Jamais architectes, obligés de n’employer pour bâtir que les pavés de la grande route publique, n’ont si bien connu chacune de leurs pierres, ses dimensions, sa coupe, sa résistance, ses attaches possibles, sa place convenable Cela fait, il s’agit de construire avec le moins de peine et le plus de solidité qu’il se pourra, et la grammaire se réforme en même temps et dans le même sens que le dictionnaire. […] L’écrivain perd le droit de mettre en tête et en vedette l’objet ou le trait qui le frappe le plus vivement et d’abord : le cadre est fait, les places sont désignées d’avance. […] De cette façon, la phrase est un échafaudage gradué, où l’esprit place d’abord la substance, puis la qualité, puis les manières d’être de la qualité, comme un bon architecte qui pose en premier lieu le fondement, puis la bâtisse, puis les accessoires, par économie et par prudence, afin de préparer dans chaque morceau de son édifice un support pour le morceau qui suit. […] Il n’y a place dans cette langue que pour une portion de la vérité, portion exiguë, et que l’épuration croissante rend tous les jours plus exiguë encore.
Voici les circonstances de cet événement, telles qu’il les a rapportées lui-même : « Une jeune dame douée de grandes qualités personnelles et d’une extrême beauté mourut à Florence : comme elle avait été l’objet de l’amour et de l’admiration générale, elle fut universellement regrettée ; et cela n’était pas étonnant, puisque, indépendamment de sa beauté, ses manières étaient si engageantes, que chacun de ceux qui avaient eu occasion de la connaître se flattait d’avoir la première place dans son affection. […] Le peuple, au lieu de courir à la liberté, tua sur place deux des principaux conjurés qui croyaient s’armer pour la délivrance. […] Pazzi, dit-on, se flattait, après avoir abattu les Médicis, de prendre leur place à Florence. […] XV Julien entre sans ombrage ; il se place en avant de son frère ; l’office commence ; les prêtres sont à l’autel.
Voilà la plaie incurable de La Bruyère, la source secrète de son chagrin, de sa misanthropie, de ses colères contre les grands qui ne préviennent pas le talent, contre la société qui ne fait pas de place au mérite personnel. […] Un chapitre d’introduction, où l’auteur explique sa doctrine littéraire ; puis neuf chapitres de description des diverses classes de la société : le mérite personnel, d’abord, parce qu’il n’a pas de place marquée dans la hiérarchie ; puis le monde proprement dit, étudié dans ses principaux éléments et occupations, les femmes avec le cœur et la conversation ; les classes maintenant, gens de finance, bourgeois et robins, courtisans et grands ; enfin l’État, les ministres et le roi. […] L’action physique qui accompagne les paroles de Lise en fait vigoureusement ressortir le ridicule : Lise se moque ainsi « pendant qu’elle se regarde au miroir, qu’elle met du rouge sur son visage et qu’elle place des mouches ». […] Et il y avait aussi en lui un honnête homme qui ne se trouvait pas à sa place, et qui en souffrait : de là, le ton satirique, les boutades misanthropiques, la déformation âprement pessimiste de la réalité.
Avant 1755, la littérature pure tient une grande place dans la vie de Voltaire ; il est alors la gloire poétique de la France, l’auteur de la Henriade, de Zaïre et de Mérope. […] Voltaire se laissait aller à croire qu’il était à sa place naturelle dans le monde aristocratique où l’on accueillait son esprit : il devenait familier, impertinent. […] En 1740, Frédéric-Guillaume laissa la place à son fils. […] Entre 1740 et 1750 se dessine nettement l’idée qui tiendra tant de place dans la polémique voltairienne : l’idée que le devoir essentiel d’un gouvernement, c’est de procurer le bien-être matériel, le plus de bien-être possible, et que l’humanité a plutôt affaire de sage administration que de glorieuse politique.
Les 23 volumes de pièces de théâtre qui s’y ajoutent, ont vieilli aussi : c’est pourtant par eux que Dumas mérite une place dans la littérature. […] Même dans les sujets modernes, où la couleur locale nécessairement tient moins de place, on trouve dans Richard Darlington tout un tableau consacré à la description pittoresque des élections en Angleterre ; dans Antony, en plein quatrième acte, une conversation littéraire, intéressante du reste et instructive, mais qui devait être plutôt dans la préface que dans le drame. […] Il se compose ainsi une atmosphère idéale, où l’être qu’il est aujourd’hui lui semble plus complet, plus à sa place. […] La place à prendre fut prise par la comédie ; le mouvement que nous avons observé au xviiie siècle dans l’apparition de la comédie larmoyante et du drame bourgeois, se reproduisit vers 1850, où l’on voit Augier et M.
Par exemple, on forme de tous les traits qui appartiennent aux plus grands poètes un type de poésie ; en regard de ce type, on place tel poète qui, pour être au-dessous, n’en a pas moins des traits du grand poète, et on lui en refuse le nom. […] Quel livre nous laisse plus justement fiers de la place que s’est faite notre pays dans le monde, et plus jaloux de la garder ? […] Tout ce que le lecteur voulait voir, il le voit : où il y avait des ruines, une résurrection ; où il n’y avait rien, des créations durables ; le jeu rendu à tous les ressorts de la machine ; les mêmes hommes qui hors de leur place troublaient l’État, à leur place le raffermissant et l’illustrant ; la fonction du gouvernement exercée par celui auquel elle appartenait, et qui avait, comme tout exprès, l’amour de la gloire, si inséparable de l’idée du bien public, que je n’oserais pas le mettre au-dessous de l’amour du devoir.
Mais, dominé par les forces d’ensemble et d’ordre de la société, il sera incessamment combattu et vaincu dans ce qu’il a d’absurde et de pervers tout en prenant progressivement sa place et sa part dans cet immense et redoutable développement de l’humanité tout entière qui s’accomplit de nos jours. » Ce qui fait la force du socialisme, c’est qu’il correspond à une tendance parfaitement légitime de l’esprit moderne, et en ce sens il en est bien le développement naturel. […] Or il est absurde de détruire, quand on n’a rien à mettre en place. La révolution sera légitime et sainte, quand l’idée régénératrice, c’est-à-dire la religion nouvelle, ayant été découverte, il ne s’agira plus que de renverser l’état vieilli pour lui faire sa place légitime ; ou plutôt alors la révolution n’aura pas besoin d’être faite ; elle se fera d’elle-même. […] La réaction a sa place dans le plan providentiel ; elle travaille sans le savoir au bien de l’ensemble.
Pascal voulait emprunter à Montaigne ses arguments sceptiques et leur donner une place de premier ordre dans son apologétique. « On ne peut voir sans joie, dit-il, dans cet auteur, la superbe raison si invinciblement froissée par ses propres armes… et on aimerait de tout son cœur le ministre d’une si grande vengeance, si… 192 » Quand le scepticisme est devenu de mode, il ne suppose ni pénétration d’esprit ni finesse de critique, mais bien plutôt hébétude et incapacité de comprendre le vrai. « Il est commode, dit Fichte, de couvrir du nom ronflant de scepticisme le manque d’intelligence. […] Est-ce la place d’un philosophe ? […] En supposant même que l’érudit ne dût jamais figurer dans la grande histoire de l’humanité, son travail et ses résultats, assimilés par d’autres et élevés à leur seconde puissance, y trouveront leur place par cette influence secrète et cette intime infiltration qui fait qu’aucune partie de l’humanité n’est fermée pour l’autre. […] Aucuns, voyants la place du gouvernement politique saisie par des hommes incapables, s’en sont reculés.
Tout le monde sait avec quel humeur, avec quel mépris les Philosophes du siecle parlent des Grands & des Gens en place. […] Mais les sarcasmes, les invectives, les déclamations de la Philosophie moderne contre la puissance & la grandeur, n’empêchent pas que les Philosophes ne trouvent des Grands & des Gens en place qui les protegent, qui les honorent, qui les caressent, & qui emploient quelquefois leur crédit pour imposer silence à leurs Adversaires. […] On n’aura pas de peine à se le persuader, si l’on pense qu’un homme de Lettres n’arrive aux honneurs, aux places, aux récompenses, & même aux bénéfices, que par les Philosophes, & que, se déclarer contre eux, c’est se fermer la porte à toute espece de fortune. […] Il n’est pas inutile de remarquer qu’un autre Abbé, qui se pique aussi de Religion [je ne le nommerai point, pour ne pas lui nuire dans la place de confiance qu’il occupe], me poursuit depuis trois ou quatre ans avec une haine & un acharnement d’autant plus inconcevables, que je ne lui ai donné aucun sujet de se plaindre de moi : il n’est question de lui dans aucun de mes Ouvrages ; je ne le connois même point, & je puis assurer que je n’ai entendu prononcer son nom, qu’à l’occasion de son monstrueux déchaînement.
M. de Pienne, abaissant devant Diane l’arme insensée de sa gageure, lui aurait dit, en s’inclinant : « Madame, celui qui va mourir vous remercie et vous salue. » En ce temps-là, le duel était une mode, un fanatisme, un délire, et plus il était fou, fantasque et chimérique, plus la fête était belle et plus glorieuse la rencontre. « Je t’ai vu — dit le Mercutio de Shakespeare à Tybalt — chercher dispute à un homme qui toussait dans la rue, parce qu’il avait éveillé ton chien, qui dormait au soleil. « Ainsi faisaient les raffinés de la place Royale et du Cours. […] Le pré donne sur l’échafaud et le jeune homme est pendu en effigie, à l’heure qu’il est, sur la place de Grève. […] Ici se place une tirade éloquente, d’un souffle et d’un jet vraiment inspirés. […] Elle rompt son unité, elle transpose son émotion, elle, change son cœur de place, pour ainsi dire.
La ruine survient ; d’autres se seraient noyés à sa place ; une perche d’or de trois millions s’offre à lui pour le repêcher, sous la forme d’une riche héritière sottement éprise, à son tour, de son irrésistible nullité. […] » Cette amende honorable faite, l’arme au bras, est à sa place dans le livre. […] Bargé, en refusant tout à l’heure la main de Fanny pour son fils, n’a fait que ce qu’aurait fait, à sa place, tout homme soucieux du parfait honneur de son nom. […] Mais le dépit qu’il ressent en voyant si sottement usurpée, la place que devrait occuper sa mère justifie son irritation.
Mercredi 4 juin Aujourd’hui, dans mon jardin en fleurs, son petit corps maigre perdu dans sa robe à queue, Mme de Nittis parlait, tout au fond d’un grand fauteuil, où elle ne tenait guère plus de place qu’un enfant, parlait, avec des interruptions, des silences, de pâles sourires ; parlait des premiers temps de son bonheur avec son mari, dans un certain carré de roses trémières, aux environs de la Malmaison, et qu’il avait fallu vendre, un jour de mauvaises affaires. […] Son frère, qui est très riche et mourant, doit lui faire 3 000 livres de rente : avec cela, sa place et ses gains de littérature, il se retrouvera à peu près sur ses pieds. […] Il est inquiet, ne tient pas en place, éprouve, comme une fatigue lorsqu’on lui parle trop longtemps. […] … Je me creuse la tête… est-ce que cela tiendrait simplement à l’étroitesse du compartiment, au peu de place, donnée à la composition de l’artiste ?
Ce qui est troublant, angoissant, passionnant pour la plupart des hommes n’est pas toujours ce qui tient la première place dans les spéculations des métaphysiciens. […] Elle peut, d’autre part, abandonner la faculté d’agir et de choisir dont elle porte en elle l’ébauche, s’arranger pour obtenir sur place tout ce qu’il lui faut au lieu de l’aller chercher : c’est alors l’existence assurée, tranquille, bourgeoise, mais c’est aussi la torpeur, premier effet de l’immobilité ; c’est bientôt l’assoupissement définitif, c’est l’inconscience. […] Elle s’y installera en se faisant toute petite ; puis, une fois dans la place, elle se dilatera, arrondira sa part et finira par obtenir tout, parce qu’elle dispose du temps et parce que la quantité d’indétermination la plus légère, en s’additionnant indéfiniment avec elle-même, donnera autant de liberté qu’on voudra. — Mais nous allons retrouver cette même conclusion sur de nouvelles lignes de faits, qui nous la présenteront avec plus de rigueur. […] Mais la forme d’un vivant, une fois dessinée, se répète indéfiniment ; mais les actes de ce vivant, une fois accomplis, tendent à s’imiter eux-mêmes et à se recommencer automatiquement : automatisme et répétition, qui dominent partout ailleurs que chez l’homme, devraient nous avertir que nous sommes ici à des haltes, et que le piétinement sur place, auquel nous avons affaire, n’est pas le mouvement même de la vie.
Je ne saurais hésiter : en posant mon corps, j’ai posé une certaine image, mais, par là aussi, la totalité des autres images, puisqu’il n’y a pas d’objet matériel qui ne doive ses qualités, ses déterminations, son existence enfin à la place qu’il occupe dans l’ensemble de l’univers. […] Se place-t-on en effet dans le réalisme vulgaire ? […] Telle est précisément la nature de la douleur, effort actuel de la partie lésée pour remettre les choses en place, effort local, isolé, et par là même condamné à l’insuccès dans un organisme qui n’est plus apte qu’aux effets d’ensemble. La douleur est donc à l’endroit où elle se produit, comme l’objet est à la place où il est perçu.
La poésie y tient une grande place : les restes de poésie latine, les chants d’Église ou d’école n’y sont pas oubliés ; les longs récits épiques en français, dits chansons de geste, y sont analysés avec ampleur et avec une connaissance comparée de toutes les divisions et de toutes les branches. […] Tous ceux de la nation dont on a connaissance et qui ont laissé quelque monument de littérature, y trouveront place, tant ceux dont les écrits sont perdus, que ceux dont les ouvrages nous restent, en quelque langue et sur quelque sujet qu’ils aient écrit. […] Elle rappelle, en chaste épouse, le premier jour de ses noces : « À Ham (et ceci indique bien la France du Nord pour lieu de la scène), le premier jour d’avril, au temps de Pâques, il y eut dix ans qu’Ysengrin me prit. » Les noces furent belles et plénières ; toutes les bêtes y vinrent, et remplissaient tellement les fossés et les louvières qu’à peine eût-on pu trouver place « où une oie pût couver ».
Ces tableaux de Léopold Robert résultaient d’études d’hommes et de femmes vus sur place, rendus avec sagacité et conscience dans leur physionomie, dans leur caractère intime et leur génie natif, et groupés ensuite par l’artiste dans une composition longuement méditée et savamment réfléchie : ce sont de grandes idylles de Théocrite en peinture, reconstruites avec l’effort heureux et le sentiment plus rassis qui préside à une scène des Géorgiques. […] Pourtant il vit bientôt qu’il n’y réussirait pas à son gré : les masques alors, qui l’avaient séduit et tenté, le gênèrent ; eux qui devaient être la partie principale dans son tableau, ne furent bientôt plus que l’accessoire ; les pêcheurs prirent la première place, et, de remaniements en remaniements, il en vint à chasser tout à fait l’idée vénitienne et joyeuse, l’idée du carnaval, pour ne laisser dominer que la pensée grave qui réfléchissait la sienne propre, la tristesse des adieux, la famille, le péril au loin sur les flots. […] En lisant attentivement la suite des lettres comme je viens de le faire, il y a place pour toutes les suppositions, pour celle qui attribue son désespoir final à une grande passion vainement combattue, comme pour celle qui y voit avant tout, et nonobstant les divers prétextes, une maladie d’artiste arrivé au terme, inquiet de sa propre renommée, jaloux de la soutenir, tourmenté du besoin de l’approbation d’autrui, et se croyant désormais impuissant à produire.
M. de La Chapelle (l’auteur des Amours de Catulle), qui était chargé de lui répondre, lui dit : « Il manque quelque chose à votre gloire et à celle de l’Académie : la fortune devait mettre en ma place Cicéron pour répondre à César. » — « Nous avons vu des lettres de vous, disait-il encore, que les Sarazin et les Voiture n’eussent pas désavouées. » Je n’ai pas vu de ces lettres, mais les dépêches de Villars, et les pièces dont les extraits forment le tissu de ses Mémoires, justifient pour nous suffisamment cette ambition qu’il eut de vouloir joindre à tant de palmes les titres de l’esprit6. […] Le maréchal reçut l’avis assez vertement ; mais peu après, rappelant Villars, il lui dit avec amitié : « Quand une place comme Maastricht est secourue sans bataille, le général doit être content, et, pour satisfaire un jeune colonel avide d’actions, il faut lui donner un parti de cinq cents chevaux. […] Le maréchal, bien qu’il eût de l’amitié pour Villars et qu’un jour, qu’il le voyait en habit brodé d’or s’exposant sur une brèche, il s’échappa jusqu’à lui dire : « Jeune homme, si Dieu te laisse vivre, tu auras ma place plutôt que personne », ne fit point dans le cas présent ce qu’il désirait : « Et cela fut heureux pour le marquis de Villars, ajoutent les Mémoires ; car d’être demeuré dans cette brigade lui valut d’avoir la meilleure part à quatre actions considérables qui se passèrent dans le reste de cette campagne. » Ce petit désagrément, qui tourna si bien, servit dans la suite à le persuader tout à fait de sa bonne chance et le guérit pour toujours de demander ni même, à ce qu’il assure, de désirer d’être plutôt dans un corps que dans un autre.
Chez ce Pétrone qu’il imite et qu’il traduit par places (et pourquoi le commentateur qui n’oublie rien a-t-il oublié de nous le dire ?) […] Quand de la place Maubert à la rue Montorgueil, où elle logeait, il allait voir certaine veuve qui avait pour lui des bontés, et que pour arriver moins crotté devant elle (les chaises et les galoches, qui furent une ressource quelques années plus tard, n’étaient pas encore inventées), il prenait un cheval de louage, on lui disait en le rencontrant : « Où vas-tu, chevalier ? […] Et ce n’est pas seulement dans le genre bourgeois qu’il excelle, ce n’est pas seulement quand il nous exhibe et nous étale Mme de Cavoye ou Mme Pilou, ou Mme Cornuel, dans toute l’originalité et le copieux de leurs saillies ; Tallemant est encore le meilleur témoin de l’hôtel Rambouillet et de ce monde raffiné ; il le juge avec l’esprit français du bon temps, comme il sied à un ami de Patru, à quelqu’un qui a en lui du La Fontaine en prose et du Maucroix, en gaulois attique qui a passé par la place Maubert.
Tant qu’elle ne me touche pas, elle n’est rien… Je place au nombre des pensées inutiles toutes celles sur la brièveté de la vie, qui ne sont en réalité que la crainte déguisée de l’avenir. […] Steinlen, concentrant dans cette carrière littéraire toutes les forces de son esprit, il y aurait conquis une place bien autrement distinguée qu’il ne put le faire dans la suite » ; car il glissa dans la littérature plus qu’il n’y marqua. […] Je ne sais absolument qu’en penser ; c’est à vous de voir et d’en savoir davantage ; mais n’épargnez aucun moyen pour soumettre au frein ces imaginations capricieuses et vagabondes, s’il y a place pour un bon conseil… Ce Bonstetten wertherien, hâtons-nous de le dire, excède et dépasse de beaucoup le Bonstetten naturel, habituel, celui qui va durer, fleurir et se renouveler jusqu’à la fin, et qui, après avoir été un si séduisant jeune homme, parut à tous un si agréable vieillard.
Je vois encore la place où nous étions arrêtés par la foule. […] Il n’a certainement pas pris la peine de regarder autour de lui, de faire quelques pas, soit dans l’Acropole, soit dans la ville, avant de porter un jugement sur un édifice dont il ne connaît ni la destination sacrée, ni la place. […] , qu’il y ait de ces paroles de dédain qui ne sont pas à leur place entre esprits si distingués ?
Buchon qui s’en occupe sur place avec zèle est très méritant. […] D’autres y passeront sans y marquer leur place ; La mémoire de l’homme est l’oublieuse glace D’où les ombres s’en vont avec rapidité. […] Que ton nom du moins, dans ce monument poétique inachevé, mais grandiose, du xixe siècle, que ton nom reste inscrit à quelque paroi du temple, comme les noms de tant de guerriers le sont sur cet Arc de triomphe que tu as célébré et où il y a place même pour les seconds, même pour les troisièmes dans la liste des héros.
Charles Loyson et lui, vers 1812, se décidèrent un matin de dimanche à aller faire visite à Chateaubriand qui logeait alors, je crois, à la place Louis XV. […] La prose tenait une grande place dans le talent de Charles Loyson. […] Droz, Auger, Campenon, tous exacts et honnêtes esprits, mais un peu froids, un peu ternes et sans nouveauté : il se retrouvait plus à sa place et dans son vrai monde, lorsqu’il était en compagnie des Royer-Collard, des de Serre, ses vrais maîtres, et qui lui témoignaient par leur considération qu’ils le tenaient, malgré sa jeunesse, pour l’un des leurs.
On lui a fait honneur, et Chaulieu l’a félicité agréablement, d’avoir refusé une place dans les Fermes, que lui offrait le ministre Chamillart ; mais ce refus nous semble moins tenir à des principes d’honorable indépendance, qu’au goût qu’avait Rousseau pour la vie de Paris et les tripots littéraires. […] Là les digressions mythologiques sur Chiron, Esculape, sont longues, naturelles et à leur place. […] C’est que ce brillant et ce beau appartiennent tantôt à Platon, tantôt à Pindare, tantôt même à Boileau et à Racine : Rousseau s’en est emparé comme un rhétoricien fait d’une bonne expression qu’il place à toute force dans le prochain discours.
On choisit pour coiffure « des poufs au sentiment », dans lesquels on place le portrait de sa fille, de sa mère, de son serin, de son chien, tout cela garni des cheveux de son père ou d’un ami de cœur ». […] Être bon, être aimé, voilà l’objet d’un chef d’État, d’un homme en place Cela va si loin qu’on se figure Dieu sur ce modèle. […] Mme de Tourzel a réclamé sa place dans la voiture, et elle y avait droit, comme gouvernante des Enfants de France.
Règle générale, il suffit qu’un même fait nous soit connu par deux voies différentes pour que nous concevions à sa place deux faits différents. […] Il y a donc place, et place égale, pour les deux hypothèses, pour celle de deux événements hétérogènes, et pour celle d’un seul et même événement connu sous deux aspects.
J’étais peu à ma place dans cette société ; mais le duc et ses commensaux me traitaient en poëte qui voit tout sans participer à rien. […] Je viens de le prouver tout récemment, en refusant de m’y associer par la place de sous-secrétaire d’État des affaires étrangères dans ce ministère. […] Revenu à Paris, M. de Chateaubriand prit la place de son ami ; cette ingratitude, qui avait l’air d’une perfidie, offensa toutes les âmes délicates.
Le culte souvent aveugle des formes anciennes était le dogme fondamental de cette critique : et elle parvint à l’imposer à la légèreté indépendante de la société polie. l’homme qui nous représente éminemment l’influence des doctes sur le monde, l’homme qui fit plus que personne pour opérer la transformation des théories savantes en préjugés mondains, fut le bonhomme Chapelain291, qui se place entre Ronsard et Boileau, comme ayant fait faire un progrès décisif à la doctrine classique. […] A ce titre, on ne saurait lui refuser une place ici. […] Après 1660, un autre type prévaudra, en qui l’activité sentimentale sera développée au détriment de l’activité volontaire, et qui fera une place de plus en plus grande aux sentiments féminins.
Ces messieurs ayant appris que vous vouliez marier mademoiselle votre fille, donner une charge considérable à monsieur votre fils, et acheter deux grandes maisons dans la Place Royale… PERSILLET. […] Mettez que c’est pour marier ma fille, donner une charge à mon fils, acheter deux maisons dans la Place Royale, et le surplus pour l’acquisition du duché de Heurtebise. […] Mais, au lieu de les faire expédier en un quart d’heure dans une place publique, je les baille à tuer aux médecins qui les font mourir aussi cruellement que leurs malades.
Desjardins rédige en style de séminariste bilieux ; il est ignorant (jusqu’à prendre les philosophes grecs comme types d’altruistes alors qu’aucun n’a envisagé la morale autrement que comme une éthique) ; il est naïf (jusqu’à se féliciter des séances politiques où la droite et la gauche s’entr’applaudissent, citant comme telles l’incident où la loyauté de M. de Cazenove de Pradines fut saluée par tous ses collègues, — ce qui est faux, car il fut nargué par la droite, — et l’intervention de l’évêque d’Angers dans la politique d’Extrême-Orient — ce qui ne provoquait l’admiration d’aucun député informé, attendu que Mgr Freppel, chacun le savait, n’agissait que pour défendre ses missionnaires) ; il est encore obséquieux avec les gens en place (jusqu’à cette platitude : « Nous avons par bonheur un ministre de l’instruction publique à tendances idéalistes »). — Mais un autre que M. […] Le peuple, qui est cordialement individualiste, a coutume de dire : « Chacun à sa place. » Or ces gens empiètent. […] Robert de Bonnières a trop le sentiment des nuances pour ne sentir pas excessive la place que lui fit son critique.
Aujourd’hui ils sont classiques encore, et ils méritent de l’être, mais ils ne le sont que du second ordre, et les voilà à jamais dominés et remis à leur place par celui qui a repris la sienne sur les hauteurs de l’horizon. […] Avant tout je voudrais n’exclure personne entre les dignes, et que chacun y fût à sa place, depuis le plus libre des génies créateurs et le plus grand des classiques sans le savoir, Shakespeare, jusqu’au tout dernier des classiques en diminutif, Andrieux. […] [NdA] Goethe, qui est si favorable à la libre diversité des génies et qui croit tout développement légitime pourvu qu’on atteigne à la fin de l’art, a comparé ingénieusement le Parnasse au mont Serrat en Catalogne, lequel est ou était tout peuplé d’ermites et dont chaque dentelure recelait son pieux anachorète : « Le Parnasse, dit-il, est un mont Serrat qui admet quantité d’établissements à ses divers étages : laissez chacun aller et regarder autour de lui, et il trouvera quelque place à sa convenance, que ce soit un sommet ou un coin de rocher. »
Ce serait ici le cas, si j’avais quelque compétence pour cela, de parler de lui comme physicien et de bien marquer sa place et, en quelque sorte, son niveau entre les grands noms. […] Le lendemain, il fut destitué de sa place de maître général des Postes en Pennsylvanie, pour laquelle on lui avait, à plus d’une reprise, insinué de donner sa démission : mais il avait pour principe de ne jamais demander, refuser, ni résigner aucune place.
Un théâtre construit selon les règles, doit être très vaste ; il doit représenter une partie d’une place publique, le péristyle d’un palais, l’entrée d’un temple. […] Comment cela peut-il s’exécuter sur une scène étroite, au milieu d’une foule de jeunes gens qui laissent à peine dix pieds de place aux acteurs ? […] C’est une attention de tous les instants, à mettre si bien toutes les circonstances à leur place, qu’elles soient nécessaires où on les met, et que d’ailleurs elles s’éclaircissent et s’embellissent toutes réciproquement ; à tout arranger pour les effets qu’on a en vue, sans laisser apercevoir de dessein ; de manière enfin que le spectateur suive toujours une action et ne sente jamais un ouvrage : autrement l’illusion cesse, et on ne voit plus que le poète au lieu des personnages.
Elle glisse sur la thèse du mariage qui est le fond de Jacques, car Jacques, — il faut bien dire les choses par leur nom, — est un Sganarelle héroïque, qui reconnaît hardiment la légitimité du courage, et qui se tue pour donner sa place à l’amant de sa femme, dans son lit ; et elle n’insiste que sur la thèse du suicide qui n’est ni plus vraie ni plus morale, et qu’elle appelle le droit (le DROIT !!!) […] Elle ne choque personne par ce grand côté de l’esprit que les forts seuls savent aimer et que les moyennes intellectuelles qui lisent, détestent. — À la place, elle a ce qui plaît, avant tout, aux moyennes, l’abondance et la facilité. […] (l’horizon, cette place du ciel dont raffolent les bourgeois et où ils voient tout, même des règnes), du volcan, de l’éternel volcan qui vomit par ses mille cratères de la lave et de la fange, et enfin du bouclier (en parlant à une femme qui n’est pas Clorinde, pour dire le sentiment qui défend son cœur !).
J’avais montré, de loin, à l’horizon, le poète qui allait y poindre et qui l’a, d’un trait, subitement envahi, pour y rester, étoile à sa place, malgré les efforts réagissants de l’Envie qui voulait l’en précipiter, et j’attendis longtemps alors avant de parler des Névroses. […] Il ne s’agit, en définitive, que d’une seule chose pour elle : c’est, après avoir constaté le genre d’inspiration du poète, de déterminer son degré de puissance et sa place dans le hiérarchique Pandémonium des poètes, où il faut le mettre et où il doit rester. […] Voilà, pour mon compte, tout ce que j’aurais pu reprocher et arracher à ce livre des Névroses, qui n’en place pas moins son auteur entre Edgar Poe et Baudelaire, mais qui est plus foncé en noir, plus lugubre, plus démoniaquement lugubre qu’eux.
Malgré ses mérites incontestés, je ne crois pas que La Bruyère ait eu jamais celui de lacer un corset à personne et de remettre une épingle en place, tandis que Gustave Droz, lui, au contraire, habille, déshabille et réhabille, épingle, désépingle et réépingle, avec une incomparable supériorité. […] C’est bien souvent un de Musset par la sveltesse, le tour d’imagination, le mouvement et l’étincelle ; mais c’est un de Musset qui a passé par l’atelier, et il lui est resté, à certaines places, un peu de Mistigris, — que j’aurais voulu effacer. […] Par la modernité des têtes, par le dialogue surtout, si rare maintenant sur nos scènes sans esprit, qui en ont — quand elles en ont — uniquement dans les situations, Gustave Droz aurait sa place et une destinée au théâtre.
Il trouvait la gravité, les convenances impatronisées à sa place. […] Mais répondons-nous à nous-mêmes que Coligny était jeune, qu’il n’avait pas eu le temps de se faire connaître, et qu’il a été naturellement éclipsé par Dandelot, qui succéda à son titre et prit sa place auprès de Condé. […] Mlle de Bourbon va au couvent ; il décrit ce couvent, mesure son étendue, nomme toutes les rues qui le bornent, indique l’entrée, la place des jardins, des chapelles, de l’infirmerie, des appartements séparés, les dates, les moyens et la grandeur des accroissements successifs.
Cousin encadre une multitude énorme de documents inédits dans une mince bordure de commentaires ; en tête, il place, en matière d’ornements, des détails de bibliographie. […] « Puisse, dit-il, cette admirable place conserver sa grandeur si chèrement achetée et nul bâtiment transversal ne gâter la belle harmonie du Louvre et des Tuileries ! […] Ailleurs il souhaite qu’un élève de l’École des chartes veuille bien employer quelques années de sa vie à faire l’histoire de la place Royale51.
Lerminier, qui voulait surtout envisager l’influence générale des idées sur les lois, la communication lumineuse, atmosphérique, à distance, des unes et des autres, et l’ensemble du siècle sur place, avec ses contrastes, ses passions et ses grands hommes. […] Nous ne prendrons pas parti pour les anecdotes de ce pauvre Étienne Dumont, qui, avec tant de circonspection et d’honnêteté, a essayé malencontreusement de remettre à leur place quelques verrues sur le visage presque auguste de Mirabeau.
Mais la constitution démocratique de notre société a donné place à l’éducation scientifique, aux études techniques et spéciales, à côté, même au-dessus des lettres pures : le public qui juge les livres n’est plus homogène, et surtout, en dépit de nos programmes d’instruction, ne renferme qu’un bien petit nombre d’esprits qui aient réellement reçu leur forme de l’antiquité. […] Le Journal des Débats, créé en 1789, prit un grand développement à partir de 1799, où il passa aux mains des Bertin ; il fit une large place à la littérature, et là, comme en politique, il représenta surtout les opinions, le goût, les aspirations de la classe bourgeoise.
Les journaux, eux-mêmes, n’ont pas assez de place pour rendre compte de toutes ces manifestations sportives ; comment en trouveraient-ils pour les manifestations intellectuelles ? […] On l’a donc exilé en Algérie pour mettre à sa place un préfet de police de tout repos, M.
Quelque succès qu’eussent eu Mélite, Clitandre, la Veuve, la Galerie du palais, la Suivante, la Place royale, Médée, s’il en fût resté là, jamais la scène Françoise n’eût égalé la scène Grecque. […] On a dit qu’il avoit sa place marquée toutes les fois qu’il alloit au spectacle, qu’on se levoit pour lui & qu’on battoit des mains.
Ils sont plus confus par leurs idées que par leur nombre, qui ne monte guères qu’à une dizaine, en comptant parmi eux deux revues ayant, comme on dit, pignon sur rue, et dont la place se voit au soleil. […] L’examen littéraire se partageant entre plusieurs plumes, dans ce cantonnement mobile de la Variété qui devrait être une forteresse et qui n’est qu’une place publique, nous avons, sur le talent des mêmes hommes et la tendance et la portée des mêmes ouvrages, les appréciations les plus contradictoires.
Il n’y avait plus alors d’autres poètes sur la place que les Parnassiens, mais M. […] Par sa nature, il doit répugner à cette forme essentiellement parnassienne du sonnet, à cette œuvre d’asthmatique qui, entre deux toux, place nettement son petit mot… Et puisque nous avons tous une famille littéraire quand nous sommes bien nés littérairement, et qu’alors nous ne nous mettons pas aux Enfants Trouvés des Écoles, l’auteur de La Vie inquiète s’apparente de loin à Henri Heine, et, de plus près, à lord Byron.