Il était digne d’avoir écrit cette lettre, comme Aristote était digne de l’avoir reçue. […] Il continua, pendant la guerre d’Alexandre en Syrie, en Égypte et en Perse, à recevoir de lui des lettres et à lui répondre. […] Mais l’homme a reçu de la nature les armes de la sagesse et de la vertu, qu’il doit surtout employer contre ses passions mauvaises. […] Il est certainement préférable que la cité, grâce aux institutions primitives du législateur, puisse se passer de ce remède ; mais, si le législateur reçoit de seconde main le gouvernail de l’État, il peut, dans le besoin, recourir à ce moyen de réforme. […] Cette dernière partie de son raisonnement n’est peut-être pas fausse ; car il est des hommes naturellement incapables de recevoir de l’éducation et de devenir vertueux.
Il n’y aurait pour le prochain que conflit et contradiction, et lui seul recevrait toutes les caresses. […] Voilà donc le livre lancé, et dédié par une adresse piquante à Balzac lui-même, qui ne pouvait guère se plaindre des malices fourrées et du contre-coup qu’il en recevait, se les étant lui-même attirés par son insistance. « Cette pièce, a dit Sorel, fut d’abord estimée fort galante et fort subtile. » Elle eut du succès ; il s’en fit l’année suivante une seconde édition. […] Rose, alors premier secrétaire du cardinal Mazarin, en ayant lu des passages à Son Éminence, Costar reçut, sans savoir à qui il était redevable de ce bon office, une gratification de cinq cents écus ; il faisait bon en ce temps-là de défendre la mémoire de Voiture, cet auteur chéri dont Sorbière disait : « On est forcé de louer Hobbes, Descartes, Balzac, mais on est bien aise de louer Voiture. » Coslar ne se tenait pas de joie ; une fois en veine, il ne crut pas devoir s’arrêter, il ouvrit et desserra tous ses lieux communs et publia en 1654, sous ce titre un peu prétentieux : Les Entretiens de M. de Voiture et de M. […] Il se sentait plus chargé de la plupart des louanges qu’il ne s’en trouvait honoré, et pour les lui rendre agréables on était contraint de les déguiser avec adresse, et il y fallait bien de l’artifice et de la façon ; mais il n’en fallait point pour le reprendre, et rien ne fut jamais mieux reçu que les avis qui lui venaient des personnes intelligentes.
Et, en etfet, par une rencontre imprévue et qui permet la confrontation, le fabricateur fait dire à sa fausse marquise, sur les personnes de son monde et de sa connaissance, des méchancetés plus ou moins atroces, qui sont justement le contraire de ce qu’on trouve dans les lettres authentiques et qui en reçoivent un entier démenti. […] Elle reçoit chez elle des visites de Mme Necker, « triste, languissante, mais toute pleine d’espérance. » Elle y va dîner une ou deux fois, mais sur ce chapitre elle a contre eux un véritable grief qui l’empêchera d’y retourner : c’est qu’ils dînent à cette heure indue qui était alors quatre heures et demie de l’après-midi : la marquise avait l’habitude de dîner à deux heures. […] Je ferai une Contemporaine, mais royaliste et de qualité, la contemporaine de l’ancien grand monde. » Il aimait les coiffes ; il avait reçu les confidences de quantité de vieilles dames d’autrefois, et savait à ravir le menu de ce haut commérage. […] Voilà ce que son âge, le vôtre, et l’éducation qu’il a reçue de vous, doivent vous faire attendre le plus naturellement.
Reçue et traitée par les Anglais avec cette parfaite convenance et ce médiocre enthousiasme, Mme d’Albany le leur rendait par une observation également modérée et raisonnable. […] « Elle recevait avec dignité et politesse. » Heureusement un autre poète, qui fut présenté à la comtesse en 1810 ou environ, et qui l’a revue plus tard, nous a donné d’elle un portrait plus vrai, et qui répare l’injustice du précédent : « Rien, nous dit M. de Lamartine en son VIIe Entretien, rien ne rappelait en elle, a cette époque déjà un peu avancée de sa vie, ni la reine d’un empire, ni la reine d’un cœur. […] Mme d’Albany, à son arrivée, fut reçue par l’Empereur qui lui dit : « Je sais quelle est votre influence sur la société florentine, je sais aussi que vous vous en servez dans un sens opposé à ma politique ; vous êtes un obstacle à mes projets de fusion entre les Toscans et les Français. […] Elle recevait aussi la visite de quelques amis les plus intimes.
je suis reçue à Strasbourg comme si j’étais une enfant aimée, qui revient chez elle. […] Aussitôt que je l’ai aperçu, je me suis jetée toute confuse à ses pieds ; il m’a reçue dans ses bras en m’embrassant à plusieurs reprises et m’appelant sa chère fille avec une bonté dont ma chère maman aurait été touchée. […] Feuillet, me remerciant une quinzaine de jours seulement après que ce premier article eut paru, supposait, dans sa lettre, que dans l’intervalle j’avais dû recevoir son Introduction ou Avertissement, ce qui n’était pas ; il m’écrivait : « Après huit jours de repos à Trouville, j’arrive et je trouve votre article dont je vous remercie, bien que vous ne me trouviez pas nouveau : mais je suis abondant pour confirmer vos idées… Je présume que ma plomberie (l’imprimeur Plon) vous aura envoyé de ses œuvres et que vous avez eu, la semaine dernière, mon Avertissement que je n’ai voulu appeler ni Préface, ni Introduction encore moins : tout cela est bien solennel, etc. » Or, à l’heure où je recevais cette lettre, je n’avais pas encore cet Avertissement et j’en étais à mon troisième article.
Il a l’habitude, on rentrant le soir, de noter brièvement ce qu’il a entendu de plus remarquable ; il nous livre aujourd’hui ces notes ; il y joint les lettres qu’il a reçues de ces personnages célèbres ou de ces femmes d’esprit. […] Mme Dufrenoy reçut la sienne des mains de Fontanes dont elle était l’amie dès les premières années de la Révolution. […] À propos d’une visite qu’elle fait à leur ami commun, M. de Jouy, condamné à un mois de prison pour un article biographique sur les frères Faucher, je note cet agréable passage (3 mai 1823) : « Encore tout heureuse de votre lettre, j’ai été la montrer à notre ami prisonnier ; il se porte à merveille et reçoit plus de visites qu’un ministre en crédit. […] Il est l’un des rares Français qui virent lord Byron ; il le visita à Gênes, recueillit la conversation qu’il eut avec le noble poète, et reçut même de lui une lettre qu’il publia dans le temps et qu’il reproduit aujourd’hui.
Quand il s’agit de juger la vie, les actions, les écrits d’un homme célèbre, on commence par bien examiner et décrire l’époque qui précéda sa venue, la société qui le reçut dans son sein, le mouvement général imprimé aux esprits ; on reconnaît et l’on dispose, par avance, la grande scène où le personnage doit jouer son rôle ; du moment qu’il intervient, tous les développements de sa force, tous les obstacles, tous les contrecoups sont prévus, expliqués, justifiés ; et de ce spectacle harmonieux il résulte par degrés, dans l’âme du lecteur, une satisfaction pacifique où se repose l’intelligence. […] Sans doute ces aptitudes singulières, ces facultés merveilleuses reçues en naissant se coordonnent toujours tôt ou tard avec le siècle dans lequel elles sont jetées et en subissent dès inflexions durables. […] En sortant de philosophie, il fut mis au droit ; son père mort, il continua de demeurer chez son frère Jérôme qui avait hérité de la charge de greffier, se fit recevoir avocat, et bientôt, las de la chicane, il s’essaya à la théologie sans plus de goût ni de succès. […] Boileau seul, conseillé de son bon sens, osa défendre l’expression ; mais il la défendit bien moins comme nette et franche en elle-même que comme reçue dans le style noble et poli, depuis que Vaugelas et d’Ablancourt l’avaient employée.
Ce qu’on se plaît à tourner en dérision, sous une monarchie, ce sont les manières qui font disparate avec les usages reçus ; ce qui doit être l’objet, dans une république, des traits de la moquerie, ce sont les vices de l’âme qui nuisent au bien général. […] Les hommes qui veulent faire recevoir leurs vices et leurs bassesses comme des grâces de plus, dont la prétention à l’esprit est telle qu’ils se vanteraient presque à vous-même de vous avoir habilement trahi, s’ils n’espéraient pas que vous le saurez un jour, ces hommes qui veulent cacher leur incapacité par leur scélératesse, se flattant que l’on ne découvrira jamais qu’un esprit si fort contre la morale universelle est si faible dans ses conceptions politiques, ces caractères si indépendants de l’opinion des hommes honnêtes, et si tremblants devant celle des hommes puissants, ces charlatans de vices, ces frondeurs de principes élevés, ces moqueurs des âmes sensibles, c’est eux qu’il faut vouer au ridicule qu’ils préparent, les dépouiller comme des êtres misérables, et les abandonner à la risée des enfants. […] Le travail de l’esprit se fait toujours apercevoir, avec quelque habileté qu’il soit ménagé ; et l’on n’est plus entraîné par ce talent, pour ainsi dire involontaire, qui reçoit une émotion au lieu de la chercher, qui s’abandonne à ses impressions au lieu de choisir ses moyens d’effet. […] Une connaissance générale des préceptes de la littérature suffit pour ne pas s’égarer, en se soumettant aux règles reçues.
On l’a réservé pour la bouche des dieux. » Son corps est en « merveilleux état. » « Il affriande. » Le corbeau en devient « gaillard. » Il « le couve des yeux. » Et la peinture achevée, le poëte ne s’est pas encore débarrassé de l’impression qui l’obsède ; les idées de graisse et d’inertie béate le poursuivent et reparaissent en phrases homériques qui achèvent de peindre « l’animal bêlant, la moutonnière créature, la toison empêtrée comme la barbe de Polyphème. » C’est par cette puissance de recevoir l’illusion qu’on fait illusion. […] Dans cet embrassement, dont la douceur me flatte, Venez et recevez l’âme de Mithridate. […] C’est pour cela que l’homme qui peut traduire sa pensée par des sons et des mesures prend possession de nous ; nous lui appartenons et il nous maîtrise ; nous ne lui donnons pas simplement la partie raisonnante de notre être ; nous sommes à lui, esprit, coeur et corps ; ses sentiments descendent dans nos nerfs ; quand l’âme est neuve, par exemple chez les peuples jeunes et les barbares, il est puissant comme un prophète ; Eschyle202 renvoyait ses spectateurs « tout agités par la furie de la guerre. » Et nous aujourd’hui si âgés, si lassés, si dégoûtés de toute pensée et de tout style, nous recevons de lui une sensation unique qui nous reporte dans l’étonnement et la fraîcheur des premiers jours. […] L’âme veut, pour subsister, un corps choisi pour la recevoir.
XXXVII M. de Chateaubriand avait connu M. de Fontanes à Londres ; ils y recevaient l’un et l’autre des secours de Louis XVIII, réfugié à Hartwell. […] Fontanes avait quitté Londres avant M. de Chateaubriand ; il avait reçu à Paris l’auteur de l’Essai ; il l’avait introduit auprès de ses propres amis : M. […] M. de Lamoignon, émigré, rentré avant lui, parent par alliance de sa femme, née Mudson Lindsay, Anglaise aimable, le reçut discrètement aux Ternes. […] Il fut présenté au consul, reçut de M. de Talleyrand, qu’il a depuis si maltraité, son titre et ses instructions.
Chaque corde de cet instrument monté par le Créateur éprouve une vibration et rend un son proportionné à l’émotion que la nature sensible de l’homme imprime à son cœur ou à son esprit par la commotion plus ou moins forte qu’il reçoit des choses extérieures ou intérieures. […] Fils d’un vieillard et d’une jeune épouse, Fénelon reçut de la nature la maturité de l’un et les grâces de l’autre. […] Fénelon, l’abbé Fleury, l’abbé de Langeron, l’élite de l’Église et de la littérature sacrée suivaient Bossuet dans sa retraite de Germigny ; ils partageaient ses loisirs sévères, ils recevaient les confidences de ses sermons, de ses oraisons funèbres, de ses traités de polémique ; ils lui soumettaient leurs essais, ils s’enrichissaient de ses entretiens familiers, dans lesquels cet homme de premier mouvement était plus sublime encore que dans sa chaire, parce qu’il était plus naturel. […] Fénelon avait reçu de la nature les deux dons les plus nécessaires à ceux qui enseignent : le don d’imposer et le don de plaire.
Mais ils reçoivent des nouvelles de leurs pays, de leurs familles ; et l’on conçoit comment peut là-dessus s’exercer l’imagination d’un jeune Français sous la Régence, avec quelle curiosité libertine il mettra en scène la vie oisive et voluptueuse du sérail, des femmes très blanches surveillées par des eunuques très noirs, des passions ardentes, des jalousies féroces, des désirs enragés. […] Il est vrai qu’il a reçu l’instruction des événements : il a vu s’achever le long et lourd règne de Louis XIV, il écrit dans le fort de la réaction qui suivit la mort du grand roi ; et il y aide, pour son compte, de tout son cœur. […] Charles-Louis de Secondat, né à la Brède, près de Bordeaux, le 18 janvier 1689, étudia chez les Oratoriens à Juilly, fut reçu, en 1714, conseiller au parlement de Bordeaux, se maria en 1715, prit, en 1716, la charge de président et le nom de Montesquieu que lui légua un oncle. Il vint à Paris à 33 ans, après le succès de ses Lettres persanes, fut reçu à l’Académie en 1728, voyagea ensuite en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Suisse, en Hollande, en Angleterre, où il resta près de deux ans (1729-1731).
Adrienne joua quelque temps encore dans l’enceinte du Temple, sous la protection du grand prieur de Vendôme ; puis on sait qu’elle reçut des leçons du comédien Le Grand, et on la perd de vue. […] Il faut bien que cette passion soit extraordinaire, puisqu’elle subsiste depuis si longtemps sans nulle espérance, au milieu des dégoûts, malgré les voyages que vous lui avez fait faire, et huit mois de séjour à Paris sans me voir, au moins chez moi, et sans qu’il sût si je le recevrais de ma vie. […] Les jours où elle n’était pas trop envahie par les duchesses et par les personnes de bel air, Mlle Le Couvreur se plaisait à recevoir ses amis : Ma vanité, disait-elle, ne trouve point que le grand nombre dédommage du mérite réel des personnes ; je ne me soucie point de briller ; j’ai plus de plaisir cent fois à ne rien dire, mais à entendre de bonnes choses, à me trouver dans une société de gens sages et vertueux, qu’à être étourdie de toutes les louanges fades que l’on me prodigue à tort et à travers. […] Le curé de Saint-Sulpice, Languet, refusa de la recevoir en terre sainte.
Écoutons sa charmante réponse et la leçon qui s’adresse à d’autres encore qu’au poète potier : Monsieur, Je n’ai reçu qu’avant-hier, veille de mon départ, votre cartel poétique : mais je dois vous dire que, l’eussé-je reçu en temps plus opportun, je n’aurais pu l’accepter. […] Laissons de côté les improvisations obligées et les compliments en madrigaux qu’il est obligé de répandre sur son chemin, en retour de chaque hommage et de chaque hospitalité triomphale qu’il reçoit : lui-même il se juge sur ce point aussi sévèrement qu’on pourrait le faire, et quand la reconnaissance chez lui est sérieuse, il demande du temps et du recueillement pour l’exprimer : « On n’acquitte pas, dit-il, une dette poétique avec des impromptus ; les impromptus peuvent être la bonne monnaie du cœur, mais ils sont presque toujours la mauvaise monnaie de la poésie. » Prenons donc Jasmin par ses côtés charmants et sérieux, tout à fait durables. […] Nul poète n’a reçu autant d’éloges que lui, et nul ne se gêne moins à paraître les aimer, mais il a cela de particulier que ces éloges ne lui ont fait faire aucune folie : il a porté son ivresse de poète avec un rare bon sens : « Je ne sais aucun faux pas de lui », me disait quelqu’un qui le connaît bien.
Arrivé à la barre de la Convention, qu’il trouva tout en désordre, puis admis aux honneurs de la séance dont il profita peu, il raconte qu’un gros et joyeux conventionnel lui dit, en le voyant sortir : « Prenez le plus long pour retourner vers vos commettants, et, toutes les fois que vous passerez devant une section, entrez ; parlez de la mission que vous venez de remplir, et de l’accueil que vous avez reçu… Vantez surtout l’assurance que vous avez vue parmi nous. » — « Sans doute, lui répondis-je ; cela me formera si je veux un jour écrire l’histoire. » M. […] Fiévée recevait en secret une visite de la part du roi Louis XVIII, qui l’avait distingué parmi les journalistes d’avant le 18 Fructidor. […] Fiévée, après avoir vu Bonaparte, reçut par l’intermédiaire de M. de Lavalette l’invitation de lui écrire dans une série de notes ses impressions et ses vues sur les événements et les choses. […] Fiévée, qu’on oserait moins contester de nos jours qu’à une autre époque : Il n’est personne qui ne soit apte à recevoir de l’argent.
Madame, j’ai reçu les chapes que vous m’avez envoyées, qui sont venues extrêmement à propos ; elles sont extrêmement belles, et ont été reçues comme telles de la compagnie à qui je les devais… Je suis maintenant en ma baronnie, aimé, ce me veut-on faire croire, de tout le monde ; mais je ne puis que vous en dire encore, car tous les commencements sont beaux, comme vous savez. […] Et Richelieu, qui nous démêle toutes ces intrigues et nous les peint avec plus d’un trait de Tacite, ajoute de ce Thémines qui arrêta ce jour-là le prince de Condé que, s’il fit bien, aussi crut-il l’avoir fait ; car depuis ce temps-là il ne fut jamais content, de quelques récompenses que le pût combler la reine : Elle le fit maréchal de France, lui donna comptant cent et tant de mille écus, fit son fils aîné capitaine de ses gardes, donna à Lauzières, son second fils, la charge de premier écuyer de Monsieur ; et, avec tout cela, il criait et se plaignait encore : tant les hommes vendent cher le peu de bien qui est en eux, et font peu d’estime des bienfaits qu’ils reçoivent de leurs maîtres ! […] Ce procédé vigoureux du roi, et qui « sentait plus sa majesté royale que la conduite passée », n’était pas néanmoins reçu des peuples comme il aurait dû l’être, à cause du maréchal d’Ancre : tout ce qui, sans lui, eût été reconnu avantageux au service du roi et au bien de l’État, était pris en mauvaise part et envenimé par les mécontents ; ce fut là l’écueil et le point ruineux du premier ministère de Richelieu, et lui-même le reconnaît.
Peut-être ce temps glorieux pour les muses de ma patrie n’est-il pas éloigné. » Trente ans plus tard, ayant reçu du grand Frédéric un écrit sur la littérature allemande, dans lequel ce monarque, un peu arriéré sur ce point, annonçait à la littérature nationale de prochains beaux jours, Grimm, en lui répondant (mars 1781), lui faisait respectueusement remarquer que cela était déjà fait et qu’il n’y avait plus lieu à prédire : « Les Allemands disent que les dons qu’il (Frédéric) leur annonce et promet leur sont déjà en grande partie arrivés. » Tout en étant devenu Français et en se déclarant depuis longtemps incompétent sur ces matières germaniques, Grimm avait évidemment suivi de l’œil la grande révolution littéraire qui s’était accomplie dans son pays à dater de 1770, et lui-même, nationalisé à Paris, à travers la différence du ton et des formes, il mérite d’être reconnu comme un des aînés et des collatéraux les plus remarquables des Lessing et des Herder. […] Il avait reçu des lettres qui l’engageaient à revenir vivre à Genève ; on lui offrait une place de bibliothécaire avec appointements, un sort honnête et doux : Quel parti dois-je prendre ? […] Toute sa correspondance, à cette date, témoigne d’une âme droite et humaine, qui reçoit l’expérience, mais sans se fermer ni s’endurcir. […] Rousseau, pour se dégager de toute reconnaissance envers Mme d’Épinay, affecte de la soupçonner de je ne sais quel procédé atroce et bas, de je ne sais quelle lettre anonyme qu’on a adressée à Saint-Lambert à son sujet, et il en prend occasion de lui écrire à elle une lettre injurieuse ; il y a de quoi se perdre dans ce labyrinthe de tracasseries et de noirceurs : Le mal est fait, dit Grimm ; vous l’avez voulu, ma pauvre amie, quoique je vous aie toujours dit que vous en auriez du chagrin… Il est certain que cela finira par quelque diable d’aventure qu’on ne peut prévoir ; je trouve que c’est déjà un très grand mal que vous soyez exposée à recevoir des lettres insultantes.
Selon Grimm, il n’y a que deux manières de s’y prendre : ou bien s’appliquer à faire concevoir le plus clairement possible le petit nombre de vérités qu’on peut savoir (c’est ce qu’a fait Locke) ; ou bien peindre vivement l’impression particulière qu’on reçoit de ces mêmes vérités, ce qui sert du moins à multiplier les points de vue : et c’est ce qu’a fait Montaigne. […] On ne s’intéresse à ses semblables qu’à raison de l’intérêt qu’on prend à soi-même et qu’on ose attendre de leur part. » Et il cite à ce propos un mot de Rousseau, qui venait un jour de s’épancher auprès d’un ami, et qui remarquait que cet ami (peut-être Grimm lui-même) recevait son épanchement sans lui rendre du sien : « Ne m’aimeriez-vous pas ? […] Grimm explique très bien comment et pourquoi Voltaire n’est point comique dans ses comédies, dans L’Écossaise, par exemple, il n’est point parvenu à faire de son Frélon, qui se dit à lui-même toutes sortes de vérités, un personnage comique : « On voit dans cette comédie, et en général dans tous les ouvrages plaisants de M. de Voltaire, qu’il n’a jamais connu la différence du ridicule qu’on se donne à soi-même, et du ridicule qu’on reçoit des autres. » Et c’est ce dernier qui est le vrai comique. […] On a une partie de sa correspondance avec le grand Frédéric ; celle qu’il entretint avec l’impératrice Catherine, et surtout les lettres qu’il reçut d’elle, seraient d’un vif intérêt.
On peut donner de l’existence des systèmes en philosophie une explication plus scientifique et plus profonde en disant qu’ils ne sont que des hypothèses provisoires destinées à lier les phénomènes connus, à en rendre compte dans la mesure de notre expérience et de notre science, à susciter même la recherche de faits nouveaux et inconnus qui viennent soit vérifier, soit renverser l’hypothèse reçue. […] Heureux ceux qui ont reçu cette grâce, quelle que soit la rançon qui la paye ! Malheureux ceux qui ne l’ont pas reçue, mais qui croient l’avoir, et qui se tourmentent pour faire croire aux autres qu’ils l’ont ! Heureux encore ceux qui, ne l’ayant pas reçue, ne cherchent ni à se tromper eux-mêmes, ni à tromper les autres en se faisant passer pour inspirés !
« Dès que nous avons conçu que tout être a une fin, nous recueillons de l’expérience cette seconde vérité, que cette fin varie de l’un à l’autre, et que chacun a la sienne qui lui est spéciale85. » Ces deux vérités nous en découvrent une troisième, à savoir que « si chaque être a une fin qui lui est propre, chaque être a dû recevoir une organisation adaptée à cette fin, et qui le rendît propre à l’atteindre : il y aurait contradiction à ce qu’une fin fût imposée à un être, si sa nature ne contenait le moyen de la réaliser. » Puisque la nature des êtres est appropriée à leur fin, on pourra, en étudiant la nature d’un être, connaître sa fin, de même qu’en étudiant la structure d’un édifice on peut conclure sa destination. […] Mais d’autre part, en vertu de l’axiome que la fin absolue d’un être est appropriée à sa nature, et en vertu de cette observation que notre fin présente n’est pas appropriée à notre nature, il est nécessaire qu’à notre vie soient ajoutées une ou plusieurs vies, telles que nos penchants primitifs puissent y recevoir un contentement parfait. […] « Si chaque être a une fin qui lui est propre, il a dû recevoir une nature et une organisation adaptées à cette fin. » Fort bien encore. […] D’ailleurs, au moment où il la reçut, elle était dans tout son éclat.
Pour deux ou trois mots de remerciements, j’ai reçu vingt lettres de réclamations. […] J’ai laissé remonter d’eux-mêmes dans ma mémoire les livres dont j’avais reçu une impression un peu forte, et je les ai notés à mesure : voilà tout.
Il est étrange de songer que ce cerveau, en qui la réalité avait reflété des images si nettes, qui avait su interpréter, ramasser, coordonner ces images avec une vigueur et dans des directions si décidées, et nous les renvoyer, plus riches de sens, à l’aide de signes si fortement ourdis, n’ait plus, à partir d’un certain moment, reçu du monde extérieur que des impressions confuses, incohérentes, éparses, aussi rudimentaires et aussi peu liées que celles des animaux, et pleines, en outre, d’épouvante et de douleur, à cause des vagues ressouvenirs d’une vie plus complète ; et que l’auteur de Boule-de-Suif, de Pierre et Jean, de Notre Coeur, soit entré, vivant, dans l’éternelle nuit. […] Ce primitif avait reçu de la nature le don de l’expression, qu’il perfectionna, auprès de son vieux maître, par une discipline de dix années.
Attaché àla croyance en une vérité objective, persuadé que toute conception, pour être acceptée, devait être évaluée sous le jour de cette vérité et recevoir sa sanction, on s’était évertué tout d’abord à montrer à quel point l’idée du libre arbitre est réfractaire à toute construction, à quel point elle implique contradiction : c’est ce grief qu’on lui avait imputé, c’est de ce chef qu’on l’avait condamnée. […] Par la vertu de cette illusion, les hommes ressemblent à des sujets hypnotisés qui, ayant reçu pendant leur sommeil une suggestion, créent pour l’accomplir, sitôt que l’heure est venue, les circonstances et le décor qui leur sont nécessaires, modifiant et travestissant s’il, le faut le monde extérieur, et suscitant aussi dans leur âme toute nue germination de motifs, afin d’enraciner l’acte dans les régions profondes de leur volonté, de lui imprimer le sceau de leur personnalité coutumière.
Quoique ignorant comme un carpillon des choses de l’Église, Octave Feuillet, ce jeune homme pauvre… en théologie, a eu l’extrême bonté de recommander le catholicisme aux petites dames dont il est le favori et pour lesquelles il fait des petites comédies, et de l’excuser, et de l’arranger, et de l’attifer, ce vieux colosse de catholicisme, de manière à le faire recevoir sur le pied d’une chose de très bonne compagnie dans les plus élégants salons du xixe siècle… Or, voilà ce que madame Sand, cette prêcheuse de la Libre Pensée, qui ne veut pas, elle ! que le catholicisme soit reçu nulle part sur un pied quelconque, n’a pu supporter, et pourquoi, indignée, elle a lancé tout aussitôt sa Mademoiselle de la Quintinie à la tête de la Sibylle de Feuillet !
Les législateurs vinrent ensuite, et ils reçurent aussi des hommages ; car les lois étaient un besoin pour le faible. […] Cependant les héros durent recevoir de plus grands honneurs après leur mort, car on respecte toujours plus ce qu’on ne voit pas.
Il fut reçu le 4 février 1743, le même jour que Marivaux. […] Il n’avait rien publié alors, mais on savait (et l’archevêque de Sens, qui le recevait, le lui dit) qu’il avait composé certaines Réflexions sur Horace, où il le comparait avec Despréaux et Jean-Baptiste Rousseau. […] La négociation est trop fatigante ici pour moi : Il faut négocier avec vingt personnes également accréditées ou également à craindre ; il faut courir après eux en toute sorte de lieux et à toute sorte d’heures ; il faut recevoir et combiner une immensité de rapports et de relations ; il faut passser quatre heures à table ; enfin, il faut tout ce que je n’ai pas. […] Horace Walpole les reçut à sa résidence de Strawberry Hill, et y donna à Mme de Boufflers des fêtes charmantes, d’un pittoresque savant et merveilleux. […] Dans les dernières années de l’ancienne Académie, il eut à recevoir successivement Condorcet, l’abbé Maury, M.
Fort aimée de sa mère, fort sérieuse, intelligente, mais sans vivacité décidée, assez maladive, la jeune Pauline passa ses premières années dans ce monde dont elle recevait lentement une profonde empreinte, plus tard si apparente ; c’était comme un fond ingénieux, régulier et vrai, qui se peignait à loisir en elle, et qu’elle devait toujours retrouver. […] C’est tellement supérieur, même à beaucoup d’esprit, dans une femme, que j’ai cru vous y reconnaître. » Ce dut être d’après la réponse qu’elle reçut de M. […] Mme de Staël, qui y recevait d’ingénieux conseils, tels que celui, par exemple, d’être plus sensible au concert qu’au bruit des louanges, n’en eut pas moins, comme nous voyons, une reconnaissance qui honore son cœur, de même que ces conseils honoraient la raison digne et fine de Mlle de Meulan. […] Mme de Condorcet avait reçu la passion et le flambeau du dix-huitième siècle : Mlle de Meulan n’en avait que le ton, le tour, certaines habitudes de juger et de dire ; la passion, à elle, devait lui venir d’ailleurs. […] Au reste, en voyant ce qu’il donna, on conclurait ce que lui-même il reçut.
Dieu seul connaît le but et la route, l’homme ne sait rien ; faux prophète, il prophétise à tout hasard, et quand les choses futures éclosent au rebours de ses prévisions, il n’est plus là pour recevoir le démenti de la destinée, il est couché dans sa nuit et dans son silence ; il dort son sommeil, et d’autres générations écrivent sur sa poussière d’autres rêves aussi vains, aussi fugitifs que les siens ! […] Nous avancions lentement au pas de nos chevaux fatigués, les yeux attachés sur les murs gigantesques, sur les colonnes éblouissantes et colossales qui semblaient s’étendre, grandir, s’allonger, à mesure que nous en approchions ; un profond silence régnait dans toute notre caravane ; chacun aurait craint de perdre une impression de cette scène en communiquant celle qu’il venait d’avoir ; les Arabes même se taisaient et semblaient recevoir aussi une forte et grave pensée de ce spectacle qui nivelle toutes les pensées. […] Ce noble et respectable vieillard était venu me chercher avec ses fils et quelques-uns de ses serviteurs, jusqu’aux environs de Tripoli de Syrie, et m’avait reçu dans son château d’Éden avec la dignité, la grâce de cœur et l’élégance de manières que l’on pourrait imaginer dans un des vieux seigneurs de la cour de Louis XIV. […] Je ne pense pas qu’aucun poète romain ait reçu plus de marques de sympathie, plus de signes d’intelligence et d’amitié de la jeunesse de son temps que je n’en ai reçu moi-même ; moi si incomplet, si inégal, si peu digne de ce nom de poète ; ce sont des espérances et non des réalités que l’on a saluées et caressées en moi. […] Et d’abord j’ai la conscience d’en avoir mérité beaucoup ; mais fussent-elles toutes injustes et amères, elles auraient été amplement compensées par cette foule innombrable de lettres que j’ai reçues de mes amis inconnus.
Mais il ne faut recevoir ces clefs qu’avec défiance, malgré la bonne foi de Patru. […] Et voici bien comment il faut entendre l’Asie : dans un temps où la représentation de la vie réelle, en sa simple et sérieuse apparence, n’est guère reçue dans l’art, où la nouvelle est condamnée au ton satirique ou comique, la vie pastorale est une transcription littéraire de la vie mondaine ; bergers et nymphes sont des hommes et des femmes qui n’ont rien à faire, et dont l’unique et capitale affaire résultera par conséquent des rapports sociaux : ces hommes et ces femmes se désirent, se poursuivent, s’évitent, exercent enfin la profession de l’amour. […] Il n’y a pas à douter que l’œuvre de D’Urfé n’ait aidé Mme de Rambouillet à organiser la vie mondaine, lorsque, dégoûtée, nous dit-on, des manières par trop soldatesques et gasconnes de la cour du Vert Galant, elle se retira en son hôtel et y reçut ses amis272. […] Ce fils d’un marchand de vins d’Amiens inaugure la puissance sociale de l’esprit ; sans naissance et ne s’en cachant pas, il se fait recevoir à l’Hôtel de Rambouillet, et y traite d’égal à égal avec tous. Il ne reçoit de pension que du roi, de Monsieur, à qui il appartient : cela le tire de pair parmi les écrivains faméliques et parasites.
Ainsi, une âme qui est morte intérieurement peut bien recevoir des attaques des choses extérieures et être ébranlée au dehors, mais au dedans de soi, elle demeure morte et sans mouvement pour tout ce qui se présente. […] J’ai ouï dire aux anciens de Saint-Sulpice que, vers la fin du xviiie siècle, on n’allait guère à la Sorbonne ; qu’il était reçu qu’on n’y apprenait pas grand’chose ; que la conférence intérieure, en un mot, prit tout à fait le dessus sur la leçon officielle. […] Gosselin crut avoir résolu par un principe de droit public, reçu au moyen âge, toutes les difficultés que causent aux théologiens modérés ces histoires grandioses. […] Littré eût reçu une éducation catholique, il eût été un mystique exalté ; si M. […] J’avais reçu de mes premiers maîtres, en Bretagne, une éducation mathématique assez forte.
Malgré les différences d’opinion, il a reçu le clergé français avec une charité vraiment chrétienne. […] Je me contenterai de rapporter quelques jugements littéraires qui m’ont fort étonné, parce qu’ils sont en contradiction directe avec nos opinions reçues. […] viens, je te reçois avec joie ! […] Un peuple nombreux, plus propre, mieux vêtu et mieux logé que les autres Sauvages, le reçoit avec cordialité. […] Je voudrais que les hommes de talent connussent mieux leur haute destinée ; qu’ils sussent mieux apprécier les dons qu’ils ont reçus du ciel.
Son génie a reçu de la réalité les plus beaux ébranlements. […] Il débarque à Baltimore, va en voiture à Philadelphie où il est reçu par Washington. […] J’entrai demander le vivre et le couvert, et fus bien reçu. » C’est tout. […] Eudore a reçu l’ordre de partir pour Rome. […] Chateaubriand a reçu de la nature le feu sacré.
J’obéis plus volontiers, quand la raison des ordres que je reçois m’est connue. […] Balancerait-il à répondre qu’on n’écrit ainsi que quand on a reçu de la nature une élévation, une force d’âme peu commune ? […] C’est de mes réponses que les royaumes et les cités reçoivent les motifs et de leur désolation et de leur allégresse. […] Savoir accorder et recevoir des bienfaits. […] Où est-il, le mortel chéri dont la vue dissipait la tristesse de mon front, dont le sein recevait le dépôt de mes inquiétudes ?
En 1848, il passa ses deux baccalauréats ès-lettres et ès-sciences et fut reçu le premier à l’École normale. […] Cousin qui présidait le jury et qu’il avait dit de Taine : « Il faut le recevoir premier ou le refuser ; or il serait scandaleux de le recevoir premier. » On rejeta aussi sur son concurrent Aubé la responsabilité de son échec. […] La religion reçue ainsi, sans intermédiaire humain, fut très forte en moi. […] Quand il est reçu agrégé en 1821 il demande d’être désigné pour l’enseignement de la philosophie. […] Il attendait la mort et la reçut sans trouble et sans plainte.
Comme si un siècle pouvait transmettre à son successeur l’héritage de l’esprit humain tel qu’il l’a reçu de son devancier. […] Dans les premiers ouvrages de sa jeunesse, il montra, comme dans sa conduite, de l’obéissance aux idées reçues et aux exemples donnés précédemment. […] Mais c’était un feu sans aliment ; et le talent dont il a donné quelques indices, n’a reçu aucune application entière. […] Les livres n’ont pas seulement reçu l’influence du public ; ils ont, pour ainsi dire, été écrits sous sa dictée. […] Ainsi s’écoulait son règne : les intentions royales et les projets des ministres sages ne pouvaient recevoir d’exécution.
J’ai cependant entendu dire, je ne sais plus par qui, que l’on se plaignait dans l’Aragon que les ministres de Madrid n’y donnaient aucun signe d’existence, et qu’on n’y recevait aucun ordre du roi. […] l’aide de camp du coëtlosquet. — Mais aussi, général, comme vous avez été reçu à la poste ! […] Il y avait son logement et était reçu dans la famille au déjeuner.
Mansfeld, en force, s’avança au secours de la place ; il pouvait en faire lever le siège, pour peu qu’il reçût des Pays-Bas de nouveaux renforts. […] Cette capitulation, signée le 22 juillet 1594, reçut son exécution le 2 août suivant. […] Aussi, lorsqu’après la victoire de Fontaine-Française (juin 1595), passant en Bourgogne, il vit le président et que celui-ci parut s’étonner de l’accueil qu’un vieux ligueur comme lui recevait du roi : « Monsieur le président, lui dit Henri IV, j’ai toujours couru après les honnêtes gens, et je m’en suis bien trouvé. » C’est ainsi que ce noble roi entendait et appliquait l’espèce de menace qu’il avait faite au siège de Laon.
L’abbé Le Dieu, malgré les longues années qu’il resta auprès de Bossuet, n’entra donc jamais dans son intime confiance et ne reçut jamais de lui aucune confidence proprement dite ; il ne sut les choses importantes qu’au fur et à mesure, à force d’attention et après coup. […] Les facultés merveilleuses qu’il avait reçues et qui se faisaient aussitôt reconnaître s’accoutumèrent sans aucun effort à trouver leur forme favorite et leur satisfaction dans les exercices graves qui remplissaient la vie d’un jeune ecclésiastique et d’un jeune docteur, thèses, controverses, prédications, conférences ; il y mettait tout le sens et toute la doctrine, il y trouvait toute sa fleur. […] même quand il composait les oraisons funèbres « où il entre beaucoup de narratifs à quoi il n’y a rien à changer », ou des discours de doctrine dans lesquels l’exposition du dogme doit être nette et précise, il écrivait tout, nous dit Le Dieu, sur un papier à deux colonnes, avec plusieurs expressions différentes des grands mouvements, mises l’une à côté de l’autre, dont il se réservait le choix dans la chaleur de la prononciation, pour se conserver, disait-il, la liberté de l’action en s’abandonnant à son mouvement sur ses auditeurs et tournant à leur profit les applaudissements mêmes qu’il en recevait.
Tant que d’autres esprits puissants et vigoureux, mais déjà en partie formés, imbus d’une forte éducation antérieure, nourris de la tradition et de la moelle des siècles passés, avaient pris du cartésianisme avec sobriété, à petites doses, en le combinant avec les autres éléments reçus, on n’avait eu que de ces résultats moyens, agréables, sans paradoxe, sans scandale, tels qu’on les rencontre chez Arnauld, chez Bossuet, chez Despréaux, chez La Bruyère ; mais quand le cartésianisme, je veux dire la méthode cartésienne, toute autorité étant mise de côté, présida dès l’origne à la formation et à la direction entière d’un esprit, on fut étonné du chemin qu’elle faisait faire en peu de temps sur toutes les routes. […] Cette similitude du Français et de l’enfant, qui ne se bornait pas à un simple aperçu comme en ont les gens d’esprit, mais qui était l’idée favorite de l’abbé, revient continuellement dans ces notes de Rousseau : « Il était mal reçu des ministres et, sans vouloir s’apercevoir de leur mauvais accueil, il allait toujours à ses fins ; c’est alors surtout qu’il avait besoin de se souvenir qu’il parlait à des enfants très fiers de jouer avec de grandes poupées. » — « En s’adressant aux princes, il ne devait pas ignorer qu’il parlait à des enfants beaucoup plus enfants que les autres, et il ne laissait pas de leur parler raison, comme à des sages. » Rousseau, à qui tant de gens feront la leçon pour sa politique trop logique et ses théories toutes rationnelles, sent très bien le défaut de l’abbé de Saint-Pierre et insiste sur la plus frappante de ses inconséquences : « Les hommes, disait l’abbé, sont comme des enfants ; il faut leur répéter cent fois la même chose pour qu’ils la retiennent. » — « Mais, remarquait Rousseau, un enfant à qui on dit la même chose deux fois, bâille la seconde et n’écoute plus si on ne l’y force. […] C’est lui qui, un jour qu’un homme en place, excédé de son procédé, lui en faisait sentir l’inconvenance, répondait sans s’émouvoir ; « Je sais bien, monsieur, que je suis, moi, un homme fort ridicule ; mais ce que je vous dis ne laisse pas d’être fort sensé, et, si vous étiez jamais obligé d’y répondre sérieusement, soyez sûr que vous joueriez un personnage plus ridicule encore que le mien. » C’est lui qui, s’apercevant un jour qu’il était de trop dans un cercle peu sérieux, ne se gêna pas pour dire : « Je sens que je vous ennuie, et j’en suis bien fâché ; mais moi, je m’amuse fort à vous entendre, et je vous prie de trouver bon que je reste. » Tout cela est bien de l’homme dépeint par La Bruyère dans son portrait chargé, mais reconnaissable, de celui même que le cardinal de Fleury, à son point de vue de Versailles, appellera un politique triste et désastreux ; malencontreux, du moins, et intempestif, qui avait reçu le don du contretemps comme d’autres celui de l’à-propos, et qui, lorsqu’il se doutait du léger inconvénient, prenait tout naturellement son parti de déplaire, pourvu qu’il allât à ses fins.
Né le dernier de la famille, douze ans après les autres, après une sœur qui l’assista dans sa jeunesse, qui lui fut comme une seconde mère, qui ne voulut jamais le quitter, et qu’il a eu tout récemment le malheur de perdre pendant ce pèlerinage scientifique en Orient où elle l’accompagnait encore, il reçut et il a nourri en lui, sans les dissiper, les affections et les vertus domestiques. […] Renan avait reçu notamment une très vile impression des idées et des vues de Herder ; cette espèce de christianisme ou de fonds religieux supérieur, qui admet toutes les recherches, toutes les conséquences de la critique et de l’examen, et qui, avec cela, laisse subsister le respect, même l’enthousiasme ; qui le conserve et le sauve en le transférant en quelque sorte du dogme à l’histoire, à la production complexe et vivante, le rasséréna et le tranquillisa beaucoup ; il sentait que, s’il eût vécu en Allemagne, il eût pu trouver des stations propices à une étude indépendante et respectueuse, sans devoir rompre absolument avec des choses ou des noms vénérables, et à l’aide d’une sorte de confusion heureuse de la poésie avec la religion du passé. […] Livré à lui-même désormais, il dut essayer d’une autre carrière ; l’Université le tenta : il sefit recevoir agrégé de philosophie vers 1848.
Il était de ceux qui trouvent qu’il est encore plus doux de donner que de recevoir. […] Le peuple avait reçu de la Constitution de 91 la mission de constituer l’administration et les tribunaux : Frochot fut élu juge de paix. […] Ils arrêtèrent le duc de Rovigo et le baron Pasquier : le général Hulin reçut un coup de feu dans la figure ; mais, en arrivant à la préfecture de la Seine, les choses se passèrent plus simplement.
La philosophie, c’est-à-dire, la connaissance des causes et de leurs effets, porte l’admiration des penseurs sur l’ensemble du grand ouvrage de la création ; mais chaque fait particulier reçoit une explication simple. […] Les poètes grecs en général mettaient peu de combinaison dans leurs écrits ; la chaleur du climat, la vivacité de leur imagination, les louanges continuelles qu’ils recevaient, tout conspirait à leur donner une sorte de délire poétique qui leur inspirait la parole, comme les compositeurs italiens trouvent les airs en modifiant eux-mêmes leur organisation par des accords enivrants. […] L’imprimerie, si favorable aux progrès, à la diffusion des lumières, nuit à l’effet de la poésie ; on l’étudie, on l’analyse, tandis que les Grecs la chantaient, et n’en recevaient l’impression qu’au milieu des fêtes, de la musique, et de cette ivresse que les hommes réunis éprouvent les uns par les autres.
On connaît les vers fameux de Charles IX à Ronsard : Tous deux également nous portons des couronnes : Mais, roi, je la reçus : poète, tu la donnes… Ces vers apocryphes ont leur vérité. […] Au moins Ronsard ne veut-il pas que ces composés soient « prodigieux », mais, comme tous « vocables » nouveaux, « moulés et façonnés sur un patron déjà reçu du peuple ». […] Et du coup la sincérité de la poésie reçoit une grave atteinte.