Il rôde, la nuit, dans les corridors, en déshabillé, furtif et hardi, ombre redoutable, Eros nocturne qui a pris la lampe de Psyché pour s’en faire une lanterne sourde. […] Non, ce jour-là, Balzac accueillait une Ombre amie, une Ombre charmante et légère pour laquelle nous lui demandions sa protection, car je n’étais pas seul à assister à cette entrevue imaginaire. Tous ceux qui en étaient les témoins souhaitaient comme moi que cette ombre errante et chère se solidifiât dans le marbre ou dans le bronze, et c’était pour chercher les moyens de réaliser ce vœu que nous nous étions retrouvés là, chez Balzac, et que nous y avions amené avec nous ce doux Gérard de Nerval, dont nous aimerions à glorifier la mémoire en lui élevant un modeste monument. […] Au bout de l’étroite pelouse, une rocaille dominait un bassin où rôdaient quelques cyprins en ombres pourpres et dorées. […] Chassé apprendra surtout certains détails matériels que la discrétion du poète laissait volontiers dans l’ombre, ne fût-ce que la leçon dont il débuta dans le professorat.
Ces images sont l’ombre des objets qui se projette sur la rétine vivement éclairée autour d’eux dans tout le champ circulaire du microscope, comme les ombres chinoises de la lanterne magique. » À mon sens, ajoute M. […] Elle est refoulée, réduite ; elle laisse les autres occuper le premier plan et s’imposer à l’attention ; mais, toute reculée et tout enfoncée qu’elle est dans le lointain et dans l’ombre, elle dure. […] Ceux-ci sont beaucoup plus nombreux que les autres, et, du monde qui constitue notre être, nous n’apercevons que les sommets, sortes de cimes éclairées dans un continent dont les profondeurs restent dans l’ombre.
Elle chasse les ombres des recoins cachés et remplit les abîmes de rayonnements. […] Je voudrais citer un seul exemple : L’Ombre de la mort, de Holman Hunt. […] L’image produite par l’ombre n’aurait eu non plus aucun but, car nul contemporain du Christ n’aurait compris la signification d’une croix d’ombre, avant que le Christ eût subi la mort, sur la croix. […] Chez lui se renouvelle le procédé de pensée que nous avons constaté dans le tableau de Holman Hunt, l’Ombre de la mort. […] Il déplore la fugacité de la vie humaine, l’inconstance des sentiments, la disparition des êtres aimés qui passent comme des ombres devant notre esprit.
Il admirait La Motte, il vantait La Motte, il exagérait pieusement les idées de La Motte, il suivait La Motte comme son ombre.
Gautier, l’eau ne court que sous une surface glacée et miroitante au soleil ; il a trop oublié que lui-même, quelque part, a dit heureusement : Que votre poésie, aux vers calmes et frais, Soit pour les cœurs souffrants comme ces cours d’eau vive Où vont boire les cerfs dans l’ombre des forêts.
Les Grecs n’exigeaient point comme nous le jeu des situations, le contraste des caractères ; leurs tragiques ne faisaient point ressortir les beautés par l’opposition des ombres.
Avant de parler des ruelles et des alcôves établies par les coteries, nous chercherons à connaître les cercles de la bonne compagnie qui existèrent entre 1560 et 1660 ; mais auparavant disons encore quelque chose de l’ombre qui resta de la société de Rambouillet, après sa dispersion.
Si Boileau avait raison de dire : la plus belle pensée ne peut plaire à l’esprit, quand l’oreille est blessée jugez d’un chant sous lequel l’harmonie serait raboteuse et dure, d’un tableau qui pèche par l’accord des couleurs et l’entente des ombres et des lumières.
Combien d’excellents vers on peut citer ou il n’y a pas l’ombre d’image ?
C’est sans doute sur les ouvrages qui ont réussi en chaque genre, que les règles doivent être faites ; mais ce n’est point d’après le résultat général du plaisir que ces ouvrages nous ont donné : c’est d’après une discussion réfléchie, qui nous fasse discerner les endroits dont nous avons été vraiment affectés, d’avec ceux qui n’étaient destinés qu’à servir d’ombre ou de repos, d’avec ceux même où l’auteur s’est négligé sans le vouloir.
Seulement, il faut que les cheveux soient très blonds et que le talent ait l’éclat de l’or, dans son ombre.
dès la première ligne de son ouvrage, l’éloquent historien en convient, du reste : « A côté de la puissante figure de Grégoire VII, il en est une — dit-il — qui semble s’effacer d’elle-même et se mettre pieusement dans l’ombre où les historiens l’ont laissée… » Et après un rapide coup d’œil sur ce qui restait de l’empire de Charlemagne et de la domination allemande au temps de Mathilde, comme pressé et presque haletant d’arriver au grand homme qui d’un geste arrêta l’empereur et toute sa féodalité derrière lui aux portes de l’Église épouvantée, il s’adresse, dès la page 4, la question brûlante : « D’où venait cet homme qui, de son autorité, se rangea parmi les maîtres du monde, et dont le nom est un des noms les plus retentissants du passé ?
« Ce qui ressortira de tout ce travail avec une certitude historique, — écrit Segretain, — c’est que Henri n’a pas cessé un seul instant d’associer à l’idée de son couronnement (qui fut l’idée de toute sa vie) l’abjuration de ses erreurs protestantes. » Avec la nouvelle foi de sa mère, et cette grande et populaire figure de Henri de Guise, jetant sur le trône l’ombre de son éclat, Henri de Béarn, qui craignait que ses droits à la succession des Valois ne fussent ni assez puissants ni assez assurés, crut, dit spirituellement Segretain, « que le chemin de traverse de la Réforme était le seul qui pût le conduire au Louvre… et il fit ce crochet stratégique… ».
Car voilà, pour moi, la seule tache d’ombre que je trouve à la gloire, pure comme la lumière, d’André Chénier !
En 1833, Carrel avait trente-trois ans, l’âge de la force juvénile sur laquelle la réflexion doit commencer de jeter ces ombres qui sont une lumière.
Eh bien, ce que le philosophe furibond ne manqua pas certainement d’appeler une capucinade, n’a-t-il pas influé sur l’esprit de Sainte-Beuve, trop détaché des choses religieuses pour bien comprendre, dans ses sévérités comme dans ses indulgences, dans ses ombres comme dans ses lueurs, cette capucine de bonne volonté, qui abaissa de bonne heure sur ses yeux restés pénétrants la pointe de son bonnet de dévote et qui le garda, jusqu’à sa mort, comme le capuchon de sa vieillesse, sans que pour cela ses anciens yeux d’escarboucle brillassent moins fort et vissent moins clair ?
Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de Lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique ; Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas !
IV Et certainement je n’ai pas tout dit… Mais ces points singuliers à faire saillir dans la vie et le génie de Byron, la Critique les a toujours tenus dans l’ombre.
Chacun, avec son petit lumignon, ne montrait, en tournant alentour, qu’un point isolé du Sphynx énorme qui, du fond de l’ombre, où il était aux trois quarts plongé, semblait défier tous ces porteurs de bobèche !
Si un mot étincelant ou pénétrant y caractérise avec éclat ou profondeur une institution ou un homme, c’est que ce mot est de Bossuet, de Bossuet, qui fait rentrer du coup dans l’ombre toute la page où il est cité !
Il y a des différences dans la gloire de Bossuet, comme il y a des places plus rayonnantes, plus condensées, plus blanches dans la lumière, mais de l’absence de lumière, mais de l’ombre positive à un seul endroit de cette vie étonnante, on la cherche en vain… Seulement, cette lumière qui partout l’inonde, et dont l’écrivain qui la retrace finirait par être ébloui, passant à travers les mœurs simples et fortes de cet homme trop grand pour n’être pas un bon homme, donne à cette vie, aveuglante d’éclat, des tons doux, charmants, attendris, qui nous reposent et qui nous touchent, et qui ont influé, sans qu’on s’en soit rendu bien compte jusqu’ici, sur ce qu’il y avait de plus beau et de plus profond dans sa pensée.
Il dit dans son cœur à l’époque actuelle : « Je te parlerai ton langage, mais pour t’apprendre à respecter ce que tu dédaignerais de connaître si je te parlais seulement le mien. » Et, en effet, le monde, auquel on est obligé de s’adresser quand on est écrivain, aurait laissé dans l’ombre une œuvre qui n’eût été qu’hagiographique sur Vincent de Paul.
Les poètes paraissent plus beaux, surtout aux générations qui auraient pu les connaître et qui les ignorèrent, quand on les tire de l’oubli et de l’ombre de leurs tombeaux.
Il n’allait plus serrer qu’une ombre.
pas la baisse du talent, mais sa hausse plutôt, car cet âge apporte au talent un sentiment qui s’y ajoute et l’achève en lui donnant ce coup de pouce du Temps qui fait tourner mieux l’éclatant relief par l’ombre d’une mélancolie, M.
Des rapides isards l’ombre au loin se découpe ; Mais ils n’osent venir boire à ta froide coupe.
Dans ce portrait dont il est question, son front, qui surplombe un visage tranquillement triste, jette l’ombre de sa voûte puissante à ces yeux rêveurs qui cherchent involontairement le ciel, mais qui, dans la réalité, revenaient se tourner vers les vôtres avec des airs fins et spirituels comme nous entendons le regard, nous autres polissons de la terre !
… Serait-ce madame George Sand, par hasard, elle qui depuis si longtemps a quitté l’ombre chaste de la famille et de la maison pour entrer dans le plein jour de l’opinion publique affrontée et effrontée aussi ?
… Serait-ce Mme George Sand, par hasard, elle qui depuis si longtemps a quitté l’ombre chaste de la famille et de la maison pour entrer dans le plein jour de l’opinion publique affrontée et effrontée aussi ?
Ainsi encore, quand Berthaud et son ami Martel sont menacés de périr dans la tempête, en face de tout le village de Plaurach, assemblé sur le rivage, et qu’Autren, l’homme de cœur du livre, qui prouve son cœur en se tuant, comme Werther et Stenio, se jette à l’eau pour sauver son rival, pourquoi le vaisseau de Bernardin de Saint-Pierre, dans Paul et Virginie, vient-il projeter sa grande ombre sur la barquette de M.
Son livre d’aujourd’hui n’ira pas plus loin dans l’impression de ses lecteurs qu’un conte d’Hoffmann ou d’Edgar Poë, et même il n’ira pas si loin, car il n’a pas le sens halluciné, visionnaire, dansant entre le jour et l’ombre, des vrais fantastiques.
Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand, qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique, Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas !
Et là encore, une minute, nous cherchions à distinguer ce jeune chrétien dans son ombre… Aujourd’hui, nous comprenons leur vie intérieure et nos parentés se révèlent.
Ainsi la paix apparente et servi le de l’ancienne cité romaine couvrait de son immobilité et de ses ombres le travail le plus actif d’une cité nouvelle.
Par l’intensité avec laquelle il traduit sa vision de l’invisible et fait parler l’ombre et le mystère, il semble qu’il aurait eu sa place dans le groupe des poètes prophètes. […] Il éprouve une horreur sacrée devant cette immensité où nous sommes perdus, au contact de ces ténèbres qui s’épaississent à mesure qu’on les regarde, de cette ombre qui peu à peu envahit son cerveau et son œuvre. […] Celle-ci procède par grands partis pris d’ombre et de lumière. L’ombre est pour lui le mal, et la lumière est le bien. […] On sait la mésaventure de ce personnage qui avait perdu son ombre ; plus malheureux que lui, c’est notre personne même que nous sommes en train de perdre.
Le savant viennois n’en mérite pas moins notre reconnaissance pour avoir attiré l’attention des éducateurs sur un domaine qu’une fausse pudeur a trop longtemps laissé dans l’ombre. […] Les arbres séculaires ont poussé en toute liberté, mais ils ont été choisis, à cause de la place où ils avaient grandi, pour être conservés d’après l’intention de l’artiste, qui voulait que les abords de cet asile d’ombre et de silence ressemblassent à ceux de l’intérieur d’une cathédrale. […] Meurgey le fera-t-elle sortir de l’ombre ? […] campagne Où mon père nous quitta Et sous le soleil d’Espagne, Toi dans l’ombre, Pépita. […] … de quel accent il a prononcé ce mot et comme il est logique, pour qui se rappelle Hernani et Ruy Blas, que la première éducation de cet œil et de cet esprit se soit faite dans ce décor, où flottent les ombres du Cid et de Don Quichotte.
Ceux-là ne l’ont pas oubliée, qui ont été conduits par le Pacha dans les profondeurs du Serapeum, et qui ont vu, dans l’ombre fraîche des chambres sacrées, trembler la lueur des flambeaux tenus par les fellahs, tandis qu’au dehors, la lune claire épandait sur le désert, silencieux et endormi, d’éblouissantes blancheurs. […] Maspero, quand je vois et touche le corps de tant de personnages, dont je croyais ne devoir jamais connaître que les noms…. » Les cercueils, et les boîtes à statuettes, les vases à libations luisaient confusément, dans l’ombre. […] Sans les Trois Mousquetaires, Richelieu et Mazarin seraient, pour beaucoup d’entre nous, des ombres pâles. […] Il était peut-être attiré par le colosse moscovite, dont l’ombre s’allonge sur toute la péninsule des Balkans. […] Lampe de l’idéal, pâle et triste lumière Que votre vieille race alluma la première, Qu’elle abrita, — tremblante encore, — de sa main Et suspendit dans l’ombre au fond du cœur humain !
Mais sa vision n’est pas sombre : il voit en clair ; les ombres même, il les colore. […] « Nous la reconnaissions dans l’ombre au martellement nerveux de sa marche. […] La métayère, l’homme à la guerre, se mit à la charrue ; et, au bout du champ, à l’ombre d’un pommier, dormait sa petite enfant. […] Il voit, le long des murs, passer les ombres des heures mortes. […] Mais René prenait un large essor, quand Obermann se rencognait dans l’ombre.
L’ombre s’oppose à la lumière, la gamme des tons s’échelonne, les demi-teintes s’estompent, les nuances se fondent, — universel mirage qui a nos organes pour artisans subtils. […] J’ai reconnu l’effort et le talent du descriptif, l’attention du peintre aux jeux de la lumière et de l’ombre, aux vibrations de la couleur. […] Qu’est-ce, en effet, que ces synthèses si expressives et si promptes des Japonais qui cernent d’un trait la figure simplifiée et comme l’ombre portée des objets ? […] Votre chasseur de Vincennes engage avec « la bouche d’ombre », — c’est-à-dire avec un canon du fort, — un dialogue de haute allure. […] Et pour que rien ne manque à sa peinture et que l’ombre s’y oppose à la lumière, il nous montre au ras des murs, dans l’obscurité des couloirs, Fouché promenant ses remords.
« Dans les sentiers embrouillés de cette forêt sourcilleuse, où l’ombre frissonnante menace les pas du voyageur perdu », erre une noble dame, séparée de ses deux frères, troublée par les cris sauvages et par la turbulente joie qu’elle entend dans le lointain. […] — Je ne me trompe pas, un noir nuage — a tourné sa bordure d’argent sur la nuit, — et jette une lueur entre l’ombre touffue des feuilles501. […] Quand la débauche, — par des regards impurs, des gestes immodestes et un langage souillé, — mais surtout par l’acte ignoble et prodigue du péché, — laisse entrer l’infamie au plus profond de l’homme, — l’âme cadavéreuse s’infecte par contagion, — ensevelie dans la chair et abrutie, jusqu’à ce qu’elle perde entièrement — le divin caractère de son premier être. — Telles sont les lourdes et humides ombres funèbres — que l’on voit souvent sous les voûtes des charniers et dans les sépulcres, — attardées et assises auprès d’une tombe nouvelle, — comme par regret de quitter le corps qu’elles aimaient503. […] L’enfer de Milton est immense et vague, « donjon horrible, flamboyant comme une fournaise ; point de lumière dans ces flammes, mais plutôt des ténèbres visibles qui découvraient des aspects de désolation, régions de deuil, ombres lugubres », mers de feu, « continents glacés, qui s’allongent noirs et sauvages, battus de tourbillons éternels de grêle âpre, qui ne fond jamais, et dont les monceaux semblent les ruines d’un ancien édifice. » Les anges s’assemblent, légions innombrables, pareils à « des forêts de pins sur les montagnes, la tête excoriée par la foudre, qui, imposants, quoique dépouillés, restent debout sur la lande brûlée531. » Milton a besoin du grandiose et de l’infini ; il le prodigue. […] L’autre forme, — si l’on peut appeler forme ce qui n’avait point de forme distincte — dans les membres, dans les articulations, dans la stature, — ou substance, ce qui paraissait une ombre… Elle était debout, noire comme la nuit, — farouche comme dix furies, terrible comme l’enfer, — et secouait un dard formidable.
pas l’ombre d’un seul. […] Bien nouée, bien dénouée, évidente aux yeux des plus illettrés, elle fait bouger les acteurs, trembler les planches ; elle réalise, dans le drame, ce dynamisme que Molière obtient dans la farce et la comédie, et finit par prêter un semblant de réalité à des ombres ; elle agit dans l’instant sur les spectateurs. […] des ombres. […] Contentons-nous d’exercer notre humble métier à son ombre. […] Jean Sarment, Musset en herbe, qui n’a pas retrouvé le charme exquis du Pêcheur d’Ombres.
Il peut dire encore, comme Jouffroy lorsqu’on le forçait de quitter ses contemplations intérieures pour les nécessités quotidiennes de la vie, « qu’il abandonne le monde des réalités pour entrer dans celui des ombres et des fantômes ». […] Cette doctrine est celle de tous les cartésiens, de Descartes d’abord, de Spinoza, de Malebranche, de Fénelon ; elle n’a jamais soulevé l’ombre d’un doute dans le monde cartésien. […] serait-ce un reste de piété naturelle qui, dans le vide fait par la réflexion, s’attache à une ombre conservée par l’imagination ? […] Sans doute, son platonisme a passé par la critique de Kant, et en traversant ce crible redoutable, il est devenu l’ombre de lui-même. […] De tous les symboles par lesquels on peut essayer de le représenter, l’âme humaine est certainement celui qui s’éloigne le moins de ce divin modèle ; mais elle n’en est qu’une ombre, et ce n’est que par des à peu près que nous pouvons conclure de nous à lui.
La terre ne fut plus qu’un lieu d’exil, la vie que le rêve d’une ombre, et la mort, anéantissant ce qui n’était point, prit la force d’une double négation ; elle délivra l’esprit de son élément fini, et lui ouvrit les portes de la vraie et réelle existence179. […] Sur la scène solennellement émouvante, où des personnages à la fois héroïques et criminels combattent pour le triomphe d’un droit saint en lui-même, mais inique en ce qu’il ne peut triompher que par la ruine d’un autre droit inviolable, plane, jusqu’à la catastrophe finale, l’ombre de la Némésis tragique, comme l’Harmonie suprême et la Justice absolue, qui brisera la justice relative de toutes les volontés particulières, pour rétablir l’accord rompu entre les idées morales, et opérer ainsi la réconciliation intérieure du Divin rentré dans son repos181. […] La Justice n’était pas une chose abstraite, réglée d’une manière immuable et fixe par des articles de codes : assise sous le ciel bleu, à l’ombre des chênes, et tenant un sceptre à la main, elle écoutait les plaintes, pacifiait les différends, ou bien, changeant son sceptre en épée, elle se chargeait elle-même du redressement des torts et de l’exécution de la vengeance.