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370. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghil, René (1862-1925) »

Paul Léautaud Son livre de débuts, Légendes d’âmes et de sang, qui révélait un poète ne procédant d’aucun maître, et dont la préface, où il donnait les grandes lignes de l’œuvre qu’il méditait, laissait pressentir les théories de musique verbale que le Traité du verbe devait répandre avec éclat, d’un coup attira sur lui l’attention.

371. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Alors, auprès de lui, tout le reste n’est que l’accompagnement de sa musique. […] Littérature et musique : ces mélanges d’arts sont bien attrayants ; ils ne sont pas sans périls. […] Il ne souffre pas ; il ne médite pas ; il écoute une grande musique indistincte et ne cherche pas à la comprendre. […] Et, comme la musique est plus persuasive que tous les mots, cette phrase vaut mieux que tous les commentaires ; mais commenter une musique est un plaisir inutile et charmant, l’hommage de la dialectique à l’intuition. […] Ils lui remplacent par de souveraines musiques les paroles balbutiantes de son orgueil, de son désir, de sa misère.

372. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

… d’un disciple qui sait la musique du Romantisme pour l’avoir étudiée chez les maîtres — car vous retrouvez ici les meilleures cadences de Chateaubriand — mais où nous ne discernons que trop l’artifice littéraire et cette accumulation d’images qui, par l’abus qu’on en fit, prennent le galbe et la patine légèrement défraîchie des sujets de pendule ! […] Élevée sur les genoux d’un père qui poursuivait ses rimes à travers les mille occupations de la vie mondaine, n’hésitant pas à parfaire, six mois durant, la magnificence d’un sonnet, elle eut ses jeunes ans bercés au son de la musique des phrases, et cette musique-là, tout comme l’autre, dépose en notre oreille des rythmes qui ne s’effacent jamais. […] Parmi ses titres, c’est, à mon sens, celui qui compte le plus ; j’y vois la décisive épreuve, la ceinture de flammes qu’elle sut traverser et dont elle sortit vivante… Trop de littérature, trop de musique autour d’une enfance, autour d’une âme qui s’éveille à la vie, cela peut être plus redoutable qu’aucune littérature, aucune musique du tout. Il subsiste encore la chance que cette âme porte en soi sa littérature et sa musique, auquel cas rien au monde ne saurait les empêcher d’en sortir, tandis que les réminiscences d’une mémoire trop fidèle risquent d’anéantir toute spontanéité. […] Il n’est pas jusqu’au style qui, par son accent, sa musique et certains rythmes ou façons de conduire la phrase, ne découvre de saisissantes analogies, surtout pour une oreille qui, dans sa première jeunesse, fut bercée au son de ces cadences.

373. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

C’est pourquoi, sans être lui-même un très grand guerrier, il aime les récits et les spectacles militaires ; il aime à voir passer les soldats dans les rues, à voir défiler des bataillons, musique en tête, et caracoler des généraux qui ont un beau cheval et un panache. […] Des vers sont comparables à la musique, qui n’exprime pas des idées, mais qui suggère des sentiments, des états d’âme. La musique ne peut pas exprimer une idée. […] Mais la musique vous jette dans certains états d’âme, à la fois très vagues, très troublants, très profonds, parfois douloureux, parfois délicieux. […] C’est une tentative pour vider la poésie des idées et des sentiments et pour substituer à ce qui avait été appelé la poésie jusque-là je ne sais quelle musique, musique indéchiffrable, musique que chacun interprétera à sa manière.

374. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Et, pour parler des choses de mon métier : je défie n’importe quel compositeur de musique n’ayant pas étudié le latin, de me donner une définition exacte des mots : composer, composition. On me répondra que cela veut dire faire des morceaux de musique ou des opéras… C’est possible, c’est un fragment de définition. […] Peinture, statuaire, musique, architecture, tous les arts, jusqu’à ceux du costume et des jardins, témoignent d’inquiétude ou de vulgarité.

375. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Ce sont comme les formules en musique ; chaque époque a les siennes : Molière, Racine et Boileau, les deux derniers plus que le premier, ont de ces formules. […] Or tandis que ce grand homme, toujours généreux, vantait, dans l’Amour médecin, « les airs et les symphonies de l’incomparable Lulli », celui-ci travaillait sous main à déposséder la troupe de Molière du droit de jouer des pièces mêlées de chant et de musique. Il y réussissait, il se faisait donner en 1672 un privilège exclusif sur toute la musique du royaume, à la trop juste indignation de Molière, qui réclamait auprès de Louis XIV, et qui en obtenait d’être maintenu dans son droit.

376. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

La plupart des commerçants, des politiciens, des médecins, choisissent les livres, les tableaux, les morceaux de musique opposés de ton et de tendance aux dispositions dont ils doivent user dans leur vie active. […] Hennequin note lui-même la prédilection des ouvriers pour les aventures qui se passent dans un fabuleux « grand monde », l’attrait des histoires romanesques ou sentimentales pour certaines personnes d’occupations incontestablement prosaïques, le charme que les habitants des villes trouvent aux paysages ; des hommes habituellement simples et calmes sont souvent avides de la musique la plus passionnée. […] Napoléon Ier lisait Ossian, Byron lisait Pope et le préférait à Shakespeare, Frédéric II s’adonnait à la musique de chambre.

377. (1901) Figures et caractères

Une jeune fille compose sur des paroles de lui la musique d’un opéra plusieurs fois représenté. […] Comme Richard Wagner réalisa l’alliance du Drame et de la Musique, Stéphane Mallarmé poursuivit l’identification de la Musique à la Poésie. […] Aussi sa comédie s’approprie-t-elle à la musique. […] La conception mallarméenne de la « Musique » (à ne pas confondre avec la « musique ») a fait couler beaucoup d’encre. […] Mallarmé, d’ailleurs, revendique cette acception de la musique « au sens grec » dans une lettre écrite en 1893 à Edmund Gosse où il définit la « Musique » comme un « rythme entre des rapports » (Correspondance, éd.

378. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Au lieu que les mots plus beaux des langues étrangères font obstacle à la pensée en lui imposant, quelle qu’elle soit, leur musique et leur teinte, le mot français, incolore, atone, ne garde qu’un sens net, où l’esprit aperçoit tous les effets, tous les usages dont il est capable ; il prend le relief, l’harmonie, la lumière, la chaleur, que l’idée réclame ; il s’amortit ou éclate, il prête ou emprunte sa flamme, infiniment souple et mobile, élastique et subtil comme le plus léger des gaz, malgré la précision rigoureuse de sa définition, qui, dans aucun emploi, ne s’altère ni ne s’obscurcit.

379. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

C’est de la poésie lunaire et nocturne : « Les cieux étaient de cendre… C’était nuit en le solitaire octobre de ma plus immémoriale année… À travers une allée titanique de cyprès, j’errais avec mon âme   une allée de cyprès avec Psyché, mon âme… » Ou bien : « À minuit, au mois de juin, je suis sous la lune mystique : une vapeur opiacée, obscure, humide, s’exhale hors de son contour d’or et, doucement se distillant goutte à goutte sur le tranquille sommet de la montagne, glisse avec assoupissement et musique, parmi l’universelle vallée.

380. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

On les aima quelquefois pour la douceur berceuse de leurs inflexions, on les écouta à cause de l’apaisement que cela donnait, à cause des beaux vers dont la musique imprécise charmait.

381. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Tous les goûts, tous les arts y étoient bien reçus, la poësie, la musique, la peinture.

382. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

L’air vif et presque toujours serain de ces regions subtilisoit leur sang, et les disposoit à la musique, à la poësie et aux plaisirs les moins grossiers.

383. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Arrivés tard et cherchant un « frisson nouveau », comme disait Victor Hugo de Beaudelaire, ils ont bien arraché à notre vieille langue une musique dont elle n’était pas capable jusque-là, — mais, de cette musique, ils ont dû être seuls à jouir pendant longtemps. […] Cette musique achevait son être, comme ma main achève mon bras. […] C’est vrai de la musique, comme de la poésie, de la peinture et de la sculpture. […] A ceci, que la musique est cela pour un profane ou qu’elle n’est rien. […] L’autre jour il m’avait exposé une théorie de la musique ; maintenant c’est une hypothèse sur la peinture.

384. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

La musique municipale vint devant la porte de la maison exécuter des fanfares et des symphonies pendant toute la soirée. […] Cette cantate qui, pour la musique, est d’un professeur d’Hesdin, pour les paroles est de M. 

385. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Il avait un goût exquis pour les beaux-arts, l’éloquence, la poésie, la musique, la peinture… Il dessinait facilement et de génie ; il avait étudié la musique à fond, jusqu’à savoir la composition.

386. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Certes, ces bohèmes inspirent une musique fringante, et propre à réjouir l’après-dînée du spectateur. […] Avec la ruine de la littérature du sentiment, de la peinture de genre et de la musique langoureuse, avec le retour de l’intellectualité française à ce genre d’ouvrages insolents, dont parle Stendhal, qui forcent le lecteur à penser au lieu d’émouvoir simplement ses nerfs, avec l’avènement de l’artiste aux suprématies morales dans une époque où les hiérarchies se meurent, le spectre grimaçant de l’ancien bohème, outrageant la noblesse vivante de l’artiste, avec celui du névrosé, de l’égotiste et de l’arriviste va reculer définitivement au fond de la région des ombres.

387. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Le caractère tout nouveau de cette éducation est dans le mélange du jeu et de l’étude, dans ce soin de s’instruire de chaque matière en s’en servant, de faire aller de pair les livres et les choses de la vie, la théorie et la pratique, le corps et l’esprit, la gymnastique et la musique, comme chez les Grecs, mais sans se modeler avec idolâtrie sur le passé, et en ayant égard sans cesse au temps présent et à l’avenir. […] Lucien, dans un dialogue entre Vénus et Cupidon, avait fait demander par la déesse à son fils pourquoi il respectait tant les muses, et l’enfant avait répondu quelque chose de ce que Rabelais va reprendre, amplifier en ces termes et embellir : Et me souvient avoir lu que Cupido, quelquefois interrogé de sa mère Vénus pourquoi il n’assailloit les Muses, répondit que il les trouvoit tant belles, tant nettes, tant honnêtes, tant pudiques et continuellement occupées, l’une à contemplation des astres, l’autre à supputation des nombres, l’autre à dimension des corps géométriques, l’autre à invention rhétorique, l’autre à composition poétique, l’autre à disposition de musique, que, approchant d’elles, il débandoit son arc, fermoit sa trousse et éteignoit son flambeau, de honte et crainte de leur nuire.

388. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

On peut citer comme exemples de cette sorte d’ouvrages, des romans comme le Werther ou la Confession d’un Enfant du siècle, les peintures de Rubens ou de Delacroix, presque toute la musique. […] Mais cette organisation est similaire : il existe des faits psychologiques généraux à la base du romantisme, du réalisme, de la peinture coloriste, de la musique polyphonique.

389. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

La première consistait en une espèce de conférence, où elle racontait les origines et l’histoire de la musique, en développait la théorie, en expliquait les principes. […] Quelquefois pourtant, elle tenait l’orgue : on entendait alors une musique peu ordinaire, qui roulait et grondait, ne s’arrêtait pas où il fallait, ne tenait compte de rien et désorganisait tout l’office. […] Elle regrettait beaucoup mon départ, car, disait-elle, j’avais de grandes dispositions pour la musique, déclaration qui manqua me faire pouffer de rire. […] Cette fois, je ne me retins pas de rire, c’était encore plus extraordinaire que mes dispositions pour la musique. […] Je croyais en avoir fini avec la musique, et voilà que m’apparaissait le spectre de la sœur Fulgence, armée de joyeuses verges.

390. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVI » pp. 64-69

Et tous les lundis, quand il n’y a pas concert ou même entre deux musiques, devant de belles dames auteurs, on voit monter en chaire quelqu’un comme M.

391. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

Belle musique au dessert.

392. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

C’est ainsi qu’en bannissant de sa republique ceux des modes de la musique ancienne dont les chants mols et effeminez lui sont suspects, il y conserve d’autres modes dont les chants ne lui paroissent pas devoir être pernicieux.

393. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

De là, un rythme d’une musique pénétrante, qui nous alanguit, nous désempare, nous prend de force ! […] Écoutez sa musique… et votre âme, Il fait renaître le passé ! […] Ô la suavité de cette musique enjôleuse ! […] Il ausculte l’âme, essaie d’y entendre chanter des notes ; ce qu’il aime, c’est la musique de l’âme. […] Le drame fut adapté depuis à la scène de l’Opéra-Comique avec musique de Claude Debussy.

394. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Les générations toutes fraîches tiennent à ne pas se confondre dans ce qui les a précédées, à ne point paraître venir à la suite ; elles veulent à leur tour commencer quelque chose, marcher en tête de leurs propres nouveautés, avec musique et fanfares, et guidées par les princes de leur jeunesse.

395. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

C’est une prétention d’user des mots en artiste, non pour penser et sentir, ni pour provoquer des pensées et des sentiments, mais pour produire les impressions les plus spéciales qui appartiennent aux autres arts, à la musique, à la peinture, à la sculpture, des impressions de son, de couleur et de forme.

396. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

La brise seule aurait pu écrire ses improvisations vagabondes, échevelées comme la belle tête blonde de l’Hoffmann de la musique. […] Rossini chante des sensations et des ivresses ; il a plus de verve que de sensibilité : c’est le Boccace de la musique. Laprade est en poésie ce que Beethoven et Liszt sont en musique : ce sont des esprits aériens.

397. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Voix de musique et de lumière dans un désert noble, la voici arrivée, inconnue de tous et consciente d’elle-même, à l’harmonieuse possession de son être et à la gloire du complet épanouissement. […] Souvent, par besoin inconscient de renouveler leur musique, ils chantent des théories jeunes encore ; mais ils n’ont pas la puissance de les créer eux-mêmes. […] Il m’est pourtant impossible de passer sous silence l’autre grand mérite d’Émile Boissier : il est poète par la musique autant que par l’imagination.

398. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

. — Mais je crois que c’est la musique qui attire les vieillards décorés ! […] Les gens du peuple aiment toutes les musiques, les justes et les fausses ; les musiciens ne goûtent que peu de musiques, et moi je crois avoir plus d’oreille que vous. […] … Qu’on lise les œuvres de ces auteurs qui cherchent à introduire la musique dans la littérature, qu’on étudie leur style, et l’on ne verra qu’une prétention d’agencement, que des accouplements bizarres de mots, faits plutôt pour étonner que pour plaire ; et, chose singulière, ces harmonieux, d’ordinaire, ne comprennent rien à la musique, ne la sentent même pas ; et pourtant l’harmonie musicale n’est-elle pas la quintessence de l’harmonie parlée ? […] La musique en littérature est impossible, il est une multitude de mots durs, inharmonieux qu’on ne peut remplacer par des équivalents, et que des périphrases rendent mal ou à peine. […] Si les uns ont demandé la musique, d’autres ont prôné la couleur : si les uns ne comprennent rien à la musique, les autres n’entendent rien à la peinture.

399. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Brillant aime donc la musique, je le suis mieux quand il en parle. […] Il ne s’agit pas de remplacer la fanfare de Ludendorff par une autre ; aucune musique n’accompagnera ce sublime événement dont peu de journaux nous parleront. […] Quelles musiques nous sollicitaient alors ? […] Et l’honneur français, la jeunesse, l’amitié, voilà les thèmes qu’il maintient, et auxquels Philippe Barrès accorde ses premières musiques. […] Quatrains de cet Alphabet, par exemple, qui fut mis en musique par Auric78.

400. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

À quelque distance, pas trop haut, à mi-chemin de la philosophie et du sol, c’est une musique amère et douce, infinie, au perpétuel bruissement. […] Dès ce temps, elle mettait en moi l’amour des vocables choisis, techniques, imagés, des vocables lumineux… je l’écoutais avec le plaisir d’un enfant amoureux de musique et qui en entend. […] Barrès possède un style merveilleux, palpitant et souple, hardi, aux images fondues, aux détours aisés, à la musique infinie et lointaine. […] Cette île est toute sonore de musique, et les flots déposent, sur sa grève, des Tziganes, des chanteurs napolitains, Bach, Beethoven et Wagner. […] Voici d’autres aveugles, des camarades de l’Institut, des professeurs, un surtout, Gilquin l’organiste, dont l’âme, exaltée par la musique et la foi, a pris un surprenant essor.

401. (1881) Le naturalisme au théatre

Je veux bien admettre que ce soit réellement la musique qui soulève une si belle passion. […] Le plus simple est de lâcher la littérature et de se contenter de la musique. Avec la musique, c’est une douce somnolence. […] C’est le mot, on entretient la musique en France. […] La musique tiendrait moins de place que cela ne serait pas un mal.

402. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

La sculpture et la peinture, surtout la musique et la poésie, sont plus libres que l’architecture et l’art des jardins. […] Prenez la musique ; c’est l’art sans contredit le plus pénétrant, le plus profond, le plus intime. […] On raconte de la musique ancienne des choses extraordinaires. […] Non, moins la musique fait de bruit, et plus elle touche. […] Sous ce rapport, la musique est un art sans rival : elle n’est pourtant pas le premier des arts.

403. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

M. de Francueil est bon violon et fabrique ses violons lui-même, outre cela « horloger, architecte, tourneur, peintre, serrurier, décorateur, poète, compositeur de musique et brodant à merveille273 ». […] On y fait de la musique en plein air, au clair de lune, Garat chante et le chevalier de Saint-Georges joue du violon275. […] À Monchoix276, chez le comte de Bédée, oncle de Chateaubriand, « on faisait de la musique, on dansait, on chassait, on était en liesse du matin jusqu’au soir, on mangeait son fonds et son revenu ». […] Ils chantent, ils dansent, et viennent tour à tour débiter de petits vers de circonstance qui sont des compliments bien tournés286. — À Chantilly, « la jeune et charmante duchesse de Bourbon, parée en voluptueuse Naïade, conduit le comte du Nord, dans une gondole dorée, à travers le grand canal, jusqu’à l’île d’Amour » ; de son côté, le prince de Conti sert de pilote a la grande-duchesse ; les autres seigneurs et les dames, « chacun sous des vêtements allégoriques », font l’équipage287, et, sur ces belles eaux, dans ce nouveau jardin d’Alcine, le riant et galant cortège semble une féerie du Tasse  Au Vaudreuil, les dames, averties qu’on veut les enlever pour le sérail, s’habillent en vestales, et le grand prêtre, avec de jolis couplets, les reçoit dans son temple au milieu du parc ; cependant plus de trois cents Turcs arrivent, forcent l’enceinte au son de la musique, et emportent les dames sur des palanquins le long des jardins illuminés  Au Petit Trianon, le parc représente une foire, les dames de la cour y sont les marchandes, « la reine tient un café comme limonadière », çà et là sont des parades et des théâtres ; la fête coûte, dit-on, quatre cent mille livres, et l’on va recommencer à Choisy sur plus grands frais.

404. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Le lecteur lit de scène en scène, et en latin, les versets de la Bible qui correspondent au développement du drame, et le chœur, avec accompagnement de musique sans doute, chante les répons. […] Voir, dans l’Histoire générale de la Musique religieuse, par M. 

405. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Il a dans la pensée un type de théâtre à lui, une scène idéale de magnificence et d’éclat, de poésie en vers, de style orné et rehaussé d’images, de passion et de fantaisie luxuriante, d’enchantement perpétuel et de féerie ; il y admet la convention, le masque, le chant, la cadence et la déclamation quand ce sont des vers, la décoration fréquente et renouvelée, un mélange brillant, grandiose, capricieux et animé, qui est le contraire de la réalité et de la prose : et le voilà obligé de juger des tragédies modernes qui ne ressemblent plus au Cid et qui se ressemblent toutes, des comédies applaudies du public, et qui ne lui semblent, à lui, que « des opéras-comiques en cinq actes, sans couplets et sans airs » ; ou bien de vrais opéras-comiques en vogue, « d’une musique agréable et légère, mais qui lui semble tourner trop au quadrille. » Il n’est pas de l’avis du public, et il est obligé dans ses jugements de compter avec le public. […] Un vrai couplet à mettre en musique par Mozart. — Théophile Gautier a dû à Grenade et à son ciel enchanté des heures de mélancolie, — « d’une mélancolie sereine bien différente de celle du nord. » Le poète plastique, tout occupé de « donner une fête à ses yeux », et leur recommandant de bien saisir chaque forme, chaque contour des tableaux qui se développaient devant eux et qu’ils ne reverraient peut-être plus, s’y révèle avec une vivacité de sentiment et d’émotion qui témoigne d’une organisation particulière.

406. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Thèses supplémentaires de Métrique et de Musique anciennes, de Grammaire et de Littérature, par M.  […] Voici le titre complet : Du Progrès intellectuel dans l’Humanité ; Supériorité des Arts modernes sur les Arts anciens : — Poésie, — Sculpture, — Peinture, — Musique — par M. 

407. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

On verrait, par exemple, que les races sauvages les plus basses ignorent la justice et la pitié ; qu’elles connaissent à peine certaines émotions esthétiques, comme celles de la musique ; que l’amour de la propriété se produit tard, et est, par conséquent, un sentiment ultérieur et dérivé. […] La musique, la poésie, l’éloquence ne peuvent se passer du rhythme, de la cadence, de variations dans le volume de la voix, le ton, etc.

408. (1886) De la littérature comparée

Il y a un état moral distinct pour chacune de ces formations et pour chacune de leurs branches ; il y en a un pour l’art en général et pour chaque sorte d’art ; pour l’architecture, pour la peinture, pour la sculpture, pour la musique, pour la poésie ; chacune a sa loi, et c’est en vertu de cette loi qu’on la voit se lever au hasard, à ce qu’il semble, et toute seule parmi les avortements de ses voisines, comme la peinture en Flandre et en Hollande au xviie  siècle, comme la poésie en Angleterre au xvie  siècle, comme la musique en Allemagne au xviiie  siècle.

409. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Mme de Bregy, une nièce du savant Saumaise, une précieuse des plus qualifiées, auteur d’un petit volume de pièces galantes, félicitant un jour Mme de Sablé sur son esprit à la fois et sur son potage qui était en renom, trouvait moyen de lui dire qu’elle quitterait volontiers tous les mets du plus magnifique repas de la Cour pour une assiettée de ce potage, à la condition de l’écouter tout en en mangeant ; cela est flatteur et spirituel, mais elle le lui écrivait en ces termes impossibles, dont je ne veux rien dérober : … Aujourduy la Rayne et Mme de Toscane vont à Saint-Clou don la naturelle bauté sera reausé de toute les musique possible et d’un repas manifique don je quiterois tous les gous pour une ecuele non pas de nantille, mes pour une de vostre potage ; rien n’étan si delisieus que d’an manger an vous ecoulan parler.

410. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

C’est la musique de notre pays !

411. (1930) Le roman français pp. 1-197

Les auteurs de nos jours, qui se plaisent aux syncopes du jazz, à la musique divisionniste, ne peuvent écrire comme ceux qui ne voyaient rien au-dessus, pour charmer leur sensibilité, de la musique « carrée » que goûtaient nos pères. […] Musique, peinture, littérature ? […] Il y a plus de trente ans, ne disait-il pas : « Je préfère lire la musique à la déchiffrer au piano. […] Pas d’art en effet plus international que la musique, dont le langage est universel. […] Un Européen par la grâce de la musique.

412. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Si obscurci que soit le principal de son œuvre, jamais il n’a cessé de passionner, et de redemander aux échos sa musique. […] Au confluent de l’art classique et de l’art romantique, la prose française trouve en lui, non seulement l’harmonie d’une musique, mais l’harmonie d’un équilibre. […] Ou plutôt, mettons-nous un peu de musique dans l’esprit. […] Camille Bellaigue faisait là-dessus, dans une récente conférence sur la Provence et la musique, d’excellentes réflexions.) […] Cette beauté grammaticale, il la distingue de celle du style, qui est une beauté d’ordre et de mouvement d’expression et d’harmonie, de peinture et de musique.

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