Valéry Vernier, moi qui ne mêle point la politique à la littérature et qui ne trouve pas l’Italie de ces derniers temps grande dans autre chose que dans l’opéra et dans le ballet, je me permets de nier résolument le grand poète qu’on nous fait de Leopardi.
Louandre n’a été ni assez philosophe ni assez poète ; il a été de l’entre-deux, et c’est dommage… Car, s’il avait pris les choses seulement par le côté poétique, il aurait pu nous donner un livre où la science du chroniqueur et de l’antiquaire se serait mêlée à ce qui fait vivre les livres plus que la science elle-même : le style, la couleur, l’émotion !
Nous disions dernièrement à cette place que Napoléon III avait du Louis XI, mêlé à du François Ier ; mais le François Ier n’a pas encore son cortège, et ce n’est pas sa faute, à lui !
Les arts et les plaisirs d’Athènes, un peuple facile, un caractère brillant, les grâces jointes à la valeur, la volupté mêlée quelquefois à l’héroïsme, de grands hommes populaires, des lois qui dirigeaient plus la nature qu’elles ne la forçaient, enfin des vertus douces et des vices même tempérés par l’agrément, devaient plaire bien davantage à un genre d’esprit qui ordonnait tout, et préférait la grâce à la force.
Peut-être n’avons-nous d’Anacréon que ses poésies les plus durables, parce qu’elles étaient les plus vulgaires ; peut-être ont-elles été mêlées, dans les âges suivants, de quelques copies inférieures au modèle.
Dans tous les pays et dans tous les siècles, le solstice du printemps a mêlé ainsi, dans une solennité joyeuse, les espérances du mystique à l’allégresse de la nature. […] La mode s’en est mêlée et a failli tout gâter. […] Et ce mal serait encore supportable, presque doux, du moins très cher, s’il ne s’y mêlait pas d’ordinaire, chez ces adolescents imaginatifs, les troubles des sens et les peines du cœur. […] Il s’agit donc de la pelle avec laquelle on jetait en l’air le grain dépiqué, mais encore mêlé de balle… etc. ». […] Excusez-moi donc si je me mêle à la conversation, et permettez-moi un peu de pédantisme.
Enfin, on ne saura jamais si cet homme mystérieux soutenait un rôle (très noble et très innocent, d’ailleurs), ou s’il fut sincère, ni dans quelle mesure il le fut et ce qui se mêlait de gageure à sa sincérité ou de candeur à sa comédie. […] Et l’impression est d’autant plus voluptueuse qu’il s’y mêle un rien de mélancolie, l’idée que cette féerie est éphémère, que ce paradis ne sera plus, l’an prochain, qu’un champ de manœuvres, et que nous croirons avoir rêvé… Et les fontaines lumineuses ! […] Elle a toujours été pour nous le pays par excellence du luxe oriental, et aussi le pays des contes moraux, des bons vizirs qui se déguisent et se mêlent au peuple pour connaître ses besoins et pour porter remède aux misères et aux injustices cachées. […] Car ce qui exaspère les plaisirs ou les chagrins de la vanité, c’est d’être mêlé aux hommes qui estiment et qui poursuivent les mêmes biens que vous. […] Le petit soldat s’en mêle : il en trouve de drôles, le petit soldat.
« C’est vainement que, fier de la faveur de Vénus, tu peigneras ta chevelure et tu cadenceras les chants corrupteurs et les lâches accords qui séduisent l’oreille des femmes ; c’est vainement que tu te réfugieras dans les délices de ta couche contre les pesants javelots, contre les flèches à dards aigus des Crétois, le fracas de la mêlée et le cheval rapide d’Ajax. […] » La mélancolie de l’avenir, cette ombre qui sert à relever les courtes félicités du présent, fut-elle jamais plus inextricablement mêlée aux images de la volupté et de l’opulence ? […] « Chloé me possède tout entier maintenant, elle qui sait si habilement mêler les doux accords de sa voix à ceux de la lyre, elle pour laquelle je n’hésiterais pas à mourir si les destins consentaient, à ce prix, à épargner la sienne.
Les Normands, peuplades maritimes du Nord, conquérants d’une province française, de l’Angleterre et de la Sicile, se mêlent à ces débordements de barbares septentrionaux ou sarrasins, et s’établissent solidement dans la Campanie et dans Naples. […] Dans cette mêlée de races barbares greffées sur l’antique sol italien, dans cet amalgame de Grecs, Byzantins ou Campaniens, de Sicules, de Lombards, d’Étrusques, de Liguriens, de Vénètes, d’Allobroges, de Germains, de vieux Romains ayant oublié jusqu’aux noms de leurs ancêtres, gouvernés par un pontife dont la capitale est une Église sur le tombeau du pêcheur de Galilée ; dans cette confusion de la théocratie donnant des lois au temps au nom de l’éternité, d’aristocraties féodales comme Venise, de comptoirs souverains comme Gênes, d’ateliers républicains comme Florence, de monarchies aventurées et nomades comme le royaume de Naples, de tyrannies fortifiées dans des repaires de brigands plus ou moins policés et gouvernés par l’assassinat : Lucques, Pise, Bologne, Parme, Modène, Reggio, Ferrare, Ravenne, Milan, Padoue ; de cités municipales régies par des citoyens et envahies par des incursions de barbares des Alpes, telles que Turin et toutes les provinces cisalpines, sous les serres des comtes de Savoie, des marquis de Montferrat ou des châtelains du Tyrol, qui peut reconnaître l’Italie des Romains, celle des Scipions, l’Italie des Césars ? […] L’esprit de Joseph II et de Léopold, ses frères, les deux souverains les plus hardis contre les routines de gouvernement, respirait dans ses propres actes ; elle avait autant de philosophie et de hardiesse : plus puissante, elle aurait été la Catherine II du midi de l’Europe ; mais, fille de Marie-Thérèse, elle était reine avant tout, et, femme autant que reine, elle mêlait le goût du plaisir à celui de la domination.
On fit courir le bruit qu’un libraire impudent avait mêlé aux Lettres persanes des lettres qui n’étaient pas dans le manuscrit original, ce qui n’était pas exact le moins du monde. […] « Nos missionnaires, dit-il, nous parlent de la Chine comme d’un gouvernement admirable, qui mêle ensemble, dans son principe, la crainte, l’honneur et la vertu. […] Dieu seul sonne l’heure de l’introduction ou de l’application de ces vérités relatives, dans le gouvernement des différents groupes de ses créatures ; il y mêle sa providence et sa force ; et alors tout réussit.
Par l’audace et la simplicité de ses conceptions tragiques, par son intime connaissance des passions humaines, par son vers musical, par sa musique poétique, par l’invention d’une nouvelle forme mélodique qu’on a appelée la mélodie continue et qui fait que le chanteur chante sans avoir l’air de le faire exprès, par son merveilleux orchestre, qui joue à peu près le rôle du chœur dans la tragédie antique et qui, toujours mêlé à l’action, la corrobore, l’explique, en centuple l’intensité par des rappels analogues ou antithétiques à chaque passion du drame, Richard Wagner vous transportera extasiés dans un milieu inconnu, où le sujet dramatique, vous pénétrant avec une puissance incomparable par tous les sens à la fois, vous fera subir des émotions encore inéprouvées. […] En dépit de tout ce que les feuilletonnistes ont écrit, le peuple anglais a, pour Wagner, un haut respect mêlé d’une curiosité timide, et un grand désir de connaître ses œuvres. […] Mendès prend l’exemple du dernier mouvement de la 9e symphonie de Beethoven qui mêle texte et musique dans l’« Ode à la joie », alors que Wagner en parle plus tôt dans son texte.
Donc, pour moi, Wagner vaut mieux que le suffrage de ceux qui ne l’aiment qu’en Franconie, et je soutiens qu’en France on peut le goûter tout aussi bien qu’au-delà de nos frontières ; je ne veux qu’effleurer cette question de la politique que des passionnés, des intéressés ont mêlée à la question d’Art. […] Il est tout naturel, quand il se mêle d’insulter, qu’il le fasse comme un cuistre qu’il est. […] L’Indépendance Belge du 25 l’annonça ainsi : Le bruit qui se fait à Paris au sujet de Lohengrin commence à trouver de l’écho en Allemagne, et, comme on pouvait s’y attendre, au-delà comme en deçà du Rhin, la question patriotique se mêle à la question d’art … M.
L’anthropologie a démontré que dès la plus lointaine époque, les races sont mêlées et de types divers. […] Comme de juste, toutes ces variétés ont persisté, se sont mêlées et diversifiées, si bien qu’en cette nation, l’une cependant de celles que marquent encore certains caractères saillants, on trouve les types les plus différents, méridionaux et scandinaves, gens à tête d’Ibères et individus mongoloïdes. […] En général, la condition dans laquelle un artiste a vécu, les hasards auxquels il a été mêlé, la situation prospère ou infortunée de la nation à laquelle il a appartenu, l’état des mœurs, relâchées ou guerrières, rigides, pacifiques, luxueuses, austères, laisseront probablement dans son œuvre un reflet, une trace ; mais cette influence n’a rien de fixe ni de constant.
De plus en plus, l’écrivain est un homme d’action, mêlé à la vie quotidienne, et surtout, répétons-le, contraint par les nécessités de l’existence à gagner sa vie, en même temps qu’il fait son œuvre. […] Je trouve même que cette existence était plus brillante quand elle n’était pas aussi directement mêlée à la nôtre, quand la foule ne faisait que soupçonner les mystères des coulisses, sans les avoir encore approfondis ; quand les coulisses demeuraient, pour elle, les temples inaccessibles où se célébraient les rites secrets du théâtre. […] Je leur demande la permission de mêler leurs noms à ces souvenirs légers.
Pour offrir un verre d’eau à quelqu’un, ils diraient volontiers : Le suc délicieux exprimé du roseau Qui fond, en un instant, dans le cristal de l’eau, Et qu’on mêle au parfum du fruit des Hespérides, Peut-il porter le baume à vos lèvres arides ? […] Imiterons-nous cet ex-philosophe qui eut de la célébrité sous la restauration et un ministère sous le roi Louis-Philippe, et qui, comme Panurge, n’aimant pas les coups, lesquels il craint naturellement, se tient prudemment à l’écart sans oser se mêler au combat ? […] Qu’il s’y mêle hardiment, qu’il se baigne sans crainte dans les eaux fécondes de ces fleuves de régénération, il y trouvera des forces qu’il ne soupçonne pas et des vigueurs à soulever le monde.
On reconnaît dans les chefs et les soldats des guerres médiques les fils des héros de l’Iliade ; c’est une histoire tout épique, une chronique héroïque mêlée d’anecdotes qui en redoublent l’effet moral. […] Xénophon n’est pas un historien aussi profond ni aussi sévère que Thucydide ; il mêle à chaque instant la morale à l’histoire, leçon au récit, à tel point que Quintilien croit devoir le classer parmi les philosophes plutôt que parmi les historiens. […] L’histoire de notre pays avait été, jusqu’à notre siècle, à peu près réduite à l’histoire de la monarchie française, avec sa cour et sa noblesse ; le peuple y était oublié, n’ayant aucun rôle, pas même celui du chœur antique qui pouvait au moins mêler ses plaintes à l’action des personnages.
Fabrice qui n’a vu qu’un petit coin de la mêlée, voilà le héros que Polybe nous engage à ne pas imiter. […] Mêlée : un lad et un cocher roulent dans l’herbe, un uhlan choit de sa monture. […] On a lancé cette accusation brutale contre lui de bonne heure ; et la politique s’en mêla. […] Sous l’Empire libéral, ce fut la mêlée, où la voix la plus éclatante domine toutes les opinions. […] L’intérêt de la patrie avait disparu pour eux, par cela seul qu’ils le sentaient mêlé aux intérêts de l’Empereur.
On l’avait cru après ces trois premiers volumes du Journal mêlés de si jolies, de si scabreuses et de si insignifiantes choses. […] D’ailleurs, à ces duretés, tant de choses exquises se mêlent qui les font oublier ! […] Livré à la fantaisie de son inspiration journalière, à l’afflux mêlé de ses idées foisonnantes, à l’invention fortuite de ses images, il oscille de Bossuet à Bridaine. […] … Mais non ; ils imiteront les défauts séduisants de l’artiste brillant et mêlé. […] Des herbes drues, des brindilles se mêlent, et l’invasion de ces jeunes pousses semble figurer cette rapide expansion de la vie universelle qu’il admirait avec effroi.
Ils donneront à leurs personnages fictifs, un corps, des gestes, un visage : ils les mêleront ainsi que se mêlent les habitants d’une même cité. […] Il hésite ; son âme indécise contient tant d’anciens devoirs mêlés aux tentations de la vie. […] Mais laissons Nijinsky rejoindre sa troupe, s’y mêler, se soumettre comme tous les autres, à la discipline du maître de ballet. […] Et j’imagine que le peintre s’étonne de ce que le geste du maître de ballet qui les mêle, crée avec ces couleurs des rapports et des chatoiements imprévus. […] Et pour échapper à son tour à l’insuffisance de la tradition, combien de mètres divers ne mêlera pas le jeune Laforgue, dans les strophes fixes de ses Complaintes !
Celle-ci, née pour les affections, et qui les avait dû refouler jusque-là, orpheline dès l’enfance, n’ayant pas eu de mère et l’étant à son tour sans oser le paraître, amante heureuse mais troublée dans son aveu, du moment qu’elle rencontra un cœur de femme digne de l’entendre ; s’y abandonna pleinement, elle éclata : « Je vous aime comme ma mère, ma sœur, ma fille, enfin comme tout ce qu’on doit aimer. » De vifs regrets aussitôt, des retours presque douloureux s’y mêlèrent : « Hélas ! […] Non, messieurs, cela est impossible, et voici mes raisons : Mme de Ferriol servait de mère à Mlle Aïssé ; elle avait mêlé son éducation à celle de ses enfants. […] On trouve dans le Journal de Paris, du 28 novembre 1787, une lettre signée Villars qui reproche à l’éditeur d’avoir mêlé à sa publication des anecdotes défavorables à la famille Ferriol ; le témoignage de M. d’Argental, encore vivant, y est invoqué. […] , tout cela s’ajoute, se mêle, l’angoisse unique et déchirante, l’intérêt aimable et léger, un trait gracieux de bel-esprit célèbre, et un cœur d’amant qui se brise.
Cet éveil fut si puissant, que l’amertume de la victoire de l’étranger s’en adoucit un peu dans son cœur, et que le souvenir de cette époque lui est demeuré surtout comme celui d’une émancipation intellectuelle : « C’est pour cela, dit-il avec ce tour d’esprit qui est le sien et où le sérieux et la raillerie se mêlent, c’est pour cela que je n’ai jamais eu un grand fonds d’aigreur contre la Restauration ; je lui savais gré en quelque sorte de m’avoir donné les idées que j’employais contre elle. » Il faudrait se bien représenter ici la physionomie du monde où vivaient ses parents, une variété du grand monde, aimable, polie, distinguée de manières et de goût, mais fort tempérée d’idées, et sans mouvement à cet égard, sans initiative. […] Ils se flattaient d’interroger le pays indépendamment des partis ; les partis s’en mêlèrent et répondirent. […] Ou bien, si le critique se mêle une fois d’avoir ses talents d’auteur, oh ! […] Et pour ceux mêmes qui se mêlent ici de juger M. de Rémusat et de l’expliquer aux autres, un de leurs précieux titres pourrait bien être un jour s’ils avaient eu, à leur début, l’honneur d’être remarqués et publiquement recommandés par lui224.
Toutes les autres femmes de cette réunion de hasard avaient les unes envers les autres une froide indifférence mêlée de défiance. […] — Femmes innocentes, malheureuses et persécutées, dit en plaisantant Vautrin, d’ici à peu de jours je me mêlerai de vos affaires, et tout ira bien ! […] Mais la constante émanation de son âme sur les siens, cette essence nourrissante épandue à flots comme le soleil émet sa lumière ; mais sa nature intime, son attitude aux heures sereines, sa résignation aux heures nuageuses ; tous ces tournoiements de la vie où le caractère se déploie, tiennent, comme les effets du ciel, à des circonstances inattendues et fugitives qui ne se ressemblent entre elles que par le fond d’où elles détachent, et dont la peinture sera nécessairement mêlée aux événements de cette histoire ; véritable épopée domestique, aussi grande aux yeux du sage que le sont les tragédies aux yeux de la foule, et dont le récit vous attachera autant pour la part que j’y ai prise, que par sa similitude avec un grand nombre de destinées féminines. […] Au bout de trois heures, ma vie se mêlait à sa vie !
« — Je ne me serais pas, dit Adraste, proposé pour cette expédition : je sais trop bien qu’il ne faut pas qu’un malheureux tel que moi se mêle avec ceux de son âge qui n’ont encore connu que la prospérité. […] Sur terre, les deux armées se chargèrent mutuellement et se mêlèrent. […] Mais, quand ils eurent joint les Grecs et que la mêlée fut engagée, ils n’en firent pas plus que n’avaient fait les Mèdes, et eurent le même sort. […] Enfin, on ne peut se faire une juste idée de tout ce qui périt dans cette mêlée ; car les Lacédémoniens, instruits d’avance que les troupes avaient franchi les montagnes, leur portaient la mort, ne songeant plus à se ménager, et, pour ainsi dire, hors d’eux-mêmes, déployèrent des forces surnaturelles contre les barbares.
M. d’Haussonville a fait entendre à Dumas qu’il était à peu près un rien du tout, que sa jeunesse s’était passée au milieu des hétaïres, qu’il n’avait pas le droit de parler de Corneille : une exécution, où se mêlait le mépris de sa littérature au mépris d’un grand seigneur pour un croquant. […] Sur un mot un peu blasphématoire d’un convive, Saint-Victor est devenu soudainement furibond, et Charles Blanc est entré en épilepsie : le premier avec des éclats de voix auxquels se mêle presque la pleurnicherie de l’enfance, le second avec un espèce d’aboiement rauque et fêlé, qui fait craindre, à tout moment, qu’il ne vienne à s’étrangler. […] Je le retrouve, ainsi que je l’avais aperçu à l’enterrement de Roger de Beauvoir, je le retrouve avec son teint boucané, sa longue mèche de cheveux lui balafrant la figure, son élégance frelatée dans sa demi-toilette, mais en dépit de tout cela, il faut l’avouer, possédant une politesse de gentilhomme et des grâces de monsieur bien né, qui font contraste avec ce taudis, où se mêlent, se heurtent, se confondent avec des objets d’habillements et des chaussettes sales, des livres, des journaux, des revues. […] Une débauche de japonaiserie et de chinoiserie, qui dans la lassitude de la fin de la journée, et le vide de l’estomac à l’heure du dîner, vous donne le sentiment de vaguer dans un cauchemar, où toutes les matières précieuses se mêlent, où toutes les formes se confondent et s’accouplent, et où l’on se sent presque enlacé par une végétation exotique de jade, de porcelaine, de métal ciselé.
Enfin, si, comme il est vraisemblable, Platon a rendu plus fidèlement que Xénophon certains côtés du caractère de Socrate, celui-ci a dû souvent évoquer en souriant le signe divin et le mêler par ironie à des événements sans importance205 ; il a pu quelquefois présenter à ses amis les conseils réfléchis de sa prudence comme des avis mystérieux de la sagesse divine, afin d’éviter une discussion qui, malgré toute son habileté, eût risqué d’être moins persuasive206 ; sans doute aussi, il y avait une part d’ironie dans les rapprochements qu’il aimait à faire entre les grossiers procédés de divination de ses contemporains et le subtil oracle qu’il savait si bien interpréter. […] Nous venons de citer des exemples types : dans le premier, l’imagination domine évidemment ; dans les trois autres, la passion semble pure de tout mélange ; mais rarement la passion s’éveille sans éveiller en quelque mesure l’imagination ; la raison en est que rarement l’objet de la passion est purement intellectuel, c’est-à-dire d’ordre général, scientifique ou politique ; quand je n’ai d’autre société intérieure qu’une société abstraite, consistant dans des concepts que parcourt mon entendement, mêlés à des noms propres de personnages ou de pays que je ne connais que par ouï-dire et qui valent pour mon esprit des abstractions, alors je suis, à vrai dire, seul avec ma pensée, je n’ai point de société véritable, et, d’ordinaire, je reste calme228 ; l’émotion, presque toujours, me fait rentrer dans la vie réelle, dans la vie sociale ; ce qui m’émeut en joie ou en tristesse, c’est quelque objet concret de la nature, le plus souvent quelque personne humaine, dont mon souvenir reproduit l’image plus ou moins nette, et, avec cette image, le son spécifique. […] Je quitte cet ami ; si aucune cause de distraction ne survient, je me remémore quelque temps encore les parties les moins banales, les plus inattendues, de notre dialogue ; si la conversation a été brusquement interrompue avant que j’eusse épuisé tout ce que j’avais à lui dire, je la continue en moi-même ; je lui dis encore ceci, cela ; parfois, je mêle sa voix à la mienne ; et, si je suis à quelque degré un homme d’imagination, un véritable dialogue s’engage de nouveau entre nous ; mais le plus souvent, et bien naturellement, la conversation tourne au monologue, quand un des deux interlocuteurs est absent et ne peut réclamer son tour de parole. […] Mais c’est qu’alors la passion s’en mêle à quelque degré, et, si la volonté intervient, elle ne fait que servir d’appoint à la passion.
La mésaventure de ces cadavres ambulants doit instruire quiconque se mêle de versification. […] En 1843, il se rend à Zurich, où il se mêle aux socialistes. […] Son livre27, comme déjà la Mêlée Sociale qui parut l’an dernier, est une véritable encyclopédie des conflits actuels de l’espèce. […] L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme, La mêlée en hurlant grandit comme une flamme, La batterie anglaise écrasa nos carrés. […] Ils pensent que l’abolition des frontières, la mise au rancart du militarisme permettront à tous les hommes de se connaître mieux, de se mêler, d’échanger leurs arts, leurs idées et leurs produits librement.
une tête de toute la grandeur de la page, où sont les traits reconnaissables de la morte, apparaît dans une broussaille de cheveux mêlés de terre, avec d’inquiétants yeux de gnome, un nez qui n’est plus qu’un trou nasal, des dents noires aux gencives rongées par les vers. […] Des voleurs ont dérobé le chat en or, et la recherche de ce chat porte-bonheur par les anciens possesseurs, tombés dans la misère et la détresse, recherche mêlée à l’action d’une femme méchante nommée Karaïto, mêlée à l’organisation d’un complot et à quelques tueries, met mille incidents, mille complications dans ce roman où apparaît, çà et là l’élégante figure de Masago, la maîtresse de Yoritomo. […] L’officier met ses soldats à sa disposition pour rechercher sa femme et ses filles, recherche inutile et qui lui donne la croyance qu’elles ont été égorgées dans la mêlée. […] Donc en 1835 Hokousaï publia un premier album, bientôt suivi de deux autres, où la mythologie guerrière se mêle à l’histoire batailleuse des premières dynasties de la Chine et du Japon. […] Pour le noir antique, il faut y mêler du rouge ; pour le noir frais, c’est du bleu ; pour le noir mat, c’est du blanc ; pour le noir brillant, c’est une adjonction de colle ; pour le noir dans la lumière, il faut le refléter de gris.
C’est pour lui un plaisir mêlé d’horreur, mais tout de même un plaisir. […] à la crainte qu’il nous inspire se mêle une nuance de respect. […] La faculté de créer des symboles n’appartient qu’à l’imagination toute neuve, voisine des choses, presque mêlée avec elles et qui n’a pas encore distingué sa vie de leur vie. […] Nous n’entendons pas les cloches dans nos villes où leurs voix se perdent mêlées à tous les bruits que fait notre activité. […] Le monde où elle vit, la société qui l’entoure, les occupations où elle se mêle, tout cela lui vole un peu du bien qu’il convoite pour lui seul.
À cela il a été répondu, moins comme contradiction directe à ce que ces éloges avaient, liitérairement, de mérité, que comme correctif et au point de vue où la commission avait à juger l’ouvrage, qu’il ne paraissait point du tout certain que la peinture fidèle de ce vilain monde fût d’un effet moral aussi assuré ; que le personnage même le plus odieux de la pièce avait encore bien du charme ; que le personnage même le plus honnête, et qui fait le rôle de réparateur, était bien mêlé aux autres et en tenait encore pour la conduite et pour le ton ; que le goût du spectateur n’est pas toujours sain, que la curiosité est parfois singulière dans ses caprices, qu’on aime quelquefois à vérifier le mal qu’on vient de voir si spirituellement retracé et si vivant ; que, dans les ouvrages déjà anciens, ces sortes de peintures refroidies n’ont sans doute aucun inconvénient, et que ce n’est plus qu’un tableau de mœurs, mais que l’image très vive et très à nu, et en même temps si amusante, des vices contemporains, court risque de toucher autrement qu’il ne faudrait, et qu’il en peut sortir une contagion subtile, si un large courant de verve purifiante et saine ne circule à côté.
Il faut au moins un semblant, un masque de front austère, quand on se mêle de satire ; autrement c’est du cynique tout pur.
je suis appelé à parler sur la tombe d’un ami intime, j’écris ce discours le matin même de la cérémonie funèbre ; je le prononce devant des témoins amis et émus ; le Moniteur, où j’écrivais alors, insère le lendemain les paroles qui sont l’éloge du mort ; si d’autres feuilles, des journaux de médecine et de science les reproduisent, j’y suis totalement étranger et je n’ai eu nullement à m’en mêler : ces journaux n’ont vu dans mon Éloge funèbre que la mémoire du médecin, homme de bien, que j’y célébrais.
Soit qu’on lise, soit qu’on écrive, l’esprit fait un travail qui lui donne à chaque instant le sentiment de sa justesse ou de son étendue, et sans qu’aucune réflexion d’amour-propre, se mêle à cette jouissance, elle est réelle, comme le plaisir que trouve l’homme robuste dans l’exercice du corps proportionné à ses forces.
À Rousseau encore, Bernardin de Saint-Pierre a pris sa philosophie sociale, dont les effusions, mêlées sans cesse aux descriptions de la nature, font des Études un étonnant chaos.
Deux liqueurs sont mêlées dans la coupe de la vie, l’une douce et l’autre amère : mais outre l’amertume de la seconde, il y a encore la lie, que les deux liqueurs déposent également au fond du vase.
Je viens donc en son nom mêler à l’ivresse de votre victoire quelques réflexions salutaires et comme un suprême enseignement.
Et quoique les amours qui suivirent celui-là et se succédèrent les uns aux autres avec une précision et une rapidité presque militaires, fussent des amours plus passionnés, il ne faut jamais perdre de vue qu’ils étaient toujours plus ou moins des amours de bas-bleu, dans lesquels le galimatias philosophique et littéraire se mêlait sans cesse au galimatias involontaire de la passion.
Dupont-White, qui, avec son nom mêlé de français et d’anglais, est, dit-on, un Suisse, entend probablement, quand il dit l’État, la constitution politique d’une patrie, et, puisqu’il écrit en français et ne parle pas expressément de Genève, il entend par l’État la France.
Errant en Europe, venu en France, il se mêla un peu au journalisme, qui nous prend tous et qui nous dévore ; mais il retira son pied de ce gouffre, et dans la solitude d’une ville de province, où il donne noblement des leçons pour vivre, il put, quelques années après Les Hirondelles (1860), ces oiseaux bleus, publier son Pays bleu (1865), — une œuvre de tout autre aspect de génie, et qui, après le Juif, nous donnait l’Allemand.
Plein du sentiment religieux qui s’élève dans son cœur, il mêle sa voix à celle de la nature ; et du sommet d’une montagne, ou dans un vallon écarté, au bruit des fleuves et des torrents qui roulent à ses pieds, il chante une hymne en l’honneur de la divinité dont il éprouve la présence, et qui le fait exister et sentir.
Si quelqu’un veut éprouver toute l’indignation que la flatterie inspire ; s’il veut apprendre comment on ne laisse échapper aucune occasion de louer un homme puissant ; comment on s’extasie sur ses bonnes qualités, quand il en a ; comment on dissimule les mauvaises ; comment on exagère ce qui est commun ; comment on donne des motifs honnêtes à ce qui est vicieux ; comment on rabaisse avec art, ou sans art, les ennemis ou les rivaux ; comment on interrompt son récit par des exclamations qu’on veut rendre passionnées ; comment on se hâte de louer en abrégé, en annonçant que dans un autre ouvrage on louera plus en détail ; comment, et toujours dans le même but, on mêle à de grands événements, de petites anecdotes ; comment on érige son avilissement en culte ; comment on espère qu’un homme si utile et si grand, voudra bien avoir longtemps pitié de l’univers ; comment, enfin, dans un court espace, on trouve l’art d’épuiser toutes les formules, et tous les tours de la bassesse, il n’y a qu’à lire ces soixante pages, et surtout les vingt dernières.
Chaque père de famille s’occupait uniquement de ses affaires, sans se mêler de celles des autres, comme Polyphème le dit à Ulysse dans l’Odyssée.
» À ce dernier écho des fables païennes, mêlé d’une tristesse plus sérieuse, celle de l’esclavage, il est temps d’arrêter les souvenirs de la lyre antique, et de chercher ailleurs une autre inspiration.
La Fayette s’en impatiente et lui écrit tout naturellement : « Je vous l’avouerai en confidence, au milieu d’un pays étranger, mon amour-propre souffre de voir les Français bloqués à Rhode-Island, et le dépit que j’en ressens me porte à désirer qu’on opère. » Il y avait mêlé quelque première vivacité envers M. de Rochambeau, qu’il rétracte. […] Cette conciliation en soi est assez difficile, et La Fayette l’a assez bien atteinte pour qu’on ne puisse s’étonner que, la première jeunesse passée, il s’y soit mêlé chez lui un peu d’art, un art toujours noble. […] Tout cela ne lui donnait, à la vérité, la préférence de personne, mais lui assurait, suivant l’expression de madame de Staël, « les secondes voix de tout le monde. » Il a plus fait encore : il s’est emparé avec un art prodigieux des circonstances qui lui étaient contraires ; il a profité à son gré des anciens vices et des nouvelles passions de toutes les cours, de toutes les factions de l’Europe ; il s’est mêlé, par ses émissaires, à toutes les coalitions, à tous les complots dont la France ou lui-même pouvaient être l’objet ; au lieu de les divulguer ou de les arrêter, il a su les encourager, les faire aboutir utilement pour lui, hors de propos pour ses ennemis, les déjouant ainsi les uns par les autres, se faisant de toutes personnes et de toutes choses des instruments et des moyens d’agrandissement ou de pouvoir. […] Il est curieux de l’entendre en maint endroit ; un moraliste ne dirait pas autrement ni mieux : « Comme l’égoïsme public, écrit-il à madame de Tessé (Utrecht, 1799), se manifeste en poltronnerie pour ne pas faire le bien malgré les gouvernants, et en amour-propre pour ne le jamais faire avec eux, il en résulte que les hommes qui ont le pouvoir ne sont point intéressés à en faire un bon usage, et que tous les autres mettent leur prétention civique à ne se mêler de rien.. » Il observe avec beaucoup de finesse qu’on a tellement abusé des mots et perverti les idées, que la nation (à cette date de 1799) se croit anti-républicaine sans l’être ; il la compare toujours, dit-il, aux paysans de son département à qui on avait persuadé, jusqu’à ce qu’ils l’eussent entendu, qu’ils étaient aristocrates. […] « Vous parlerai-je du plaisir sans cesse renaissant que me donnait une confiance entière en elle, jamais exigée, reçue au bout de trois mois comme le premier jour, justifiée par une discrétion à toute épreuve, par une intelligence admirable de tous les sentiments, les besoins, les vœux de mon cœur ; et tout cela mêlé à un sentiment si tendre, à une opinion si exaltée, à un culte, si j’ose dire, si doux et si flatteur, surtout de la personne la plus parfaitement naturelle et sincère qui ait jamais existé ?