtant ils ne croyaient pas à la métempsychose, ni que l’esprit s’élevât vers le ciel. […] D’ailleurs, si les lois de Solon lèvent les défenses antérieures, le caractère sacré de l’ancienne prohibition montre encore le pouvoir qu’il exerce sur les esprits à ceci : que le vendeur perd, par le fait de la vente, ses droits de citoyen.
Difficulté des classifications en psychologie La nature des choses est d’ordinaire rebelle aux classifications ; rarement elle nous présente des différences tranchées, des limites fixes que l’esprit n’ait plus qu’à constater avec exactitude et à fixer pour lui-même par une nomenclature ; le plus souvent, l’esprit doit créer la classe avant de la nommer ; la nature lui présente des séries presque continues dans lesquelles il lui faut découper plus ou moins arbitrairement des divisions plus ou moins idéales. […] La bouche garde le silence Pour écouter parler le cœur34 ; sa parole intérieure reste calme ; elle ne peut s’élever jusqu’à l’inspiration ; si, dans cet état, il se souvient de la Muse et de leurs amours d’autrefois, son esprit lui représente en vain tous les motifs poétiques qui devraient éveiller son génie ; aucun n’a le pouvoir de l’arracher à lui-même ; il ne ressent ni colère durable ni enthousiasme profond ; la Muse est pourtant descendue du ciel ; elle lui a parlé ; mais il a eu peine à la reconnaître ; ni son appel ni son baiser n’ont pu réchauffer un cœur glacé ; il refuse de s’envoler avec elle dans les « mondes inconnus » qu’en des temps plus heureux ils ont tant de fois parcourus ensemble. […] Il serait injuste d’en conclure qu’elle est le privilège des esprits les plus élevés : la réflexion, telle que nous venons de la définir, est plus commune qu’on ne pense : le paysan, le sauvage réfléchissent, comme le philosophe ; peut-être seulement, avec les progrès de l’âge et de la civilisation, la réflexion devient-elle plus fréquente, en même temps qu’elle s’attache à des objets plus variés. […] Or le choix de l’unité phénoménale est livré à l’arbitraire de mon esprit ; si je dis, avec la psychologie classique, qu’il n’y a pas d’imagination sans mémoire, c’est que j’ai introduit dans mon analyse l’idée toute métaphysique du phénomène-atome, élément indivisible des phénomènes divisibles ; mais je puis tout aussi bien convenir avec moi-même qu’un fait digne de ce nom dure au moins deux heures ; cette convention admise, la mémoire subsiste comme faculté, comme principe matériel de certains faits dont la forme est toujours originale et nouvelle ; mais il n’y a plus de faits de mémoire, il n’y a plus de souvenirs, à proprement parler ; se souvenir est nécessaire, car l’invention n’est pas une création ex nihilo ; mais un souvenir est impossible, car je ne puis me répéter deux heures durant sans glisser quelque élément nouveau dans la reproduction de mon passé ; la mémoire se déduit, elle ne s’observe plus. […] Je l’accorde ; mais peut-être est-il philosophique de remarquer que, dans l’expression un fait, le mot un n’a aucun sens précis : car, selon le point de vue ou le caprice de l’esprit, un fait est une fraction de fait, le même fait ou une de ses fractions est un ensemble de faits ; l’expérience ne nous donne que du fait ; sur cette matière indifférente à l’unité, nous appliquons à notre guise la forme de l’unité ; quelle que soit l’étendue phénoménale embrassée par l’unité, la matière qui la reçoit ne nous contredira jamais ; pour régler l’usage de cette notion, l’esprit ne doit consulter que les convenances de la science qui l’occupe36.
Je compte aujourd’hui faire une leçon sur le caractère de La Fontaine, et peut-être — mais cela dépendra de l’horloge — sur l’éducation d’esprit de La Fontaine. […] Au fond de La Fontaine, il y a un véritable Rousseau par la plupart de ses goûts, de ses tendances, de ses tournures d’esprit, et même un peu par sa sensibilité. […] Il est clair comme le jour, ainsi que cela arrive souvent — non, cela n’arrive qu’aux gens d’esprit, et par conséquent cela n’arrive pas très souvent mais comme il arrive quelquefois, qu’il profitait de ce travers. […] C’est un Benserade, un Benserade supérieur, qui avait plus de beauté de forme, plus de délicatesse de tour, non pas plus d’esprit, car Benserade en est plein, mais enfin un Benserade supérieur, qu’a été La Fontaine amoureux. […] C’est, je crois, à cause de son goût, à cause de sa passion pour les petits et les opprimés, qu’il a tant aimé les animaux, je le crois ; j’en suis sûr puisqu’il le dit, car enfin c’est lui qui, en plein dix-septième siècle, a fait deux plaidoyers pour les animaux ; l’un que je réserve pour plus tard, car c’est de la philosophie, et j’aurai à parler de la philosophie de La Fontaine, c’est le Discours à Mme de La Sablière, le plaidoyer pour l’esprit des bêtes, un plaidoyer sur cette idée que les bêtes sont intelligentes. (« On ose soutenir que les bêtes n’ont pas d’esprit… »).
Dans une pareille étude, malheur à celui qui, dénué d’esprit philosophique et de goût esthétique, se laissera tromper par la ressemblance extérieure des formes, qui confondra la valeur relative avec la valeur absolue, la tradition avec la création, ou qui, dédaigneux des faits de la réalité, voudra mettre l’histoire au service de ses sympathies personnelles ! […] chercher, derrière les mots et les formes, l’esprit ; et relier enfin tous ces points de repère, isolés, par une ligne synthétique. […] Je n’ai pas à développer ici une conception philosophique qui m’est personnelle ; je dirai simplement qu’à mon avis nous serrerons le problème de près en nous attachant surtout à la vie intellectuelle de l’homme ; à l’esprit de l’homme, non point dans son « essence » qui nous échappe, mais dans ses manifestations, dans son évolution séculaire, dans son progrès, dont le rythme nous apparaît. […] Et, réciproquement, parce qu’il y a des formes vides, bêtement copiées, combien de « graves » esprits ont osé dédaigner la forme ! […] Gœthe a dit un jour : « La poésie c’est la délivrance. » Donnons à ces mots un sens que Gœthe ne renierait pas : l’art est le défi superbe que l’esprit lance à la matière périssable ; il est le chant d’espoir d’une humanité qui marche à la liberté.
Ces comédiens, nourris de l’esprit de l’auteur, l’ont transmis à leurs élèves, ceux-ci à leurs imitateurs ; et c’est ainsi que, depuis Molière jusqu’à nous, s’est perpétuée, ou a dû se perpétuer cette tradition dont on parle tant. […] Sa femme réunissait les agréments qui peuvent engager un galant homme, à l’esprit nécessaire pour le fixer, et à la coquetterie la plus propre à le désespérer. […] L’inimitable mademoiselle Dangeville, remplie de grâces, d’esprit et de naturel, en débitait les tirades de manière à faire oublier qu’à force de justesse, de raison, de philosophie, elles sortent un peu du genre des soubrettes. […] Quelle différence avec ces représentations où l’on voit journellement l’esclave courir après l’esprit, la gentillesse, pour éclipser le dieu ; et celui-ci oublier son illustre origine, pour ne nous faire voir que la grossièreté du mangeur d’ail ! […] Pour jouer un rôle embelli par l’esprit et les grâces, on peut se passer peut-être de l’un et de l’autre, et plaire à la multitude, à l’aide de quelques bons conseils et de plusieurs répétitions devant un miroir, mais il faut avoir naturellement de l’esprit et de la grâce pour jouer un rôle dont la gaucherie est l’essence ; tel est celui du Bourgeois gentilhomme.
On lui donna pendant sa vie le surnom de dixieme Muse, à cause de son esprit, & de quatrieme Grace, à cause de sa beauté. […] Ses Ouvrages annoncent de l'esprit & des talens, qui devoient plaire dans les premiers jours de notre Littérature.
Les Philosophes & les Incrédules sont, selon lui, « une Secte que l'ignorance admire, que le libertinage protége, que l'ambition de l'esprit-fort prône, avec laquelle il faut tâcher de n'avoir rien à démêler, parce que c'est une Secte, & qu'elle en a l'emportement & l'esprit de vengeance ». S'exprimer ainsi, n'est-ce pas faire expirer les suffrages dans tous les Bureaux d'esprit où les Chefs du Philosophisme dominent ?
Si je l’osais dire, je trouverais dans ces comparaisons de l’artiste quelque secret rapport de conformité avec sa propre et intime organisation, avec ses sauvageries bretonnes, sa pureté un peu farouche, et cette ombrageuse vigilance qu’il nous a lui-même si délicatement accusée : J’aime dans tout esprit l’orgueil de la pensée Qui n’accepte aucun frein, aucune loi tracée, Par delà le réel s’élance et cherche à voir, Et de rien ne s’effraye, et sait tout concevoir : Mais avec cet esprit j’aime une âme ingénue, Pleine de bons instincts, de sage retenue, Qui s’ombrage de peu, surveille son honneur, De scrupules sans fin tourmente son bonheur, Suit, même en ses écarts, sa droiture pour guide, Et, pour autrui facile, est pour elle timide. […] Barbier, selon nous, a eu presque toujours présent à l’esprit ce sentiment élevé de la mission dont il s’est fait le poétique organe, et c’est un mérite que ne lui ont pas assez attribué beaucoup des admirateurs de sa forme et de ses tableaux. […] Lui, poëte, il aime le beau et le saint, la pitié et l’harmonie, la noblesse et la blancheur, Sophocle, Dante et Raphaël ; il s’écrierait volontiers avec l’esprit qui le tente, et serait heureux de répéter toujours : Quel bonheur d’être un ange, et, comme l’hirondelle, De se rouler par l’air au caprice de l’aile, De monter, de descendre, et de voiler son front, Quand parfois, au detour d’un nuage profond, Comme un maitre le soir qui parcourt son domaine On voit le pied de Dieu qui traverse la plaine !
La plupart des esprits en sont là et s’y tiennent. […] Ou bien l’expression n’a retenu de la pensée qu’une faible réminiscence qu’elle laisse à peine entrevoir sous sa pâleur, ou bien elle a prêté à cette pensée trop d’éclat, trop de saillie, et l’a altérée en y ajoutant : c’est même là le défaut ordinaire d’un esprit impétueux et fort. […] Non pas que cette conception poétique me paraisse au fond plus à réprouver que celle des lutins et des diables : l’esprit humain a toujours eu un faible pour les géants, et notre enfance a été bercée avec des contes d’ogres. […] Comme conseil de style, on n’a qu’à renvoyer à l’auteur ses propres paroles : « Un écrivain qui a quelque souci de la postérité, dit-il dans sa remarquable préface, cherchera sans cesse à purifier sa diction, sans effacer toutefois le caractère particulier par lequel son expression révèle l’originalité de son esprit ; le néologisme n’est d’ailleurs qu’une triste ressource pour l’impuissance.
Une œuvre a de l’unité, si les parties qui la composent sont en nombre assez restreint pour que l’esprit les embrasse toutes ensemble d’une seule vue, si ces parties ont entre elles assez d’affinité pour qu’il en saisisse aisément la liaison, si enfin les impressions qu’elles font sur lui ne sont pas diverses au point de se contrarier et de s’annuler. […] De cette constitution immuable de notre nature sort la nécessité qui s’impose à l’artiste et à l’écrivain de découper dans le monde immense et divers des formes et des pensées un fragment de médiocre dimension, formant un tout homogène, capable d’être supposé indépendant et isolé du reste, présentant un rapport des parties facilement intelligible à l’esprit, et fournissant une diversité d’impressions facilement réductibles en une émotion dominante. […] En général, un long ouvrage admettra une plus grande diversité de parties et d’impressions secondaires qu’un ouvrage de courte étendue : dans vos compositions de collège, tant pour leur dimension que par votre inexpérience et par la nécessité de discipliner votre esprit, il ne faudra point vous écarter d’une assez rigoureuse simplicité. […] Sénèque, qui a de l’esprit et de l’imagination infiniment, lasse pourtant et ennuie souvent, faute de ce mouvement : il tâche d’en donner l’illusion, mais on sent qu’il s’agite et piétine sur place.
Or le manque de nuances est un des traits les plus constants de l’esprit sémitique. […] C’étaient en général des hommes d’un esprit étroit, donnant beaucoup à l’extérieur, d’une dévotion dédaigneuse, officielle, satisfaite et assurée d’elle-même 923. […] Schammaï, avec son esprit étroit et exclusif, l’avait emporté. […] C’était un esprit nouveau qui apparaissait dans le monde et qui frappait de déchéance tout ce qui l’avait précédé.
Le psychologue ou l’esprit critique constate alors seulement l’existence de ces réalités, maintenant inventées, les nomme et les classe. […] Aucun souci sans doute ne fut plus éloigné de son esprit et son parti pris d’art pur, excluant, comme subalterne, toute préoccupation morale ou scientifique, est une garantie de son indifférence à cet égard. […] Il est malaisé de décider si le monde est un phénomène de pur idéalisme ou s’il comporte une réalité objective, si nos perceptions ont pour unique origine nos sensations s’élevant de nous-mêmes et engendrant les phénomènes, ou si elles se forment à l’occasion d’un objet extérieur : mais quelle que soit l’hypothèse, la réalité n’existe pour l’esprit qu’avec le fait de la perception. […] Le plus souvent, au contraire, un grand nombre de prédispositions existent en lui, le rendant propre à se développer dans toutes les directions de la sensibilité et de l’esprit, et c’est en raison sans doute de cette multiplicité qu’il peut subir toutes les influences.
J’avais résolu de ne pas traiter un sujet qui ne peut rapporter que de la douleur à qui le traite et sur lequel les opinions combattent et l’esprit de parti se déchire. […] Tendant à l’émancipation universelle de leurs personnes ; de libre conduite comme de libre pensée, hardis comme des enfants qui jouent à l’homme, ils ont, ces aimables bas-bleus, en général, l’esprit fortement célibataire et les mœurs légèrement mormones. […] Enfin elle se fond tellement en son mari, ce modèle des femmes qui aiment le leur, qu’elle finit par dire notre esprit, du sien, comme la servante du vieux célibataire, dans Collin d’Harleville, dit notre maison. « Le 24 janvier au soir (écrit-elle), l’horrible éventualité de la capitulation se présenta à notre esprit. » Mais plus tard, ni l’accablante capitulation, ni les derniers écrasements de nos pauvres armées ne l’empêchent, à la page 359, d’écrire cette froide réclame d’une plume sensée, qui sait que le fin et le contre-fin de tout est la réclame dans ce noble temps : « Lacroix vient d’emporter les manifestes d’Edgar Quinet pendant le bombardement.
… C’est un livre moderne, d’un de ces esprits sans passion spirituelle et qu’une civilisation comme la nôtre a rendus à peu près indifférents à tout ce qui n’est pas le bien-être ou le mal-être matériel. […] Il se fût demandé ce qu’était l’Europe au moment où Louis XIV risqua ce coup d’État qui l’a frappé lui-même devant une trop sévère et trop légère postérité, et si cet esprit, qui avait la vue et qui avait la position pour bien voir, ne discernait pas très bien ce qui allait éclater entre la vieille France catholique et l’Europe protestante soulevée par la Hollande et par l’Angleterre, et soulevée à propos de toutes les questions ! […] Sans préjugé à cet égard, Weiss les a bravement exposés à sa lumière ; il n’a pas craint que l’esprit qui lira son livre, accoutumé à l’intérêt grandiose et dramatique de l’histoire, ne trouve bien chétifs et parfois bien insignifiants les renseignements personnels à tant de familles qui n’ont d’autre titre à l’attention de l’historien que d’avoir été expulsées de France, où elles travaillaient à quelque industrie qu’elles sont allées porter ailleurs. […] Aussi, nous le disons en finissant, et c’est par là que nous voulons terminer, quoique nous appréciions très bien ce qu’il y eut de cruel et de vraiment digne de regret dans nos pertes, à cette époque de notre histoire, une si fastidieuse exactitude finit par manquer entièrement l’effet qu’un récit moins traîné dans le terre-à-terre des détails devait produire, même sur les esprits les moins enclins à s’attrister.
Elle ressemble à ces escaliers de l’Enfer, qu’on ne monte ni ne remonte jamais… Un écrivain de forte intelligence, qui se moque de tout, excepté des faits, Taine, que j’ai loué et que je suis prêt à louer encore, a écrit l’histoire de la Révolution, mais en la prenant par en bas, — dans la boue sanglante où elle s’est vautrée et où elle doit rester dans la mémoire des hommes, et cela fît, si l’on s’en souvient, un assez glorieux scandale… Les scélératesses et les canailleries révolutionnaires sont entassées dans le livre de Taine, à l’état compact, pour entrer, d’un seul coup, dans l’horreur des cœurs bien placés et des esprits bien faits. […] Une âme plus ardente que celle de Fersen l’aurait écrite d’un style de plus d’indignation et de plus de flamme, et pour les esprits pensifs elle eût perdu de son éloquence. […] Fersen, — et sa figure le dit, du reste, à l’encontre des idées de ceux qui rêvent, — Fersen était bien plus une âme tendre qu’une âme brûlante, un esprit bien plus raisonnable que passionné. […] L’Esprit de la Royauté a-t-il repris possession des anciennes races ?
Vous imiteriez la Critique impie de ces derniers temps qui veut chasser Dieu de l’Histoire, vous supprimeriez dans la Bible l’inspiration divine, aussi visible que la main terrible sur le mur du festin de Balthazar, et vous ne verriez dans le livre sacré que la force de l’esprit humain élevé à sa plus haute puissance, que pour l’interpréter besoin serait, je ne dis pas d’un génie égal, mais de plusieurs génies ; car le génie de la Bible est multiple. […] En effet, qui de nous, quand il était enfant, n’a pas eu sa Bible illustrée, n’a pas penché son jeune front, curieux ou rêveur, sur quelques images, plus ou moins bien exécutées, qui nous faisaient entrer dans l’esprit le texte sacré par les yeux ? […] Indépendamment des souvenirs involontaires de Martynn, de Schnorr, de notre grand Delacroix, et jusque d’Horace Vernet, qui nous affluent à l’esprit en regardant les dessins de Doré, Doré se fait souvent souvenir à lui-même. […] En un mot, je ne peux et je n’ai voulu que signaler l’impression qui se fixe dans l’esprit, comme une acquisition nouvelle, quand, le livre immense feuilleté et parcouru comme une longue galerie, on se replie sur soi et on se demande ce qui reste sur l’imagination frappée de tout ce qu’on vient de traverser et de contempler.
lorsque la femme empoisonne tout, les cœurs et les esprits, les lettres et les arts, et où, pour tout drame et pour toute histoire, on dit, comme pour le crime : Montrez-moi la femme ! […] Le Tigrane de Fabre n’est pas l’Ange ou le Saint que peut devenir le prêtre quand l’esprit de son sacerdoce a vaincu, en lui, la nature. […] L’esprit moderne nous rabougrit donc tous, pour que les forts, les bien portants, les bien organisés, aient de ces faiblesses ? […] L’Église, l’esprit de l’Église, la sagesse romaine qui juge à travers le péché, qui peut pardonner tout à ses serviteurs quand ils ont cette chose rare maintenant et qu’on appelle « le caractère », ont inspiré heureusement Fabre.
D’ailleurs l’esprit le plus logique dans ses volontés ne peut pas se condamner à l’exécution d’une série d’œuvres uniformes. […] Guizot semble depuis six ans aux esprits paresseux, c’est-à-dire au plus grand nombre, un ministre inévitable ? […] Guizot, esprit éminent, n’est ni orateur ni écrivain, et ne possède pas même les éléments de l’éloquence ou du style. […] Il a imposé silence aux esprits ignorants et aux esprits blasés, en leur jetant comme une pâture digne d’eux des concetti énigmatiques et de triviales plaisanteries. […] Appuyés l’un sur l’autre, ils marchent d’un pas assuré à la conquête des esprits rebelles.
Charles Morice Albert Jhouney, par la nature de son esprit orienté aux seules réalités absolues, est à merveille le poète pour qui la Beauté ne ressort que de la Vérité. […] Albert Jhouney a été mis au monde au bord de la Méditerranée ; mais son esprit a fleuri, j’imagine, dans la lecture de l’Ancien testament, de Lamartine et de Vigny.
Armand Silvestre La chanson trouva dans Nadaud un défenseur qui eut, pour cette noble tâche, tout le talent et tout l’esprit nécessaire, plus une foi robuste en un genre dont aucune des délicatesses ne lui échappa. […] Nadaud, lui, se tient à l’écart de la mêlée ; sa poésie, aux goûts calmes, pêche à la ligne, prend les goujons et regarde sans trouble passer le fleuve des révolutions… La joie n’est pas le chant complet du monde, le plaisir n’est pas l’amour, l’esprit n’est pas la liberté.
FAYDIT, [Pierre] Abbé, né à Riom en Auvergne, mort en 1709, esprit bizarre & impétueux, dont on ne lit plus les Ouvrages, malgré le ton d’originalité qui y regne. […] Le choix de tous les Ouvrages étoit dirigé par le caractere de son esprit, entraîné vers tout ce qui sortoit des regles ordinaires.
LAMBERT, [Anne-Thérese de Marguenat de Courcelles, Marquise de] né en 1647, mort à Paris en 1733 ; une des Femmes qui a fait le plus d’honneur, par son esprit & ses connoissances, à la Cour de Madame la Duchesse du Maine. […] Les jeunes personnes qui voudront se former le cœur & l’esprit, ne sauroient trop se nourrir de la lecture de ses Ouvrages.
La vivacité, l’esprit, l’imagination, & le goût, qui aiguisent ces petits Pamflets, donnent une idée avantageuse du talent de ce jeune Auteur, & laissent entrevoir qu’avec plus de suite dans le travail, il seroit en état d’entreprendre & de bien traiter des Ouvrages considérables. Ses Lettres critiques sur Roméo & Juliette prouvent que les applaudissemens momentanés donnés à cette Tragédie n’en ont pas imposé à son discernement ; & les Etrennes à ses Amis, qu’il n’est rien moins qu’atteint de la maladie philosophique, & qu’il a le bon esprit de sentir les maux qui en sont le résultat.
La vivacité de son esprit & la force de son imagination rendoient son style pittoresque. […] Nous ne pouvons nous refuser au plaisir de citer les Vers qu'elle fit pour répondre aux sollicitations d'un homme aimable & plein d'esprit, qui l'aimoit, & qui la pressoit de le payer d'un tendre retour.
Par malheur Latouche a publié, pour son compte, des vers distingués sans doute, mais maniérés, obscurs, tortillés, qui le remettent à sa place d’homme d’esprit à qui l’instrument est décidément rebelle. C'est un homme qui aurait pu, avec plus de travail et un meilleur esprit, jouer un rôle remarquable dans la littérature. […] Latouche s’est rendu célèbre dans la littérature d’il y a quinze ou vingt ans par une foule de traits pareils, malicieux et même (quelques-uns disent) méchants : il a drapé les ridicules de la jeune École d’alors dans un article critique, intitulé la Camaraderie ; mais il a oublié de dire que ces ridicules de coquetterie et de cajolerie poétique, il les avait autant que personne partagés, caressés, — sauf à les dénoncer ensuite avec esprit, avec fiel aussi et âcreté.
Arnault à l’éloge du défunt, il est résulté que M. l’abbé de Montesquiou avait de l’éloquence, qu’il possédait une finesse d’esprit et un piquant de conversation qui auraient pu, dans l’application à la littérature, se réaliser en œuvres délicates, ingénieuses, surtout en œuvres d’un excellent goût, et certainement contraires à la barbarie du jargon moderne. […] Arnault d’être court sur un sel sujet, qui lui prescrivait pourtant de ne pas omettre quelques noms rayés en même temps que le sien et restés jusqu’ici absents, lui interdisait-elle donc, à lui naguère proscrit, de sortir un moment du cadre étroit de cette enceinte, de se rappeler à l’esprit ce qu te passe autour de nous, ce qui s’y accomplit d’arbitraire, ce qui y règne de violent et d’inusité ? […] Mais est-ce une raison de méconnaître les nobles efforts qui se tentent, et de jeter la pierre aux œuvres infatigables par lesquelles des esprits puissants essaient de surmonter la décadence qui nous presse ?
2° La théorie de l’association qui explique le mécanisme de l’esprit et tous les phénomènes psychologiques sans exception. […] Il ne s’agit pas ici d’entrer dans les détails, ni de montrer comment les états complexes de l’esprit peuvent se former par la juxtaposition et la fusion finale des états simples. […] En d’autres termes, les états de l’esprit les plus complexes ou les plus abstraits, les notions dites a priori, les idées les plus étrangères en apparence à l’expérience, les sentiments les plus raffinés ; tout, sans exception, est réductible par l’analyse aux sensations primitives, qui associées et fondues de mille manières, par suite des combinaisons qu’elles forment, des métamorphoses qu’elles subissent, deviennent méconnaissables au sens commun.
La multitude de ses négligences a confirmé cette opinion ; mais sa négligence n’était que la paresse d’un esprit aimable qui craint le travail de corriger, de changer une mauvaise rime, etc. […] Cette consonnance fait ici un très-bon effet, parce qu’elle arrête l’esprit sur l’idée de l’exagération qu’emploient les accusateurs. […] Pour donner une moralité à cet Apologue, il fallait faire entendre que l’esprit consiste à s’élever au-dessus des illusions de l’amour propre, et que notre véritable intérêt doit nous conseiller de nous défier sans cesse de notre vanité.
La Sibylle touche, saisit l’Esprit, elle en est surprise : Le dieu ! […] Le grand-prêtre des Hébreux, prêt à couronner Joas, est saisi de l’esprit divin dans le temple de Jérusalem : Voilà donc quels vengeurs s’arment pour ta querelle ! […] Est-ce l’esprit divin qui s’empare de moi ?
Elle commettait bien à cette charge, selon nous, immense, d’écrire l’histoire, des hommes éprouvés et capables, qui semblaient avoir conquis une telle position, de haute lice, par l’élévation du talent et du caractère et cette conséquence de l’esprit qu’on ne connaît plus et qui est autant l’honneur de la vie que de la pensée. […] Ils laissèrent l’histoire à leurs ennemis, et l’on sait comment leurs ennemis s’en servirent… Plus tard, non plus, l’empereur Napoléon Ier, qui prenait et relevait les idées d’ordre partout où il les trouvait renversées, sans se soucier de l’opposition et des indignes cris de l’esprit révolutionnaire, Napoléon, qui fit un Grand-Juge, ne refit point d’historiographe. […] Et ce travail, que nous avons vu se poursuivre, ce travail critique de la libre pensée appliqué à l’histoire, a tellement mordu sur nous tous, esprits contemporains, que nous ne lisons plus aujourd’hui nos anciens historiographes déconsidérés et que nous ignorons profondément les mérites de ces hommes, à qui nous serons obligés d’aller redemander quelque jour la vraie trame de l’histoire, disparue sous les festons dont on l’a brodée et les couleurs menteuses dont on l’a peinte.
Deux seuls grands esprits souvent cités résistèrent à cet Empire et lui tinrent tête, M. […] Quand on est poëte, quand la lumière se joue dans l’atmosphère sereine de l’esprit ou en colore à son gré les transparentes vapeurs, il n’est que mieux d’attendre pour peindre, de laisser la distance se faire, les rayons et les ombres s’incliner, les horizons se dorer et s’amollir. […] Nodier y connut beaucoup Benjamin Constant, qui avait à Dôle une partie de sa famille : leurs esprits souples et brillants, leurs sensibilités promptes et à demi brisées devaient du premier coup s’enlacer et se convenir. […] Il était impossible de toucher un tel portrait à la Sterne avec une plus gracieuse et, pour ainsi dire, affectueuse ironie : « Ce qui faisait sourire l’esprit, conclut-il, dans les innocentes manies du chevalier, faisait en même temps pleurer l’âme. […] Bayle parle quelque part de ces lectures mélangées qui sont comme le dessert de l’esprit.
Le réaliste, lui, nous attribue toutes les maladies morales possibles dans son esprit, et, fort heureusement, il n’en réalise pas la vérification au dehors. […] Où est ici l’impartialité de l’esprit « étranger aux systèmes » ? […] Gaud rêve à sa fenêtre, et cela sied à la Bretonne ; enfin une idée claire et obstinée s’implante dans son esprit, c’est qu’elle a droit à l’amour de Yann. […] Est-ce l’obscurcissement d’un esprit par les légendes ? […] Ce bateau tou à coup présent sans qu’on l’ait vu venir est comme la projection du vague nuageux de la superstition et du merveilleux contenus dans l’esprit de Yann.
Ils rêvent d’écraser l’esprit de révolte, — et ils remporteront peut-être une victoire momentanée. […] … Pour moi, cette sanction donnée à « l’esprit nouveau » me remplit d’admiration. […] À quoi bon séparer l’esprit de la matière ? […] L’esprit détendu se refuse aux associations d’idées qui troubleraient son inertie. […] Elle reprochait jadis doucereusement à Michelet son esprit sectaire.
Maine de Biran sont déjà des méditations ébauchées et mieux qu’ébauchées… Voilà, ce me semble, de la belle poésie philosophique, s’il en fut ; mais, chez Loyson, cette élévation rigoureuse dure peu d’ordinaire ; la corde se détend et l’esprit se remet à jouer. Il est poète de sens, de sentiment et d’esprit, plutôt que de haute imagination.
Il avoit de grandes connoissances dans l’Histoire de France ; mais les lumieres dirigées par l’esprit particulier, deviennent en peu de temps des lumieres fausses, équivoques, dangereuses, & l’on devroit travailler à se corriger de ce défaut, avant d’entreprendre aucun Ouvrage. […] Ils ont beau revêtir leurs paradoxes de l’appareil d’un raisonnement captieux, répandre sur leur style les charmes de l’éloquence, employer toutes les ressources de l’art pour séduire les esprits, l’illusion n’a presque jamais son effet, ou, si elle subsiste quelques momens, la réflexion la proscrit bien vîte, & l’Auteur paradoxal ne recueille que le blâme qui lui est dû.
Ils annoncent en général beaucoup d’imagination, de l’esprit, & le talent d’écrire. […] La fortune ne répondit pas à l’éclat de sa naissance, ni au mérite de son esprit, si on en juge par ces Vers qu’elle adressoit à cette derniere.
Il ne faut pas conclure de là, que ce Poëte soit sans esprit. Il montre quelquefois de l’imagination dans l’invention des sujets, des traits pétillans, des pensées ingénieuses ; mais l’esprit, sans le talent, ne procura jamais de succès, & le talent ne se fit jamais sentir dans des Vers assez communément prosaïques, sans grace, & péniblement travaillés.
Luneau ne donne pas moins l’idée la plus favorable de son esprit & de son jugement. Les Gens de Lettres doivent lui savoir gré de les avoir si complétement vengés, dans ses Plaidoyers & ses Mémoires, de l’oppression de ces tyrans typographiques qu’ils font vivre par leur esprit.
La quantité de ses petits Ouvrages en Vers & en Prose est trop grande, pour qu’aucun soit capable de lui faire une solide réputation, quoiqu’ils annoncent en général de l’esprit, de la littérature, la connoissance du monde, & le talent d’écrire avec facilité. […] Quiconque ambitionne des succès durables, doit, avant toutes choses, nourrir son esprit par de bonnes lectures, le former par la réflexion, lui donner le temps de se fortifier & de mûrir, & ne point s’élancer dans la carriere, avant de la bien connoître & d’être en état de la parcourir.
Une assez juste connoissance de la Morale & de la Politique, plus d’esprit que de talent, plus de finesse que de raison, plus de sentiment que d’imagination, de la facilité pour écrire en Vers & en Prose avec intérêt & avec élégance, sont les principaux traits qui caractérisent les Ouvrages de cet Ecrivain. […] Ses Fables seroient plus piquantes, si la fureur de montrer de l’esprit s’y faisoit moins sentir.
Les personnes qui goûtent les Romans, & qui y attachent un grand mérite, trouveront dans les siens bien des qualités propres à les leur rendre intéressans ; il offrent de la légéreté, de la délicatesse, du sentiment, & sont exempts de ce ton odieux de licence, si prodigué par cette sorte d'Esprits qui ont la démangeaison d'écrire, sans autre inspiration que celle du vice. […] Les Lettres de Milady Catesby & celles de Fanny Butler sont pleines d'esprit, de graces & de sentiment.
Ses Poésies sont en général pleines d'esprit & de délicatesse, & portent l'empreinte de son caractere libre jusqu'à la licence. […] Saint-Pavin poussa la liberté d'esprit jusque sur les matieres de Religion ; ce qui faisoit regarder à Boileau sa conversion comme impossible.
Avec de la sévérité, on trouveroit qu’elles manquent quelque-fois de cette douceur, de ce naturel, de cet agrément qui doivent être le vrai caractere de ces sortes de productions ; mais elles offrent des traits d’esprit, un langage assez correct, & c’en est assez pour mériter de l’indulgence. […] Les fausses Infidélités donnoient les plus grandes espérances ; on y trouve de la gaieté, de l’esprit dans les détails, de la facilité dans le dialogue, quelques scènes d’un bon comique de situation.
Son Epître à Racine, celle à M. le Cardinal de Bernis, & la plupart de ses autres Pieces fugitives, annoncent de l’esprit, de l’imagination, & le talent de rendre, d’une maniere naturelle, & de revêtir d’une versification douce & variée, les différentes affections du cœur & de l’esprit.
Bruys, [François] né à Serrieres dans le Mâconnois, en 1708, mort à Dijon en 1738, Auteur qui a beaucoup écrit, mais qui, pour avoir écrit avant de former son esprit & son style, n’a rien laissé que de médiocre. […] Il est donc de la nature de l’esprit humain de ne garder aucune mesure, quand il a commencé à s’écarter du vrai !
Si ce qu’il appelle ses Idylles, renfermoit autant de sentiment qu’on y remarque d’esprit & de délicatesse, on pourroit regarder ces petits Poëmes comme des chef-d’œuvres. […] Ses autres Poésies consistent dans les Epigrammes, dans les vers à la louange de quelques hommes illustres de son temps, où l’on apperçoit toujours l’ame honnête, l’homme d’esprit, & le Poëte agréable.
Il faut néanmoins avouer que l’Auteur a su y répandre des traits d’esprit, de la morale, & quelques saillies d’une imagination pleine d’enjouement. […] Dans l’ Apothéose du Docteur Procope, en six Chants & en Vers, la Poésie parle le langage du Docteur Diafoirus ; mais avec assez d’esprit & de talent, pour faire regretter que le Poëte ait choisi des sujets si bizarres.
Celui qui a pour titre, des Causes du Bonheur public, offre une infinité de vûes patriotiques, qui donnent l’idée la plus avantageuse de son cœur, en même temps qu’elles honorent son esprit, par la maniere énergique dont elles sont présentées. […] Nous ne craignons pas d’être accusés de trop de sévérité dans ces remarques, parce que la critique n’humilie que les esprits médiocres ou incorrigibles.
Ce Burlesque étoit la manie dominante avant que Boileau eût éclairé les Esprits & réformé le Goût. […] Ceux qui se plaindroient qu'on ait prodigué tant d'esprit & d'imagination sur un sujet aussi mince que la Vie des Comédiens, ne savent peut-être pas que l'arme du ridicule étoit déjà nécessaire du temps de Scarron, pour corriger l'extravagance & abattre l'orgueil de ces Messieurs.
Elle cultiva les Muses Latines & Françoises avec assez de succès, pour mériter d'être citée parmi la foule des Esprits qui ont honoré le Siecle dernier par leurs talens. […] Dans ce long avenir, j'entre l'esprit tranquille ; Pourquoi ce dernier pas est-il tant redouté ?
L’objection est puérile, si elle vient d’esprits qui ne croient pas à la possession des peuples par les dynasties. […] Il se livrait à tous les accidents d’une révolution avec cet abandon complet mais habile d’un esprit consommé. […] Le pathétique de ce récit dans les Girondins n’est que la justice de l’histoire, qui en appelle au cœur des férocités de l’esprit. […] Elle est une justice généreuse du cœur humain, plus clairvoyante au fond et plus infaillible que la justice inflexible de l’esprit. […] L’esprit et le cœur, la logique et la nature y ont chacune leur rétribution.
Puis sa vieillesse, pleine de sève et d’imagination, l’avait mûri d’années sans l’énerver d’esprit. […] Combien je regrette ce chroniqueur sincère des hommes de 1793, ce pauvre Georges Duval, qui devait voir en homme d’esprit ce que les autres n’ont vu qu’avec stupeur ! […] Toute-puissante par sa beauté et par son esprit sur son mari, elle l’enveloppa de son impopularité et l’entraîna par son amour à sa perte. […] Le peu de solidité de son esprit l’excuse, l’enivrement de sa beauté et de sa jeunesse l’innocente, la grandeur de son courage l’ennoblit. […] Il portait fièrement la tête ; il promenait, avec toute sa liberté d’esprit, des regards indifférents sur la multitude.
Un état de demi-sommeil, c’est-à-dire un sommeil long mais très agité, et à chaque réveil des paroles d’affection, de consolation, et toujours cette grande clarté d’esprit qui saisit et distingue tout et qui observe son état. […] Sur sa bouche se jouait un sourire qui lui était propre, à la fois bienveillant et sarcastique, comme une expression involontaire de la finesse et de la supériorité de son esprit. […] Une bienveillance inexprimable brillait sur sa physionomie, quand il reconnaissait dans une personne étrangère un homme d’esprit. Alors sa conversation devenait ouverte et pétillante d’esprit ; néanmoins ses jugements étaient pleins de réserve et il était toujours maître de sa parole. […] J’ai la confiance que ma conduite dans les trois derniers mois (j’ai presque dit dans les trois derniers siècles) ne doit me rien faire perdre dans ton esprit.
Le goût du théâtre, à notre époque, est une manifestation de l’évolution de nos esprits paresseux vers les divertissements matériels. […] Je ne doute point que le goût du théâtre ne soit aussi bien que celui des livres une forme du goût pour la littérature ; tout dépend du spectacle ou du livre et de l’esprit dans lequel on aborde l’un ou l’autre. […] La vogue est aux pièces calquées sur d’anciens ouvrages, adornées de mots d’esprit que trois générations de souffleurs ont soufflés à quatre générations de comédiens. […] Les gens les plus dépourvus de littérature, d’idées générales et d’esprit, y peuvent fort bien réussir dans les divers genres qui se sont développés de préférence à Paris, depuis vingt ans surtout. […] Déclarez que l’art dramatique est un art inférieur, et toutes les petites revues rendront hommage à la supériorité de votre esprit.
On soupe donc, et avec quelle étincelante ivresse, avec quelle furia francese d’esprit et de verve ! […] Le feu de l’esprit a la vertu du feu terrestre : il purifie tout ce qu’il touche, il épure la fange ardente que traversent, en courant, sans s’y salir, ces vérités nues, toutes frissonnantes de leur nudité. […] L’esprit y fait rage, un esprit qui semble avoir hérité de l’habit magnifique et fou du duc de Buckingham, qui pleuvait des perles. […] Ce qui le distingue encore, c’est l’harmonie de l’esprit et de la passion fondus ensemble, dans un mouvant mélange. […] Ceci dit, la pièce reste, en bien des endroits, une œuvre jeune et vivante, étincelante d’esprit et de larmes, détachée de toute convention, imprégnée, jusqu’à la moelle, des mœurs et de la vie de son temps.
Pour ranimer l’esprit de famille là où il est affaibli, il ne suffit pas que tout le monde en comprenne les avantages ; il faut faire directement agir les causes qui, seules, sont susceptibles de l’engendrer. […] C’est le cas de l’Angleterre dont la densité matérielle est supérieure à celle de la France, et où, pourtant, la coalescence des segments est beaucoup moins avancée, comme le prouve la persistance de l’esprit local et de la vie régionale. […] Un rapport de causalité, en effet, ne peut s’établir qu’entre deux faits donnés ; or cette tendance, qui est censée être la cause de ce développement, n’est pas donnée ; elle n’est que postulée et construite par l’esprit d’après les effets qu’on lui attribue. […] Deux théories contraires se partagent sur ce point les esprits. […] Les règles que nous venons d’exposer permettraient, au contraire, de faire une sociologie qui verrait dans l’esprit de discipline la condition essentielle de toute vie en commun, tout en le fondant en raison et en vérité.
Des gens d’esprit, de beaucoup d’esprit, des femmes distinguées et gracieuses ; l’une d’elles était simplement Mme de Sévigné, et c’est de cette époque que La Fontaine la connut, et c’est de cette époque que Mme de Sévigné conçut pour La Fontaine cette admiration profonde qu’elle ne laisse aucune occasion, comme vous le savez, de déclarer. […] La Fontaine et Molière, qui représentent si bien, si parfaitement l’esprit français et l’esprit de cette époque, ont été, du premier coup en sympathie profonde et ils n’ont pas cessé d’être en sympathie parfaite jusqu’à la fin, qui a été plus rapide pour Molière que pour La Fontaine, comme vous savez. […] Remarquez que la première œuvre belle de La Fontaine, c’est l’Elégie aux Nymphes de Vaux, et je pense qu’il y a là plus qu’une coïncidence, car je ne suis pas de ceux qui croient que l’esprit peut suppléer au cœur. […] Pour vous montrer la manière dont quelquefois ceux qui n’ont pas tout l’esprit qu’il faut avoir pour en avoir assez, parlent aux hommes de génie ; pour vous donner aussi l’idée d’un ton qui, certainement depuis, a complètement disparu des usages de l’Académie, je vous lirai le fragment suivant du discours de M. de La Chambre : « Ne comptez pour rien, monsieur, tout ce que vous avez fait par le passé. […] Ceci est une erreur, parce que c’est habituer les jeunes esprits à considérer en effet tout grand artiste comme un homme détenteur et de la beauté et de la vérité morales, et alors cela les porte à se laisser aller à toutes les suggestions des livres de ce grand homme qu’ils liront.
Issu d’une ancienne famille noble, assez peu aisée, qui vivait dans le Midi au château du Cayla, du côté d’Alby ; élevé dans une maison religieuse à Toulouse, puis au collège Stanislas, abrité quelque temps à La Chesnarye en Bretagne, dans le petit monde de M. de Lamennais au moment critique et alors que ce grand et violent esprit couvait déjà « sa séparation » d’avec l’Église, revenu bientôt à Paris et se livrant à la littérature, il mourut avant d’avoir rien publié de remarqué ni d’important. […] Vitet), regretter, qu’il n’eût pas en effet réalisé la lutte entre des deux natures, entre la nature humaine supérieure la tête, la pensée, l’esprit, et entre la nature inférieure, animale, matérielle ? […] mais on a parlé de classique dernièrement à propos des écrits d’une dame russe fort vantée, et j’ai protesté contre cette manière d’éloge : Mme Swetchine, avec tout son esprit, ne saurait, en effet, être appareillée aux véritables classiques, même en matière de spiritualité ; celle qui mériterait véritablement ce nom par la grâce du tour, la correction du trait, le naturel et la propriété des images, la simplicité (au moins relative) des pensées, ce serait Mlle Eugénie de Guérin, si elle avait fait un livre. […] C’était un singulier contraste, on l’avouera », que cette âme virginale, cette colombe » du Cayia, au sortir de son désert ; faisant connaissance pour la première fois avec Paris et le monde lettré par cet échantillon, d’homme, d’esprit, par ce bouquet de feu d’artifice. Esprit contre esprit ; elle était bien fille d’ailleurs à croiser le fer et à tenir la gageure.
Une idée domine les différentes publications dont j’ai à parler : cette idée, c’est que la copie fidèle de la nature, sa reproduction exacte, sincère, convaincue, faite avec suite et menée à fin avec une entière bonne foi, fût-elle accompagnée de fautes, d’incorrections et de gaucheries, même visibles, a son prix inestimable, son attrait, je ne sais quel charme auprès des esprits et des cœurs droits et simples. […] Malgré ce léger défaut d’action et de composition qui ne s’aperçoit qu’en y repensant et à l’analyse, l’effet de lumière est si vrai, si large, si bien rendu, si pleinement harmonieux ; la bonté, l’intelligence et les vertus domestiques peintes sur toutes ces figures sont si parfaites et si parlantes, que l’œuvre attache, réjouit l’œil, tranquillise le cœur et fait rêver l’esprit. […] Champfleury, somme toute, a son individualité comme esprit observateur et comme descripteur : il est lui ; si son verre n’est pas grand, il est de ceux qui boivent dans leur verre. […] Et si, en ressouvenir de toutes ces questions de réalité et de réalisme qui se rattachent à son nom, on voulait absolument de moi une conclusion plus générale et d’une portée plus étendue, je ne me refuserais pas à produire toute ma pensée, et je dirais encore : Réalité, tu es le fond de la vie, et comme telle, même dans tes aspérités, même dans tes rudesses, tu attaches les esprits sérieux, et tu as pour eux un charme. […] Il te faut encore, et c’est là le plus beau triomphe, il te faut, tout en étant observée et respectée, je ne sais quoi qui t’accomplisse et qui t’achève, qui te rectifie sans te fausser, qui t’élève sans te faire perdre terre, qui te donne tout l’esprit que tu peux avoir sans cesser un moment de paraître naturelle, qui te laisse reconnaissable à tous, mais plus lumineuse que dans l’ordinaire de la vie, plus adorable et plus belle, — ce qu’on appelle l’idéal enfin.
Ces esprits prévenus, en s’avisant de contester contre toute évidence l’authenticité des Mémoires de Mme Roland, n’avaient persuadé personne et n’avaient réussi qu’à faire douter d’eux-mêmes et de leur sens critique. […] Ces renseignements, qui à certains égards me mettent en défiance contre les séductions de ce grand esprit, vous les faites disparaître. […] que Mme de Staël, disciple également de Jean-Jacques, mais disciple plus libre dès ses débuts et bien autrement originale que Mme Roland par le tour d’esprit et la manière de dire, ah ! […] Dauban, devient pour nous un symptôme significatif de l’esprit du temps où l’ouvrage fut d’abord publié, est celle-ci. […] Il était évident, toutefois, pour quiconque étudiait de près Mme Roland avec l’intérêt et l’attention qu’elle mérite, que pendant des années, — durant les dix premières années de son mariage, — elle avait été tout entière occupée et absorbée par les soins maternels, les devoirs domestiques, le désir de cultiver son esprit et d’accroître ses connaissances ; l’amour près d’elle avait eu tort ; elle n’avait ni cherché ni rencontré.
La gloire du roi, celle de son fils et le bonheur de cette ingrate nation, voilà tout ce que je peux, tout ce que je dois désirer ; car, pour votre amitié, mon cher cœur, j’y compte toujours : elle fait ma consolation… » On voit par cette lettre tout le cœur de la reine avec ses bonnes intentions, et aussi les incertitudes de son esprit. […] La reine le lui rappela, et pour lors il reprit avec esprit : « Messieurs, vous êtes bien plus heureux que si je « ne m’étais pas trompé. » Ce fut beaucoup de cris de : Vive le Roi ! […] « On aurait pu, dit-elle, espérer d’abord que le temps ramènerait les esprits, mais je ne rencontre que de bonnes intentions et pas un courage. » (10 mars 1790.) […] Mirabeau a fait remettre au roi des mémoires d’un très bon esprit… Après la lecture de plusieurs mémoires de Mirabeau, un surtout très fort, on a trouvé qu’il serait à propos qu’il me vît pour prendre des instructions générales. […] Elle avait l’esprit juste, elle comprenait ; mais la suite et l’ensemble n’étaient guère son fait.
Voilà pourquoi les dépositaires de l’esprit de la nation, durant ce long période, semblent écrire sous l’action d’une fièvre intense, qui les met sans cesse au-dessus et au-dessous de la raison, rarement dans sa moyenne voie. […] Peut-être doit-il un peu de cet esprit à la Perse. […] Mais une telle doctrine, sortie de la philosophie grecque, n’était pas dans les traditions de l’esprit juif. […] De tout temps, cette division en deux parties opposées d’intérêt et d’esprit avait été pour la nation hébraïque un principe de fécondité dans l’ordre moral. […] Une nature ravissante contribuait à former cet esprit beaucoup moins austère, moins âprement monothéiste, si j’ose le dire, qui imprimait à tous les rêves de la Galilée un tour idyllique et charmant.
Le propre des conversations de Napoléon, comme de celles de Pascal, était de se graver bon gré mal gré dans les esprits qui l’écoutaient, de nous arriver reconnaissables même à travers les témoins les plus ordinaires, et l’on est tout surpris, quand on les retrouve rapportées quelque part, de l’éclat soudain qu’elles jettent sur les pages insignifiantes d’à côté. […] Henri IV avait eu des traits d’esprit, des saillies heureuses que répétaient Crillon et les gentilshommes ; mais, ici, il fallait une éloquence à la hauteur nouvelle des grandes opérations, à la mesure de ces armées sorties du peuple, la harangue brève, grave, familière, monumentale. […] Mais son esprit caustique lui fit des ennemis. […] Il était homme d’esprit, de courage, savait la guerre, était capable de grandes choses, mais seulement lorsqu’il y était forcé par la nécessité des circonstances ; alors les conseils de la nonchalance et des favoris n’étaient plus de saison. […] Je ne dirai pas qu’il se dégoûta de l’Égypte, ce puissant esprit ne se dégoûtait pas ; mais, quand un de ses rêves favoris lui échappait, il avait la faculté de prendre son esprit, comme il disait, et de le porter ailleurs.
À cette distance, la portion légèrement fantastique qui s’y mêle à la réalité, et qui de près en compromettait le plein succès auprès des esprits difficiles, disparaissait ou même n’était qu’un attrait de plus. […] Je me suis demandé quelquefois l’effet que produirait un livre de M. de Balzac sur un honnête esprit, nourri jusqu’alors de la bonne prose française ordinaire dans toute sa frugalité, sur un esprit comme il n’y en a plus, formé à la lecture de Nicole, de Bourdaloue, à ce style simple, sérieux et scrupuleux, qui va loin, comme disait La Bruyère : un tel esprit en aurait le vertige pendant un mois. […] Sans prétendre le détourner en rien de sa voie féconde, j’aurais voulu qu’il eut présents à l’esprit quelques axiomes que je crois essentiels en tout art, en toute littérature : La netteté est le vernis des maîtres. […] Le bon sens et le génie sont de la même famille : l’esprit n’est qu’un collatéral.
Arlequin était plutôt connu jusque-là par ses balourdises et ses facéties : Florian voulut y mettre plus d’esprit jusque dans la naïveté, plus de finesse dans la balourdise ; il lui insinua surtout du sentiment. […] Scribe indiquait, pour donner idée de l’esprit véritable de ce rôle, l’Arlequin-Lubin de La Bonne Mère de Florian. […] La fable est un genre naturel, une forme d’invention inhérente à l’esprit de l’homme, et elle se retrouve en tous lieux et en tous pays. […] Et en même temps on n’y sent pas l’arrangement artificiel comme chez La Motte, ni ce genre d’esprit qui, ayant pour point de départ une idée abstraite, a besoin ensuite de s’avertir lui-même qu’il faut être figuré, riant, familier, et même naïf. […] Là où l’esprit et la grâce peuvent suppléer à la poésie, là où il suffit de bien conter et d’égayer le récit par un trait agréable, Florian s’en tire à merveille, comme lorsqu’il nous montre, dans la querelle entre le hibou, le chat et l’oison, ce rat arbitre, Rat savant qui rongeait des thèmes dans sa hutte !
Le système, l’exagération volontaire, l’archaïsme, l’imitation, fatale pour les plus forts quand ils ont ce charmant défaut de la jeunesse, mère de tant de sottises, toutes ces choses qui contaminent çà et là l’œuvre actuelle, doivent, par le fait de la santé et de la vigueur de son esprit, mourir prochainement en M. […] Richepin a des parentés naturelles avec ces Maîtres, noblesse oblige, et il est temps d’introduire dans la famille d’esprits dont il fait partie une individualité nouvelle. […] Le livre des Blasphèmes est la conséquence très simple de l’état général des esprits. […] On a prétendu que ces bouillonnements tumultueux, embrasés et terribles, étaient sortis, non du volcan du cœur ou de l’esprit d’un homme, mais, le croira-t-on ? […] Et d’autant plus que c’est l’esprit du temps qui chante dans sa voix, seulement l’esprit du temps relevé dans le poète, puissancialisé, poussé au sublime, — le sublime du mal, il est vrai.
Arcq, [Philippe – Auguste de Sainte-Foi, Chevalier d’] né avec beaucoup d’esprit & de talent ; il a cultivé les Lettres par goût, & les Ouvrages qu’il a publiés ont été accueillis du Public. […] L’Histoire générale des guerres, & l’Histoire du commerce et de la navigation, prouvent que l’esprit de M. le Chevalier d’Arcq n’est pas moins susceptible de profondeur & de solidité, que de délicatesse & d’agrément.
Il étoit fort lié avec Voiture, Scarron, Sarrasin, avec la fameuse Ninon, & quelques autres, d’une société pleine de gaieté & d’agrémens, ce qui ne contribue pas peu à animer un esprit naturellement agréable & facile. […] Scarron, pour peindre la délicatesse de l’esprit & du goût de Charleval, disoit que les Muses ne le nourrissoient que de blanc-manger & d’eau de poulet.
L’Homme moral, & sur - tout les Mémoires philosophiques du Baron de **, dont il vient d’enrichir notre Littérature, prouvent que l’esprit & les talens ne sont pas moins héréditaires dans sa famille, que les vertus patriotiques qui l’ont depuis long-temps illustrée. Il seroit difficile de présenter sous un jour plus frappant le Charlatanisme, les intrigues, les manéges & tous les travers de la Philosophie moderne, qu’ils ne le sont dans ces Mémoires ; Production vraiment originale, où la critique est mise en action de la maniere la plus piquante & la plus capable de faire impression sur les esprits mêmes prévenus.
Evremont, vient de ce que Mairet s’étoit appliqué, dans cette Piece, à rendre les mœurs des personnages conformes à celles de son Siecle, ce qui ne pouvoit manquer de plaire aux Spectateurs : au lieu que Corneille, attaché au vrai goût de l’antiquité, n’avoit pas eu la complaisance de s’écarter de la nature, pour flatter les esprits frivoles. […] Dans un siecle où l’apparence même de l’esprit étoit toujours sûre d’être bien accueillie, on dut entendre avec plaisir ces quatre vers de la Sophonisbe de Mairet.
Les autres Poésies de M. le Marquis de Pesay offrent de l’esprit, de la délicatesse, de la facilité, des graces ; il ne leur manque, à notre avis, que plus de naturel & de sentiment. […] Cette tournure d’esprit est vraiment un moyen assuré de plaire, parce qu’elle flatte le goût dominant ; mais est-elle un titre solide pour les suffrages de la Postérité ?
Il a fait également paroître de l’esprit & de la légéreté dans quelques Ecrits polémiques, traités selon les regles d’une critique aussi juste que saine. Ses Traductions sont fidelles & élégantes, sur-tout celle du Poëme de la Peinture; par M. l’Abbé de Marsy, dans laquelle il a saisi & très-bien rendu l’esprit de l’Original.
Mille traits singuliers présentés avec adresse, y flattent la curiosité & saisissent l'esprit du Lecteur. […] Le Sylphe est encore une des plus agréables Productions du même Auteur, qui, de vingt Pieces jouées sur nos Théatres, n'en a pas une qui n'ait été applaudie, & ne mérite de l'être par les Esprits judicieux & délicats.
Cette maniere de disputer pouvoit être excusable dans un temps où l'on n'avoit pas encore dit : « Il est bien cruel, bien honteux pour l'Esprit humain, que la Littérature soit infectée de ces haines personnelles, de ces cabales, de ces intrigues, qui devroient être le partage des esclaves de la fortune. […] Faut-il que l'art de penser, le plus beau partage des Hommes, devienne une source de ridicule, & que les Gens d'esprit, rendus souvent, par leurs querelles, le jouet des sots, soient les bouffons du Public, dont ils devroient être les Maîtres » ?
C’est que l’esprit raisonneur, en détruisant l’imagination, sape les fondements des beaux-arts. On croit être plus habile, parce qu’on redresse quelques erreurs de physique (qu’on remplace par toutes les erreurs de la raison) ; et l’on rétrograde en effet, puisqu’on perd une des plus belles facultés de l’esprit.
Mais, si on allait plus avant, si on parlait de ces similitudes extérieures, les unes nécessaires et dans l’essence de toute Révolution analogue, les autres purement capricieuses et accidentelles, pour arriver à des conséquences logiques et pour conclure politiquement de la situation anglaise en 1688 à la situation française en 1830, on se méprendrait fort ; on embrouillerait le point de vue actuel, qui est d’une clarté admirable ; et comme cette confusion et cette méprise sont assez ordinaires depuis quelques jours, nous croyons utile de prémunir là-dessus certains esprits amoureux de ressemblances. Et d’abord, bien que l’esprit des deux Révolutions ait été le même au fond, et que les Parlements de Charles Ier, comme l’Assemblée nationale, aient voulu la liberté, cette liberté, de part et d’autre, s’est attaquée à des points divers et a revêtu des formes toutes différentes. […] Si l’on n’en peut dire autant de la dernière réaction congréganiste ; si, dans ces derniers temps, elle est parvenue à aiguiser de nouveau en haine l’indifférence générale, il faut convenir qu’elle n’a point profondément altéré la tolérance des esprits.
Pour moi, il me semble que ces hommes, doués d’une seconde vue, sont assez semblables à ces chauves-souris en qui le savant anatomiste Spallanzani a découvert un sixième sens plus accompli à lui seul que tous les autres… Ce sixième sens, si admirable, consiste à sentir dans chaque objet, dans chaque personne, dans chaque événement, le côté excentrique pour lequel nous ne trouvons point de comparaison dans la vie commune et que nous nous plaisons à nommer le merveilleux… Je sais quelqu’un en qui cet esprit de vision semble une chose toute naturelle. […] Voyez, il semble avoir quelque chose de tout particulier dans l’esprit, à en juger par la manière dont il regarde le bleu du ciel. » C’est là Hoffmann, et lui-même nous a donné la clef de son génie. […] Dans ses meilleurs contes, là où il se montre réellement inventeur et original, il sait, par les rapprochements fortuits les plus saisissants, par une combinaison presque surnaturelle de circonstances à la rigueur possibles, exciter et caresser tous les penchants superstitieux de notre esprit, sans choquer trop violemment notre bon sens obstiné ; ce qu’il nous raconte alors peut sans doute s’expliquer par des moyens humains, et n’exige pas à toute force l’intervention d’un principe supérieur ; mais, bien que notre bon sens ne soit pas évidemment réduit au silence, et qu’il puisse toujours se flatter de trouver au bout du compte le mot de l’énigme, il y a quelque chose en nous qui rejette involontairement cette explication pénible et vulgaire, et qui s’attache de préférence à la solution mystérieuse dont le leurre nous est de loin offert comme derrière un nuage.
Jeunes gens et jeunes filles ne peuvent expliquer les mots les plus usuels : la lecture d’une page de français leur laisse une vague et indécise idée dans l’esprit, et s’ils n’en gardent pas un souvenir précis, s’ils ne peuvent à l’instant même la résumer en substance, c’est moins faiblesse de réflexion, légèreté d’attention, gaucherie d’intelligence, l’ignorance du sens des mots qu’ils ont lus. […] Sans doute les grammairiens ont compliqué la grammaire ; ils ont inventé mille subtilités, mille chicanes, tout un réseau de lois capricieuses et rigides où l’esprit s’empêtre et qui doublent sans nécessité la difficulté déjà si grande de bien écrire. […] Quant au vocabulaire, il faut distinguer entre les sens et les mots nouveaux que la mode met en vogue, qui tiennent à ce qu’il y a de plus fugitif, de plus léger dans les mœurs et les idées d’une époque, et les acquisitions définitives du langage, qui répondent aux mouvements décisifs de l’esprit, et aux transformations réelles de la société.
Ils commencent par croire, — d’une foi étroite et furieuse de fanatiques, — premièrement, que la littérature est la plus noble des occupations humaines et la seule convenable à leur génie ; que les autres métiers, la culture de la terre, l’industrie, les sciences et l’histoire, la politique et le gouvernement des hommes sont de bas emplois et qui ne sauraient tenter que des esprits médiocres ; et, secondement, que c’est eux, au fond, qui ont inventé la littérature. […] Les rues de Paris suscitent dans l’esprit de Servaise des visions apocalyptiques, terribles par un je ne sais quoi qu’il ne peut exprimer — qu’il n’exprimera jamais — parce que ce je ne sais quoi n’est rien. […] Il y a vingt ans, nous récitions en classe ces vers de l’Art poétique : Fuyez surtout, fuyez ces basses jalousies, Des vulgaires esprits malignes frénésies.
Il est certain encore que ses Adversaires n’ont jamais pu lui contester le mérite des talens : il faudroit être bien injuste ou bien aveugle, pour ne pas convenir, après la lecture de ses Ouvrages, que peu d’Auteurs parmi nous ont l’esprit aussi vigoureux, le goût aussi sûr, & le style aussi piquant. […] Il ne manque au Poëme de la Dunciade, du même Auteur, qu’un peu de gaieté, pour être un chef-d’œuvre d’esprit & de poésie : trop d’âcreté dans la Satire, en émousse le sel & l’agrément. […] L’Auteur décele trop l’envie qu’il a de blesser ; ce qui inadispose les Lecteurs contre lui, loin de les muser : de sorte qu’en y déchirant presque tous les Gens de Lettres, il n’a eu la satisfaction d’en affliger aucun, comme l’a dit un homme de beaucoup d’esprit.
Expression très-noble et rapprochement très-heureux, qui réveille dans l’esprit du lecteur l’idée du naufrage pour le marin et pour l’ambitieux. […] Le trait qui la termine, joint au piquant d’un saillie épigrammatique l’avantage de porter la conviction dans les esprits. […] Voyez avec quel esprit La Fontaine saisit le seul rapport d’utilité dont le cerf puisse être aux bœufs.
La posterité pourra donc blâmer l’abus que nos poëtes tragiques ont fait de leur esprit, et les censurer un jour d’avoir donné le caractere de Tircis et de Philene, d’avoir fait faire toutes choses pour l’amour, à des personnages illustres et qui vivoient dans des siecles où l’idée qu’on avoit du caractere d’un grand homme n’admettoit pas le mêlange de pareilles foiblesses. […] Gardez donc de donner ainsi que dans Clelie l’air et l’esprit françois à l’antique Italie, et sous des noms romains faisant notre portrait, peindre Caton galand et Brutus dameret. L’auteur anglois prétend que l’ancienne chevalerie et ses infantes ont laissé dans l’esprit de quelques nations le goût qui leur fait aimer à retrouver par tout un amour sans passion et ce qu’elles appellent galanterie, espece de politesse que les grecs et les romains si spirituels et si cultivez n’ont jamais connuë.
Il en est de l’esprit et du caractere des hommes à peu près comme de leur visage. […] Tous les hommes paroissent uniformes aux esprits bornez. Les hommes paroissent differens les uns des autres aux esprits plus étendus ; mais les hommes sont tous des originaux particuliers pour le poëte né avec le genie de la comedie.
La mandragore de Machiavel, l’une des meilleures comédies qui aïent été faites depuis Terence, et qu’on ne prendroit jamais pour une production d’esprit née dans le même cerveau, où sont écloses tant de refléxions si profondes sur la guerre, sur la politique, et principalement sur les conjurations, est demeurée en Italie une piece unique en sa classe. […] Je ne crois pas que durant le cours du dix-septiéme siecle, les presses d’Italie nous aïent donné plus d’une trentaine de tragedies faites pour être déclamées ; elles, qui dans ce temps-là mirent au jour tant d’ouvrages d’esprit. […] Les poëtes dramatiques italiens ne composent plus gueres que des opera, en comparaison desquels toute l’Europe dit que les bons opera françois sont des chefs-d’oeuvres d’esprit, de bon sens et de régularité.
C’est un sujet traité depuis un trop petit nombre d’années par des personnes d’esprits. […] Je voudrois donc examiner d’abord le sentiment d’un anglois, homme de beaucoup d’esprit, qui soûtient en reprochant à ses compatriotes le goût que beaucoup d’eux croïent avoir pour les opera d’Italie, qu’il est une musique convenable particulierement à chaque langue, et specialement propre à chaque nation. […] L’auteur d’un poëme en quatre chants sur la musique, où l’on trouve beaucoup d’esprit et de talent, prétend que lorsque le genre humain commença, vers le seiziéme siecle, à sortir de la barbarie et à cultiver les beaux arts, les italiens furent les premiers musiciens, et que la societé des nations profita de leur lumiere pour perfectionner cet art.
Deux articles, insérés, l’un dans le Journal des Débats, l’autre dans le Journal du Commerce, à la fin de 1818, marquent très bien, à mon avis, la situation des esprits, relativement à l’Essai sur les Institutions, lorsque le livre parut. […] Nodier, comme on vient de le voir, portait dans l’examen du livre un esprit troublé encore par les graves circonstances où nous nous trouvions, après en avoir épuisé de si terribles. […] Et l’on voulut y voir plus tard une insurrection fomentée par les esprits inquiets de l’Europe !
Descartes, ce Robinson de la pensée, qui fait le désert dans l’intelligence pour s’y retrouver, fut continué effroyablement, et jusqu’à l’absurdité, par un autre Robinson sans patrie, sans principes, — la patrie de l’esprit, — échoué à Paris chez les encyclopédistes, qui lui appliquèrent le droit d’aubaine et s’en firent une de ses écrits. […] On verra le peu qu’il faut de largeur à l’erreur pour tenir tant d’esprits sous son ombre. […] Et on le crut, dans cette race de gens d’esprit, depuis les philosophes qui croient à tout, excepté à l’Église, jusqu’aux gamins intellectuels qui ne croient à rien.
C’est cette vieille idée à laquelle tant d’esprits sont venus donner leur coup… de front depuis le commencement du xviiie siècle ; car Dindenaut n’avait pas que des moutons dans son troupeau : il avait des chèvres. […] Il aurait fallu le courage de mépriser toutes ses défaillances, l’esprit de flétrir énergiquement toutes ses chimères. […] Que cela plaise ou non aux esprits incapables d’en produire un seul, le roman est le livre des sociétés qui périssent en proie aux extrêmes civilisations.
Et l’esprit critique se développa au détriment de l’angélique candeur du Poète. […] La Métamorphose de la Vie en Rêve, de la Matière en Esprit, la lente métempsycose des Images en Idées et des Hommes en Anges ! […] Mallarmé dispose d’une égale réputation ; les meilleurs esprits du continent se flattent de l’estimer. […] Comme Néron ou Caligula, il est un dégénéré, mais plus intelligent et d’esprit moins pâteux que ces sombres empereurs. […] Venait-il de Pologne, comme nous l’ont assuré plusieurs esprits malicieux, d’où l’aurait importé Madame Marie Krysinska.
Ils prennent la vie en douceur et se fatiguent l’esprit le moins possible. […] Pierre Veber pour l’esprit et pour la patience qu’il a dépensés dans cette étude. […] Car vous pensez bien que cet esprit, nourri de philosophie, ne pouvait s’abstenir de raisonner et de conclure. […] Quand elle se réconciliera avec l’esprit religieux, ce sera par d’autres voies et par d’autres moyens. […] La profusion des trésors étalés n’accable point l’esprit par un excès de grandeur ni de force.
Il a senti, malgré les préjugés de la naissance, que la premiere de toutes les élévations est celle de l’esprit, & le premier de tous les mérites, celui d’éclairer ses concitoyens. […] Quesnai, souvent réimprimé, offre une infinité de vues patriotiques qui font autant d’honneur à son cœur, que la maniere dont il les exprime en fait à son esprit.
Sa critique des Entretiens d’Ariste & d’Eugene annonce un esprit plein de finesse, de goût, & sur-tout de politesse : cet Ouvrage sera toujours un exemple à proposer aux Ecrivains de notre temps, qui manquent souvent de ces trois qualités, auxquelles ils substituent la jalousie, la mauvaise foi, & la grossiéreté. […] Au reste, il avoit de l’esprit & du savoir, qualités infiniment dépréciées par ses absurdes travers.
Ce fut donc parce que Cotin se prévaloit un peu trop d’une réputation usurpée, qu’il cabaloit dans les petites Sociétés de son temps, qu’il s’étoit érigé en Président de quelques Bureaux d’esprit, qu’au milieu de ces Sénats ridicules, où il étoit écouté comme un Oracle, il insultoit au vrai mérite, en faveur du sien & de celui de ses amis ; ce fut enfin l’admiration indiscrete de l’Hôtel de Rambouillet, qui fit pleuvoir sur lui les anathêmes de l’Auteur du Lutrin, & de celui des Femmes Savantes. […] Il est vrai qu’il ne fut point heureux dans ce genre d’escrime ; la partie étoit trop inégale : le goût & la raison assaisonnés du sel de l’Epigramme, seront toujours les fléaux du médiocre talent ; mais enfin il ne lui vint pas dans l’esprit d’employer le crédit de ses Mécenes, puissans & en grand nombre, pour opprimer ses Censeurs.
Nous ignorons s’il a fait d’autres Ouvrages que ses Lettres à M. de Voltaire, au sujet du Testament politique du Cardinal de Richelieu ; mais ces Lettres, écrites avec autant de politesse que de jugement, donnent une idée avantageuse de son esprit, de son érudition, & de la facilité de son style. […] On remarque cependant beaucoup d’esprit & de facilité dans ces différentes Brochures ; mais elles devoient nécessairement mourir, parce que les circonstances qui y ont donné lieu n’existent plus.
Tel est le sort ordinaire de ces réputations soufflées par l’esprit de parti, ou par une amitié indiscrette ; elles s’évanouissent aussi promptement qu’elles ont été créées. […] Travaille utilement pour la Postérité, Abandonne la Fable, & prends soin de l’Histoire ; Ton esprit, plein de force & brillant de clarté, Par ce beau changement augmentera sa gloire.
Son Madrigal à Madame de Martel fait connoître combien son esprit étoit facile, délicat, & orné. […] La ressemblance d’esprit, de caractere & de conduite, décide souvent les suffrages des hommes : ce fut par-là sans doute que Lainez se rendit si aimable aux yeux de son confrere, qui avoit les mêmes penchans.
Pour lui, sans renoncer à ses préjugés [comme il le paroît par son Histoire de la Papesse Jeanne, qui ne peut être que le fruit d’un esprit excessivement crédule, ou d’une imagination trop facile à se remplir de tout ce qui favorise les rêveries d’une Secte], il a su répandre, dans d’autres Ouvrages historiques, du discernement, de l’ordre, de la netteté, de l’élégance, & de l’instruction. […] L’extinction du grand Schisme d’Occident, y est très-bien développée, à l’esprit de parti près, qui égare quelquefois l’Auteur.
Qu’on réunisse à la fois l’esprit, l’étendue des connoissances, la facilité pour écrire, un style guindé & précieux, un goût peu sûr, & quelquefois mauvais ; on se fera une juste idée des Productions de cet Auteur. […] M. de Méhégan n’avoit sans doute pas lu tous ces Ouvrages où la Morale est si fort défigurée sous le pinceau philosophique ; ces Romans où la vertu n’est rien moins que le but de ceux qui les ont composés ; ces Tragédies où le sentiment a beaucoup plus d’appareil & de machinisme, que de naturel & de réalité ; ces tirades aussi déplacées qu’audacieuses, qui ne peuvent plaire qu’à des esprits gâtés, qui ne peuvent être pardonnées que par des ignorans qui ne sentent pas combien elles sont hors de propos.
Auteur de plusieurs Ouvrages de Philosophie & de Morale, qui font honneur à son esprit & à son jugement. […] Ses Dissertations sur le Tout est bien de Pope, sur l’Education, sur la vraie Philosophie, sont également les fruits d’un esprit sage, fait pour instruire autant que pour plaire.
Ses Romans en effet n’ont point pour le but d’occuper l’oisiveté, de repaître l’imagination, encore moins celui d’égarer l’esprit & de corrompre les mœurs. […] A ces défauts près, ce que l’esprit a de plus ingénieux, le sentiment de vif & de touchant, la Morale de sage & de solide, la Langue de pittoresque & d’harmonieux, se trouve rassemblé dans cet Ouvrage, qui suppose d’ailleurs la connoissance de la Religion, des usages, des loix & de l’histoire des anciens Grecs.
Ce défaut, assez ordinaire aux jeunes Littérateurs, prend sa source dans une imagination trop vive ; car dans quelques esprits, il faut que l’imagination décroisse, pour que le goût se fortifie ; comme il faut, à l’égard de certains tempéramens, que le corps se dégraisse, pour devenir robuste. […] Cette édition demandoit donc un homme de Lettres laborieux, intelligent, Poëte lui-même, en état de remplir les lacunes, de lier les morceaux séparés, de deviner l’Auteur, de disposer de son bien comme du sien propre, de faire en un mot avec lui société d’esprit & de talens, en lui cédant tout l’honneur du succès ; M. de Tresseol qui a réuni toutes ces qualités, mérite de partager la gloire de M.
C’est ce que font les romanciers quand ils suivent les aventures de plusieurs individus ou de plusieurs groupes : dans la dispersion des actions particulières, il y a de temps à autre comme des nœuds qui resserrent tous les fils : les individus, les groupes se mêlent et se démêlent incessamment, et le sujet, à chaque moment dispersé, à chaque moment rassemblé, reste toujours facile à suivre pour l’esprit qui y trouve l’ordre et la clarté nécessaires. […] Il y a dans la nature mille traits accidentels, nécessaires, si l’on veut, puisqu’ils sont, mais qui ne disent rien à l’esprit, et qui ne sont que la condition des autres, le fond où ils se détachent. […] Ce qui fait le plus d’effet, c’est ce qu’on lit ou ce qu’on entend en dernier lieu : l’impression en est plus forte sur l’esprit, et la fortune du raisonnement en dépend. […] Le goût, la justesse d’esprit, la logique en avertissent.
Or, il me semble, sauf erreur, que c’est l’habile rhétoricien, d’une netteté d’esprit toute aryenne, qui a écrit presque entièrement les deux premiers actes, et que le Touranien a mis la main au dernier plus qu’il n’aurait fallu… On voit ici en plein ce qu’il y a d’un peu puéril parmi le beau génie naturel de M. […] Que les esprits chagrins ou superficiels pâlissent de cet aveu, peu nous importe ! […] On aurait pu dire de son livre ce qu’on dit un jour de l’affreux Richard Cœur-de-Lion : « Prenez garde à vous, le diable est déchaîné » … Le livre des Blasphèmes est la conséquence très simple de l’état général des esprits. […] Jean Richepin est un des esprits les plus tourmentés de l’heure présente.
Il chroniquait dans une revue protestante où le tour d’esprit narquois d’Hervieu froissait les puritanismes. […] Hervieu troquait sa manière coulante, son style d’esprit et sa fantaisie contre une écriture voulue plus mâle et plus magistrale. […] Mais elle n’est pas traitée avec esprit. […] C’est de l’ironie sentimentale ; point un récit attendri dont on relève la fadeur par des plaisanteries passementées ; au contraire, un roman léger et ironique, avec les repos mélancoliques d’un esprit un peu clairvoyant qui se lasse de plaisanter.
Nous n’aurions eu que la grisaille sans profondeur de Voltaire, mais la clef de ces hiéroglyphes d’étiquette, de ce monde olympien de Versailles, nous ne l’aurions point eue sans Saint-Simon, et ce monde, incompréhensible à l’esprit moderne, fût resté éternellement une lettre morte pour nos descendants ! […] Juger douze volumes par quatre paraîtra peut-être bien léger aux esprits graves ; mais je les supplie de remarquer que ce n’est pas du tout le texte, en soi, de ces quatre volumes publiés qui me fait induire le texte des huit qui vont suivre, c’est quelque chose d’un peu plus profond. […] Dussieux et Soulié, un homme d’esprit, dit-on, mais que trop de piété filiale aura aveuglé. […] Seulement, et quoi qu’il en puisse être, en présence de faits pareils, ramassés avec une telle loyauté, on se demande le compte des pensées qui passèrent, durant toute sa vie, par l’esprit de l’homme qui ramassait ces faits et tellement s’en préoccupait ?
Un autre petit homme dans l’Histoire avait, comme Carlyle, écrit précisément celle de la Révolution française, n’ayant souci de rien que de se montrer révolutionnaire dans cette histoire, — le long de laquelle il passa à travers toutes les opinions, comme le singe de la Fable à travers son cerceau, avec les souplesses d’un esprit que le scepticisme rend plus souple encore ; — Thiers, qui grimpe sur toutes les idées comme il en dégringole, avec la même facilité, n’est que l’écureuil de la Politique et de l’Histoire ; mais quelle que soit l’alacrité des mouvements de l’écureuil, son genre historique, sobre de couleur, n’en a pas moins la gravité, il faut bien dire le mot, d’un homme qui est souvent un Prud’homme littéraire. […] Il l’avait, mais du moins il l’animait et la colorait des chauds rayons de son esprit. […] Seulement, Rabelais caricaturise, d’un bout à l’autre de ses œuvres, les hommes, les choses, les mœurs et l’esprit humain de son temps, en des compositions étranges qui sont des Épopées comiques, des Iliades et des Odyssées d’un Homère ivre, ou plutôt d’un Bacchus aimé des Muses et traîné par des tigres ; car les plaisanteries de Rabelais sont d’assez fières tigresses ! […] Du reste, ce défaut de la vulgarité, qu’ont presque tous les grands pittoresques, qui ne craignent absolument rien quand il s’agit d’exprimer ce qu’ils ont dans l’impression de leur esprit, était racheté, chez Carlyle, par l’expression idéale qu’il a souvent au même degré.
La première condition de toute durée dans l’inspiration de l’esprit humain, c’est le renouvellement de la vie par le travail, l’étude, la lecture, la méditation, tout cet entretien de la pensée. […] Armand Carrel n’est sérieusement ni un penseur, ni un écrivain, ni un esprit politique, ni un historien, quoique une fois dans sa vie il ait touché à l’histoire, à ces pierres d’un passé en ruines qui nous écrasent quand nous voulons les détacher pour les jeter à nos ennemis. […] Armand Marrast, son successeur au National, avait plus de verve, de mouvement, d’esprit et de talent que lui. […] Les siennes, si on avait eu de l’esprit, auraient peut-être tenu dans un demi-volume, en cherchant bien.
II Et j’écris, non sans dessein, ce nom de Byron, que j’aime d’ailleurs tant à écrire, car je ne crois pas qu’aucun nom puisse jamais exercer plus d’empire que celui-là sur l’esprit de l’auteur de Guy Livingstone. […] Comme Byron, Georges Lawrence a le rire gastralgique et saccadé dans lequel tombent les larmes et qui les dévore, et cette passion infinie qui fait trembler le feu de l’esprit dans des plaisanteries désespérées et qui ressemble à une pâmoison de la flamme ! S’il n’est pas poète, comme Lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume. […] Croirait-on, en effet, si le roman de Guy Livingstone ne l’attestait à toutes ses pages, que le vigoureux byronien dont nous venons d’indiquer les parentés intellectuelles avec l’immortel auteur du Don Juan et du Childe Harold, n’a pas eu assez de sa propre personnalité ou même d’indépendance pour s’affranchir du joug qui pèse sur tant d’esprits anglais, je veux parler de cet horrible pédantisme des Universités anglaises, auprès duquel le pédantisme de la nôtre est presque d’une élégance légère, et qui nous gâte jusqu’au génie d’hommes aussi éloquents que le furent Burke et le grand Chatham !
J’ignore et je veux ignorer ce que le public a pensé de cette perle, mais je sais bien que les connaisseurs l’ont enchâssée dans leur souvenir et qu’il n’est pas de poète, et, ce qui est aussi rare que les poètes, d’esprits sensibles à la poésie, qui ne connaissent maintenant Jules de Gères, quoiqu’il n’habite point Paris, ce Paris où l’on travaille en renommée, et qu’il ait dédaigné de frapper sur ce timbre de la publicité qui fait retentir tant de sottises et tant de sots, avec l’impudent éclat de son cuivre menteur. […] S’il y a encore de l’originalité quelque part pour nos esprits aplatis, frottés et usés les uns contre les autres, dans ce temps où l’égalité veut être partout, c’est en province qu’on trouve cette aristocratique originalité. […] On m’a dit — et si ce n’est pas son histoire il faut le regretter — que, descendant de Montesquieu, lequel faisait des vers aussi, mais qui, après L’Esprit des lois et La Décadence des Romains, avait le droit de n’en pas faire de si bons que Gères, il avait été obligé, ce noble homme, qui l’est deux fois, par le talent et par la naissance, d’entrer, par suite des ignobles fortunes que les révolutions nous ont faites, dans une étude de notaire dont il aurait été le modeste clerc pendant quelque temps. […] si on admire, avec juste raison, les esprits d’une puissance dramatique assez grande pour s’incarner dans une autre peau que la leur et devenir, à leur choix, Othello ou Macbeth, le père Goriot ou Vautrin, que ne doit-on pas penser de ceux qui, laissant là la personnalité humaine, s’incarnent dans des êtres étrangers à l’humanité, comme un hêtre ou comme un centaure ?
Rien donc d’étonnant à cette précipitation des esprits vers le roman, cette forme actuellement populaire de la pensée littéraire du dix-neuvième siècle, mais rien d’étonnant non plus à son avilissement par sa popularité… Il en arrivera du roman (et dans un avenir très-prochain) ce qui est arrivé de la tragédie. […] Elle était morte, doit-on dire, sous l’étreinte d’esprits imbéciles qui n’eurent que de lâches embrassements ? […] Avoir fait d’Hoffmann et d’Edgar Poë une combinaison honnête, avoir fait d’Hoffmann, l’halluciné de fumée de pipe, le nerveux suraigu, le labes dorsal qui vécut des années avec une moelle épinière à feu, et d’Edgar Poë, plus étonnant encore, d’Edgar Poë, l’ivresse la plus noire et la plus rouge qui se soit allumée jamais dans une tête humaine sans la faire éclater, le mangeur d’opium arrosé d’eau-de-vie, le delirium tremens devenu homme jusqu’à ce que l’homme fût entièrement tué par le delirium tremens, faire de ces deux puissants génies malades une petite créature qui ne se porte pas trop mal, et qui nous trempe l’esprit comme une mouillette dans une mixture… sans inconvénient, n’est-ce pas un début magnifique ? […] L’imitation, nous le savons bien, c’est par là que l’homme débute dans la vie, mais, pour peu qu’il ait de la vie, il outre le défaut de son modèle, et cette outrance, c’est l’honneur de son esprit, car c’en est la promesse !
II Et j’écris, non sans dessein, ce nom de Byron, que j’aime d’ailleurs tant à écrire, car je ne crois pas qu’aucun nom puisse jamais exercer plus d’empire que celui-là sur l’esprit de l’auteur de Guy Livingstone. […] Georges Lawrence a le rire gastralgique et saccadé dans lequel tombent les larmes et qui les dévore, et cette passion infinie qui fait trembler le feu de l’esprit dans des plaisanteries désespérées et qui ressemble à une pâmoison de la flamme ! S’il n’est pas poëte, comme lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume. […] Croirait-on, en effet, si le roman de Guy Livingstone ne l’attestait à toutes ses pages, que le vigoureux byronien dont nous venons d’indiquer les parentés intellectuelles avec l’immortel auteur du Don Juan et du Childe-Harold n’a pas eu assez de sa propre personnalité ou même d’indépendance pour s’affranchir du joug qui pèse sur tant d’esprits anglais, je veux parler de cet horrible pédantisme des Universités anglaises, auprès duquel le pédantisme de la nôtre est presque d’une élégance légère, et qui nous gâte jusqu’au génie d’hommes aussi éloquents que le furent Burke et le grand Chatham !
Les panégyriques, d’ailleurs, étaient l’esprit de ce temps-là, comme les satires et les chansons ont été en usage chez d’autres peuples. […] Il semble que l’esprit humain soit importuné de sa raison, et fatigué d’être libre. […] Il a droit de nous intéresser, et comme roulant sur un objet utile, et comme un monument historique, qui peint également et l’esprit et l’âme de l’orateur54. […] Il paraît qu’à la philosophie de l’esprit, elle joignait celle de l’âme, et qu’elle fut à la fois sensible et grande.
Les envieux et ceux qui lui voulaient nuire trouvaient leur compte en le louant : on le faisait passer, par sa liberté de parole et sa hauteur, pour un homme d’esprit plus à craindre qu’à employer, et dangereux. […] On a souvent cité son mot dédaigneux sur Voltaire, qu’il appelle Arouet, « fils d’un notaire qui l’a été de mon père et de moi… » On en a conclu un peu trop vite, à mon sens, le mépris de Saint-Simon pour les gens de lettres et les gens d’esprit qui n’étaient pas de sa classe. […] Il sait rappeler au besoin cette vieille bourgeoise du Marais si connue par le sel de ses bons mots, Mme Cornuel, Tels sont les gens d’esprit aux yeux de Saint-Simon. Quant à Voltaire, il en parle, il est vrai, comme d’un aventurier d’esprit et d’un libertin : on en voit assez les raisons sans les faire, de sa part, plus générales et plus injurieuses à la classe des gens de lettres qu’elles ne le sont en effet. […] Après chaque mécompte ou chagrin, Saint-Simon s’en allait droit à la Trappe chercher une consolation, comme on va dans une blessure au chirurgien ; mais il en revenait sans avoir modifié son fond et sans travailler à corriger son esprit.
Je dis qu’un tel amusement ne serait pas sans fruit ; que tous les bons esprits me sauraient gré de ce travail. […] » Ainsi Beaumarchais, le plus railleur des esprits, a été l’annonciateur du plus raillé des génies. […] Il y a encore des frontières entre les esprits comme il y en a entre les nations. […] Où diable avait-il l’esprit tout à l’heure ? […] Martin Luther confia ses doctrines à leur esprit méthodique progressivement élargi et il écrivit, pour eux, plus d’un choral.
Dans la musique même, si belle qu’elle soit, il y a plus de soif de l’éternel repos que de la vie éternelle, qui est la vie active de l’âme et de l’esprit. […] L’un et l’autre sont des sommets d’onde auxquels monte l’esprit humain dans sa lente navigation vers l’universel. […] Un tel homme n’est pas capable de ressentir la colère… Que sont l’esprit et le génie en comparaison de cela ? […] Mais les progrès accomplis dans l’esprit du public en ces dix dernières années ne se bornent pas à une vaine curiosité pour l’œuvre d’un génie étranger. […] Barrès note l’état présent des jeunes esprits.
Au point de vue de l’intelligence, le discernement peut être implicite, quand un terme seulement est présent à l’esprit, sans comparaison avec un autre. […] C’est là une conception atomistique de l’esprit qu’on retrouve chez Locke et chez Herbart, mais qui n’en est pas plus admissible. […] Les individus sont-ils des modes d’un esprit infini ? L’esprit que je suis pour moi est-il matière pour le spectateur extérieur ? ou, au contraire, ce qui est matière pour moi est-il esprit en soi ?
C’est par le développement graduel de cette indépendance des esprits qu’il faut expliquer en art, la persistance de moins en moins longue des écoles et leur multiplication, le caractère de moins en moins nettement national des œuvres, à mesure que la civilisation à laquelle elles appartiennent se déploie, se diversifie et s’étend. […] L’Histoire de la littérature anglaise retrace l’art d’une nation où l’esprit de race s’est maintenu longtemps intact, sans que cependant les phénomènes d’imitation classique du XVIIe siècle y soient suffisamment expliqués, et sans que l’auteur pousse jusqu’à la période contemporaine qui l’aurait mis dans l’embarras. […] Dans le roman, par exemple, la nature des héros, des lieux, de l’action, la manière dont l’auteur présente ses acteurs et ses décors, devront agir, entraîner la persuasion et l’intérêt par leur aspect de vérité même, et sans qu’il soit permis d’en rien conclure pour l’esprit du lecteur qui aura été touché. […] Il est enfin certain que, chez lui, ces facultés, quel que soit leur développement relatif par rapport au reste de ses aptitudes, ne peuvent posséder la force qu’elles ont dans l’esprit de l’auteur, puisque, chez celui-ci seul, elles ont abouti à des manifestations actives. […] En dehors d’esprits supérieurs qui no sont exclusifs pour personne, on ne rencontre guère de gens aimant également et à un même moment Lamartine et Hugo, Balzac et Dumas, la basse et la haute littérature.
je me rappelle maintenant, comme si un voile tombait de mon esprit, toutes les circonstances de ma première entrevue avec Sacountala ! […] Mais comment le souvenir de cette infortunée a-t-il pu renaître dans l’esprit de son époux ? […] Tout drame, dans la théorie indienne, doit être un ; car, sans unité, point de concentration de l’esprit sur une action diverse, par conséquent point d’intérêt. […] Une des femmes qui habitent ces solitudes retrace ainsi à une autre femme ermite la situation d’esprit de l’infortuné Rama : « Rama, depuis longtemps, porte dans son cœur le deuil de son épouse, quoiqu’un calme extérieur déguise son chagrin. […] Un témoin s’écrie, en le regardant : « Il me rappelle Rama, tel qu’il était dans sa jeunesse, lorsqu’il lançait ses flèches contre les esprits impurs.
L’histoire littéraire et esthétique, telle que la comprennent les anciens, se traite dans le même esprit et par la même méthode que l’histoire politique. […] Ce qui en fait l’immortelle beauté, ce n’est pas seulement la langue, le style, l’art de la composition ; c’est la pensée, l’esprit dans lequel elle est écrite. […] Toute la méthode de cette science est dans une définition de l’Esprit des lois ; « les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ». […] Cette méthode d’analyse et de synthèse tout ensemble, dans laquelle excelle l’esprit philosophique de M. […] En tout ce qui concerne l’ordre des choses morales, l’esprit allemand se complaît dans la réalité, aime la tradition, cède facilement à l’empire des faits accomplis.
L’Académie française n’avait pas d’œuvre à opposer, qu’elle estimât elle-même à la hauteur de la récompense ; car il ne pouvait tomber dans l’esprit de personne que les Symphonies de M. de Laprade pussent y atteindre ou y aspirer. […] je sais des esprits qui l’ont très-bon, et qui, en même temps, manquent de goût, parce que le goût exprime ce qu’il y a de plus fin et de plus instinctif dans le plusconfusément délicat des organes. […] Mais enfin, mon principal reproche à M. de Laprade est de ne pas bien défendre sa thèse, de la compromettre par des lieux communs, de vraies tirades qui sentent l’école, ou par des sorties qui accusent un esprit exclusif et rempli de sa propre image. […] Un écrivain de beaucoup d’esprit, un jeune maître en ironie, a pris en main la défense de cette faculté déliée, de cette arme qui est la sienne, en rendant compte du livre de M. de Laprade3 ; il a très-bien montré qu’avoir au plus haut degré le sentiment du ridicule et de la sottise, ce n’était point nécessairement n’être sensible qu’au mal. […] Au reste, quand le plus froid même et le plus sage est une fois piqué de cette mouche qu’on appelle l’esprit de parti et de coterie, il peut commettre des fautes d’entraînement.
Napoléon ici hésita, eut des égards pour l’Europe, pour l’empereur Alexandre, alors son ami et son allié intime, celui qui, en 1808, disait au roi de Saxe à Erfurt « qu’il se sentait meilleur après chaque conversation avec l’Empereur Napoléon, et qu’une heure d’entretien avec ce grand homme l’enrichissait plus que dix années d’expérience. » Mais, depuis cette époque, les dispositions de la Russie et de son souverain avaient bien changé ; les exigences de Napoléon au sujet du blocus continental, l’intérêt qu’avait Saint-Pétersbourg à ne pas s’y prêter, les griefs et les passions de sa Cour et de son peuple, avaient influé sur l’esprit mobile d’Alexandre et l’avaient désenchanté peu à peu et finalement aliéné de son grand ami. […] « Ô vous, compagne de ma vie, dont l’amitié est mon plus cher trésor, qui avez embelli tous les bons moments de mon existence et partagé toutes mes peines ; vous, dont l’esprit éminent a entretenu l’activité de mon âme, et dont l’imagination riche et brillante a souvent fait éclore mes idées ; à qui je dois enfin la meilleure partie de mon être, recevez l’hommage de ces Souvenirs dont le récit fut entrepris par votre désir. […] La grâce de son esprit et le charme de son commerce ont toujours conservé pour eux le même attrait. » Ces Mémoires sont écrits à la troisième personne et je dois en avertir, car je les cite textuellement en ayant l’air de les analyser. […] Avec du goût, de l’esprit et les formes de la meilleure compagnie, il aimait à faire remarquer l’ancienneté de la famille irlandaise dont il descend. […] Esprit supérieur et courageux, il a su, seul de ses collègues, se montrer toujours au-dessus de ses fonctions et même de la faveur.
Gaullieur, nous montrera comment un étranger, homme d’esprit, jugeait Racine, après en avoir causé sans doute avec quelque courtisan railleur et caustique. […] Alors il m’ouvrit son cœur et m’expliqua confidemment ses idées sur le mariage et la qualité de l’alliance qu’il cherchait pour sa fille, ajoutant que s’il trouvait de quoi remplir solidement ces idées, comme serait un jeune avocat de bon esprit, bien élevé, formé de bonne main, qui eût eu déjà quelque succès dans des coups d’essais et premiers plaidoyers, avec un bien raisonnable et légitimement acquis, il le préférerait sans hésiter à un plus grand établissement, quoi que lui fissent entrevoir et espérer des gens fort qualifiés et fort accrédités qui voulaient marier sa fille. […] Je m’acquitterai du devoir de l’offrir à Dieu et en même temps tous ceux qui y ont part, afin qu’il daigne se trouver à ces noces chrétiennes et y apporter de ce bon vin que lui seul peut donner, qui met la vraie joie dans le cœur, et qui donne aux vierges une sainte fécondité en plus d’une manière : Vimim germinans virgities, comme parle un prophète. » Vous éprouvez sans doute, monsieur, qu’il n’est besoin de vous nommer l’auteur, ni de vous le désigner plus clairement. » Ainsi échangeaient de loin leurs bénédictions, ainsi s’exprimaient entre eux avec une prudence mystérieuse ces hommes de piété et de ferveur dont le commerce semblait un crime, et en qui l’esprit de parti prétendait découvrir de dangereux conspirateurs. […] Mais comme le His tribus noctibus Deo jungimur (Ces trois premières nuits n’appartiennent qu’à Dieu)… dépend de la seule inspiration de l’Esprit du Seigneur et d’une grâce aussi rare que précieuse, même pour un temps, et que l’exhortation à une pratique si respectable convenait au pasteur conjoignant, et n’était nullement du ressort ni de l’entremise du médiateur de l’alliance, ç’a été lettres closes pour lui. […] Dans cette Épître, il y avait un couplet ou une tirade entière à la louange de M. de Louvois, « mais d’une louange si bien tournée, dit un contemporain, qu’elle était encore plus à la gloire du Roi qu’à celle de son ministre. » Voici cette strophe, toute prosaïque d’ailleurs ; je la donne pour ce qu’elle vaut : Avec tant de secret, d’activité, d’adresse, Un si grand dessein s’est conduit, Que la Nymphe qui vole et qui parle sans cesse N’en a pu répandre le bruit : Utile et glorieux ouvrage De ce ministre habile, infatigable et sage, Que le plus grand des rois de sa main a formé, Que ni difficulté ni travail ne rebute, Et qui, soit qu’il conseille ou soit qu’il exécute, De l’esprit de Louis est toujours animé Il fallait être bien avisé pour voir là dedans rien qui pût effaroucher Louis XIV.
Chapitre IV Poésie lyrique Médiocre aptitude de l’esprit français au lyrisme. — 1. […] Toutes les circonstances, au reste, eu préparaient la riche et facile floraison : tandis que le baron du Nord, entre les murs épais de sa maussade forteresse, menacé et menaçant, ne rêvait que la guerre, les nobles du Midi, en paix et pacifiques sous deux ou trois grands comtes, riches, hantant les villes, épris de fêtes, la joie dans l’âme et dans les yeux, l’esprit déjà sensible au jeu des idées, et l’oreille éprise de la grâce des rythmes se faisaient une littérature en harmonie avec les conditions physiques et sociales de leur vie. […] Elle n’avait guère vécu que d’une vie factice, n’ayant pas eu la bonne fortune de rencontrer un de ces esprits en qui elle se fût transformée, de façon à devenir une forme nécessaire du génie national. […] L’invention subtile, l’agencement ingénieux, le raisonnement serré, l’esprit fin ou piquant, voilà ce qu’on estime et ce dont se piquent nos trouvères. […] Dans le lyrisme savant, en résumé, rien n’est populaire, ni fond, ni forme ; par le raffinement des pensées, par l’artifice des vers, ces œuvres procèdent d’une essentielle aversion pour le vulgaire naturel : au bon sens, elles substituent l’esprit, et se proposent le plaisir d’une élite d’initiés, non l’universelle intelligibilité.
Il brisera les formes trop arrêtées, trop fixes, qui ne se laissent plus manier par la pensée de l’artiste, ces habitudes tyranniques de composition et de style qui filtrent pour ainsi dire l’inspiration et éliminent l’originalité : en brisant les genres, les règles, le goût, la langue, le vers, il remettait la littérature dans une heureuse indétermination, dans laquelle le génie des artistes et l’esprit du siècle chercheraient librement les lois d’une reconstitution des genres, des règles, du goût, de la langue, du vers. […] En Allemagne, Schiller (mort en 1805) avait produit toute son œuvre, et Goethe avait donné son premier Faust, si complexe d’inspiration et si peu classique de forme : puis avaient poussé les fantaisies romantiques, sentimentales, vagues, déconcertantes souvent pour l’esprit et troublantes pour le cœur, avec Novalis, Tieck, et autres. […] Il faut noter aussi les conséquences de la suspension passagère de l’instruction universitaire et ecclésiastique : par les collèges s’entretenaient l’esprit classique, l’admiration des anciens, l’amour des élégances littéraires et des ornements oratoires. […] Les deux circonstances que je viens d’indiquer aidèrent les jeunes esprits à s’affranchir des règles classiques, à briser surtout les formes de la langue et de la versification. […] C’est une œuvre de combat, venue après la défaite : œuvre d’un esprit vigoureux et pénétrant, mais systématique, partial, fermé à tout ce que son parti pris ne l’autorise à comprendre, juge délicat des œuvres qu’il se reconnaît le droit d’admirer.
Dominique, qui était homme d’esprit et de savoir, connaissant le génie de la nation française, qui aime l’esprit partout où elle le trouve, s’avisa de faire usage des pointes et des saillies convenables à l’Arlequin. […] Dominique, le confirmèrent dans son opinion, et nous voyons la forme qu’ils donnèrent au caractère d’Arlequin, qui est bien différente de l’ancienne… Depuis lors, le caractère d’Arlequin est devenu l’effort de l’art et de l’esprit du théâtre. […] L’esprit de Dominique, tel qu’il nous apparaît dans ses canevas, n’est pas des plus fins, et nous doutons fort, malgré le dire de Saint-Simon, qu’il le recueillît à la bibliothèque de Saint-Victor. […] Tel est l’esprit qui appartient en propre à Dominique, car, par la suite, Regnard, Dufresny, Fatouville, etc., lui en prêtèrent du plus vif et du meilleur.
Poètes, allez donc tout droit au public pour avoir votre brevet, et dans ce public à ceux qui sentent, dont l’esprit et le cœur sont disponibles, à la jeunesse, ou aux hommes qui étaient jeunes hier et qui sont mûrs aujourd’hui, à ceux qui vous lisent et qui vous chantent, à ceux aussi qui vous relisent. […] De l’esprit, des nudités et des crudités, du lyrisme, une grâce et une finesse par moments adorable, de la plus haute poésie à propos de botte, la débauche étalée en face de l’idéal, tout à coup des bouffées de lilas qui ramènent la fraîcheur, par-ci par-là un reste de chic (pour parler comme dans l’atelier), tout cela se mêle et compose en soi la plus étrange chose, et la plus inouïe assurément, qu’eut encore produite jusqu’alors la poésie française, cette honnête fille qui avait jadis épousé M. de Malherbe, étant elle-même déjà sur le retour. […] Béranger a eu l’esprit (lui ou sa fée) de laisser passer la poésie de l’Empire avant d’éclore ; il aurait calculé sa vie, qu’il n’aurait pas mieux réussi. […] Je demande à citer ici quelques stances de cette pièce, pour reposer l’esprit, à la fin de cette étude un peu disparate, sur quelques tons tout à fait purs : J’espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir, En osant te revoir, place à jamais sacrée, Ô la plus chère tombe et la plus ignorée Où dorme un souvenir ! […] Bien des esprits qui n’auraient pas eu l’idée de l’aller chercher pour son talent lyrique ont appris à le goûter sous cette forme facile et légère.
Il puisa dans cette grande école ce souffle qui en était l’âme à l’origine, l’amour vrai de la science et une confiance sincère dans les efforts de l’esprit humain dirigé par les méthodes. […] Il ne voyait pas dans les affaires les ennemis naturels des recherches littéraires et scientifiques telles qu’il les concevait, et il semblait qu’en changeant ainsi de sujet, il ne faisait que varier les applications d’un même esprit de méthode et de détail. […] On a relevé dans ces utiles et instructifs volumes quelques inadvertances singulières, notamment la traduction des vers de la quatorzième Épode, qui sont censés des reproches de Mécène à Horace : « Pourquoi cette molle paresse, cette torpeur où votre esprit s’oublie ? […] Il était peu disert d’ailleurs en public et dans l’improvisation : son débit ou même sa lecture, quand il n’était pas préparé, faisait trop assister ses auditeurs aux tâtonnements et aux empressements de son esprit. […] Mais ce qu’il était surtout, c’était la droiture, l’antique probité, la candeur et la conscience même, une bonhomie éclairée pourtant de finesse ; laborieux jusqu’à la fin et infatigable ; aimant les lettres, aimant la jeunesse et ce qui le chassait peu à peu et allait lui succéder ; prenant intérêt à ces recherches curieuses et innocentes qui dénotent la simplicité du cœur et l’intégrité conservée de l’esprit.
Je me propose aussi d’établir ou de confirmer dans les esprits de ceux qui m’écoutent un sentiment trop rare de nos jours et que je ne crains pas d’appeler le patriotisme littéraire. […] Prenez la prose anglaise à sa grande époque avec des écrivains tels qu’Addison, Johnson, Swift, Richardson, Fielding, leur originalité consiste exclusivement dans la pensée et le tour d’esprit : la langue que parlent ces hommes ingénieux est peu variée, assez monotone dans ses constructions, et parfois même, si j’ose dire toute mon opinion, quelque peu languissante et plate. […] Voici du reste l’hommage que lui rendait hier, dans une solennité académique, l’un des esprits les plus finement et les plus largement libéraux de notre époque, M. […] On les connaît enfin, mais qui sait, sans parler du dix-neuvième siècle où la France a vu naître les trois plus grands lyriques qui aient jamais existé et toute une pléiade à leur suite, qui sait qu’au seizième et au dix-septième siècle notre poésie a suscité la plus riche floraison et qu’il s’est alors produit des chefs-d’œuvre d’émotion, de grâce, d’esprit, de style, à défrayer des anthologies aussi étendues que celles de Céphalas et de Planude5 ? […] La vérité morale avait été explorée, scrutée, pénétrée par l’âge précédent, par le siècle des La Bruyère et des Bourdaloue : alors la vérité sociale fut recherchée pour la première fois, pour la première fois exposée avec quel rayonnement du génie et de l’esprit français !
Je me permettrai quelquefois d’évoquer l’esprit des traditions anciennes ; mais je suis loin, en cela comme en tout le reste, d’exiger une confiance aveugle ; car je n’ai point laborieusement étudié ces traditions : elles me sont apparues bien plus que je ne les ai cherchées ; je pourrais presque dire qu’elles se sont trouvées en moi. […] Aura-t-il pu saisir ce bruit vague et sourd qui se compose de tant de voix confuses, et qui est cependant, pour les esprits attentifs, la parole même de la génération présente ? […] C’est un grand malheur sans doute que des esprits inquiets, des génies turbulents, aient introduit la discussion dans de certaines matières ; mais le mal est fait. […] Comparons à présent Louis XVIII à Bonaparte : l’un efface toutes les traditions, crée un peuple dans un peuple, profane les tombeaux, et c’est profaner les tombeaux que dédaigner l’esprit des ancêtres ; l’autre unit les temps anciens aux temps qui vont éclore, professe sans idolâtrie le culte des ancêtres, admet les choses nouvelles, sans toutefois repousser dans l’opprobre les choses anciennes. […] Un tel bienfait ne fut point apprécié ; il parut à des esprits chagrins un retour vers le passé, pendant que c’était une heureuse transition vers l’avenir.
Doué, comme lui, d’une imagination vive, d’un esprit naturel & facile, il a plus de grace, plus de brillant dans la pensée & dans l’expression ; supériorité qui vient sans doute d’une sensibilité impétueuse qui l’entraînoit avec rapidité vers tous les objets agréables ; il les savouroit avec réflexion. […] Au contraire, elle l’étend, le préconise, & ne craint pas de sacrifier ainsi sa gloire à l’envie de se procurer des partisans, qui oublient ce qui leur en coute pour figurer dans la société des ames foibles & des esprits forts.
Avec de l’esprit, de l’imagination, une finesse de tact & la connoissance du monde, qui percent dans ses Romans les plus médiocres, M. de Crébillon auroit pu enrichir la République des Lettres par des travaux estimables. […] Aussi ses Lettres de la Marquise de ***, les Egaremens du cœur & de l’esprit, sont-ils mieux écrits & plus agréables que ses autres Romans.
Celle du Maréchal de Belle-Isle, quoique le fruit d’un âge avancé, est marquée au coin de ses autres Productions, c’est-à-dire qu’on y retrouve cet esprit vaste qui saisit tous les points de vue d’un sujet, qui les approfondit avec pénétration, qui les énonce avec autant de grace que de force ; cet esprit enchanteur, qui donne une vie à tout, & une vie qui annonce toujours le Génie créateur.
Palaprat n’avoit que de l’esprit : l’Auteur du Grondeur avoit du génie. […] Quant à ses petites Poésies, elles annoncent, comme ses Comédies, l’Homme d’esprit, né sur les bords de la Garonne, mais jamais l’Homme de génie, élevé sur les bords de l’Hipocrene.
Il faut cependant convenir qu’il a surpassé son Maître, c’est-à-dire, que, né avec plus d’esprit, ayant moins écrit, ses Ouvrages sont plus purs, plus exacts du côté du langage. […] Malgré ces défauts, on ne peut refuser à l’Abbé de Saint-Réal. la gloire d’avoir écrit en Homme d’esprit, d’avoir su répandre dans son style un prestige séducteur, qui fait regretter de ne pouvoir joindre le suffrage de conviction à l’intérêt qu’il fait naître dans l’ame du Lecteur.
Cette Traduction, à laquelle il a, dit-on, la principale part, lui a attiré les anathêmes du Patriarche que les Lettres & la Philosophie viennent de perdre : M. de Voltaire, offensé de ce qu’on n’a pas parlé de ses Tragédies dans le Discours qui précede celles du Poëte Anglois, ne put retenir son ressentiment, comme il est aisé d’en juger par plusieurs de ses Lettres, & entre autres, par celle qui est imprimée dans la seconde édition du Bureau d’Esprit, où il traite M. […] Les réflexions se présentent ici en foule à notre esprit : nous nous contenterons de remarquer qu’il n’y a peut-être pas d’homme de Lettres plus honnête, ni qui ait des mœurs plus douces, que celui que M. de Voltaire traitoit, peu de jours avant sa mort, de maraud & de monstre.
Léon Hennique écrit : Un caractère, roman spirite, sorte d’apologie de la croyance aux esprits, très curieuse et très convaincue. […] Un grand esprit de notre temps, M. […] Les notes de Pierre Loti ont la fidélité de la photographie, l’esprit d’un croquis de maître ; tout y est peint en quelques touches. […] La vie était revenue, la flamme brûlait très claire, chassant les esprits de la nuit. […] Comme eux il a le trait, comme eux il est Français, éloquent, homme d’esprit, patriote et poète.
Soit imprudence, soit ambition, il vante à Néron les grâces et l’esprit de sa femme (TACIT. […] La dignité, l’esprit, le sentiment même, et l’air de vérité qui règnent dans ce discours, font frissonner. […] Telle était encore la bienfaisance chez les anciens Romains, dont l’esprit s’était conservé dans la famille des Sénèque. […] « L’esprit de Sénèque est en contradiction avec son caractère. » Je ne ferai pas ce reproche aux critiques ; je suis trèsdisposé à leur croire le caractère de leur esprit et l’esprit de leur caractère. […] Bayle fait une bonne réflexion sur ce passage : « A cela, dit-il, peut-on connaître qu’elle se piquait d’esprit et d’habileté ?
Que ne fera-t-on pas un jour du mélange de l’esprit français et de l’esprit germanique, chacun ayant sa vertu propre, et droit tous deux à une égale admiration ? […] Et ce n’est là, dans l’esprit des flamingants, que le début d’une série de mesures destinées à bannir de Belgique la langue et la culture françaises. […] Le romantisme est moins une disposition d’esprit librement consentie qu’un tempérament. […] Maurice Wilmotte les domine tous par sa belle intelligence, curieuse, agile et fine, la sagacité de son esprit, l’opulence de son érudition. […] L’esprit en est, dans l’ensemble, excellent, la forme attrayante, souvent personnelle.
Villars fit partir de Paris, à l’avance, un grand train conforme à son nouvel état de représentant du plus magnifique des rois : trois carrosses à huit chevaux, quatre chariots attelés de même, cinq ou six charrettes chargées de meubles, six pages, quatre gentilshommes, avec grand nombre de domestiques ; mais comme il avait su allier toute cette pompe avec un esprit d’exacte économie, il ne put s’empêcher de s’en vanter tout haut et de le raconter au roi et à tous : Il demanda à Sa Majesté (ce sont les mémoires qui parlent) ce qu’elle pensait que pouvait coûter la conduite d’un tel équipage de Paris à Vienne. Ceux qui étaient auprès du roi, ou pour faire plaisir au marquis de Villars, ou pour approcher de la vérité, estimaient que cette dépense pouvait monter à quarante ou cinquante mille livres. « Messieurs, leur dit-il, il ne m’en a pas coûté une pistole. » Le roi, surpris de la réponse, lui en demanda l’explication. « Sire, répondit Villars, pour être magnifique, il faut être économe et se servir de son esprit. » Le courtisan ne savait à quoi ce préliminaire allait conduire, lorsque Villars ajouta : « Sire, lorsque mon équipage est parti, la réforme de votre cavalerie se faisait. […] On les vendit, l’un portant l’autre, à Ulm, cent cinquante livres : par conséquent, le gain sur les chevaux défraya le reste du voyage. » Le roi loua fort le bon esprit et le bon ordre de Viliars… Aussi n’est-ce point d’avoir raconté au roi la chose, qu’on peut blâmer Villars ; il répondait par là d’avance à plus d’une accusation, et montrait que, sous son faste et son apparente profusion, il savait calculer juste. […] Si je parlais autrement à Votre Majesté, je n’aurais plus l’honneur de me conduire à son égard avec un esprit de vérité. » C’est comme un janséniste de la guerre que Catinat ; il y porte l’amour strict de la vérité, et une prudence, une patience opiniâtre. […] » Voilà, Monsieur, des paroles nécessaires, non pour augmenter le zèle, il est toujours égal, mais pour que votre général ait l’esprit plus libre, le cœur satisfait, et que, jugeant de sa fortune dans la guerre par celle qu’il trouve dans son élévation, il ne croie rien d’impossible.
Jusqu’à présent, du moins, dans le groupe d’élite que nous nous étions composé, et qu’aujourd’hui notre Béranger couronne, il faut le déclarer avec orgueil à l’honneur des premiers esprits de cette époque, nous n’avons rien eu à celer : le goût seul a mesuré nos réticences. […] Le théâtre mis de côté, la satire, qui lui traversa l’esprit un moment, repoussée comme âcre et odieuse, il prit une grande et solennelle détermination : c’était de composer un poëme épique, un Clovis. […] Cette parcelle ignée en effet, cet esprit pur qui, à peine éclos, se loge dans une bulle hermétique de cristal que la reine Mab a soufflée, c’est toute sa chanson, c’en est le miroir en raccourci, la brillante monade, s’il est permis de parler ce langage philosophique dans l’explication d’un acte de l’âme, qui certes ne le cède à aucun en profondeur. […] la plainte du pays ; la douleur morne, l’espoir opiniâtre de la vieille armée ; l’espoir plus léger, l’impatience et les moqueries de la jeunesse ; la tristesse dans le plaisir ; de l’esprit tour à tour piquant, coloré, attendri, comme il ne s’en trouve que là depuis Voltaire ; de suaves et gracieuses enveloppes d’une pureté d’art antique, et qui par moments rappellent, ainsi qu’on l’a remarqué avec goût, Simonide, Asclépiade et les érotiques de l’Anthologie. […] L’Esprit caché dont elle suit les lois, Tout en marquant mille buts à la fois, Veut sur un point faire briller l’ouvrage.
Je n’aperçois que trop tous les jours de quoi je redeviendrois capable, si je perdois un moment de vue la grande règle, ou même si je regardois avec la moindre complaisance certaines images qui ne se présentent que trop souvent à mon esprit, et qui n’auroient encore que trop de force pour me séduire, quoiqu’elles soient à demi effacées. […] Boileau, plus sévère et aussi humain, Boileau, que je me reproche de n’avoir pas assez loué autrefois sur ce point non plus que sur quelques autres, a été inspiré de cet esprit de piété solide dans son Épître à l’abbé Renaudot. […] Celui-ci ne court point après l’esprit ou plutôt après ce qu’on appelle ainsi. […] On trouva chez lui un petit papier, écrit de sa main, qui contenait ces mots : Trois ouvrages qui m’occuperont le reste de mes jours dans ma retraite : 1° L’un de raisonnement : — la Religion prouvée par ce qu’il y a de plus certain dans les connaissances humaines ; méthode historique et philosophique qui entraîne la ruine des objections ; 2° L’autre historique : — histoire de la conduite de Dieu pour le soutien de la foi depuis l’origine du Christianisme ; 3° Le troisième de morale : — l’esprit de la Religion dans l’ordre de la société. […] La loi des chrétiens, qui a suivi celle des Juifs, étoit beaucoup plus parfaite, parce qu’elle donnoit tout à l’esprit, qui est sans contredit au-dessus du corps… C’est un second état par lequel ce Dieu bon a voulu faire passer les hommes… Et maintenant enfin ce ne sont plus les seuls biens du corps, comme dans la loi des Juifs, ni les seuls biens spirituels, comme dans l’Évangile des chrétiens, c’est la félicité du corps et de l’esprit que l’Alcoran promet tout à la fois aux véritables croyants. » Il est curieux que Salem, c’est-à-dire notre abbé Prévost, ait conçu une manière d’union des lois juive et chrétienne au sein de la loi musulmane, par un raisonnement tout pareil à celui qui vient d’être si hardiment développé de nos jours dans le saint-simonisme.
. — Tendance générale de l’esprit à l’hallucination » — Dans toutes nos opérations mentales, il y a une hallucination, au moins à l’état naissant. — Exemples de son développement. — Phrases mentales qui deviennent des voix externes. — Images effacées qui, en ressuscitant, deviennent hallucinatoires. — Nos diverses opérations mentales ne sont que les divers stades de cette hallucination. […] Enfin ils lui dirent que l’homme qui, en ligne, était le plus près de lui, venait de tomber ; aussitôt il sauta hors de son lit, s’élança hors de la tente, et fut tiré du péril et du rêve en trébuchant sur les cordes des piquets. — Après ces expériences, il n’avait point de souvenir distinct de ses rêves, mais seulement un sentiment confus d’oppression et de fatigue, et, d’ordinaire, il disait à ses amis qu’il était sûr qu’ils lui avaient joué quelque tour. » Le somnambulisme artificiel met l’esprit dans un état semblable. […] N…9 était préfet en 1812 d’une grande ville d’Allemagne qui s’insurgea contre l’arrière-garde de l’armée française en retraite. » Son esprit en fut bouleversé ; il se croit accusé de haute trahison, déshonoré ; bref, il se coupe la gorge avec un rasoir. […] N… se met à l’écart pour mieux écouter et pour mieux entendre ; il questionne, il répond ; il est convaincu que ses ennemis, à l’aide de moyens divers, peuvent deviner ses plus intimes pensées… Du reste, il raisonne parfaitement juste, toutes ses facultés intellectuelles sont d’une intégrité parfaite, il suit la conversation sur divers sujets avec le même esprit, le même savoir, la même facilité qu’avant sa maladie… Rentré dans son pays, M. […] C’est pourquoi elle avait les mêmes effets et les mêmes suites, et renouvelait le trouble et la terreur que la femme encore saine d’esprit avait éprouvés pendant le combat.
les misérables peines de l’amour-propre et les jeux puérils de l’esprit. […] Il parlait très bien de la Charte, et commençait magnifiquement dès lors l’explication de la théorie constitutionnelle ; mais si les conclusions étaient saines, les arguments étaient presque partout violents et irritants, les moins faits pour attirer et affectionner les esprits à la cause qu’il préconisait. […] Que ces sept hommes-là soient à Dieu et au roi, je réponds du reste… Quant à ces hommes capables, mais dont l’esprit est faussé par la Révolution, à ces hommes qui ne peuvent comprendre que le trône de saint Louis a besoin d’être soutenu par l’autel et environné des vieilles mœurs comme des vieilles traditions de la monarchie, qu’ils aillent cultiver leur champ. […] Il ouvrit son feu dans les Débats par deux magnifiques articles, du 29 juin et du 6 juillet, dans lesquels il démontrait que le système actuel suivi par le ministère, et hier encore approuvé par lui-même dans son ensemble, était aussi contraire au génie de la nation qu’à celui de nos institutions et à l’esprit de la Charte. […] Qu’on ouvre maintenant Le Congrès de Vérone, publié du vivant de l’auteur, et les Mémoires publiés le lendemain de sa mort, et qu’on juge de la différence des esprits.
Dans une telle nécessité, les héros devaient être portés à s’unir en corps politique, pour résister à la multitude de leurs serviteurs révoltés, en mettant à leur tête l’un d’entre eux distingué par son courage et par sa présence d’esprit ; de tels chefs furent appelés rois, du mot regere, diriger. […] Rien ne pouvait être plus conforme à la nature sauvage et solitaire de ces premiers hommes, puisque l’esprit de l’aristocratie est la conservation des limites qui séparent les différents ordres au-dedans, les différents peuples au-dehors. […] Aussi est-ce une loi éternelle dans les sociétés, que les uns y doivent tourner leur esprit vers les travaux de la politique, tandis que les autres appliquent leur corps à la culture des arts et des métiers. […] cette douceur avec un esprit si farouche ? […] Plus tard lorsque la civilisation eut adouci les esprits, l’émancipation se fit par trois ventes fictives.
Théodore de Banville Ô jeune homme dont les premiers chants furent pénétrés d’une tendresse si émue, victime que l’Étude avait choisie pour montrer comme elle est une maîtresse jalouse, ô poète, cœur brisé, ô prunelle avide et curieuse, ô subtil esprit en éveil, ô mon frère endormi, chère âme ! […] Il y a plus d’esprit et de science que de sentiment et d’inspiration dans ces poèmes qui ne sont souvent que de longs madrigaux.
Comme eux, il a le trait ; comme eux, il est Français, éloquent, homme d’esprit, patriote et poète. […] Et c’est justice ; il a l’ardeur, l’entrain, et, dans une langue très mêlée, de l’esprit et du trait.
Son esprit étoit orné ; elle avoit l’imagination vive & agréable, une érudition peu commune parmi les personnes de son sexe. […] On lui doit une édition des Essais, avec une Préface à sa maniere, où l’on trouve des traits de sens, d’esprit & d’érudition, qui ont fourni, par parenthèse, à Pasial, trois ou quatre de ses plus brillantes pensées.
Son esprit & ses talens pour la Poésie, lui attirerent de la réputation sous le Ministere du Cardinal de Richelieu. Les saillies de son esprit le firent aimer du Cardinal de Retz, qui fut tirer parti, en faveur de la Fronde, de son Génie chansonnier, toujours prêt à la servir.
Elle apprend aussi qu’il a beaucoup souffert et qu’il a l’esprit malade. […] Il a trop d’esprit, et il en paraît trop content. […] Un esprit, dit Job, a passé devant ma face, et mes poils se sont hérissés. […] Janvier de La Motte a beaucoup d’esprit, et de l’esprit d’à présent, net, dépouillé, direct, assez féroce. […] Est-ce ma faute, si j’y ai reconnu un esprit curieux, sérieux et compatissant ?
Au contraire en France, tout concourt à faire fleurir l’esprit de société ; en cela le génie national est d’accord avec le régime politique, et il semble que d’avance on ait choisi la plante pour le terrain. […] Avec les grâces de l’attitude et du geste, ils ont déjà celles de l’esprit et de la parole. […] L’amour-propre humain étant infini, des gens d’esprit peuvent toujours inventer quelque raffinement d’égards qui le satisfasse. […] On n’avait pas de ces préoccupations d’affaires qui gâtent l’intérieur et rendent l’esprit épais. […] Un bernardin, qui vit en Bresse au milieu des bois, écrit à Collé qu’il va jouer avec ses confrères la Partie de chasse de Henri IV, et faire construire un petit théâtre « à l’insu des cagots et des petits esprits ».
Sa précocité d’esprit, la beauté de ses traits, son aptitude oratoire et poétique le font discerner par l’archevêque. […] Et sur un ordre de don Juan, qui ordonne à Leporello de préparer un nouveau souper, l’esprit de la mort lui crie : “Arrête ! […] ” réplique don Juan, qui, au milieu même de douleurs surhumaines et déjà livré aux esprits infernaux, conserve la foi d’un néophyte souriant à l’aurore d’une vie nouvelle. […] Je vais donc entendre tous les airs, tous les récitatifs tels que le grand maître les a conçus dans son esprit, et tels qu’il nous les a transmis ! […] Mon cri se perdit dans l’espace vide, mais il réveilla les esprits des instruments de l’orchestre.
Venise lui dut des conquêtes éclatantes, un peuple doux, une politique immuable, des monuments, des arts et des fêtes qui font époque dans les annales de l’esprit humain. […] Le peuple, excité par l’insolence des nobles, se soulève : un Doria est tué sur la place du Marché ; il saccage et brûle les palais des nobles ; il nomme un doge, un ouvrier en soie, Paul de Novi, homme supérieur, par son esprit cultivé, à sa condition, et opposé aux Français. […] L’esprit de ce gouvernement, tout rétrograde alors, fut l’esprit théocratique du fameux comte Joseph de Maistre, paradoxe éloquent, mais paradoxe vivant du monde ramené par la force, et au besoin par l’inquisition, au moyen âge. […] Les ordres monastiques, qui renaissent en Italie comme en Espagne de l’esprit contemplatif et de l’oisiveté endémique de ces beaux climats, reprenaient leur ascendant sur le peuple ; le gouvernement n’admettait dans les sujets aucune liberté des cultes. […] L’Italie, sans esprit militaire au Midi, aura besoin d’une armée toute faite dans l’Italie subalpine.
Son aspect maladif, surtout dans sa jeunesse, intéressait à cette langueur du corps dompté par l’esprit. […] Il s’honorait d’être leur disciple, et il s’étudiait, en rentrant chez lui, à reproduire de mémoire sous sa plume les traits de leurs harangues qui avaient ému la multitude ou charmé son esprit. […] Nous n’en parlerons pas en ce moment : ils forment des volumes ; ils sont restés monuments de l’esprit humain. […] Les hommes de génie sont jugés par les esprits médiocres : c’est le secret des accusations de la postérité contre la vertu civique de Cicéron. […] L’hésitation, cette faiblesse des grands esprits parce qu’ils pèsent plus d’idées contre plus d’idées que les autres, fut la cause de sa mort, comme elle avait été le fléau de sa vie.
Survint tout un bataillon de jeunes poètes pour pousser jusqu’au bout le mouvement qui emportait les esprits vers une poésie jalouse de rivaliser avec la musique. […] … Quel esprit, quelle poésie y a-t-il là-dedans ? […] Comment croire que la contemplation quotidienne de ces jolies choses ne donne pas des habitudes à l’esprit comme aux yeux ? […] C’est le règne du joli et de l’esprit. […] L’esprit de vertige, de folie, qui semble frapper l’époque entière, se traduit alors en costumes de la fantaisie la plus outrée, de l’étrangeté la plus forcenée.
Quelques mois après, son neveu m’écrivit de nouveau pour m’apprendre la mort de son oncle ; il avait vécu, ou plutôt il avait pensé et prié jusqu’au-delà de quatre-vingts ans ; pur esprit qui ne laissait pas une pensée à la terre : elle n’avait été pour lui qu’un marchepied de son autel. […] Il croyait que l’esprit humain est comme la glace de cristal, et que plus on le polit, plus il reflète de divinité dans ses œuvres. […] Le seul défaut littéraire de cet excellent homme tenait à ses qualités de cœur et d’esprit : il y avait un peu d’effémination dans son goût et de fleurs dans son style. […] Ceux d’entre vous qui préfèrent, à cause de leur âge plus tendre, les promenades et les jeux de cette belle matinée à des délassements d’esprit peuvent se retirer ; les autres resteront librement avec moi pour jouir d’autres plaisirs. » La foule s’élança dans les jardins avec des cris de joie qui se confondirent avec les gazouillements des oiseaux libres des charmilles ; huit ou dix adolescents des plus âgés ou des plus lettrés restèrent, retenus par la confiance qu’ils avaient dans le goût délicat du maître et par leur attrait déjà prononcé pour les plaisirs d’esprit. […] De ce moment le nom de M. de Chateaubriand fut une fascination pour nous ; il remplit notre esprit d’un éblouissement d’images et notre oreille d’un enivrement de musique qui nous donnait le vertige de la poésie.
Cela parle aux yeux, mais cela ne dit pas le mot à l’esprit, ni au cœur. […] çà, mettez votre esprit à la torture, et dites-moi le sens qu’il y a là dedans. […] Mon ami, tu es plein de grâce, tu peins, tu dessines à merveille ; mais tu n’as ni imagination ni esprit. […] Ou celui de s’adresser au cœur et à l’esprit, de charmer l’un, d’émouvoir l’autre, par l’entremise des yeux. ô mon ami, la plate chose que des vers bien faits ! […] C’est dans ce siècle et sous ce règne que la nation épuisée ne forme aucune grande entreprise, aucuns grands travaux, rien qui soutienne les esprits et élève les âmes.
Mais le dédain est réciproque, ces deux classes d’esprit étant irréconciliables. […] Tout esprit successif est enclin à croire à la réalité des métaphores. […] Une page sans clichés estime suite d’énigmes ; cela rebute l’esprit le plus curieux, l’« œdipe » le plus patient. […] Jamais on n’a tant parlé que de nos jours de l’esprit scientifique, et jamais cet esprit ne régna moins sur les intelligences. […] » Dans l’esprit de M.
Le Braz, toujours sensément et, de plus, avec esprit, le malentendu n’est pas près de s’évanouir. […] Voltaire dit quelque part d’Iphigénie que c’est le chef-d’œuvre de l’esprit humain. […] Mais Molière n’a jamais fait d’esprit. […] Le Bidois avaient jailli soudainement de mon esprit. […] Elles l’avaient comme annoncée, provoquée, préparée, et y avaient préparé les esprits.
Chateaubriand n’a légèrement décliné dans l’esprit des hommes qu’à partir de 1835. […] Il avait beaucoup d’esprit. […] Sans doute, notre esprit est trop papillotant. […] Dans chacun d’eux l’esprit parle d’accord avec le cœur, l’esprit muni de toutes ses raisons ou de tous ses préjugés, le cœur enflammé de toutes ses passions et de toutes ses colères. […] Tout cela flotte confusément dans l’esprit du public et il n’est pas très content.
Il s’en est tiré, comme toujours, avec esprit et souplesse ; mais n’y aurait-il pas à la fin un moyen bien plus simple de se tirer de tous ces pas périlleux, c’est-à-dire avec fermeté, en homme sûr de soi qui fait la part et qui l’impose ? […] — Tout ceci restant vrai, il faut reconnaître d’ailleurs que l’idée d’une rupture possible est entrée dans beaucoup d’esprits des deux côtés de la Manche, qu’en France comme en Angleterre on se familiarise insensiblement avec cette possibilité, ce qui n’était pas il y a quelques années.
On peut orner la raison, des charmes de l’imagination & de l’esprit ; on peut donner à la morale une tournure piquante, en développer les maximes d’une maniere ingénieuse, sans déroger au génie fabuliste, qui est la simplicité ; on se rend même par-là plus intéressant, sur-tout quand il n’est pas possible d’atteindre un modele inimitable par lui-même. […] L’esprit ne plaît que quand il brille dans son vrai genre, & la chaleur fantastique de quelques-uns de nos Poëtes ne supplée point au défaut de naturel & de fécondité qu’on a raison de leur reprocher.
Il s’est rendu justement méprisable par l’abus qu’il a fait de son esprit, de son imagination, & de sa vivacité, toujours dépourvue de goût & de jugement. […] Guérin, Minime, qui, déclamant en Chaire contre le Poëte Théophile, s’exprimoit ainsi : « Maudit sois-tu, Théophile ; maudit soit l’esprit qui t’a dicté tes pensées, maudite soit la main qui les a écrites ; malheureux le Libraire qui les a imprimées ; malheureux ceux qui les ont lues ; malheureux ceux qui t’ont jamais connu !
Larue a quelquefois plus d’élévation, & sa morale annonce un esprit aussi fin observateur, qu’heureux à trouver des expressions & des tours propres à rendre ses idées, & à les faire saisir par une vive impression. […] Nous ne parlons pas du Recueil de ses Poésies fugitives, dont Barbou a donné une édition magnifique, où les Connoisseurs trouvent plus d’esprit, de délicatesse & de sentiment, qu’il n’en faudroit pour faire une grande réputation à quiconque se seroit borné à ce seul genre.
En indiquant les sources où l’on peut puiser, on épargne des recherches pénibles & souvent rebutantes aux Esprits capables de travailler avec succès, mais trop indolens pour soutenir les travaux préliminaires. […] Ce qu’il y a de certain, c’est que jamais Compilateur n’eut plus ce qu’on appelle l’esprit du métier.
L’Abbé de Montreul avoit l’esprit orné, naturellement porté à la galanterie, & n’écrivoit pas mal en vers & en prose. […] En vous disant adieu, malgré moi je soupire, On voit tomber mes pleurs en ce fâcheux moment ; Je sens deux passions, quoiqu’inégalement, Régner sur mon esprit avec beaucoup d’empire.
Les Italiens & les Allemands l'ont fait passer dans notre Langue, & il a été accueilli en France, des Esprits qui tiennent à la Religion & aux mœurs. […] Il auroit dû sur-tout mettre plus en évidence l'ineptie des raisonnemens de nos Philosophes matérialistes, de ces esprits aussi vains qu'inconséquens, qui osent se dire les bienfaiteurs du genre humain, lorsqu'ils s'efforcent de le dégrader, en cherchant à le dépouiller de la plus précieuse de ses prérogatives.
Ovide nous charme dans celles de ses élegies où il n’a pas substitué son esprit au langage de la nature. […] S’il est permis de parler ainsi, l’esprit est d’un commerce plus difficile que le coeur.
Peu d’écrivains ont travaillé plus consciencieusement et davantage ; son savoir était énorme, et dans ce temps des grands érudits, il fut un des meilleurs humanistes de son temps, aussi profond que minutieux et complet, ayant étudié les moindres détails et compris le véritable esprit de la vie antique. […] L’esprit agit alors comme un rêve. […] Quand on veut construire un homme, il faut creuser jusqu’aux fondements de l’homme, c’est-à-dire, se définir à soi-même la structure de sa machine corporelle et l’allure primitive de son esprit. […] De plus, il est riche, il est oncle, il maltraite son neveu, sir Dauphine, homme d’esprit, qui a besoin d’argent. […] Ainsi font les autres artistes de cet âge ; ils ont le même genre d’esprit et la même idée de la vie ; vous ne trouverez dans Shakspeare que les mêmes facultés avec une pousse plus forte, et la même idée avec un relief plus haut.
Quand les Napolitains (si souvent décriés) ont du génie et qu’ils travaillent sérieusement, ce sont des esprits de tout premier ordre, de superbes divinateurs. […] De dix expressions qui se présentent à notre esprit, nous pouvons dire assez souvent que l’une est meilleure que les autres ; mais est-elle la meilleure ? […] Ce sont deux esprits diamétralement opposés ; l’un prétend appliquer à la littérature les méthodes des sciences naturelles, il est le législateur par excellence, et l’autre est le poète de la création individuelle. […] Il semble bien que, par une lecture attentive des Prophètes, D’Annunzio s’est profondément pénétré de leur esprit ; s’il lui arrive de faire des citations textuelles, c’est involontairement, par un effet de sa mémoire infiniment sensible aux images et à la musicalité. […] Puis vinrent les compromis avec l’esprit moderne : les tragi-comédies, les tragi-comédies pastorales ; dans cette anarchie il y a un essai de régénération intime ; l’importance des éléments traditionnels s’en trouve diminuée.
On continue de faire machinalement ce qu’on faisait d’abord en esprit et en vérité. […] Tout était peuple en elle, et son esprit naturel donnait une vie surprenante aux longues histoires qu’elle racontait et qu’elle était presque seule à savoir. […] Sa vive imagination s’éveillait alors, et, comme il arrive d’ordinaire aux vieillards, c’étaient les souvenirs d’enfance qui lui revenaient le plus souvent à l’esprit. […] Les autres nobles étaient fâchés de le voir si pauvre, et auraient voulu le relever ; cet esprit simple n’entra pas dans les raisonnements qu’on lui fit. […] Ce qui l’abattait, c’était l’avortement évident de sa tentative sur l’esprit du vicaire.
Vous me direz que mon information est bornée, j’en conviens, mais enfin, en tout cas, ce n’est pas un grand esprit qui a mis cette idée en lumière. […] Il va de désert en désert avec une certaine inquiétude d’esprit qui est parfois assez bien marquée par La Fontaine ; et il est monté dans un vaisseau pour faire une traversée sur la Méditerranée. […] » « Quel petit esprit ! […] La pièce que j’expose à vos doctes génies Est un beau composé de ces rares saillies, De ce bon goût nouveau d’un ouvrage du temps Où l’esprit prend partout le dessus du bon sens. […] Mon âge et mon expérience Doivent dans votre esprit inspirer ma science, Je sais ce qu’en vaut l’aune, et j’ai passé par là.
L’Auteur l’accompagna d’un Discours préliminaire, où il traitoit sans façon son Original de Radoteur, Madame Dacier de femme sans esprit & sans goût. […] Bitaubé prit, il y a quelques années, de refondre cette Traduction libre, & d’en donner une entiere & plus fidelle, n’a pas fait revenir les esprits sur cette Production restée médiocre, quoique vantée par les Journalistes ; mais son Poëme en prose sur la fondation des Provinces-Unies, intitulé Guillaume de Nassau, lui a mérité le suffrage & l’estime des Connoisseurs.
Ses Poésies légeres l’emporteroient même sur celles de Chapelle & de Chaulieu, si l’esprit n’y étouffoit trop le sentiment. […] Dans toutes ses Productions il paroît plus jaloux de qualités du cœur que des talens de l’esprit, plus sensible à l’estime qu’aux applaudissemens.
Le spectacle, que nous ne laisserons qu’entrevoir d’après lui sans l’étaler tout entier, est affligeant ; mais il renferme quelques leçons sévères que l’histoire a déjà tirées ; il fait pénétrer dans les causes profondes de ruine de l’ancienne monarchie ; il fait sentir à quel point les plus nobles nations, et la nôtre en particulier, dépendent, dans l’esprit qui les anime et jusque dans leur ressort intérieur, des gouvernements qui les régissent et des hommes qui sont à leur tête. La disposition de l’opinion publique en France, au commencement de cette guerre de Sept Ans si légèrement entreprise, n’était pas ce qu’elle devint un an après : la nouvelle alliance avec l’Autriche, conçue au mépris des anciennes maximes, occupait tous les esprits et flattait vivement les espérances. […] Ici il a moins à agir en ministre ; les qualités du négociateur sont plutôt de mise ; il y a lieu à la persuasion et à un maniement insensible des personnes et des esprits. […] J’ai l’esprit trop juste, madame, et j’ai l’âme trop sensible pour résister à l’idée de notre situation présente et à venir, il est vrai que l’état de mes nerfs ajoute beaucoup à ma sensibilité naturelle. […] Et en même temps on sort de cette lecture plus disposé à rendre justice à M. de Choiseul qui, d’une situation si compromise et si perdue en réalité, sut tirer des résultats assez spécieux, assez brillants, pour jeter un voile sur la décadence et pour relever la nation à ses propres yeux, en attendant qu’elle se régénérât décidément à travers les orages et qu’elle entrât, désormais vaillante et rajeunie (mais toujours selon l’esprit des chefs qui la guident), dans l’ordre de ses destinées nouvelles.
Je ne saurais certainement prétendre embrasser l’homme d’État ni l’administrateur des finances dans ce qu’il a de positif et de spécial ; ce sera assez si je parviens à saisir et à faire ressortir la forme générale de l’esprit et du mérite de Sully d’après l’ensemble des faits. […] Évitons cette autre forme de l’erreur et de l’esprit de système qui se déguise sous la prétention à la finesse. […] Cet horoscope eut une grande influence sur l’esprit de Sully. […] Les caractères forts ne sont pas des esprits forts pour cela. […] Sully eut, dans sa vie, deux femmes ; on a mal parlé de la seconde ; mais cette première est toute pure, gentille d’esprit, et telle qu’on peut se la figurer à souhait auprès de ce mari sérieux et sévère.
Daru, par son activité d’esprit, par cette fermeté de bon sens et de caractère qu’il eut dès sa jeunesse, était l’âme de la petite société et la dirigeait ; il en était le président, le trésorier. […] Nous autres gens d’esprit, nous ne sommes pas obligés de penser comme les autres ; mais pourtant il faut de la circonspection pour découvrir la vérité à la multitude. […] Pendant ce loisir forcé, il ne cessa de s’occuper des lettres : il traduisait en vers Horace, et il fit, entre autres pièces originales, son Épître à mon sans-culotte, qui ne fut publiée que quelques années après, et qui était, à son heure, une preuve de calme d’esprit comme de talent. […] ……………………………………………… Mon esprit libre encor parcourt tout l’univers. […] Combien elle a fait de bien à mon esprit, à mon cœur !
qui me rendra celle du cœur ou, à son défaut, celle même de l’esprit ? […] Il aimait à courir la campagne, moins encore pour tendre les pièges aux oiseaux, que pour prêter l’oreille à la nature, qui déjà lui murmurait je ne sais quoi de secret, et pour converser avec l’esprit voilé de ces verts et doux paysages. […] En attendant il acquiert à la fin, comme précepteur, du pouvoir et de l’ascendant sur l’esprit de son élève ; il en vient à le bien comprendre. […] Elle en parlait, dans le premier désordre d’une mémoire encombrée de souvenirs tumultueux, avec la volubilité d’un esprit impatient de répandre en quelques minutes cette multitude d’acquisitions faites en deux mois. […] C’est une âme et un esprit que se disputent le sentiment et le bon sens, la poésie et la morale : la passion ne l’a pas marqué au front ; il n’y est pas voué.
On laissait ces vallées paisibles adorer Dieu à leur manière, selon l’esprit, et par une sorte de culte biblique et chrétien tout primitif. […] » Mais l’amour de la patrie luttait encore dans l’esprit des Vaudois contre la lumière qu’y faisaient pénétrer ces paroles et contre l’évidence désolante : « — Ce serait une lâcheté, s’écriaient-ils, de perdre courage devant Dieu, qui a si souvent délivré nos pères, et qui a sauvé de tant de périls le peuple d’Israël. […] J’ai ordonné que l’on eût un peu de cruauté pour ceux que l’on trouve cachés dans les montagnes, qui donnent la peine de les aller chercher, et qui ont soin de paraître sans armes lorsqu’ils se voient surpris étant les plus faibles.Ceux que l’on peut prendre les armes à la main et qui ne sont pas tués, passent par les mains du bourreau. » Atrocité à jamais regrettable chez un guerrier humain l'erreur chez un esprit sage ! […] J’omets l’entier détail de ces négociations, où l’on voit Catinat toujours un peu en retard sur sa Cour, et plus disposé à restreindre qu’à étendre le sens ou la lettre de ses instructions : c’était sa nature d’esprit. […] Camille Rousset explique fort bien sans doute les hésitations de Catinat par une erreur de plume et un malentendu de rédaction dans l’une des dépêches qu’il reçut ; mais un autre que Catinat, saisissant plus hardiment l’esprit de son rôle et s’en pénétrant plus au vif, serait allé de l’avant sans tant marchander.
En peu de mois ou même en peu de semaines une liaison étroite d’esprit à esprit se noua entre nous. […] L’idée d’Alfred de Musset, dont elle me savait ami, lui traversa dès lors l’esprit, mais elle la rejeta pour l’instant. […] Jouffroy, qu’il pouvait avoir l’âme belle et l’esprit bien fait, mais je lui reconnaîtrai peut-être la possession de ces choses (très-rares et très-estimables à coup sûr) sans une très-grande admiration. […] J’ai voulu m’égayer l’esprit, je ne sais si j’égayerai le public. […] J’en avais d’abord fait une nouvelle ; le besoin d’argent et je ne sais quelles dispositions facétieuses de mon esprit m’ont fait barbouiller beaucoup plus de papier qu’il n’aurait fallu.
Il la mérite, nous dit Montaigne, excellent juge, pour la « naïveté et pureté du langage en quoi il surpasse tous les autres », pour la « constance d’un si long travail », pour la « profondeur de son savoir », ayant pu développer si heureusement un « auteur si épineux et ferré » que Plutarque (car il n’est pas besoin de savoir le grec pour sentir qu’on est porté avec Amyot dans un courant de sens continu, et que, sauf tel ou tel point de détail, il est maître de son sujet et dans l’esprit de l’ensemble). […] Ainsi comblé des honneurs et des avantages de sa profession, on ne voit pas qu’Amyot d’ailleurs ait été aucunement ambitieux en politique : ce n’était pas un de ces précepteurs comme le cardinal de Fleury, qui essaient de s’insinuer dans les grandes affaires et de dominer à jamais l’esprit de ceux qu’ils ont façonnés. […] Un esprit tout critique et chagrin pourrait relever dans ces pages mêmes des redondances, et cette disposition d’Amyot à tout étendre et à tout allonger ; on nage avec lui dans les superfluités sans doute : là où Plutarque ne met que deux mots, il en met trois et quatre, et six ; mais que nous importe si ces mots sont des plus heureux, et de ceux mêmes que le lecteur qui ne sait que le français va d’abord relever avec sourire et avec charme ? […] J’ai parlé de Rollin, et ce nom revient à propos ici ; car il me semble que cet homme de bien, que Montesquieu a appelé « l’abeille de la France », appartenait aussi à cette classe d’esprits modérés, humbles, je dirais presque un peu bas quand ils étaient livrés à eux-mêmes, et qui, pour avoir toute leur valeur, avaient besoin d’être doublés et soutenus de l’Antiquité. […] Un critique de nos jours que j’aime à citer comme le plus fin et le plus délicat des esprits, M.
L’attitude de l’esprit les fait naître ; ils ont pour cause un point de vue ; la conscience n’est qu’une manière de regarder. […] Parmi ces esprits, M. […] Tranquille de ce côté, il se tourna vers la philosophie, emploi naturel d’un esprit concentré et d’un homme intérieur. […] L’enthousiasme public porta les esprits vers l’étude de la nature extérieure, et M. […] Cousin, habitué à l’empire, s’étonna de rencontrer un esprit si original et si libre ; quoique un peu choqué, il l’estima et ne tenta point de le convertir.
Son intelligence, son esprit tient de son caractère ; il a de l’élévation et de la simplicité. […] Intelligence ferme et décidée comme elle est, ennemie du vague, allant droit au fait, droit au but, — Elle et son frère, le prince Napoléon, en cela semblables, — si l’on se permettait d’être observateur en les écoutant, on se plairait à retrouver en eux, pour le trait général et le contour, quelque chose de la forme et du profil d’esprit du grand empereur leur oncle. […] À ce moment, des amitiés vives et sincères se nouèrent tout naturellement entre elle et les hommes éminents ou distingués qui exerçaient ou disputaient le pouvoir avec tant d’esprit et d’éloquence. […] La subtilité en tout genre la choque et lui est antipathique ; et dernièrement, à propos des écrits fort vantés d’une femme d’esprit, mais alambiquée, mais subtile et étrangement mystique, elle se refusait à comprendre qu’il fallût être aussi parfaite pour bien vivre et bien mourir : « L’un, disait-elle, est facile à faire avec un bon cœur et de la droiture, l’autre avec la résignation et la confiance. » La princesse Mathilde passe régulièrement une moitié de l’année à Paris, et l’autre moitié à la campagne, au château de Saint-Gratien.
La partie principale consiste en une série de lettres adressées à la duchesse de Saxe-Gotha, l’une de ces princesses, amies de l’esprit, que Voltaire avait conquises dans son séjour en Allemagne et qui lui étaient restées fidèles après sa brouille avec Frédéric. […] Le long abrégé chronologique n’est pas du tout saupoudré d’esprit ni de malice autant qu’il s’en flattait, et les lettres où il en parle si gaiement promettaient beaucoup mieux. […] Écoutez-le : sans morgue, sans emphase, et tout en badinant, il va insinuer l’égalité de l’esprit en face des puissances ; il va, sans dire les grands mots, avertir qu’il y a là aussi un ministère de la pensée à respecter, et, comme nous dirions, un sacerdoce : « Mais, madame, faut-il que la fille d’Ernest-le-Pieux veuille par ses générosités me faire tomber dans le péché de la simonie ? […] Jean-Jacques, en pareil cas, se serait redressé et aurait répondu : « Madame, on ne paye pas l’esprit, on l’honore. » Voltaire a dit la même chose, mais que c’est différemment !
Mais outre cette critique réfléchie et lente des Warton, des Ginguené, des Fauriel, qui s’assied dans une silencieuse bibliothèque, en présence de quelques bustes à demi obscurs, il en est une autre plus alerte, plus mêlée au bruit du jour et à la question vivante, plus armée en quelque sorte à la légère et donnant le signal aux esprits contemporains. […] Ce n’est plus croire à la rédemption que de parler ainsi ; c’est voir l’univers et l’humanité comme avant la venue, comme avant Job, comme en ces jours sans soleil où l’esprit était porté sur les eaux. […] mais cela est triste ; cela fait que votre esprit s’en revient, comme vous l’avez dit, . . . . . . avec un cri terrible, Ébloui, haletant, stupide, épouvanté ! […] Assis dans sa gloire au foyer domestique, croyant pour dernière et unique religion à la famille, à la paternité, il accepte les doutes et les angoisses inséparables d’un esprit ardent, comme on subit une loi de l’atmosphère ; il reste l’heureux et le sage dans ce qui l’entoure, avec des anxiétés mortelles aux extrémités de son génie ; c’est une plénitude entourée de vide.
Jeunes gens qui voulons nous retremper et nous affermir dans l’intégrité politique, qui voulons espérer en l’avenir sérieux dont l’aspect momentanément se dérobe, qui sommes résolus à ne nous immiscer d’ici là à aucun mensonge, à ne signer aucun bail avec les royautés astucieuses, à ne jamais donner dans les manèges hypocrites des tiers-partis, faisons donc, pour prendre patience et leçon, ce salutaire voyage d’Amérique ; faisons-le dans Jefferson du moins ; étudions-y le bon sens pratique, si différent de la rouerie gouvernementale ; apprenons-y la modération, la tolérance, qui sied si bien aux convictions invariables, la rectitude, la simplicité de vues, qui, si elle s’abstient maintes fois, a l’avantage de ne jamais s’embarquer dans les solutions ruineuses ; apprenons-y, quelle que soit la vivacité de nos préoccupations personnelles sur certains points de religion, de morale, d’économie ou de politique, à ne prétendre les établir, les organiser au dehors que dans la mesure compatible avec la majorité des esprits : car la liberté et la diversité des esprits humains sont le fait le plus inévitable à la fois et le plus respectable qu’on retrouve désormais dans le côté social de toutes les questions. […] La première constitution fédérale, décrétée en 1778 dans la troisième année de l’Indépendance, subsista sans inconvénient tant que dura la guerre ; l’esprit des peuples, excité par le danger et réuni dans un intérêt commun, servait de supplément à l’acte fédéral et les portait spontanément aux efforts les plus énergiques ; mais la guerre une fois terminée et chacun réinstallé dans ses foyers, on accorda moins d’attention aux demandes du Congrès. […] Le Journal des Débats d’alors, de l’an deux mil, redoublerait d’habileté, de souplesse et d’esprit pour organiser une opposition d’honnêtes gens.
Il y a en ce temps-ci un certain nombre d’esprits ardents, studieux, intelligents, qui, jeunes, après avoir passé déjà par des phases diverses, et avoir joint à un enthousiasme non encore épuisé, une maturité commençante, savent assez de quoi il retourne dans ces mouvements douloureux de la société, ressentent l’enfantement d’un ordre nouveau, y aident de grand cœur, mais ne croient pas qu’il soit donné à une formule unique et souveraine de l’accomplir : car le temps de ces découvertes magiques est passé ; un fiat lux social n’est possible qu’à l’aurore ; et aujourd’hui le progrès humain se fait sous le soleil, avec force sueurs, par tous, moyennant, il est vrai, quelques guides de génie, dont aucun pourtant n’a le droit de se croire indispensable. Or, les esprits qui jugent de la sorte, ont un rôle à jouer dans l’effort commun ; ils ont à exciter ceux qui doutent d’une issue, à tempérer, à ne pas suivre ceux qui voient à chaque pas un labarum ; ils ont à multiplier les points de vue de l’histoire, les documents de l’érudition, les variétés réelles, innombrables, qui déconcertent les unités étroites et factices ; ils ont aussi à rappeler, d’autres fois, le but futur, la grande unité sociale, vague encore, complexe, et inégale toujours, où évidemment le siècle s’achemine. […] Si le saint-simonisme s’était maintenu plus longtemps à cet état vague de petite église, si le jeune Bucheille lui-même avait plus vécu, il est possible qu’il eût essayé d’en consacrer l’esprit et la couleur. […] On aurait tort pourtant : il y a dans Champavert un fonds réel, beaucoup d’esprit, de l’observation mordante, du style ; je renvoie les sceptiques à Passereau qui est un plaisant conte, bien que les soubrettes y sachent le grec et l’art poétique, les cochers de cabriolet l’espagnol, les officiers de carabiniers le moyen âge, bien qu’on y dise la garde bourgeoise au lieu de la garde nationale ; oui, malgré tout cela, Passereau est un joli conte.
La raison développée depuis dix-huit cents ans dans la nature humaine s’est établie par contre-coup dans la nature divine, et a tempéré la toute-puissance sans frein, le despotisme formidable que le spectacle du désert et la roideur de l’esprit arabe y avaient mis. […] La Fontaine leur est dévot autant qu’il peut l’être envers quelqu’un, dieu ou homme ; il les aime ; il les a dans l’esprit habituellement, en bon adorateur, et il les voit aussi aisément qu’il voit les bêtes. […] Ils réfléchissent son caractère et portent l’empreinte de son esprit. […] C’est par elle qu’il peut reproduire devant nous les détails sensibles et menus des événements et des êtres, s’accommoder à la construction de notre esprit qui n’aperçoit les êtres et les événements que par les détails menus et sensibles, et nous faire illusion en nous donnant l’impression précise que nous auraient donnée les objets eux-mêmes.
Madame de Montespan ne considérait pas non plus que cet acte de domination et de jalousie tournerait contre elle dans l’esprit du roi, lorsqu’elle aurait perdu ce qui lui restait d’empire sur ce prince. […] Il y en a à Saint-Germain, mais ils n’ont pas encore paru. » Sans doute on travaillait à préparer l’esprit de la reine à les recevoir, et on ne voulait pas qu’ils parussent dans le monde avant cette espèce d’adoption d’un genre nouveau. […] Bourdaloue fait ici des merveilles ; la duchesse et moi nous le voyons tous les jours. » Cette lettre est un exemple de ces entretiens où madame de Maintenon, sans malice, et peut-être en prenant le change sur elle-même, mue par un double instinct d’amour et d’honnêteté, se joue de l’esprit grossier de son directeur, lui présente comme des griefs contre la cour, l’intérêt qui l’y attache, et comme dépit contre le roi, l’amour qu’il ressent et celui qu’il inspire, et se fait ordonner comme un sacrifice méritoire, de rester à sa cour. […] Le roi avait donné une marque de bienveillance à madame Scarron, la maîtresse le trouvait mauvais ; elle maltraitait la gouvernante en particulier et la calomniait dans l’esprit du roi, à qui elle reprochait de la rendre insolente et insubordonnée.
J’y vois la preuve que ces rares esprits ont conservé dans son intégrité la religion littéraire, la foi au lendemain, à ce qu’on appelait anciennement la postérité. […] Il y a là un côté faible chez ce rare esprit. […] Cet esprit de nette et rapide justesse, dont un mot d’éloge senti et vivement accordé serait tout un suffrage, est lui-même sensible à l’approbation des autres comme s’il n’avait pas en soi un jugement supérieur qui le tranquillise. […] Cousin, et cela importe d’autant plus que, depuis quelque temps, ce puissant esprit a fait toute une révolution dans la critique.
Ce courant,-après avoir entraîné les faits, se continue immense dans les esprits. […] Le libre esprit qui s’envole, oiseau appelé par l’aurore, est désagréable aux intelligences saturées d’ignorance et aux fœtus conservés dans l’esprit-de-vin. […] Rester fidèle à toutes les lois de l’art en les combinant avec la loi du progrès, tel est le problème, victorieusement résolu par tant de nobles et fiers esprits. […] Oui, génies, oui, poètes, philosophes, historiens, oui, géants de ce grand art des siècles antérieurs qui est toute la lumière du passé, ô hommes éternels, les esprits de ce temps vous saluent, mais ne vous suivent pas ; ils ont vis-à-vis de vous cette loi : tout admirer, ne rien imiter.
Sa Madame de Montmorency 20, dont il s’occupait avec un soin presque religieux, cette histoire qui commence par la Cour, l’éclat et le monde, et qui finit par l’affliction et une cellule, sa Madame de Montmorency a été pour lui pendant longtemps comme une espèce d’oratoire littéraire dans lequel il revenait à la dévotion de toute sa vie : l’amour des choses de l’esprit et des recherches de l’histoire. […] Il n’a pas d’esprit, et peu importe pour nous, d’ailleurs, qu’on l’eût trouvé sans conversation à l’hôtel de Rambouillet, s’il avait eu la délicatesse, cette fleur des âmes bien nées qui vaut mieux que l’intelligence ! […] C’est une mort de grand seigneur d’une espèce perdue, qu’il faut apprécier avec l’esprit des anciens jours. […] … D’un esprit politique trop ferme pour ne pas comprendre la grandeur de Richelieu, tout en l’accusant, il a été entraîné, charmé, par son sujet ; mais il reprendrait tout son regard demain, s’il rencontrait Richelieu ailleurs qu’entre l’échafaud de Montmorency et la cellule de sa femme.
De toutes les œuvres de l’esprit humain, une comédie n’est pas la moins grande, et elle demande surtout, pour parler le langage des sociétés avancées dont elle retrace les mœurs ou les caractères, une intelligence profondément cultivée et littéraire, qui n’est pas précisément, comme on le sait, le genre d’intelligence de Μ. de Girardin. […] Eh bien, quand vous aurez accordé tout cela, vous n’aurez pas encore ce qui distingue les esprits façonnés pour écrire des comédies ! […] Seulement, comme nous ne sommes pas encore arrivés aux temps prédits par le prophète Proudhon, où une paire de souliers sera plus estimée par les esprits bien faits que l’Iliade, Μ. de Girardin a eu l’extrême bonté et la condescendance, vu les faiblesses du temps présent, qu’il appelle « un temps de transition, un temps crépusculaire », d’écrire une comédie… crépusculaire, une œuvre d’entre chien et loup ; mais moins près du loup que du chien, car cette œuvre n’est nullement féroce. […] Beaumarchais n’était pas dans le vrai social quand il écrivait son Mariage de Figaro ; mais Beaumarchais avait du talent, et Μ. de Girardin n’a pas même d’esprit, du moins dans sa pièce.
Quant à Madame Récamier, elle avait de l’esprit comme la rose de Rivarol et de l’âme comme un ananas. […] Je ne parle pas de Clarisse, qui est un roman de l’esprit humain, à sa meilleure place, en Angleterre. […] Sa légèreté première le reprit-elle pour faire souffrir à nouveau la femme que les grâces sorcières de son esprit avaient comme envoûtée ? […] Cette touche adorable sur les esprits et sur les cœurs, le naturel, Madame de Sabran l’avait.
Dès ses premières années, il avait jeté sur la flamme de son esprit un boisseau de connaissances qui auraient pu l’éteindre et qui ne l’éteignirent pas. […] Corneille et d’Aubigné font des choses différentes, mais ce sont des esprits de même race, qui diffèrent bien plus par la forme, par la langue, par l’heure de la langue qu’ils parlent, que par le fond de la pensée. […] Que ton esprit, ô mon Dieu, Esprit d’union m’unisse, Et tout entier me ravisse De si bas en si haut lieu.
Car ces Poésies sont belles… à faire peur, comme disait Bossuet de l’esprit de Fénelon. […] Mais les poésies de madame Ackermann sont le chaste désespoir de l’esprit seul ! […] Et comme avant Darwin et Proudhon, ces grands scélérats intellectuels, on n’avait pas encore vu ces abominations qui sont le fond de l’abîme dans l’ordre de la pensée et après lesquelles il n’y a plus que la mort de l’Esprit humain à plat ventre dans ses ténèbres, on n’avait pas entendu non plus — car dans les vieilles civilisations les poètes ne viennent qu’après les philosophes — de poésie vibrant à l’unisson de ces épouvantables et damnés penseurs. […] ce qu’il fait n’est pas moins intense, puisqu’il frappe l’esprit d’épouvante comme le ferait une monstruosité.
Ernest Serret, qui rentre tout à fait dans l’esprit et dans la pensée de la fondation présente. […] Aujourd’hui, la Commission n’a pu faire en quelque sorte que reconnaître le terrain, et surtout bien établir l’esprit de la fondation en vertu de laquelle elle était convoquée : elle a mieux aimé être sobre et négative sur bien des points que de fausser cet esprit dès l’origine, en l’interprétant avec trop de facilité et de complaisance.
— La vraie originalité de Musset est d’avoir ramené l’esprit dans la poésie, en y mêlant la passion ; son tort grave est d’avoir relâché et presque dissous la forme. […] Les soirs dans le monde, il est très-paré mais lourdement, et y montre peu d’esprit et de vivacité de conversation ; il y parle bas et avec une sorte d’affectation de bon ton. […] Tous ces détails sont faits peut-être pour intéresser, se rapportant au romancier le plus en vogue du jour et qui, je le répète, a d’ailleurs le bon esprit de prendre assez humainement son triomphe.
Renan est devenu, aux yeux des esprits superficiels, synonyme de scepticisme et de dilettantisme, ces mots étant pris, d’ailleurs, dans leur sens le plus grossier. […] Or, je le répète, cet esprit de foi éclate dans le premier livre écrit par M. […] Et, d’autre part, vous pouvez constater que cet esprit est celui de son œuvre entière et que, dans les trente volumes qui la composent, il n’y a pas une seule idée d’importance qui ne soit au moins en germe dans ce livre qu’il appelle plaisamment « son vieux pourana ».
Craignons qu’une certaine paresse d’esprit ou la peur d’être dupes ne nous rende aveugles ou étroits. […] Confessons, nous, les aînés, que ce néo-romantisme des jeunes gens a peut-être bien élargi et attendri en nous le vieil esprit positiviste hérité de la littérature du second Empire et qui eut, voilà quinze ans, son expression suprême dans le naturalisme. […] La tolérance enfin, c’est bien un des noms de l’esprit critique : mais c’est aussi un des noms de la modestie et de la charité.
Il en est quelques-uns que j’ai gardés pour la bonne bouche et qui montrent que, si positivement dénuée d’idéal que soit une société, son instinct l’avertit qu’il n’est point de vraie élégance hors du commerce des Muses et que c’est d’elles que l’esprit reçoit son vernis suprême. […] Excellentes personnes que ces deux notabilités d’un monde si différent et qui se distinguaient, l’une par ses petites manies, l’autre par son esprit à l’emporte-pièce. […] François Coppée. — Un exemple de ce que peut l’esprit de suite dans le commerce de la lingerie à bon marché.
Je crois donc qu’en restant fidèles à notre esprit, nous pouvons rendre au monde de réels services. […] Le monde se vide de dévouement, d’esprit de sacrifice. […] Merci donc, chers amis, d’avoir ramené pour moi une si précieuse occasion, de me réjouir avec vous et de me retremper au vieil esprit.
Un mauvais cœur, un esprit caustique, une mémoire chargée d’anecdotes scandaleuses contre les auteurs morts & vivans ; ses épigrammes & sa réputation d’homme à bons mots ; son avarice sordide, quoiqu’il eut amassé, par toutes sortes de voies, des biens considérables ; sa fureur de primer partout ; sa profession de parasite : voilà ce qui le rendit l’objet de la haine, ou le sujet des plaisanteries des auteurs. […] Il avoit de l’esprit, de la vivacité, mais point de goût ; une mémoire prodigieuse, mais aucune invention ; une immense littérature Grecque & Latine mais qu’il ne tourna point au profit de notre langue. […] Ils sont adressés à un de ses amis, qui réussissoit aussi bien que lui dans la poësie Latine, & qu’il presse de lancer à son cour des traits contre Montmaur* : Tu chantas les héros ; aujourd’hui l’on t’invite A choisir pour sujet un odieux Thersite, D’un esprit aussi bas que son extérieur, Organe des forfaits, fléau de la pudeur, Que ta muse s’apprête A punir cette malebête.
Nous savons que le siècle appelle cela le fanatisme ; nous pourrions lui répondre par ces paroles de Rousseau : « Le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel 49, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l’homme et qui lui fait mépriser la mort ; qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus ; au lieu que l’irréligion, et en général l’esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société : car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu’il ne balancera jamais ce qu’ils ont d’opposé50. » Mais ce n’est pas encore là la question : il ne s’agit à présent que d’effets dramatiques. […] « Celui qui aime généreusement, ajoute l’auteur de l’Imitation, demeure ferme dans les tentations, et ne se laisse point surprendre aux persuasions artificieuses de son ennemi. » Et c’est cette passion chrétienne, c’est cette querelle immense entre les amours de la terre et les amours du ciel, que Corneille a peint dans cette scène de Polyeucte53 (car ce grand homme, moins délicat que les esprits du jour, n’a pas trouvé le christianisme au-dessous de son génie). […] Les religions qui peuvent échauffer les âmes, sont celles qui se rapprochent plus ou moins du dogme de l’unité d’un Dieu ; autrement, le cœur et l’esprit, partagés entre une multitude de divinités, ne peuvent aimer fortement ni les unes ni les autres.
Augustin offre pourtant un autre tableau : un jeune homme ardent et plein d’esprit s’abandonne à ses passions ; il épuise bientôt les voluptés, et s’étonne que les amours de la terre ne puissent remplir le vide de son cœur. […] Ce qu’on remarque de plus frappant dans cet ouvrage, c’est le développement de l’esprit humain : on entre dans un nouvel ordre d’idées ; on sent que ce n’est plus la première antiquité ou le bégaiement de l’homme qui se fait entendre. […] Il y fait l’histoire de sa vie et de ses souffrances… Il prie, il enseigne, il explique les mystères, et donne des règles pour les mœurs… Il voulait donner à ceux qui aiment la poésie et la musique des sujets utiles pour se divertir, et ne pas laisser aux païens l’avantage de croire qu’ils fussent les seuls qui pussent réussir dans les belles-lettres191. » Enfin, celui qu’on appelait le dernier des Pères, avant que Bossuet eût paru, saint Bernard, joint à beaucoup d’esprit une grande doctrine.
Une femme de beaucoup d’esprit a remarqué que ce tableau était composé de deux natures. […] Ce morceau lui fera honneur, et comme peintre savant dans son art, et comme homme d’esprit et de goût. Sa composition est pleine d’esprit et de délicatesse.
Il faut voir le froid de tous ces personnages ; le peu d’esprit et d’idées qu’on y a mis, la monotonie de cette scène, et puis cela est peint gris et symmétrisé. […] La mémoire des expériences et des phénomènes ne nous étant pas présente, nous n’en jugeons pas moins sûrement, nous en jugeons même plus promptement ; nous ignorons ce qui nous détermine et nous avons ce qu’on appelle tact, instinct, esprit de la chose, goût naturel. […] Les progrès de l’esprit humain chez un peuple rendent ce plan mobile.
De la manière Sujet difficile, trop difficile peut-être, pour celui qui n’en sait pas plus que moi ; matière à réflexions fines et profondes, qui demande une grande étendue de connaissances, et surtout une liberté d’esprit que je n’ai pas. […] Elle a je ne sais quoi d’original qui séduit les enfants, qui frappe la multitude, et qui corrompt quelquefois toute une nation ; mais elle est plus insupportable à l’homme de goût que la laideur ; car la laideur est naturelle, et n’annonce par elle-même aucune prétention, aucun ridicule, aucun travers d’esprit. […] S’il se rencontre alors quelque homme original, d’un esprit subtil, discutant, analysant, décomposant, corrompant la poésie par la philosophie, et la philosophie par quelques bluettes de poésie, il naît une manière qui entraîne la nation.
Tous nos contradicteurs n’ont pas la même tournure d’esprit. […] Esprit charmant, tout en dentelles et en fanfreluches, M. […] Nous le conseillons comme un « exercice de gymnastique littéraire momentané », destiné seulement à « former l’esprit littéraire ». « Il n’a de valeur, disions-nous, que comme moyen de métier et n’est pas un but par lui-même.
Si vous saviez combien je traverse d’états d’esprits qui font de moi des femmes si différentes, selon le temps, ma santé, ce que j’ai lu, ce qu’on m’a dit ! […] Que le Ciel soit avec le passant qui réjouit d’une clarté inattendue le sombre esprit du rêveur. […] En lui voyant tant d’esprit, il est des sceptiques qui ont avancé qu’elle manquait peut-être de cœur. […] Il faut lire une à une ces pages pleines de jeunesse et en même temps de maturité, de fantaisie parfois, d’esprit et de bons sens toujours. […] C’est avec un rare esprit de justice, sans engouement ni parti pris, ce qui est la marque du respect dû aux maîtres, que M.
L’auteur était un jeune homme de beaucoup de cœur et d’esprit, qui avait su inspirer à notre cher directeur Eugène Yung une vive sympathie, et qui mourut peu après, à vingt-sept ans, Mme Paul Chalon vient de réunir en volume les essais de son mari. […] Mais, parmi d’autres pages où, sous une forme encore hésitante, se trahissent une âme douce et chaude et un esprit ingénieux, je vous recommande particulièrement les Deux gendarmes.
Tout esprit qui n’a pas renoncé aux lumieres du bon sens, peut, à l’aide du flambeau lumineux qu’il présente, reconnoître l’erreur, démêler ses ruses, & se convaincre des dangereuses conséquences qu’elle entraîne. […] Qu’on lise la Certitude des Preuves du Christianisme, le Déïsme réfuté par lui-même, la Réponse au Systême de la Nature, & l’on verra combien cette même raison est un guide sûr pour l’homme éclairé qui en connoît les bornes, & un prestige dangereux pour l’esprit indépendant qui exagere ses droits afin d’en abuser.
Cette Piece bizarre, qui n’a point été imprimée, n’a présenté à l’esprit du Spectateur éclairé, qu’un tissu de hardiesses & d’extravagances dignes de tous les anathêmes du goût & du bon sens. […] Un vieux Prêtre énergumene, déclamant contre sa Religion, & renversant, par frénésie, des Autels qu’il avoit servis toute sa vie ; de longues tirades contre tous les Cultes ; de fréquentes oraisons à la Divinité ; des personnages tous Déïstes, venant, chacun à leur tour, exhaler leur dépit contre le Sacerdoce & la Religion ; des allusions prétendues ingénieuses, & qui n’ont décélé que de l’audace ou des puérilités ; toutes ces heureuses combinaisons ont été crues propres à répandre dans les esprits ce que le Monde philosophique appelle des lumieres.
On ne peut s’empêcher de trouver trop de gaieté dans son Amusement Philosophique sur le Langage des Bêtes : le ton qu’il y prend, sort un peu trop des bornes prescrites à la gravité de son état ; mais on peut dire en même temps que cette Dissertation agréable, dont on ne doit pas adopter toutes les idées, est la production d’un esprit aimable & pétillant, qui égale Fontenelle pour le talent de revêtir les choses les plus sérieuses des graces du badinage & de la légéreté. […] Bougeant, des Ouvrages Théologiques, où l’on retrouve le même esprit de méthode, de précision & de clarté.
Né avec une grande vivacité dans l’esprit, il cultiva assez heureusement la Poésie Latine, les Sciences, & n’écrivoit pas mal, pour son temps, dans sa propre Langue ; mais emporté par son imagination fougueuse, il s’engagea dans les plus pitoyables travers. […] Il n’avoit, soit dans ses Ecrits, soit dans ses mœurs, d’autres regles que ses propres opinions ; &, selon le génie des esprits sans principes & sans frein, il traitoit de fables les dogmes de la Religion, & d’entraves ridicules les loix de la probité.
En s’attachant à toutes les Sciences, ses recherches n’ont souvent abouti qu’à rassembler dans son esprit des doutes sur les plus intéressantes matieres. […] « Comme humainement parlant, dit-il, tout est problématique dans les Sciences, & dans la Physique principalement, tout doit y être exposé aux doutes de la Philosophie sceptique, n’y ayant que la véritable science du Ciel, qui nous est venue par révélation divine, qui puisse donner à nos esprits un solide contentement avec une satisfaction entiere ».
Avec une imagination vive & élevée, un esprit plein de finesse & de pénétration, il avoit acquis, par l’étude des bons Modeles, les qualités nécessaires à un bon Ecrivain. […] Un des plus grands défauts de ceux qui ont écrit l’Histoire, est de tout raconter sans aucun choix ; par-là, ils surchargent la mémoire & dégoûtent l’esprit.
Par-là ce Roman est lu encore aujourd’hui avec un plaisir égal par les Gens sensés & par les Esprits frivoles. […] Comme il ne pouvoit entendre qu’à la faveur d’un cornet : « Voilà mon bienfaiteur , dit-il un jour à M. l’Abbé de Voisenon en le lui montrant ; je vais dans une maison, j’y trouve des visages nouveaux ; persuadé qu’il s’y rencontre des gens d’esprit, je fais usage de mon cornet ; je vois que ce ne sont que des sots, aussi-tôt je le resserre en disant, je te défie de m’ennuyer ».
Les petites Poésies de M. de Sauvigny n'ont pas les mêmes droits à l'indulgence ; elles manquent de naturel, & sentent trop le travail : à cela près, ses Lettres philosophiques & ses Odes anacréontiques offrent de l'esprit, de la finesse, & quelquefois de la sensibilité. […] Ce zele, qui prouve son bon esprit, autant que son discernement, l'a privé, selon toute apparence, des éloges qu'on lui eût prodigués, comme à tant d'autres, s'il se fût enrôlé sous les étendards de la Philosophie ; mais ces louanges, aussi suspectes qu'éphémeres, sont peu propres à exciter les regrets d'une ame honnête.
A cela près, on ne sauroit trop admirer l'étendue des connoissances, des recherches, & la littérature qu'elle offre à l'esprit du Lecteur, étonné de voir tant d'événemens traités sans confusion & avec une rare supériorité. […] S'il s'est échappé quelquefois, on doit plutôt attribuer ses écarts à de certaines séductions momentanées, qui agissent plus sur le cœur que sur l'esprit.
De tout ce qu’il a écrit [& le nombre de ses Productions est assez considérable], le seul Ouvrage qui lui ait donné de la célébrité, est son Livre des Mœurs ; nouvelle preuve que la plupart des Esprits de ce Siecle n’ont cru pouvoir se faire un nom qu’en s’écartant des routes ordinaires, & en débitant des systêmes opposés à toutes les idées reçues. […] L’Auteur ne se borne pas à faire la satire des ridicules & des vices du Siecle, il présente aussi les moyens de les corriger ; & si ses observations ne sont pas toujours élégantes & vivement exprimées, elles ont du moins le mérite de la justesse, & annoncent un Esprit aussi éclairé, que jaloux du bonheur de ses Concitoyens.
On se dit : « Allons toujours, je réfléchirai après. » Les peuples à grande imagination sont tous habitués à cet effet du grand style sur leur esprit. […] Ou l’évêque est chrétien selon la lettre et selon l’esprit, et alors pourquoi écoute-t-il avec complaisance et approbation les doctrines très peu chrétiennes du terroriste, et pourquoi, après l’avoir entendu se vanter du sang versé pour le peuple, ne lui propose-t-il aucune bénédiction de sa religion, et, au contraire, lui demande-t-il simplement la sienne ? […] Elle laisse dans l’esprit un certain scrupule qui nuit beaucoup à l’édification. […] Dans ces moments-là, offrant son cœur à l’heure où les fleurs nocturnes offrent leur parfum, allumé comme une lampe au centre de la nuit étoilée, se répandant en extase au milieu du rayonnement universel de la création, il n’eût pu peut-être dire lui-même ce qui se passait dans son esprit ; il sentait quelque chose s’envoler hors de lui et quelque chose descendre en lui. […] Misères du cœur, de l’esprit, de l’âme et du corps, misères surtout qui frappent ce que vous aimez à cause de vous, et qui font un devoir de vivre pour d’autres encore après avoir perdu toute raison de vivre pour vous-même !
. — Les Quatre Vents de l’Esprit (1882) […] Qu’il rouvre les voiles du temple, et que, soutenue du redoutable esprit qui l’anime, sa muse combatte longtemps encore les penchants égoïstes et les révoltes intérieures de l’homme demeuré seul avec ses passions ! […] Il est bon que le public voie jusqu’à quel point d’égarement peut aller l’esprit humain affranchi de toute règle et de toute bienséance. […] Une singulière découverte coïncide avec celle de l’esprit nouveau, c’est que la langue française, qui semblait ne plus sembler bonne qu’à rimer des petits vers spirituels ou aimables, se trouva tout à coup vibrante, sonore, pleine d’éclat. […] La mort vénérable est ton apothéose ; Ton esprit immortel chante à travers les temps.
Les esprits innocents, qui ne voient que les mots, trouveront ce livre aussi innocent qu’eux. […] Esprits chauds, à ce qu’il semblait autrefois, âmes qui furent sans doute chrétiennes, ils n’ont pu toucher impunément à ces cuisines, et voilà comme ils ont fait leur Madame Gervaisais ! […] que MM. de Goncourt, ces esprits amoureux et chauds, se trouvent ressembler au froid et sec Flaubert. […] Ce livre, que je n’avais pas lu, m’a donné une volupté d’esprit mêlée de surprise. […] Puisque l’esprit des romanciers de cette heure n’a plus assez d’énergie pour créer sans avoir un modèle sous les yeux ou dans la mémoire, et que les mannequins sont devenus de première nécessité, en littérature !
Homme d’un esprit littéraire, il s’y lia avec Émile Deschamps et avec son frère, également lettrés, qui logeaient dans le voisinage. […] L’excellent esprit de M. de Vigny était de sa nature propre à comprendre cette vérité. […] Il a l’esprit libre, frais et dispos, toujours présent et prêt à la riposte. […] N’avoir pu encore lancer en avant cet esprit rebelle qu’elle excite et qui s’arrête ! […] Esprit superbe, seriez-vous paralysé par ce misérable brouillard qui pénètre dans ma chambre délabrée ?
Son esprit doit donc rester fixé dans « une attitude de réponse » aux impressions venant de cette source, même lorsqu’il devient insensible à tout le reste. […] L’esprit, dont l’état est confus dans le sommeil ordinaire, peut, dans l’hypnotisme lucide, avoir une claire conscience de ce qu’il fait. […] Les vraies distractions sont celles qui naissent de ce que l’esprit est attentif à une autre idée. […] Gurney, « il ne leur vient pas à l’esprit qu’ils aient le pouvoir de choisir179 ». […] C’est comme un changement de position par lequel l’œil de l’esprit est retourné du dehors au dedans.
l’un est un homme d’esprit, lettré, trop lettré peut-être, qui a fait avec un autre homme d’esprit les Soirées de Neuilly : vous vous les rappelez, n’est-ce pas ? […] Voici tout ce qui m’est resté, dans l’esprit, de ce voyage. […] Buloz, c’est-à-dire un des esprits les plus supérieurs qui aient existé. […] Cavé était un homme d’esprit. […] Scribe est, avant tout, homme d’esprit.
Je n’ai plus qu’à vous dire quelques mots de l’esprit dans lequel je les traiterai. […] … Car, ils ne manquaient pas d’esprit, ni de verve, ni de métier, déjà ! […] L’esprit humain a par bonheur plus de ressources et de fécondité. […] Le Sage n’est pas un grand esprit. […] Sais-tu bien qu’il y a plus d’esprit dans ces noms-là que dans tout le royaume de France ?
Nous n’y voulons voir qu’un fait, c’est qu’en France on arrive désormais à tout par son esprit et par son talent, même quand ce talent n’a été appliqué qu’aux choses d’imagination pure et de poésie. — Un autre fait que nous nous permettrons de rapprocher du précédent, c’est que le poëte coiffeur d’Agen, l’aimable Jasmin, vient, dit-on, de recevoir la croix de la Légion d’honneur : autre preuve qu’avec de l’esprit et même par la poésie seule, on triomphe aujourd’hui de toutes les difficultés et de tous les préjugés, qu’on se classe à son rang, et qu’on se fait finalement reconnaître et honorer des puissances sociales officielles.
Comme Stendhal, comme Flaubert, comme tant d’autres moins illustres, il subit les conséquences de l’abus de l’esprit d’analyse. […] Seulement, des conditions spéciales de milieu et de tempérament firent que ces tendances diverses n’eurent, dans Amiel aucun contrepoids, en sorte qu’il laissa s’exagérer chez lui jusqu’à la maladie et l’esprit germanique et l’analyse, et le goût du songe.
Manuel s’était déjà fait connaître du public qui aime la poésie par un volume dont le titre indique les tendances et l’esprit : Pages intimes. […] Manuel : l’un vient du fond d’une vie sincère, souvent troublée, mais plus forte que ses troubles, et d’une âme virilement attachée au devoir, défendue, par lui, contre les lâches défaillances ; l’autre vient, non plus de ces profondeurs émues de l’existence humaine, mais des hauteurs de la pensée pure, de ces sommets sacrés où l’esprit se sent plus voisin de l’infini.
Ce pitoyable manége a bien pu en imposer à des Esprits plus foibles encore ; que ceux dont ils ont voulu ridiculiser les travers. […] Ne voit-on pas en effet la Religion s’épurer d’elle-même, sans rien perdre de son véritable esprit ?
A juger de son esprit par ces petites Pieces, on peut assurer qu’il l’avoit délicat & orné ; mais c’est le chant de la Fauvette, & non celui du Rossignol. […] Un esprit d’indépendance, le plus funeste de tous les travers, rend son ame insensible, nous ne dirons pas à tout, mais du moins au blâme.
Ils ont beau dire, que le choc des Esprits produit la lumiere, il est certaines matieres sur lesquelles le choc des Esprits produit l’embrasement.
Telle est l’illusion de la vanité littéraire : on oublie que le génie seul peut conduire à l’immortalité, & l’on se flatte que quelques légeres étincelles d’esprit pourront résister au souffle du temps, qui ne respecte que les vraies lumieres. […] Il eût pu y joindre cette autre-ci, pour lui servir de suite : & la maniere dont un mauvais Auteur se défend contre la critique, ajoute souvent à la preuve de la médiocrité de son esprit, celle de la petitesse & de la perversité de son ame.
Si un auteur pouvait avoir quelque droit d’influer sur la disposition d’esprit des lecteurs qui ouvrent son livre, l’auteur des Contemplations se bornerait à dire ceci : Ce livre doit être lu comme on lirait le livre d’un mort. […] C’est l’existence humaine sortant de l’énigme du berceau et aboutissant à l’énigme du cercueil ; c’est un esprit qui marche de lueur en lueur en laissant derrière lui la jeunesse, l’amour, l’illusion, le combat, le désespoir, et qui s’arrête éperdu « au bord de l’infini ».
Cet homme a de l’esprit ; et avec cela il ne fera jamais rien qui vaille. […] Son Chat d’Angora qui guette un oiseau est on ne peut mieux ; physionomie traîtresse ; longs poils bien peints ; etc… Il y a de l’esprit, du mouvement, et de la chaleur dans l’esquisse de la Descente de Croix.
Sans cette attente, l’esprit occupé de sujets imaginaires et donnés, ne s’échauffera jamais d’un feu réel, d’une chaleur profonde, et l’on n’aura que des rhéteurs. […] Encore si l’on avait devant soi le tableau dont on écrit ; mais il est loin, et tandis que la tête appuyée sur les mains, ou les yeux égarés dans l’air, on en recherche la composition, l’esprit se fatigue, et l’on ne trace plus que des lignes insipides et froides.
On peut badiner avec l’esprit, mais il ne faut pas badiner avec l’amour. […] Mais on sort de cette lecture comme d’un long bal masqué avec le tourbillon dans la tête, la confusion dans l’esprit, l’ivresse dans l’imagination , le vide dans le cœur. […] Quant à moi, je ne riais déjà plus des facétieuses fantaisies de l’Arioste ; l’ombre de la prochaine séparation pesait évidemment sur l’esprit de tous. […] — C’est de l’égoïsme aussi, maman, dit avec une précoce justesse de sens la petite Thérésina. — Oui, mon enfant, dit la mère ; c’est de l’égoïsme d’esprit. […] Ils ont été assez habiles pour tromper un esprit aussi éclairé, aussi généreux que le vôtre.
De ce que la qualité extensive est irréductible, faut-il conclure qu’elle soit fournie par l’esprit même aux sensations ? […] Est-ce une raison pour les attribuer au pur esprit, à la spontanéité et à l’activité de l’intellect ? […] Il n’y a point de plus grand mystère à sentir quelque chose d’extensif que quelque chose d’intensif ; on ne doit pas taire appel à l’ignava ratio de l’a priori et de l’esprit pur dans un cas plutôt que dans l’autre. […] Nous ne saurions admettre avec eux que la coexistence soit construite dans notre esprit par le renversement de deux séries successives (comme les sensations nécessaires pour parcourir des yeux une table de gauche adroite et de droite à gauche). […] C’est moins l’esprit pur que la capacité buccale et stomacale qui révèle primitivement les trois dimensions en les engloutissant toutes à la fois.
L’homme est composé de sens et d’esprit. […] La difficulté vaincue, qui n’est plaisir que pour les esprits plus géomètres qu’enthousiastes, n’est pas plaisir pour l’ignorant. […] Parce qu’il s’adresse spécialement aux deux facultés inférieures de l’esprit humain : la curiosité et la passion. […] Quelle main assez minutieuse et assez sûre peut faire ce triage et cette répartition de genres, de manière à en faire la base absolue d’une classification méthodique des œuvres littéraires de l’esprit humain ? […] En ne les perdant pas de vue dans les différentes excursions que nous allons faire ensemble à travers les œuvres de l’esprit humain, nous saurons toujours où nous sommes, et nous pourrons pressentir peut-être où nous allons.
Ce Lenz, dont il est question dans les Mémoires de Goethe, était un Livonien de cette génération bizarre et vaguement passionnée, contemporaine de Werther, et qui en mit trop bien en pratique l’esprit et l’exaltation, jusqu’à vouloir finir par la démence et le suicide. […] Il s’est introduit je ne sais quel purisme pédantesque, je ne sais quel esprit grammatical qui rétrécit l’âme, refroidit l’imagination, éteint les hardiesses, s’oppose à tout élan passionné, anéantit la poésie et défigure entièrement l’éloquence. […] Il décrit dans un curieux détail les mœurs et le gouvernement des petits cantons ; il n’a rien gardé du vague et de la fougue qui dominaient dans ses précédents ouvrages ; la partie positive et commerciale l’occupe ; il ne néglige aucune des circonstances physiques des lieux qu’il parcourt ; il y mêle des considérations morales qui le montrent affranchi des lieux communs de son siècle, ou plutôt devançant l’esprit du siècle prochain. […] Certes, ce sentiment exprimé par un jeune homme de vingt-deux ans, cette leçon donnée aux esprits forts (appelés ici par politesse des âmes fortes), en présence de la philosophie du siècle, à deux pas de Voltaire et pendant la vogue de l’abbé Raynal, annonce, encore mieux que Le Jeune d’Olban et que les Élégies, combien Ramond appartient d’avance à un mouvement réparateur et à une inspiration digne des régions sereines où se passeront les plus belles heures de sa vie83. […] Revenant ailleurs sur cette idée d’une transformation qu’éprouvent à de certaines hauteurs les organes du corps et les facultés de l’esprit, il fait appel à tous ceux qui en ont, un jour ou l’autre, ressenti les effets dans l’ascension vers les hauts lieux : Quelque merveilleux que soit ce que j’avance, je ne manquerai point de garants, et je ne trouverai d’incrédules que dans le nombre de ceux qui ne se sont jamais élevés au-dessus de la plaine.
Féli (comme on l’appelait dans l’intimité) ; et il avait près de lui, d’habitude, quatre ou cinq jeunes gens qui, dans cette vie de campagne, poursuivaient leurs études avec zèle, selon un esprit de piété, de recueillement et d’honnête liberté. […] Ce grand et violent esprit, qui ne se pouvait reposer que dans des solutions extrêmes, après avoir tenté l’union publique du catholicisme et de la démocratie, et l’avoir prêchée dans son journal d’un ton de prophète, s’était vu forcé de suspendre la publication de L’Avenir. […] Celui-ci, tout admirateur et prosélyte qu’il était alors, ne devait subir qu’en la traversant cette influence de Lamennais ; un an ou deux après, il en était totalement affranchi et délivré ; s’il s’émancipa par degrés de la foi, s’il se laissa bientôt gagner à l’esprit du siècle, ce ne fut pas à la suite du grand déserteur, mais à sa propre manière, et il erra dans sa propre voie ; en 1835, il n’était plus le disciple de personne ni d’aucun système. […] Il y avait en ce moment à La Chênaie, ou il allait y venir, quelques hommes dont la rencontre et l’entretien donnaient de pures joies, l’abbé Gerbet, esprit doux et d’une aménité tendre, l’abbé de Cazalès, cœur affectueux et savant dans les voies intérieures ; — d’autres noms, dont quelques-uns ont marqué depuis en des sciences diverses, Eugène Boré, Frédéric de La Provostaie : c’était toute une pieuse et docte tribu. […] écrivait l’un d’eux. — Mais pour nous qui n’avons ici qu’à parler de littérature, il est impossible de ne pas noter un tel moment mémorable dans l’histoire morale de ce temps, de n’y pas rattacher le talent de Guérin, de ne pas regretter que l’éminent et impétueux esprit qui couvait déjà des tempêtes n’ait pas fait alors comme le disciple obscur, caché sous son aile, qu’il n’ait pas ouvert son cœur et son oreille à quelques sons de la flûte pastorale ; qu’au lieu de se déchaîner en idée sur la société et de n’y voir qu’enfer, cachots, souterrains, égouts (toutes images qui lui reviennent perpétuellement et qui l’obsèdent), il n’ait pas regardé plus souvent du côté de la nature, pour s’y adoucir et s’y calmer.
Il y a une trentaine d’années, un poëte naturel, sorti des rangs du peuple, Jasmin, est venu remettre à la mode, étendre et comme renouveler cette flore du Midi, restée longtemps si morcelée et si locale : homme d’esprit et de sensibilité, artiste habile, acteur et poëte, vrai talent, il avait su, par ses heureuses combinaisons et par ses récitations chaleureuses, remettre en honneur le vieux patois, nécessairement altéré, et faire accroire un moment à toutes les populations du Midi qu’elles s’entendaient entre elles, puisqu’elles l’entendaient, lui, et qu’elles l’applaudissaient. […] Ce gentil esprit, en s’aventurant de la sorte, s’exposait à se faire dire qu’il sortait de sa sphère et qu’il forçait son flageolet. […] Il aurait pu cependant, avant de mourir et pour peu qu’il eût l’esprit tourné aux tristes présages, s’apercevoir et reconnaître que son autorité avait subi un échec et qu’une partie de sa domination lui avait échappé. […] A voir un poëte du peuple occuper et, selon eux, usurper ainsi l’entière renommée, de jeunes et beaux esprits provençaux s’étaient dit qu’ils avaient, eux aussi, un passé et un avenir ; ils se mirent de parti pris à remonter aux sources, à les rechercher et à étudier, tout en chantant ; ils fondèrent cette union de poëtes, la société des Félibres, assez singulièrement nommée, mais qui s’est justifiée et démontrée par ses œuvres : l’un d’eux, Mistral, charmant poëte, esprit cultivé et resté en partie naïf, s’est d’emblée tiré du pair et illustré par la pastorale de Mireïo. […] Le patois du milieu de la France, du Berri, a été étudié et décrit à l’état philologique et, pour ainsi dire, botanique par le comte Jaubert, un esprit exact, un naturaliste véritable.
Dans cette figure animée, où il y avait l’intelligence, l’ironie, cette fine et joliment méchante mine de l’esprit, je vois se glisser, minute par minute, le masque hagard de l’imbécillité. […] Il semble que son esprit ait pris la logique en haine. […] Parfois ébauchées à peine, elles restent suffisantes pour donner à un cerveau prédestiné l’initiale impulsion, l’esprit d’analyse et de dissection psychologique. […] Vous arriverez, par cette gymnastique intellectuelle, à donner à votre esprit une puissance de déduction inconnue à ceux qui restent servilement dans le sillon creusé par leurs maîtres, moins par respect pour ceux qui ont ouvert les portes de la science que par paresse ou insuffisance. » L’emploi véridique de ce procédé, en littérature, suppose donc un certain degré de nescience de la part de l’auteur. […] Nous écartons à dessein le terme d’observation « inconsciente » pour éviter toute confusion, même de désinence, avec l’observation dite « subconsciente » très complètement étudiée dans la thèse du Dr Chabaneix : Influence du subconscient dans les œuvres de l’esprit, Bordeaux, 1897 35.
Si vous êtes traversés dans vos projets pour acquérir et conserver la gloire, votre esprit peut s’attacher à l’événement qui, tout à coup, a interrompu votre carrière, et se repaître d’illusions, plus faciles encore dans le passé que dans l’avenir. […] Loin de moi cependant ces axiomes impitoyables des âmes froides et des esprits médiocres ; on peut toujours se vaincre, on est toujours le maître de soi ; et qui donc a l’idée non seulement de la passion, mais même d’un degré de plus de passion qu’il n’aurait pas éprouvé, qui peut dire, là finit la nature morale ? […] L’esprit observateur et assez fort pour se juger, découvre dans lui-même la source de toutes les erreurs. […] Rien n’use la force d’un gouvernement comme la disproportion entre les délits et les peines ; il se présente alors comme un ennemi, tandis qu’il doit paraître comme le chef, comme le principe régulateur de l’Empire ; au lieu de se confondre, pour ainsi dire, dans votre esprit avec la nature des choses, il semble un obstacle qu’il faut renverser ; et l’agitation de quelques-uns, l’espoir qu’ils conservent, tout insensé qu’il est, de détruire ce qui les opprime, ébranle la confiance de ceux mêmes qui sont contents du gouvernement. […] Cette commotion produit plus en un jour que tous les écrits et les combinaisons politiques ; l’homme lutte contre sa nature, en voulant donner à l’esprit seul la grande influence sur la destinée humaine.
. — Par malheur, de cette particularité qui est un rapport, nous faisons, par une fiction de l’esprit, une substance ; nous l’appelons d’un nom substantif, force ou pouvoir ; nous lui attribuons des qualités ; nous disons qu’elle est plus ou moins grande ; nous l’employons dans les discours comme un sujet ; nous oublions que son être est tout verbal, qu’elle le tient de nous, qu’elle l’a reçu par emprunt, provisoirement, pour la commodité du discours, et qu’en soi il n’est rien, puisqu’il n’est qu’un rapport. […] Et cependant elle n’est rien en soi qu’un caractère, une propriété, une particularité d’un fait, la particularité qu’il a d’être constamment suivi par un autre, particularité détachée de lui par abstraction, posée à part par fiction, maintenue à l’état d’être distinct par un nom substantif distinct, jusqu’à ce que l’esprit, oubliant son origine, la juge indépendante et devienne la dupe de l’illusion dont il est l’ouvrier. […] L’esprit extrait le fragment, mais, au même instant, reconnaît que cette extraction ou abstraction est purement fictive et que, si le fragment existe à part, c’est qu’il l’y met. […] Or l’analyse qui montre dans la substance et dans la force des entités verbales s’applique à la matière aussi bien qu’à l’esprit. […] C’est pourquoi, si nous embrassons d’un regard la nature et si nous chassons de notre esprit tous les fantômes que nous avons mis entre elle et notre pensée, nous n’apercevons dans le monde que des séries simultanées d’événements successifs, chaque événement étant la condition d’un autre et en ayant un autre pour condition.
Tant y a qu’il existe des pièces qui sont très bien faites pour être lues et même relues ; ce sont les plus profondes et les plus subtiles, et les noms de Racine et de Marivaux, plus encore que ceux de Corneille et de Molière, viennent à l’esprit, comme aussi ceux de Sophocle et de Térence. […] Sans pousser cette sollicitude jusqu’à une sorte de manie, il ne faut jamais oublier, en effet, que le théâtre antique est sculptural, que les personnages y forment des groupes harmonieux faits pour satisfaire les yeux amoureux de la beauté des lignes autant que l’esprit amoureux de la beauté des pensées ; que les Grecs ne cessent jamais d’être artistes et qu’il faut nous faire artistes nous-mêmes pour goûter leur théâtre, sinon autant qu’ils le goûtaient, du moins de la manière, d’une des manières, et importante, dont ils le goûtaient. […] La tragédie française n’en est pas un ; mais parce qu’elle ne laisse pas d’être inspirée de la tragédie grecque, et surtout parce qu’elle a en elle l’esprit même de la tragédie, il lui arrive, du moins par le souci des groupements à la fois savants et naturels, aussi par les morceaux lyriques qu’elle admet, d’avoir avec l’opéra des analogies qui ne sont pas douteuses et qui sont très loin d’être une dégradation ou de marquer une déchéance. […] Dans le second cas, même raison avec cette particularité qu’Œnone ayant nommé Hippolyte, ce nom réveille dans l’esprit de Phèdre l’idée de la nécessité de parler à Œnone confidentiellement et de très près. […] Et sans doute, il y a là, de la part de Molière, une légère faute au point de vue de la thèse à plaider puisqu’il la compromet ; mais l’erreur est plus grande encore de la part de ceux qui n’ont pas entendu qu’un homme de raison peut devenir à un moment donné un homme d’esprit et qui s’amuse.
Albalat, avec une érudition profonde et un esprit d’observation remarquable, aiguisés encore par la concentration d’un effort continu, s’est proposé de combler et qu’il a comblée, au jugement des critiques de valeur, qui ont pris la peine de suivre attentivement son œuvre. […] De bons esprits, comme M. […] Inquisiteurs littéraires, au fond peu redoutables, ils tranchent tout et ne réfutent rien ; car leurs affirmations ne sont pas des preuves et le mépris d’autrui ne fut jamais un signe d’esprit critique. […] Ces traits d’esprit révèlent une belle passion pour les lettres, et il faut avoir de soi une bien haute estime pour traiter les autres sur ce ton. […] De l’esprit, de l’atticisme, la phrase droite, le ton classique, facilité, fluidité, causerie exquise : ce sont de bons prosateurs.
Qu’après avoir jadis découvert Paris, ce romantique attardé parmi nous inventât donc maintenant la mer, ou qu’après avoir calomnié les mœurs de la bourgeoisie, cet homme de quelque talent, mais de si peu de goût, et de tact, et d’encore moins d’esprit, caricaturât à leur tour celles du populaire ; il n’y avait là ni de quoi s’étonner, ni de quoi revenir à la charge. […] Nulle conscience et nulle observation, nulle vérité ; nulle exactitude, tous les effets faciles et violens, tous ceux du vaudeville et ceux du mélodrame ; des scènes inouïes de brutalité ; toutes les plaisanteries qui passent à Grenelle ou du côté de Clignancourt pour des formes de l’esprit ; des images de débauche, des odeurs de sang et de musc mêlées à celles du vin ou du fumier, voilà La Terre ; et voilà, va-t-on dire, le dernier mot du naturalisme ! […] Qu’un roman puisse à la rigueur se passer d’aventures et d’intrigue, de composition et de style, de grammaire et d’esprit, on le conçoit encore ; et il y en a des exemples ; mais ce que l’on n’a jamais vu, c’est un roman sans psychologie. […] On ne se serait pas indigné de la sorte, si l’on ne s’était flatté, avec les affaires de son indignation, de faire aussi celles de son esprit, et par surcroît la joie de ses lecteurs. […] Mais quiconque en ce temps-là se permettait d’y voir et d’y reprendre cette même grossièreté de langage, ou cette même insuffisance et banalité de l’observation, ou ce même manque enfin de sens moral, dont il semble que tout le monde s’aperçoive aujourd’hui, celui-là se faisait, en moins de vingt-quatre heures, une solide réputation d’étroitesse et de timidité d’esprit.
Tu n’es plus l’esprit familier qui m’amusait de ses inventions malicieuses. […] Eh bien, tu m’as mis un doute dans l’esprit. […] Accourez, Esprits de la nuit. […] LES ESPRITS DE LA NUIT chantent. […] Mon ami Jacques a l’esprit vif ; il aime le paradoxe.
Son esprit a quelque chose de ce regard. […] — Il est des femmes, dont le charme singulier est fait comme d’une suspension de la vie, d’une interruption de la présence d’esprit, d’absence rêveuse. […] Il a tant d’esprit ! […] …” Gaspard de Pons, qui avait été dans son régiment, disait de lui : “En voilà un qui n’a pas l’air des trois choses qu’il est : un militaire, un poète, un homme d’esprit ! […] ma pauvre fille, tu es le sentiment… lui, il est l’esprit : il t’attrapera toujours !
— Peisse est un bon esprit, mais pessimiste, instruit mais exclusif, trop chagrin pour sourire aux arts ; c’est un bon esprit de rez-de-chaussée ; il n’a jamais eu de belvéder.
Quand nous lisons, et même quand nous pensons, nous n’apercevons pas sous chaque mot l’image correspondante : le mot est seul dans notre esprit, notation sèche, algébrique, et qui nous suffit parce qu’elle est familière et connue, et que nous nous sentons le pouvoir de la remplacer à chaque moment par l’image. […] Les esprits très jeunes, et que la réflexion philosophique n’a point affinés, ont une très forte tendance à se méprendre : presque toujours ils sont réalistes, comme on pouvait l’être au temps d’Abailart et de Guillaume de Champeaux.
De Pongerville Millevoye, cependant, ne s’élève au premier rang que dans l’élégie, le fabliau, la poésie délicatement érotique où l’esprit est toujours l’intermède de la volupté. […] Charles Nodier Cette persévérance dans ce qu’on appelait la voie classique, cette servilité d’imitation que l’on apprenait au collège, une prétention plus déplorable encore, et c’était, à la vérité, la seule dont ce brillant esprit se fût jamais avisé, celle de surprendre, par des riens cadencés comme on en rimait alors, le suffrage routinier d’un auditoire académique, empêchèrent Millevoye de parvenir à tous les succès auxquels il pouvait prétendre.
Les extraits qu’ils contiennent, sont d’un esprit consommé dans chaque Science. […] Il est vrai que cette liberté de prononcer sur les Ecrivains, qui, en général, ne demandent que des Panégyristes, lui attira des disgraces, & en occasionna la suppression pour quelque temps : mais l’autorité comprit bientôt qu’il n’étoit pas moins essentiel de maintenir les loix de la Littérature, que celle de la subordination dans les autres ordres de l’Etat ; qu’il sera toujours avantageux aux Littérateurs d’être instruits, redressés, & contenus dans les bornes qu’ils ne doivent pas franchir ; que le bon usage des connoissances & des talens est un objet essentiel à l’intérêt & aux agrémens de la société ; que l’abus de ces deux puissans ressorts, dignes de toute l’attention de la Politique, entraîne toujours des suites dangereuses ; qu’un esprit éclairé, courageux, inflexible, mérite de l’encouragement, & ne doit point être livré à d’injustes persécutions.
Un tel Livre devoit être accueilli par les esprits éclairés & par les honnêtes gens ; aussi tous les Lecteurs sensés en ont-ils fait cas, & le nombre des Editions qu’il a eu en prouveroit le mérite, quand même la tournure, l’invention & le style ne le rendroient pas intéressant. […] Tableau philosophique de l’Esprit de M.
Les raisonnemens de l’Auteur, appuyés sur des faits incontestables, ont paru concluans à tous les esprits droits & sans préjugé ; & l’heureuse expérience que plusieurs villes, entre autres St. […] Il savoit combien les illusions accréditées sont promptes à se révolter contre la voix qui les combat ; il n’ignoroit pas non plus de quoi l’esprit de parti est capable, lorsqu’il se voit contredit & humilié ; mais son zele n’en a point été effrayé.
L’esprit, quand il cherche à se montrer, devient un supplice pour un homme sensé ; & les pensées brillantes éblouissent & fatiguent plus qu’elles ne plaisent, quand elles sont indiscrétement prodiguées, & encore plus quand elles paroissent jetées toutes dans le même moule. […] Quoi que votre esprit se propose, Quand votre course sera close, On vous abandonnera fort, Et, Seigneur, c’est fort peu de chose Qu’un demi-Dieu, quand il est mort.
C’étaient encore des universaux poétiques qui servaient à désigner les diverses espèces d’objets qui occupaient l’esprit des héros ; ils attribuaient à Achille tous les exploits des guerriers vaillants, à Ulysse tous les conseils des sages96. […] Lorsque l’esprit humain s’habitua à abstraire les formes et les propriétés des sujets, ces universaux poétiques, ces genres créés par l’imagination (generi fantastici), firent place à ceux que la raison créa (generi intelligibili), c’est alors que vinrent les philosophes ; et plus tard encore, les auteurs de la nouvelle comédie, dont l’époque est pour la Grèce celle de la plus haute civilisation, prirent des philosophes l’idée de ces derniers genres et les personnifièrent dans leurs comédies.
L’une de ces deux petites villes a un grand nom, et porte toujours dans l’esprit une grande idée : il n’en faut pas davantage pour anoblir les Horaces et les Curiaces. […] Dans le second, il faut ménager une suite qui favorise la passion, et compter pour rien que l’esprit soit content, si le cœur n’a de quoi s’attacher toujours davantage. […] Il faut éviter la multiplicité trop grande des incidents, dont la confusion ne servirait qu’à fatiguer l’esprit du spectateur, et ne ferait que des impressions légères sur son cœur. […] Pour sentir le mérite de la première, il ne faut que des oreilles et du bon sens ; mais la comédie chantée paraît être faite pour l’élite des gens d’esprit et de goût. […] Il ne doit pas être exécuté en mesure exacte ; il faut qu’il soit abandonné à l’intelligence et à la chaleur de l’acteur, qui doit se hâter ou se ralentir, suivant l’esprit de son rôle ou de son jeu.
je vois le moment où tout cela vous sera compté à plus grand honneur que si vous aviez mieux conduit votre talent et mis en œuvre tout votre généreux esprit ; et nos neveux diront en vous lisant : « Tant pis pour nous, là où nous ne saisissons pas ! […] Arrêté pour ce méfait, mis en prison au Châtelet et appliqué à la question, il se vit même condamné à mort : c’est alors qu’il se hâta de répondre par un J’en appelle (au Parlement), et il en fit une ballade piquante, montrant ainsi sa liberté d’esprit à toute épreuve et badinant jusque sous le gibet. […] Il dut cependant quitter Paris, et pendant quatre ans entiers il mena une vie errante et en France et aux frontières de France : l’idée de suicide lui traversa un instant l’esprit. […] L’honneur de Villon, son originalité et sa gentillesse d’esprit (M. […] Campaux, on aura pour tout le reste un commentaire aussi ample qu’utile, et conçu dans un esprit mieux encore que littéraire, je veux dire sympathique et presque filial. — Il a dû y avoir, je m’imagine, du temps de Villon, quelque écolier un peu plus jeune que lui, aussi laborieux, aussi bon sujet que l’autre était mauvais et dérangé, mais grand admirateur du poète, sachant ses premières chansons, récitant à tous venants ses plus jolies ballades, en étant amoureux comme on l’est à cet âge de ce qu’on admire.
Grenier sur Homère, que je craignais fort que, dans cette lutte engagée avec l’esprit moderne, et qui, ouvertement ou sourdement, se continue, les Anciens ne perdissent tôt ou tard, sinon toute la bataille, du moins une partie et une aile de la bataille. […] Mais je crois, en effet, que les choses humaines sont emportées de plus en plus dans un courant qui les sépare à jamais, et par tout un abîme, du goût et de l’esprit littéraire de l’Antiquité, et qu’il n’y aura dans l’avenir qu’une rare élite à qui il sera donné de conserver la tradition intacte, de préserver le feu sacré et le flambeau. […] je sais bien que cela même a pu donner quelques regrets à de doctes et fins esprits qui craignent de voir profaner ce qu’ils aiment, de voir pratiquer une grande route à travers un bois sacré. « Pour moi, j’aimais à m’y perdre, m’écrit à ce sujet un de ces fins dilettanti de l’Antiquité, et si je ne savais pas bien en reconnaître les fleurs, je sentais au moins quelque chose de leur parfum. […] « Celle qui s’est ri si dédaigneusement de toute la Grèce, celle qui avait à sa porte un essaim de jeunes amants, Laïs consacre son miroir à Vénus ; car, me voir telle que je suis, je ne le veux pas ; et me voir telle que j’étais, je ne le puis. » Et comme l’a traduit heureusement Voltaire, mais en y mettant un peu plus d’esprit : Je le donne à Vénus puisqu’elle est toujours belle, Il redouble trop mes ennuis. […] C’est ce que je te recommande, moi, Priape, le gardien des ports, pour que tu ailles partout où le commerce t’appelle. » Léonidas n’eut pas seulement affaire aux pauvres gens et à ceux du commun ; nul n’a exprimé mieux que lui la délicatesse de cœur et d’esprit du parfait galant homme ; lisez plutôt cette Épitaphe d’Aristocratès, de l’homme aimable par excellence : « Ô Tombeau, de quel mortel tu couvres ici les ossements dans ta nuit !
La théosophie, c’est-à-dire l’esprit intelligent et intime des religions, s’égara, tarit comme une eau hors de son calice, ou bien se réfugia dans quelques cœurs et s’y vaporisa en mystiques nuées. […] En même temps que l’esprit grave, mélancolique, de Vauvenargues, retardé par le scepticisme, s’éteint avant d’avoir pu s’appliquer à la philosophie religieuse où il aspire, des natures sensibles, délicates, fragiles et repentantes, comme mademoiselle Aïssé, l’abbé Prévost, Gresset, se font entrevoir et se trahissent par de vagues plaintes ; mais une voix expressive manque à leurs émotions ; leur monde intérieur ne se figure ni ne se module en aucun endroit. […] Simple et immense, paisiblement irrésistible, il lui a été donné d’unir la profusion des peintures naturelles, l’esprit d’élévation des spiritualistes fervents, et l’ensemble des vérités en dépôt au fond des moindres cœurs. […] Il est permis, en parlant d’un tel homme, de s’attacher à l’esprit des temps plutôt qu’aux détails vulgaires qui, chez d’autres, pourraient être caractéristiques. […] Tes feux intérieurs sont calmés, tu reposes ; Mais ton cœur reste ouvert au vif esprit des choses.
Cet esprit si fin, cette âme si tendre, qui avait eu tous ses avantages dans les préambules de la passion, se reposait volontiers maintenant et se perdait dans les flammes de son amie, comme l’étoile du matin dans une magnifique aurore. […] Esprit libre, éclairé, il avait fini par se révolter de cette fabrique d’intrigues molinistes dont la maison de Mme de Noyon devenait le foyer de plus en plus animé. […] Mme de Pontivy, sans être exigeante, mais parce qu’elle était passionnée, trouvait nécessaire et simple que M. de Murçay se retranchât quelquefois certaines paroles, certains jugements, certaines relations même, qui pouvaient aliéner de lui l’esprit de sa tante, plus absolue en vieillissant, et rendre leur commerce moins facile. […] Mme de Pontivy, emmenée par sa tante dans une campagne éloignée, dut ne pas voir durant tout ce temps M. de Murçay, qui (en refroidissement d’ailleurs avec Mme de Noyon pour quelques sorties un peu vives contre l’esprit persécuteur) se confina de son côté dans une terre isolée, autre que celle où il avait reçu une fois son amie. […] Mais lorsqu’on en vint à la durée de l’amour, même fidèle, Mme du Deffand, de son esprit railleur, éclata, et dit que la plus longue éternité, quand éternité il y avait, en était de cinq ans.
En tout temps les esprits sont partagés ; en tout temps il y a des gens qui restent attachés au passé ou qui s’élancent dans l’avenir ; mais, en tout temps aussi, du conflit des opinions individuelles se dégage un courant plus fort, qui, malgré les remous et les contre-courants, entraîne la majorité de ceux qui pensent et la masse de ceux qui se reposent sur autrui de cette fatigue. […] Pendant près d’un demi-siècle l’esprit dit pratique et positif a étouffé ce que nos pères appelaient le droit naturel et ce qu’il est beaucoup plus exact de nommer le droit idéal. […] Sans doute, tous les socialistes n’acceptaient pas, même en ce temps-là, ces doctrines si peu conformes à la tradition française ; mais l’école qui les propageait rencontra des esprits préparés à les accueillir, parce qu’il y avait alors un véritable interrègne d’idéal ; elle profita de son accord avec les opinions ambiantes et elle put croire durant quelques années qu’elle avait triomphé, comme elle s’en vantait, « de l’illusion juridique ». […] C’est pourquoi les romanciers et les auteurs dramatiques se sont jetés avec avidité sur ce sujet attendrissant, et en quelques années ils ont prodigué les fictions82 où ils se sont faits les porte-parole de l’Église catholique, des esprits conservateurs ou des cœurs tendres contre la dissolution légale de la famille. […] Est-ce parce que la pensée indépendante, volontiers novatrice et aventureuse, se heurte au passé cristallisé dans les formules rigides des codes, se sent en désaccord avec l’esprit d’un corps qui, par la langue qu’il parle, le costume qu’il porte, les usages qu’il pratique et maintient, est régulièrement en retard sur les idées et les mœurs de son temps ?
Cette fois, l’erreur est trop préméditée et trop éclatante pour n’être pas hautement signalée ; il faut avertir ce grand talent qui se perd, ce ferme esprit qui s’égare, M. […] Comment un esprit si net et si lucide autrefois, a-t-il pu concevoir cet être impossible, moitié monstre et moitié fantoche, et qu’on dirait issu du commerce incestueux de M. […] S’il sait les formules qui font vivre les personnages, en chair et en os, il ignore les mots enchantés qui évoquent les Esprits divins. […] Ce vif esprit, qui a imprimé les traces si profondes dans l’observation directe et vivante, trébuche dès qu’il aborde la philosophie ou la pensée pure. […] J’ai dû relever ce défaut, parce qu’il est unique dans ce drame profondément vrai et vivant, qui ne laisse une objection ni à l’esprit ni à la conscience.
C’est celle en effet qui a eu long-tems le plus de cours pour l’usage ordinaire, mais elle a été, ce semble, entraînée dans la chûte des Jésuites, quoiqu’elle méritât d’être conservée par l’esprit d’analyse qui y regne. […] Il y a beaucoup moins d’ordre, mais beaucoup plus d’esprit & de finesse dans les Principes de la langue françoise, par l’Abbé Girard, in-12. […] Cet ouvrage passa dans l’esprit de bien des personnes sensées, pour un livre satyrique & contraire aux bonnes mœurs. […] Despreaux avoit fait autrefois cette proposition, & qu’elle a dérenouvellée par un homme dont l’esprit, la sagesse, & la saine critique sont connus ; mais cette idée a eu le sort de beaucoup d’autres projets utiles, d’être approuvée & d’être négligée”. […] On y met en évidence le plus grand libertinage de l’esprit, & la plus grossiere corruption du cœur.
Paralysie progressive et voulue peut-être… car souvent l’esprit est bien coupable envers les facultés qu’il perd. […] J’en ai cru trouver le mot, et je le dirai, dussé-je insurger contre moi les esprits amoureux de littérature ! […] L’originalité première s’en est allée au contact de tant de livres, sous le frottement de tant d’esprits ; elle s’est dérobée sous le poids de tant de connaissances, inutiles à qui a vraiment génie de poète. […] Toute imitation est un mensonge relatif, car les esprits de néant, sans fécondité et sans initiative, sont des menteurs à leur nature lorsqu’ils prétendent exprimer quelque chose, eux qui n’ont rien à exprimer ! […] Il n’est plus qu’un homme d’esprit et de goût.
Ce procédé, qui n’est point celui du critique impartial et tout à fait naturaliste, tenait à la fois, sans doute, à l’affection tendre que j’avais mise dès l’abord au succès et au triomphe de ce talent, et aussi à ma tournure d’esprit personnelle. La Bruyère parle quelque part des grands et sublimes artistes qui sortent de l’art pour l’étendre et l’ennoblir ou le rehausser, qui marchent seuls et sans compagnie, et qui tirent de leur irrégularité même des avantages supérieurs ; et il ajoute : « Les esprits justes, doux, modérés, non seulement ne les atteignent pas, ne les admirent pas, mais ils ne les comprennent point, et voudraient encore moins les imiter. […] Ils ne peuvent au plus qu’être les premiers d’une seconde classe, et exceller dans le médiocre. » Je ne sais si je suis précisément de ces esprits doux définis par le savant moraliste, mais sans me faire plus sévère envers moi-même que je ne le dois, je ne serais pas éloigné d’avouer et de confesser quelque chose de cette médiocrité de nature qu’il leur attribue, si ce n’est que je ne suis jamais demeuré tranquille dans ma sphère, que je me suis continuellement inquiété des grandes choses et des productions singulières que je voyais surgir autour de moi et qui me dépassaient de beaucoup, et qu’à leur occasion je me suis bien souvent posé cette question épineuse : Pourquoi suis-je si sensible à l’admiration pour certaines parties, et tout à côté à la répulsion pour certaines autres ?
Il a l’esprit d’un philosophe et d’un rêveur. […] Je vois que c’est le peuple le plus rapace et le plus égoïste du monde ; celui où le partage des biens est le plus effroyablement inégal, et dont l’état social est le plus éloigné de l’esprit de l’Évangile, de cet Évangile qu’il professe si haut ; celui chez qui l’abîme est le plus profond entre la foi et les actes ; le peuple protestant par excellence, c’est-à-dire le plus entêté de ce mensonge de mettre de la raison dans les choses qui n’en comportent pas… Nous sommes, certes, un peuple bien malade ; mais, tout compte fait, nous avons infiniment moins d’hypocrisie dans notre catholicisme ou dans notre incroyance, dans nos mœurs, dans nos institutions, même dans notre cabotinage ou dans nos folies révolutionnaires. […] Je ne suis cosmopolite ni par ma vie ni par mon esprit ou mon cœur.
On essaie d’abord de comprendre, ce qui, pour nous autres, Français de France, est toujours la première démarche de notre esprit, jusqu’à ce qu’on ait compris qu’il n’y a rien à comprendre et qu’il faut plutôt se laisser bercer par une mélodie qui n’est pas sans charme. […] Nous ne pouvons pas les comprendre de la même façon, ni les envisager avec le même esprit. […] Certainement, ce solide esprit eut été un de nos plus grands chantres français s’il fût né, par un long soir d’été, sur une des rives de cette Loire qu’il chérit et où il fait son plus habituel séjour.
Impose à cet autre qui est ennuyeux et muet comme un poisson ma part de travail, et demain j’aurai encore plus d’esprit. […] Les prostitués les ont appelés : « Envieux. » Et le Maître a répondu : « Leur intelligence a justement mérité à ceux-ci la meilleure part. » Et : « Il faut que tout le monde vive. » Et encore : « Tout travail mérite salaire. » Bien que penser, chanter, sculpter, donner son âme et son esprit aux jeunes gens ne soient que des repos et des joies, le Maître avait raison d’employer le mot travail. […] Orateur, dis ton âme et ton esprit, non les mensonges sournois ou brutaux d’un parti.
Hâtons-nous de déclarer ici, car il en est peut-être temps, que dans tout ce que l’auteur de ce livre vient de dire pour expliquer l’opportunité d’un volume de véritable poésie qui apparaîtrait dans un moment où il y a tant de prose dans les esprits, et à cause de cette prose même, il est très loin d’avoir voulu faire la moindre allusion à son propre ouvrage. […] Non ; s’il publie en ce mois de novembre 1831 les Feuilles d’Automne, c’est que le contraste entre la tranquillité de ces vers et l’agitation fébrile des esprits lui a paru curieux à voir au grand jour. […] C’est l’écho de ces pensées, souvent inexprimables, qu’éveillent confusément dans notre esprit les mille objets de la création qui souffrent ou qui languissent autour de nous, une fleur qui s’en va, une étoile qui tombe, un soleil qui se couche, une église sans toit, une rue pleine d’herbe ; ou l’arrivée imprévue d’un ami de collège presque oublié, quoique toujours aimé dans un repli obscur du cœur ; ou la contemplation de ces hommes à volonté forte qui brisent le destin ou se font briser par lui ; ou le passage d’un de ces êtres faibles qui ignorent l’avenir, tantôt un enfant, tantôt un roi.
L’esprit local, les manies urbaines, flattées et affichées ne se cachèrent plus. […] Rien ne pouvait être plus favorable à une renaissance de l’esprit provincial. […] Voici, à titre d’exemple, le programme d’une ces jeunes revues63 : celle-ci « prétend refléter l’âme nouvelle de la jeunesse, ses préoccupations sociales sans s’inféoder à aucune politique, son souci d’art national, simple, vigoureux, méthodique, suivant le sens de l’esprit latin.
s’ Gravesande : l’agréable assaisonne l’utile dans la Philosophie du bon sens, dont M. le Marquis d’Argens vient de donner une derniere édition considérablement augmentée ; mais l’esprit d’irréligion s’y montre trop à découvert. […] Ces trois morceaux sont dignes d’un Philosophe, qui connoît toute la marche de l’esprit humain. […] Elles sont du Pere Bougeant, connu par son ingénieux Amusement sur le langage des bêtes : jeu d’esprit qu’il n’auroit pas dû se permettre, mais que des ennemis ardens traiterent avec trop de rigueur.
III Mais, nous devons le répéter, — car le progrès, c’est-à-dire le mieux, est là pour Capefigue, guéri, nous l’espérons, de son xviiie siècle, — si, dans son livre, il n’y a pas de conclusion vigoureuse contre l’immoralité de Henri IV, tout à la fois si superficielle et si profonde, contre cette immoralité qui fut sa plus grande faute, même politique, car ce fut sa faute à poste fixe, sa faute perpétuelle, nous avons les prémisses terribles qui feront conclure désormais aux esprits fermes ce que Capefigue ne conclut pas. […] Malgré le peu de pente de l’esprit tout politique de l’auteur de Gabrielle d’Estrées à regarder du côté des causes morales, qui sont les influences décisives de l’histoire, cependant il ne peut s’empêcher de dire à plus d’une place de son ouvrage que les nombreuses amours publiques de ce chef d’État durent choquer si profondément l’esprit religieux et les mœurs de son siècle, que, son système politique eût-il réussi, il fût tombé par là encore !
C’était toujours vif et spirituel, ce qu’il écrivait, délié et nerveux dans le bon sens du mot, presque aigu, mais n’allant pas jusqu’à la pointe, n’ayant jamais ce défaut du pointu que les esprits aigus ne savent pas toujours éviter. […] … Désormais les fourmis lui fourmillèrent dans l’esprit. […] Il s’imagine qu’elle ne donne pas que la joie de ses beautés aux yeux qui la contemplent et la pureté de ses voluptés à, nos âmes, mais, de plus, encore, la force à nos esprits et à nos cœurs pour vivre non plus tête à tête et cœur à, cœur avec elle, mais pour vivre mieux avec les hommes et être plus dispos et plus prompt à toutes les charges du devoir !
La plupart des hommes, faibles par leur nature, faibles par le peu de rapport qu’il y a entre leur esprit et leur caractère, plus faibles encore par les exemples qui les assiègent, par le prix que les circonstances mettent trop souvent à la bassesse et au crime, n’ayant ni assez de courage pour être toujours bons, ni assez de courage pour être toujours méchants, embrassant tour à tour et le bien et le mal, sans pouvoir se fixer ni à l’un ni à l’autre, sentent la vertu par le remords, et ne sont avertis de leur force que par le reproche secret qu’ils se font de leur faiblesse. […] Souvent nous jugerons, d’après l’histoire, les hommes qui ont été loués, afin de mieux connaître l’esprit des panégyristes et l’esprit du temps.
Et vraiment, c’est une épreuve indicible, pour le cœur et pour l’esprit. […] Un tel raisonnement charme l’esprit, par tant de rigueur. […] Paris était le modèle ; et on notait, avec esprit, les singulières différences de la province. […] À chaque instant, il vous apparaît comme un grand esprit et qui a des petitesses. […] Non, Émile Ollivier n’écrit pas par dilettantisme : il écrit par esprit de bataille.
reprit le spirituel auteur ; nous donnons tout au public, il ne nous reste plus rien pour nous-même. » Ce n’est là qu’un mot d’homme d’esprit. […] C’est par la comparaison, par la méditation, par l’esprit de suite, que nos idées se multiplient, se rectifient, et que toutes nos forces s’agrandissent. […] Un esprit partagé rarement s’y consomme, Et les emplois de feu demandent tout un homme, a dit Molière. […] Si j’ai désiré quelque chose vivement (ce qui ne m’arrive plus guère), c’est qu’il lance ce nouvel acte dans le public qui l’idolâtre, comme un tison infernal, tout fumant et tout brûlant, et qu’il ne laisse dans l’esprit des spectateurs, à la fin de la pièce, que la coupe, l’urne, le spectre, Shakespeare, le Dante et Talma. […] Il disait qu’il avait encore l’esprit vindicatif, et qu’il préparait un bon tour à ses envieux ; c’était une autre pièce qui vaudrait mieux que sa dernière… A la fin de notre visite, le frère de M.
Un de mes anciens amis, M. de Mareste, homme d’esprit, très-au-dessus des préjugés vulgaires, le rencontrait quelquefois chez moi. […] Il le finit, ou il le fit finir par une main inconnue, et je fus très-étonné, en arrivant de Naples, de le lire tout autrement conçu et autrement rédigé qu’il n’était dans mon esprit et signé de moi. […] Nous n’étions pas dans le temps des prophètes ; l’abbé de Lamennais en avait le style, mais le temps n’en avait pas l’esprit. […] certainement, me répondit-il, jamais une pareille idée ne s’est présentée à mon esprit. […] Un homme de beaucoup d’esprit, M. de Lourdoueix, qui avait commencé sa carrière littéraire en 1825 par une œuvre satirique contre les excès et les ridicules du royalisme, le soutenait dans une illusion de bonne foi et rédigeait sous son inspiration la Gazette de France.
On ne peut concevoir comment un esprit aussi juste et aussi puissant put se faire une telle illusion d’amour-propre ; mais enfin il se la fit et il écrivit à tête reposée le poëme d’Eudore et de Cymodocée. […] Voilà comme le critique se trompe, surtout quand il veut avoir plus d’esprit que la nature. Défions-nous des hommes d’esprit qui entendent malice à la nature ! […] Était-ce d’un esprit juste et d’un sens droit ? […] Il revient avec ces ébauches dans l’esprit.
Nommons d’abord un pape, Pie V, le religieux dominicain parvenu de la plus humble origine au siège pontifical, prêtre austère et zélé, d’un esprit violent, a-t-on dit, mais ayant de la grandeur et de la prévoyance. […] Tel n’était pas sans doute l’esprit des peuples d’Espagne et d’Italie. […] « Mais pourquoi mon esprit va-t-il chercher au loin un nouveau sujet de tristesse ? […] L’érudition surchargeait les esprits, avant de les inspirer. […] D’autres échantillons du même art, de la même délicatesse naïve et poétique, sont connus, et relevés dans un travail où le paradoxe était corrigé par le savoir et l’esprit.
Nous le voyons même arriver à Venise assez tranquillement, du moins dans une assez grande liberté d’esprit, puisque immédiatement arrivé, il peut s’occuper activement des préparatifs de son tableau. Plus tard, il est vrai, il devient triste et dégoûté de la vie ; mais, au milieu de ses souffrances d’esprit et de corps, la chose qui l’occupe le plus, celle dont il parle sans cesse, c’est toujours sa chère peinture ; c’est toujours son tableau des Pêcheurs.
. — Quant aux adversaires, au clergé, malgré les avantages partiels et paternels que peuvent présenter deux ou trois de leurs écoles, il est certain que, si on les laissait faire, ils paralyseraient le mouvement d’études et fanatiseraient ou abêtiraient les jeunes esprits. […] C'est assurément un succès, c’est un hommage du moins à la position que s’est faite l’auteur par son grand esprit.
Paul Verlaine Raoul Ponchon est un poète très original, un écrivain absolument soi, descendant, c’est clair, d’une tradition, ainsi que tous, du reste, mais d’une tradition « de la première », française en diable, avec tout le diable au corps et tout l’esprit au diable, d’un bon diable tendre aux pauvres diables et diablement spirituel, coloré, musical, joli comme tout, fin comme l’ambre, léger, tel Ariel, et amusant, tel Puck, bon rimeur (j’ai mes idées sur la Rime, et quand je dis « bon rimeur », je m’entends à merveille, et c’est de ma part le suprême éloge), excellent versificateur aussi (je m’entends encore), un écrivain, enfin, tout saveur, un poète tout sympathie ! […] Rien en lui, après ces incontestables rapports avec des esprits congénères, que de pleinement « genuine ».
Ce sont-là les vrais Philosophes dignes de l’estime des Citoyens ; & non ces esprits audacieux & inquiets, qui se font un jeu de détruire ce qu’il y a de plus respectable, & dont l’objet principal est de se faire remarquer par la singularité de leurs idées. […] Il doit abandonner ces ressources aux esprits médiocres, qui ont besoin de ce genre de conquetterie pour attirer les regards du Public sur leurs Productions.
Il est vrai qu’il a fait quelques Contes dont les enfans s’amusent, & qu’on peut lire encore dans un âge avancé, pour affoiblir un moment d’ennui ; mais un homme qui fait tomber un aune de boudin par la cheminée, qui occupe le grand Jupiter à attacher ce boudin au nez d’une Héroïne, n’a pas prétendu travailler pour les Gens de goût, encore moins se destiner par-là à figurer parmi les Coopérateurs du grand chef-d’œuvre de l’esprit humain. […] « Si l’on en excepte Perrault, dont le Versificateur Boileau n’étoit pas en état d’apprécier le mérite, & quelques autres, tels que la Motte, Terrasson, Boindin, Fontenelle, sous lesquels la raison & l’esprit philosophique ont fait de si grands progrès, il n’y avoit peut-être pas un homme [dans le Siecle dernier] qui eût écrit une page de l’Encyclopédie qu’on daignât lire aujourd’hui ».
Si cependant le brillant de l’esprit, la fécondité de l’imagination, de l’élégance du dessin, peuvent excuser ces défauts, personne n’aura plus de droit à l’indulgence que M. l’Abbé Raynal. […] Il faut sans doute à leurs oreilles des phrases longues, seches, & contournées avec de pénibles efforts ; il faut à leur esprit des pensées emphigouriques, des réflexions froides, des observations équivoques, des contradictions* révoltantes, des vûes minutieuses, le tout énoncé avec le sombre appareil de la morosité ; il faut pour leur amusement, des critiques ameres, des récits scandaleux, des calomnies.
Seulement, comme rien n’est moins tangible qu’une influence, comme rien ne peut faire plus aisément mirage à la pensée, il faut apporter dans l’étude qu’on s’en propose les qualités des esprits positifs poussées jusqu’à l’outrance. […] N’y avait-il donc pas à prendre la question dans un repli plus profond et à montrer que, malgré les différences d’idiome et les nuances de mœurs, ces toiles d’araignées dans lesquelles les petits observateurs sont arrêtés comme des insectes, il n’y a eu, à proprement parler, d’action d’une littérature sur une autre que parce qu’il y avait, au fond de toutes ces littératures, unité de génie et souche commune d’une même race d’esprits ?
Je n’ai point cherché ce rapprochement, je vous assure : il m’est venu de lui-même à l’esprit dès les premières pages. […] Il a trop d’esprit et trop d’ironie. […] Je vous devine : vous vous dites que ce n’est pourtant pas là un miracle de l’esprit humain. […] Au fond, l’esprit de révolte est absent de ce peuple. […] Le soupçon, jeté dans son esprit, grandit en lui, le dévore, lui désagrège le cerveau.
Je n’exagère rien : des voix éloquentes dans les chaires ont proclamé depuis longtemps la nécessité, l’à-propos de cette connaissance heureuse, et cherchent à en propager l’esprit ; mais en France rien n’est fait tant que le grand public n’est pas saisi des questions et mis à portée des résultats, tant qu’il n’y a pas un pont jeté entre la science de quelques-uns et l’instruction de tous116. […] Si, par quelques traits profonds, naturels, par quelques élancements de passion, ces deux grandes poésies se peuvent rapprocher comme dans un éclair, elles sont séparées par toutes les différences de race, de civilisation, par un abîme : elles n’ont pu être violemment rapprochées et confondues que par des esprits inexpérimentés et sans goût, qui n’avaient pénétré le génie de l’une ni de l’autre. […] Quant au Fontenelle, c’est-à-dire à ce tour d’esprit volontiers moqueur d’un certain goût simple, il était aisément partout dans les salons, dès qu’il s’agissait de poésie, et on en découvrirait plus d’une dose jusque dans Voltaire. […] Mais non : ces phases analogues et ces récidives du goût tiennent à des lois générales de l’esprit humain ; on réinvente, à de certains âges et en de certains lieux éloignés, les mêmes défauts, comme quelquefois aussi on rencontre, sans s’être connus et à l’aide de la seule nature, les mêmes beautés. Ce qui est sûr, c’est qu’après avoir lu Méléagre, on comprend mieux Ovide, et tant de jeux d’esprit, dès longtemps en circulation chez les Grecs, où le charmant élégiaque latin n’a pas toujours mêlé la même flamme.
J’imagine ce bout de dialogue auquel il ne manque que l’esprit et le tour de main de Voltaire : « … Ce mandarin parle si bien, reprit Kou-Tu-Fong, qu’il fait courir à ses leçons toutes les dames de Pékin Ce qu’il dit est donc bien neuf ? […] Faut-il croire que les esprits de trempe héroïque sont plus nombreux que les autres ? […] Or, Corneille n’est-il pas, par bien des côtés, dans notre littérature, un esprit excentrique, d’une complexion singulière, obscure pour nous comme elle semble l’avoir été pour lui-même ? […] Et, si l’on aime tant son théâtre, je comprends peu qu’on étudie sa vie et son caractère dans un esprit de malveillance et de chicane. […] Toute cette mythologie fait un singulier mélange avec le raffinement d’esprit et de conscience de la plus troublante des femmes de Racine.
Il y a bien de l’esprit sous ce talent. […] Ces tableaux coupés, sans transition, sans liaison, ne laissent-ils pas quelque obscurité dans l’esprit ? […] E. de Montlaur, esprit élégant, cultivé, nourri du suc des poëtes, et qui, sous ce titre : la Vie et le Rêve 49, a recueilli des impressions légères ou touchantes, des esquisses de voyage, des lettres en vers, tout un album, image des goûts et des sentiments les plus délicats ? Et hier encore, une femme qui s’est révélée à elle-même et aux autres en ces tout derniers temps, Mme Ackermann, la docte solitaire de Nice, me donnait une fête de l’esprit en me récitant sa poésie philosophique, le Nuage, admirable d’expression et de couleur comme de vérité.
Cette forme d’expression pour l’imagination et pour le sentiment, lorsqu’on la possède à un haut degré, est tellement supérieure, d’une supériorité absolue, à l’autre forme, à la prose ; elle est si capable d’immortaliser avec simplicité ce qu’elle enferme, de fixer en quelque sorte l’élancement de l’âme dans une attitude éternelle, qu’à chaque retour d’un grand et vrai talent poétique vers cet idiome natal il y a lieu à une attente empressée de toutes les âmes musicales et harmonieuses, à un joyeux éveil de la critique qui sent l’art, et peut-être, disons-le aussi, au petit dépit mal caché des gens d’esprit qui ne sont que cela. […] Qu’à son heure, à son jour, l’Esprit saint les réclame, Les touche l’une et l’autre, et leur dise : Chantez ! […] Les Anciens dans leurs comparaisons excellaient à cette généreuse liberté des détails ; et si les modernes, par suite de l’esprit croissant d’analyse, ont dû se ranger à plus de précision, il ne faudrait jamais que cela devînt d’une rigueur mécanique appliquée aux choses de la pensée. […] En lisant cela, l’esprit n’a pas eu le temps de se détacher de ce mot si rude, cramponner, qu’il lui faut déjà passer à ce qu’il y a de plus fluide et mobile, à la goutte d’eau qui tremble au bout de la branche.
Dans les œuvres, à qui une idée d’art ne donne pas naissance, et qui usent de la prose, les conséquences du fait capital que j’ai déjà signalé continuent de se développer : les gens se distinguent, les esprits se spécialisent, et le domaine de la littérature se précise en se restreignant. […] Une idée seulement de Ramus le rattache à notre sujet : sa Dialectique, opposée à la Logique d’Aristote, fonde le raisonnement oratoire, qui se forme moins par l’exacte application de règles rigoureuses, que par le commerce et l’imitation des chefs-d’œuvre antiques, par le contact en quelque sorte des réalités concrètes où s’est manifestée la faculté discursive de l’esprit humain. […] Latiniste et juriste très érudit et peu artiste, profondément bourgeois et Français, honnête, laborieux, de vie calme et de mœurs graves, d’esprit ardent et caustique tout à la fois, il est par son aimable solidité un des plus parfaits exemplaires de cette classe parlementaire qui a fait tant d’honneur à l’ancienne France. […] Dans ces causeries d’un érudit, impossible de ne pas entendre l’accent de son tempérament, et de détacher la vérité impersonnelle d’une forme originale de l’esprit qui la présente.
Il a fait place, dans son esprit, à un certain contraire. […] Berryer lui donnait en le félicitant : « Vous êtes un esprit non absolu ; mais résolu. » Généreux éloge que nous le supplions de justifier de plus en plus et toujours. […] Je demande pardon d’insister sur ces nuances, mais les anciens, nos maîtres en tout, et particulièrement en éloquence, y apportaient une minutieuse attention, et un grand orateur moderne a dit : « On a toujours la voix de son esprit. » Un esprit clair, net, ferme, généreux, un peu dédaigneux, marque tout cela dans sa voix.
Sans vouloir déclarer qu’elles furent vaines, nous devons cependant constater — toute déférence gardée vis-à-vis des esprits sérieux qui crurent devoir s’y attacher — que toutes ces discussions sans fin n’ont pas été sans contribuer pour une large part à déterminer et à propager cette indifférence que le public témoigne aujourd’hui à l’égard de la Poésie. — Eh ! […] Au bout d’un certain temps, les impressions produites, toujours répétées, se mécaniseront pour ainsi dire, dans l’esprit de l’auditeur. […] » répond Gavroche. — Et Gavroche a bien de l’esprit. […] Et pour aller jusqu’au bout de notre pensée, nous déclarerons encore que le langage des vers, s’il ne doit exprimer que des choses mille fois redites, ou même simplement connues de tous, nous apparaît comme une futilité, vouée aux railleries sous cape des gens d’esprit.
L’éducation de nos ancêtres ne précédait guère l’âge de quinze ans ; avant que de s’occuper de la culture de l’esprit ils songeaient à la force du corps. […] Il ne faut pas perdre du temps et des soins à cultiver l’esprit bouché d’un enfant à qui la nature n’a donné que des bras qu’on enlèverait à des travaux utiles. […] Il y a des élèves d’une conception précoce et facile, d’autres dont l’esprit est tardif et d’une marche lente ; il y en a d’appliqués et de dissipés, et qu’il faut par conséquent ou arrêter dans la même division ou transporter dans la division qui suit. […] Il y a bien de la différence entre une erreur d’ignorance ou d’inadvertance et une erreur faite d’industrie ; celle-ci tient en garde l’élève : s’il l’aperçoit, sa petite vanité est satisfaite, elle l’habitue à se méfier, elle le forme insensiblement à la recherche de la vérité, elle lui inspire l’esprit d’invention ; l’autre perd le temps et ne rend que du mépris.
Cette idée, qui est celle de tous ceux qui ont aspiré à la plus grande gloire qu’il y ait parmi les hommes, depuis Fernand Cortès jusqu’à Raousset, depuis Christophe Colomb jusqu’à Lapérouse, — car découvrir des mondes, c’est toujours les prendre à quelqu’un, — cette idée que Raousset manqua, mais qui lui eût donné taille d’histoire s’il l’avait réussie, ne lui vint point comme ces bouffées d’ambition qui passent dans la tête des aventuriers et y portent parfois l’éclair… Le comte Gaston est un singulier mélange de justesse d’esprit et d’audace, d’imagination et de bon sens, de positivisme et de grandiose. […] Ce plan hardi de s’emparer de la Sonora, d’insurger le pays outré, presque révolté, n’en pouvant plus, et d’y établir un gouvernement quelconque, n’apparut, ne se forma et ne se clarifia dans son esprit que quand il eut vu le pays dont il était question et dont il nous a laissé, dans des pages magnifiquement rapides et caractérisées, une vue qui simplifie et justifie tous les projets. […] c’est l’esprit ! […] La véritable supériorité de Raousset est dans son caractère, et c’est ce qu’il faut surtout glorifier, car, au xixe siècle, c’est la volonté qui défaille, et les caractères sont infiniment plus rares que l’esprit.
Ces groupes d’esprits forment des blocs indivisibles de génie. […] corps, esprit, tendresse ? […] Un infirme d’esprit comme lui saurait-il faire un prêtre, un instituteur, un sous-officier ? […] Son esprit, excité, devint plus leste et plus fort. […] L’esprit qui a fait la révolution de Février doit donc y être représenté de façon importante.
On sent qu’il cherche à présenter ces mouvements si profondément juifs de caractère et d’esprit sous une forme qui soit intelligible aux Grecs et aux Romains. […] L’esprit était tout ; la lettre n’était rien. […] On est parfois tenté de croire que des notes précieuses, venant de l’apôtre, ont été employées par ses disciples dans un sens fort différent de l’esprit évangélique primitif. […] Non ; mais on n’en aurait pas du moins la caricature : on aurait l’esprit général de l’œuvre, une des façons dont elle a pu exister. […] Eusèbe, en effet, loin d’exagérer l’autorité de Papias, est embarrassé de sa naïveté, de son millénarisme grossier, et se tire d’affaire en le traitant de petit esprit.
. — l’esprit humain peu inventif. — eve, par léon gozlan. — la fille d’alexandre soumet. — un poëme de six mille vers. […] Félix) qui ne fasse débuter ses autres enfants, encore mineurs, à l’Odéon, espérant retrouver les succès et les profits de l’aînée. — On dit que l’esprit humain est inventif ; ce qui me frappe plutôt, c’est combien il l’est peu, et combien on se traîne sur les mêmes traces et l’on épuise les mêmes moyens à satiété, jusqu’à ce que vienne quelqu’un qui redonne du coude, comme on dit, et qui vous retourne d’un autre côté.
C’est un spectacle assurément mémorable, au milieu de tant de scepticisme et de tant d’écarts dont on est entouré, que de voir comme l’élite de ces vierges et vertueux esprits ne diminue pas, comment elle se recrute et se perpétue, conservant, pour ainsi dire, dans toute sa pureté, le trésor moral. Quelles que soient les formes sous lesquelles doive se reconstituer (nous l’espérons) l’esprit religieux et chrétien dans la société, cette vertu avancée de quelques jeunes cœurs, cette foi et cette modestie, tenues en réserve, aideront puissamment au jour de l’effusion.
Cependant tout cela ne pénétrait qu’imparfaitement en France, et lui-même étant mort dans l’émigration, il n’eut jamais les honneurs de son esprit et de son talent. […] C’était à la fois de l’à-propos et du contretemps : — de l’à-propos, parce que Tacite reprenait tout son sens profond à la clarté des événements nouveaux ; — du contretemps, parce qu’on jouissait bien peu alors de cette liberté d’esprit qui seule eût permis d’être attentif à un tel essai littéraire et de rendre justice aux efforts méritoires du nouveau traducteur.
Jules Barbey d’Aurevilly Ces Poésies sont belles… à faire peur, comme disait Bossuet de l’esprit de Fénelon. […] Mais les poésies de Madame Ackermann sont le chaste désespoir de l’esprit seul !
Le Lecteur même un peu éclairé n’y peut méconnoître, en plusieurs endroits, la touche & les idées de l’Historien du Siecle de Louis XIV : c’est sa maniere d’écrire, sa tournure d’esprit, sa façon de penser ; ce qui a fait dire à quelques personnes, qu’il avoit eu grande part à cet Ouvrage. […] Rousseau, l’Abbé Desfontaines, M. de Maupertuis, &c. que nous avons traités d’une maniere plus conforme à la vérité, dans le Tableau philosophique de l’Esprit de M. de Voltaire.
& le bon sens ne pas être révolté par l’enthousiasme que l’esprit de parti y affiche dans toutes les occasions ? Ce Journal, destiné dans son origine à recueillir les prémices des Muses naissantes, à offrir aux yeux de la Nation les premiers germes des talens capables de flatter ses espérances, à former un mélange intéressant des traits de délicatesse, d’agrément, de force & de sensibilité qu’a produits l’imagination Françoise ; à rendre compte de ce que les Sciences & les Beaux-Arts enfantent tous les jours ; à encourager les Artistes par de justes éloges, ou à les éclairer par des critiques lumineuses : ce Journal borne à présent tout son mérite à des Logogryphes dignes du seizieme siecle, à des Contes d’une froideur qui glace l’esprit, ou d’une extravagance qui égare le sentiment & corrompt le goût ; à des analyses infidelles ou partiales, qui contredisent ouvertement les regles de la Littérature ou celles de la décence ; & à quelques nouvelles politiques rédigées avec une sécheresse qui ôte tout le piquant de la nouveauté.
Un Esprit aisé, profond, indépendant ; une imagination féconde, forte, hardie, & presque toujours agréable ; un langage familier, naïf, quelquefois énergique ; une érudition vaste, choisie, & le talent assez rare de s’en parer à propos, auront toujours des charmes propres à établir la réputation d’un Auteur, & le pouvoir de soutenir son Ouvrage contre l’inconstance des temps, malgré les défauts multipliés qu’on y remarque. […] Des traits d’Histoire semés adroitement, des réflexions judicieuses, des pensées agréables & souvent énergiques, l’art d’exprimer de grandes choses d’une maniere naïve, l’abondance des métaphores, la multitude & la variété des images, sont des titres suffisans pour contenter les Esprits superficiels, parce qu’ils se laissent facilement entraîner à ce qui leur plaît, & qu’ils sont incapables de rien approfondir.
La plupart, avec un esprit peu élevé, un cœur froid & stérile, une imagination pauvre & dénuée de vigueur, ont besoin d’entasser incident sur incident, d’avoir recours aux épisodes, de prodiguer les sentences, de multiplier les coups de Théatre, pour parvenir jusqu’au dernier acte ; encore finissent-ils le plus souvent par ennuyer le Spectateur, qui ne tolere le commencement, que dans l’espérance d’une fin plus heureuse, M. de Morand avoit assez de talent pour se dispenser de ces pitoyables ressources. […] Parmi ses Comédies, il y en a une, intitulée l’Esprit de Divorce, représentée pour la premiere fois en 1738.
D’où l’on voit que les objets que nous touchons, voyons ou percevons par un sens quelconque, ne sont que des simulacres ou fantômes exactement semblables à ceux qui naissent dans l’esprit d’un hypnotisé, d’un rêveur, d’un halluciné, d’un homme affligé de sensations subjectives. […] Ce sont là les caractères essentiels de la substance ; partant, rien d’étonnant si nous nommons ces possibilités des substances et si elles jouent le rôle prépondérant dans notre esprit. […] Et comme ceci arrive tour à tour pour chacune d’elles, le groupe dans son ensemble se présente à l’esprit comme permanent et fait contraste non seulement avec le caractère temporaire de ma présence corporelle en cet endroit, mais encore avec le caractère temporaire de chacune des sensations qui composent le groupe ; en d’autres termes, il se présente à l’esprit comme une sorte de substratum permanent sous une série d’expériences ou manifestations temporaires, ce qui est un autre caractère essentiel par lequel notre idée de la substance ou matière se distingue de notre idée de la sensation. […] Partant, nos idées de cause, de puissance, d’activité, ne s’attachent pas dans notre esprit à nos sensations considérées comme actuelles, sauf dans les quelques cas physiologiques où les sensations figurent par elles-mêmes comme antécédents dans quelque couple régulier. […] Bien mieux, comme le pensent Bain et Stuart Mill d’après Berkeley, ne sont-ils qu’un pur néant, érigé par une illusion de l’esprit humain en substances et en choses du dehors ?
. — Flexibilité et désintéressement de son esprit. — Son talent pour se métamorphoser, pour embellir, et pour épurer. […] Le propre de ce genre d’esprit est une surabondance et comme un regorgement de séve. […] Nous découvrons bien vite que son esprit et son âme ont toujours été en équilibre. […] Mais qu’ils sont fins, et que leur esprit est libre ! […] Cette grande ville est cosmopolite ; toutes les idées peuvent y naître ; nulle barrière n’y arrête les esprits ; le champ immense de la pensée s’ouvre devant eux sans route frayée ou prescrite.
Ces bruits n’ont pas le moindre fondement ; jamais ce travail ne fut plus cher à mon esprit, et, j’ajoute, plus nécessaire à mon existence. […] me dit-on aujourd’hui avec une apparence de raison qui trompe les esprits mal informés. […] Le souverain, le premier, subit le despotisme de la philosophie de Confucius, un des sages, des lettrés qui perpétuent son esprit. » Un écrit d’un des derniers empereurs de la Chine, au dix-septième siècle, commente ainsi la loi des jugements et des peines dans un style et dans un esprit que Fénelon, Montesquieu et Beccaria ne désavoueraient pas. […] « Qu’on ne croie pas cependant que je néglige l’importante affaire de la succession à l’empire ; je l’ai sans cesse présente à l’esprit. […] Les dessins d’animaux et de plantes y donnent aux yeux l’image que le texte donne à l’esprit.
Et seuls leur esprit est assez grossissant pour s’enneiger à la trame de verre circulaire où s’étiquette leur moi. […] S’il y a dans tout l’univers cinq cents personnes qui soient un peu Shakespeare et Léonard par rapport à l’infinie médiocrité, n’est-il pas juste d’accorder à ces cinq cents bons esprits ce qu’on prodigue aux auditeurs de M. […] La toile peinte réalise un aspect dédoublable pour très peu d’esprits, étant plus ardu d’extraire la qualité d’une qualité que la qualité d’une quantité. […] … quel triste imbécile » — qu’Ubu ne devait pas dire « des mots d’esprit » comme divers ubucules en réclamaient, mais des phrases stupides, avec toute l’autorité du Mufle. D’ailleurs, la foule, qui s’exclame avec un dédain simulé : « Dans tout cela, pas un mot d’esprit », comprend bien moins encore une phrase profonde.
Comme disait le bon Taine : « Je vois les bornes de mon esprit, et je ne vois pas les bornes de l’esprit humain » ; et je reconnais que c’est plus facile. […] L’esprit de Richelieu était en lui, bien plus encore que l’esprit d’Aristote, sans compter qu’il y joignait l’esprit de Scaliger, lequel s’appelait Jules-César. […] Il devrait savoir ce que c’est que la haine et l’esprit de vengeance chez les Orientaux. […] C’est qu’il n’aimait pas à produire, marque d’un assez bon esprit, à dix-huit ans. […] Il faisait des pièces qui étaient vaguement nées, ou dans un esprit sombre, ou dans un esprit amer, ou dans un esprit mélancolique, ou dans un esprit ironique, ou dans un cœur sentimental, ou dans une âme naïve, ou dans un tempérament joyeux, ou dans une complexion tournée au bouffe.
L’étude du passé, où de grands talents ont allumé des phares qui ont attiré toutes les sortes d’esprits, commence à devenir un entraînement de mode et un piège. […] Il réussit à tous les exercices qui faisaient partie de l’éducation d’un gentilhomme et d’un homme de guerre, et s’appliqua aussi aux choses de l’esprit, notamment à l’histoire, à la géographie, aux mathématiques, qu’il disait être la véritable science d’un prince. […] Ce coup d’œil d’un touriste de vingt ans à travers la France, l’Allemagne, l’Italie, la Hollande et la Grande-Bretagne, nous marque bien les qualités et les inclinations solides d’un esprit qui se prépare à un grand rôle. […] Il voit les avantages agréables dont il jouit présentement, « les privilèges de la noblesse en France, sa liberté, la familiarité dont le roi use envers elle, au lieu de la superstitieuse révérence que les Anglais rendent à leur roi », toutes choses qui étaient bien faites pour séduire un esprit même aussi solide que celui du jeune Rohan. […] Ce qu’on appelle discours politiques de M. de Rohan est un recueil soit de vrais discours tenus dans les assemblées des protestants, soit de mémoires à consulter et d’avis donnés confidemment dans telle ou telle conjoncture, soit d’apologies de sa propre conduite (et il en eut souvent besoin en un temps de partis), soit même de considérations pour lui seul ; car c’était le tour de son esprit d’aimer à raisonner sur les faits et à se rendre compte à lui-même.
Son esprit, à elle, a fait bien du chemin depuis hier et en un sens tout opposé. […] ce pauvre Charles qui l’aime, et que par moments elle voudrait tâcher d’aimer, n’a pas l’esprit de la comprendre, de la deviner ; s’il était ambitieux du moins, s’il se souciait d’être distingué dans son art, de s’élever par l’étude, par le travail, de rendre son nom honoré, considéré ; mais rien : il n’a ni ambition, ni curiosité, aucun des mobiles qui font qu’on sort de son cercle, qu’on marche en avant, et qu’une femme est fière devant tous du nom qu’elle porte. […] Rodolphe, un homme de trente-quatre ans, grossier mais frotté d’élégance, grand chasseur du sexe, et dont l’esprit est tourné de ce côté, s’est dit que Mme Bovary avait de bien beaux yeux et lui conviendrait fort. […] J’ai connu, au fond d’une province du centre de la France, une femme jeune encore, supérieure d’intelligence, ardente de cœur, ennuyée : mariée sans être mère, n’ayant pas un enfant à élever, à aimer54, que fit-elle pour occuper le trop-plein de son esprit et de son âme ? […] Car en bien des endroits, et sous des formes diverses, je crois reconnaître des signes littéraires nouveaux : science, esprit d’observation, maturité, force, un peu de dureté.
Du Bois ayant excité les plaintes de tous les Ordres de la province et n’ayant réussi qu’à cabrer les esprits, on le mit à Montauban, par manière de récompense, à la place de Foucault, et celui-ci alla en Béarn, dont il fut le deuxième intendant. […] Cousin, qui traite avec tant de dédain les Relations d’Elie Benoît pour des époques antérieures, et qui, du haut de son esprit, a déclaré cet utile et modeste historien « une très-médiocre intelligence », serait obligé ici de convenir qu’il doit y avoir quelque chose de très-vrai dans ce fonds d’horreurs où un intéressé seul pouvait nous faire pénétrer77 : c’est chose si désagréable en effet que d’avoir à s’appesantir sur des atrocités ; cela même semble contraire au bon ton et au respect qu’on a pour soi et pour ses lecteurs. […] Il était des amis de mon père et des miens, homme d’un esprit doux, aimable dans la société, orné de plusieurs connaissances et ayant du goût pour les lettres comme pour ceux qui les cultivent ; mais, soit par un dévouement trop ordinaire aux intendants pour les ordres de la Cour, soit parce qu’il croyait, comme bien d’autres, qu’il ne restait plus dans le parti protestant qu’une opiniâtreté qu’il fallait vaincre ou plutôt écraser par le poids de l’autorité, il eut le malheur de donner au reste du royaume un exemple qui n’y fut que trop suivi et dont le succès surpassa d’abord les espérances même de ceux qui le faisaient agir. […] Les abjurations ne se faisaient plus une à une ; des Corps et des Communautés entières se convertissaient par délibération et par des résultats de leurs assemblées, tant la crainte avait fait d’impression sur les esprits, ou plutôt, comme l’événement l’a bien fait voir, tant ils comptaient peu tenir ce qu’ils, promettaient avec tant de facilité ! […] Le Béarnais a l’esprit léger, et l’on peut dire qu’avec la même ; facilité, que la reine Jeanne les avait pervertis, ils sont revenus à la religion, de leurs pères. » Il y a des assemblées de gentilshommes, des villes entières qui demandent le temps de la réflexion, un répit d’une quinzaine, d’une huitaine de jours ; Foucault le leur refuse et les fait capituler à heure dite, montre en main : « La ville d’Orthez a été la dernière à se convertir.
Aucun grand homme, aucun grand esprit ou talent, si singulier ou original qu’il semble, n’est seul de son espèce. […] « Cher Deleyre, lui disait-il, sans être votre ami, j’ai de l’amitié pour vous. » Et moyennant cette distinction à demi bourrue, à demi obligeante, il lui donnait parfois de bons conseils ; un jour, par exemple, que Deleyre s’était refait journaliste et polémiste à l’étranger : « Cher Deleyre, lui écrivait Rousseau, défiez-vous de votre esprit satirique ; surtout apprenez à respecter la religion : l’humanité seule exige ce respect. […] Il a beau se contenter des dons du sort et de la médiocrité du sage, il y a des moments où il sent le besoin pourtant d’un peu plus de fortune pour la variété et pour le renouvellement de la vie ; il a conscience de ce qui lui manque, tant pour l’entière satisfaction du cœur et de l’esprit que pour les excitations légitimes du talent : « Il nous faudrait à tous deux (à Thomas et à lui), mais surtout à moi, dit-il, un peu plus de fortune : cela me mettrait à même de couper, par quelques parties agréables, la monotonie d’une existence qui n’a point assez de mouvement pour un homme né penseur, que la vue des mêmes visages et du même horizon ramène trop facilement sur son état et sur la misère des choses humaines. » Puis il se repent presque aussitôt d’avoir trop demandé, et faisant allusion à quelque image mélancolique que lui suggérait une lettre de Deleyre (malheureusement nous ne possédons aucune de celles qui sont adressées à Ducis) : « Hélas ! […] Tout ce que je vois, tout ce que je décompose avec mon esprit, n’est plus animé pour moi. […] L’absence des objets qu’il voit avec trop d’inquiétude, la nouveauté des lieux, l’air, les promenades champêtres, les conversations douces, tout cela contribue à éclaircir son front, à mettre dans son esprit une certaine modération, qui est peut-être toute notre sagesse humaine… C’est une chose étrange que nous nous forgions à grands frais une sagesse laborieuse qui nous accable, tandis que la véritable est à nos côtés et se rit de nous.
Mais, en écrivant à Marie-Antoinette, elle dissimule presque entièrement cette différence d’esprit et de vues, et elle la réduit à n’être, à un moment, qu’une altercation légère qui portait moins sur le fond de l’affaire que sur la forme ou les moyens, tandis que la dissidence était radicale et profonde. […] Elle détestait Frédéric de tout son cœur : ici la femme se confondait intimement avec la souveraine ; elle le considérait comme le mal en personne, un hérétique, un esprit diabolique et pervers. […] Frédéric se plut, en toute occasion, à faire honneur de cette paix de Teschen à l’esprit de modération et d’équité de l’impératrice. […] En 1777, ces temps héroïques étaient loin ; Marie-Thérèse, entière par l’esprit et par l’âme, n’était plus la même par l’ardeur et par le caractère. […] On voit dans une lettre à sa fille, que celle-ci lui ayant demandé la mesure d’un de ses petits doigts pour une bague, elle répond : « Je vous envoie la mesure désirée du troisième doigt, et du petit, par un officier qui les remettra à Mercy ; vous serez étonnée de la mesure de mon doigt, et elle est « bien juste. » Le corps n’est pas ainsi chargé sans que l’esprit se ressente quelque peu du poids.
Artifice admirable et spontané de notre nature : nous ne pouvons apercevoir ni maintenir isolées dans notre esprit les qualités générales, sortes de filons précieux qui constituent l’essence et font la classification des choses ; et cependant, pour sortir de la grosse expérience brute, pour saisir l’ordre et la structure intérieure du monde, il faut que nous les retirions de leur gangue et que nous les concevions à part. — Nous faisons un détour ; nous associons à chaque qualité abstraite et générale un petit événement particulier et complexe, un son, une figure facile à imaginer et à reproduire ; nous rendons l’association si exacte et si étroite que désormais la qualité ne puisse apparaître ou manquer dans les choses, sans que le nom apparaisse ou manque dans notre esprit, et réciproquement. […] En d’autres termes, il suffit de ressemblances fort légères entre divers objets pour susciter en nous un nom ou désignation particulière ; un enfant y réussit sans effort, et le génie des races bien douées, comme celui des grands esprits et notamment des inventeurs, consiste à remarquer des ressemblances plus délicates ou nouvelles, c’est-à-dire à sentir s’éveiller en eux, à l’aspect des choses, de petites tendances fines et, par suite, des noms distincts qui correspondent à des nuances imperceptibles pour les esprits vulgaires, à des caractères très menus enfouis sous l’amas des grosses circonstances frappantes, les seules qui soient capables, quand l’esprit est vulgaire, de laisser en lui leur empreinte et d’avoir en lui leur contrecoup. — Cette aptitude uns fois posée, le reste suit.
Et, depuis, on en a laissé passer bien d’autres Puis, comme le genre macabre paraît toujours aux esprits jeunes le comble de l’originalité, M. […] Leur sang bout dans mes veines, Leur sang qui m’a donné cet esprit mécréant, Cet amour du grand air et des courses lointaines, L’horreur de l’Idéal et la soif du Néant. […] Nous sommes tentés de croire qu’un si savant homme, si profondément imbu des meilleures traditions littéraires, n’est pas un Touranien bien authentique ; que la glorification, dans toute son œuvre, des gueux et des irréguliers en tout genre n’est peut-être bien qu’un jeu d’esprit. […] Sommes-nous si infectés d’esprit religieux ? […] Comment n’a-t-il pas senti ce qu’il y a dans ses négations de grossier, de rudimentaire, d’enfantin, d’attardé, de dépassé par l’esprit moderne ?
Et ces mots de Régnier : Cet idéalisme est la clef métaphysique de la plupart des esprits qui composèrent l’école symboliste. […] N’est-ce pas miracle que Mallarmé ait réussi à s’imposer à des esprits si divers, qu’il ait pu fournir de quoi séduire à la fois le réaliste Huysmans et le mystique Le Cardonnel, des partisans de l’art social comme Gustave Kahn et des dilettantes comme Henri de Régnier, des ironistes de la trempe de Laurent Tailhade et des moralistes de la nature d’un Remy de Gourmont ou d’un André Gide et qu’il ait pu retenir l’attention ensemble des outranciers du « symbolisme », et d’un esprit aussi lucide que Moréas ? […] Ce qu’il en dit montre que le principe de cette œuvre n’est nullement original et qu’elle ne doit se développer que comme très ingénieuse et intéressante compilation recréée par un esprit poétique, délicat et éminemment subtil, des conceptions idéales à priori. […] Poizat, esprit sage et prudent et que requièrent peu les aventures, écrit dans son Histoire du Symbolisme : « Nul poète ne mérite autant que Mallarmé ce titre de maître si facilement prodigué. » M.
Réaction naturelle des esprits, désir, chez ces esprits de trouver dans la fiction quelque chose qui les consolât des réalités, qui pût les « rafraîchir » ? […] Paradoxalement encore, il gardait au fond de l’âme l’esprit des Républicains de 1848. […] Il se passe alors dans notre esprit un phénomène assez curieux. […] André Berge dans L’Esprit de la littérature moderne. […] Mais il faut lire aussi L’Esprit de la littérature moderne, de M.
Or, dans tous ces cas, il y a une attitude d’esprit très différente de celle de la possession actuelle. […] Quand cette double opération s’est accomplie un grand nombre de fois, la série des images représentées à l’esprit se distingue nécessairement de la série des objets de perception et forme la perspective du passé. […] Si, par hypothèse, une idée est seule dans l’esprit, elle est nécessairement affirmée, objectivée. […] En effet, c’est un principe pour Kant qu’« une intuition ne peut avoir lieu qu’autant qu’un objet nous est donné », et cela n’est possible, ajoute-t-il, qu’autant que l’objet « affecte l’esprit d’une certaine manière ». […] Comment l’esprit aurait-il la vision, même pure, du passé et de l’avenir ?
— Je parvins à faire s’évanouir dans mon esprit toute l’espérance humaine. […] Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit… » Mais de tout cela l’horreur l’a frappé. […] L’attitude lyrique en présence de la réalité est une attitude d’emprunt, dont la fausse et facile élégance choque un esprit délicat, autant qu’elle doit sembler sotte à un esprit philosophique. […] S’il est idéaliste, d’une certaine manière, ce n’est pas pour transformer l’esprit en un absolu. […] Une nouvelle philosophie a conduit à ce principe qu’il n’y a rien de vil dans l’esprit humain.
Ce devait être une bête solidement bâtie, capable de dépenser tout son esprit en sentiment. […] À lui voir conduire ses affaires, expliquer les lois sur l’exportation, sur l’importation des grains, étudier leur esprit, saisir leurs défauts, un homme l’eût jugé capable d’être ministre d’État. […] Si les esprits les plus distingués sont accessibles à la vanité, comment ne pas absoudre l’enfant qui pleure de se voir méprisé, goguenardé ! […] Lors de ma première communion, je me jetai donc dans les mystérieuses profondeurs de la prière, séduit par les idées religieuses dont les féeries morales enchantent les jeunes esprits. […] Son corps avait la verdeur que nous admirons dans les feuilles nouvellement dépliées, son esprit avait la profonde concision du sauvage, elle était enfant par le sentiment, grave par la souffrance, châtelaine et bachelette.
Saisset a beau dire des injures (car il en a dit) aux sceptiques, aux matérialistes ; il a beau dire que ces systèmes n’ont de prise aujourd’hui que sur les âmes basses et les esprits obtus (page 472), il échappe très-difficilement lui-même et les siens à ce scepticisme qui ne diffère pas notablement du matérialisme quant au résultat moral ; de plus il viole les droits de la philosophie qu’il prétend défendre en s’exprimant de la sorte sur des doctrines peu hautes et peu consolantes à coup sûr, mais envers qui les philosophes proprement dits n’ont pas à se montrer si injurieux. […] Les esprits vraiment libres ne trouvent donc pas plus leur compte à l’éclectisme universitaire que les catholiques orthodoxes.
Eugène Ledrain Deux romans plus récents, Le Baiser de Maïna, rapporté de Bénarès, et Jeanne Avril, qui nous semble le chef-d’œuvre de M. de Bonnières, témoignent d’un peu d’apaisement dans cet esprit hautain et tourmenté. […] Il utilise les récits, les légendes dans un esprit très national de moraliste plutôt que de poète, mais avec un archaïsme un peu uni, une tenue classique trop sévère et, par cela même, trop éloignée des frustes abandons.
Albert-Aurier Remy de Gourmont, cet esprit si rare qui vient de publier, sans qu’on s’en doute, un roman (Sixtine) qui est quasiment un chef-d’œuvre. […] Remy de Gourmont a enclos dans ce livre (Proses moroses) la science cruelle de l’âme et de la chair des Delaclos et des Sade (puisque, par infortune, ce mauvais écrivain est resté le meilleur représentant de son tour d’esprit] ; mais la perversité des Proses moroses est plus nuancée et plus variée.
Remarquez même que l’esprit est moins choqué de la création des dryades, des naïades, des zéphyrs, des échos, que de celle des nymphes attachées à des objets muets et immobiles : c’est qu’il y a dans les arbres, dans l’eau et dans l’air un mouvement et un bruit qui rappellent l’idée de la vie, et qui peuvent par conséquent fournir une allégorie comme le mouvement de l’âme. […] Quant à ces dieux vagues que les anciens plaçaient dans les bois déserts et sur les sites agrestes, ils étaient d’un bel effet sans doute ; mais ils ne tenaient plus au système mythologique : l’esprit humain retombait ici dans la religion naturelle.
Auprès du philosophe il était besoin d’insister particulièrement sur l’esprit chrétien et sur l’influence de la pensée théologique ; auprès du millénaire, il fallait insister davantage sur la forme catholique et l’action sociale de la hiérarchie. […] La science y était peu cultivée, mais on ne la proscrivait pas ; il y était peu question de l’esprit, mais c’était silence plutôt que négation. […] Ce qui peut y être considéré comme le propre d’Eugène, c’est la forme qu’il leur a donnée et qui nous représente fidèlement la tournure particulière de son esprit ; quelque chose de complexe, d’un peu obscur à la surface, et qui rayonne par le fond ; une clarté profonde, sans beaucoup de transparence ; une pensée solidaire qui se manifeste sur plus d’un point à la fois, et se déroule avec une plénitude imposante dans sa qualité fondamentale ; un arbre d’une puissante végétation intérieure, qui n’a nul souci de l’écorce ; une allure simple, grave, un peu enveloppée, faisant beaucoup de chemin sans affecter beaucoup de mouvement ; souvent de ces mots brefs et compréhensifs, de ces formules d’apôtre qui gravent une pensée pour toute une religion.
Le poète nous a traduit l’hymne mystique de saint Jean de la Croix, et il en reproduit l’esprit en mainte page. […] Un critique, qui m’a tout l’air d’appartenir d’assez près à la littérature difficile, a cru trouver dernièrement une grande preuve de l’insuffisance de la poésie nouvelle dans la facilité avec laquelle le premier venu, homme d’esprit, pouvait se mettre au fait de toutes les ressources du genre. Un peu moins de prévention aurait permis au critique de se souvenir qu’autrefois les étrangers, gens d’esprit, savaient s’approprier l’ancien genre tout aussi aisément qu’ils peuvent faire aujourd’hui pour le nouveau.
Un jour heureux, un être distingué rattachent à ces illusions, et vingt fois on revient à cette espérance après l’avoir vingt fois perdue ; peut-être à l’instant où je parle, je crois, je veux encore être aimée, je laisse encore ma destinée dépendre toute entière des affections de mon cœur ; mais celui qui n’a pu vaincre sa sensibilité, n’est pas celui qu’il faut moins croire sur les raisons d’y résister ; une sorte de philosophie dans l’esprit, indépendante de la nature même du caractère, permet de se juger comme un étranger, sans que les lumières influent sur les résolutions, de se regarder souffrir, sans que sa douleur soit allégée par le don de l’observer en soi-même, et la justesse des méditations n’est point altérée par la faiblesse de cœur, qui ne permet pas de se dérober à la peine : d’ailleurs, les idées générales cesseraient d’avoir une application universelle, si l’on y mêlait l’impression détaillée des situations particulières. […] Deux hommes, distingués par leurs talents, et appelés à une carrière illustre, veulent se communiquer leurs desseins, ils souhaitent de s’éclairer ensemble ; s’ils trouvent du charme dans ces conversations où l’esprit goûte aussi les plaisirs de l’intimité, où la pensée se montre à l’instant même de sa naissance, quel abandon d’amour-propre il faut supposer pour croire qu’en se confiant, on ne se mesure jamais ! […] Jamais le commun des femmes ne pourra supporter de chercher à plaire à un homme, devant une autre femme ; il y a aussi une espèce de fortune commune à tout ce sexe en agréments, en esprit, en beauté, et chaque femme se persuade qu’elle hérite de la ruine de l’autre.
Le docteur Jaufre est un philosophe, un original, un esprit systématique. […] Pour le développement de l’esprit, un enseignement élémentaire suffirait… Quant à la morale féminine, Jaufre la trouvait résumée dans l’horreur du mensonge, le désir du mariage et le culte du foyer : ce qu’avaient eu sa mère et sa femme. […] Il est écrit à la fois dans la manière de l’Éducation sentimentale et dans l’esprit du plus « cordial » roman anglais.
Or, cette règle préside à la transformation des langues ; nos ancêtres, au moyen âge, adoucissent pigmentum en piment, axilla en aisselle, spiritum en esprit ; qu’est-ce autre chose qu’un procédé inconscient pour rendre la prononciation plus facile ? […] Question de race peut-être ; mais surtout parce que l’esprit mondain y fut une importation, une mode exotique venue d’outre-Manche, par conséquent une chose superficielle, un vernis peu solide, et aussi parce qu’une nation de marins, de commerçants, de voyageurs était par là même restée en contact perpétuel avec la nature. […] La supposition initiale se consolide à mesure qu’on avance ; on en cherche la confirmation dans les témoignages des contemporains ; dans les lois déjà connues qui président à la marche de l’esprit humain, et l’on finit par avoir, au lieu d’une opinion dont on doutait soi-même, une conviction raisonnée qui s’impose.
Mais, nous l’avons déjà dit, à l’hôtel de Rambouillet il y avait du mélange, non de mœurs, mais d’esprits ; et qu’elle est la société où il ne se rencontre pas des gens de mauvais ton et de mauvais goût, parmi les personnes qui en sont le plus exemptes ? […] Pour faire briller la finesse et la délicatesse de son esprit, on alambiqua toutes ses idées. […] Que si elles avaient le défaut de faire de l’amour un délire de l’imagination, elles eurent aussi le mérite d’élever les esprits et les âmes au-dessus de l’amour d’instinct, et de préparer cet amour du cœur, ce doux accord des sympathies morales si fécond en délices inconnues à l’incontinence grossière, cet amour qui donne tant d’heureuses années à la vie humaine, appelée seulement à d’heureux moments par l’amour d’instinct.
Combien ne fera-t-on pas mettre de sangsues quand on saura ce qu’a fait mon esprit ! […] Sa piété est douce, gaie, point fastueuse ; mais il veut une vie chrétienne et active ; c’est un homme admirable ; je vous l’enverrai, si vous souhaitez, à vous et à Guébriant, Il commence pars emparer des passions, il s’en rend maître, et il y substitue des mouvements contraires, il m’a ordonné de me rendre ennuyeuse en compagnie, pour modifier la passion qu’il a aperçue en moi, de plaire par mon esprit. […] Sur quoi le roi dit, en parlant de madame Scarron : Elle sait bien aimer ; il y aurait du plaisir à être aimé d’elle 92. » L’aversion des érudits pour les conjectures, et celle des esprits sages pour le romanesque, ne peuvent aller jusqu’à méconnaître que cette parole du roi fait époque dans l’histoire de ses relations avec madame de Maintenon.
Les années 1677 et 1678 ne présentent que la continuation, à la fin très monotone, des mêmes alternatives de refroidissement et d’ardeur entre le roi et madame de Montespan ; de galanteries entre le roi et quelques femmes de la cour ; et au milieu de ces aventures d’un genre fort commun, le progrès lent, très peu dramatique, très peu sensible de l’empire que madame de Maintenon prenait sur l’esprit du roi, par la sagesse, la convenance, le charme de sa conversation121. […] Elle répondit des douceurs, des louanges. » On a beaucoup vanté l’esprit de madame de Montespan. […] « Les avis d’une amie aimable, lui disait-elle, persuadent plus que ceux d’une sœur sévère. » Elle ajoutait : « Croyez-moi, ma belle demoiselle, car vous ne cesserez jamais de l’être, les intrigues de la cour sont bien moins agréables que le commerce de l’esprit.
Il faut, principalement durant la jeunesse, avoir eu des occasions fréquentes de voir dans une assiete d’esprit tranquille des tableaux. La liberté d’esprit n’est gueres moins necessaire pour sentir toute la beauté d’un ouvrage que pour le composer. […] Si les beaux tableaux sont presque tous renfermez à Paris dans des lieux où le public n’a pas un libre accès, nous avons des théatres ouverts à tout le monde où l’on peut dire, sans craindre le reproche de s’être laissé aveugler par le préjugé de nation presque aussi dangéreux que l’esprit de secte, qu’on représente les meilleures pieces de théatre qui aïent été faites depuis le renouvellement des lettres.
Il n’y a que deux tempéraments intellectuels, deux sortes d’esprits dans le monde. […] Beaucoup d’esprits, et de bons esprits, parmi nous, rêvent la décentralisation à cette heure, mais la décentralisation relative ; car toute autre irait plus loin que notre constitution historique ou nationale ne pourrait le comporter.
L’autre, le fils, est la Réflexion volontaire, le parti pris, la combinaison cherchée et recherchée et pas toujours trouvée, comme aujourd’hui ; l’esprit enfin qui ne s’éteindra jamais dans rien, car pour s’éteindre il faut flamber, et on ne se noie pas dans la sécheresse. […] D’un autre côté, la Critique pourrait admettre encore que si Alexandre Dumas fils n’avait pas cette puissance de détails qu’ont les grands inventeurs dans l’ordre du roman comme Balzac, il était bien capable — lui qui passe pour l’esprit le plus dramatique de notre temps quand il s’agit de mettre en œuvre une idée quelconque, lui qui fait de l’arrangement d’un drame une espèce de création, lui, enfin, l’orthopédiste dramatique qui redresse les enfants mal venus, mal bâtis, bossus ou bancroches, et qui dernièrement a failli faire de ce talent-là une industrie, — de tailler quelque chose de grand, de profond et de nouveau, dans l’idée commune de son roman que lui ont soufflée ses habitudes de théâtre, et de se rattraper de son impuissance radicale de romancier sur son habileté de grand poète dramatique, puisqu’on dit qu’il l’est ? […] Il y a dans ces deux esprits des sympathies d’idéologues, et ce n’est pas l’amour des choses dramatiques qui les avait fait travailler au même drame, c’était l’amour de l’idée que le drame exprimait, c’était l’éducation du public, c’était la commune ambition de moraliste et de législateur.
Pierre Dupont, nous déplorions le travail funeste que les philosophies modernes ou les idées politiques du jour pratiquaient jusque sur les airains les plus solides en fait de génie, et nous en montrions le ravage ; mais quelle ne doit pas être cette influence quand elle s’exerce sur des esprits plus délicats que forts, comme celui de M. […] Burns en germe reste sous l’écorce de Béranger, et encore d’un Béranger sans finesse, sans esprit dans le sens français du mot, d’un Béranger au gros sel, — pas plus gai que son maître, car Béranger n’est pas franchement gai, — mais qui croit l’être — (voir le buste), — parce qu’il crie plus fort ! […] Dupont n’est pas, ainsi que le grand paysan de l’Écosse, un génie vraiment autochtone et primesautier comme les productions d’un sol qui, pour les donner, n’a pas besoin de, culture, mais un esprit qui s’est longtemps cherché avant de s’atteindre, qui a scié longtemps le marbre de la langue et du rythme avant d’y découvrir sa veine, brillant enfin dans les chansons !
Eux seuls, ces esprits blasés et tombés dans l’enfance des vieilles civilisations, s’intéresseraient aux efforts et aux rétorsions de ce misérable Des Esseintes, corrompu par l’ennui, qui engendre toutes les autres corruptions, et qui s’imagine qu’on peut prendre à rebours la vie, — cette difficulté de la vie ! […] Rappelez-vous les livres de sa bibliothèque, dont les reliures doivent traduire l’esprit ! […] Assurément, je conçois très bien que les vulgarités de la vie répugnent à un esprit élevé et fier, mais, pour les fuir et pour les remplacer, il ne faut pas tomber dans l’infiniment petit des choses nabotes… Or, le Des Esseintes de M.
L’étendue des cieux, la profondeur des forêts, l’immensité des mers, la richesse et la variété des campagnes, cette multitude innombrable d’êtres en mouvement, destinés à servir d’ornement au globe qu’il habite, tout ce vaste assemblage dut porter à son esprit une impression de grandeur. […] Mais comment l’esprit humain osa-t-il concevoir le projet de louer Dieu ? […] Tu diriges l’esprit universel qui anime tout, et vit dans tous les êtres.
Cette institution était conforme à l’esprit républicain ; mais quand le gouvernement vint à changer, quand le monde entier fut dans la main d’un empereur, et que cet empereur qui n’était presque jamais appelé au trône par droit de succession, craignant à chaque instant ou des rivaux ou des rebelles, eut l’intérêt funeste de tout écraser ; quand on vint à redouter les talents, quand la renommée fut un crime, et qu’il fallut cacher sa gloire, comme dans d’autres temps on cachait sa honte, on sent bien qu’alors il ne s’agissait pas de louer les citoyens : les grandes familles aimaient mieux la sûreté et l’oubli, que l’éclat et le danger. […] Jusqu’à lui les Césars avaient composé eux-mêmes tous leurs discours ; pour lui il s’était persuadé qu’un prince a mieux à faire que d’être éloquent, et le maître de l’univers était plus jaloux du titre de joueur de flûte et de bon cocher, que de celui d’orateur ; ainsi, lorsqu’il avait à parler, il empruntait ordinairement la plume et l’esprit de Sénèque. […] Il est agréable, mais plein de contrastes et d’antithèses : il paraît d’un genre d’éloquence où il y a plus d’esprit que de goût.
Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent. […] On sent que c’est là en même temps, et un plaisir de l’esprit, parce qu’il s’exerce sans se fatiguer ; et un plaisir d’amour-propre, parce qu’on travaille avec l’orateur, et qu’on se rend compte de ses forces, en faisant avec lui une partie de son ouvrage. […] Un prince peut-être peut inspirer la haine sans la mériter et la sentir ; mais à coup sûr il ne peut être aimé, s’il n’aime lui-même42. » On voit dans tous ces morceaux quelle est l’âme et le tour d’esprit de l’orateur ; ce sont des pensées toujours vraies, et quelquefois fortes, aiguisées en épigrammes, et relevées toujours par un contraste ou de mots, ou d’idées.
L’instinct mécanistique de l’esprit est plus fort que le raisonnement, plus fort que l’observation immédiate. […] C’est pourquoi nous n’avons qu’à suivre la pente de notre esprit pour devenir mathématiciens. […] En réalité, ces deux sens du mot « corrélation » interfèrent souvent ensemble dans l’esprit du biologiste, tout comme ceux du terme « adaptation ». […] C’est ce contraste entre la complexité de l’organe et l’unité de la fonction qui déconcerte l’esprit. […] Ce sont des vues multiples de l’esprit sur un processus indivisible.
Deux ont brisé la chaîne qui fait garde-fou au pont et sont tombés ; sans la présence d’esprit, l’adresse et la vigueur extrême du postillon qui a su faire porter à temps le timon contre un pilier ou poteau, la voiture était immanquablement précipitée. […] Il en aura, disait une femme d’esprit, une attaque de knout.
On en a de lui une intitulée, Esprit des Philosophes & Ecrivains célebres de ce siecle, à la tête desquels il a mis M. d’Alembert. […] Si telle a été sa persuasion, il auroit dû au moins ne pas nous présenter un Esprit aussi volatil que celui de cet Extrait.
Ce n'est pas qu'il ne soit né avec du talent : il est peu d'exemples d'une versification aussi énergique & aussi vigoureuse que la sienne ; mais sa verve ayant presque toujours choisi le vice pour sujet, son esprit doit en tirer peu de vanité : au contraire, son nom est devenu un opprobre aux yeux de quiconque conserve encore de la pudeur. […] Nous l'avons dit ailleurs, & nous croyons devoir le répéter ici en faveur des Esprits foibles ou peu réfléchis : l'accusation de malignité ne peut tomber avec justice que sur le Censeur caustique qui s'exerce à mortifier l'amour-propre des Auteurs, sans se proposer d'autre but que celui de mortifier ; le nôtre a été constamment d'instruire & de corriger, s'il étoit possible.
Il se défie de ses forces, et il n’essaye pas de ramener, par une volonté violente, son esprit, emporté en d’autres régions. […] Il s’émeut, il s’amuse, et son esprit gagne en vivacité ce qu’il perd en logique et en précision. […] Les esprits les plus sévères ne peuvent nier la vie qui anime ces trois figures. […] L’esprit blessé n’a pas le temps d’analyser l’impression qu’il éprouve, et oublie son déplaisir avant d’en avoir pénétré la cause. […] Les esprits chagrins pourront reprocher aux paysans de M.
Il différencie radicalement les facultés de ce qu’il appelle l’intelligence d’avec les facultés de l’âme ; il fait de la première la science purement terrestre, le résultat élaboré des organes ; il fait de la seconde une émanation de Dieu et un pur esprit ; et c’est en s’attachant aux facultés de cette partie immatérielle qu’il pense arriver avec évidence aux vérités sublimes et naturelles qui doivent diriger toute une vie. […] Tels sont les doutes qu’a fait naître en notre esprit la lecture de l’estimable ouvrage de M.
Maurice Le Blond Pourquoi chérissons-nous cette Maison de l’enfance, et pourquoi des esprits aussi divers que M. […] Gregh appartient à cette famille d’esprits qu’épouvante la grande lumière de midi sur notre jardin des rythmes.
Doué d’un esprit souple, neuf, avisé, curieux, extraordinairement compréhensif, amoureux de nouveauté, aidé d’une très solide érudition, il est affligé d’une excessive modestie, d’une timidité violente, oppressive, qui est cause que ce subtil artiste est un des producteurs les moins actifs de cette heure. […] Ce sont ces vers qu’il nous offre, et je crois qu’ils n’y sont pas tous, et qu’un esprit critique trop scrupuleux, trop rigoureux envers soi-même, a restreint les pages du livre et que tout n’y est pas.
L’un s’adresse à l’esprit, & le domine : l’autre s’attache à l’ame, la captive, & l’attendrit. […] La rapidité de la composition & l’objet que se proposoit l’Auteur, sont peut-être suffisans pour le justifier sur ces petits défauts, dont d’ailleurs peu d’esprits sont susceptibles.
Il faut donc reconnaître que l’on touche ici, avec l’aspiration à la vérité, à une nouvelle croyance bovaryque d’une force extraordinaire et qui jouit dans l’esprit des hommes d’un caractère sacré. […] C’est elle, voyons-nous, qui, d’une façon suprême et par un sortilège métaphysique, dupe l’esprit des hommes.
Alors les eaux ont été dévoilées dans leurs sources ; les fondements de la terre ont paru à découvert, parce que vous les avez menacés, Seigneur, et qu’ils ont senti le souffle de votre colère. » « Avouons-le, dit La Harpe, dont nous empruntons la traduction, il y a aussi loin de ce sublime à tout autre sublime, que de l’esprit de Dieu à l’esprit de l’homme.
D’où il résulte que nos ouvrages n’ont plus d’ensemble, et que notre esprit, ainsi divisé par chapitres, offre les inconvénients de ces histoires où chaque sujet est traité à part. […] Nos derniers idéologues sont tombés dans une grande erreur, en séparant l’histoire de l’esprit humain de l’histoire des choses divines, en soutenant que la dernière ne mène à rien de positif, et qu’il n’y a que la première qui soit d’un usage immédiat.
Landry, ancien professeur de Louis-le-Grand, mathématicien et philosophe, était un esprit libre. […] Je ne suis pas de ceux qui méconnaissent en rien les hautes qualités d’esprit, l’élévation de talent et le quasi-génie de M. […] Si, né dans sa mort même, Ma mémoire n’eut pas son image suprême, Il m’a laissé du moins son âme et son esprit, Et son goût tout entier à chaque marge écrit. […] « Elle avait de la finesse d’esprit, du bon sens et beaucoup de tact », me disait, il y a quelques années, M. Paulin Limayrac, qui l’avait souvent visitée29. — Je me bornerai, ne l’ayant pas connue, au témoignage de ces qualités de son caractère et de son esprit.
" c’est un esprit qui vit au dedans, qui se répand dans toute la masse, qui la meut, et s’unit au grand tout. " et l’on n’en rabattra pas un mot. […] Monsieur Robert, soignez vos figures, faites-en moins, et faites-les mieux ; surtout étudiez l’esprit de ce genre de figures, car elles en ont un qui leur est propre : une figure de ruines n’est pas la figure d’un autre site. […] Plus on détaille, plus l’image qu’on présente à l’esprit des autres diffère de celle qui est sur la toile. […] Une habitude méchanique très-naturelle, surtout aux bons esprits, c’est de chercher à mettre de la clarté dans leurs idées, en sorte qu’ils exagèrent et que le point dans leur esprit est un peu plus gros que le point décrit, sans quoi ils ne l’appercevraient pas plus au dedans d’eux-mêmes qu’au dehors. […] C’est alors que les critiques, les petits esprits, les admirateurs du temps passé jettent les hauts cris et prétendent que tout est perdu.
Les superstitions prirent la teinture de l’esprit des peuples, c’est-à-dire des climats. […] Dans l’explication du mécanisme de l’esprit humain, gît l’esprit des lois. […] « Car ils ne prennent ces images que pour des hommes, et les autres les prennent pour des Dieux. » — L’opposition entre ces pensées d’André et celles que nous ont laissées Vauvenargues ou Pascal, s’offre naturellement à l’esprit ; lui-même il n’est pas sans y avoir songé, et sans s’être posé l’objection. […] tant de grands hommes ont cru tout cela… Avez-vous plus d’esprit, de sens, de savoir ? […] Ce qu’il en disait a laissé dans l’esprit de M.
Son père nous l’avait amené un jour à Paris : bien que nous fussions resté plusieurs années sans le revoir, sa figure nous était demeurée gravée dans la mémoire de l’œil, comme un de ces songes qui passent devant notre esprit dans la nuit, et qu’on ne peut chasser de ses yeux après de longs jours écoulés. […] Il écrit, le front haut, sur des feuilles sans nombre, Sans courber comme nous sa taille sous l’effort, Dans l’œuvre de l’esprit attitude du fort. […] l’esprit avec les pas s’élève. […] J’écrivais le Conseiller du peuple, journal à cinquante mille abonnés, dans lequel je m’efforçais de modérer les esprits impatients à qui l’élan exagéré allait faire traverser la liberté ; je le voyais, je le disais. […] Je ne m’attendais pas à un rafraîchissement d’esprit si charmant, mais j’en avais besoin : « Ce n’était pas la saison des roses », comme dit le poète persan Saadi.
quelle perte je vais faire en perdant ce bon guide de ma conscience, de mon cœur, de mon esprit, de tout moi-même que Dieu lui avait confié et que je lui laissais avec tant d’abandon ! […] Il y a des esprits malins répandus dans l’air. […] Je lisais hier au soir Bernardin, au premier volume des Études, qu’il commence par un fraisier, ce fraisier qu’il décrit avec tant de charme, tant d’esprit, tant de cœur, qui ferait, dit-il, écrire des volumes sans fin, dont l’étude suffirait pour remplir la vie du plus savant naturaliste par les rapports de cette plante avec tous les règnes de la nature. […] Pleurer une bête, c’est bête, mais le cœur n’a pas d’esprit ni trop d’amour-propre souvent. […] Aujourd’hui j’en ferais comme elle, je ne trouve pas cette prière si étrange : tant le cœur change l’esprit !
Je l’espère, et tandis que je nourris de cet espoir le misérable reste d’existence dont je désire vivement voir le terme, la chère mémoire d’André restera toujours gravée dans mon esprit et dans mon cœur. […] « J’ai été assez heureux pour fournir à Mgr Bernetti toutes les preuves du contraire, et il vous dira lui-même l’effet que mes paroles ont produit sur son esprit. […] On peut dire qu’il était resté jeune jusqu’à soixante-sept ans, âge où un chagrin de son cœur fut plus fort que la fermeté de son esprit, et où la mort de son ami le tua. […] Il y a et il y a eu en tout temps des esprits contentieux, ambitieux, impolitiques, mal nés, et qui ne connaissent les doctrines auxquelles ils se prétendent attachés, que par la haine que les partis contraires leur inspirent. […] Elle menait à Londres, à Paris, et surtout dans son palais de Rome et à Naples, la vie somptueuse d’une femme célèbre par sa beauté, par son esprit et par ses richesses ; elle s’était faite cosmopolite, mais surtout Italienne par passion pour le soleil et pour les arts.
Elle en a le ton, les manières, l’esprit, quand il faut que ses personnages les aient. […] Il avait publié, sous le pseudonyme de Stendhal, des romans, des nouvelles, des récits de voyage, des impressions d’art : il passait pour un esprit paradoxal, ironique, froid, qui aimait à mystifier et scandaliser les gens. […] On inculque ce beau principe aux individus dès le bas âge ; ils apprennent que le talent mène à tout : ils ont le talent ; ils apprennent que la supériorité sociale suit la supériorité intellectuelle : ils sont des esprits supérieurs. […] Ils aimaient tous les deux à bousculer la morale bourgeoise ; ils étaient tous les deux flegmatiques, observateurs, ils se moquaient des beaux enthousiasmes romantiques ; ils avaient tous les deux l’esprit de la psychologie. […] Et il ne se rattache guère qu’au xviiie siècle sceptique et sec ; Mérimée est un homme du monde, de tenue parfaite, d’esprit aigu et mordant, sans illusion, sans élan, volontiers cynique, avec la plus exquise correction de langage.
Aussi, le seul sentiment nouveau qu’il ait apporté dans la littérature, c’est, avec la curiosité, le doute de l’esprit se tournant en souffrance pour le cœur. […] Toute la poésie contemporaine est faite, semble-t-il, d’inquiétude morale et d’esprit critique mêlé de sensualité. […] Il lui sembla que l’homme, presque toujours, avait aggravé l’horreur de son destin par les explications qu’il en avait données, par les religions qui avaient hanté son esprit malade, prêtant à ses dieux les passions dont il était agité. […] Fais ton chemin Terrible Sombre esprit, le mai est dans le monde ; Oh ! […] Elle exclut également et le rythme parfois saccadé de Hugo et le rythme souvent lâché de Banville, qui risquent d’inquiéter l’oreille et par là de troubler la quiétude de l’esprit.
Mais, depuis qu’elle est veuve de son mari, le vieil esprit français, elle est restée longtemps inactive, incapable de trouver elle-même une occasion de s’exercer. […] On ne s’expliquerait pas qu’il y eût un rapport naturel et primitif entre un son et un état émotionnel de l’esprit. […] Il en est résulté dans les esprits russes, tous imprégnés depuis des siècles par ces mélodies, une association rigoureuse entre les émotions et les signes qui les expriment. […] Enfin, le livre est conçu dans un esprit d’impartialité : les auteurs, qui sont de dévoués admirateurs de l’œuvre Wagnérienne, n’ont pourtant pas fait une apologie ; et leur ouvrage, qui contient des critiques, est finalement, très favorable. […] « Accueillis avec cet esprit libre et tranquille, les opéras de Bellini ont été applaudis en Italie, en France, en Allemagne ; pourquoi ne le seraient-ils pas aussi en Livenie ?
Jusqu’aux cultes de désistement quand dévie et meurt l’inspiration, qui ne divinisent pas seulement à la seule taille humaine mais avouent et adorent pour éternellement Inconnus, au lieu d’en tenter la possession, les Principes et les Modes… Durant quels temps poétiques, vraiment, allèrent leur devoir qui nous a engendrés, les esprits pourtant providentiels des Poètes. […] de qui le poing ramasse nos siècles… Après lui, qui, entre les quatre vents de l’esprit, suprêmement réalise les généralités de l’âme humaine et naturelle, et de qui l’amplitude occidentale nous couve : ne devait-on point se sentir averti. […] Non point, en leur ignorant orgueil d’hommes de l’Occident, vers les très vieilles et tout poétiques Sagesses millénaires nées de l’entre-pénétration des esprits vierges et des torrides et humides Forces, — non point vers le ressouvenir qu’en eurent les philosophes Ioniens. […] Nous hâtant de protester que pareil rêve normalement surgi, d’un esprit qui trouverait sous les Apparences et dans leur relativité le Vrai et l’Immuant, n’est qu’un songe : l’évolution de la Matière, nous le vîmes, ne pouvant avoir sa Fin, — qui serait son principe su ! […] Mon esprit est en exaltation et en humilité, lorsqu’en la nuit concordante et lumineuse, d’éternité et pour éternité et dans l’illimité !
» * * * — Le rire est le son de l’esprit : de certains rires sonnent bête comme une pièce sonne faux. […] — Mais, Madame, qui m’a desservi ainsi ; je n’ai que l’esprit de vieux, le reste… Où vous revoir, dites ? […] Notre corps et notre esprit ont des lendemains d’un gris que je ne puis dire, et où la vie me semble plate comme un vin éventé. […] Un esprit distingué, attaqué d’une paisible nostalgie de l’idéal en politique, en littérature, en art, mais ne se lamentant qu’à demi-voix, et ne s’en prenant qu’à lui-même de sa vision de l’imperfection des choses d’ici-bas. […] Tout pardonnant aux autres qu’il est, on sent que son esprit a de bons yeux, et qu’il perçoit parfaitement les niaiseries, les lâchetés, les butorderies qui lui sont données à voir.
Bientôt j’ai prévu qu’envahis par une horde de barbares (passez-moi le mot) ils ne laisseraient plus approcher de leur théâtre le bon goût, l’esprit et la raison. […] Sans doute vous m’avez fait du mal, comme vous en avez fait à tous mes confrères en vous emparant d’un théâtre sur lequel vos succès ne vous donnaient aucun droit ; mais enfin vous avez agi dans votre intérêt, et en prouvant aux comédiens que mes ouvrages et ceux de mes confrères n’avaient pas le sens commun parce qu’ils n’étaient pas composés selon votre système, vous n’avez fait encore qu’user du droit que donnent l’esprit et l’éloquence sophistique et paradoxale sur des esprits faibles qui ont cru trouver, au bout de la route que vous leur avez indiquée, les mines du Potose ouvertes à leur avidité. […] Seulement, par égard pour soi-même, il faut en changer le moins souvent que l’on peut ; car enfin je crains qu’en vous rendant aujourd’hui le coryphée d’une ardente opposition, vous ne fassiez dire de vous ce qu’un homme d’esprit disait de La Harpe lors de sa conversion. […] Moi, je crois au contraire que loin de nous avoir fait un public, vous avez complètement défait le nôtre ; public bien respectable dont j’ai longtemps brigué les honorables suffrages ; public qui se composait alors d’une grande partie de la jeunesse instruite, de l’élite de la société, d’un grand nombre d’anciens magistrats, d’artistes, de savants qui le soir régulièrement venaient se délasser de leurs graves travaux et chercher de douces émotions ou égayer leur esprit à nos jeux scéniques. […] Si les jeunes pages et les officiers de la maison du roi avaient pris, dans l’habitude de fréquenter le théâtre, des formes aimables et un genre d’esprit qui avait la couleur de la littérature de ce temps, nos jeunes gens, déjà éclairés sur leurs droits par une première éducation, achèveraient, par des représentations de pièces fortes, morales et constitutionnelles, d’acquérir les nobles qualités qui font l’honnête homme, et le grand citoyen.
Zola) est la dernière expression, osée par un esprit que je crois systématiquement audacieux et coupeur de queues de chien, du Matérialisme et de la Démocratie, sa fillette, dans la littérature, l’art et la langue. […] Elles n’étaient que de la fantaisie, — grossière, il est vrai, — la fantaisie d’un esprit sans goût, mais non pas sans calcul, qui bravait le dégoût et le rire et qui les inspirait tous les deux. […] Pour un prêtre, dans l’esprit de M. […] L’esprit de l’homme a parfois de ces renversements… Mais, pour nous, sans illusion et qui nous maintenons littéraire, il n’y a, dans le roman réaliste de M. […] Zola, qui est un écrivain, non pas sans esprit, mais sans spiritualité, comme l’époque à laquelle appartient sa jeunesse, ne fait point de littérature spirituelle et morale, et Racine, qui était de cette ancienne littérature, ne comprendrait rien probablement, s’il le lisait, à L’Assommoir.
Il voyait avec les mêmes yeux les douleurs dont le roi se plaignait, et en rabattait dans son esprit les trois quarts, toujours par le même calcul. […] Il ne s’était jamais adressé qu’au roi pour tout ce qu’il avait obtenu de lui, et avait pris sur son esprit un ascendant qui le faisait réussir dans tout ce qu’il lui demandait, et qui même l’en faisait craindre. […] C’est une espèce de fou qui ne manque pas d’esprit, à qui les caresses de Mme Dubarry et la confiance du roi dans cet horrible rapport avaient tourné la tête, qui se croyait un personnage, un homme à crédit, que cette idée disposait à tout faire pour l’avantage de cet indigne fripon, mais qui au moins était capable de mettre plus de force et plus d’intrépidité dans ses infamies ; homme d’ailleurs d’une crapule indécente, d’une déraison choquante et d’une insolence brutale. […] Mais la meilleure raison encore du peu d’effet que faisait sur l’esprit de la Cour et de Paris la conduite véritablement respectable de Mesdames, c’était l’objet de leur sacrifice. […] Il l’amusait par ses contes et par sa gaieté, et avait alors plus de crédit que personne sur son esprit.
L’esprit, l’imagination, le génie même (si le génie n’est pas de l’âme) n’y peuvent rien ; l’âme seule fait vivre, parce que seule elle fait sentir. […] Saül l’y poursuit ; mais, au lieu de frapper, Saül se couche à terre, vaincu par on ne sait quel esprit de terreur du sacerdoce, et il prophétise, c’est-à-dire il tombe en extase devant le prophète. […] S’il y a écho dans nos oreilles, il y en a un également dans nos pensées ; l’esprit de l’homme aime à se répéter deux fois ce qu’il pense et ce qu’il sent, comme pour s’affirmer davantage à lui-même ce qu’il a pensé ou ce qu’il a senti, et comme pour jouir ainsi deux fois de sa propre faculté de penser et de sentir. […] Pourquoi n’écoutons-nous Anacréon ou Horace que dans nos loisirs voluptueux d’esprit ? […] « Ô Phinthès, poursuit le poète, attelle au timon mes mules infatigables, afin que, monté sur mon char, je m’élance d’un vol rapide dans des sentiers non encore frayés, et que je remonte à la tige illustre de tant de héros couronnés aux jeux Olympiques. » Puis, sans transition, et comme emporté déjà par les mules poétiques aux bords de l’Alphée, il assiste en esprit à la naissance miraculeuse d’Évadné.
Il a raison ; l’âme de Saint-Just, toute violente et concentrée qu’elle pouvait être, n’était point sevrée lorsqu’il fit en 1789 ce misérable poème d’Organt, lorsqu’il publia en 1791 son incohérente brochure intitulée : Esprit de la Révolution. […] C’est dans ce but qu’il publia en 1791 la brochure intitulée : Esprit de la Révolution et de la Constitution de France, que les collecteurs de ses Œuvres n’ont point jugé à propos d’y recueillir, comme n’étant point assez jacobine. […] L’esprit de l’homme est si faible, si imitateur, si enclin aux contagions, que l’exemple de Saint-Just, le croirait-on ? […] quel est l’esprit de l’armée en face de l’ennemi ? […] Et c’est à la faveur de cette tradition domestique que s’accréditait doucement et se dessinait peu à peu dans les jeunes esprits candides la réputation immaculée du vertueux Saint-Just, du vertueux Robespierre.
C’est bien lui, un esprit qui ne prend plus aucune jouissance par la guenille matérielle, et qui n’a, en ce moment, de plaisir, de récréation à son terrible labeur, que lorsqu’il a la conversation d’un de ces gens qu’il appelle les riches, les êtres pleins de faits, comme Guys, Aussandon, etc., ces originaux complexes qui sont un résumé et un assemblage d’un tas de choses, ces hommes au langage concret, dont la vie, selon la phrase du dessinateur, « se passe à être un objet d’étude et de jouissance pour l’intelligence de ceux qui boivent avec eux, et cela sans qu’il reste rien de cela dans une œuvre écrite ou peinte ». […] Au fond de ce monologue à bâtons rompus, je sens la préoccupation et la terreur du au-delà de la mort, que donne aux esprits les plus émancipés l’éducation religieuse. […] Un portrait où éclate l’esprit de la physionomie, ce caractère tout moderne et qui se lit assez peu dans les portraits du temps de Louis XIV, et même dans la plupart des portraits, au type bovin de la Régence, peints par Nattier. […] Ce sont les aperçus religieux de Swedenborg, mais ça n’a pas de base… Malaise des esprits, trouble des âmes, religiosité remuant dans l’ombre, agitations sourdes de la veillée d’armes d’une suprême bataille livrée par le catholicisme, toute une mine de mysticisme couvant sous le scepticisme du xixe siècle, il y a de cela dans les paroles de mon dentiste, sous le coup de la question italienne, des lettres pastorales des évêques, de la levée de boucliers de l’Église en faveur du pouvoir temporel ; et il y a dans ces paroles comme l’annonce d’une sorte de fièvre et de délire des consciences ; et j’y vois, germant déjà dans le petit bourgeois éclairé, l’anarchie des croyances et le gâchis social que cela prépare dans un avenir très prochain. […] * * * — Rien de plus charmant, de plus exquis que l’esprit français des étrangers, l’esprit de Galiani, du prince de Ligne, de Henri Heine.
Mais quelle différence de ce plaisir estropié, si je puis parler de la sorte, à celui que le même air ferait éprouver, s’il était chanté dans le goût et l’esprit qui lui conviennent, et surtout exécuté par le compositeur même, et devant des auditeurs bien au fait des finesses de l’art musical ? […] Je ne parle ici que de l’harmonie ; je ne parle point du goût qui différencie ces auteurs, et qui étant du ressort de l’esprit seul, peut être plus aisément apprécié que le sentiment qui résulte de la cadence de leurs vers. […] Si nous voulions l’être par rapport à l’harmonie des langues mortes, nous ferions souvent le même aveu que se faisaient réciproquement un Français et un Italien, tous deux hommes de goût, d’esprit, et surtout de bonne foi, qui discouraient ensemble sur l’harmonie réciproque de leurs langues1. […] Ce discours m’en rappelle un autre à peu près semblable, que j’ai souvent entendu tenir à un étranger, homme d’esprit, établi en France depuis assez longtemps ; il m’a plusieurs fois avoué qu’il ne sentait pas le mérite de La Fontaine. […] L’exactitude, disait un homme d’esprit, est la vertu d’un sot ; cet homme d’esprit avait tort en cela ; mais il est au moins certain que ce devrait être la vertu d’un critique qui reprend dans un ouvrage les points et les virgules, et qui assaisonne sa censure de beaucoup d’invectives.
Je m’imagine que ces doux propos ressemblaient par l’esprit à ce qu’avaient dû être les entretiens de Basile et de Grégoire au rivage d’Athènes, à ceux d’Augustin et de ses amis au rivage d’Ostie. […] Je l’ai reconnue aussitôt, c’était la voix de Louise, silver-sweet sounding (la douce voix d’argent). » De tels songes, qui rappellent ceux de Dante adolescent et de la Vita nuova, ne se passaient que dans la partie élevée de l’esprit, et il y avait moyen d’en guérir. […] On parle des lakistes et de leur poésie, et La Morvonnais, vers ce temps même, en était fort préoccupé, au point d’aller visiter Wordsworth à sa résidence de Rydal Mount, près des lacs du Westmoreland, et de rester en correspondance3 avec ce grand et pacifique esprit, avec ce patriarche de la muse intime. […] Mais quand il se risquait à dire ces choses à ses amis, gens d’esprit, gens du métier, de spirituel entrain et de verve, à d’Aurevilly, à Scudo, à Amédée Renée4 et quelques autres, il était impitoyablement raillé et tancé, et, ce qui vaut mieux, il était rassuré contre lui-même ; il leur empruntait, à son insu, de leur mouvement et de leur intrépidité5. […] Aucun de ceux qui connaissent ce drôle de corps, cet homme d’esprit infecté de mauvais goût, ne saurait prétendre que son influence puisse être bonne, à la longue, pour personne ; mais relativement, et pour un temps très court, Barbey dut être utile à Guérin.
Était-ce affaiblissement d’esprit ? […] Le reste des mets n’était que des accessoires. » Quel contraste de ce grand empereur intempérant, et d’ailleurs si sage, avec ceux qui, sobres en tout le reste, n’ont de passion et d’intempérance que celle de l’esprit, de l’intellect, et du cerveau ! […] Mais d’autre part, depuis qu’on a pu lire les lettres nombreuses écrites en ce même temps par les personnes de l’entourage de Charles-Quint, les consultations à lui adressées sur toutes les affaires politiques de l’Europe et les réponses, on a un double jour ouvert sur la pensée du grand solitaire ; il n’a plus été possible de dire avec Robertson : « Les pensées et les vues ambitieuses qui l’avaient si longtemps occupé et agité étaient entièrement effacées de son esprit ; loin de reprendre aucune part aux événements politiques de l’Europe, il n’avait pas même la curiosité de s’en informer. » Et sans faire de lui le moins du monde un ambitieux qui se repent, ni sans accuser les bons moines d’avoir falsifié la vérité parce qu’ils en ont ignoré la moitié, on est arrivé à voir le Charles-Quint réel, naturel, non légendaire, partagé entre les soins qu’il devait encore au monde et à sa famille, traité et considéré par elle comme une sorte d’empereur consultant, et en même temps catholique fervent, Espagnol dévot et sombre, tourné d’imagination et en esprit de pénitence aux visions de purgatoire ou d’enfer, et aux perspectives funèbres. […] Charles-Quint qui, vu du côté de la politique, nous paraît jusqu’à la fin si prudent, si ferme de conseil, si sain d’esprit, si occupé d’autres choses encore que d’horloges, si attentif aux affaires du dehors et voué aux intérêts de sa race et de sa maison, ce même homme, vu du, côté, des moines, paraissait à ceux-ci tout pénitent, tout mortifié, tout appliqué à la fin suprême, et il n’y avait pas hypocrisie à lui dans ce double rôle ; il unissait bien réellement dans son âme profonde et son imagination mélancolique ces deux manières d’être si contraires.
Puis je me suis mis à songer, non sans tristesse, à ce qu’il a fallu d’efforts, de bégayements, pour amener et rendre possible sur notre scène cette reproduction à peu près fidèle ; je repassais dans mon esprit et ces anciens combats et ces discussions si animées, si ferventes, dont rien ne peut rendre l’idée aujourd’hui ; ces-études graduelles qui faisaient l’éducation de la jeunesse lettrée, et par où l’on se flattait de marcher bientôt à une pleine et originale conquête ; je me redisais les noms de ces anciens critiques si méritants, si modestes et presque oubliés, de ces précepteurs du public qui, tandis que les brillants Villemain plaidaient de leur côté dans leur chaire, eux, expliquaient dans leurs articles et serraient de près leur auteur, le commentaient, pied à pied avec détail ; les Desclozeaux, les Magnin nous parlant dans le Globe, dès 1826 ou 1828, de ces pièces admirables dont bientôt nous pûmes juger nous-mêmes sous l’impression du jeu de Kean, de Macready, de miss Smithson, et nous en parlant si bien, dans une note si juste, si précise à la fois et si sentie. […] N’ayant pas reçu de bonne heure toute l’éducation qu’il aurait fallu, s’étant refusé par vertu, par scrupule, par esprit étroit de bourgeoisie, toute celle même qui était à sa portée, l’expérience de Versailles et de la Cour, celle des femmes et des grands seigneurs, et plus tard le spectacle de l’ambition la plus gigantesque dans le sein du plus grand héros moderne, il avait pourtant des débris, des fragments de poète pathétique et terrible. […] Il ne s’avisa de tragédie que vers l’âge de trente-six ans, et il marqua vite ; en quoi il l’emportait sur les La Harpe, les Chamfort, les gens d’esprit et de goût sans étincelle. […] Thomas, plus jeune de quelques années, est plus malade de corps que ce dernier, mais il a l’esprit tranquille, bien que souvent découragé ; lui, il ne se plaint pas : « Il semble que les âmes douces habitent dans des corps douloureux, où elles supportent leur détention sans murmure et sans emportement. » Ducis prévoit le malheur prochain de le perdre : « Nous ne vivons qu’une minute ; et, dans cette minute, que de secondes pour la douleur ! […] Deleyre vient y passer quelques jours en tiers avec Ducis et s’en trouve bien ; une lettre qu’il a écrite au retour respire un certain calme, une certaine paix de l’esprit qui prouve que le bonheur n’est pas chose tout à fait étrangère à sa nature ; Ducis lui répond : « Vous voilà bien, mon cher Deleyre, conservez-vous dans cet état.
Rousset, c’est qu’on y sent l’esprit mou, la volonté molle, à la mollesse même de la phrase ; le relâchement et l’indécision sont dans la parole comme dans la pensée ; le sens y flotte ; on y passe du pour au contre en un instant. […] Mais ces Matinées royales ou prétendus Conseils de Frédéric à son neveu et à son héritier sont des moins authentiques, et les hommes les plus versés dans la critique des Œuvres du grand Frédéric les considèrent comme un pamphlet, un pamphlet habilement rédigé, mais d’une fabrique ennemie, et d’un esprit tout à fait indigne du monarque auquel la malice les a attribuées. […] » Avant que la critique allemande ait protesté contre de pareilles plaisanteries mises sur le compte d’un des souverains qui ont eu le plus à cœur leur métier de roi, il y avait longtemps que la critique française, dans une vue de simple bon sens, avait dit : « Nous ignorons si Frédéric était capable de se servir des moyens indiqués ici ; mais nous croyons pouvoir affirmer que, s’il avait assez d’immoralité pour employer des médecins et des serruriers politiques, il avait en même temps trop d’adresse pour l’avouer à qui que ce soit, même à son successeur75. » Il y avait peut-être à introduire Frédéric dans cette Étude où Louis XV tient le premier rôle, mais c’aurait dû être alors pour opposer les deux esprits, la mollesse et la force, l’abandon et l’infatigable vigilance, le laisser aller de tout, après quelque velléité d’action passagère, et l’héroïque et constant labeur, tant civil que guerrier, qui occupa toutes les heures d’une longue vie. […] Une disposition d’esprit, pourtant, qui règne dans ces lettres de Louis XV et qui ne laisse pas de nous blesser un peu, c’est de voir que, dans son bon sens, il soit si vite résigné au mal, à la médiocrité des hommes et des temps ; il n’a ni le feu sacré ni le diable au corps ; il est totalement dénué du démon. […] Il a de l’élévation dans l’esprit et des sentiments dans le cœur… » Et l’on peut remarquer, à ce propos, que le maréchal de Noailles avait le talent de ne pas choisir trop mal ses amis : sous la Régence, il avait adopté le chancelier d’Aguesseau et se l’était étroitement attaché et acquis ; en 1743, il poussait le comte de Saxe.
IV Il faut qu’il soit honnête homme, c’est-à-dire probe d’esprit, sincère, véridique : car, s’il trompe, ou s’il dissimule, ou s’il invente, ou s’il ment, plus d’histoire ; il n’est plus que le faussaire des actes de Dieu. Il faut qu’il soit moraliste, sinon de cœur, au moins d’esprit : car, s’il caresse les perversités dont l’histoire est pleine, s’il donne toujours raison à la fortune, s’il exalte le vainqueur coupable et qu’il écrase le vaincu innocent, s’il foule aux pieds les victimes, s’il ajoute la sanction de sa propre immoralité et l’autorité de son amnistie à tous les scandales d’iniquité qui attristent les annales des peuples, l’historien n’est plus un juge ; c’est un complice abject ou intéressé de la fortune, qui montre sans cesse le droit violé par la force, et la vertu déjouée par le succès. […] « Jamais, en effet, calamités plus terribles et augures plus menaçants ne témoignèrent au peuple romain que les Dieux ne veillaient plus à sa sécurité, mais à leur vengeance. » XIII Après avoir frappé ainsi l’esprit de ses lecteurs de l’impression dont il est frappé lui-même, Tacite entre d’un pas rapide, mais sûr, dans son récit par le tableau du lendemain de la mort de Néron. […] Telles étaient à Rome, ajoute-t-il, les dispositions d’esprit de cette immense multitude. » Il fait ensuite le tableau des provinces, des légions, le portrait des principaux généraux qui les commandent. […] La restitution au trésor public des sommes perçues par les favoris de Néron aigrit les esprits dans le camp et dans la plèbe.
Hardy ne semble pas même les soupçonner, et il faut qu’elles aient préoccupé bien peu les esprits, puisque Corneille, à la date de 1629, où il écrivit Milite, n’en avait jamais entendu parler. […] Ces tentatives, auxquelles les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne étaient hostiles, moitié par esprit de tradition, moitié par intérêt, pour ne pas mettre au rebut tout leur magasin de décorations, furent favorisées par l’établissement d’une seconde troupe de comédiens, celle de Mondory, qui se fixa à Paris en 1629 ; pour se soutenir contre l’Hôtel de Bourgogne, Mondory fit accueil aux nouveautés. […] On peut dire que par les unités l’esprit classique s’est construit la forme littéraire la plus apte à l’exprimer ; et sans doute il n’était pas nécessaire que Corneille écrivit le Cid en 1636 : mais du moins, pour l’extraire du drame de Guillen de Castro, il lui fut utile de se sentir lié par ces lois nouvelles qui obligeaient de concevoir la tragédie autrement que comme un roman découpé en scènes. […] Ceux-ci se piquent de style et d’esprit ; ils portent au théâtre le goût des pointes, des inventions romanesques, des fanfaronnades épiques : c’est avec eux que, sans négliger les Italiens, notre théâtre se met à vivre aux frais du répertoire espagnol. […] Les Sentiments de l’Académie parurent en 1638 : c’est une œuvre de critique étroite, chicanière, sans vues générales ni élévation d’esprit.
Or, bien que nous soyons, nous et le monde, dans un flux perpétuel, et qu’il y ait d’ailleurs quelque plaisir à changer (d’abord on jouit ainsi des choses en un plus grand nombre de façons, et puis cette faculté de recevoir du même objet des impressions diverses peut aussi bien passer pour souplesse que pour légèreté d’esprit), toutefois, et je le dis à ma honte, je n’ai pas assez changé dans cet espace d’une année pour avoir rien d’essentiel à ajouter à ce que j’ai dit déjà. Mais du moins le nouveau livre du poète des Rougon-Macquart m’a donné la joie d’assister au développement prévu de ce génie robuste et triste, de retrouver sa vision particulière, ses habitudes d’esprit et de plume, ses manies et ses procédés, d’autant plus faciles à saisir cette fois que le sujet où ils s’appliquent appelait peut-être une autre manière et se présentait plutôt comme un sujet d’étude psychologique (je risque le mot, quoiqu’il soit de ceux que M. […] Or la psychologie est tout uniment, pour les philosophes, l’étude expérimentale des facultés de l’esprit, et, pour le romancier, la description des sentiments que doit éprouver une créature humaine, étant donnés son caractère, son tempérament s’il y a lieu, et une situation particulière. […] Dans ce dernier cas, je ne vois pas pourquoi il serait interdit de sous-entendre une partie des origines physiologiques de l’état d’âme et d’esprit qu’on veut analyser, et de faire de cette analyse son objet principal. […] Je sais que ce n’est rien, que cela ne tient que trois pages, et qu’on peut les retrancher du livre sans qu’il y paraisse ; mais, enfin, évoquer cette Macette dans un conte bleu et qu’on déclare avoir voulu faire tout bleu, n’est-ce pas une singulière aberration d’esprit ?
Ainsi font les éditeurs et collecteurs de Pensées, Pensées choisies, Esprit d’un auteur ou d’un ouvrage, qui vous massacrent bravement vingt, cinquante ou cent volumes pour en extraire un. […] L’étude solitaire et passionnée de la nature dans un philosophe moral devait en effet produire presque nécessairement une association d’idées qui menait tout droit au style symbolique : car quand ce philosophe veut exprimer une pensée morale, voilà qu’une image physique s’offre en même temps à son esprit, donne un corps à son idée abstraite, en devient la formule et l’emblème. […] Après cela, mille causes accessoires y ont concouru : on a pris goût au style poétique de la Bible, qui était pour Voltaire un sujet d’ineffables risées ; on a pris goût aux littératures étrangères ; on a étudié l’Orient ; on a eu besoin d’émotions nouvelles ; le sentiment de la liberté et de l’individualisme s’est montré partout, s’est appliqué à tout ; enfin on retrouve ici, comme dans mille autres questions, l’influence de tout ce qui compose ce qu’on appelle l’esprit du siècle. […] Le procédé de l’esprit humain est un ; et le poète, dans ses inventions, suit la même loi que Napier inventant les logarithmes ou Descartes l’analyse géométrique. […] En géométrie, comme en poésie, comme en tout, la comparaison est la grande route de l’esprit humain.
Augier ; il a dépensé beaucoup de talent dans sa pièce, et il en a tiré fort peu d’intérêt ; l’action est confuse, les situations s’embrouillent, les scènes traînent en longueur, l’esprit parfois brutal du langage ne recouvre pas l’indécision du plan et la faiblesse de l’intrigue. […] Il y a des bourreaux d’esprit, comme il y a des bourreaux d’argent. […] L’esprit proteste contre cette prostitution du père livrant sa conscience pour nourrir son fils ; le cœur s’attendrit et ne discute pas. […] C’est l’artillerie et non la pyrotechnie de l’esprit ; ce ne sont pas des fusées, ce sont des balles que lance le dialogue. […] La première loi pour les combats de l’esprit, comme pour ceux du corps, est l’égalité du terrain et des armes.
Les royalistes ont continué d’y voir de futures promesses d’avenir, de magnifiques restes d’espérance, je ne sais quelles fleurs de lis d’or, salies, il est vrai, par places, de beaucoup d’insultes et d’éclaboussures, et à travers lesquelles il se mêle, sous cette plume vengeresse, bien autant de frelons que d’abeilles ; mais l’esprit de parti est ainsi fait, qu’il ne voit dans les choses que ce qui le sert. […] Cette femme, qui n’était pas d’un esprit embarrassé, lui dit : « Ah çà ! […] On se demande quelle idée traverse l’esprit du narrateur, en ce moment où il devrait être tout entier à la chaste douleur du souvenir. […] s’écriait une femme d’esprit qui l’a bien connu ; c’est la plus aimable de la terre. » Pourtant il n’était pas de ceux qui portent dans l’amour et dans la passion la simplicité, la bonté et la franchise d’une saine et puissante nature. […] Ici, il avait affaire à une personne aussi élevée par l’esprit que noble et facile par le caractère, belle et jeune encore, et n’en abusant pas ; qui le comprenait par ses hauts côtés, qui lui ôtait tout sentiment de lien, tout soupçon de tracasserie ; il était gai avec elle, aimable, maussade aussi parfois souriant le plus souvent, et s’émancipant comme un écolier échappé aux regards du maître : « J’ai peur que les temps de courte liberté, dont je jouis si rarement dans ma vie, ne viennent à m’échapper de nouveau. » Il écrivait cela en août 1832, en courant les grandes routes de Paris à Lucerne.
À l’instant, me dit un des convives, l’esprit de la réunion changea et s’épura, les cœurs s’élevèrent ; il avait obtenu ce qu’il désirait. […] Homme d’occasion et de lutte sur un terrain déterminé, habile à profiter du moindre pli, et sachant en définitive autant que personne combien la fortune et l’humeur gouvernent le monde, il était disposé par sa nature d’esprit à considérer les conceptions générales comme des rêves. […] Mme Courier aurait bien désiré que le passage où se trouvait le mot d’équipée fût modifié et adouci, et elle visita Carrel : « Je vis là pour la première fois Mme Courier, me dit un témoin fidèle, et je n’oublierai jamais ni l’esprit avec lequel elle défendit sa thèse, ni la grâce parfaite de Carrel, maintenant son dire et son jugement. » Nous avançons lentement avec Carrel ; c’est que ce n’est pas un talent littéraire tout simple ni de première venue : c’est un esprit éminent, un caractère supérieur qui s’est tourné par la force des choses aux lettres, à la politique, qui s’y est appliqué avec énergie, avec adresse, et finalement avec triomphe, mais qui était plus fait primitivement, je le crois, pour devenir d’emblée un des généraux remarquables de la République et de l’Empire. […] [NdA] On me raconte un fait antérieur à celui de Saint-Cyr, et qui rentre tout à fait dans le même esprit.
Une esquisse, je ne dis pas faite avec esprit, ce qui serait mieux pourtant, mais un simple croquis, suffiroit pour nous indiquer la disposition générale, les lumières, les ombres, cette ligne de liaison qui serpente et enchaîne les différentes parties de la composition ; vous liriez ma description, et vous auriez ce croquis sous les yeux ; il m’épargneroit beaucoup de mots ; et vous entendriez davantage. […] Laisse là ce reproche que les sots, qui ne pensent point, font aux hommes profonds qui pensent… tenez, sans m’alambiquer tant l’esprit ; quand je veux faire une statue de belle femme ; j’en fais déshabiller un grand nombre ; toutes m’offrent de belles parties et des parties difformes ; je prends de chacune d’elles ce qu’elles ont de beau… et à quoi le reconnois-tu ? […] Avec le tems, par une marche lente et pusillanime, par un long et pénible tâtonnement, par une notion sourde, secrette, d’analogie, acquise par une infinité d’observations successives dont la mémoire s’éteint et dont l’effet reste, la réforme s’est étendue à de moindres parties, de celles-cy à de moindres encore, et de ces dernières aux plus petites, à l’ongle, à la paupière, aux cils, aux cheveux, effaçant sans relâche et avec une circonspection étonante les altérations et difformités de nature viciée, ou dans son origine, ou par les nécessités de sa condition, s’éloignant sans cesse du portrait, de la ligne fausse, pour s’élever au vrai modèle idéal de la beauté, à la ligne vraie ; ligne vraie, modèle idéal de beauté qui n’exista nulle part que dans la tête des Agasias, des Raphaëls, des poussins, des Pugets, des Pigals, des Falconnets ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont les artistes subalternes ne puisent que des notions incorrectes, plus ou moins approchées que dans l’antique ou dans leurs ouvrages ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie que ces grands maîtres ne peuvent inspirer à leurs élèves aussi rigoureusement qu’ils la conçoivent ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie au-dessus de laquelle ils peuvent s’élancer en se jouant, pour produire le chimérique, le sphinx, le centaure, l’hippogriphe, le faune, et toutes les natures mêlées ; au-dessous de laquelle ils peuvent descendre pour produire les différents portraits de la vie, la charge, le monstre, le grotesque, selon la dose de mensonge qu’exige leur composition et l’effet qu’ils ont à produire, en sorte que c’est presque une question vuide de sens que de chercher jusqu’où il faut se tenir approché ou éloigné du modèle idéal de la beauté, de la ligne vraie ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie non traditionelle qui s’évanouit presque avec l’homme de génie, qui forme pendant un tems l’esprit, le caractère, le goût des ouvrages d’un peuple, d’un siècle, d’une école ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont l’homme de génie aura la notion la plus correcte selon le climat, le gouvernement, les loix, les circonstances qui l’auront vu naître ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie qui se corrompt, qui se perd et qui ne se retrouveroit peut-être parfaitement chez un peuple que par le retour à l’état de Barbarie ; car c’est la seule condition où les hommes convaincus de leur ignorance puissent se résoudre à la lenteur du tâtonnement ; les autres restent médiocres précisément parce qu’ils naissent, pour ainsi dire, scavants. […] Et puis, mon ami, croyez-vous qu’il n’y ait aucune différence entre être de l’école primitive et du secret, partager l’esprit national, être animé de la chaleur, et pénétré des vues, des procédés, des moyens de ceux qui ont fait la chose, et voir simplement la chose faite ? […] Je vous déclare que ce n’est point à l’aide d’une infinité de petits portraits isolés, qu’on s’élève au modèle original et premier ni de la partie, ni de l’ensemble et du tout ; qu’ils ont suivi une autre voie, et que celle que je viens de prescrire est celle de l’esprit humain dans toutes ses recherches.
Mais ceux-ci eurent, cette fois, le bon esprit de s’abstenir et de le laisser rôtir tout seul dans le four brûlant qu’il leur avait préparé. […] Jean Moréas, d’origine hellénique, très imbu des littératures méridionales que caractérisent le tour naïf, l’esprit, la grâce, la simplicité, devait avoir en horreur les solennels raseurs du Nord avec leurs réflexions graves, leurs déclamations creuses, leur style épais comme une coulée de lave. […] Il croit, me dit-on, que la destruction des nationalités n’amènera pas immédiatement l’unité de la famille humaine ; d’après lui les hommes se grouperont d’abord par races et le Romanisme qui représente l’esprit des peuples latins serait une étape dans l’évolution sociale. […] Son scepticisme à cet égard est tel qu’il se faisait un jeu de laisser passer sous son nom dans La France littéraire des articles dont il ne connaissait ni les termes, ni l’esprit. […] Le Symbolisme est un anachronisme, quelque chose comme le bouddhisme que des esprits malins et aigris contre le siècle jettent à leurs contemporains en manière de raillerie et de dérision.
L’esprit de Paris, et les variations qu’il subit durant les quatre ou cinq années de la Ligue, offriraient matière à bien des réflexions et des rapprochements. […] Quoi qu’il en soit de cette explication, l’esprit de Paris s’était fort modifié depuis lors ; les Seize et les zélés purent jusqu’à la fin y faire leurs jeux, parades et démonstrations publiques, sous la protection des étrangers, « le reste de la ville était las d’eux et de la guerre ». […] Dès les premières séances, il fut dégoûté des brigues et des partialités dont l’assemblée, dit-il, était déjà remplie, « lesquelles étaient ordinairement accompagnées de reproches, aigreurs et violences insupportables à un esprit nourri au Conseil de nos rois, comme j’ai eu l’honneur d’être ». […] Sully lui attribue ainsi qu’à Villeroi une part directe dans le rétablissement des Jésuites en France (1604) ; il suppose que ces deux conseillers, Jeannin et Villeroi, malgré leur entière conversion monarchique, avaient encore dans l’esprit quelque reste du vieux levain, « quelque diminutif de semence espagnolique et ligueuse dans la fantaisie », et qu’ils étaient portés à favoriser ce qui tenait à leur ancien parti.
Ce « je ne sais quoi », ne serait-ce pas le goût, la crainte de paraître trop content de son esprit, le discernement rapide du point qu’il ne faut pas dépasser sous peine de devenir affecté et ridicule ? […] Voulez-vous savoir ce que devient, torturé par ce poète de trop d’esprit, une idée toute simple comme celle-ci : « Si j’avais appris à compter quand j’étais enfant, je serais plus riche que je ne suis ? […] La Mort, qui passe, fait de l’esprit et les met d’accord Mais voici le « comble ». […] Mais souvent aussi une allégorie qui pouvait être simplement belle tourne au jeu d’esprit, à la bluette difficile à force d’être soutenue et poursuivie avec exactitude et dans les moindres détails (et c’est là, on le sait, une des caractéristiques du « précieux »).
D’un autre côté, il a introduit dans la poésie un élément nouveau, que j’appellerai la consolation par les arts, par tous les objets pittoresques qui réjouissent les yeux et amusent l’esprit. […] Gautier devrait s’appeler plutôt Perles fondues, car, presque toutes ces perles de poésie, que l’esprit boit avec des voluptés de Cléopâtre, se fondent en larmes aux dernières strophes de chacune d’elles, et c’est là un charme, un charme meilleur que leur beauté ! […] Monte, esprit ! […] Victor Hugo a rayonné sur son esprit jusqu’au dernier jour, et son culte n’a jamais faibli.
Simple et immense, paisiblement irrésistible, il lui a été donné d’unir la profusion des peintures naturelles, l’esprit d’élévation des spiritualistes fervents et l’ensemble des vérités en dépôt au fond des moindres cœurs. […] Castagnary Cet homme qui, par deux fois, en 1820 avec les Méditations, en 1847 avec l’Histoire des Girondins, a renouvelé les consciences et jeté les esprits dans une direction nouvelle, me paraît grand entre tous. […] Toutefois ces appellations très exagérées n’en donnent pas moins la clef de l’homme et de sa nature : c’était un esprit mobile, imparfaitement instruit et présomptueux. […] Jamais rien de médiocre n’entra dans cet esprit ; jamais le moindre grain de rancune ou de haine, même en ce monde de haine et d’envie qu’on nomme la politique.
Souvent, enfin, le royaume de Dieu est le royaume des âmes, et la délivrance prochaine est la délivrance par l’esprit. […] Sa chimère n’a pas eu le sort de tant d’autres qui ont traversé l’esprit humain, parce qu’elle recelait un germe de vie qui, introduit, grâce à une enveloppe fabuleuse, dans le sein de l’humanité, y a porté des fruits éternels. […] Ce vrai royaume de Dieu, ce royaume de l’esprit, qui fait chacun roi et prêtre ; ce royaume qui, comme le grain de sénevé, est devenu un arbre qui ombrage le monde, et sous les rameaux duquel les oiseaux ont leur nid, Jésus l’a compris, l’a voulu, l’a fondé. […] Mais entachées d’un grossier matérialisme, aspirant à l’impossible, c’est-à-dire à fonder l’universel bonheur sur des mesures politiques et économiques, les tentatives « socialistes » de notre temps resteront infécondes, jusqu’à ce qu’elles prennent pour règle le véritable esprit de Jésus, je veux dire l’idéalisme absolu, ce principe que pour posséder la terre il faut y renoncer.
Les préjugés de race et de secte, les ennemis directs de l’esprit de l’évangile, y étaient trop enracinés. […] Ses raisonnements, il est vrai, étaient souvent subtils (la simplicité d’esprit et la subtilité se touchent ; quand le simple veut raisonner, il est toujours un peu sophiste) ; on peut trouver que quelquefois il recherche les malentendus et les prolonge à dessein 973 ; son argumentation, jugée d’après les règles de la logique aristotélicienne, est très faible. Mais quand le charme sans pareil de son esprit trouvait à, se montrer, c’étaient des triomphes. […] Mais l’esprit qui s’allie à la grandeur morale est celui que les sots pardonnent le moins.
Enfin, pour que tout soit net et clair, pour que les quatre ou cinq grands principes sociaux que la révolution française a coulés en bronze restent intacts sur leurs piédestaux de granit, pour qu’on ne puisse attaquer sournoisement le droit commun des Français avec ces quarante mille vieilles armes ébréchées que la rouille et la désuétude dévorent dans l’arsenal de nos lois, la charte, dans un dernier article, abolit expressément tout ce qui, dans les lois antérieures, serait contraire à son texte et à son esprit. […] Mille questions se pressent dans votre esprit. ─ Ou est la loi ? […] On veut retenir les esprits généreux qui ne se lassent pas et qui vont toujours. […] S’il croit qu’il y a maintenant indifférence dans les esprits pour les idées de liberté, il se trompe, il n’y a que lassitude.
Dans ses discours, avec tous les mots heureux qu’on lui a vus et les saillies qui lui échappaient, il n’avait pas la netteté, et, à un certain moment, il s’embarrassait dans les digressions, ce qui a fait dire à Fénelon « qu’il n’avait que des lueurs d’esprit ». […] Comme ce grand feu d’esprit n’est pas toujours, dans la jeunesse, accompagné de prudence, celui-ci était un grand poète et fort étourdi. […] [NdA] On lit dans une lettre de M. de La Rivière à l’abbé Papillon, du 5 avril 1736 : « Feu M. le maréchal de Villars, que j’avais fort connu avant sa grande fortune, qui m’avait conservé de l’amitié, et qui me faisait l’honneur de venir quelquefois me voir, avait toujours Horace dans sa poche et s’en servait agréablement : il avait beaucoup de goût et autant d’esprit que de valeur. » (Lettres choisies de M. de La Rivière, gendre du comte de Bussi-Rabutin, 1751 ; tome ii.) — Cet Horace dans la poche de Villars est une particularité curieuse ; mais n’était-il pas homme à le prendre tout exprès et à le laisser voir à propos, quand il allait rendre visite à M. de La Rivière ?
Je sais que c’est une défense peu avantageuse à prendre que celle du Système de la nature et de cette faction d’holbachienne ; mais je ne veux soutenir d’Holbach ici que comme un homme d’esprit, éclairé quoique amateur, sachant beaucoup de faits de la science physique d’alors, n’ayant pas si mal lu Hobbes et Spinosa, maltraité de Voltaire, qui le trouvait un fort lourd écrivain et un fort ennuyeux métaphysicien, mais estimé de d’Alembert, de Diderot, et dont l’influence fut grande sur Condorcet et M. de Tracy. […] Roland, sans être un homme de génie, était un esprit rare et un plus rare caractère. […] Lerminier, en suivant, dans ses conquêtes multipliées et sur tous les points, l’esprit du xviiie siècle, le trouve triomphant et invincible.
Il n’y avait dans son esprit aucun rapport, aucune relation entre ce qui l’entourait et son passé. » Ce trouble était plus fort que jamais lorsqu’il entrait dans une maison étrangère. […] Jamais, du reste, je n’ai été réellement dupe de ces illusions ; mais mon esprit était souvent las de corriger incessamment les impressions nouvelles, et je me laissais aller à vivre de la vie malheureuse de ce nouvel être. […] Néanmoins il m’a fallu une grande contention d’esprit et de volonté pour croire à la réalité de ce que je touchais.
C’était la méthode des classiques, que Céard lit et aime : il adore Pascal et Bossuet pour ce qu’ils ont piétiné la superbe de l’animal humain ; aussi Nicole et Vauvenargues, esprits plus modérés, mais dont la douceur narquoise le ravit ; et avant tous, Choderlos de Laclos, l’auteur des Liaisons dangereuses, que Céard déclare le plus parfait des psychologues, et dont il dira la vie et l’œuvre dans le livre d’histoire littéraire qu’il lui consacrera. Depuis des années, Céard nous a promis ce livre, comme aussi certain roman et certaine pièce : mais l’extrême sévérité qu’il a pour son esprit fait qu’il produit peu. […] Huysmans poursuit l’évolution logique de son esprit aigu et inquiet.
Dédaignant les turpitudes de la politique, il a négligé d’informer ses lecteurs du nom de ceux de nos honorables qui ont volé des suffrages lors du vote des crédits du Tonkin ; méprisant profondément le bourgeoisisme à l’esprit borné dont les élucubrations défrayent une trop grande partie de la presse, il a dédaigné de répondre aux insultes dont on l’a abreuvé dès le premier numéro. […] Dans un article : les Symbolistes, il écrivait : « À qui suit de près la jeunesse littéraire et se rend compte de la totalité de son effort, il n’apparaît point que les esprits soient tournés plutôt vers le Symbolisme que vers n’importe quoi. […] C’est du tournage de vocables vides, en chambre ; mais enfin la poésie est au-dessus de ces tourneurs et, par les temps utilitaires qui courent, il me semble qu’elle devrait être, à la suite de Baudelaire et de Verlaine, l’un des factices véhicules des esprits détenus, — quelque chose de vague comme une musique qui permette de rêver sur des au-delà, loin de l’américaine prison où Paris nous fait vivre.
Cependant leur nombre devait diminuer, les esprits se tournaient insensiblement vers d’autres objets : le christianisme sur le trône était en proie aux guerres civiles. Cet esprit actif et querelleur des Grecs, l’anarchie, l’indépendance, la curiosité inquiète, la fureur d’expliquer par la raison ce qui est au-dessus de la raison, la fureur plus grande encore d’avoir un parti et de dominer, opposait les opinions aux opinions et les erreurs aux erreurs. […] Gratien, qui eut de la faiblesse et du zèle, qui posséda peut-être le courage militaire, mais à qui le courage d’esprit et les talents manquèrent, que les écrivains d’un parti ont comparé aux meilleurs princes, que ceux du parti contraire ont comparé à Néron ; Gratien, dont le plus grand mérite peut-être est d’avoir, élevé Théodose à l’empire, et qui, après un règne de huit ans, mourut à vingt-quatre, vaincu à Paris et assassiné à Lyon, eut aussi ses panégyristes.
. — Ces trois sortes de preuves peuvent se ramener à une seule : Dans toute la série des choses possibles, notre esprit peut-il imaginer des causes plus nombreuses, moins nombreuses, ou autres, que celles dont le monde social est résulté ? […] Ainsi considérée sous le second de ses principaux aspects, la Science nouvelle est une histoire des idées humaines, d’après laquelle semble devoir procéder la métaphysique de l’esprit humain. […] Les Hébreux croyaient en un Dieu tout esprit, qui scrute le cœur des hommes ; les gentils croyaient leurs dieux composés d’âme et de corps, et par conséquent incapables de pénétrer dans les cœurs.
« Une amitié vraie et durable, ajoute-t-il, ne peut guère s’établir qu’entre deux femmes dont le cœur est calme et bon, dont les sentiments sont élevés, et dont l’esprit a du moins quelques côtés sérieux. […] Sur les diverses impressions et les divers états de l’âme, tranquillité, calme, quiétude, etc. ; sur les qualités qu’on est porté à confondre, bonté, bienveillance, générosité, indulgence, etc. ; sur les formes en usage dans la bonne compagnie, civilité, urbanité, politesse, etc., il a des descriptions plus encore que des définitions, et qui donnent à l’esprit une idée exacte, qui lui apprennent à distinguer des expressions presque synonymes.
Sa haine du commun l’écartait de toute platitude, sa pente vers l’héroïque était rectifiée par de l’esprit ; car il avait beaucoup d’esprit, et c’est même une des faces de son talent, presque inconnue… Il a dramatisé toutes les passions, dit les plaintes de la momie, les triomphes du néant, la tristesse des pierres, exhumé des mondes, peint des peuples barbares, fait des paysages de la Bible et des chants de nourrices.
Nous ne parlerons pas de celui qui a pour titre, Voyage du Parnasse, où l’esprit de satire animant sa fécondité naturelle, l’a entraîné au delà des bornes de la précision & du bon goût ; nous ne nous attacherons qu’à son Poëme de Clovis. […] Ose répandre encor sur ces vérités saintes, Les voiles enchanteurs de tes images feintes ; La noble fiction, en flattant les Esprits, Charme & conduit au vrai par des chemins fleuris, Orne la vérité des attraits de la Fable, Et l’offre à nos regards plus belle & plus aimable.
Il tourne aussitôt son vol de ce côté, résolu d’aborder l’Esprit inconnu de l’abîme, qui réside dans ce bruit, et d’apprendre de lui le chemin de la lumière. […] « Esprits de l’abîme, leur dit-il, Chaos, et vous antique Nuit, je ne viens point pour épier les secrets de vos royaumes… Apprenez-moi le chemin de la lumière, etc. » Le vieux Chaos répond en mugissant : « Je te connais, ô étranger !
Caché dans le souterrain de l’église de Saint-Jean-Baptiste, le Religieux peignit avec ses doigts mutilés le grand saint dont il était le suppliant128, digne sans doute de devenir le patron des peintres et d’être reconnu de cette famille sublime que le souffle de l’esprit ravit au-dessus des hommes. […] Le même esprit de religion inspira Charlemagne ; et l’église des Apôtres, élevée par ce grand prince à Florence, passe encore, même aujourd’hui, pour un assez beau monument129.
L’esprit du prophète parle par ta bouche. — Voyons, Bernar-med, interroge un peu Villemot-Pacha. […] Cette pâleur dénonce la pusillanimité de ton âme. — Et maintenant, écoute bien ceci, Villemot-Pacha : tu seras empalé sur le paratonnerre de Sainte-Sophie ; les ibis te creuseront le foie de leur bec sacré, et ton esprit maudit roulera éternellement dans les sept enfers !
Peut-être même a-t-il eu l’esprit de complimenter M. […] Et il n’est pas dénué d’esprit. […] Toutefois, elle a l’esprit plus orné que ses compagnes. […] Cette idée est très simple, elle vient tout naturellement à l’esprit. […] Il ressaisit par un suprême effort de volonté, son esprit paralysé.
Tellier était un esprit philosophique servi par une nature ardente, enthousiaste, mais concentrée et un peu sombre. […] Bravement lancé, en plein coup de feu commercial par le quand même littéraire Léon Vanier, bibliopole moderniste, ce livre, déjà (ou jà) fameux, fait balle et trou dans l’esprit public qu’il faut. […] — le fatras de préjugés amassés par l’esprit encyclopédique sur l’origine de notre civilisation ; qu’il dégage enfin, — et je crois bien qu’il est le premier, — le véritable caractère de la Renaissance. […] parallèles à du Monselet, souvent supérieures aux jolies choses de ce très fin esprit. […] Combien d’esprit du meilleur aloi, de bonne outrance, de bon sens aigu, parfois méchant, jamais amer, Vermersch dépensa dans ce genre exquis au fond, quand bien manié, ce n’est rien, comme on dit chez moi, que de le dire.
Pour lui il n’y a pas de milieu entre l’esprit et le vice ; il n’aperçoit de sécurité que dans la parfaite ignorance. […] Il n’y a, dans une œuvre ainsi conçue, rien de littéraire, rien qui mérite l’attention des esprits choisis. […] L’esprit demeure inoccupé, et pas une larme ne se hasarde sur le seuil des paupières. […] Comme l’a dit fort spirituellement M. de Barante, il y a quelqu’un en France qui a plus d’esprit que Voltaire : c’est tout le monde. […] Pour les sens c’est le libertinage ; pour l’esprit, c’est l’ignorance ; pour le cœur, c’est l’égoïsme.
Beaucoup d’esprit, mais un esprit à la fois d’insolence et de bassesse. […] Il souffrit d’autant plus de son abandon et de l’affaiblissement de son esprit. […] Biœrnson devint positiviste, mais en gardant un tour d’esprit et des sentiments puritains. […] C’est un thème positiviste traité par un esprit ardemment mystique. […] Il faut écouter cela d’un esprit sérieux, consentir à un peu d’effort.
Dans le morceau qu’il vient de publier très à propos, il fait preuve d’un esprit fin, rapide, brillant et à la fois politique ; il a été successivement ambassadeur à Rio, à Lisbonne, et en dernier lieu à Copenhague. […] On lira dans un autre esprit le premier volume d’une Histoire de la Société de Jésus que vient de publier M.
Jules Barbey d’Aurevilly Certes, c’est un homme d’esprit, et même c’est ce que j’en puis dire de mieux. […] L’esprit critique le dominait trop pour qu’il eût sincèrement le génie que la Poésie exige.
Puisse l’esprit de sagesse te guider pour te préserver des innombrables dangers dont ta route est semée ! […] Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation.
Mêler dans cette œuvre, pour satisfaire ce besoin de l’esprit qui veut toujours sentir le passé dans le présent et le présent dans le passé, à l’élément éternel l’élément humain, à l’élément social, un élément historique. […] Si peu de chose qu’il soit, comment reculerait-il, encouragé qu’il est par l’adhésion des esprits d’élite, par l’applaudissement de la foule, par la loyale sympathie de tout ce qu’il y a aujourd’hui dans la critique d’hommes éminents et écoutés ?
Le grand Corneille répond à ces objections, que cet usage a été établi pour donner du repos à l’esprit, dont l’attention ne pourrait se soutenir pendant cinq actes, et n’est point assez relâchée par les chants du chœur, dont le spectateur est obligé d’entendre les moralités ; que, de plus, il est bien plus facile à l’imagination de se figurer un long terme écoulé dans nos entr’actes, que dans les entr’actes des Grecs, dont la mesure était plus présente à l’esprit ; qu’enfin la constitution de la tragédie moderne est de ne point avoir de chœur sur le théâtre, au moins pendant toute la pièce.
Pour nous, qui à la vérité ne sommes pas poète, il nous semble que ces enfants de la vision feraient d’assez beaux groupes sur les nuées : nous les peindrions avec une tête flamboyante ; une barbe argentée descendrait sur leur poitrine immortelle, et l’esprit divin éclaterait dans leurs regards. […] Un vaisseau est prêt à périr : l’aumônier, par des paroles qui délient les âmes, remet à chacun la peine de ses fautes ; il adresse au ciel la prière qui, dans un tourbillon, envoie l’esprit du naufragé au Dieu des orages.
l’Abbé Seran de la Tour, en deux volumes in-12. 1762. est d’un homme d’esprit, qui n’a pas des idées communes. […] On doit pourtant savoir gré à ceux qui travaillent à former notre esprit & notre raison ; mais il ne faut pas les placer sur le rang que nos grands Ecrivains occupent.
Ce livre, véritablement divin dans son but, plut infiniment aux esprits pieux et droits, qui l’adoptèrent avec une consciencieuse ivresse. […] L’habitude de vivre dans la famille lui en donnait le cœur et l’esprit. […] » Tous les concurrents l’avaient traitée dans l’esprit de leurs juges. […] Ses déclamations charment l’esprit, mais ne touchent pas longtemps le cœur ; le cœur sent vite qu’il est dupé par un sophiste de sentiment. […] Les plus grands hommes de l’antiquité y ont ajouté foi, entre autres Alexandre, César, les Scipions, les deux Catons et Brutus, qui n’étaient pas des esprits faibles.
Je m’en remettrais encore très volontiers à des juges comme Mackintosh, esprits sages, subtils, prompts, et bien introduits, bien pourvus, dès leur début, de l’indispensable cicerone. […] En causant quelquefois avec des étrangers d’esprit nouvellement débarqués et tout affamés de nos illustres, cela va assez bien d’abord… Lamartine, Béranger… ce n’est pas trop de confusion… allons… Puis, tout d’un coup, à la troisième ou quatrième question, l’auteur chéri qu’ils ont au fond du cœur échappe… « Et Paul de Kock ! […] Cette espèce de littérature, qui sera un symptôme de tant d’autres prospérités et de tant de mérites désirables, adviendra, nous l’espérons ; mais il devra y avoir à côté une littérature un peu moins à l’usage de ces bons et honnêtes esprits étrangers, de cette majorité de classe moyenne, de Chambre des députés, etc., etc. ; il y aura toujours une littérature plus en quête des exceptions, des idées avancées et encore paradoxales, des sentiments profonds, orageux, tourmentants, dits poétiques et romanesques.
Ce type lui est d’abord apparu sous les traits de Saint-Mégrin, dans son drame de Henri III ; puis quand il a cédé à l’influence transitoire de la passion révolutionnaire, sous les traits de Robespierre dans l’histoire, d’Antony dans le drame ; dès que la passion de 1830 est refroidie, on voit reparaître dans ses ouvrages toute une famille de personnages dont Saint-Mégrin est l’aîné, intelligences avisées et pleines de ressources, caractères sans peur et sans scrupules, poignets vigoureux, beaux joueurs qui se font place dans le monde à la pointe de l’épée et de l’esprit : Saint-Mégrin, dans Henri III ; d’Artagnan, dans les Mousquetaires ; Bussy, dans la Dame de Monsoreau… Sans doute, M. […] Gardez-vous d’exagérer votre activité… Il faut que l’art soit la règle de l’imagination pour qu’elle se transforme en poésie… » Critique admirable et digne absolument de l’esprit sans règle et sans frein dont les premiers tumultes se faisaient entendre à tout le genre humain. […] À Byron, il n’emprunte guère qu’un masque, le satanisme : « Il a pris l’empreinte de ce curieux visage, plutôt que la mesure de cet esprit. » Goethe avait trop peu le don du théâtre pour lui fournir grand-chose et Manfred le dispensait de Werther, car le révolté anglais est autrement scénique que le révolté allemand.
« Il avait, dit Rachilde, l’aspect d’un gentil Arlequin, narines retroussées, lèvres goulues et rouges, cheveux furieux, pas de moustaches, toute sa finesse dans sa main, une main longue et fluette, une petite batte. » Ses chansons plaisaient par leur persiflage léger, leur malice sans fiel et leur tour d’esprit bien parisien. […] C’est un esprit averti qui passe à travers les événements, armé d’ironie, et sans leur accorder plus d’importance qu’ils n’en méritent. […] On y suit pas à pas l’évolution des esprits.
Il fit ses Humanités au Collège de Clermont ; et comme il eut l’avantage de suivre feu Monsieur le Prince de Conti dans toutes ces Classes, la vivacité d’esprit qui le distinguait de tous les autres, lui fit acquérir l’estime et les bonnes grâces de ce Prince, qui l’a toujours honoré de sa bienveillance et de sa protection. […] L’estime dont sa Majesté l’honorait augmentait de jour en jour, aussi bien que celle des Courtisans les plus éclairés ; le mérite et les bonnes qualités de Monsieur de Molière faisant de très grands progrès dans tous les esprits. […] Il a épuisé toutes les matières qui lui ont pu fournir quelque chose, et si les critiques n’ont pas été entièrement satisfaits du dénouement de quelques-unes de ses Comédies, tant de beautés avaient prévenu pour lui l’esprit de ses auditeurs, qu’il était aisé de faire grâce à des tâches si légères.
Et si ces pensées qui ne sont pas tout à fait ridicules s’élèvent, je ne dis pas dans un bigot, mais dans un homme de bien, et dans un homme de bien je ne dis pas religieux, mais esprit fort, mais athée, âgé, sur le point de descendre au tombeau, que deviennent le beau tableau, la belle statue, ce groupe du satyre qui jouit d’une chèvre, ce petit Priape qu’on a tiré des ruines d’Herculanum ; ces deux morceaux les plus précieux que l’antiquité nous ait transmis, au jugement du baron de Gleichen et de l’abbé Galiani, qui s’y connaissent ? […] Ce n’est pas moi, qui cependant n’ignore pas ce qu’on peut m’objecter, le peu d’influence que les productions des beaux-arts ont sur les mœurs générales, leur indépendance même de la volonté et de l’exemple d’un souverain, des ressorts momentanés, tels que l’ambition, le péril, l’esprit patriotique. […] Au gué, qui fait le pendant, le ciel est joli, et les figures très-finies ; mais il s’en manque un peu qu’au maréchal elles aient cet esprit-là. à la botte rajustée la couleur est douce, mais n’est-elle pas un peu grise ?
J’appelle ici causes morales, celles qui operent en faveur des arts, sans donner réellement plus d’esprit aux artisans, et en un mot sans faire dans la nature aucun changement physique, mais qui sont seulement pour les artisans une occasion de perfectionner leur génie, parce que ces causes leur rendent le travail plus facile, et parce qu’elles les excitent par l’émulation et par les recompenses, à l’étude et à l’application. […] Le commun de la nation faisoit donc alors sa principale occupation de son plaisir, ainsi que ceux de nos citoïens qui naissent avec cent mille livres de rente, et le climat heureux de leur patrie les rendoit très-sensibles aux plaisirs de l’esprit, dont la poësie et la peinture font le charme le plus decevant. […] Aussi, comme le dit Horace, c’est aux grecs que les muses ont fait present de l’esprit et du talent de la parole, pour les recompenser de s’être attachez à leur faire la cour et d’avoir été désinteressez sur tout, hors sur les loüanges.
On a beau se faire du xviiie siècle par la pensée, par l’étude, par l’admiration, par les affectations, on a gardé un peu de son cœur, on l’a arraché aux mauvaises mains de son esprit ; et le moyen de ne pas être grave, même à Trianon, même à la comédie chez les Polignac, quand on y suit cette reine enchanteresse qui sera au Temple tout à l’heure ! […] Par une de ces anomalies, par une de ces ironies de la puissance qui se joue de l’esprit de l’homme, c’est le côté sombre et poignant de la mort que ces riants historiens de la vie, dépaysés cette fois, ont le mieux rendu et le mieux compris ! […] Ils n’arrêtent pas, ils ne dessinent pas assez net cette gladiatrice de la beauté, de l’esprit, de la grâce suprême, cette jeune épouse qui ressemble à l’Archange du mariage chrétien, et qui vient engager le dernier combat contre le Démon des couches royales !
On a beau se faire du xviiie siècle par la pensée, par l’étude, par l’admiration, par les affectations, on a gardé un peu de son cœur, on l’a arraché aux mauvaises mains de son esprit ; et le moyen de ne pas être grave, même à Trianon, même à la comédie chez les Polignac, quand on y suit cette reine enchanteresse, qui sera au Temple tout à l’heure ! […] Par une de ces anomalies, par une de ces ironies de la puissance, qui se joue de l’esprit de l’homme, c’est le côté sombre et poignant de la mort que ces riants historiens de la vie, dépaysés cette fois, ont le mieux rendu et le mieux compris ! […] Ils n’arrêtent pas, ils ne dessinent pas assez net cette gladiatrice de la beauté, de l’esprit, de la grâce suprême, cette jeune épouse qui ressemble à l’Archange du mariage chrétien, et qui vient engager le dernier combat contre le Démon des couches royales !
Il ne fut ni une âme forte, ni un esprit supérieur. […] Talent insincère et même nul, c’est du moins un esprit auquel le Christianisme, qui fait marcher droit les boiteux et voir les aveugles, comme son divin Maître, est venu en aide, comme il y vient toujours, par la douleur et l’épreuve de la vie, tandis que Foscolo, inaccessible au Christianisme, ne se redressa jamais, bronze mal venu, tordu à faux, et qui grimace une énergie convulsive au lieu de pleinement l’exprimer. […] C’est un chrétien que Pellico, sans rien plus que le bon sens, le sens apaisé du chrétien en face de la vie, Sans le Christianisme, il serait presque acéphale, cet homme sans esprit, sans talent, sans volonté, sans passion, sans amour, du moins comme le sentent les hommes.