Elles ne manquent jamais, comme on sait.
Ce fort de Joux, où Mirabeau écrivait ses lettres brûlantes à Sophie, ne manquait pas, on le voit, en son beau temps, de tragédies d’amour.
Sur l’accélération du jeu des cellules corticales De Quincey, Confessions of an Opium-Eater, p. 83 : « Une proche parente me conta un jour que, dans son enfance, étant tombée dans une rivière et ayant manqué périr, elle revit en un moment sa vie entière déployée et rangée devant elle simultanément comme dans un miroir, et qu’elle se trouva la faculté également soudaine d’embrasser ensemble le tout et chaque partie. » De Quincey et divers buveurs d’opium ont constaté sur eux-mêmes cette faculté de vivre mentalement, pendant un rêve de quelques minutes, une vie de plusieurs années et de plusieurs centaines d’années.
Sainte-Beuve Je concevrais plutôt encore une indignation réelle, sincère, ardente, souvent injuste, une vraie Némésis ; mais ces guêpes, si acérées qu’elles soient d’esprit, pourtant sans passion aucune, ces guêpes-là ne peuvent aller longtemps sans se manquer à elles-mêmes.
M. de Laprade possède au plus haut degré ce qui manque trop à des poètes de ce temps, distingués, mais courts ; il a l’abondance, l’harmonie, le fleuve de l’expression ; il est en vers comme un Ballanche plus clair et sans bégayement, comme un Jouffroy qui aurait reçu le verbe de poésie.
Louis de Saint-Jacques En effet, non seulement le rythme de M. de Bouhélier manque d’assurance, mais encore, parfois, il ne lui appartient pas.
Une chose qui paroîtra inconcevable, c'est qu'on lui ait reproché de manquer d'onction & de sentiment.
La Fontaine ne manque pas ces nuances, qui marquent les caractères et les passions.
Bossuet manquent d’onction, on les lit avec fruit, parce qu’ils sont pleins d’idées élevées, & que la Religion y est toujours peinte en grand.
avec un peu de délicatesse le peintre eût senti qu’elle manquait son but, si je le devine.
Il y a là quelque chose qui manque. […] Il y manque bien quelque chose. […] Cela manque un peu au livre de M. […] Il manque quelque chose, il manque tout. […] Il manque quelque chose.
Peut-elle manquer de ce vraisemblable plus recommandé que le vrai, soit à l’égard des actions des dieux, soit relatif à celles des hommes ? […] Ce n’est donc pas ici la grandeur du fait qui manquait au poète pour surpasser l’Iliade, mais un poète tel qu’Homère qui manquait à la grandeur du fait. […] Les littérateurs qui jugent de ces matières d’après leurs impressions, et non sur les principes, n’ont pas manqué de la mettre au-dessus de tout, par la raison même qui condamne son action. […] L’auteur ne manque pas de s’en appuyer : « Qui sauva les vaisseaux de la fureur des feux ? […] Ce poème, où deux sortes de merveilleux manquent totalement, est en conséquence le plus faible des modèles.
C’est un certain degré de sens artistique qui leur manquait. […] J’en suis pour le moment à indiquer seulement qu’ils ne manquaient pas de logique. […] Il fallait bien qu’il y eût quelqu’un là et ce n’était pas de trop que ce fût Davout qui y restât ; mais il manqua à Waterloo. […] Et enfin ce qui a le plus manqué à Napoléon en 1815, c’est Berthier. […] Une bonne et complète biographie de ce héros de roman et une analyse claire des idées de ce penseur nous manquaient.
C’est à quoi au moins Platon n’a pas manqué. […] Il lui manque presque complètement, complètement peut-être, une chose très considérable ; c’est la bonté. […] Et ce sont ainsi des ouvrages qui manquent tous leurs buts et principalement celui de moraliser. […] La mollesse, l’intempérance, la licence, lorsqu’il ne leur manque rien, voilà la vertu et le bonheur. […] Elle crée son droit dès qu’elle en a l’idée, puisqu’il ne lui manquait que d’en avoir l’idée pour le posséder.
Il suit de là que tous les excitants extérieurs pourraient manquer ; si, en leur absence, le nerf entrait de lui-même en action, nous aurions la même sensation en leur absence qu’en leur présence. — Et de fait, c’est ce qui arrive ; nous éprouvons, sans leur concours, une quantité de sensations, qu’on appelle subjectives ou consécutives. […] Lorsque le reste de l’encéphale manque, elle agit encore, et le cri se produit, sans qu’une sensation l’ait provoqué. — Au contraire, conservons de l’encéphale non seulement le bulbe rachidien, mais encore la partie suivante, la protubérance annulaire dans laquelle passent les faisceaux du bulbe. […] Par une autre conséquence, les instincts manquent ; car les instincts sont constitués par des groupes d’images dont l’association est innée. […] À l’autopsie, on trouva une quantité de sérosité qui avait remplacé l’hémisphère droit ; la substance cérébrale de ce côté avait disparu134 ». — Non seulement un hémisphère supplée l’autre, mais une province quelconque du cerveau, pourvu qu’elle soit assez grande supplée l’autre ; la preuve en est qu’une province quelconque peut manquer sans qu’aucune des facultés de l’esprit fasse défaut135. […] De ce mouvement moléculaire dépendent les événements que nous rapportons à notre personne ; s’il est donné, ils sont donnés ; s’il manque, ils manquent.
Le mal est présent à tout pour protester… Le bien a l’unité, le mal a l’ubiquité. » Cette antithèse philosophique ne pouvait manquer d’inspirer à Hugo une série d’antithèses poétiques qui en sont l’expression figurée, depuis la « profondeur morne du gouffre bleu », l’identification du ciel et de l’abîme, jusqu’aux oppositions perpétuelles de l’ombre et de la lumière126. […] qu’est-ce donc, se demande Hugo, que ce « grand inconnu » qui fait croître un germe malgré le roc, qui tenant, maniant, mêlant les vents et les ondes, Pour faire ce qui vit prenant ce qui n’est Maître des infinis, a tous les superflus, Et, qui, — puisqu’il permet la faute, la misère, Le mal, — semble parfois manquer du nécessaire 128 ? […] nécessairement substantiel, puisqu’il est infini, et que, si la matière lui manquait, il serait borné là ; nécessairement intelligent, puisqu’il est infini, et que, si l’intelligence lui manquait, il serait fini là ? […] Les disciples de Kant n’ont pas manqué de faire observer que Victor Hugo pose le problème exactement à leur manière. […] Mais, tout en s’imaginant que la société future reconnaîtra, sous une forme ou sous une autre, le droit au travail, Hugo avoue que cette réforme est une des « dernières et des plus délicates à entreprendre. » — Ajoutons que le manque de travail, loin d’être le facteur essentiel de la misère, n’y entre que comme un élément minime, un dixième environ ; parmi les assistés de tous pays, dix pour cent seulement le sont pour cause de chômage.
Si l’émotion passionnée manque souvent à la poésie, la sublime émotion des idées ne fait pas moins défaut à la musique. […] Les amours et les haines de ces gens-là n’ont pas de réalité, parce que la grandeur manque. […] Ceux qui écrivent sur Ryner le connaissent personnellement sans doute et manquent de perspective pour l’analyser. […] Chandelles sans lustre, auxquelles les auteurs de ce livre veulent reconnaître tant de vertus — de vertus… qui en vérité vous manquent. […] Cette humanité nombreuse a rêvé ce qui lui a le plus manqué.
Les productions antérieures dont Virgile a profité dans sa Didon manquent trop de cet ensemble et de cette conduite qui ménage en tout point le charme ; ce n’est pas à dire qu’elles ne méritent pas d’être plus connues, et de vivre dans la mémoire plus près du chef-d’œuvre auquel elles ont puissamment aidé. […] Ce qui paraît y manquer principalement, c’est l’unité du sujet, c’est un intérêt général, actif, continu, concentré. […] Ovide, qui déjà n’était plus à tant d’égards qu’un bel-esprit moderne, a omis ou manqué tant de traits heureux dans la Médée de ses Métamorphoses, ne conservant que ce qui prêtait à de certains contrastes et cliquetis de pensée. […] Et plus tard, dès qu’elle est satisfaite et guérie, il se peut même, si la femme n’a pas en elle d’aimables sentiments accessoires, si avec de la passion elle manque de sensibilité proprement dite (ce qui s’est vu quelquefois), — il se peut qu’elle ne vous reconnaisse plus et qu’elle traite comme moins qu’un homme celui qu’elle avait mis tout à l’heure au-dessus d’un Dieu.
Certainement elle ne pouvait lui venir que des anciennes traditions asiatiques qu’il avait recueillies dans ses études théurgiques, et les livres sacrés des Indiens présentent un bon commentaire de ce texte, puisqu’on y lit que, sept jeunes vierges s’étant rassemblées pour célébrer la venue de Chrîschna, qui est l’Apollon indien, le dieu apparut tout à coup au milieu d’elles et leur proposa de danser ; mais que, ces vierges s’étant excusées sur ce qu’elles manquaient de danseurs, le dieu y pourvut en se divisant lui-même, de manière que chaque fille eut son Chrîschna. […] Peut-être tu ne sauras pas me lire couramment, mais tu ne manqueras pas de gens qui t’aideront à déchiffrer l’écriture de ton vieux papa. […] Le temps ne pouvait manquer de les justifier. […] Il ne lui manque, en religion et en politique, qu’une chose : le sérieux, qui est la dignité des convictions ; il procède trop souvent, comme le caprice, par sauts et par bonds.
Les échelons manquent dans cette littérature ; le siècle littéraire d’Auguste est un sommet entouré de vide. […] Mais, si la taille vous manque, l’embonpoint ne vous manque pas. […] Voltaire, à quatre-vingt-trois ans, adressa à l’ombre d’Horace une de ses plus juvéniles épîtres ; il ne manqua à ces vers que l’accompagnement du murmure des Cascatelles de Tivoli, qui mouillaient de leur écume les tablettes du poète latin quand il écrivait d’une main si légère ses propres épîtres badines à Mécène.
L’insurrection comme principe devait revenir sur le pays qui l’avait lancée ; cela ne manqua pas. […] XIX Sauf les rares exceptions qui tranchent et qui souffrent partout de la pression générale dans une atmosphère inférieure, exceptions d’autant plus respectables qu’elles sont plus nombreuses dans l’individu, voilà l’Américain du Nord, voilà l’air du pays : « l’orgueil de ce qui lui manque ! […] À sa longue chevelure, à son col découvert, à l’indépendance de ses manières, à la mâle élégance qui le caractérisait, vous n’eussiez pas manqué de dire : Cet homme n’a pas vécu longtemps dans la vieille Europe ; notre civilisation, mère de la politesse affectée qui s’est répandue des cours dans les villes et des villes dans les villages, substituant de vains symboles à des sentiments réels, ne l’a pas marqué de son empreinte vulgaire. […] Les voyageurs n’ont pas manqué d’interpréter comme indice de paresse, de stupidité, d’apathie, ce silence né de l’orgueil le plus hautain.
Et l’on se met à regretter ce qui manque à Saint-Victor ; on en ferait un si joli ami, de ce garçon à l’expansion de cœur auquel on n’arrive jamais, quand même on est arrivé à sa plus entière expansion d’esprit, de ce garçon qui, après trois ans de relations d’amitié, a des glaces subites et des froideurs de poignées de main comme pour un inconnu. […] Pélissier ayant en mémoire l’assaut manqué du 18 juillet, se refusa à donner l’assaut demandé par l’Empereur. […] Et devant cette jeune femme, tendrement penchée sur cette horrible et breneuse mégère qui l’injurie, je pense, comme on penserait à un goujat en goguette, à ce Béranger, à cet auteur qui a trouvé drolichon de faire entrer au paradis une sœur de charité et une fille d’Opéra, avec des états de service se valant à ses yeux… Oui, il a toujours manqué aux ennemis du catholicisme, un certain sens respectueux de la femme propre, manque qui est la marque et le caractère des gens de mauvaise compagnie, et le grand patron de la confrérie, M. de Voltaire, voulant faire un poème ordurier, a été nécessairement choisir comme héroïne Jeanne d’Arc : la Sainte de la patrie.
Je parle, par exemple, du japonisme, et ils ne croient exister de cet art, que quelques bibelots ridicules, qu’on leur a dit être le comble du mauvais goût et du manque de dessin. […] Nous nous asseyons sur un canapé du salon, et il me raconte ses troubles de la vue. « Oui, dit-il, avec la voix gémissante des personnes très faibles, oui, dans ce que je lisais, c’était comme s’il y avait des manques… tenez… ainsi que les trous que fait dans une feuille de papier, un coup de fusil chargé à plomb… J’ai averti le médecin… ça pouvait être, n’est-ce pas, l’effet de la digitale… il a changé le régime… ça a été mieux… mais un jour que j’avais été peindre une étude ici, tout près… il faisait un temps comme aujourd’hui… tout à coup il m’a semblé voir des nuages de mouches… mais vous avez été en Angleterre, vous avez vu un certain brouillard noir, qu’il fait là… Eh bien, c’était ça dans mes yeux… Ah ! […] Alors, je l’ai vu, le pauvre cher ami, et jamais je n’ai vu la mort jouer le sommeil et un sommeil aussi souriant : un sommeil auquel il ne manquait pour vous tromper, que le soulèvement et l’abaissement de la poitrine sous le drap. […] Jour des Trépassés Comme chez la plupart des hommes et des femmes, que je vois s’aimer, il manque ce lien inexprimable de la liaison d’esprit, qu’il y avait entre mon frère et moi ; et comme ces tendresses de la chair, toutes passionnées qu’elles soient, sont inférieures à ce qui nous unissait.
Il leur fallut un comédien Qui mît à les polir sa gloire et son étude ; Mais, Molière, à ta gloire il ne manquerait rien, Si, parmi les défauts que tu peignis si bien, Tu les avais repris de leur ingratitude. […] Mais on ose dire que Plaute n’a point assez profité de cette situation, il ne l’a inventée que pour la manquer ; que l’on en juge par ce trait seul : l’amant de la fille ne paraît que dans cette scène ; il vient sans être annoncé ni préparé, et la fille elle-même n’y paraît point du tout. […] Il ne manquait à cette société de grands hommes que le seul Racine, afin que tout ce qu’il y eut jamais de plus excellent au théâtre se fût réuni pour servir un roi, qui méritait d’être servi par de tels hommes. […] Il est rapporté dans Vittorio Siri, qu’on n’avait pas manqué, à la naissance de Louis XIV, de faire tenir un astrologue dans un cabinet voisin de celui où la reine accouchait.
Ce sont là de ces traits un peu trop appuyés, qui font rire aux dépens des gouvernements les gens mêmes qui sont le plus en peine quand les gouvernements viennent à leur manquer. […] Ce qui y manque peut-être en éveil et en sagacité ne serait bien sensible que si l’on voyait cette même méthode appliquée à une histoire toute moderne.
Je n’ai pas à continuer l’analyse du roman de Marianne : c’est un de ces livres que le lecteur, pas plus que l’auteur, n’est pressé d’achever ; il s’y sent un manque de passion qui désintéresse au fond et qui refroidit. […] Je pourrais m’étendre sur plus d’une pièce de Marivaux, car la diversité n’y manque pas.
Il manquait encore, malgré tout, une énorme somme : « Et de cela furent extrêmement joyeux, nous dit Villehardouin, ceux qui ne voulaient rien y mettre ; car maintenant ils pensaient bien que l’armée devrait se rompre. » Le fait est qu’à tout moment on aperçoit dans le récit de Villehardouin le regret d’une partie des croisés de s’être engagés si légèrement dans une si rude entreprise et le désir de la faire échouer. Les prétextes, en apparence honorables, ne manquaient pas.
Les mortifications de divers genres ne manquèrent point à Mme de Grammont en ces années. […] Il ne manque pas d’ajouter que « la lèpre de l’orgueil, de l’amour-propre et de toutes les autres passions de l’esprit, si nous n’étions point aveugles, nous paraîtrait bien plus horrible et plus contagieuse ».
Sanchez n’aurait pas cherché ailleurs les principes qui lui manquaient. […] Vicq d’Azyr, enlevé avant l’âge, manqua à cette fondation et à cette renaissance complète sous le Consulat, ou plutôt on peut dire qu’il y assista encore dans la personne de ses amis et confrères survivants, nourris du même esprit, les Thouret et les Fourcroy.
On l’aimait parce qu’il ne lui échappait jamais rien contre personne ; qu’il était doux, complaisant, sûr dans le commerce, fort honnête homme, obligeant, honorable ; mais d’ailleurs si plat, si fade, si grand admirateur de riens, pourvu que ces riens tinssent au roi, ou aux gens en place ou en faveur ; si bas adulateur des mêmes, et, depuis qu’il s’éleva, si bouffi d’orgueil et de fadaises, sans toutefois manquer à personne, ni être moins bas, si occupé de faire entendre et valoir ses prétendues distinctions, qu’on ne pouvait s’empêcher d’en rire. […] Tout cela n’était pas si ridicule, et Duclos, le mordant esprit, parle ici de cette institution, trop tôt déchue, d’un ton reconnaissant, — Enfin, c’était aussi une idée d’homme de lettres chez Dangeau que de tenir registre chaque soir de tout ce qu’il avait vu dans la journée, sans y manquer jamais, et en comblant soigneusement les lacunes quand il faisait de rares absences.
M. de La Chapelle (l’auteur des Amours de Catulle), qui était chargé de lui répondre, lui dit : « Il manque quelque chose à votre gloire et à celle de l’Académie : la fortune devait mettre en ma place Cicéron pour répondre à César. » — « Nous avons vu des lettres de vous, disait-il encore, que les Sarazin et les Voiture n’eussent pas désavouées. » Je n’ai pas vu de ces lettres, mais les dépêches de Villars, et les pièces dont les extraits forment le tissu de ses Mémoires, justifient pour nous suffisamment cette ambition qu’il eut de vouloir joindre à tant de palmes les titres de l’esprit6. […] Il a paru résulter de cet acte assez grossièrement dressé, et où manquent les noms du père et de la mère, que l’enfant avait atteint l’âge de trois semaines lors du baptême, ce qui reporterait la naissance de Villars à la date du 3 mai environ.
On a ensuite, il est vrai, l’admirable seconde guerre punique, les guerres de Macédoine et la première guerre d’Asie ; mais tout ce qui suit et ce qui eût été d’un si haut intérêt, manque, les luttes de Marius et de Sylla, la rivalité de Pompée et de César, la vraie histoire politique réelle, ces époques récentes que Tite-Live savait dans leur esprit et dans leur détail par les mémoires du temps, par les récits d’une tradition prochaine, par cette transmission animée et vivante qui est comme un souffle fécondant. […] Si l’impression qui en reste est celle de la force, la qualité qui jusqu’ici lui a le plus manqué est la douceur, la grâce : un des derniers articles qu’il a écrits, et qui a pour sujet ou pour prétexte La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette, montre pourtant qu’il sait toucher, quand il le veut, les cordes délicates et qu’il a en lui bien des tons.
Ce qui manqua, en effet, à Marolles doué d’une grande facilité et de dispositions vagues pour les lettres, ce fut précisément un maître digne de ce nom, qui lui transmît quelque chose des fortes habitudes et de la méthode du xvie siècle, et lui apprît à étudier les anciens avec précision, ou qui du moins l’avertît des dangers du trop de sans-gêne avec eux. […] Il y avait encore, disait-il, à voir les titres du grand cabinet, ceux du trésor de l’hôtel de Nevers, et enfin une table générale devenait indispensable pour ces derniers inventaires ; on lui demanda ce nouvel effort, et il s’y mit : « L’affection que j’ai toujours eue pour cette princesse ne m’a rien fait trouver de difficile ni d’ennuyeux, où il s’agissait de son service, et puis j’étais bien aise d’avancer toujours dans ma curiosité, pour y faire de nouvelles conquêtes quand l’occasion s’en offrait. » Depuis qu’il eut son logement en ce lieu d’honneur et d’étude, il semble qu’il ne lui manquait plus rien.
Après sa fuite de Motiers, après sa tentative manquée d’établissement en Angleterre, revenu en France, réfugié pendant quelque temps à Trie sous la protection du prince de Conti, il s’alarme, il se figure que la main du maître est insuffisante à le soutenir contre le mauvais vouloir des subalternes ; déjà il lit dans la contenance des habitants que la conjuration tramée contre lui opère : ce ne sont qu’allées et venues souterraines ; que va-t-il sortir des conseils caverneux de ces taupes ? […] Monsieur, cela n’y fait rien ; je prendrai tout de même… » — « Non, monsieur, je n’ai pas l’habitude de livrer de la musique en cet état ; j’ai voulu vous donner cette explication, car je ne manque jamais à ma parole. » — « Mais, monsieur… » — « Non, monsieur ; je vous demande seulement quelques jours pour refaire la copie. » Le jeune homme avait peine à sortir : Rousseau lui-même s’oublie ; la conversation se renoue et s’engage. « Jeune homme, à quoi vous destinez-vous ?
Il n’y a d’un peu engageant vraiment que le début ; il y montre avec esprit (ce n’est pas ce qui y manque), et en se faisant plus neuf, plus ingénu qu’il ne l’a jamais été, ses étonnements, ses premiers faux pas dès son entrée dans la vie parisienne sous les auspices de M. […] Je ne prends pas à la lettre tout ce qu’il fait semblant d’être dans son livre ; il se donne comme le plus désappointé des hommes ; selon lui, il aurait tout manqué dans sa carrière, et il n’aurait recueilli qu’ingratitude et mécomptes : littérateur, on ne lui aurait pas su gré des services qu’il aurait rendus à la société à une certaine heure ; on lui aurait fait mainte promesse qu’on n’aurait pas tenue ; homme de province et propriétaire, il n’aurait eu qu’ennuis dans l’exercice de ses honneurs municipaux ou communaux ; homme de qualité (il ne l’oublie jamais), comme il n’allait qu’en fiacre dans les soirées du noble faubourg, les laquais souriaient d’un certain air en le voyant traverser l’antichambre et lui demandaient à la sortie sous quel nom il fallait appeler ses gens.
Ce qui caractérise le Discours de la montagne et les autres paroles et paraboles de Jésus, ce n’est pas cette charité qui se rapporte uniquement à l’équité et à la stricte justice et à laquelle on arrive avec un cœur sain et un esprit droit, c’est quelque chose d’inconnu à la chair et au sang et à la seule raison, c’est une sorte d’ivresse innocente et pure, échappant à la règle et supérieure à la loi, saintement imprévoyante, étrangère à tout calcul, à toute prévision positive, confiante sans réserve en Celui qui voit et qui sait tout, et comptant, pour récompense dernière, sur l’avènement de ce royaume de Dieu dont les promesses ne sauraient manquer : « Et moi je vous dis de ne point résister au mal que l’on veut vous faire : mais si quelqu’un vous a frappé sur la joue droite, présentez-lui encore l’autre. […] C’est à l’histoire à raconter ce développement, à le constater partout où cela est possible, à le deviner et à le conjecturer avec sagacité et prudence là où les témoignages directs manquent et sont interrompus.
On s’aperçoit à cet endroit qu’il manque au livre de M. […] A d’autres endroits on regrette aussi le manque d’un lexique final, dans lequel les mots étranges qu’on rencontre pour la première fois seraient définis et expliqués avec précision.
Après lui, après les deux disciples qu’on ne sépare guère de lui, on n’a que de rares idylles : Méléagre en a fait une sur le Printemps, et qui, dans sa brièveté, mérite d’être comptée à sa date pour le très-vif sentiment de la nature, qui s’y peint en chaque vers ; mais ce n’est qu’un cadre, il y manque les personnages. […] On ne voit agir, en fait de divinités, que Pan et les Nymphes : on n’en nomme guère d’autres, et on voit en même temps que ces divinités suffisent aux besoins des bergers. » — « Et cependant, ajoutait Goethe, obéissant a la suggestion de son interlocuteur et continuant la pensée d’Eckermann ou plutôt la sienne propre, cependant, avec toute cette mesure, là se développe un monde tout entier : nous voyons des bergers de toute nature, des laboureurs, des jardiniers, des vendangeurs, des mariniers, des voleurs, des soldats, de nobles citadins, des grands seigneurs et des esclaves. » C’est tout ce dialogue qui manque, pour le dire en passant, dans la page de préface ajoutée à ta présente édition, où elle fait d’ailleurs une si digne et si magistrale figure.
Un poète le premier, Alfred de Musset, s’avisa qu’on avait trop chanté sur cette corde, et le cruel enfant, dès les premiers couplets de Mardoche, ne manqua pas de nous montrée son héros prenant, comme de juste, le rebours de l’opinion, et aimant mieux la Porte et le sultan Mahmoud Que la chrétienne Smyrne, et ce bon peuple hellène, Dont les flots ont rougi la mer Hellespontienne, Et taché de leur sang tes marbres, ô Paros ! […] Il a très bien fait voir que les hommes d’État véritables ont trop manqué à la régénération de ce pays.
Celui-ci, interpellé soudainement sur un sujet aussi délicat, répondit avec un peu d’embarras qu’aucune instruction de sa Cour ne l’autorisait à traiter d’un mariage entre une princesse de Naples et le fils de l’Impératrice : « Il ne pouvait donc soumettre à la reine que ses opinions personnelles ; il lui semblait que, dans l’intérêt de sa maison et de ses peuples, elle devrait favoriser une semblable union ; Eugène de Beauharnais avait toute l’affection de l’Empereur, et de grandes destinées semblaient promises à ce jeune homme. » La reine demeura quelque temps sans répondre : un sourire amer parut un moment sur ses lèvres ; elle semblait agitée intérieurement par des réflexions pénibles ; enfin elle rompit le silence et dit, comme avec effort, qu’elle n’avait aucune objection à élever contre la personne du jeune Beauharnais : « Mais il n’avait pas encore de rang dans le monde ; si, plus tard, la Providence l’élevait à la dignité de prince, les obstacles qui s’opposaient aujourd’hui à une pareille alliance pourraient être écartés. » Le moment une fois manqué ne revint pas. […] Lefebvre n’avait pas manqué de rendre compte à M.
Une note de l’auteur ne manqua pas de donner à deviner à quelle « auguste critique » il avait dû la correction de cette faute. […] » Ces dernières paroles produisirent, on peut le croire, une impression profonde sur l’assistance : rien ne manquait au dramatique ; Cousin était alors souffrant, pâle, affecté ou se croyant affecté de la poitrine, comme il convenait à un disciple du Phédon qui aspire à jouir le plus tôt possible de l’immortalité.
Si l’objet qui vous est cher vous est enlevé par la volonté de ceux dont elle dépend, vous pouvez ignorer à jamais ce que votre propre cœur aurait ressenti, si votre amour, en s’éteignant dans votre âme, vous eût fait éprouver ce qu’il y a de plus amer au monde, l’aridité de ses propres impressions ; il vous reste encore un souvenir sensible, seul bien des trois quarts de la vie ; je dirai plus, si c’est par des fautes réelles dont le regret occupe à jamais votre pensée, que vous croyez avoir manqué le but où tendait votre passion, votre vie est plus remplie, votre imagination a quelque chose où se prendre, et votre âme est moins flétrie que si, sans événements malheureux, sans obstacles insurmontables, sans démarches à se reprocher, la passion par cela seulement qu’elle est elle, eût, au bout d’un certain temps, décoloré la vie, après être retombée sur le cœur qui n’aurait pu la soutenir. […] Ces êtres seuls n’ont plus de droits à l’association mutuelle de misères et d’indulgence, qui, en se montrant sans pitié, ont effacé dans eux le sceau de la nature humaine : le remords d’avoir manqué à quelque principe de morale que ce soit, est l’ouvrage du raisonnement, ainsi que la morale elle-même ; mais le remords d’avoir bravé la pitié, doit poursuivre comme un sentiment personnel, comme un danger pour soi, comme une terreur dont on est l’objet ; on a une telle identité avec l’être qui souffre, que ceux qui parviennent à la détruire, acquièrent souvent une sorte de dureté pour eux-mêmes, qui sert encore, sous quelques rapports, à les priver de tout ce qu’ils pourraient attendre de la pitié des autres ; cependant, s’il en est temps encore, qu’ils sauvent un infortuné, qu’ils épargnent un ennemi vaincu, et, rentrés dans les liens de l’humanité, ils seront de nouveau sous sa sauvegarde.
Et ne croyez pas que le bon sens manque à travers ces airs habituels de courir les champs et de battre les buissons. […] Il existe une Histoire, en deux volumes, de la congrégation de l’Enfance, écrite par un avocat d’Avignon, Reboulet : ces volumes, qui ne manquent pas d’intérêt, ni même de quelque agrément de narration, sont malheureusement très peu sûrs, et on y a relevé tant d’inexactitudes et d’impossibilités, l’auteur dans sa Réponse s’est défendu si faiblement et s’est laissé voir, de son propre aveu, si léger, si peu scrupuleux en matière de critique historique, qu’on ne saurait guère les considérer que comme un roman, mais un roman théologique et dressé au profit des ennemis de l’Enfance.