/ 2851
860. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

La Mennais en 1814 commence à donner son avis par lettres sur les choses publiques, et pour débuter, il trouve que tout va au plus mal. […] Nous entrons dans la série des aveux pénibles dont le public n’avait eu jusqu’ici que l’indice et le soupçon, et qui, dans tous les cas, n’émanaient point de l’intéressé lui-même. […] J’ai indiqué ce qu’il y a de plus curieux et de tout à fait neuf dans les volumes publics par M.  […] Il se cabrait en dedans ; il n’avançait qu’à son corps défendant et par manière de corvée dans cette carrière où, du dehors et pour le public, il avait l’air d’être lancé à plein collier et de vouloir distancer tous les autres : « (27 décembre 1817)… Je ne saurais prendre sur moi de travailler à mon deuxième volume. […] En définitive, le public y retrouve à peu près son compte. — Je ne finirai point sans citer de La Mennais une belle pensée admirablement exprimée ; car je n’ai en tout ceci aucun but de sévérité ni d’indulgence ; je ne tiens qu’à montrer l’homme d’après nature, et je voudrais avoir le temps d’extraire tout ce que j’ai noté de remarquable.

861. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Faire remarquer que le texte des éditions des Pensées n’était point parfaitement conforme au texte original, que les premiers éditeurs avaient souvent éclairci et affaibli, que les éditeurs suivants n’avaient rien fait pour réparer ces inexactitudes premières, dont quelques-unes n’étaient pourtant pas des infidélités, appeler l’attention des hommes du métier sur ces divers points, les mettre à nu par des échantillons bien choisis, et indiquer les moyens d’y pourvoir, il n’y avait rien là, ce semble, qui pût passionner le public et le saisir d’une question avant tout philologique. […] Des adeptes, le goût a passé au public, à un certain public ; nous sommes entrés dans une veine d’éditions : on compare, on revise, on retrouve la bonne leçon : qu’un peu d’inédit s’y mêle, on n’y tient plus, et on est tenté de s’écrier : Sublimi feriam sidera vertice. […] De ce monceau de petites notes inachevées, il s’agissait donc de tirer, de sauver, comme d’un naufrage, quelque chose qui donnât au public une idée de ses dernières méditations. […] Ces mots-là n’auraient point paru en public, et la pensée se serait vêtue avec plus de convenance à la fois et de vérité, en parfaite harmonie avec le sujet.

862. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Ce que Diderot avait cru jeter aux vents est venu, dans ces dernières années, par un retour des choses, témoigner en faveur de l’homme contre ses écrits publics, et montrer, ce qui n’est pas le seul exemple au dix-huitième siècle, un auteur qui vaut mieux que ses ouvrages. […] L’histoire de l’esprit humain n’offre pas une époque où la contradiction ait été plus complète entre les professions de foi publiques et les conduites, entre les écrits et la vie, entre le rôle et l’homme. […] Il en adopte le paradoxe que la nature fait l’homme bon et que l’éducation le déprave, et il imagine, lui aussi, un plan d’éducation publique pour conserver à l’homme sa bonté native. […] Il est vrai qu’il y ramenait le public par l’imagination plutôt que par la science ; mais ce moyen n’était pas le plus mauvais, surtout dans notre pays, où la raison même, avant de prendre pied, a besoin de s’introduire comme une mode. […] C’est encore par l’imagination qu’il ramenait le public au dix-septième siècle.

863. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Quand le chemin du paradis commence à être le chemin des honneurs terrestres, quand Bossuet et Bourdaloue sont dans tout l’éclat de leur puissance, quand le roi Louis XIV prépare la révocation de l’Édit de Nantes, quand les controverses religieuses entre protestants et catholiques, entre jansénistes et jésuites passionnent le public autant que les querelles politiques et sociales le font de nos jours, quel sera le vice régnant ? […] Il advient même qu’à force de répudier tout souci de la morale certains auteurs se plaisent à la heurter dans leurs ouvrages ; qu’ils prennent un goût dépravé pour les pourritures élégantes, pour les paradoxes effarouchants, pour les crudités répugnantes ; et alors, dénoncés par les moralistes comme des corrupteurs de parti pris et des malfaiteurs publics, ils compromettent et avilissent avec eux la littérature. […] Ces effets dépendent de deux choses : de la nature de l’œuvre, de la nature du public. Or, œuvre et public sont tous deux des ensembles complexes qu’il faut décomposer. […] Tel discours politique a renouvelé ces miracles de l’éloquence ; telle proclamation affichée, en un jour de crise et de danger public, a mis en fermentation tout un peuple.

864. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

« Nous sommes de tous vos Sujets, disoit à l'Empereur Antonin un Apologiste du Christianisme, ceux qui vous aidons le plus à maintenir la tranquillité publique, en enseignant aux Hommes que nul d’entre eux, soit méchant, soit vertueux, ne peut se dérober aux regards de Dieu, & que tous iront recevoir, après leur mort, la récompense ou la punition de leurs œuvres les plus secretes. […] Par elle, les désirs coupables sont étouffés, & les sentimens sont réglés sur l’utilité publique & particuliere. […] Il faut bien compter sur l'indulgence ou la crédulité publique, pour hasarder de pareilles imputations. […] Nous sommes bien éloignés de vouloir avilir nos Contemporains : mais quelle comparaison entre ces temps de grandeur & d'élévation, de franchise & de bonne foi, où la soumission religieuse contenoit les esprits, fixoit les sentimens, régloit les mœurs, & ce temps de vertige où tout paroît permis, où l'on n'est retenu par aucun frein, où l'on craint plus de manquer aux bienséances qu'à la vertu, où les rangs décident la Justice, où l'intérêt public est continuellement sacrifié à l'intérêt particulier ? […] Ces Enfans, que les soins paternels pourroient à peine défendre contre les dangers d'un âge si tendre, sont remis sans précautions, & dans toutes les saisons, à des Voituriers publics, distraits par d'autres intérêts ; de maniere que ces malheureuses victimes de l'insensibilité de leurs parens, souffrent tellement d'un pareil transport, que près de neuf dixiemes périssent avant l'âge de trois mois.

865. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Car sur de telles choses, il faut qu’il compte avec les préjugés du public, les préventions des savants, pour lesquels il n’est que le peintre des Débardeurs. […] Ce sont ces fontaines de vin des fêtes publiques, une distribution de métaphores au peuple. […] Il y a un certain rire du public à ce qui est vulgaire, bas et bête, qui nous dégoûte. […] Et nous les voyons, ces braves, risquer leurs os dans les airs pour attraper quelques bravos, nous les voyons avec je ne sais quoi de férocement curieux en même temps que de sympathiquement apitoyé, — comme si ces gens étaient de notre race, et que tous, bobêches, historiens, philosophes, pantins et poètes, nous sautions héroïquement pour cet imbécile de public… Au fait, quelqu’un a-t-il jamais vu une femme faire le saut périlleux, et la grande supériorité de l’homme serait-elle en cette seule et unique chose ? […] » quand le public rappelle les acteurs et crie : « Tous, tous, tous ! 

866. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

» Pour ma part, je ne connais aucune nécessité qui autorise à jeter dans le public des germes de désordre moral. […] Plus tard, les malheurs publics l’avaient atteinte. […] Lamartine eut seul la puissance de remuer profondément ce public rebelle, et bientôt après la France et l’Europe entière. […] Jusque-là désœuvrée et solitaire, elle devient active et mêlée au mouvement des affaires publiques. […] Plus tard encore, quand il quitte la vie publique, il puise dans de cruelles nécessités d’existence un nouveau principe d’activité.

867. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Le public ne connaît guère les dessous compliqués et les origines lointaines de ce merveilleux esprit. […] Il est malaisé de parler en public de ces choses. […] Le veau d’or ne les indigne plus, quand le public a le dos tourné. […] Mais on répète en public que l’éternelle succession des naissances et des morts n’est qu’une vaine apparence. […] La reconnaissance publique honorait ceux qui apportent au monde, disgracieux et discordant, un peu de musique et de beauté.

868. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

— À peu près le contraire de ce que le public veut qu’il soit. […] » pour taquiner le public et animer la séance. […] Non seulement la cérémonie était publique, mais elle était tout à fait brillante et fastueuse. […] Est-ce habitude de « déblayer » pour des publics qui ne savent point le français ? […] Mais non, je la flatte : car, toute-puissante par un côté, la pauvre impératrice a un maître : le public.

869. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Notre forme de gouvernement n’en permettait pas le développement, comme l’a fait justement remarquer Fénelon ; aussi nulle tradition ne put s’établir ; et les rares discours que l’on a recueillis, dans les temps où la faiblesse du pouvoir royal, sous les deux régences, permit la libre et publique discussion des affaires publiques, sont des accidents sans conséquence, des œuvres isolées et sans lien, où l’on n’aperçoit pas un art de la parole. […] La religion a été, dans la société du xviie  siècle, la source vive de la parole publique ; et, comme le faisait très bien remarquer M.  […] Il n’est pas besoin de passer sa vie en prières, en jeunes, en sanctifications extraordinaires : remplir le devoir de son emploi sans amour-propre, pour le bien public et le service de Dieu, dispense de chercher des raffinements de dévotion, et suffit à faire une bonne et chrétienne vie. […] Il avait affaire à un public épris de raison et de clarté, qui voulait des idées, un exercice de l’intelligence, et qui avait du reste peu de besoins sentimentaux ou esthétiques. […] Recueil choisi des harangues, remonstrances, panégyriques, plaidoyers, et autres actions publiques les plus curieuses de ce temps, Paris, G. de Luynes, in-4, 1651.

870. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Le grand public français, qui, depuis long temps, admire l’œuvre du Maître, est, enfin, parvenu à la comprendre. […] À Bruxelles, devant le public belge et les Parisiens venus en grand nombre5, les Maîtres Chanteurs ont triomphé, aussi. […] Pendant que l’esprit de parti, l’ignorance ou l’envie de nuire armerait la meute aboyante, le public n’en ressentirait pas moins qu’un tel essai n’est pas une œuvre méprisable. […] Mais, à l’improviste, retentit le cornet à bouquin de l’honnête gardien de la paix publique. […] Hans de Wolzogen sur le Public idéal selon R.

871. (1898) La cité antique

Le culte n’en était pas public. […] L’expropriation pour cause d’utilité publique était inconnue chez les anciens. […] Ce prêtre du foyer public portait le nom de roi. […] À sa fortuneest attachée la fortune publique ; il est comme le génie tutélaire de la cité. […] Il était presque impossible que l’intérêt privé fût en désaccord avec l’intérêt public.

872. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

La voix publique m’apprend que vous n’aimez point les éloges. […] L’attention publique était grandement éveillée par les fragments donnés au Mercure, puis, en dernier lieu, par Atala. […] Dans ses vers, si les griefs exprimés contre Bonaparte restèrent secrets, les éloges, prodigués tout à côté, ne devinrent pas publics. […] Insensiblement on parlait des choses publiques. […] Mais sa poésie craignait le public et la vitre des libraires plus encore que celle du brillant descriptif ne les cherchait.

873. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Communion de tous les peuples, fêtes publiques. […] Il parut devoir mener à bien tout ce qui répondait au sentiment public. […] Le plus difficile de tous est celui dont la vie a été l’objet de l’émotion et de la curiosité publique. […] Au fait, qu’est-ce donc que ce public qui s’établit juge de nos actions ? […] Barbey d’Aurevilly, qui va certes obtenir un grand retentissement auprès des lettrés et du public.

874. (1900) Molière pp. -283

Cette salle s’intitulait l’Athénée, et le public descendu dans cette cave tapissée de velours rouge venait assister à un tournoi oratoire. […] Tous deux adressèrent un appel aux personnalités de grand renom et de grand talent, et firent de la presse et du public leurs complices. […] C’est sur cette scène petite et pimpante, c’est devant ce public choisi que ces jeunes orateurs presque tous professeurs, ces écrivains connus déjà du public, à la veille de devenir célèbres, vinrent successivement parler au lieu d’écrire, les uns avec autorité et conviction, tous avec une franchise courtoise, et souvent avec une profondeur hardie et spirituelle. Le public suivait avec un vif plaisir et un réel intérêt ces jeunes savants dont la parole était si sûre, si élégante et parfois si indépendante. […] Eh bien, le public était froissé et révolté.

875. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Nous autres grands auteurs sommes trop riches pour craindre de rien perdre de nos productions… » Notons bien tout ceci : Mme de Sablé dévote, qui, depuis des années, a pris un logement au faubourg Saint-Jacques, rue de la Bourbe, dans les bâtiments de Port-Roval de Paris ; Mme de Sablé, tout occupée, en ce temps-là même, des persécutions qu’on fait subir à ses amis les religieuses et les solitaires, n’est pas moins très présente aux soins du monde, aux affaires du bel esprit ; ces Maximes, qu’elle a connues d’avance, qu’elle a fait copier, qu’elle a prêtées sous main à une quantité de personnes et avec toutes sortes de mystères, sur lesquelles elle a ramassé pour l’auteur les divers jugements de la société, elle va les aider dans un journal devant le public, et elle en travaille le succès. Et d’autre part, M. de La Rochefoucauld, qui craint sur toutes choses de faire l’auteur, qui laisse dire de lui dans le discours en tête de son livre, « qu’il n’aurait pas moins de chagrin de savoir que ses Maximes sont devenues publiques, qu’il en eut lorsque les Mémoires qu’on lui attribue furent imprimés » ; M. de La Rochefoucauld, qui a tant médit de l’homme, va revoir lui-même son éloge pour un journal ; il va ôter juste ce qui lui en déplaît.

876. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Molé entra alors, avec tant de bons citoyens, dans cette politique que je ne croirai pas diminuer en l’appelant une politique de sauvetage ; il rendit des services, donna de bons conseils au jour le jour, et couronna dignement sa carrière publique. […] Je regretterai toujours, tout en respectant profondément les convictions personnelles de chacun de mes confrères, et en sachant très bien que l’Académie est et doit être un terrain neutre, que, dans ces cérémonies publiques, l’orateur, en restant lui-même, ne parvienne pas à se dégager assez des engagements de société (plus encore que de parti), pour avoir un mot de justice, je ne veux pas dire de reconnaissance, pour le pouvoir tutélaire qui sait d’ailleurs très bien s’en passer.

877. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Être vertueux pour être récompensé et surtout pour être préconisé en public, c’est drôle. […] Le côté habile, les procédés de direction et d’exploitation d’esprit public, le chef de parti et l’homme d’affaires dans Voltaire y sont très-bien démêlés, assure-t-on, autant qu’on en peut juger par des fragments de lecture.

878. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Espérons que l’esprit public et patriotique en France en recevra une heureuse influence. […] Il devient très-évident que le public français revient plus que jamais aux Grecs et aux Romains, dont on l’avait vu si dégoûté il y a quelques années.

879. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

le public, souvent épars en d’oisives villégiatures, le public, désarticulé par la bicyclette et tiraillé par la passion du kodak ou du vérascope, ne peut plus déguster le nectar idéal qu’à petites gorgées. […] On ne le voyait presque jamais en public. […] Partout, le public est convié à des expositions sensationnelles. […] Le fils de Philippe-Égalité, tenu soigneusement à l’écart des affaires publiques, vivait en marge de la cour. […] Legouvé, et, pour toutes ces causes, vrai bienfaiteur public, M. 

880. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Le public, goguenard, écoutait ces diatribes. […] Il a arrangé toutes choses en vue de l’effet et pour le plus grand plaisir du public. […] Le public frivole y puisait un arrière-goût de libertinage qui l’émoustillait. […] Masson-Forestier s’est imposé à l’attention publique par ses qualités personnelles. […] Je crois que le public partage ma préférence… Mais c’est là une affaire de tempérament.

881. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

On dirait que c’est pour lui qu’il écrit plus que pour le public. […] L’action est presque toute de rue et de place publique. […] Mais, à cause de cela même, je doute qu’elle soit jamais parfaitement aimée du public. […] Sardou, contre la Comédie française et contre le public ? […] Il faut que mon public opte pour la vertu avec allégresse.

882. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Les tortures infligées au souffre-douleur des écoles publiques sont une confirmation de ce fait. […] Ils construisent leurs maisons en pierres ; leurs édifices publics et privés sont également massifs et durables. Ceux qui comparent leurs vaisseaux, leurs maisons, leurs édifices publics avec nos vaisseaux, nos édifices publics d’Amérique, disent communément qu’ils dépensent une livre sterling là où nous dépensons un dollar. […] C’est un gentilhomme qui est introduit auprès du public français par des gentilshommes. […] C’est l’œuvre de l’histrion que vous continuez à montrer au public, et non celle du poète et du sage.

883. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

La série des volumes que nous allons publier se composera d’œuvres qui seront nouvelles pour la presque totalité du public. […] Nous en avons grand-peur, et déjà pour l’Histoire du Romantisme que nous donnons aujourd’hui au public, nous y sommes forcé. […] Nous épargnerons au public l’esthétique et la critique des menus détails d’exécution. […] Le public a fait comme don Carlos, il a pardonné au rebelle et lui a rendu tous ses titres. […] Les années se sont écoulées, et l’éducation du public s’est faite insensiblement ; ce qui le révoltait naguère lui semble tout simple.

884. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Pour qui l’a connu, ce sacrifice mesure le degré de son dévouement à la chose publique. […] Charles Maurras a fortement marqué combien cette indépendance-là est déjà limitée, puisque le succès suppose toujours un accord du public avec l’auteur, et il arrive trop souvent que cet accord se fait non point, par une élévation de ce public jusqu’à cet auteur, mais par une adaptation trop docile de cet auteur à son public. […] Expliquerez-vous la Terreur autrement que par une secousse analogue dans la mentalité publique ? […] Ne dites pas qu’il ressortit uniquement aux pouvoirs publics. […] La force publique les défend.

885. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Jamais il n’est avec lui-même, il est toujours sur la place publique voulant étonner les passants. […] La moralité publique souffre d’un tel état de choses. […] Cependant le tumulte du public, qui sortait pendant un entracte, le rappela à la réalité. […] Dans l’esprit de Stendhal, il y avait beaucoup affaire à lui personnelle à propos du public.) […] » et le public a failli prendre au sérieux Chenavard.

886. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Cela eut un grand succès auprès de cette partie du public qui voulait croire au Dieu auteur et conservateur des choses, mais attaquait l’abus du nom divin. […] Lainé au-dessus de tous les hommes politiques que je connus dans les différentes phases de ma longue carrière publique. […] Aucune utopie de Bernardin de Saint-Pierre ou d’Aimé Martin ne pouvait égaler cette probité de vie publique. […] Il m’aimait comme un homme de même nature, je le vénérais comme un modèle d’homme public et d’homme privé ; enfin il mourut. […] Il s’agit seulement de décider si, pour quelques ménagements particuliers, vous rejetterez de mon rapport sur la morale, dans une séance publique, l’idée d’un Être suprême rémunérateur et vengeur.

887. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Le zèle de ce ministre était incomparable, tant pour le bien public que pour celui de son maître. […] Si ce que je rapporte n’était d’une notoriété publique en Perse, je ne l’aurais jamais pu croire, parce que les sérails sont des lieux si sacrés pour les Persans, particulièrement celui du roi, que c’est une impudence punissable de tourner seulement les yeux vers la porte. […] Lorsque ce grand roi vint établir sa cour à Ispahan, et qu’il conçut le dessein de rendre cette ville aussi magnifique qu’elle l’est devenue, il engageait non-seulement tous les grands seigneurs, mais encore tous les particuliers qu’il savait être gens riches, à construire quelque édifice public pour l’ornement et pour la commodité de la ville. […] Au devant, à cinq ou six pas du portail, sont deux grandes salles, en l’une desquelles le président du Divan administre la justice, et expédie les requêtes présentées au roi ; et dans l’autre, le grand maître d’hôtel, qu’on appelle, en Perse, chef des maîtres de la porte, tient son bureau public. […] Tous les chrétiens furent donc mis hors de la ville, à la réserve des missionnaires et des gens des Compagnies d’Europe, qui étant, en quelque façon, personnes publiques, sont sous la protection immédiate du roi.

888. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Je savais bien, aussi bien, un peu mieux que tout le monde, parce que j’avais plus lu et mieux compris l’histoire des révolutions, qu’il y aurait, de toute nécessité, une journée de sédition dans Paris quelques semaines après que nous y aurions réinstallé la souveraineté de la nation dans la représentation nationale, symbole de droit, d’ordre et de souveraineté ; que les factions anarchiques latentes ou publiques, contenues par nous jusque-là d’une main souple et ferme à la fois, s’efforceraient de disputer la place à cette souveraineté régulière de la représentation de la France, rentrée à Paris pour tout ressaisir et tout dominer par sa présence. […] Ceux-là même, parmi les membres du gouvernement les plus démocrates, que l’ignorance publique a accusés de connivence perfide avec l’insurrection étaient, au fond, les plus impatients et les plus actifs dans la préparation des mesures militaires destinées à écraser cette sédition. […] Il ne s’en fia pas même à ces forces : il sonna le tocsin du salut public, et il appela au secours de la capitale tous les volontaires de l’ordre répondant à son appel dans les départements. […] XIX « Enfin le meurtre du roi, comme mesure de salut public, était-il nécessaire ? […] Le sentiment public, une fois ému d’une iniquité, ne se repose que quand il s’est, pour ainsi dire absous par quelque réparation éclatante et inattendue.

889. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

C’est au théâtre que se forme l’âme publique. […] C’est là que la fourmilière du Pirée vient se faire Athènes ; c’est là que la multitude devient le public, en attendant que le public devienne le peuple. […] Les porte-voix des acteurs se tirent comme ils peuvent de ce brouhaha, percé de temps en temps par le cri aigre des vendeuses publiques de phallus et : des marchandes d’eau. […] Eschyle, vivant, fut une sorte de cible publique à toutes les haines. […] Shakespeare, avec cette obscure et chétive édition attendant en vain le public, était une sorte de pauvre honteux de la gloire.

890. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Les Pensées de Pascal, recueillies et mises en ordre par ses amis, étaient pour la première fois livrées au public, et ravivaient ce souvenir des Provinciales, qui était la blessure toujours saignante de la Société de Jésus. […] En parlant ainsi, on omet et l’on oublie cette longue et continuelle réfutation qu’en fit Bourdaloue dans sa prédication publique ; il n’y manque bien souvent que les noms propres ; mais, les contemporains étant très au fait de ces questions et les agitant en sens divers avec beaucoup de vivacité, les noms se mettaient d’eux-mêmes. […] Lui, Bourdaloue, il était le contraire, et, malgré sa fonction publique et sa surcharge continuelle, il se donnait tout à tous. […] Dans les dernières années de sa vie, et à deux reprises, il écrivit à ses supérieurs pour être déchargé par eux de ce ministère de la parole publique dont il commençait à sentir le poids, et pour obtenir de prendre enfin une retraite dont la nature en lui éprouvait le besoin : Il y a cinquante-deux ans que je vis dans la compagnie, non pour moi, mais pour les autres ; du moins plus pour les autres que pour moi.

891. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Il faut entendre cette jolie petite personne, cette jolie chose, avec sa mignonne figure de cire, s’animer, parler des choses publiques, de la littérature, des auteurs, de Rousseau, de Voltaire, de l’impératrice Catherine, les remettre à leur place, causer, disserter (car elle disserte quand elle se sent à l’aise, là est peut-être un léger défaut) ; il faut l’entendre en ces moments se révolter, s’indigner, jeter feu et flamme : elle n’a plus d’hésitation alors ni de timidité ; elle dit tout ce qu’elle pense, tout ce qu’elle a sur le cœur ; c’est la réflexion qui déborde comme une passion contenue. […] Et les gouvernements sont également fondés sur les mœurs et sur les lois ; détruisez les uns ou les autres, et vous renverserez l’édifice… L’emploi de l’esprit aux dépens de l’ordre public est une des plus grandes scélératesses, parce que de sa nature elle est ou la plus impunissable ou la plus impunie ; et de toutes la plus dangereuse, parce que le mal qu’elle produit s’étend et se promulgue par la peine même infligée au coupable, et des siècles après lui. […] En voyant ces témoignages de l’estime et de la faveur publique, le cœur de la duchesse se remplit d’un sentiment d’orgueil, de satisfaction, d’ivresse conjugale ; elle déborde, elle est comblée et fière ; elle proclame cet exil heureux, et, du moins pour son compte, elle n’en voudrait rien rabattre ; l’exercice même du pouvoir lui paraîtrait moins enviable et moins doux. […] écrit-elle ; le roi ne frappe pas à deux fois… La terreur a gagné nos amis au point qu’il y en a qui craignent que l’intérêt public même n’aigrisse contre nous.

892. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Pie VII, de douce et bénigne figure, ne compromettait point la cause romaine en paraissant au milieu de nous ; Rome eût gagné à n’être que lui seul, et ce mot du Pontife à un jeune homme qui, dans une rue de Paris, se dérobait par la fuite à sa bénédiction, est le mot de la situation même : « Jeune homme, la bénédiction d’un vieillard ne fait jamais de mal. » C’était l’impression la plus générale de la France à ce moment ; on était dans une période de sentiment, de pitié et de justice, en même temps qu’à une ère recommençante de grande politique, et la politique véritable consistait précisément à respecter et à reconnaître toutes ces dispositions publiques, à se donner faveur et force en y satisfaisant. […] Que ceux qui en furent témoins disent si j’exagère : dans l’Université, la suppression des hautes écoles, le silence des hautes chaires, l’expulsion complète, méthodique, non-seulement de tous les maîtres jeunes, ardents, enthousiastes, mais même des modérés et des prudents, s’ils refusaient de donner des gages au parti dirigeant ; et ces gages étaient des actes indignes d’hommes sincères qui se respectent ; c’étaient des affectations publiques de sentiments et de convictions qu’on n’avait pas, c’était un patelinage de monarchisme et de dévotion : tous ceux qui résistaient aux insinuations qui leur étaient faites furent éliminés. […] La concurrence parut surtout inégale, lorsque l’instruction publique officielle, aux mains d’un des hommes les plus habiles du parti93, reçut la même impulsion religieuse. […] On rend aux familles des jeunes gens aussi bien élevés en apparence et mieux conservés : il ne s’y laisse à désirer qu’un certain souffle mâle que l’éducation publique développe et qui manque trop souvent à cette jeunesse fleurie.

893. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

C’était Bosc, le fidèle ami de Mme Roland, qui se hâtait de donner cette première édition, accueillie avidement par le sentiment public. […] Toute altération d’un manuscrit de Mémoires, quelle que soit l’intention qui l’a inspirée, lorsqu’elle modifie la donnée fournie par l’auteur, la base de l’étude du moi humain, nous paraît un abus de confiance soit envers le mort qui ne peut protester, soit envers le public qui se trouve abusé. […] À la fin des Mémoires particuliers qui traitent de son enfance et de sa jeunesse, antérieurement à la vie publique, Mme Roland, dans une apostrophe ardente, s’écriait : Nature, ouvre ton sein ! […] 4° La plupart des additions et des rectifications de texte, dans l’édition présente, portent sur la passion secrète que nourrissait Mme Roland, et qui avait pour objet Buzot : elle n’en avait pas fait mystère à son mari ; elle ne crut pas non plus devoir la dissimuler par-devant le public et la postérité.

894. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Bathery, nous le déroule dans toutes ses boutades et ses rêveries, relevées d’amour du bien public et assaisonnées de bon sens. […] Il nous la montre « aimable dans ses reparties, ingénieuse dans le détail de ses réponses et de ses propos ; ayant le cœur droit, excellent », très aimée, populaire même ; digne fille d’un vertueux père « qui avait répandu en elle toute la bonté et la candeur d’un monarque honnête homme ; ennemie de la dépense, souffrant des tourments réels et des supplices quand elle apprenait quelque calamité publique » ; une vraie mère des Français ; adoptant et admirant tout des grandeurs de la nation ; ne se considérant d’ailleurs que comme la première sujette de son époux : « Véridique avec le cardinal Fleury, hardie même auprès de lui plutôt que fausse, elle sortait, mais rarement, de cet état d’indifférence où elle s’était mise, et lui reprochait avec esprit et doucement les petites tracasseries qu’il lui faisait auprès du roi ; elle souriait un peu malignement, le déconcertait quelquefois et prenait alors le ton de reine de France ; elle lui disait que c’était à lui qu’elle était redevable d’une telle parole du roi. […] Quand je dis qu’importe, j’ai tort : la conduite du roi avec la reine, sa manière d’être en public avec elle, dépendait beaucoup des impressions qu’on lui donnait journellement ; rien n’était plus facile que de l’indisposer. […] Elle ne dînait qu’en public et le plus souvent seule.

895. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

La nation avait bien autre chose à quoi penser, et l’attention publique était ailleurs. […] Le jeudi il y eut un peu de bruit au Mont-de-Piété, parce que l’on avait mis dans les papiers publics que la reine avait dit qu’elle payerait tout ce qui serait au-dessous d’un louis : c’était l’affaire de trois millions. […] Il y a jeu dimanche, mardi et jeudi ; dîners en public dimanche et jeudi, et peut-être grand couvert dimanche. […] Ce qui la caractérise à jamais durant ce long supplice qui date du 6 octobre, c’était le motif qui l’inspirait, la source élevée de ses sentiments, la conscience de ce qu’elle était et de ce que la nature l’avait faite, le dévouement à ses devoirs de royale épouse et de mère, un courage de chaque heure, une constance qui ne se démentit en public à aucun moment, non plus que son air de dignité et de grâce.

896. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

A quoi bon de grands poëmes ordonnés et liés, là où il n’y a pas de public qui les demande, ni qui puisse les apprécier par cet aspect ? […] Il résultait de là, selon Wolf, que les poëmes d’Homère, tels qu’ils existaient d’abord à l’état homérique primitif, étaient et devaient être tout ce qu’il y a de plus différent des poëmes d’un Apollonius de Rhodes, d’un Virgile, d’un Milton, de tout autre poëte épique destiné à être lu ; qu’ils flottaient épars, comme des membres vivants, dans une atmosphère créatrice et imprégnée de germes de poésie ; mais que, tels que nous les avons et les lisons aujourd’hui, ils ne datent guère que de l’époque de Solon et surtout de Pisistrate, lorsque, le souffle général venant à cesser et l’écriture étant en usage, on sentit le besoin de recueillir cette richesse publique, cet héritage des temps légendaires, d’en faire en quelque sorte l’inventaire total et d’y mettre un ordre, un lien, avant qu’ils eussent couru les chances de se perdre et de se dissiper. […] Des parties de l’Odyssée ont dû sans doute être récitées séparément, mais si l’on donne à un rhapsode plusieurs journées de suite, ou si l’on suppose (ce qui avait lieu dans les assemblées et les fêtes publiques) une suite de rhapsodes qui se succédaient et se relayaient pour la récitation, rien n’empêche de concevoir que, même sans écriture aucune, l’Odyssée ait pu se transmettre en entier, dans toute son intégrité, sauf peut-être tel épisode à tiroir et tel passage ou telle scène qui aura pu s’y glisser après coup : mais l’agrégation première, la cristallisation, pour ainsi dire, du poëme doit dater de la période légendaire, de l’époque créatrice et inspirée, de l’âge même des rhapsodes. […] L’intervention de Pisistrate présuppose, au contraire, un certain agrégat ancien et connu à l’avance, dont les principaux traits étaient familiers au public grec, bien que, dans la pratique, bon nombre de rhapsodes pussent s’en écarter souvent.

897. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Sa vie publique, fort bien digérée, fort judicieusement présentée par l’abbé Millot, et avec accompagnement de pièces originales, a rempli des volumes dits Mémoires de Noailles, qui se lisent avec instruction et ne sont pas sans intérêt. […] Dans la plupart des cas, en effet, avec les personnages connus, mais secondaires, de l’histoire, il faut se résigner à ignorer le fond, le secret des esprits et des cœurs, la valeur absolue des talents, la trempe des caractères : les actes publics sont là, on se règle de loin là-dessus, à peu près, et il est hasardeux de conjecturer au-delà. […] Le reste du Conseil est composé de gens les plus accrédités dans le public et dans le Conseil d’État, et pour la probité et pour le désintéressement. […] Anne-Paule-Dominique de Noailles, marquise de Montagu ; seconde édition ; 1 vol. in-18 (Dentu, Palais-Royal, et Douniol, rue de Tournon, 29). — Un fâcheux procès pourtant, qui a tout à coup initié le public à la composition de cette biographie, est venu non pas porter atteinte à l’authenticité de l’ensemble, mais faire suspecter la sincérité de quelques détails.

898. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Je garderai le secret que vous m’en demandez ; mais le tout est déjà public, et peut-être même plus enflé qu’il n’est, car vous savez qu’en ce pays l’on y va fort vite, soit d’une façon, soit d’une autre. […] Le maréchal de Noailles, dans un sentiment non de rivalité, mais d’intérêt public, croit devoir signaler au roi cette retraite précipitée, inexplicable, faite sans en avoir reçu l’ordre, comme la plus grande preuve du manque de concert et du peu de subordination qui compromet tout et tend à tout perdre. […] On aura remarqué comme il parle de toutes ces intrigues et cabales, moins en roi qu’il est et qui d’un seul mot peut tout réduire à néant, que comme un homme qui se croise les bras et n’est aux premières loges que pour regarder. — La vérité, sur ce point historique, c’est que la pénitence du maréchal de Broglie ne fut que bien peu de chose ; on peut dire qu’elle ne compta pas et ne fut prise au sérieux ni à la Cour ni dans une partie du public : on vient d’entendre Mme de Tencin ; Barbier, dans son Journal, dit positivement : « On croit que la disgrâce n’est qu’une feinte. » De là l’erreur de Frédéric, très excusable. […] Elle explique et justifie jusqu’à un certain point cette réputation de citoyen qu’il ambitionnait vers la fin, et que Louis XV lui-même lui accorde : « Ce n’est pas d’aujourd’hui que je connais vos bonnes qualités ; celle de citoyen est au-dessus de toutes. » Le mot était décidément en circulation depuis Vauban, et dans le sens de patriotisme, d’amour du bien public.

899. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Il se passera encore du temps avant que le public français ait de la considération pour l’histoire qui intéresse. » Le xviiie  siècle revu et repeint par eux prend un aspect tout neuf et bien vivant ; ils en adorent surtout les peintres. […] l’art, parce qu’il doit surtout satisfaire les artistes, c’est-à-dire les connaisseurs, doit-il donc se condamner ainsi à ne plaire qu’à eux, à eux seuls, à déplaire nécessairement aux bourgeois (ce mot va loin), à la moyenne du public, à l’ensemble d’une société, à nos semblables ? […] Michelet, qu’admirent MM. de Goncourt, et qui le leur rend, a très-bien dit dans son œuvre récente114 : « Cherchons le cœur du xviiie  siècle, il est double : Voltaire, Diderot. » Pour moi, je ne considérerai la moyenne des esprits comme tout à fait émancipée en France et la raison comme bien assise, même à Paris, que lorsque Voltaire aura sa statue, non pas dans le vestibule ou dans le foyer d’un théâtre, mais en pleine place publique, au soleil. […] Ce qu’elles réalisent, c’est le programme que le gros public des fidèles se fait de la Mère de Dieu.

900. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Cependant les succès réitérés auxquels était mêlé son nom avaient raccommodé dans Paris sa réputation, fort endommagée par les scandales publics des derniers Longchamps. […] On voit par là le respect que l’on doit aux discours de ville et du public : car que n’a-t-on pas dit contre lui, l’année dernière, et le tout à cause de Mlle Leduc, sa maîtresse ? Le public sera le sol de cette affaire, car quand un prince est brave et s’expose, lui qui pourrait s’en dispenser par sa qualité d’abbé de Saint-Germain-des-Prés, il lui est permis de faire ce qu’il veut à la ville, sans que de petits particuliers, qui auraient peur d’une fusée dans les rues, ou des femmes qui enragent de voir une fille dans une belle calèche, soient en droit d’y trouver à redire. » Bravo, monsieur Prudhomme ! […] Les Mémoires de Rochambeau (2 vol. in-8°) ont été publics en 1809 par Luce de Lancival ; mais ce professeur de rhétorique n’a pas mis une seule note à l’édition, n’a éclairci le texte sur aucun point et ne s’est inquiété en rien de le purger des inexactitudes, en ce qui est des noms propres, des titres attribués aux personnes, etc.

901. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il rendit témoignage de ce sentiment dès l’instant où il commença à se produire devant le public : c’était auprès de M. de Lamennais, au lendemain de 1830. […] Cette connaissance du siècle et de ses faiblesses lui ménage de faciles alliances avec l’imagination et le cœur de son jeune public. […] À peine établi dans cette chaire de Notre-Dame, il n’avait pas été sans se rendre compte de sa puissance d’action sur son public ; il avait senti qu’il était en voie d’opérer une œuvre, et, selon qu’il l’espérait, une œuvre bénie. […] Rentré de l’école ou du collège, il lui fallait porter le pain chez les clients, se tenir dans la chambre publique avec tous les siens, et subir dans ses oreilles et son esprit les inconvénients d’une perpétuelle distraction.

902. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Ce La Harpe du Lycée, dans les années 1786-87-88, et les services sans mélange qu’il rendit alors à la raison littéraire et à la culture publique, doivent être toujours présents à ceux qui le jugent, et arrêter les plaisanteries qu’il est trop aisé de répéter quand il s’agit de lui. […] Il justifiait ce joli mot de l’abbé de Boismont, son confrère à l’Académie : « Nous aimons tous infiniment M. de La Harpe notre confrère, mais on souffre en vérité de le voir arriver toujours l’oreille déchirée. » L’abbé Maury écrirait cette année même (9 décembre 1778), dans une lettre à Dureau de La Malle, la page suivante sur La Harpe ; elle en dit plus que toutes nos réflexions ; il est impossible de peindre d’une manière plus expressive le décri qui le poursuivait en ce moment, et l’injustice publique soulevée par de pures imprudences, mais dont il faillit demeurer victime : Il n’est pas vrai, écrit l’abbé Maury, qu’on ait ôté à La Harpe le Mercure ; il n’est plus chargé de la rédaction de ce journal, et on a réduit ses honoraires à mille écus, en bornant son travail à un article de littérature et à la partie des spectacles. […] Le déchaînement du public est tel, qu’il n’est plus permis à La Harpe d’avoir raison. […] Je ne lui connais plus, à présent, qu’un seul ennemi, c’est le public en corps qui se réunit en ce seul point, et qui ne veut ni écouter ses apologies ni lire ses ouvrages.

/ 2851