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494. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Il est rare que le bonheur seul amene trois succez heureux, mais lorsque ces succez sont parvenus à un certain nombre, il seroit insensé de prétendre qu’ils fussent le pur effet du hazard, et que l’habileté du géneral ou du ministre, n’y eussent point de part. […] l’amour tyranique de Scuderi est demeuré au nombre des mauvaises pieces malgré la dissertation de Sarrazin.

495. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Quand un nombre suffisant d’hommes et d’esprits sont arrivés à penser sur un point donné d’une certaine manière ; quand le groupe est devenu assez nombreux, assez considérable, bon gré, mal gré, on compte avec lui, on le reconnaît, on le respecte, ne pouvant l’exterminer, ni l’écraser, ni le proscrire, comme on faisait autrefois. […] En effet, quelque opinion qu’on ait personnellement sur telle ou telle de leurs doctrines, ils présentent évidemment le double caractère qui rend un ordre de citoyens respectable dans l’État moderne : le nombre d’abord, le nombre croissant (je l’affirme, et en pourrait-on douter, quoiqu’il n’y ait pas de recensement ni de statistique officielle ? mais ce nombre, il crève les yeux), — et avec le nombre ils offrent cet autre caractère qui constitue la respectabilité, je veux dire la pratique de la morale et des devoirs civils et sociaux. […] Dans ce tumulte où deux minorités, sans s’être coalisées, faisaient nombre, où chacun prenait au hasard la parole, M. 

496. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

En exerçant son intelligence sur un plus petit nombre d’objets, il est arrivé à les connaître plus profondément. […] Il ne s’agit plus, en effet, d’exprimer des pensées vraies, des sentiments puisés dans le cœur humain, mais d’ouvrer un grand nombre de pages. […] Les fiançailles de Geneviève avec le colporteur, son retour à Voiron et la colère de Josette en apprenant qu’elle va perdre sa sœur, sont bien racontés, quoique le nombre des mots ne soit pas en rapport avec le nombre des idées. […] Est-il probable que Toussaint ignore le nombre de ses sujets ? […] Il y a dans cet hymne harmonieux et sincère des redites sans nombre qui fatiguent l’intelligence la plus patiente.

497. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

La première illustration de ce nom ne remonte pas au-delà, et les Sénèques étaient du nombre de ceux qu’on appelait hommes nouveaux. […] La défense gratuite diminuera le nombre des procès. […] Peut-être Burrhus et Sénèque furent-ils du nombre des gratifiés ; et je m’étonne que les ennemis du philosophe, parmi tant de reproches, aient omis celui-ci. […] Sans doute, lorsque la plainte eût entraîné, de son vivant, des éclaircissements nuisibles à la réputation et au repos d’un nombre de gens de bien. […] Les précédents ennemis de Sénèque semblent n’avoir que délayé dans un grand nombre de pages ce qu’il a concentré dans une.

498. (1774) Correspondance générale

Et puis quelle rapidité et quel nombre ! […] Je suis, comme vous savez, votre admirateur, et je serais bien fâché que vous ne me comptassiez pas au nombre de vos amis. […] Luneau a-t-il pris que le nombre de volumes dépendît de vous ? […] Luneau était du nombre des coopérateurs ; j’ai peine à le croire. […] Saurait-on à peu près le nombre des métiers-battants de l’empire ?

499. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Le règne de Louis XIV avait trop duré : la dernière partie de ce règne produisit un bon nombre d’esprits, très sensibles aux défauts, aux abus et aux excès d’un si long régime, qui passèrent à une politique tout opposée et rêvèrent une amélioration sociale moyennant la paix, par de bonnes lois, par des réformes dans l’État et par toutes sortes de procédés et d’ingrédients philantrophiques. […] Il y en avait, dans le nombre, qui étaient réformateurs en arrière, aspirant à rétrograder vers je ne sais quelle constitution antérieure, vers je ne sais quel régime féodal-libéral qu’ils se figuraient dans le passé. — Un projet de gouvernement, rédigé par Saint-Simon à l’intention du duc de Bourgogne et récemment publié par M.  […] Il était persuadé, comme Fontenelle, qu’avant Descartes on ne raisonnait presque point avec solidité ni avec justesse dans les matières qui n’étaient point du ressort de la géométrie : « Avant lui, le sens de la démonstration, le sens de la conséquence juste, ce sens qui met une si grande différence entre homme d’esprit et homme d’esprit, ce sens si précieux n’était presque point exercé ailleurs que dans la géométrie… Nous avions quantité d’orateurs et d’agréables discoureurs ; nous n’avions point de solides démontreurs. » Trop souvent on confondait la certitude qui vient de l’évidence véritable avec celle que l’on tirait des habitudes de l’éducation et des préjugés de l’enfance ou de l’opinion du grand nombre.

500. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Schouvaloff comment ils m’avaient disposée en leur faveur ; je leur marquais un profond mépris ; je faisais remarquer aux autres leur méchanceté, leur bêtise… Comme il y avait grand nombre de gens qui les haïssaient, je ne manquai pas de chalands. […] Un jour, impatientée du changement de conduite, à son égard, de Léon Nariohkine, tête légère et sans conséquence, qui, du nombre de ses intimes amis, avait tourné contre elle et lui faisait de petites trahisons au profit des Schouvaloff, quoiqu’il eût par-ci par-là des hoquets de repentir (que dites-vous de l’expression ?) […] Tout ce qu’on vous dira à la place de ceci ne sera que des propos de pruderie non calqués sur le cœur humain, et personne ne tient son cœur dans sa main, et ne le resserre ou le relâche à poing fermé ou ouvert à volonté. » On ne peut mieux indiquer, par cette digression même presque involontaire et où la femme revient et se trahit, que, tout en cédant volontiers de son côté à la tentation et à l’attrait, elle se prévalait aussi à son tour de cet attrait et de cet ascendant aimable, de sa séduction irrésistible et de sa certitude de plaire, pour se faire, à la Cour et dans tous les rangs, nombre d’amis dévoués, inféodés, résolue à tout pour la servir, et qui, le jour et le moment venus, la firent ce que de tout temps elle avait rêvé d’être, afin de pouvoir ensuite donner sa mesure au monde et marquer son rang dans l’histoire.

501. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Le grand artiste, le prêtre révélateur, qui a la solution sentimentale et sociale de l’époque future, celui-là fonde une religion, parce qu’il a cette solution même, et non, parce que la conception en est accompagnée de symptômes plus ou moins irréguliers ; celui-là est véritablement inspiré, parce qu’il est de son temps l’individu le plus sympathique pour aimer l’humanité, le plus intelligent pour la comprendre, le plus fort pour la transformer ; il pressent et proclame le premier la forme d’association la mieux adaptée, selon le temps, au bonheur du plus grand nombre ; il accouche le présent de l’avenir dont il est gros et si le présent, comme une mère que la douleur de l’enfantement égare, le repousse avec outrage et colère, l’avenir pieux s’incline et le bénit. […] Voilà le sage des psychologistes, aussi incomplet vraiment, aussi mutilé que celui des stoïciens ; et c’est par rapport à ce sage idéal pourtant que la société de l’avenir devrait achever de s’organiser ; car si l’humanité, c’est-à-dire tout ce qui a valeur en elle, est éternellement tourmenté du problème de la destinée, si la révélation n’y peut rien, et s’il n’y a que la raison individuelle de qui chacun puisse attendre un oui ou un non qui l’apaise ; il convient évidemment que la société de l’avenir soit constituée de manière que le plus grand nombre d’hommes puisse vaquer à la solution de ce problème et de toutes les questions qu’il comprend. […] C’était donc pour que l’humanité eût un jour le loisir de s’observer et de s’analyser de la sorte qu’elle s’est tant remuée autrefois ; c’est à cette fin que la nature aura été domptée et civilisée, que l’esclavage et la guerre auront été réprimés sous toutes les formes, et que l’émancipation du plus grand nombre se sera poursuivie par degrés jusqu’à ce jour, quoique trop imparfaitement encore ; enfin ce sera là le prix, le terme glorieux, le caput mortuum de la perfectibilité humaine !

502. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

que de peines causées par les moyens sans nombre que l’envie prend pour la persécuter ! […] En étudiant le petit nombre de femmes qui ont de vrais titres à la gloire, on verra que cet effort de leur nature fut toujours aux dépens de leur bonheur. […] Mais c’est dans la marche intérieure de la révolution, qu’on peut observer l’empire de la vanité, du désir des applaudissements éphémères, du besoin de faire effet, de cette passion native de France, et dont les étrangers, comparativement à nous, n’ont qu’une idée très imparfaite. — Un grand nombre d’opinions ont été dictées par l’envie de surpasser l’orateur précédent, et de se faire applaudir après lui ; l’introduction des spectateurs dans la salle des délibérations a suffi seule pour changer la direction des affaires en France.

503. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Soulary : je me plains seulement de leur nombre et de leur médiocre qualité. […] si depuis ce jour où je tombai novice A l’école, en quittant le sein de ma nourrice, J’avais su déchiffrer l’hiéroglyphe saint Qui, de la corne d’or multipliant l’hélice, Fait sourdre un million sous le nombre succinct, Je n’aurais pas connu, Misère, ton supplice. […] Mais vingt-quatre est un bien gros nombre : Moitié, c’est déjà grand souci, Même en lui retranchant son ombre.

504. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Vous n’étiez amante que pour être mieux amie, et votre destinée était d’être l’amie d’un grand nombre. […] Mais, comme dit l’autre, je connais, à ce compte, bon nombre d’hommes qui sont femmes. […] On pourrait dire aussi que, le nombre des femmes auteurs étant relativement très petit, il y avait beaucoup moins de chances pour qu’il se rencontrât parmi elles un génie qui fût de premier ordre par le don de l’invention.

505. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Lélut a trouvé cette saillie sur un grand nombre de crânes de voleurs, et, parmi les animaux, indifféremment chez le mâle et la femelle. […] Lélut, qui a eu entre les mains un très-grand nombre de crânes d’assassins, n’y a jamais rien trouvé d’exceptionnel. […] Claude Bernard confirment ces vues quant aux sens du goût, et la pluralité des sens du toucher n’est plus un doute pour personne. » Ce qui paraît du reste certain, c’est qu’il est impossible d’admettre autant d’espèces de nerfs qu’il y a d’espèces de sensations, car il en faudrait un nombre infini.

506. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

C’est pourquoi, à notre sens, toutes les difficultés philosophiques relatives au temps s’évanouissent si l’on s’en tient strictement à l’hypothèse d’Einstein, mais toutes les étrangetés aussi qui ont dérouté un si grand nombre d’esprits. […] Elle résout le corps en un nombre quasi indéfini de corpuscules élémentaires ; et en même temps elle nous montre ce corps lié aux autres corps par mille actions et réactions réciproques. […] Il est essentiel en effet à cette théorie d’éparpiller sur son « système de référence » un nombre indéfini d’horloges réglées les unes sur les autres, et par conséquent d’observateurs.

507. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Ils s’y rendront en petit nombre — et plus nombreux si le snobisme y met la main — sans aucun préjugé moral, national, ni religieux, ni même simplement humain. […] le plus grand nombre ? […] Il s’en est révélé un certain nombre après la guerre. […] Bienfait pour l’art dramatique lui-même qui cesse d’être le privilège du petit nombre et de se développer en vase clos ou à demi clos, ou de s’avilir devant le grand nombre en flattant ses plus bas instincts. […] À vrai dire, un certain nombre d’entre nous s’efforcent de christianiser le théâtre bourgeois-réaliste avec grand talent.

508. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Toutes ses idées gravitent et se rangent spontanément autour d’un certain nombre de centres plus ou moins obscurs. […] Tout nombre est zéro devant l’infini. » D’autre part, lorsque « l’imperceptible étale sa grandeur », et se révèle à son tour comme contenant un monde infini, « le sens inverse de l’immensité se manifeste 111 ». […] …119 » Le monde moral, où l’ordre et le nombre devraient surtout régner, n’est pas moins troublé et obscur que l’autre : Le mal semble identique au bien dans la pénombre ; On ne voit que le pied de l’échelle du Nombre, Et l’on n’ose monter vers l’obscur infini120. […] Les vivants orageux passent dans les rumeurs, Chiffres tumultueux, flots de l’océan Nombre. […] Il appelle l’homme quelque part : tête auguste du nombre ; et nous avons vu que les images tirées du nombre sont chez lui fréquentes.

509. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

. — Par conséquent, ma conception de la substance n’est qu’un résumé ; elle équivaut à la somme des conceptions composantes, comme un nombre à la somme des unités composantes, comme un signe abréviatif aux choses qu’il abrège et signifie. […] Cela signifie que la corde vibrante peut provoquer telle sensation particulière de son, que le corps éclairé peut provoquer telle sensation déterminée de couleur. — Sans doute, aujourd’hui, nous en savons davantage ; l’optique et l’acoustique nous ont appris qu’à tel son correspond tel nombre de vibrations aériennes, qu’à telle couleur correspond tel nombre de vibrations éthérées. […] Quand nous nous représentons une chose quelconque comme une substance matérielle, en d’autres termes, comme un corps, nous avons éprouvé, ou nous pensons que, dans telles conditions données, nous éprouverions, non pas une seule sensation, mais un nombre et une variété très grande et même indéfinie de sensations appartenant en général à différents sens et tellement liées entre elles que la présence de l’une annonce la présence possible, au même instant, de l’une quelconque des autres. […] Dans presque tous les couples que nous rencontrons dans la nature, les deux termes liés à titre d’antécédent et de conséquent ne sont pas des sensations, mais ces groupes dont nous parlions ; une très petite portion de chaque groupe est sensation actuelle ; sa plus grande portion consiste en possibilités permanentes de sensation, possibilités qui nous sont attestées par un nombre petit et variable de sensations actuellement présentes. […] Au lieu de concevoir le mouvement comme une série de sensations successives interposées entre les moments de départ et d’arrivée, il le conçoit alors comme une série d’états successifs interposés entre les moments de départ et d’arrivée ; par ce retranchement, l’espèce et la qualité des éléments qui composent la série sont omises ; il ne reste que leur nombre et leur ordre, et la notion s’applique non pas seulement aux corps sentants, mais à tous les corps.

510. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Les idées y sont présentées sous la forme de propositions ; chaque proposition a un nombre proportionné de preuves. […] Le sermon sur le Petit nombre des élus, son chef-d’œuvre, découragerait même les saints. […] Qui sait si les derniers quiétistes ne se recrutèrent pas parmi les auditeurs encore tremblants du sermon sur le Petit nombre des élus ? […] Dans La Bruyère je vois des physionomies ; dans Vauvenargues, bon nombre de visages n’ont rien d’individuel. […] Le dix-septième siècle comptait encore bon nombre d’admirateurs fidèles.

511. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Ce qu’on admet moins généralement, c’est la nécessité de restreindre le nombre des ouvrages exposés. […] C’est en fait de lectures surtout qu’on peut dire avec vérité que le salut gît dans le nombre. […] Dans le domaine de la fiction surtout, le nombre des lecteurs constitue presque toute l’importance d’un livre. […] Je n’y verrais qu’un avantage : c’est que le nombre des critiques s’en trouverait limité. […] D’autres, et celui qui écrit ces lignes est du nombre, n’ont éprouvé ni surprise ni satisfaction.

512. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Le talent qui se trouve au début dans quelques pages des Ruines se ressent de cette disposition fondamentale ; il y a du nombre, une certaine emphase grandiose, mais nulle légèreté et nul éclat, aucun regard de la muse. […] Parlant des auteurs de mémoires personnels, il a un morceau très vif contre Jean-Jacques Rousseau et Les Confessions, qu’il estime un livre dangereux et funeste : S’il existait, s’écrie-t-il, un livre où un homme regardé comme vertueux, et presque érigé en patron de secte, se fût peint comme très malheureux ; si cet homme, confessant sa vie, citait de lui un grand nombre de traits d’avilissement, d’infidélité, d’ingratitude ; s’il nous donnait de lui l’idée d’un caractère chagrin, orgueilleux, jaloux ; si, non content de révéler ses fautes qui lui appartiennent, il révélait celles d’autrui qui ne lui appartiennent pas ; si cet homme, doué d’ailleurs de talent comme orateur et comme écrivain, avait acquis une autorité comme philosophe ; s’il n’avait usé de l’un et de l’autre que pour prêcher l’ignorance et ramener l’homme à l’état de brute, et si une secte renouvelée d’Omar ou du Vieux de la Montagne se fût saisie de son nom pour appuyer son nouveau Coran et jeter un manteau de vertu sur la personne du crime, peut-être serait-il difficile, dans cette trop véridique histoire, de trouver un coin d’utilité… Volney, en parlant de la sorte, obéissait à ses premières impressions contre Rousseau, prises dans le monde de d’Holbach ; il parlait aussi avec la conviction d’un homme qui venait de voir l’abus que des fanatiques avaient fait du nom et des doctrines de Rousseau pendant la Révolution, et tout récemment pendant la Terreur. […] Voici donc un tableau général et en raccourci de l’aspect et du sol des États-Unis à la date où Volney les a visités, en 1797 ; pas un mot n’est à perdre ni à négliger : Telle est, en résumé, dit-il, la physionomie générale du territoire des États-Unis : une forêt continentale presque universelle ; cinq grands lacs au nord ; à l’ouest, de vastes prairies ; dans le centre, une chaîne de montagnes dont les sillons courent parallèlement au rivage de la mer, à une distance de 20 à 50 lieues, versant à l’est et à l’ouest des fleuves d’un cours plus long, d’un lit plus large, d’un volume d’eau plus considérable que dans notre Europe ; la plupart de ces fleuves ayant des cascades ou chutes depuis 20 jusqu’à 140 pieds de hauteur, des embouchures spacieuses comme des golfes ; dans les plages du Sud, des marécages continus pendant plus de 100 lieues ; dans les parties du Nord, des neiges pendant quatre et cinq mois de l’année ; sur une côte de 300 lieues, dix à douze villes toutes construites en briques ou en planches peintes de diverses couleurs, contenant depuis 10 jusqu’à 60 000 âmes ; autour de ces villes, des fermes bâties de troncs d’arbres, environnées de quelques champs de blé, de tabac ou de maïs, couverts encore la plupart de troncs d’arbres debout, brûlés ou écorcés ; ces champs séparés par des barrières de branches d’arbres au lieu de haies ; ces maisons et ces champs encaissés, pour ainsi dire, dans les massifs de la forêt qui les englobe ; diminuant de nombre et d’étendue à mesure qu’ils s’y avancent, et finissant par n’y paraître du haut de quelques sommets que de petits carrés d’échiquier bruns ou jaunâtres, inscrits dans un fond de verdure : ajoutez un ciel capricieux et bourru, un air tour à tour très humide ou très sec, très brumeux ou très serein, très chaud ou très froid, si variable qu’un même jour offrira les frimas de Norvège, le soleil d’Afrique, les quatre saisons de l’année ; et vous aurez le tableau physique et sommaire des États-Unis. […] L’expédition d’Égypte se fit, et, bien qu’il ne fût point au nombre des savants qui s’y joignirent, son nom se trouve inséparablement associé au leur.

513. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Le nombre des combinaisons possibles (il y a peut-être cent mille clichés dans Goyer-Linguet) touche à l’infini dans l’absolu ; elles sont toutes mauvaises, et le jeu est dangereux qui habitue l’esprit à recevoir, sans travail et sans lutte, la becquée. […] Les sphères sont nombreuses et leur nombre augmente à mesure que, dans les médiocres foules parlementaires, s’accroît, par défaut d’intelligence, le besoin de l’imitation. […] Francis Wey a recueilli un certain nombre de ces cacographies dans ses médiocres Remarques sur la langue française (1845) ; on en trouvera un grand nombre dans un livre beaucoup plus médiocre encore, mais plus curieux, de P.

514. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

L’éloquence qui n’est pas pour le grand nombre, n’est pas de l’éloquence. […] Deux choses charment l’oreille dans le discours ; le son, et le nombre : le son par la qualité des mots, le nombre par leur arrangement. […] Faut-il s’étonner après cela que l’éloquence de la chaire soit regardée comme un mauvais genre par un grand nombre de gens d’esprit, qui confondent le genre avec l’abus ?

515. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

N’avons-nous à contempler dans les arts que la masse et le nombre des ouvrages, achevés à la hâte comme si le temps devait toujours manquer aux fondateurs ? […] La rigueur du sort a passé depuis sur cette famille, réduite de nombre, errante, exilée ; mais de quelle brillante auréole l’entourait et devait la protéger le génie du poëte, alors qu’il disait : Oh ! […] L’hymne où il la célèbre, avec les nombres sonores de son idiome natal, répandit tout à coup son nom dans les États-Unis, que flattait cet hommage aux phénomènes de leurs solitudes sauvages encore. […] Au-dessus se croisent des arcs-en-ciel sans nombre, et les bords assourdis prolongent un bruit épouvantable.

516. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Toutefois elle vous permet d’acquérir un semblant de lumière sur un certain nombre de phénomènes d’ailleurs équivoques. […] Mais ceux-là sont plus estimables parce que leur imparfaite volonté détermine un mouvement violent dont le grand nombre bénéficie par répercussion. […] Je suis le char triomphal qui porte les élus du grand nombre. […] Notre but est d’attirer à nous le plus grand nombre possible d’intelligences. […] Être une unité passive parmi le grand nombre ?

517. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

Je savais, au reste, les difficultés sans nombre qu’offrait cette application du scalpel ou même du crayon à une nature délicate et chatouilleuse telle que la sienne, surtout lorsqu’on tenait avant toute chose à ne la point froisser. […] Il m’est arrivé, depuis que je l’ai écrit, un certain nombre de lettres qui, la plupart, le confirment.

518. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

La nouvelle apologétique qu’on pourrait déduire des Pensées de Pascal, telles qu’on les possède actuellement, ne saurait s’adresser en réalité qu’à un petit nombre d’esprits et de cœurs méditatifs ; et elle mériterait moins le nom d’ apologétique que de s’appeler tout simplement une forte étude morale et religieuse faite en présence d’un grand modèle. […] J’avais vu dans une splendeur inusitée cette reine superbe : Saint-Pierre m’avait apparu avec un surcroît de baldaquins et d’or, avec de magnifiques tentures et des tableaux où figuraient les miracles d’un certain nombre de nouveaux saints qu’on venait de canoniser.

519. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

De là grande rumeur, comme on peut penser, et réclamations sans nombre. […] Mais bien que l’énergie et la force caractérisent Tacite, on se tromperait fort de penser qu’elles soient les uniques mérites de son style, et que les autres parties, l’éclat, l’abondance, le nombre, y aient été sacrifiées.

520. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

S’il le veut, il y a en lui l’étoffe d’un romancier actuel, fécond et vrai ; son mauvais goût (car il en a) n’est que dans le détail ; ainsi, il reproduit trop par moments le jargon psychologique du maître ; il a des redoublements de bel esprit dans ses analyses, des drôleries et trivialités métaphoriques dans ses portraits, qui déplaisent au passage, mais sans avoir le temps de rebuter ; il a une multitude d’allusions dont un trop grand nombre, pour ceux qui ne vivent pas tout à fait de cette vie du jour, sont déjà subtiles et obscures. […] Après tout, M. de Bernard, en se livrant vers cette fin au terrible à la mode, a pu se dire qu’il avait, dans les trois autres quarts du roman, payé assez largement sa dette à l’observation fine et franche, à la vérité amusante des mœurs, à cette nature humaine d’aujourd’hui, vivement rendue dans ses sentiments tendres ou factices, ses élégances et ses ridicules, ses affectations naïves ou impertinentes ; car il a fait de tout cela dans Gerfaut, et bon nombre de ces pages, de ces conversations et de ces scènes scintillantes ou gaies, entraînantes ou subtiles, et parfois simplement plaisantes, auraient pu être écrites par un Beaumarchais romancier, ou même par un Regnard.

521. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Les anciens n’avaient de motif de préférence pour les femmes, que leur beauté, et cet avantage est commun à un assez grand nombre d’entre elles. […] Un crime retentissait pendant une longue suite d’années ; et nous avons vu des cruautés sans nombre, presque dans le même temps commises et oubliées !

522. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Entre les individus d’un même groupe social, on rencontre en effet nombre de nuances et de variétés. […] Pour le groupe, pour la collectivité, de quelque nature qu’elle soit, ce fait de Bovarysme se réalise aussitôt qu’un certain nombre des individus qui le composent subit la fascination d’une coutume étrangère au lieu de subir la suggestion de la coutume propre à son groupe.

523. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

On l’accuse d’être faux dans ses citations ; mais, dans un grand nombre qu’on a vérifiées, on ne l’a point surpris en faute : & d’ailleurs seroit-il étonnant que, dans un nombre si prodigieux de passages, sa mémoire se fût quelquefois égarée.

524. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Quoiqu’il ne nous soit demeuré qu’une tragedie de cette espece, l’ Octavie qui passe sous le nom de Seneque, nous sçavons néanmoins que les romains en avoient un grand nombre. […] Il n’est qu’un certain nombre de personnes qui aïent assez frequenté les originaux dont on expose des copies, pour juger si les caracteres et les évenemens sont traitez dans la vrai-semblance.

525. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Les sçavans disputent donc sur le sens d’un grand nombre de passages de Vitruve ; mais ils tombent tous d’accord que son texte seroit clair si nous avions ses figures. […] Il n’est pas croïable qu’aucun habitant de Rome ignorât le nombre de coups dont Cesar avoit été percé.

526. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

L’air dépose encore sur la surface de la terre la matiere qui contribuë le plus à sa fécondité, et le soin qu’on prend de la remuer et de la labourer, vient de ce qu’on a reconnu que la terre en étoit plus féconde quand un plus grand nombre de ses parties avoit eu lieu de s’imbiber de cette matiere aerienne. […] Monsieur De Thou, dont je ne ferai que traduire le récit, étoit un homme revétu d’une grande dignité, qui donnoit lui-même au public l’histoire d’un prince mort depuis un petit nombre d’années, et dont il avoit approché avec familiarité.

527. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Ceux-ci sont au nombre de cent quatre-vingts, ce qui, joint aux premières, forme une suite complète de près de trois cent vingt éloges. […] Si nous parcourons l’Italie, ces éloges nous offrent un très grand nombre d’hommes qui, dans le cours du quinzième ou seizième siècle, s’y distinguèrent par le gouvernement, ou par les armes.

528. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Pausanias, dans une de ses revues de la statuaire grecque, remarque sous un portique d’Athènes, tout près de Xanthippe, un des glorieux combattants de Mycale, Anacréon de Téos, le premier qui, après Sapho, dit-il, ait fait sur l’amour le plus grand nombre de ses vers. […] Je le croirai, par exemple, pour quelques vers qui ne me semblent que le début d’un hymne à la gloire d’Athènes : « Salut, braves105, vous qui avez remporté le grand honneur de la guerre, enfants d’Athènes, habiles cavaliers qui jadis, pour votre patrie aux belles fêtes, avez consumé votre jeunesse, en suivant un parti contraire à celui du plus grand nombre des Grecs ! 

529. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

On peut juger quelle riche pièce c’est, tant par le prix qu’elle coûte que par le nombre des chameaux qu’il faut pour la porter, qui est de deux cent quatre-vingts. […] Le roi y étant entré sur les neuf heures, et toute la cour, au nombre de plus de trois cents personnes, on vit entrer dans la place, par le coin oriental, l’ambassadeur des Lesqui: c’est une nation tributaire de la Perse, qui habite un pays de montagnes, aux confins du royaume, vers la Moscovie, proche de la mer Caspienne. […] Les autres domestiques, au nombre de neuf ou dix, allaient à pied, en assez pauvre équipage pour une telle décoration. […] Le grand maître d’hôtel en prend dix, lesquels de droit il faudrait qu’il partageât avec les yessaouls, qui sont comme les gentilshommes ordinaires de chez le roi, lesquels sont au nombre de vingt-quatre ; mais il ne leur en donne presque rien. […] Le nombre des habits qu’il donne est infini.

530. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Il y a nombre de terres incultes où elle viendroit en abondance. […] La vie du roi de Prusse fut un tableau exposé au grand jour qu’on a vu pendant nombre d’années. […] ce n’est que pour éprouver des rigueurs du plus grand nombre. […] Les uns roulent des chagrins, les autres des projets, le plus grand nombre des chimeres. […] Le plus grand nombre dans tous les corps est ordinairement le plus ignorant, & le moins capable d’énergie.

531. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Au théâtre, on ne voit plus un petit nombre de juges se rassembler solennellement, moins pour savourer une émotion que pour porter un jugement. […] Il s’agissait de satisfaire un petit nombre d’esprits délicats : il s’agit de répondre aux besoins d’une multitude affamée. […] Le roman plaît au plus grand nombre parce qu’il ne monte jamais en chaire et qu’il devise au coin du feu. […] On dit que d’autres intelligences s’y noient en grand nombre et misérablement. […] Ses personnages y interviennent au moment où il en a besoin, et il n’en limite pas le nombre.

532. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Pour ne prendre que les génies lyriques, c’est-à-dire ceux qui excellent à revêtir toutes les émotions de leur âme par l’image et par le nombre, leur faculté n’est jamais plus grande, plus au complet qu’après la jeunesse et durant le milieu de la vie. […] Il a été utile à M. de Lamartine, comme au petit nombre de talents éminents qui s’étaient liés à la cause de la Restauration, que-celle-ci tombât. […] Cette lutte et ce contraste ont un grand charme ; et le petit nombre de Poëmes méditatifs dont je parle n’ont pas été assez distingués et loués comme des exemples excellents, selon moi, d’un genre si précieux de poésie. […] Wordsworth pense avec Akenside, dont il prend le mot pour devise, que « le poëte est sur terre pour revêtir par le langage et par le nombre tout ce que l’âme aime et admire ; » et Lamartine nous dit quelque part en son Voyage d’Orient :« Je ne veux voir que ce que Dieu et l’homme ont fait beau ; la beauté présente, réelle, palpable, parlant à l’œil et à l’âme, et non la beauté de lieu et d’époque. […] Pour ceux qui aiment l’homme dans Lamartine (et le nombre en est grand), Jocelyn doit avoir une valeur biographique ou du moins psychologique bien précieuse.

533. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Des Florentins en grand nombre, à chaque trouble survenu dans la république des Médicis, avaient émigré sur ce point et y avaient fondé une espèce de colonie qui continuait d’associer, comme dans la patrie première, l’instinct et le génie du négoce au noble goût des arts et des lettres. […] Les preuves de ce fait général seraient abondantes, et le Père de Colonia, sans en tirer toutes les conséquences, a pris soin d’en rassembler un grand nombre dans l’histoire littéraire qu’il a tracée de sa cité adoptive. […] Les vers de Louise sont en petit nombre. […] Louise était évidemment nourrie des Anciens : on pourrait indiquer et suivre à la trace un assez grand nombre de ses imitations ; mais elle les fait avec art toujours et en les appropriant à sa situation particulière10. […] On trouverait d’ailleurs dans ce même volume d’Odes, d’Olivier de Magny, au livre IV, quelques pièces, d’un tout autre ton, ardentes, respectueuses, où il se dit amoureux d’une Loyse (page 131, 143) ; dans une ode à Du Bellay (page 133), il décrit les grâces et perfections d’une maîtresse qui, entre autres mérites, a celui de faire des vers aussi bien que Saint-Gelais, ce qui ne saurait s’appliquer qu’à un petit nombre ; il parle, en une chanson (page 137), d’une beauté qui unit dans ses regards Mars à Vénus, ce qui peut s’entendre de notre guerrière ; enfin, dans une pièce à Maurice Sève, où il se représente comme ayant quitté Lyon et absent de s’amie depuis un mois, il s’écrie (page 149) : Rivages, monts, arbres et plaines, Rivières, rochers et fontaines, Antres, forêts, herbes et prez, Voisins du séjour de la belle, Et vous petits jardins secrets, Je me meurs pour l’absence d’Elle, Et vous vous égayez auprez !

534. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Arrivé à Baltimore, le jeune Saint-Marc y passa les années 1795, 1796 ; il savait très-bien l’anglais et avait des écolières pour le piano en grand nombre : il s’était rendu extrêmement fort sur cet instrument. […] Bon nombre des membres dispersés de l’ancien Caveau, aidés de fraîches recrues qu’ils s’adjoignirent, reformèrent un Caveau véritable, qui paraît avoir duré jusqu’après 1775. […] C’est Tyrtée ou Callinus qui a dit, s’adressant à la jeunesse oisive : « Jeunes gens, vous vous croyez en pleine paix, et la guerre embrasse toute la terre. » Ceci s’appliquerait très-bien au très-petit nombre de jeunes gens ou d’hommes jeunes encore qui avaient trouvé moyen d’éviter la conscription et de rester à Paris sous l’Empire. […] Désaugiers, en ce genre, a la veine plus grasse qu’aucun de ses devanciers et de ses contemporains ; mais on ose mieux louer en lui les vifs et légers accès de son humeur jaillissante, au nombre desquels je rappellerai encore la Manière de vivre cent ans (1810). […] Un poëte lyrique a du nombre, de l’harmonie, de la mélodie ; mais le chant proprement dit, l’air, il faut que cela dans la chanson accompagne, inspire, comme d’un seul et même souffle, la parole et ne fasse qu’un avec elle.

535. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

« Jeune, il avait appliqué son esprit supérieur aux plus hautes études, non, comme le plus grand nombre, pour parer une molle oisiveté d’une réputation éclatante, mais pour se dévouer à la république avec une âme affermie contre toutes les vicissitudes du sort. […] La lutte s’engagea entre les deux partis : d’un côté les hommes de bien, plus nombreux ; de l’autre les méchants, plus agressifs, quoique en petit nombre. […] « Le navire néanmoins ne s’abîmait pas encore, au milieu du trouble de ceux qui le montaient, et parce que le plus grand nombre d’entre eux, ignorant le crime, s’efforçaient de l’empêcher de sombrer. […] « Un petit nombre de serviteurs étaient restés aux abords de l’appartement ; tous les autres s’étaient dispersés sous la terreur des soldats qui forçaient les portes. […] « Cependant, par une monstrueuse émulation des sénateurs, on vota des prières publiques dans tous les sanctuaires, des jeux annuels, des fêtes à Minerve, en commémoration du jour où le prétendu complot d’Agrippine avait été prévenu, et le jour de la naissance d’Agrippine fut mis au nombre des jours néfastes. » LIII « Pætus Thraséa, qui avait l’habitude de flétrir les bassesses ordinaires de son silence, ou de les laisser passer avec un bref et dédaigneux consentement, sortit alors du sénat, se vouant ainsi lui-même au dernier péril, sans donner aux autres le courage de la liberté. »… LIV Quelle condition du beau dans l’histoire manque dans ce récit de Tacite ?

536. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Parmi les personnes qui m’écoutent, il en est peut-être qui viennent chercher ici des notions sur l’art d’écrire, avec l’intention de s’y exercer elles-mêmes ; il en est d’autres qui ne veulent qu’éclairer leur jugement, orner leur esprit et former leur goût ; mais le plus grand nombre, dont le jugement, l’esprit et le goût pourraient donner des leçons au lieu d’en recevoir, n’ont besoin que de se souvenir. […] Malheureusement, il n’est point de pays où la fausse monnaie ait plus de cours que dans le domaine de la littérature, et nous reconnaissons avec peine que de nos jours la saine et bonne critique est au nombre des réformes de notre siècle réformateur. […] Assurément, le talent de bien parler mérite d’être placé au-dessus du talent de bien lire ; et cependant il semble que le nombre des bons lecteurs soit plus restreint encore que celui des bons orateurs. […] Un ouvrage, vraiment digne d’estime, ne se débite qu’à un petit nombre d’exemplaires ; et il faut de hautes réputations littéraires pour forcer l’entrée des bibliothèques. […] Nous entendons partout se plaindre du petit nombre de bons lecteurs : comment se fait-il alors que personne ne songe à acquérir un talent dont l’absence paraît si regrettable ?

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